ENTITÉS ET POLITIQUES PUBLIQUES
LA DÉLIVRANCE
DES PERMIS
DE CONSTRUIRE
Un parcours complexe
dans un cadre instable
Rapport public thématique
Synthèse
Septembre 2024
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
g
AVERTISSEMENT
Cette synthèse est destinée à faciliter la lecture et l’utilisation
du rapport de la Cour des comptes.
Seul le rapport engage la Cour des comptes.
Les réponses des administrations, des organismes et des collectivités
concernés figurent en annexe
.
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Sommaire
Introduction
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .5
1
Les principaux constats
7
2
Cinq principaux messages peuvent être formulés
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Recommandations. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
La présente enquête examine du point de vue du citoyen-demandeur (pétitionnaire)
les conditions, l’efficacité et l’efficience de la procédure d’attribution ou de refus
des permis de construire . Elle analyse les interactions entre le rôle du maire et
celui du citoyen qui sollicite une autorisation du droit des sols .
À partir de la complexité des mécanismes d’attribution de ce droit, les juridictions
financières font l’inventaire des fragilités, des difficultés et des mécanismes
dérogatoires rencontrés par les pétitionnaires, qu’ils soient particuliers ou
professionnels .
Introduction
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
En matière d’urbanisme, l’organisation
de chaque territoire est similaire,
mais les différences de moyens et de
compétences qui y sont déployés sont
importantes .
La lourdeur de l’élaboration des
documents d’urbanisme, comme
un plan local d’urbanisme (PLU)
communal ou intercommunal, est
constante, ce qui influe sur leur sécurité
juridique . L’urbanisme alimente
un contentieux de masse dont la
progression reste marquée et absorbe
environ un tiers des ressources des
tribunaux administratifs . Les services
préfectoraux concentrent pour leur
part leurs contrôles sur les zones
à risques ou à enjeux, mais restent
pleinement concernés par l’instruction
des autorisations des quelques
9 000 communes relevant encore
du règlement national d’urbanisme
(RNU) . Celui-ci s’applique à toutes les
communes qui n’ont pas établi de carte
communale, de PLU ou de plan local
d’urbanisme intercommunal (PLUi) .
La dématérialisation de l’instruction
des autorisations d’urbanisme, comme
les permis de construire, n’est pas
encore pleinement déployée . Les délais
d’instruction sont majoritairement
respectés, avec des pétitionnaires
individuels satisfaits du traitement
qui leur est réservé par les services
municipaux, toutefois le volume et la
récurrence des pièces complémen-
taires sollicitées peuvent entraîner leur
incompréhension . Pour les pétition-
naires professionnels, les démarches
sont de plus en plus compliquées, avec
des résultats aléatoires dépendant des
volontés locales .
Bien que les demandes d’autorisation
de permis de construire émanant des
particuliers soient les plus nombreuses
(60 % en 2022), les plus structurantes
sur le plan de l’urbanisme, de l’économie
ou du social, sont celles des promoteurs,
puisqu’elles représentent 80 % des
surfaces construites (logements
collectifs et locaux tertiaires) .
Compétence essentielle pour les
maires, la délivrance des autorisations
d’urbanisme présente des biais que
la présente enquête met en exergue,
tels que l’apparition, notamment
envers les promoteurs immobiliers,
d’un urbanisme négocié ou contraint
à travers les « chartes de l’urbanisme »,
ou bien, pour les pétitionnaires
particuliers, des demandes de pièces
complémentaires non obligatoires lors
de l’instruction des dossiers .
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Les principaux constats
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Les principaux constats
Concernant la mise en œuvre des
documents d’urbanisme, le paradoxe
principal se trouve être celui d’une
inadéquation entre le temps long des
procédures d’adoption ou d’évolution
des documents d’urbanisme et le
temps court de l’action publique locale .
De fait, le pétitionnaire se trouve pris en
étau entre ces deux réalités .
Sans remettre en cause le bien-fondé
d’une politique locale d’urbanisme,
l’enquête relève l’utilisation de
vecteurs extra-légaux pour mener
cette politique qui rend la sécurité
juridique de l’ensemble hasardeuse .
L’application du droit des sols, plus que
jamais indispensable à la maîtrise de
la consommation d’espace et d’énergie
comme à la prévention des risques de
toute nature, apparait victime de son
développement .
Alors que le nombre de permis de
construire délivrés est au plus bas et
qu’une performance accrue apparaît
nécessaire pour réguler la consom-
mation d’espace, les constats de
l’enquête des juridictions financières
révèlent un véritable décalage . D’une
part, entre un droit de l’urbanisme
complexe et instable, mettant en œuvre
localement des procédures lourdes et
onéreuses et, d’autre part, le constat
d’un édifice juridiquement fragile,
d’une faible intelligibilité pour les
pétitionnaires, issu de la multiplication,
par les élus eux-mêmes, de stratégies de
contournement et, au final, d’un respect
parfois relatif de la norme applicable .
Ce déficit global d’efficience dans la
régulation urbanistique se pose avec
acuité au regard des moyens mis en
œuvre comme des enjeux à affronter .
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Les principaux constats
Le parcours des demandeurs d’autorisation du droit des sols
S’INFORMER
SAVOIR
S’ENGAGER
RÉALISER,
RENONCER,
OU CORRIGER
Potentielle faisabilité d’un projet
Participer ou pas, aux débats
sur les documents d’urbanisme
(élaboration, modification, révision)
S'informer, ou pas, sur les conditions
de faisabilité d’un projet
à un endroit donné
Ces informations
sont souvent partielles
et mal qualifiées
À l’oral : Auprès d’un notaire,
des services de la commune,
ou de l’élu en charge
À l’écrit : demande d’une note de
renseignement d’urbanisme (NRU)
ou d’un certificat d’urbanisme
de type A (CUa)
Réelle faisabilité d’un projet précis
S’informer, ou pas,
sur la possibilité
de réaliser un projet
déjà localisé et défini
À l’oral : Auprès de son notaire, auprès
des services de la commune, ou du Maire
À l’écrit : demande d’un certificat
d’urbanisme de type B (CUb), ou choisir
de déposer directement une demande
d’autorisation du droit des sols (ADS)
Dépôt d’une demande d’autorisation pour un projet précis
soit après avoir obtenu un certificat d’urbanisme, soit directement
Les particuliers :
une déclaration préalable
(DP-20m²), un permis
de construire, un permis
de démolir
Les professionnels :
un permis d’aménager (PA),
un permis de construire,
ou un permis de démolir
Début du parcours de la demande d’autorisation (ADS),
possiblement dématérialisé, avec un délai d’instruction
de deux mois
Pour les promoteurs,
cette phase est souvent
précédée de « négociations »
avec la collectivité
Réponse de la part de l’autorité locale
La donne n’a pas changé
depuis la réception
du certificat d’urbanisme (CU) :
Réponse positive : le projet démarre
Réponse tacite : un « positif »
qui n’est pas « confortable »
Réponse positive mais le requérant
change d’avis, le chantier révèle
des complications, (augmentation
des coûts ou des aménagements
imprévus ou inadaptés) :
dépôt d’un permis modificatif
La donne a changé depuis la réception du CU,
ou la demande n’était pas conforme au CU :
Réponse négative : le projet est abandonné
ou dépôt d’un nouveau permis
Réponse réservée, donc potentiellement négative :
Évolution de la carte des risques, évolution en cours
du PLU (sursis à statuer), annulation du PLU,
obligation d’une demande au « cas par cas »
(« clause filet »), etc.
Cette réponse suggère de retravailler le projet
(problème de conformité avec le PLU,
remarques subjectives de l’autorité,
risque de contentieux avec le voisinage , etc.),
Abandon du projet ou dépôt d’un nouveau permis
Source : Cour des comptes
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Les principaux constats
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
L’empilement de législations
mêlant plusieurs codes (urbanisme,
environnement, construction,
commerce,
patrimoine,
etc .)
combiné avec l’obligation de mise en
compatibilité des différents documents
de planification urbaine, crée une
complexité et une insécurité juridique
permanente pour tous les acteurs de
la chaîne d’instruction des décisions
d’urbanisme (pétitionnaires individuels
ou professionnels, élus locaux, services
déconcentrés de l’État, etc .) .
Les évolutions constantes de l’état du
droit et la longueur des procédures per-
mettent aux requérants contestataires
de disposer de stratégies multiples de
recours, qui congestionnent les tribu-
naux et peuvent déboucher sur des
décisions d’annulation des documents
d’urbanisme . Ces décisions peuvent
imposer, sans délai, de revenir au
régime antérieur, voire au règlement
national d’urbanisme (RNU) . Le
cas de l’annulation du plan local
d’urbanisme intercommunal (PLU(i))
de l’agglomération toulousaine en est
une démonstration . Ces annulations
ont un retentissement particulier
pour les autorisations du droit des
sols, puisque certains propriétaires
recouvrent les droits à construire qu’ils
avaient perdus, tandis que d’autres
perdent ceux qu’ils avaient obtenus . Au
motif que les documents préalables ne
sont pas totalement en cohérence avec
le PLU(i), l’annulation des documents
d’urbanisme remet en vigueur des
textes antérieurs qui ne permettent
plus de respecter les exigences de
la transition écologique ou d’autres
textes de loi récents .
La délivrance des autorisations
d’urbanisme est une compétence à
laquelle les maires restent très attachés
alors que la planification est une mission
généralement assumée par l’échelon
intercommunal . Sauf exception, la
compétence d’instruction est exercée
« à la carte », soit par la commune, soit
par l’intercommunalité pour le compte
des communes membres .
L’élaboration et l’adoption des
documents d’urbanisme constituent
un poste important de dépenses à la
charge des collectivités locales, voire
des pétitionnaires . Ces dépenses
sont souvent mal identifiées dans les
comptes des collectivités territoriales
et proviennent régulièrement de la
sollicitation de bureaux d’études dont
les livrables sont parfois de simples
produits standardisés .
Du côté des pétitionnaires, des
demandes d’études complémentaires
exigées sans fondement juridique
peuvent également grever les budgets
prévisionnels . Pour l’élaboration d’un
document d’urbanisme, quelle que soit
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Cinq principaux messages
peuvent être formulés
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Cinq principaux messages peuvent être formulés
la taille de la collectivité, la dépense
se chiffre en centaines de milliers
d’euros . Les cas observés présentent
des dépenses comprises entre
400 000 € et 9 M€ . Pour l’instruction
des autorisations des droits des sols,
les facturations aux communes par
les services instructeurs se situent
entre 300 et 3 500 € l’acte, en
fonction de la complexité du dossier
à instruire . Aucun état analytique
de ces coûts n’est disponible dans
les collectivités analysées . Pour les
pétitionnaires, l’exigence d’une étude
environnementale complémentaire
peut coûter plusieurs milliers d’euros .
Le parcours d’instruction des
autorisations d’urbanisme est perçu
par le pétitionnaire comme un
cheminement compliqué avec un
nombre exigeant de pièces à fournir,
dont il ne maîtrise souvent ni la
technicité, ni les surcoûts afférents .
De surcroît, les pratiques récentes
des collectivités locales en matière
de chartes d’urbanisme et de labels,
contraignent le pétitionnaire à
cheminer hors du champ strictement
légal et à participer à un dialogue
d’experts avec les élus pour lequel il
n’est pas toujours armé .
Dans les services instructeurs il s’avère
difficile d’attirer et de maintenir
les compétences indispensables .
La réglementation très technique
de l’autorisation et du contrôle
des occupations des sols nécessite
une véritable expertise et la mise à
jour fréquente des connaissances
nécessaires . Au sein des services de
l’État, comme au sein des collectivités
territoriales, la filière d’emplois
gagnerait à être renforcée en matière
de formation et de reconnaissance
professionnelle pour attirer de
nouveaux talents .
Sur le fondement de l’ensemble
de ces constats, qui portent sur
l’efficacité et l’efficience d’un dispositif
complexe, la Cour et les chambres
régionales des comptes formulent sept
recommandations classées en quatre
catégories : clarification, amélioration,
simplification et sécurisation .
Déposé le 6 mai 2024 au Sénat, le
projet de loi relatif au développement
de l’offre de logements abordables
n’a pas pu être pris en compte dans
le présent rapport . Sans préjuger de
l’issue du débat législatif, les juridictions
financières prennent acte qu’il répond
à plusieurs de ses observations,
notamment en matière de contentieux
de l’urbanisme .
Ce projet de loi proposait notamment
de modifier le contenu des quotas
de logements sociaux imposés par la
loi SRU, de donner plus de moyens
d’action aux communes pour la
maîtrise foncière de leur territoire, de
renforcer les outils de densification
en zones pavillonnaires ou dans les
zones d’activité économique, d’élargir
le champ d’application des permis de
construire multisites non contigus, et
de raccourcir les délais des procédures
contentieuses .
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Recommandations
1.
Mettre en place des formations
adaptées aux besoins des agents
exerçant
dans
les
services
décentralisés et déconcentrés, afin
de permettre l’émergence d’une
véritable filière de l’instruction et du
contrôle de l’urbanisme (amélioration)
(ministère de la transition écologique
et de la cohésion des territoires, centre
national de la fonction publique
territoriale ; 2025)
2.
Fixer une obligation d’informer
les pétitionnaires qui ont obtenu un
certificat d’urbanisme lorsqu’une
révision de la carte des risques est
décidée postérieurement à cette
obtention (amélioration)
(ministère
de la transition écologique et de la
cohésion des territoires, ministère de
l’intérieur et des outre-mer ; 2025).
3.
Améliorer la fluidité de l’instruction
en ligne, notamment en interfaçant
les bases de données des services
obligatoirement consultés (service
départemental d’incendie et de
secours, architectes des bâtiments de
France, etc .) (amélioration)
(ministère
de la transition écologique et de la
cohésion des territoires ; 2025).
4.
Donner aux pétitionnaires, dès le
début de la procédure d’instruction
de leurs demandes d’autorisation, les
informations nécessaires à la bonne
préparation de leur projet (procédure
classique, procédures d’exception,
taxes prévisibles, etc .) (amélioration)
(ministère de la transition écologique
et de la cohésion des territoires,
ministère de l’intérieur et des
outre-mer ; 2025).
5.
Instaurer une phase de dialogue
avec les missions régionales d’auto-
rité environnementale, avant toute
analyse d’impact (simplification)
(ministère de la transition écologique
et de la cohésion des territoires ; 2025).
6.
Proscrire l’usage de documents à
contenus prescriptifs ou similaires,
sans base, ni compétence légale,
s’ajoutant aux dispositions des plans
locaux d’urbanisme ou plans locaux
d’urbanisme intercommunaux
tels que des chartes d’urbanisme
(sécurisation)
(ministère de la
transition écologique et de la cohésion
des territoires, ministère de l’intérieur
et des outre-mer ; 2025).
7.
Garantir aux pétitionnaires
ayant obtenu un permis tacite, la
communication, sur simple demande,
d’un certificat prouvant le dépôt des
pièces et la date de transmission au
préfet (clarification)
(ministère de la
transition écologique et de la cohésion
des territoires, ministère de l’intérieur
et des outre-mer ; 2025).
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes