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CHAMBRE DU CONTENTIEUX
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Troisième section
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Arrêt n° S-2024-1612
Audience publique du 10 décembre 2024
Prononcé du 8 janvier 2025
Fondation
Assistance aux animaux
Affaire n° 874
République française,
Au nom du peuple français,
La Cour,
Vu la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (DDHC) du 26 août 1789, notamment
son article 8 ;
Vu le code civil ;
Vu le code des juridictions financières dans ses versions
antérieure et postérieure à l’entrée
en vigueur de l’ordonnance n°2022
-408 du 23 mars 2022 relative au régime de responsabilité
financière des gestionnaires publics et du décret n° 2022-1604 du 22 décembre 2022 relatif à
la chambre du contentieux de la Cou
r des comptes et à la Cour d’appel financière et modifiant
le code des juridictions financières ;
Vu le II de l’article 30 de l’ordonnance n° 2022
-408 du 23 mars 2022 relative au régime de
responsabilité financière des gestionnaires publics ;
Vu les II e
t III de l’article 11 du décret n° 2022
-1604 du 22 décembre 2022 relatif à la chambre
du contentieux de la Cour des comptes et à la Cour d’appel financière et modifiant le code des
juridictions financières ;
Vu la communication du 9 novembre 2021, enregistrée le 10 novembre 2021, par laquelle la
cinquième chambre de la Cour des comptes a déféré au ministère public près la Cour de
discipline budgétaire et financière (CDBF) des faits susceptibles de constituer des infractions
sanctionnées par cette juridiction ;
Vu le réquisitoire introductif du 10 mars 2022, par lequel la procureure générale près la Cour
des comptes alors ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière (CDBF)
a saisi la juridiction de cette affaire ;
Vu la décision du 23 mars 2022 par laquelle le président de la CDBF a désigné
M. Philippe HONOR, président de section de chambre régionale des comptes, en qualité de
rapporteur ;
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Vu le réquisitoire supplétif en date du 21 février 2023 par lequel le ministère public près la
Cour des comptes a saisi la chambre du contentieux de la Cour des comptes afin de lui
transmettre
cette même affaire en application des dispositions de l’ordonnance du
23 mars 2022 susvisée ;
Vu la décision du 10 mars 2023 par laquelle le président de la chambre du contentieux a
désigné M. Philippe HONOR, président de section de chambre régionale des comptes,
magistrat chargé de l’instruction
de l’affaire
;
Vu
les
ordonnances
de
mise
en
cause
de
Mme
X,
présidente
du
conseil
d’administration
de
la
fondation
Assistance
aux
animaux
et
de
M. Y,
directeur général de la même fondation, notifiées le 28 juin 2022 et le 17 mars 2023 aux
intéressés et au ministère public ;
Vu l’ordonnance de règlement rendue par le magistrat instructeur le 12 octobre 2023
;
Vu la dem
ande de complément d’instruction du
procureur général près la Cour des comptes
du 12 décembre 2023 ;
Vu la décision du 9 janvier 2024 par laquelle le président de la chambre du contentieux a
désigné M. Nicolas-Raphaël FOUQUE, premier conseiller de chambre régionale des comptes,
aux fins d
e procéder à ce complément d’instruction
;
Vu l’ordonnance de règlement
du 17 juin 2024 rendue par M. FOUQUE, notifiée le même jour
aux personnes mises en cause et au ministère public ;
Vu la communication, le 17 juin 2024, du dossier de la procédure au ministère public près la
Cour des comptes ;
Vu la décision du procureur général du 16 septembre 2024 de renvoyer
l’affaire
à fin de
jugement
devant
la
chambre
du
contentieux,
notifiée
à
Mme
X
et
à
M. Y le 19 septembre 2024 ;
Vu le mémoire produit le 18 novembre 2024 par M
e
Marc RICHER
dans l’intérêt de
Mme X ;
Vu le mémoire produit le 20 novembre 2024 par M
e
Régis FROGER
dans l’intérêt de
M. Y ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Entendu lors de l’audience publique du
10 décembre 2024, M. Serge BARICHARD, premier
avocat général, en sa présentation de la décision de renvoi et en les réquisitions du ministère
public,
Mme
X
et
M.
Y,
assistés
respectivement
de M
e
Régis FROGER et M
e
Marc RICHER, ayant eu la parole en dernier ;
Entendu en délibéré M. Marc SIMON, premier conseiller, réviseur, en ses observations ;
1. Mme
X,
présidente
de
la
fondation
Assistance
aux
animaux
et
M. Y,
directeur
général
de
ladite
fondation,
ont
été
renvoyés
devant
la Cour des comptes pour avoir engagé diverses dépenses pour le compte de la fondation
sans en avoir le pouvoir ou reçu délégation à cet effet. Ils sont ainsi susceptibles d’avoir
commis l’infraction définie à l’article L. 131
-13-3° du code des juridictions financières.
Sur la compétence de la Cour des comptes
2. En application du § I
de l’article L.
312-1 du code des juridictions financières dans sa
rédaction alors applicable, la Cour de discipline budgétaire et financière était compétente
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pour connaître des infractions susceptibles d’avoir été commises dans l’exercice de leurs
fonctions par
« tout représentant, administrateur ou agent des autres organismes qui sont
soumis […] au contrôle de la Cour des comptes […]
»
. La fondation
Assistance aux
animaux
tirant la majorité de ses ressources de la générosité du public, la Cour des
comptes est compétente pour la contrôler, sur le fondement des articles L. 111-9 et L. 111-
10 du code des juridictions financières. Il en résulte que ses dirigeants étaient justiciables
de la Cour de discipline budgétaire et financière.
3.
En application de l’article L. 131
-1 du même code, en vigueur à compter du
1
er
janvier 2023,
«
est justiciable de la Cour des comptes […] 3° Tout représentant,
administrateur, ou agent des autres organismes qui sont soumis au contrôle de la Cour des
comptes […]
».
Ainsi, il résulte de ces deux dispositions successives, rédigées en des
termes identiques, que les dirigeants de la fondation sont justiciables de la Cour des
comptes.
4. Mme
X
et
M.
Y
sont
justiciables
de
la
Cour
des comptes y compris pour les faits antérieurs à l’entrée en vigueur de l’ordonnance du
23 mars 2022 susvisée, dans la limite de la prescription.
Sur la prescription
5.
L’article L.
314-2 du code des juridictions financières, applicable à la date du déféré,
disposait que
« la Cour
ne peut être saisie par le ministère public après l’expiration d’un
délai de cinq années révolues à compter du jour où a été commis le fait de nature à donner
lieu à l’application des sanctions
prévues par le présent titre. L’enregistrement du déféré au
ministère public, le réquisitoire introductif ou supplétif, la mise en cause telle que prévue à
l’article L. 314
-5, le procès-
verbal d’audition des personnes mises en cause ou des témoins,
le dépôt du rapport du rapporteur, la décision de poursuivre et la décision de renvoi
interrompent la prescription prévue à l’alinéa précédent
»
.
6.
Si les règles de prescription sont des règles d’application immédiate, y compris sur des
faits antérieurs, la nouve
lle disposition codifiée à l’article L.
142-1-3 du code des juridictions
financières, qui dispose que
« la Cour des comptes ne peut être saisie par le ministère
public après l’expiration d’un délai de cinq années révolues à compter du jour où
a été
commis le fait susceptible de constituer une infraction au sens de la section 2 du chapitre
Ier du titre III du présent livre »,
applicable à compter du 1
er
janvier 2023, ne modifie ni la
durée de prescription ni ses actes interruptifs.
7. Il en résulte que le déféré ayant été enregistré au ministère public près la CDBF le
10 novembre 2021, les faits postérieurs au 10 novembre 2016 ne sont pas prescrits.
Sur
les infractions relatives à l’engagement des dépenses par une personne non
habilitée
Sur les textes applicables
8.
Selon les dispositions de l’article L.
313-3 du code des juridictions financières applicable
jusqu’au 31 décembre 2022
:
« Toute personne visée à l 'article L. 312-1 qui aura engagé
des dépenses sans en avoir le pouvoir ou sans avoir reçu délégation de signature à cet
effet sera passible de l'amende prévue à l'article L. 313-1 »
. Depuis le 1
er
janvier 2023,
l'article L. 131-13 du même code dispose que
« tout justiciable au sens de l'article L. 131-1
est passible de l’amende prévue au deuxième aliné
a de l'article L. 131-16 lorsqu'il [...]
3° Engage une dépense, sans en avoir le pouvoir ou sans avoir reçu délégation à cet
effet »
. Dès lors, les éléments constitutifs de cette infraction sont demeurés inchangés.
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9. En revanche, la sanction encourue en cas
de commission de l’infraction antérieurement
définie à l’article L.
313-3 du code était comprise entre un montant minimum de 150
€ et un
maximum correspondant au traitement ou au salaire annuel brut versé à la personne en
cause au moment de la commission
des faits. L’amende désormais prévue, en application
des dispositions des nouveaux articles L. 131-13-3° et L. 131-
16 du code n’a pas de
montant plancher et peut aller jusqu’à un maximum d’
« un mois de rémunération annuelle
de la personne faisant l'objet de la sanction à la date de l'infraction »
.
10. Conformément au principe précité de rétroactivité
in mitius
, la loi nouvelle plus douce
se saisit de toutes les infractions antérieures constatées et non définitivement jugées, sous
la condition qu’elles réponden
t à la définition de la loi nouvelle. Ainsi, dès lors que la
sanction prévue à l’article L.
131-16 du code des juridictions financières a été atténuée au
regard du droit antérieurement applicable, les dispositions de l’article L.
131-13-3° du même
code doivent être considérées comme une loi nouvelle plus douce par rapport à celles de
l’ancien article L.
313-3. E
lles s’appliquent dès lors aux faits antérieurs à l’ent
rée en vigueur
de l’ordonnance susvisée.
11.
En application des dispositions de l’article L.
131-17 du code des juridictions
financières, reprenant les dispositions figurant antérieurement, de manière identique, à
l’article L.
313-8 du même code,
« lorsque les personnes mentionnées aux articles L. 131-
1 et L. 131-4 ne perçoivent pas une rémunérati
on ayant le caractère d’un traitement ou d’un
salaire, le montant de l’amende ne peut excéder la moitié de la rémunération annuelle
correspondant à l’échelon le plus élevé afférent à l’emploi de directeur d’administration
centrale ».
Sur les règles d’engag
ement de la dépense au sein de la fondation
Assistance aux
animaux
12.
L’article 7 des statuts de la fondation prévoit que son conseil d’administration
« règle,
par ses délibérations, les affaires de la fondation »
et notamment qu’il
« accepte les dons
et legs et autorise, en dehors de la gestion courante, les acquisitions et cessions de biens
mobiliers et immobiliers, les marchés, les baux et contrats de location, la constitution
d’hypothèques et les emprunts ainsi que les cautions et garanties accordées au n
om de la
fondation »
.
13.
En application du même article, le conseil d’administration peut
« accorder au bureau,
en deçà d’un montant qu’il détermine, une délégation permanente pour les cessions et
acquisitions de biens mobiliers et immobiliers ainsi que pou
r l’acceptation des donations et
des legs, à charge pour ce dernier de lui en rendre compte à chaque réunion du conseil »
.
14.
Par délibération du 8 décembre 2011, le conseil d’administration
a adopté une
délibération délégant au bureau sa compétence
pour l’a
cquisition des biens immobiliers
d’un montant inférieur à
1 000 000
€.
15.
L’article 10 des statuts de la fondation prévoit que
le président
« représente la fondation
(…) dans tous les actes de la vie civile. Il ordonnance les dépenses.
Il peut donner
délégation dans les conditions définies par le règlement intérieur »
. Enfin selon le même
article, le directeur
« dirige les services
(…). Il dispose des pouvoirs nécessaires à l’exercice
de sa mission, par délégation du Président »
.
16. Le règlement intérieur prévoit
à l’a
rticle I.2-8 que
«
certains pouvoirs du Président (…)
fixés à l’article 10 des statuts peuvent être subdélégués, après approbation par le Conseil
d’
Administration
, au Directeur (…)
»
et à l’article
I.5-1 que le directeur
« assiste le Président
dans la gestion de la fondation. A cet effet il reçoit, en tant que de besoin délégation du
Président ».
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Sur les faits et leur qualification juridique
Concernant
les opérations d’acquisition immobilière
17. Entre 2017 et 2019, la fondation
Assistance aux animaux
a procédé notamment à six
opérations immobilières pour un montant total de 4 078 370
€
, dont la liste et les conditions
d’acquisition figurent ci
-dessous :
-
Acquisition de plusieurs lots situés rue de la Chapelle à Paris, correspondant à des
logements
au sein d’un
même immeuble :
o
Lots 8/21 et 11/22 acquis le 9 mars 2017 sur délibération du bureau du
15 décembre 2016 pour des montants respectifs de 230 000
€ et 231
900
€
;
o
Lots 15/24 et 19/23 acquis le 6 octobre 2017 sur délibération du bureau du
11 juillet 2017 pour des montants respectifs de 248 210
€ et 242
900
€
;
o
Lots 5/30 et 13/25 acquis sur délibération du bureau du 19 octobre 2018, aux
montants et dates respectifs de 272 600
€ le 18 décembre 2018 et 255
700
€
le 15 février 2019 ;
o
Lots 14/31 et 17/32 acquis le 26 juillet 2019 sur délibération du bureau du
25 avril 2019 pour des montants respectifs de de 290 000
€ et 263
040
€
;
-
Acquisition rue du Molinel à Lille le 24 avril 2018 sur délibération du bureau du
16 avril 2018 pour un montant de 402 800
€
;
-
Acquisition rue d’Algésiras à Brest le 12 décembre 2017
sur délibération du bureau du
21septembre 2017 pour un montant de 280 000
€
;
-
Acquisition 7, quai de Turckheim à Strasbourg le 30 juin 2017 sans délibération du
bureau pour un montant de 264 600
€
;
-
Acquisition rue des plantes à Villevaudé le 9 mai 2018 sur délibération du bureau du
16 avril 2018 pour un montant de 295 000
€
;
-
Acquisition de Baléone Centre, à Afa, le 30 avril 2019 sans délibération du bureau pour
un montant de 786 920
€
.
18.
En l’espèce, pour chacune
des opérations litigieuses, les délibérations du bureau sont
imprécises ou inexistantes :
•
Elles
manifestent l’intention d’acquérir les biens, sans habiliter pour autant une
personne précise à procéder à l’acquisition (lots n° 8/
21, 11/22, 15/24 et 19/23 de
l’opération rue de la Chapelle, lot 2 rue d’Algésiras à Brest)
;
•
Elles
autorisent
Mme
X
et
non
M.
Y
à
signer les actes (lots n° 5/30, 13/25, 14/31 et 17/32 de l’opération rue de la Chapelle)
;
•
Elles
autorisent
Mme
X
sans
possibilité
de
subdélégation
de
signature, pourtant rendue nécessaire par l’article
I.2-8 du règlement intérieur, à
procéder à l’acquisition d’un bien alors qu’elle a subdélégué l’opération (lot situé 44 rue
du Molinel à Lille) ;
•
Elles
n’existent pas (acquisitio
n du lot sis 7, quai Turckheim à Strasbourg et du lot sis
au lieu-dit Michel Ange, Baléone Centre, à Afa).
19.
Aux termes de l’article 10 des statuts, la présidente dispose de pouvoir étendus pour
représenter la fondation dans les actes de la vie civile, et
aux termes de l’article 7, elle
dispose ainsi d’une autorisation de principe pour décider de l’ensemble des actes relevant
de la «
gestion courante
».
20.
La fondation n’ayant pas déterminé explicitement dans les textes qui régissent son
fonctionnement le périmètre relevant de la gestion courante, il appartient au juge d
e l’
établir
en s’attachant, comme pour tout acte contractuel exigeant d’être
interprété, à refléter
l’intention des parties.
21.
En l’espèce, il apparaît que ni une interprétation extensive de cet
te notion, qui aboutirait
à donner tout pouvoir à la présidente de la fondation, ni une lecture par trop restrictive qui
viderait complètement la notion de «
gestion courante
» de toute substance, ne sont
appropriées.
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22. Il convient donc de considérer que ne peuvent se rattacher à la gestion courante de la
fondation les opérations qui affectent son patrimoine et présentent un caractère stratégique.
23. Ainsi, ne peuvent se rattacher à la gestion courante les opérations
d’acquisitions
immobilières,
soit qu’elles
relèvent de la constitution raisonnée d’un patrimoine immobilier
de rapport destiné à produire des revenus visant à assurer un financement pérenne à la
fondation,
soit qu’elles concernent le développement des
implantations régionales de
structures d’accue
il pour les animaux, ces opérations résultant de choix structurants visant
à préserver et développer la capacité à agir de la fondation.
24. Ainsi, quand bien même les cessions immobilières seraient très fréquentes, du fait de
la vente de biens reçus en dons et legs, les seules acquisitions ne peuvent se rattacher à
la notion de «
gestion courante
» dont la compétence serait dévolue à la présidente par
nature.
25.
Le conseil d’administration a délégué au bureau sa compétence pour valider les
acquisitions immobili
ères d’un montant inférieur à 1
000 000
€.
26. La délibération ne prévoyant pas une limitation du montant des opérations, mais bien
celle des acquisitions, il n’y a pas lieu de s’interroger sur le
point de savoir si la série
d’acquisitions
étalées sur plusieurs années et portant sur des lots du même immeuble sis
rue de la Chapelle à Paris constitue une seule et même opération.
27. En effet, chacune d
es acquisitions litigieuses étant d’un montant inférieur à 1
000 000
€,
la compétence de leur approbation était déléguée au bureau, étant entendu que ces
opérations ne relèvent pas de la notion de «
gestion courante
».
28. Cependant dans certains
cas, la chaîne des délégations n’a pas été respectée. Ainsi,
certaines délibérations autorisent l’acquisition de biens, mais
sans préciser qui est chargé
de signer l’acte d’acquisition
.
Lorsque la présidente signe l’acte d’acquisition, l’
opération
est néanmoins
régulière dans la mesure où l’article 10 des statuts donne tout pouvoir à
cette dernière pour représenter la fondation dans tous les actes de la vie civile, ce qui inclut
l’acquisition de biens immobiliers
. Le manque de précision de la délibération illustre
toutefois
l’insuffisante attention
apportée par le bureau à la rédaction de ces délégations.
29.
Dans
le
cas
où
l’acquisition
est
autorisée
et
qu’il
est
précisé
que
Mme X
est
chargée
de
signer
les
actes
afférents,
aucune
faute
ne
peut
être reprochée à Mme X
au titre de l’engagement des dépenses sans en avoir
l’autorisation, sans qu’il ne soit nécessaire d’examiner la régula
rité des subdélégations de
signature consenties.
30.
Toutefois, dans deux cas, l’acquisition des biens
localisés à Strasbourg 7, quai
Turkheim, le 30 juin 2017 pour un montant de 280 000
€
et à Afa en Corse, le 30 avril 2019,
pour un montant de 786 920
€,
au
cune information du bureau n’a été
effectuée. Ces
acquisitions ont été réalisées à
la seule initiative de la présidente, sans qu’il n’y ait de
consultation des organes compétents, que ce soit le bureau ou le
conseil d’administration.
31. Il résulte de ce qui
précède que l’infraction
prévue au §
3° de l’article L.
131-13 du code
des juridictions financières, et à l’article L.
313-3 du même code dans sa rédaction
applicable au moment des faits, est constituée.
32. Le fait que postérieurement, par une délibération du 8 avril 2024, le conseil
d’administration se soit déclaré parfaitement informé des opérations litigieuses et
ait
manifesté
son soutien à la présidente ne fait pas disparaître l’infraction. Quand bien mêm
e
la délibération approuverait
les dépenses, elle ne peut avoir d’effet rétroactif.
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Concernant les opérations de réalisation de travaux
33. Plusieurs opérations de travaux ont été réalisées par la fondation
Assistance aux
animaux
sur des ensembles immobiliers dont elle est propriétaire.
34. Mme X a engagé la fondation en signant des marchés à 31 reprises
pour des travaux sur les sites de Bastelicaccia, Baléone, Morainvilliers, Louveciennes,
Carros et Ouerre pour un montant total de 850 122,74
€ dont
721 078,54
€ portant sur la
période non prescrite entre novembre 2016 et décembre 2019.
35. M.
Y
a
engagé
la
fondation
en
signant
des
marchés
à
28 reprises pour des travaux situés sur les sites de de Bastelicaccia, Morainvilliers,
Louveciennes, Carros, Charmentray, Villevaudé et Ouerre pour un montant total de
347 576,11
€, dont
285 351,39
€ portant sur la période non prescrite
entre 2017 et 2019.
36.
L’ensemble de ces opérations ne peut être analysé comme une seule et unique
opération, les travaux s’étalant sur pl
usieurs années, quand bien même ils porteraient sur
un même site. Ces travaux visent la préservation de la valeur des biens ou leur conformité
à l’usage
auxquels ils sont destinés. S
’ils
transforment dans certains cas la valeur de
l’actif,
ils
s’inscrivent
dans le cadre de l’entretien ou de l’amélioration de l’actif existant. Ne
présentant pas de caractère stratégique en eux-mêmes, ils semblent relever de la gestion
courante.
37. Dès lors, la présidente était compétente pour autoriser ces travaux sans avoir à solliciter
au préalable l’approbation du conseil d’administration.
38. En
ce
qui
concerne
les
travaux
engagés
par
M.
Y,
directeur
de
la fondation
Assistance aux animaux
au moment des faits, il résulte de la combinaison des
statuts et du règlement intérieur qu
’il
ne disposait de pouvoirs que par délégation de la
présidente après
approbation
par
le
conseil
d’administration
.
M. Y
ayant été
président de la fondation avant d’en être le directeur
, ne pouvait ignorer ces dispositions.
39. La délégation de la présidente
du 18 septembre 2017 n’étant jam
ais entrée en vigueur
faute d’avoir été approuvée par
le conseil d’administration
, M. Y ne disposait
pas de l’autorisation de signer des marchés de travaux, quel qu’en soit le montant ou la
nature.
40. Il résulte de ce qui pré
cède que l’infraction
prévu
e au 3° de l’article L. 131
-13 du code
des juridictions financières, et à l’article L.
313-3 du même code dans sa rédaction
applicable au moment des faits,
n’
est pas constituée en matière de passation des marchés
de
travaux,
en
ce
qui
concerne
Mme
X
,
mais
qu’elle
est
constituée
en
ce qui concerne M. Y.
Concernant la conclusion du contrat Lobbying et Stratégie
41. En 2015, la fondation a conclu avec le cabinet
Lobbying et Stratégie
une convention de
prestations de services signée le 11 décembre 2015
, le conseil d’administration en ayant
été informé le 10 décembre 2015. Cette première convention prévoyait, en son article 3,
une possible reconduction dans les termes suivants :
« Elle est renouvelable si la Fondation
assistance des animaux considère que les actions à conduire justifient à nouveau
l’intervention de Lobbying et Stratégies. Dans ce cas elle fera l’objet d’une renégociation
des missions et du budget ».
42. Par la suite, la présidente de la fondation a signé, les 1
er
avril 2017, 20 avril 2018 et
15 mai 2019, trois nouvelles conventions successives avec la société
Lobbying & Stratégies
portant sur des prestations de
lobbying
pour des montants respectifs de 120 000
€
TTC,
240 000
€
TTC et 240 000
€
TTC.
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43.
Le conseil d’administration, en application de l’article 7
des statuts de la fondation, doit
approuver les marchés, hors du cadre de la gestion courante.
44. Si la première convention a bien été portée à la connaissance du conseil
d’administration, les terme
s consacrés à son éventuelle reconduction évoquaient une
faculté et non un engagement et prévoyaient spécifiquement une renégociation des
montants et des objectifs par la fondation. Le procès-verbal du 10 décembre 2015 ne
prévoyait
pas
explicitement
que
Mme
X
était
habilitée
à
engager
la
société pour les années ultérieures, pour les montants susmentionnés et pour des
prestations portant sur des objets différents chaque année la fondation devait dès lors se
prononcer à travers son conseil d’administration
.
45. Le fait qu
e le conseil d’administration ait été saisi en 2015
de la convention initiale avec
le prestataire
Lobbying et Stratégies
de même que les conditions de reconduction de celle-
ci démontrent que ces prestations de lobbying, portant sur le
cœur
même
de l’objet social
de la fondation, ainsi que les montants en jeu sortaient du cadre de la gestion courante et
présentaient un caractère stratégique.
46. Dès
lors,
Mme
X
aurait
dû
disposer
d’une
délégation
du
conseil
d’administration l’autorisant à poursuivre
l’engagement de la fondation avec ce prestataire.
47.
Il résulte de ce qui précède que l’infraction
prévu
e au 3° de l’article L.
131-13 du code
des juridictions financières, et à l’article L.
313-3 du même code dans sa rédaction
applicable au moment des faits, est constituée
s’agissant de cette
passation de marchés
de services.
48. Le fait que postérieurement, par une délibération du 8 avril 2024, le conseil
d’administration se soit déclaré parfaitement informé des opérations litigieuses et
ait
manifesté son sou
tien à la présidente ne fait pas disparaître l’infraction. Quand bien même
la délibération approuverait
les dépenses, elle ne peut avoir d’effet rétroactif.
Sur l’imputation des responsabilités
49. Il
résulte
de
l’instruction
que
Mme
X,
présidente
de
la
fondation
Assistance aux animaux
, a engagé la fondation pour deux
opérations d’acquisitions
immobilières et pour la passation du marché avec la société
Lobbying & Stratégie
, sans
disposer de l’habilitation prévue par les statuts
de la fondation, lesdites opérations ne
pouvant être regardées comme des opérations de gestion courante.
50.
Ce faisant, elle a méconnu les règles internes applicables à l’engagement de la
dépense de la fondation.
51.
Dès lors, elle a commis l’infraction définie à l’
article L. 313-3 du code des juridictions
financières, dans sa rédaction applicable au moment des faits, devenu l’article L.
131-13
du même code à compter du 1
er
janvier 2023.
52. Il
résulte
de
l’instruction
que
M.
Y,
directeur
de
la
fondation
Assistance aux animaux
, a engagé la fondation pour diverses opérations
d’acquisitions immobilières et de passation de marchés de travaux, sans disposer de
l’habilitation prévue par les statuts de la fondation
, y compris,
s’agissant
du directeur, pour
les opérations de gestion courante.
53. Tou
tefois, il convient d’écarter sa responsabilité pour la passation des opérations
immobilières dans la mesure où il a agi sur instruction de la présidente de la fondation. Dès
lors, la responsabilité de cette dernière est substituée à la sienne.
Arrêt n° S-2024-1612
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54. Il demeure
toutefois responsable de l’engagement de dépense
s en matière de travaux
pour les opérations susvisées, en méconnaissance des règles internes de subdélégation
de la fondation définies par les statuts et le règlement intérieur.
55.
Dès lors, il a commis l’infr
action définie à
l’article L.
313-3 du code des juridictions
financières, dans sa rédaction applicable au moment des faits, devenu l’article L.
131-13
du même code.
Sur les circonstances
56. Les personnes renvoyées devant la juridiction exerçaient leurs fonctions depuis de
nombreuses années, ce qui constitue une circonstance aggravante, dans la mesure où
elles ne pouvaient ignorer les règles internes applicables.
57. La Cour des comptes avait relevé de nombreux dysfonctionnements dans la gestion
interne de la
fondation à l’occasion de deux contrôles des comptes et de la gestion, ce qui
aurait dû inviter les instances de gouvernance et la direction à davantage de rigueur et de
vigilance, même si ses observations n’avaient pas porté spécifiquement sur l’engagemen
t
des dépenses et la chaîne de délégations.
58. Toutefois
le conseil d’administration n’a jamais joué son rôle d’alerte qui aurait permis
d’éviter la commission de ces infractions. Informé des dépenses
a minima
lors de
l’approbation des comptes annuels et se
disant lui-
même, lors d’une délibération
postérieure aux faits,
adoptée à l’unanimité, informé de l’ensemble des opérations, il n’a
pas relevé les problèmes ni entrepris de les corriger. Cette inaction du conseil
d’administration
constitue une circonstance atténuante de la responsabilité des deux
personnes mises en cause dans la présente instance.
59. Enfin, dans le cas de Mme X,
il
y
a
lieu
de
relever
qu’
elle exerçait
ses fonctions à titre bénévole.
Sur l’amende
60. Il sera fait une juste appréciation de la gravité des faits et de leur caractère répété en
infligeant
à
Mme
X
une
amende
de
1 500
€
et
à
M.
Y
une amende de 1 000
€.
Sur la publication de l’arrêt
80. Il y a
lieu, en l’espèce, de publier l’arrêt au
Journal officiel
de la République française.
Par ces motifs,
DÉCIDE :
Article 1
er
.
–
Mme
X
est
condamnée
à
une
amende
de
1 500
€
(mille
cinq
cent euros).
Article 2.
–
M. Y est condamné à une amende de 1 000
€
(mille euros).
Arrêt n° S-2024-1612
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Article 3.
–
Le présent arrêt sera publié au
Journal officiel
de la République française et, sous
forme anonymisée, sur le site internet de la Cour des comptes. Un lien sera créé entre le site
internet de la Cour et le
Journal officiel
, lien qui restera actif pendant un mois à compter de la
publication.
Fait et jugé par Mme Marie-Odile ALLARD, conseillère maître, présidente de la formation de
jugement, M. Guy DUGUEPEROUX, conseiller maître, M. Boris KUPERMAN, conseiller
président de chambre régionale des comptes, MM. Philippe ALBRAND et Marc SIMON,
premiers conseillers de chambre régionale des comptes.
En présence de Mme Cécile ROGER, greffière de séance.
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous commissaires de justice,
sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de
la République près les tribunaux judiciaires d’y tenir la main, à tous commandants et officiers
de la force publique de prêter main-
forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par
Cécile ROGER
Marie-Odile ALLARD
En application des articles R. 142-4-1 à R. 142-4-5 du code des juridictions financières,
les arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent être frappés d
’
appel devant
la Cour
d’appel financière
dans le délai de deux mois à compter de la notification. Ce délai
est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l
’
étranger. La révision d
’
un arrêt
peut être demandée après expiration des délais d
’
appel, et ce dans les conditions prévues
aux articles R. 142-4-6 et R. 142-4-7 du même code.