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CONFORTER L’ÉGALITÉ
DES CITOYENS
DEVANT L’IMPOSITION
DES REVENUS
Synthèse
Octobre 2024
CP
prélèvements
obligatoires
conseil des
2
Synthèse
- Conseil des prélèvements obligatoires
g
AVERTISSEMENT
Le présent document est destiné à faciliter la lecture et
l’exploitation du rapport du Conseil des prélèvements obligatoires.
Seul le texte du rapport engage le Conseil.
Le rapport général comme les rapports particuliers sont rendus
publics et consultables sur le site internet www.ccomptes.fr/CPO.
3
Synthèse
- Conseil des prélèvements obligatoires
Sommaire
Introduction
� � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � 5
1
Un système progressif…
................................
7
2
…et prenant en compte la structure familiale
............
11
3
Des écarts d’imposition entre types de revenus
..........
13
4
Des crédits et réductions d’impôt concentrés
sur certains contribuables et aux justifications
parfois incertaines
......................................
19
5
Un « pacte fiscal » remis en cause par l’évasion
et la fraude fiscales
......................................
23
6
La lutte contre la fraude constitue une dimension
centrale du « pacte fiscal »
...............................
25
Rappel des recommandations du CPO � � � � � � � � � � � � � � � � � � 29
5
Synthèse
- Conseil des prélèvements obligatoires
Introduction
La France est caractérisée par la coexistence de deux grandes familles
d’imposition des revenus des personnes physiques :
l
l’impôt sur le revenu (IR) et la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus
(CEHR) sont des impôts progressifs affectés au budget général de l’Etat. Assis
sur les revenus nets des charges nécessaires à leur acquisition, ils tiennent
compte de la situation familiale des contribuables ;
l
les prélèvements sociaux, parmi lesquels la contribution sociale généralisée
(CSG), la contribution de remboursement de la dette sociale (CRDS), le
prélèvement de solidarité sur les revenus du capital et la contribution de
solidarité pour l’autonomie (CSA), visent à assurer le financement de la
protection sociale à travers un impôt en principe proportionnel, acquitté
individuellement et assis sur les revenus bruts.
Ces impositions ont dégagé 262,8 Md€ de recettes en 2023, soit 9,3 % du PIB,
contre 143,7 Md€ (7,2 % du PIB) en 2010. Ainsi, la totalité de l’augmentation des
prélèvements obligatoires depuis 2010 (de 41,4 % à 43,2 % du PIB, soit + 1,8 points)
s’explique par l’augmentation des impositions sur le revenu. Cette augmentation
tient à une augmentation spontanée des recettes de l’IR et à des mesures nouvelles
d’augmentation des prélèvements sociaux, dont l’augmentation d’1,7 points de la
CSG en 2018 en substitution de cotisations sociales.
Les impositions sur le revenu (2010-2023)
Source : Insee, base 2020. Recettes nettes des crédits d’impôt
Pour autant, le niveau des recettes fiscales issues de l’imposition des revenus
restait proche de la moyenne des États membres de l’OCDE en 2021 (8,3
 
%)
et inférieur à celui de la plupart de ses principaux partenaires et voisins
 
:
Allemagne (10,5  %), Belgique (11,3  %), Italie (11  %), Royaume-Uni (10  %) et
même Luxembourg (10,1  %). Seules l’Espagne et la Suisse présentaient un
niveau inférieur (8,6 %).
Imposition
Recettes 2010
Recettes 2023
En Md€
En % du
PIB
En Md€
En % du
PIB
IR-CEHR
47,4
2,4%
88,6
3,1%
CSG
84,0
4,2%
148,0
5,2%
Prélèvements de
solidarité
3,3
0,2%
14,2
0,5%
CRDS
6.6
0,3%
8,9
0,3%
CASA/CSA
2,4
0,1%
3,1
0,1%
Total
143,7
7,2%
262,8
9,3%
Introduction
Ces impositions s’appliquent à des revenus de nature distincte, et traités
différemment par les règles fiscales�
Ont ainsi été déclarés, en 2023, pour
être soumis à l’IR, 841 Md€ de revenus du travail, 411 Md€ de revenus de
remplacement, 84 Md€ de revenus d’indépendants et 138 Md€ de revenus du
capital. La composition du revenu entre ces différentes sources varie largement
selon le niveau de revenu. Les revenus de remplacement (pensions et retraites,
chômage) représentent 49  % des revenus des foyers fiscaux du deuxième
dixième de la population en termes de revenus, mais seulement 7 % de ceux des
foyers fiscaux du dixième le plus aisé. À l’inverse, la part de revenus du capital
augmente avec le niveau de revenus, atteignant 30 % des revenus des foyers
du dernier centième, 61 % du dernier millième, et jusqu’à 86 % des revenus des
4 000 foyers fiscaux du dernier dix millième.
Composition du revenu déclaré, par dixième de revenu
Source : Belkhir, Garrigue, La progressivité de l’imposition des revenus des
personnes physiques, CPO, « conforter l’égalité des citoyens devant l’imposition
des revenus », octobre 2024
Dans un contexte où aucun document financier public n’en présente une vision
d’ensemble, le CPO a choisi d’étudier si les impositions sur le revenu des personnes
physiques, analysées conjointement, continuent à répondre à l’objectif qui leur
était assigné :
leur cumul aboutit-il à une contribution cohérente, mettant
à contribution l’ensemble des revenus pour le financement des dépenses
publiques, et également répartie entre tous les citoyens à raison de leurs
facultés ?
0 %
20 %
18
%
14
%
7
%
59
%
49
%
46
%
46
%
38
%
60
%
61
%
36
%
37
%
35
%
31
%
5
%
8
%
11
%
12
%
30
%
6
%
35
%
54
%
14
%
17
%
18
%
7
%
22
%
60
%
61
%
63
%
60
%
57
%
45
%
55
%
51
%
47
%
40 %
60 %
80 %
100 %
0-10 %
10-20 %
20-30 %
30-40 %
40-50 %
50-60 %
60-70 %
70-80 %
80-90 %
90-100 %
95-100 %
99-100 %
Total
Salaires
Capital
Sans revenus
Remplacement
Indépendants
7
Synthèse
- Conseil des prélèvements obligatoires
Un système progressif…
Dans l’ensemble, le calcul de l’IR et de
la CEHR repose sur un barème « réel »,
constitué pour un célibataire, de sept
tranches (0
 
% à 49
 
%), les tranches les
plus hautes étant concentrées sur les
très hauts revenus�
En 2023, on estime
que sur 40,2 millions de foyers fiscaux,
seuls
18,5
millions
acquittent
cet
impôt. Sur ces derniers, 12,7 millions
l’ont été dans la première tranche
à 11  %. Seuls 5,5 millions de foyers
ont vu une partie de leurs revenus
imposés dans la tranche à 30 % (14 %
de l’ensemble des foyers fiscaux) et
seulement 300  000 dans les tranches
supérieures ou égales à 41  % (0,75  %
des foyers fiscaux).
En conséquence, on peut estimer que
73,5 % de l’IR (avant crédits d’impôt)
a été acquitté par le dixième de la
population le plus aisé en 2023�
Par
ailleurs, dans l’ensemble, la répartition
de la charge de l’IR n’a que peu changé
depuis le rapport que le Conseil des
impôts a consacré il y a 50 ans à cet
impôt (1974).
1
Part de certaines catégories de contribuables dans l’IR (1974-2024)
Sources : Conseil des prélèvements obligatoires, 1974 et 2024
1974
2024
10% les plus aisés
68,1 %
73,5 %
1%
29,3 %
32,5 %
0,1%
13 %
0,016%
3,6%
0,01%
5%
En
revanche,
les
prélèvements
sociaux sont acquittés par l’ensemble
des
personnes
percevant
des
revenus d’activité ou des revenus du
patrimoine�
Ces types de revenu sont
en effet soumis, dès le premier euro,
à une imposition proportionnelle sur
une assiette élargie, respectivement
aux taux de 12,8% et 17,2%. Seuls les
revenus de remplacement bénéficient
de taux réduits pour les prélèvements
sociaux (et même d’une exonération
pour les ménages aux revenus les plus
faibles).
8
Synthèse
- Conseil des prélèvements obligatoires
Le cumul de ces deux impositions
aboutit à des taux théoriques élevés,
lesquels ne reflètent qu’imparfaite-
ment la charge fiscale à laquelle sont
soumis les ménages�
Les contribuables aux revenus les
plus faibles sont susceptibles d’être
imposés dès le premier euro, là où
d’autres
pays
(Belgique,
Espagne,
Royaume-Uni)
prévoient
que
les
revenus les plus faibles sont exonérés
d’impôt. Toutefois, le taux d’imposition
effectif moyen des foyers du premier
dixième reste inférieur à 5 %.
Conforter l’égalité des citoyens
devant l’imposition des revenus
Taux moyen d’imposition par dixième de revenu déclaré
0 %
5 %
10 %
15 %
20 %
25 %
30 %
0-10 %
10-20 %
20-30 %
30-40 %
40-50 %
50-60 %
60-70 %
70-80 %
80-90 %
90-100 %
95-100 %
99-100 %
IR
PS
IR+PS
Source : Belkhir, Garrigue (2024), CPO, RP2, op. cit.
Évolution du taux moyen de prélèvements obligatoires acquitté
par les personnes physiques, hors cotisations patronales,
selon le niveau de salaire, dans les pays cibles (2022)
Source : Besly, Legros, La comparaison internationale des systèmes
d’imposition sur le revenu des personnes physiques, CPO, « conforter
l’égalité des citoyens devant l’imposition des revenus », rapport particulier
n° 3, octobre 2024
10
20
30
40
50
0
50 %
du revenu
moyen
100 %
du revenu
moyen
167 %
du revenu
moyen
250 %
du revenu
moyen
Belgique
Danemark
Allemagne
Royaume-Uni
France
Espagne
Estonie
9
Synthèse
- Conseil des prélèvements obligatoires
Conforter l’égalité des citoyens
devant l’imposition des revenus
Les
contribuables
les
plus
aisés
peuvent être soumis, sur leurs revenus
nets de charges, à un taux marginal
élevé, pouvant atteindre 61 % lorsqu’il
s’agit de salaires. Toutefois, compte
tenu du barème et de la composition
des revenus, le taux d’imposition
moyen auxquels sont soumis les 1 %
les plus aisés s’établit à 30 %.
Dans l’ensemble, les calculs effectués
lors des travaux préparatoires au
présent rapport du CPO montrent
que
la France présente une situation
intermédiaire
en
matière
de
progressivité de l’imposition sur les
salaires au sein d’un échantillon de
7 pays présentant des modèles de
protection sociale très différents�
Le constat global d’une progressivité
jusqu’au dernier centième ne vaut
toutefois
que
pour
les
revenus
déclarés par les ménages�
Des études
récentes montrent ainsi que certains
contribuables peuvent disposer d’un
«  revenu économique », qui est égal
à la somme de leurs revenus et de
ceux dégagés par les sociétés qu’ils
contrôlent, et qui est potentiellement
largement supérieur au revenu déclaré.
C’est pourquoi le constat présenté
dans la présente section ne contredit
pas de récentes études montrant que
le taux d’imposition rapporté à un tel
« revenu économique » est plus faible,
voire diminue pour les très hauts
revenus.
11
Synthèse
- Conseil des prélèvements obligatoires
L’imposition commune des membres
du
foyer
fiscal
constitue
une
caractéristique
structurante
de
l’IR et de la CEHR. En revanche, les
prélèvements sociaux sont calculés
et acquittés individuellement. Seul
le
bénéfice
des taux
réduits
sur
les revenus de remplacement est
conditionné à des seuils de revenu,
lesquels tiennent compte du revenu
global du foyer et des parts fiscales,
sur le modèle de l’IR.
Les couples aux revenus élevés mais
hétérogènes
bénéficient
du
plein
effet du quotient conjugal (QC)�
L’imposition commune des revenus est
associée à l’attribution de deux parts
de QC : il en résulte une économie
d’impôt, pour les couples aux revenus
hétérogènes, par rapport à un impôt
calculé sur une base individuelle.
Cette économie d’impôt, visant à tenir
compte des charges de famille, c’est-à-
dire des obligations civiles réciproques
résultant du mariage ou du PACS, peut
aller jusqu’à 35 355 € par foyer. Au
total, l’économie d’impôt tirée du seul
effet du QC est estimée à 12,5 Md€,
dont 5,9 Md€ pour les ménages du
dernier dixième, et même à 1,9 Md€
pour ceux du dernier centième.
Les couples des classes moyennes
sont
au
contraire
désavantagés
par
rapport
aux
célibataires
par
l’application de la décote�
La décote
est un mécanisme complexe visant à
l’origine à lisser l’entrée dans l’impôt
pour
les
seuls
célibataires
sans
enfants. Il conduit à ce que ces derniers
bénéficientd’un « barème réel » plus
favorable que le barème affiché par le
code général des impôts. En revanche,
les couples dont les revenus par part
sont situés entre 11 294 € et 28 797 €
se voient appliquer un « barème réel
» alternatif, moins favorable que celui
des célibataires. Cela conduit à ce
qu’un couple aux revenus de 20 000 €
par
personne
se
trouve
devoir
acquitter un IR supérieur de 304 € à
celui acquitté séparément par deux
célibataires à revenus équivalents.
Dès lors, 3 millions de foyers fiscaux
des classes moyennes sont perdants
à l’imposition commune
.
Pour y remédier, le CPO propose
une
conjugalisation
complète
de
la décote,
qui aurait un coût pour
les finances publiques de 1,3 Md€,
mais qui permettrait à la fois de se
défaire d’un mécanisme d’une grande
complexité, tout en avantageant les
ménages aux revenus intermédiaires.
Cette réforme qui donnerait son
plein effet au quotient conjugal pour
les classes moyennes serait associée
à une limitation de ses effets en haut
de la distribution, sous la forme d’un
plafonnement de l’économie d’impôt
associée au QC pour les foyers les
plus aisés�
L’augmentation de recettes
pour l’Etat serait de de 1,1 Md€ avec
un plafond de 10 000 €. Pour calculer
l’économie d’impôt et vérifier le respect
du plafond, ne seraient pris en compte
que
les
revenus
déjà
aujourd’hui
déclarés sur une base individuelle
(revenus
d’activité
et
pensions).
…et prenant en compte
la structure familiale
2
12
Synthèse
- Conseil des prélèvements obligatoires
Alternativement, une individualisation
des autres revenus dans la déclaration
pourrait être mise en place, mais cela
alourdirait les obligations déclaratives
du contribuable et la gestion de
l’impôt par l’administration.
Le CPO propose par ailleurs de mieux
valoriser les charges d’entretien d’un
enfant�
La familialisation complète de
la décote coûterait à 1,5 Md€ (au-delà
du coût de sa conjugalisation examinée
ci-dessus) et permettrait d’avantager
les
familles,
avec
une
économie
d’impôt de près de 1 000 euros pour un
parent isolé avec un enfant unique aux
revenus de 40 000 euros. De même,
un relèvement du plafond du quotient
familial pourrait être envisagé, dès
lors que celui-ci est atteint par des
foyers fiscaux à des niveaux de revenus
intermédiaires,
situés
au
huitième
dixième de la distribution. Cette mesure
aurait toutefois un coût significatif :
0,8 Md€ pour rehausser le plafond de
la demi-part de QF de 1 759 € à 2 000 €.
Enfin,
l’attribution
de
demi-parts
« supplémentaires » de QF devrait être
harmonisée et restreinte à la prise en
compte de charges effectives�
D’une
part, ces demi-parts sont plafonnées à
des niveaux variables, sans justification
ni vision d’ensemble. D’autre part,
certaines demi-parts supplémentaires
ne correspondent pas toujours à des
charges contemporaines  : tel est le
cas de la demi-part dont continuent à
bénéficier les personnes seules ayant
élevé seules, dans le passé, un enfant
pendant 5 années.
Cette dépense
fiscale,
qui
représente
un
coût
d’environ 0,6 Md€ en 2023, pourrait
être supprimée�
Conforter l’égalité des citoyens
devant l’imposition des revenus
13
Synthèse
- Conseil des prélèvements obligatoires
Aucun
principe
juridique
ni
économique ne commande que les
différentes catégories de revenus
soient traitées de façon identique au
regard de l’imposition des revenus�
Toutefois, dès la création, aussi bien
de l’IR (1914) que de la CSG (1990),
le législateur a été soucieux d’un
équilibre de la charge fiscale entre les
différents types de revenus.
En pratique, les taux d’imposition
auxquels sont soumis les différents
types de revenus comportent encore
des hétérogénéités�
Pour apprécier
la
cohérence
des
régimes
fiscaux
applicables, les rapporteurs du CPO
ont
calculé
les
taux
d’imposition
cumulés
auxquels
étaient
soumis
les différents types de revenus, en
ajoutant à l’imposition des revenus
au
sens
strict,
l’imposition
amont
des bénéfices distribués à l’impôt sur
les sociétés ainsi que les cotisations
sociales non-contributives. Ainsi, les
taux moyens d’imposition économique
cumulés d’un célibataire percevant
des revenus au niveau de 20 salaires
moyens sont de : 49,4  % s’il s’agit
exclusivement de dividendes  ; 56,5  %
de revenus d’indépendants ; 59  % de
revenus fonciers ou 60,7 % de salaires.
Des écarts d’imposition
entre types de revenus
3
Taux « d’imposition cumulée économique » des dividendes, des revenus fonciers,
des revenus du travail salarié et des revenus d’indépendants,
à différents niveaux de revenus (de 1 SMIC à 20 salaires moyens)
38 % 38 %
39 %
45 %
48 %
49 %
19 %
26 %
31 %
43 %
50 %
60 %
15 %
29 %
33 %
46 %
52 %
61 %
13 %
22 %
29 %
42 %
48 %
56 %
0 %
10 %
20 %
30 %
40 %
50 %
60 %
70 %
SMIC
0,75
SM
1 SM
2,5
SM
5 SM
20
SM
SMIC
0,75
SM
1 SM
2,5
SM
5 SM
20
SM
SMIC
0,75
SM
1 SM
2,5
SM
5 SM
20
SM
SMIC
0,75
SM
1 SM
2,5
SM
5 SM
20
SM
Dividendes
Revenus fonciers
Salarié
Indépendant
IS
Cotisations non contributives
CSG-CRDS-PS
IR-CEHR
Source : Melot, Repetti-Deaiana, Les différences de traitement entre catégories de
revenus, CPO, «  conforter l’égalité des citoyens devant l’imposition des revenus »,
rapport particulier n° 1, octobre 2024
14
Synthèse
- Conseil des prélèvements obligatoires
Les salaires : des compléments
de rémunération soumis
à des régimes favorables
Si les salaires sont soumis à des taux
d’imposition
cumulés
fortement
progressifs (de 15
 
% à 61
 
%), le
développement
des
compléments
de salaire exonérés fragilise l’égalité
devant
l’impôt�
Certains
revenus
salariaux annexes ou complémentaire
bénéficient d’une exonération d’IR
(pour un total de dépenses fiscales
de 5,7 Md€), voire dans certains cas
de prélèvements sociaux (1,5 Md€) :
participation et intéressement, heures
supplémentaires,
actions
gratuites,
tickets restaurant, chèques vacances.
S’y ajoute la prime de partage de la
valeur (PPV) non évaluée comme une
dépense fiscale bien qu’elle bénéficie
de divers avantages, notamment une
exonération d’IR et de prélèvements
sociaux
pour
les
rémunérations
inférieures à 3 SMIC versées par une
entreprise de moins de 50 salariés.
Ces avantages représentent désormais
13,2 % de la masse salariale totale
mais
peuvent
représenter,
pour
certains
salariés,
une
part
plus
significative
de
leur
rémunération�
Ainsi, pour un salaire égal à 1,25 SMIC,
les compléments de salaire peuvent,
en droit, représenter jusqu’à 46 % des
revenus totaux. Les avantages fiscaux
tirés du recours cumulé aux avantages
salariaux en substitution du salaire sont
maximaux autour d’un salaire moyen,
où ils permettent de réduire le taux
« d’imposition économique » cumulé de
12 points, soit près du tiers.
La non-prorogation de la PPV, laquelle
reste
un
dispositif
juridiquement
fragile et mal piloté, permettrait de
répondre pour partie à ce problème
de cumul, pour des recettes fiscales
supplémentaires entre 220 et 330 M€.
À moyen terme, le CPO estime
qu’il est nécessaire d’engager une
revue
des
autres
dispositifs
de
compléments de salaire,
examinés
dans la présente section, sur la base
d’une évaluation de leur efficience (i)
au regard des objectifs de politique
publique, lorsqu’ils existent et (ii) au
regard du risque de substitution avec
la rémunération de base du salarié.
Les pensions et retraites :
des avantages fiscaux à mieux cibler
En premier lieu, les pensions et
retraites bénéficient d’un abattement
de 10 %, lequel a pour effet de réduire
le revenu soumis à l’IR�
Cet avantage,
qui
peut
dépasser 1 850 € par
an
d’économie d’impôt et dont le coût
global s’élève à 4,6 Md€, bénéficie
pour près de 30 % de son montant aux
ménages du dixième le plus aisé. Le
CPO considère que la finalité de cette
mesure, qui est d’« aider les personnes
retraitées », est trop générale et mal
ciblée compte tenu de l’hétérogénéité
des
situations
des
personnes
retraitées
et
de
l’amélioration
constante du niveau de vie de cette
catégorie de la population par rapport
aux populations plus jeunes.
Cet abattement sur les seuls revenus
de
pensions
se
cumule
avec
un
abattement d’assiette sur le revenu
global en matière d’IR bénéficiant aux
contribuables âgés de plus de 65 ans
ou invalides, lequel est effectivement
conditionné
au
non-dépassement
d’un niveau de revenus (27 670 € pour
un célibataire).
Conforter l’égalité des citoyens
devant l’imposition des revenus
15
Synthèse
- Conseil des prélèvements obligatoires
En second lieu, les pensions de
retraite et d’invalidité bénéficient
d’un double avantage en matière de
prélèvements sociaux�
D’une part,
elles bénéficient de taux réduits de
CSG, sous conditions de revenu : un
célibataire
percevant
une
pension
allant jusqu’à 29 094 € sera éligible
au taux réduit de CSG de 6,8  %.
D’autre part, au-delà de ce seuil, un
taux dérogatoire de CSG de 8,3  %
(contre 9,2 % pour les actifs) continue
à s’appliquer : pour une personne
percevant des pensions à hauteur de
2,5 fois le salaire moyen, l’avantage
ainsi accordé par ce taux dérogatoire
peut approcher 1 000
€ par an.
Le CPO recommande un recentrage
des avantages accordés en matière
d’IR, sous forme d’un mécanisme
unique qui pourrait être recentré
sur
les
foyers
modestes
et
intermédiaires�
Il pourrait prendre
la forme d’une déduction unique du
revenu catégoriel (pensions et rentes
viagères), forfaitaire et plafonnée à
un certain niveau de revenu. Si cette
déduction était calibrée de façon à
se substituer exactement aux deux
mécanismes
antérieurs
pour
les
foyers jusqu’au neuvième dixième
(seul le bénéfice de l’abattement
étant perdu pour les foyers situés au-
dessus), cette réforme apporterait un
gain budgétaire au moins égal à 1,3
Md€. En matière de CSG, l’application
du taux de droit commun (9,2  %)
pourrait également être envisagée
pour
les
retraités
appartenant
au dixième le plus aisé, avec un
rendement de 0,5 Md€.
Les revenus immobiliers : mettre
fin aux distorsions entre location
meublée et location nue
Contrairement aux revenus tirés de la
location nue, les revenus de la location
meublée peuvent être réduits par
l’application d’un amortissement du
bien immobilier loué,
c’est-à-dire d’un
montant supposé refléter sa perte
de valeur. L’avantage dégagé est très
substantiel : les cas-types examinés par
le CPO montrent que les déductions
autorisées peuvent dépasser 75 % des
loyers, voire permettre de constater
artificiellement un déficit foncier.
La loi de finances pour 2024 n’a pas
substantiellement remédié à cette
distorsion�
Dans
le
prolongement
du rapport du CPO sur la fiscalité du
logement (2023), elle a certes réduit
les
avantages
propres
au
régime
micro-BIC, autorisant une déduction
forfaitaire de 70 %. Toutefois, le régime
micro-BIC ne s’appliquait qu’à une part
minoritaire des revenus de la location
meublée : moins de 20 % des revenus
locatifs du dernier dixième étaient
placés sous ce régime, contre 80 % au
régime « réel », l’avantage tiré de la
déduction des amortissements étant
plus important. Or, la perte de valeur
de
l’actif
immobilier
(gros
œuvre,
agencement, façade, équipements de
l’immeuble) est identique en cas de
location nue ou meublée, alors que dans
le premier cas, elle n’est pas admise
par la loi fiscale.
Le CPO recommande
donc de remettre en cause dans son
principe même la faculté d’amortir les
biens immobiliers dans le cadre de la
location meublée�
Conforter l’égalité des citoyens
devant l’imposition des revenus
16
Synthèse
- Conseil des prélèvements obligatoires
Les dividendes et plus-values
mobilières : limiter les cumuls
d’avantages
Depuis la loi de finances pour 2018,
les dividendes et les plus-values
sur valeurs mobilières sont soumis
sur option, à un prélèvement fiscal
unique (PFU) de 30
 
% auquel peut
s’ajouter la CEHR�
Bien que le taux
d’imposition cumulé des dividendes en
France reste parmi les plus élevés de
l’OCDE, la France fait désormais partie
des Etats qui taxent relativement
moins le capital que le travail pour
les très hauts revenus (- 11 points
à 20 salaires moyens). L’avantage
de l’imposition au PFU plutôt qu’au
barème est concentré à 91  % sur le
centième le plus aisé. Néanmoins,
les évaluations de mise en place du
PFU ont montré que la réforme,
compte tenu de l’augmentation des
dividendes et des plus-values (+157 %
de dividendes entre 2017 et 2022),
n’avait pas entraîné de pertes pour les
finances publiques. La mise en place
du PFU, combinée d’autres réformes
(baisse de l’IS, transformation de l’ISF
en impôt sur le fortune immobilière)
a également été concomitante d’une
baisse des expatriations et d’une
augmentation des impatriations de
contribuables fortunés. Les premières
évaluations
sur
la
période
2017-
2022 ne montrent pas d’autres effets
significatifs sur le financement de
l’économie.
Des considérations de
stabilité fiscale conduisent le CPO à
préconiser de maintenir en l’état le
PFU et de poursuivre son évaluation�
En revanche, plusieurs ajustements
sont souhaitables�
Les versements sur un PER sont en
effet déductibles du revenu imposable,
avec pour contrepartie la réintégration
au revenu imposable de la rente ou
de la sortie en capital au moment
du déblocage. Toutefois, en cas de
transmission du PER aux héritiers, et
en plus des avantages successoraux
dont ils sont susceptibles de profiter,
ces derniers ne sont pas soumis à
l’IR au moment du déblocage des
sommes.
Pour
éviter
ce
cumul
d’avantages et recentrer le PER sur
sa fonction d’épargne retraite, le
CPO recommande d’encadrer son
âge de liquidation�
Les
revenus
non
distribués
des
sociétés (constitutifs de « plus-values
latentes ») n’étant pas imposés à
l’IR, leurs associés peuvent voir leur
« revenu économique » s’écarter
substantiellement de leur revenu
disponible effectivement imposable�
Il en résulte une faculté de pilotage du
revenu imposable, notamment en cas
d’interposition de sociétés holding.
Compte
tenu
des
contraintes
constitutionnelles, l’imposition des
revenus ne paraît cependant pas
l’outil le plus adapté pour traiter le
sujet des revenus non distribués des
« cash box »�
En revanche, l’imposition des revenus
ne
doit
pas
faciliter
l’évitement
fiscal, comme cela peut être le cas
aujourd’hui en utilisant le régime de
l’apport-cession (150-0 B ter du CGI)�
Ce régime, qui n’est pas suivi comme
une dépense fiscale, a permis sur la
seule année 2021 la non-taxation,
sous forme de report d’imposition,
de 13 Md€ de nouvelles plus-values,
concentrées quasi exclusivement sur le
dix-millième des foyers fiscaux les plus
Conforter l’égalité des citoyens
devant l’imposition des revenus
17
Synthèse
- Conseil des prélèvements obligatoires
aisés (99,99 %). Ce régime est utilisé
pour favoriser le réinvestissement des
plus-values dans l’économie, mais les
conditions permettant le maintien du
report sont trop peu contraignantes.
En 2021, les plus-values effectivement
taxées
(expiration
du
report)
ne
représentaient
que
3,8 %
des
nouvelles plus-values mises en report.
Dès
lors,
le
CPO
recommande
d’élargir les situations entraînant une
fin du report d’imposition lorsque
la holding cède les titres apportés  :
(i)
en
allongeant
significativement
le délai pendant lequel la condition
de
réinvestissement
est
vérifiée,
actuellement fixé à 3 ans, (ii) en posant
la règle que le report n’est maintenu
qu’au prorata des sommes réinvesties –
dans
le
cadre
actuel,
un
réinvestissement de 60 % des sommes
suffit à maintenir 100 % du report.
De même, la non-taxation à l’IR et
aux prélèvements sociaux des plus-
values réalisées avant une donation
ou un héritage ne se justifie que si
les droits de mutation à titre gratuit
(DMTG) sont en mesure d’assurer
un niveau satisfaisant d’imposition
de l’enrichissement correspondant�
Contrairement
à
plusieurs
pays
européens, les règles de calcul des
plus-values en France impliquent que
l’enrichissement lié à la prise de valeur
d’un bien n’est pas soumis à l’imposition
des revenus si ce bien est donné ou
hérité.
Cet
enrichissement
est,
en
revanche, taxé sous la forme de DMTG
au moment de la transmission. L’équité
fiscale
d’ensemble
est
néanmoins
mise à mal lorsque les DMTG sur
la transmission de parts sociales et
valeurs mobilières sont réduits. Ainsi,
le taux de taxation global (à l’impôt sur
les revenus, puis aux DMTG) de revenus
d’activité qui auraient été épargnés,
puis transmis peut atteindre dans
certaines circonstances plus de 70  %,
tandis que celui d’actifs professionnels
transmis peut être limité à 5,65 % dans
certains pactes Dutreil.
Élargir le revenu fiscal
de référence (RFR) pour mieux
prendre en compte les capacités
contributives des contribuables
dans l’accès aux aides sociales
et les impôts locaux
Le
RFR,
déterminé
à
partir
des
déclarations d’impôt sur le revenu,vise
à mesurer les capacités contributives
effectives des contribuables� Il est
plus large que le revenu imposable
à l’impôt sur le revenu, et est utilisé
largement
pour
l’application
de
certaines impositions
(taxe foncière,
CSG,
CEHR),
l’accès
à
certaines
aides sociales, ou la tarification de
services publics (cantines scolaires,
etc.).
Toutefois,
le
CPO
constate
que 177  exemples de ressources ou
revenus exonérés d’IR ne sont pas
intégrés au RFR : allocations sociales,
accessoires du salaire (intéressement,
titres-restaurant)
ou
revenus
du
patrimoine
(revenus
de
l’épargne
réglementée, de plans d’épargne en
actions, plus-values immobilières). Si
certaines contraintes, par exemple
la charge administrative d’imposer
une déclaration sur certains revenus
exonérés, peuvent justifier qu’il ne soit
pas tenu compte de ces derniers dans
le RFR, cette décision doit résulter
d’un choix explicite du législateur.
Le
CPO recommande de poser la règle
selon laquelle tous les revenus nets
de charges entrent dans le champ
du RFR, sauf lorsque la loi fiscale en
dispose autrement�
Conforter l’égalité des citoyens
devant l’imposition des revenus
19
Synthèse
- Conseil des prélèvements obligatoires
Le crédit d’impôt (CI) pour l’emploi d’un
salarié à domicile (5,9 Md€ en 2023)
est égal à 50% des dépenses engagées,
et est plafonné en principe à 6 000 €
(soit 12 000 € de dépenses éligibles).
Ce CI se concentre sur les foyers les
plus aisés : le taux de recours à ce
dispositif est inférieur à 10 % au niveau
du 70
e
centile, il atteint 20 % au 90
e
centile, 30 % au 95
centile et dépasse
50  % au 99
e
centile. Conformément
aux recommandations de la Cour des
comptes (2024), il serait opportun de
ramener le soutien aux activités de la
vie quotidienne à un niveau suffisant
pour lutter contre le travail dissimulé,
tout en préservant les activités liées
à l’autonomie ou à la garde d’enfant.
La première catégorie de dépenses
pourrait voir le taux du CI ramené à
40  %, entraînant des économies pour
l’Etat d’environ 770 M€�
La réduction d’impôt (RI) au titre des
dons (1,7 Md€ en 2023)
est égale à 66 %
du montant versé, dans la limite de 20 %
du revenu disponible. Le CPO constate
que ce mécanisme souffre de critiques :
en comparaison européenne,ce dispositif
a le taux le plus élevé ; il ne bénéficie pas
aux ménages non imposables ; enfin, il
s’agit du seul RI ou CI échappant à tout
plafonnement en valeur. Pour autant,
compte tenu de la concentration du
dispositif, un plafonnement en valeur
serait susceptible d’entraîner une baisse
substantielle des dons accordés par les
hauts revenus aux associations, pour
un rendement budgétaire limité. Ainsi,
un plafonnement à 2 000 € de l’effet
de la RI dons, pour un gain budgétaire
de 0,5 Md€, aurait pour effet de retirer
l’avantage fiscal à 25  % de l’ensemble
des dons déclarés par les ménages.
Le
CPO recommande une réduction du
montant de l’avantage à 50 % du don,
complétée par un mécanisme de « 
gift
aid
» où le don d’un contribuable ne
bénéficiant pas de la RI déclenche une
subvention publique d’un montant
proportionnel versée à l’association
bénéficiaire�
La RI à raison des investissements
réalisés
en
Outre-mer
(589
M€
en
2023)
constitue
de
loin
le
principal
dispositif
de
soutien
à
l’investissement par les personnes
physiques. Cette dépense fiscale est
extrêmement concentrée sur le haut
de la distribution : 84 % des 28 935
bénéficiaires en 2020 appartenaient
au dernier dixième, et même 52 %
aux deux derniers centiles. Un rapport
de l’Inspection générale des finances
(2023)
montre
que
ce
dispositif
souffre de pratiques abusives. Enfin,
des dispositifs alternatifs préférables
existent
déjà,
notamment
un
CI
bénéficiant directement aux sociétés
réalisant
des
investissements
productifs.
Le CPO recommande donc
la suppression de la RI bénéficiant
aux personnes physiques�
Des crédits et réductions
d’impôt concentrés sur certains
contribuables et aux justifications
parfois incertaines
4
20
Synthèse
- Conseil des prélèvements obligatoires
La RI pour frais de scolarité (433 M€
en 2023)
est très concentrée sur le
haut de la distribution, contrairement
à l’allocation de rentrée scolaire :
les trois dixièmes de RFR les plus
élevés représentent 66 % des foyers
bénéficiaires pour le collège, 67 %
pour le lycée et 75 % pour le supérieur.
Cette
concentration
s’explique
par le mécanisme de la RI, qui ne
bénéficie qu’aux foyers imposables,
mais également un probable effet de
non-recours.
Cette
concentration,
combinée à son absence de caractère
incitatif,
et
son
faible
montant,
justifie une suppression de la RI�
Réductions et crédits d’impôt
Principaux crédits
et réductions d’impôt
Nombre
de foyers
bénéficiaires
Montants
accordés
Montant moyen
par foyer
bénéficiaire
Unités
En millions
En Md€
En €
Crédits d’impôts : Total
8,1
8,4
1 046
Emploi d’un salarié à domicile
4,6
5,6
1 204
Frais de garde d’enfant hors
du domicile
1,9
1,6
857
Versement de cotisations
syndicales
1,3
0,1
113
Réductions d’impôt : Total
7,0
8,3
1 175
Imposition des revenus
de source étrangère
0,4
2,6
7 324
Dons à des organismes
d’intérêt général
3,3
1,3
411
Investissement locatif Pinel
0,3
1,4
4 026
Investissements productifs
outre-mer
0,1
0,7
14 566
Investissement locatif Scellier
0,1
0,4
3 413
Frais de scolarisation des enfants
2,5
0,5
183
Dons aux personnes en difficulté
1,9
0,5
246
Frais liés à la dépendance
0,2
0,3
1 180
Investissement locatif Duflot
0,0
0,1
3 506
Souscription capital PME
0,1
0,1
2 291
Crédits et réduction d’impôt :
Total
12,0
16,7
1 388
Source : Mazeau, Suard, Les dépenses fiscales et autres avantages fiscaux, CPO, « conforter
l’égalité des citoyens devant l’imposition des revenus », rapport particulier n° 5, octobre 2024
Conforter l’égalité des citoyens
devant l’imposition des revenus
21
Synthèse
- Conseil des prélèvements obligatoires
Conforter l’égalité des citoyens
devant l’imposition des revenus
Le plafonnement global des RI et
CI dont peut bénéficier un foyer
fiscal manque de cohérence�
Celui-
ci est en apparence rigoureux : en
l’absence de revalorisation le plafond
de 10 000 € créé en 2009 a diminué
de
68,4
%
en
euros
constants.
En réalité, toutefois, 20 RI ou CI
échappent au plafonnement global
de 10 000 € (investissements outre-
mer, SOFICA, Malraux, Denormandie
ancien, dépenses d’accueil dans un
ESMS, frais de scolarité,etc.), sans
aucune justification ou cohérence
d’ensemble. Par ailleurs, le plafond
n’est pas modulé en fonction de
la composition du foyer fiscal, ce
qui désavantage les couples et les
familles.
Le
CPO
recommande
d’inclure l’ensemble des RI et CI, à
l’exception de la RI dons, sous un
plafond unique modulé en fonction
de la composition du foyer fiscal
et
de
l’existence
de
personnes
dépendantes ou à charge�
23
Synthèse
- Conseil des prélèvements obligatoires
Malgré des progrès, il est nécessaire
d’aller plus loin pour lutter contre
l’évitement
fiscal
international
en
matière d’imposition des revenus des
personnes physiques�
En
premier
lieu,
les
échanges
d’information
entre
Etats
sur
les
bénéficiaires effectifs de sociétés sont
encore insuffisamment développés�
Si
la collecte et le partage de ces éléments
sont désormais imposés aux États par
l’Union européenne (directive « DAC 5 »),
tel n’est pas le cas à un niveau plus
large, malgré des travaux en cours. En
premier lieu, aucune norme d’échange
automatique de renseignements n’existe
dans ce domaine au niveau de l’OCDE ;
en second lieu, s’agissant des échanges
« à la demande », au 8 novembre 2023,
seuls 50 % des États évalués par le
Forum mondial de l’OCDE étaient en
mesure d’effectuer des transmissions
d’un niveau satisfaisant.
Le CPO estime que ces informations
sur
les
bénéficiaires
effectifs
sont
nécessaires
pour
faire
échec
aux
stratégies d’évitement internationales de
l’imposition sur le revenu des personnes
physiques. Pour encourager les travaux
menés dans les instances internationales
et
européennes,
la
France
pourrait
inscrire les États présentant un niveau
insuffisant de partage d’information sur
la « liste noire » des États et territoires
non-coopératifs (ETNC)�
En second lieu, la concurrence entre
États pour attirer la résidence fiscale
des contribuables aisés s’est exacerbée
et crée des effets dommageables pour
la conduite des politiques publiques�
D’une part, on assiste au développement
de «  régimes préférentiels » dont le
nombre total de bénéficiaires de ces
régimes en Europe serait passé de 50
000 à plus de 250 000 depuis 1994. La
France n’est pas exempte de mécanismes
similaires effectifs ou en projet (régime
de
l’impatriation,
exonération
d’IR
envisagée pour les salariés de fédérations
sportives). D’autre part, de nombreux
États ne disposent d’aucune imposition
des revenus (Émirats Arabes Unis),
pratiquent un impôt forfaitaire (Suisse)
ou exonèrent des composantes majeures
de ces revenus pour les plus aisés telles
que les plus-values non-professionnelles
(Belgique). Sur ce dernier point, bien
que les États membres de l’UE aient la
possibilité d’instaurer un mécanisme
défensif
pour
lutter
contre
cette
concurrence dommageable, l’exit tax, ce
mécanisme peine à trouver en France
une incarnation durable et effective.
Le
CPO
recommande
d’engager
des travaux au niveau de l’OCDE
pouvant s’articuler en trois étapes :
(i) la définition des pratiques fiscales
dommageables en matière d’imposition
des revenus des personnes physiques, (ii)
la mise en place d’une revue par les pairs
et l’établissement d’une « liste noire »
en la matière, (iii) à terme, le lancement
d’un chantier sur l’imposition minimale
sur le revenu des personnes physiques.
Un « pacte fiscal » remis
en cause par l’évasion
et la fraude fiscales
5
25
Synthèse
- Conseil des prélèvements obligatoires
La
fraude
fiscale
est
un
délit
constitué
par
un
comportement
intentionnel visant à se soustraire
frauduleusement
à
l’impôt�
Les
Français ont un regard paradoxal
vis-à-vis de la fraude : seuls 44 % des
sondés considèrent qu’il n’est « jamais
justifié de tricher » sur ses impôts et
cotisations sociales. Pour autant, 55 %
des Français interrogés soutenaient un
renforcement des fonds publics dédiés
à la lutte contre les différents types de
fraude (et seuls 10 % souhaitaient les
diminuer).
En matière d’imposition des revenus,
ce phénomène reste mal connu : la
France ne produit pas d’évaluation
de la fraude ou de l’écart fiscal en la
matière (contrairement à 38 % des
pays à haut revenu au sens du FMI).
Tant
en
matière
d’IR
que
de
contributions sociales, on constatait
jusqu’en 2023 une tendance à la
baisse du nombre total de contrôles
réalisés
respectivement
par
la
DGFiP et les URSSAF�
D’une part,
la programmation repose de façon
croissante sur le datamining. D’autre
part
s’agissant
des
prélèvements
sociaux, les contrôles sont recentrés
sur la lutte contre le travail illégal
(LCTI).
Si
cette
stratégie
paraît
pleinement justifiée, le CPO néanmoins
appelle à la vigilance sur le taux très
faible
de
montants
recouvrés
en
matière de LCTI : entre 4 % et 10 % de
recouvrement à deux ans contre entre
60% à 80% pour les autres opérations
de contrôle des URSSAF.
Ces enjeux
rendent nécessaire de poursuivre les
efforts de coordination entre DGFiP
et URSSAF sur les contrôles, les
rectifications et le recouvrement des
créances fiscales�
Enfin, les procédures de lutte contre
la fraude nécessitent une meilleure
coordination entre juges�
En premier
lieu, la transmission automatique au
parquet des affaires les plus graves
a mis le juge pénal au cœur de la
lutte contre la fraude en matière
d’imposition des revenus. Toutefois, la
jurisprudence constitutionnelle rend
nécessaire une meilleure coordination
entre le juge de l’impôt (pouvant
être saisi d’une contestation portant
sur montant de l’impôt dû) et le juge
pénal chargé de sanctionner le délit
de fraude fiscale. En deuxième lieu,
le
contentieux
du
recouvrement
de l’impôt reste marqué par une
complexité
excessive
pour
le
contribuable. Le CPO propose à cet
égard de rassembler le contentieux
fiscal autour du seul juge de l’impôt.
La lutte contre la fraude
constitue une dimension
centrale du « pacte fiscal »
6
27
Synthèse
- Conseil des prélèvements obligatoires
Le CPO estime ainsi possible de conforter l’égalité des citoyens devant
l’imposition des revenus dans quatre directions :
l
améliorer la prise en compte de la structure familiale dans l’impôt, tout en
confortant sa progressivité;
l
renforcer la cohérence du traitement fiscal des différents catégories de
revenu ;
l
limiter la concentration des crédits et réductions d’impôt sur le revenu ;
l
renforcer la lutte contre la fraude et mettre en place un encadrement
international des pratiques fiscales dommageables�
Les mesures proposées permettent, en fonction du paramétrage retenu, de
maintenir ou d’augmenter de façon ciblée le rendement de l’IR et de la CSG,
tout en renforçant à la fois l’égalité horizontale et verticale devant l’imposition
des revenus. Les « gagnants » de ces réformes se répartiront entre les 6
e
et
9
dixièmes de revenus, tandis que les « perdants» se concentreront surtout
sur les deux derniers dixièmes, sans que la fiscalité pour ces foyers ne devienne
confiscatoire.
Le « pacte fiscal » qui place l’imposition des revenus au cœur de notre contrat
social s’en trouverait renforcé, sans porter atteinte à nos finances publiques.
Conclusion
28
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Synthèse financière des recommandations
Conclusion
Orientation
Impact finances
publiques (en Md€)
Améliorer la prise en compte de la structure familiale
dans l’impôt sur le revenu, tout en renforçant
sa progressivité
dont familialisation et conjugalisation de la décote
dont plafonnement du quotient conjugal (10 000 €)
dont relèvement du plafond du quotient familial
Entre - 1,9 et - 3,2
- 2,8
+ 1,1
De - 0,8 (2 000 €)
à - 2,1 (2 500 €)
Renforcer la cohérence du traitement fiscal
des catégories de revenus
dont placement sous condition de ressources
des avantages liés aux pensions
Entre + 1,7 et + 2,1
De + 1,4 à + 1,8
Limiter la concentration sur certains contribuables
des crédits et réduction d’impôts sur le revenu
dont crédit d’impôt services à la personne –
taux à 40 % hors gardes d’enfant et dépendance
+ 1,5
+ 0,8
Renforcement la lutte contre la fraude aux impôts
sur le revenu et mettre en place un encadrement
international des pratiques fiscales dommageables
Non chiffré
SYNTHÈSE
Entre 0 et + 1,7
Source: CPO, 2024
29
Synthèse
- Conseil des prélèvements obligatoires
Orientation 1 : Améliorer la prise
en compte de la structure familiale
dans l’impôt, tout en renforçant
sa progressivité
Recommandation n° 1 :
Donner
son plein effet au quotient conjugal
pour
les
classes
moyennes
en
conjugalisant la décote et limiter
l’avantage qu’en tirent les foyers les
plus aisés en le plafonnant.
Recommandation n° 2 :
Améliorer
la prise en compte des charges
familiales par l’impôt sur le revenu en
familialisant la décote et en relevant
le plafond du quotient familial.
Recommandation n° 3 :
Supprimer la
demi-part supplémentaire bénéficiant
aux personnes vivant seules et ayant
élevé seules pendant au moins 5  ans
des enfants qui ne sont plus à leur
charge, car elle ne correspond à
aucune
charge
effective
assurée
par le foyer fiscal au moment du
paiement de l’impôt.
Orientation 2 : Renforcer la cohérence
du traitement fiscal des différentes
catégories de revenus
Recommandation n° 4 :
À court
terme, ne pas prolonger la prime
de partage de la valeur au-delà
du 31 décembre 2026. À moyen
terme, engager une évaluation des
avantages
fiscaux
attachés
aux
autres compléments de salaires.
Recommandation
5
:
Placer
sous condition de ressources les
avantages
fiscaux
accordés
aux
bénéficiaires de pensions.
Recommandation n° 6 :
Supprimer
pour l’avenir la faculté de procéder
à des amortissements sur le bien
immobilier dans le cadre de la
taxation à l’impôt sur le revenu de la
location meublée.
Recommandation n° 7 :
Recentrer
le plan d’épargne retraite (PER) sur
sa fonction d’épargne retraite en
encadrant son âge de liquidation.
Recommandation n° 8 :
Élargir les
cas de remise en cause de l’apport-
cession en cas de cession des titres
apportés en échange au-delà de la
seule condition de réinvestissement
de 60 % des sommes dans les 3 ans.
Recommandation n° 9 :
Réintégrer
au revenu fiscal de référence, sauf
exceptions prévues par la loi,l’ensemble
des revenus nets de charges.
Orientation 3 : Limiter la concentration
sur certains contribuables des crédits
et réductions d’impôts sur le revenu
Recommandation n° 10 :
Réduire le
taux du crédit d’impôt « services à la
personne » à 40 % hors frais de garde
et dépendance.
Recommandation n° 11 :
Supprimer
la
réduction
d’impôt
pour
frais
de scolarité, compte tenu de sa
redondance
avec
l’allocation
de
rentrée scolaire.
Recommandation n° 12 :
Rationaliser
les
avantages
fiscaux
au
profit
des départements et collectivités
d’outre-mer
en
privilégiant
le
crédit
d’impôt
bénéficiant
aux
sociétés réalisant directement ces
investissements.
Rappel des recommandations
du CPO
30
Synthèse
- Conseil des prélèvements obligatoires
Rappel des recommandations
du CPO
Recommandation n° 13 :
Ramener
le taux de la réduction d’impôt sur
les dons de 66 % à 50% de la valeur
des dons versés et combiner cette
réduction d’avantage au versement
d’une subvention publique modulée
en fonction du montant des dons
reçus
de
personnes
physiques
résidentes
n’ayant
pas
bénéficié
d’une réduction d’impôt.
Recommandation n° 14 :
Inclure
l’ensemble
des
réductions
et
crédits d’impôt, à l’exception de
la réduction d’impôt sur les dons,
sous un plafond unique modulé en
fonction de la composition du foyer
fiscal et de l’existence de personnes
dépendantes ou à charge.
Orientation 4 : Renforcer la lutte
contre la fraude aux impôts
sur le revenu et mettre en place
un encadrement international
des pratiques fiscales dommageables
Recommandation n° 15 :
Finaliser
l’inclusion de l’obligation de trans-
parence des bénéficiaires effectifs
dans les critères d’inscription sur
la « liste noire », le cas échéant en se
fondant sur la notation établie par le
Forum mondial de l’Organisation de
coopération
et
de
développement
économiques (OCDE).
Recommandation n° 16 :
Encourager
la
mise
en
place
de
travaux
internationaux
sur
les
pratiques
dommageables relatives à l’imposition
des personnes physiques.
Recommandation n° 17 :
Améliorer
la coordination entre la direction
générale
des
finances
publiques
(DGFiP) et les Unions de recouvrement
des cotisations de sécurité sociale et
d’allocations familiales (URSSAF) sur
les contrôles, les rectifications et le
recouvrement des créances fiscales.
Recommandation n° 18 :
En matière
répressive, assurer une meilleure
coordination
entre
le
juge
de
l’impôt et le juge pénal. En matière
de contentieux du recouvrement,
simplifier
la
répartition
des
compétences en confiant celui-ci au
juge de l’impôt, et non au juge de
l’exécution.