RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS,
ORGANISMES ET PERSONNES CONCERNÉS
LA RÉPARATION
PAR LA FRANCE
DES SPOLIATIONS
DE BIENS CULTURELS
COMMISES ENTRE
1933 ET 1945
Restitutions et indemnisations
Rapport public thématique
Septembre 2024
•
La réparation par la France des spoliations de biens culturels commises entre 1933 et 1945 - septembre 2024
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RÉPONSES
DES
ADMINISTRATIONS,
ORGANISMES ET PERSONNES
CONCERNÉS
Réponses reçues
à la date de la publication (24 septembre 2024)
Réponse du Premier ministre
......................................................................
4
Réponse du président-directeur général du groupe artcurial
.....................
20
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RÉPONSE DU PREMIER MINISTRE
Le Gouvernement a pris connaissance avec une grande attention du
rapport thématique de la Cour des comptes intitulé « La réparation par la
France des spoliations de biens culturels commises entre 1933 et 1945.
Restitutions et indemnisations ».
Il appelle de ma part les remarques ci-dessous.
1.1
Une volonté politique et un engagement en faveur de la
recherche et des restitution affirmés depuis 2013 et renforcés en
2018- 2019
Le Gouvernement se félicite que le rapport de la Cour des comptes
mette en exergue un grand nombre d’évolutions positives, notamment en
matière de volonté politique, affirmée à plusieurs reprises par le
Gouvernement, ainsi que d’organisation et de mise en avant d’une
politique publique de réparation des spoliations de biens culturels.
Le Gouvernement regrette néanmoins que les actions menées avant
la création d’une mission ad hoc au sein du ministère de la culture soient
minimisées, en particulier dans la synthèse initiale, sans tenir suffisamment
compte du contexte de l’époque considérée et de l’évolution progressive
dans l’appréhension du sujet. Il souhaite rappeler l’importance des actions
entreprises depuis le milieu des années 1990 et notamment la hausse
significative des restitutions à partir de cette période, et souligner que la
volonté politique actuelle s’inscrit dans une démarche lancée il y a plus de
dix ans, en 2013, avec le développement de la recherche proactive,
consistant à prendre les devants et à ne pas attendre une demande des ayants
droit de victimes pour effectuer des investigations et des restitutions.
C’est dans le prolongement de ce mouvement que le Gouvernement
a réaffirmé en 2018 son engagement et annoncé, comme le note la Cour,
une « politique plus volontariste », avec la « volonté de rendre plus efficace
l’action de l’État », à laquelle la création de la Mission de recherche et de
restitution des biens culturels spoliés entre 1933 et 1945 (M2RS) au sein
du ministère doit contribuer.
La Cour relève également l’élargissement des recherches à
l’ensemble des collections, au
-delà des biens « Musées nationaux
récupération » (MNR) : « Les objectifs de la politique de réparation furent
par ailleurs sensiblement élargis ». Ce point est en effet majeur : il faut bien
sûr poursuivre la recherche sur les œuvres MNR, mais toutes les œuvres
spoliées ne sont pas MNR et les œuvres MNR ne sont pas toutes spoliées. Cet
élargissement du champ de recherche aux biens entrés dans les collections
publiques est une évolution très importante de ces dernières années.
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De la même façon, la Cour relève que « la provenance des œuvres
que projettent d’acquérir les musées et la sécurisation des procédures
d’acquisition font désormais l’objet d’une attention accrue.
En effet,
l’historique d’une œuvre entre 1933 et 1945 est désormais mieux examiné
au moment de l’acquisition pour les collections publiques. Cette
préoccupation se diffuse rapidement dans les musées et bibliothèques
publics, ce qui constitue un progrès notable.
Le Gouvernement relève également que la Cour note à propos de la
M2RS que « les acteurs rencontrés ont salué son action ».
1.2
Un cadre juridique solide
Le Gouvernement relève avec satisfaction le jugement positif de la
Cour des comptes sur la « solidité » du cadre juridique français « qui offre
plusieurs voies de réclamation ». La loi-cadre du 22 juillet 2023 relative à
la restitution des biens culturels ayant fait l'objet de spoliations dans le
contexte des persécutions antisémites perpétrées entre 1933 et 1945, en
particulier, «
améliore le dispositif d’instruction des réparations.
L’avancée majeure que constitue la création dans le code du patrimoine
d’une procédure de sortie du domaine public des biens ayant fait l’objet de
spoliations antisémite
s dérogatoire au principe d’inaliénabilité est ainsi
pleinement reconnue. La Cour note que « la France dispose aujourd’hui
d’un cadre juridique de réparation de la spoliation de biens culturels
parmi les plus complets en Europe ».
1.3
Une politique de répa
ration à l’égard d’ayants droit
toujours proches des victimes de spoliations
Le Gouvernement relève avec un intérêt tout particulier l’étude à
laquelle a procédé la Cour des comptes au sujet du niveau de proximité ou
d’éloignement des ayants droit identif
iés par la Commission pour la
restitution des biens et l’indemnisation des victimes de spoliations
antisémites (CIVS) par rapport aux victimes de spoliations. En effet, l’idée
d’un éloignement grandissant entre les victimes et les bénéficiaires des
mesures de réparation est régulièrement mise en avant, de façon à
exprimer un doute sur la légitimité de la politique de réparation actuelle
qui bénéficierait de plus en plus à des personnes très éloignées des
victimes, voire étrangères à ces dernières et à leur mémoire ; il y aurait
ainsi un effet d’opportunité pour des ayants droit qui n’auraient que très
peu de liens avec l’histoire de la spoliation.
La CIVS a ainsi examiné « le degré de parenté entre les victimes de
spoliation et les ayants-droits bénéficiair
es d’une indemnisation » sur la
base d’un échantillon de 44 dossiers. Pour deux tiers des dossiers, les
ayants droit les plus proches de la victime appartiennent à la première ou
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à la deuxième génération suivant la victime, ce qui contredit l’impression
d’
un grand éloignement entre victimes et bénéficiaires des réparations. «
Il ressort ainsi de cette étude que dans la majorité des cas, le lien « vivant
» entre victimes directes et ayants droit est aujourd’hui toujours bien
constitué ».
Évidemment, avec le temps, la part des membres de la troisième
génération (arrière-petits-enfants) et au-delà augmente et continuera
d’augmenter ; mais même cette génération –
celles des arrière-petits-
enfants
–
fait souvent preuve d’une grande proximité avec les victimes :
nombreux sont les arrière-petits-enfants à entreprendre des recherches sur
leurs arrière-grands-
parents pour découvrir et connaître l’histoire
familiale demeurée dans l’ombre.
Cette étude, même si elle est fondée sur un nombre limité de
dossiers, révèle la
force et l’utilité de la politique de réparation ; au travers
de ces recherches et de l’étude de ces dossiers, l’État, grâce à la CIVS et
aux services qui travaillent à l’instruction des dossiers, au premier chef la
M2RS pour ce qui concerne les biens culturels, apporte aux familles
d’aujourd’hui la reconnaissance attendue et bienvenue de ce qu’ont subi
leurs aïeux il y a plus de 80 ans.
2.
Le Gouvernement souligne l’importance des efforts et
progrès réalisés pour améliorer la politique de restitution, tant dans
l’administration et que dans des établissements culturels
Le Gouvernement souhaite nuancer l’analyse de la Cour et
souligner l’ensemble des évolutions récentes positives en matière de
restitutions, d’extension des recherches, d’augmentation des moye
ns ou de
formation et de sensibilisation.
2.1
Les progrès en matière de restitution des biens spoliés
Le Gouvernement rappelle que l’évolution des dossiers, la diversité
des cas de figure, l’analyse nouvelle de certains dossiers témoignent d’une
écoute de
plus en plus attentive, depuis plus d’une dizaine d’années, des
familles spoliées, dans l’esprit des Principes de Washington.
Le nombre de restitutions d’œuvres MNR et d’œuvres des
collections publiques est cité par la Cour, mais le rythme des restitutions
n’est pas commenté, alors que le schéma publié par la Cour illustre bien
l’évolution récente. Il convient également d’ajouter aux œuvres MNR les
œuvres des collections publiques restituées (loi du 21 février 2022) et les
quelques œuvres ayant fait l’objet d’une autre modalité de règlement
permettant de les conserver dans les collections contre compensation
financière (tableau de Braque du Centre Pompidou en 2005 et tapisserie
de Brive-la-Gaillarde en 2020).
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Sur les 205 restitutions réalisées entre 1950 et le 16 mai
2024 (188
MNR et équivalents ; 15 œuvres des collections publiques ;
2
œuvres maintenues dans les collections), 102 l’ont été en 13 ans, depuis
2012, soit 50 % du total des restitutions de MNR.
Il est incontestable qu’il demeure un « nombre très
important de
biens dont le parcours doit encore être documenté » et que les restitutions
doivent être plus nombreuses et rapides, mais le bilan chiffré et l’évolution
du rythme des restitutions pourraient être soulignés favorablement. En
outre, plus de 35
biens et plus d’une centaine de livres sont aujourd’hui
identifiés comme spoliés et peuvent donner lieu à restitution, sous réserve
de l’avis de la CIVS. Le rythme est donc amené à se maintenir et à
s’amplifier.
En outre, la recherche proactive a progressé et a permis
52 restitutions depuis les premières en 2016, soit 28 % du total des
restitutions de MNR depuis 1950 (25 % du total des restitutions en incluant
les autres œuvres) et 66
% du total des restitutions de MNR depuis
2013 (54 % du total des restit
utions en incluant les autres œuvres).
Enfin, au-delà du nombre de restitutions, les décisions de restitution
illustrent la plus grande capacité des autorités à prendre en compte des
situations plus incertaines, dans lesquelles toutes les étapes du
chemin
ement d’une œuvre ne sont pas nécessairement connues, mais pour
lesquelles un faisceau d’indices permet de conclure à la spoliation.
Ainsi, depuis une dizaine d’années, on peut relever plusieurs
décisions de restitution portant sur des objets spoliés dans des
circonstances plus difficiles à apprécier que les cas de vol ou pillage par
l'Einsatzstab Reichsleiter Rosenberg (ERR), ou d’« aryanisation » par les
autorités de Vichy. Ainsi, en 2016 et 2018, le ministère de l’Europe et des
affaires étrangères, sur la proposition du ministère de la culture, a décidé
la restitution de deux tableaux MNR qui avaient été vendus à Paris en
1938
par une famille allemande juive ayant quitté l’Allemagne après avoir
été spoliée et avoir dû régler les taxes imposées par les nazis ; la vente à
Paris, en 1938, a été considérée comme la suite de la spoliation subie en
Allemagne. En 2023, la Première ministre a décidé la restitution, après
étude du ministère de la culture, de deux œuvres MNR volées ou plus
probablement vendues sous la contrainte dans des circonstances mal
établies, en Italie entre 1935 et 1938 ou en France après 1938. Enfin, en
2023, la CIVS a recommandé la restitution de deux tableaux MNR vendus
en mars 1941 - et peut-
être plus tôt pour l’une des deux œuvres
- par un
marchand d’art russe juif installé à Paris, contraint de fuir la capitale pour
échapper aux persécutions. Sa qualité de marchand n’a pas empêché de
considérer la vente de ces tableaux -
et d’autres aujourd’hui localisés à
l’étranger –
comme forcée, donnant lieu à restitution.
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Ces exemples révèlent l’évolution de l’analyse portée sur des
situations qui n’auraient sans doute pas été considérées comme
spoliatrices quelques années avant par l’administration française : le fait
de caractériser comme forcée, liée à la persécution subie en Allemagne, la
vente d’œuvres en France avant le déclenchement de la guerre ou la vente
par un marchand, est suffisamment important pour être souligné. De
même, ne pas connaître tous les éléments du parcours complexe d’une
œuvre
n’empêche pas de décider d’une restitution si le faisceau d’indices
est suffisamment grave et concordant, pour reprendre l’expression de la
Cour d’appel de Paris en 2020 dans le dossier Gimpel.
2.2
La poursuite de la recherche sur les œuvres MNR
Sur les objets MNR, la Cour écrit que « la M2RS assure le suivi des
œuvres classées MNR » et « réalise en outre elle
-même des recherches de
provenance sur les MNR faisant l’objet d’une demande de restitution ». La
Cour ajoute : « Cette fonction n’est qu’imparfaite
ment assurée. Hors
recherches de provenance ponctuelles, limitées par les moyens de la
mission, elle prend surtout la forme d’une centralisation des données
transmises par les musées affectataires, qui ne sont pas toujours diligents
en ce domaine. La M2RS "constate" les initiatives prises par ces musées
plus qu’elle ne contribue à les orienter. »
Le Gouvernement souligne que la M2RS ne fait pas que des
recherches « ponctuelles » sur les MNR. Elle avance progressivement, en
cherchant de nouvelles pistes de recherches à exploiter pour retracer la
provenance des œuvres dont l’historique reste, pour l’immense majorité
des œuvres, incomplet. La M2RS reprend ainsi les noms qui apparaissent
dans le parcours de l’œuvre, qu’il s’agisse d’anciens propriétaires ou de
marchands, pour tenter de comprendre qui était le propriétaire à la veille
de la guerre, et pour traiter ensemble les MNR qui font apparaître un même
nom. La M2RS a également commencé à étudier les archives des musées
allemands qui avaient acheté ces œuvre
s pendant la guerre et dans
lesquelles elles ont été retrouvées après la guerre ; ces archives pourraient
apporter, sans doute de façon limitée, des éléments de provenance sur
l’origine de ces biens acquis en France pendant l’Occupation.
Le nombre de changements de catégories des œuvres MNR le
montre : les travaux de la M2RS ont permis, depuis 2022, au-delà des
œuvres restituées ou prochainement restituées, de préciser la provenance
de 66 biens MNR, principalement passés de la catégorie « historique
incomplet » à l’une des autres catégories : « probablement » ou «
assurément non spoliée » ou « probablement ou assurément spoliée ».
À
titre d’exemple, alors qu’au 1
er
janvier 2024, 1765 objets MNR étaient
classés dans la catégorie « historique incomplet », ils sont, au
30 août
2024, 1733 : les recherches ont permis de reclasser 7 d’entre eux
dans la catégorie « probablement ou assurément spoliés » et 24 autres dans
les catégories « probablement » ou « assurément non spoliés ».
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Il faut rappeler
que la reconstitution de l’historique des œuvres reste
un travail complexe en raison des données manquantes. En outre,
progresser dans la connaissance de l’historique d’un MNR n’entraîne pas
nécessairement une restitution, puisque nombre de MNR ne sont pas
spoliés, mais ont été vendus par des propriétaires non persécutés.
2.3
La progression de la recherche sur les biens relevant des
collections publiques
Il faut également souligner les efforts déployés depuis cinq ans en
matière de recherche sur la provenance des biens appartenant aux
collections publiques, le nombre de biens spoliés appartenant aux
collections publiques étant peut-être, voire sans doute, plus important que
le nombre d’œuvres MNR spoliées.
Le ministère de la culture porte aujourd’hui une vé
ritable politique
dans cette direction, pour les collections nationales : le musée du Louvre
a
réalisé
une
première
revue
des
acquisitions
de
la
période
1933- 1945,
comme rappelé par la Cour; au musée d’Orsay, la M2RS a
commencé à passer en revue des acqui
sitions plus récentes jusqu’en 2023,
comme rappelé par la Cour, et le musée a lui-même également commencé
à examiner la provenance des œuvres acquises entre 1933 et 1945; la
M2RS a également commencé à le faire pour le compte du Musée national
d’art moderne, jusqu’en 2023, comme la Cour le précise. Ces projets ont
été portés ou incités par le ministère de la culture.
En outre, le ministère de la culture soutient la recherche de
provenance des collections des musées de France territoriaux ; il incite les
mus
ées à débuter ces investigations. Il s’agit là d’une démarche nouvelle
qui doit être soulignée : le ministère va au-devant des musées territoriaux,
par l’intermédiaire de ses services déconcentrés, pour amorcer une
nouvelle dynamique de recherche sur les collections en région. Comme
annoncé en 2023 par la ministre de la culture, il s’agit d’encourager la
recherche dans des musées territoriaux de tailles diverses, afin d’établir
une cartographie des œuvres présentant des risques dans leur historique,
un premier état des lieux des sources et archives disponibles, et de
construire un programme de recherches.
2.4
L’augmentation des moyens consacrés à la recherche
La Cour évoque à plusieurs reprises les moyens que consacre le
ministère de la culture à la recherche sur les biens MNR et sur les biens
des collections publiques, axe nouveau de recherche ouvert ces dernières
années. Le Gouvernement tient à rappeler que, outre l’enveloppe dédiée
d’un montant de 200
000
€, mise en place en 2020 pour financer des
recherches complémentaires assurées par des chercheurs indépendants, le
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ministère de la culture consacre également depuis 2023 une enveloppe
supplémentaire pour « soutenir les efforts des musées territoriaux dans
leurs recherches de provenance sur les biens susc
eptibles d’avoir été
spoliés », pour un montant de 200 000
€ annuels.
Au-delà de ces crédits budgétaires, il convient de souligner les
efforts menés par certains musées nationaux et territoriaux en matière de
recherche, par redéploiement d’emplois, par exe
mple au musée du Louvre,
au musée d’Orsay mais aussi dans des musées territoriaux et dans les
bibliothèques publiques (Bibliothèque nationale de France, Institut
national d’histoire de l’art, bibliothèque Sainte
-Geneviève, bibliothèque
Forney, etc.).
2.5
La grande implication des bibliothèques publiques dans
la recherche sur les livres spoliés
Le Gouvernement souhaite nuancer l’appréciation de la Cour sur
l’action menée par les bibliothèques publiques et par le ministère de la
culture en matière de
recherche sur les livres spoliés et rappeler que, s’il
est exact que le travail sur les livres spoliés est bien plus récent que celui
sur les œuvres d’art, les recherches sont conduites et diverses restitutions
sont attendues grâce au travail entrepris par les bibliothèques : au moins
117 livres ont été identifiés par plusieurs bibliothèques avec des marques
de provenance - des noms de propriétaires très probablement spoliés, aux
ayants droit desquels ces ouvrages pourront être restitués.
Le secteur des bibliothèques, coordonné par le ministère de la
culture (Service du livre et de la lecture (SLL) et M2RS), est ainsi très actif
dans cette recherche. Il est étonnant de lire qu’il y a simplement eu
« différentes initiatives » qui ont pu être lancées uniquement « en raison
d’opportunités conjoncturelles ». Au contraire, les bibliothèques les plus
concernées
–
en termes de nombre d’ouvrages –
par les attributions de
livres au début des années 1950 se sont longuement mobilisées sur la
question, ce qui a entraîné un intérêt plus large pour la question de la
provenance des livres entrés dans les collections.
Il
conviendrait
également
de
souligner
le
développement
d’échanges avec des bibliothécaires à l’étranger, principalement en
Allemagne. Plusieurs bibliothécaires allemands se sont rendus à Paris et
les contacts permettent de progresser dans la connaissance des marques
de provenance. Différentes bibliothèques allemandes ont restitué des
ouvrages dont les marques de provenance permettaient de comprendre
qu’ils venai
ent de France.
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3.
Une organisation des missions et des acteurs publics qui reste solide
Le Gouvernent prend acte des remarques de la Cour sur l’organisation
des acteurs publics mais souhaite apporter les nuances suivantes.
3.1
Une politique de réparation qui vise la restitution et
l’indemnisation
Le Gouvernement rappelle que la politique de réparation porte
autant sur la restitution que sur l’indemnisation, celle
-ci étant du reste
majoritaire compte tenu de la part des biens culturels non localisés et donc
non restituables, mais indemnisables. L’accent que le Gouvernement a
délibérément voulu mettre ces dernières années sur les restitutions, avec
la loi-cadre du 22 juillet 2023 et le développement des recherches sur les
collections publiques, ne doit pas avoir pour conséquence de minorer
l’action de l’État en matière d’indemnisation.
Aujourd’hui, sur 75 dossiers relatifs aux biens culturels ouverts
devant la CIVS, seuls 10 dossiers (13 %) font apparaître une ou deux
œuvres MNR ou un bien des collections publ
iques, que ce bien ait été
revendiqué par les ayants droit, ou qu’il ait été identifié par la M2RS au
cours de ses recherches.
La majorité des dossiers nécessite un travail de recherche différent,
portant sur des œuvres disparues. Le nombre global de doss
iers ouverts à
la CIVS, et donc de demandes d’indemnisation, est certes en baisse par
rapport aux premières années d’exercice de la Commission, comme le
souligne la Cour ; mais parmi les dossiers ouverts, les dossiers donnant
lieu à indemnisation restent largement majoritaires par rapport à ceux
donnant lieu à restitution.
3.2
Une organisation souple de la M2RS et de la répartition
des tâches en son sein
S’agissant de l’organisation de la M2RS, le Gouvernement prend
acte des remarques de la Cour, mais souligne que cette organisation est
clairement établie et articule de manière assumée polyvalence et expertise
autour d’un ou deux domaines d’activité propre.
Par ailleurs, le recours du ministère de la culture à des missions
ponctuelles réalisées par des chercheurs indépendants permet de
compléter les besoins de recherche et de réagir face aux besoins.
S’agissant du « risque de situations de conflits d’intérêt » évoqué par la
Cour, il faut au contraire préciser que les chercheurs ayant travaillé pour
la M2RS n’o
nt pas travaillé simultanément pour des institutions privées de
recherche ni, en l’état des connaissances actuelles, après leur mission de
recherche pour la M2RS, sur des dossiers impliquant les collections
publiques ou les MNR. En outre, ils n’ont pas acc
ès à la totalité des
données de la M2RS mais seulement à celles qui concernent leur dossier.
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3.3
Des délais de traitement des dossiers ouverts à la CIVS
en amélioration
S’agissant des délais de traitement, il faut rappeler qu’un dossier
peut soulever différentes difficultés dans la compréhension des faits, y
compris sur les autres volets que celui relatif aux biens culturels. Les
recherches sont partagées par la M2RS et la CIVS, cette dernière assurant
certaines investigations. La recherche des ayants droit et la détermination
des droits peuvent également demander du temps.
La Cour pointe en outre le nombre élevé de dossiers transmis par la
CIVS dont l’instruction n’aurait pas encore « commencé ». Elle écrit : « le
nombre de dossiers transmis par la CIVS et
dont l’instruction par la M2RS
n’avait pas encore commencé s’élevait en mai 2024 à 54 dossiers ». Il est
cependant erroné d’affirmer que « l’instruction n’a pas encore commencé
» pour ces dossiers ; il s’agit de dossiers qui sont à l’étude à la M2RS et
qu
i n’ont pas encore été renvoyés à la CIVS. Mais nombre d’entre eux sont
bien en cours d’étude, leur degré d’avancement est variable, et
l’instruction a bien commencé.
Au 30 août 2024, en tenant compte des 10 dossiers remis depuis le
mois de mai, on
distingue 47 dossiers en cours d’étude à la M2RS et
28
dossiers transmis par la M2RS et en cours d’instruction à la CIVS.
3.4
Une unicité du délibéré de la CIVS qui doit être préservée
La Cour envisage que « des échanges plus nourris aient lieu avant
le passage devant le collège, entre la M2RS, le magistrat instructeur au
sein de la CIVS, la rapporteure générale de la commission et les
personnalités qualifiées du collège biens culturels. ».
Des échanges entre la M2RS et le rapporteur se tiennent déjà pour
chaque dossier « biens culturels mobiliers » (BCM). Des réunions
trimestrielles entre la M2RS, les services de la CIVS et la rapporteure
générale permettent également un passage en revue systématique des
dossiers BCM.
Le Gouvernement n’est pas favorable à
la proposition de la Cour
qui reviendrait à ce que certains membres du collège de la CIVS examinent
le dossier en réunion en amont du délibéré, le risque étant qu’ils soulèvent
dès cette réunion des arguments qui auraient normalement vocation à être
échan
gés au sein de l’ensemble du collège au stade du délibéré. Le collège
de la CIVS partage cet avis.
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13
3.5
Un partage des responsabilités entre acteurs publics
opérationnel
Le Gouvernement souhaite enfin rassurer la Cour sur le partage des
responsabilités entre acteurs publics.
Les services concernés du ministère de la culture (M2RS, service
des musées de France (SMF), service du livre et de la lecture) coopèrent
pour la bonne réussite de la politique de réparation des spoliations, chacun
dans le cadre de ses compétences propres : la M2RS en tant que service
spécialisé dans les spoliations de la période nazie, la recherche et la
définition des musées de réparation ; le SMF en tant que garant de la
politique de recherche de provenance de façon générale, pour tous les
biens et pour la totalité des questions de provenance au-delà de la période
1933-1945, autour de la nouvelle « cellule provenance » en cours de
création ; le SLL dans le cadre du travail de recherche des livres spoliés
ou présumés spoliés attribués aux bibliothèques publiques.
4.
Le Gouvernement retient certaines pistes esquissées par
la Cour sur l’avenir des MNR « non spoliés » et des biens spoliés mais non
restituables en l’état
La Cour des comptes s’interroge sur la forclusion et sur le devenir
des MNR ou des biens culturels spoliés appartenant aux collections
publiques mais non restituables faute d’identification des propriétaires
légitimes, ainsi que sur le devenir des MNR non spoliés. Ces réflexions de
la Cour appelle les remarques suivantes.
La
forclusion n’est actuellement pas envisagée. Elle a été discutée
dans le passé, notamment vers 2017-2018, à une époque où il avait été
envisagé de mettre un terme à la CIVS. Cette option a été écartée alors et
la CIVS a vu, au contraire, sa place confortée et son rôle en matière de
biens culturels renforcé. Comme le fait la Cour, il peut être possible de
distinguer la fin de la politique d’indemnisation de celle de la politique de
restitution des biens culturels : la forclusion pourrait, selon la Cour, être
envisageable pour la seule indemnisation. La France est certes le dernier
pays à indemniser les spoliations antisémites ; mais cette indemnisation
porte sur l’ensemble des spoliations de biens matériels dans le cadre des
persécutions antisémites, et non sur les seules spoliations de biens
culturels. La question dépasse donc le champ de ce rapport, spécifique aux
biens culturels. Quant aux restitutions de biens culturels, la question de la
forclusion se pose encore moins : comme le dit la Cour, aucune voix ne la
réclame et les autres pays ne l’envisagent pas non plus. Au contraire,
certains pays ont levé la forclusion et les autorités fédérales allemandes
travaillent à une loi relative aux restitutions.
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14
Pour ce qui concerne les biens non restituables - biens (MNR ou
relevant des collections) qui devraient être restitués mais qui ne le peuvent
pas l’être faute d’informations sur les propriétaires ou leurs ayants droit,
et biens MNR non spoliés -, certaines pistes proposées par la Cour ne sont
pas envisageables.
Il faut tout d’abord distinguer les MNR « non spoliés » des biens
(MNR ou relevant des collections) assurément spoliés mais dont le
propriétaire ou les ayants droit de ce dernier ne sont pas identifiés.
Il est vrai que la question des biens MNR dits « non spoliés », car
vendus sans contrainte par leurs propriétaires, ou produits sur commande
des Allemands, pose une difficulté identifiée depuis longtemps, qui ne
relève donc pas « des angles morts de la réflexion sur la question des
restitutions » comme l
’écrit la Cour. Pour ces biens MNR « non spoliés »,
trois options sont proposées : l’intégration aux collections nationales ; la
vente ; la sortie de l’inventaire MNR et l’inscription sur une catégorie ou
un inventaire à part, ad hoc.
La vente de ces biens poserait une question de légitimité, avec une
signification difficilement explicable. Quant à l’intégration aux collections
nationales, elle n’est pas davantage explicable et pas nécessairement
justifiée sur le plan patrimonial : les biens concernés ne relèvent pas
nécessairement des collections publiques. En revanche, l’option d’une
clarification de l’inventaire des MNR et d’une inscription des MNR « non
spoliés » sur un inventaire spécifique et sous une autre appellation
présente un intérêt réel, afin d
e limiter l’inventaire MNR aux seules œuvres
assurément ou probablement spoliées ou à la provenance encore
incertaine.
Quant aux biens assurément spoliés mais dont la restitution n’est
pas possible car le propriétaire n’a pas été identifié ou car les ayant
s droit
de ce dernier n’ont pas été retrouvés, il convient d’être très prudent. Il n’est
pas envisageable de vendre ces biens, même au profit d’une institution telle
que la Fondation pour la mémoire de la Shoah : vendre, c’est
-à-dire mettre
sur le marché, des MNR spoliés serait difficilement compréhensible et
même contre-productif, et vendre des biens appartenant aux collections
publiques, même spoliés
–
ou alors qu’ils sont spoliés –
est impossible et
contraire aux principes établis par le code du patrimoine. En outre, le
mouvement inverse -
l’intégration aux collections publiques des œuvres
MNR assurément spoliées, quand bien même elles resteraient restituables
grâce à la loi-cadre de 2023 si leurs propriétaires étaient identifiés plus
tard, -
irait à l’en
contre de la logique actuelle : on ne peut faire entrer dans
les collections publiques des biens à la provenance plus que douteuse.
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Dans ces conditions, la meilleure solution semble être le maintien
des MNR assurément spoliés mais non restituables en l’éta
t sur
l’inventaire MNR ; il pourrait en outre être envisagé de faire sortir des
collections publiques les biens assurément spoliés mais non restituables en
l’état et de les inscrire sur l’inventaire MNR.
5.
Précisions concernant trois dossiers sensibles
Le Gouvernement a relevé quelques imprécisions concernant trois
dossiers de restitution ou de contentieux récents et considérés comme
sensibles, qu’il convient de corriger.
5.1
Restitution du tableau Rosiers sous les arbres de Gustav
Klimt : des formulations ambiguës
Le Gouvernement rappelle que le tableau Rosiers sous les arbres a
été restitué aux « bons » ayants droit de la personne spoliée, Nora Stiasny,
la Cour soulignant elle-même que celui-ci a été « restitué à bon droit »
-
l’erreur évoquée concern
e en réalité une restitution effectuée par
l’Autriche à cette même famille en 2001, sur un autre tableau, situation
désormais régularisée par accord entre la famille et les autorités
autrichiennes.
5.2
Restitution du tableau Le Père de Marc Chagall : une
m
ise en cause des conditions d’instruction
Sur la restitution du Père de Marc Chagall aux ayants droit de
David Cender en 2022, la Cour écrit : « La lourdeur de la procédure
législative et sa rareté ont ainsi pu conduire à traiter en un temps contraint
l’i
nstruction de certains dossiers, y compris très complexes. La demande
de restitution du « Père » de Chagall est ainsi intervenue en septembre
2020, tandis que la présentation du projet de loi en conseil des ministres a
eu lieu en novembre 2021, soit un peu
plus d’un an plus tard. L’instruction
et la prise de décision ont ainsi dû se dérouler dans le cadre d’un
calendrier très contraint. La décision de restitution de cette œuvre n’avait
pas encore été prise au moment du dépôt du projet de loi et a dû être
ajoutée à celui-ci par amendement. »
Il convient de préciser que les éléments fournis par les demandeurs
et les recherches précises et nombreuses effectuées par le ministère de la
culture et le musée national d’art moderne à partir de septembre 2020 ont
permis de conclure en un an environ au bien-fondé de la demande de
restitution. Celle-
ci n'a pas été traitée en un temps contraint et n’a pas été
accélérée à cause de la loi, comme semble le laisser entendre la Cour. Les
conclusions de la recherche ont coïncidé avec le calendrier de présentation
du projet de loi, avec un peu de retard sur la présentation du projet de loi
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au Conseil d’État puis au conseil des ministres, d’où l’ajout par
amendement. La spoliation étant démontrée et la restitution s’imposant, il
ne fallait pas, en effet, manquer l’occasion que représentait ce projet de loi
d’espèce, alors qu’on ignorait quand un autre projet de loi pourrait être
présenté.
5.3
« Contentieux Vollard » : des imprécisions sur l’affaire et
sur la portée du jugement définitif
S’agissant du « contentieux Vollard », la complexité du dossier ne
tenait pas au rôle du ministère de l’Europe et des affaires étrangères ou du
ministère de la culture mais à la complexité du dossier lui-même, qui ne
relevait pas de questions de spoliations, et aux interrogations soulevées
par les différentes actions entreprises par les ayants droit d’Ambroise
Vollard depuis la mort de celui-ci en 1939. Le dossier Vollard, et la
décision prise par une autorité (ministère de la culture) qui n’était
pas la
bonne, ne sont en rien la cause du fait que le ministère de l’Europe et des
affaires étrangères ait été « déchargé de sa responsabilité juridique sur les
MNR » en 2018.
Il convient par ailleurs de préciser que, contrairement à ce
qu’indique la Cour,
il n’est pas possible d’affirmer qu’il y a eu
détournement de « sept » œuvres puisque le nombre d’œuvres détournées
constituait précisément tout l’enjeu de l’affaire : le juge a d’ailleurs
considéré que seules quatre œuvres avaient été détournées. Ce sont
donc
quatre œuvres qui ont été restituées en mars 2023, et qui ont ensuite été
vendues par les ayants droit.
Il convient de noter que sur les quatre œuvres que le ministère de
l’Europe et des affaires étrangères avait explicitement refusé de restituer
en
raison des incertitudes pesant sur la propriété d’Ambroise Vollard, le
tribunal judiciaire a fait la même analyse pour trois d’entre elles, en
considérant que leur appartenance au marchand à sa mort en 1939 n’était
pas démontrée.
6.
Avis du Gouvernement sur les recommandations de la Cour
Recommandation n° 1 : « Publier par étapes, en commençant par
les plus significatives et les plus récentes, les recommandations de la
Commission pour la restitution des biens et l'indemnisation des victimes de
spoliations antisémites »
Cette recommandation est déjà en partie satisfaite : la CIVS publie
depuis 2020 une sélection de ses avis.
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La mise en œuvre de cette recommandation soulève cependant des
questions relatives à la protection de la vie privée. En effet, les dispositions
prises pour occulter l’identité des personnes physiques n’empêchent pas
l’interprétation des éléments biographiques retracés dans l’avis pour en
tirer des hypothèses sur l’identité des personnes.
Recommandation n° 2 : « Renforcer par redéploiement les effectifs
et les moyens d’intervention de la Mission de recherche et de restitution
des biens culturels spoliés entre 1933 et 1945 »
Cette recommandation s’appréciera dans le cadre du plafond
d’emplois du ministère de la culture.
Recommandation n° 3 : « Renforcer le soutien à la recherche
scientifique portant sur les spoliations de biens culturels, sur le fondement
d’orientations stratégiques arrêtées par le ministère de la culture, en
mobilisant à cette fin l’Institut national d’histoire de l’art
, en lien avec les
autres opérateurs de recherche (Centre national de la recherche
scientifique notamment) »
Il convient de bien distinguer la recherche portant sur les
collections publiques ou les MNR et les livres attribués aux bibliothèques
et la recher
che scientifique plus fondamentale tant en histoire de l’art
qu’en histoire ou en droit, appliquée aux spoliations de biens culturels et
à leur contexte.
La première relève du ministère de la culture et des musées et
bibliothèques concernés qui doivent co
ntinuer à l’organiser et à la mettre en
œuvre ; la recherche sur la provenance des œuvres et des livres pour la période
1933-1945 relève bien du ministère, dans le cadre des travaux assurés ou
coordonnés par la M2RS et plus largement dans le cadre de l’att
ention portée
à la provenance par le SMF pour l’ensemble des collections.
La seconde, recherche scientifique qui pourra éclairer et faire
progresser la première, va bien au-delà des collections : elle porte sur le
contexte historique, les archives, les acteurs des spoliations et des
restitutions, les mécanismes administratifs et juridiques relatifs à la
circulation des biens culturels, en France et dans le monde, etc. Cette
recherche relève d’acteurs d’académiques auxquels le ministère de la
culture peut s’associer, avec des musées et avec l’INHA. Le ministère
entend notamment étudier les possibilités ouvertes par l'accord cadre
ministère de la culture/CNRS, qui pourrait permettre de solliciter le CNRS,
à travers un de ses outils nationaux de structuration nationale de la
recherche (GIS, USR ou Infrastructure nationale), pour mettre en œuvre
cette politique de recherche appliquée aux questions des spoliations de la
période 1933-1945 dans leur dimension culturelle.
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Par ailleurs, et dans un premier temps, il est aussi nécessaire de mieux
connaître les travaux de recherche aujourd’hui réalisés par différents acteurs
dans des cadres divers : recherches de Master 1 ou Master 2 et doctorats en
histoire, histoire de l’art, droit, etc. Il n’existe pas encore de coord
ination et
de publication de l’ensemble de ces travaux, avec le risque que les mêmes
recherches soient effectuées plusieurs fois. Le suivi de cette recherche et la
mutualisation de ses productions pourraient ainsi être effectués par le
ministère de la cult
ure, avec le soutien de l’INHA, en lien avec le ministère de
l’enseignement supérieur et de la recherche.
Recommandation n° 4 : « Initier un programme public de
recherches sur les archives privées des marchands d’art. »
La conception d’un tel programme pou
rrait être étudiée avec
l’INHA et le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche.
L’accès aux archives privées est essentiel pour certaines recherches sur la
provenance.
Recommandation n° 5 : « Créer dans la loi une obligation légale de
répons
e des acteurs privés du marché de l’art aux demandes d’information
des agents publics en charge d’une recherche de provenance »
Le Gouvernement est favorable à un projet qui permettrait de mieux
accéder à des éléments d’information et à des archives utiles
à la recherche
détenues par les acteurs privés du marché de l’art. Le Gouvernement a
conscience qu’il est délicat d’instaurer un droit d’accès à des archives dont
la conservation n’est pas obligatoire. Mais l’absence de réponse de la part
de certains
–
pas la totalité
–
acteurs du marché de l’art rend nécessaire
la réflexion sur une telle mesure.
En outre, sans doute faut-il également mieux faire appliquer la
réglementation existante sur les archives publiques produites par des
acteurs privés, c’est
-à-dire mieux identifier la production publique et
inciter davantage à son versement dans les services publics d’archives,
s’agissant notamment des archives des officiers publics ou ministériels,
par une initiative conduite par le ministère de la culture (administration
des archives) en lien avec les chambres concernées.
Pour ce qui est des archives strictement privées, à l’heure actuelle,
le code du patrimoine ne prévoit pas d’obligation de leur conservation, qui
seule pourrait garantir, en aval, un droit d’accès. Cette obligation n’existe
que pour les archives publiques. En revanche le plus souvent, les services
publics d’archives, quand ils reçoivent en don ou dépôt des archives
privées, suggèrent fortement aux donateurs et déposants de fixer des délais
de communicabilité alignés sur ceux des archives publiques, pratique qui
pourrait être utilement rappelée et encouragée dans ce cadre.
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Recommandation n° 6 : « Saisir le conseil des ventes en cas de
difficultés dans l’obtention des éléments relatifs à la provenance
des biens
susceptibles de faire l’objet d’une acquisition publique »
Le Gouvernement considère qu’il est pertinent de saisir davantage
le Conseil des maisons de vente, en définissant avec lui le cadre et les
situations dans lesquelles il pourrait intervenir, sous réserve de sa capacité
à pouvoir traiter, matériellement, les dossiers, compte tenu des moyens
dont il dispose. Le commissaire du Gouvernement au sein du Conseil des
maisons de vente est lui-même à temps partiel et le Conseil ne dispose plus
d’enquêteur, sauf changement récent.
Recommandation n° 7 : « Élaborer
un plan d’action spécifique aux
œuvres classées dans la catégorie « musées nationaux récupération » et
biens assimilés, avec comme objectif un passage en revue exhaustif des
objets et
œuvres sous dix ans. »
Le Gouvernement est favorable à l’idée d’établir, avec les musées
nationaux affectataires d’œuvres MNR, un plan d’action spécifique aux
MNR, qui, pour autant, sera dépendant des archives disponibles. Ce plan
doit d’abord permettre d
e dégager de nouvelles pistes de recherche, de
trouver de nouvelles clés d’entrée dans la recherche sur le parcours de ces
œuvres. Il sera toujours difficile de considérer, pour une œuvre dont le
propriétaire en 1933 ou en 1940 reste inconnu, que le maximum a été fait
et qu’il ne sera plus possible d’identifier ce propriétaire ; de nouvelles
sources, notamment privées, apparaissent régulièrement.
Recommandation n°
8 : « Inscrire dans les contrats d’objectifs et de
performance des musées nationaux la réalisation dans un délai à définir
d’un examen de la provenance des acquisitions réalisées depuis
1933.
S’agissant des musées territoriaux, adosser cette démarche au
récolement décennal. »
Le Gouvernement est favorable à cette recommandation pour les
musées nationaux.
Pour ce qui concerne le récolement décennal, l’objectif figure déjà
dans la circulaire sur le récolement. La note-circulaire en date du 4 mai
2016
sur
la
méthodologie
du
récolement
des
ensembles
dits
indénombrables et des opérations de post-récolement des collections des
musées de France, produite par le SMF, intègre l’enjeu des provenances
de manière précise pour les biens spoliés, en demandant aux musées de
France de documenter lors du post récolement « les biens dont l’historique
n’est pas clairement connu entre l’année 1933 (arrivée des Nazis au
pouvoir en Allemagne) et l’année 1945 (fin de la Seconde Guerre
mondiale) et qui auraient pu faire l’objet, durant cette période, d’une
spoliation ou d’une vente forcée » (§ 3.11.1).
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Avant le récolement,
la recherche sur les collections passe d’abord
par un travail de cartographie et d’identification des ensembles de biens
présentant des risques : manques dans la provenance, dates d’achat,
modalités d’achat d’œuvres faisant l’objet de dons ou legs, etc. C’est
notamment l’objet des premiers projets de recherche soutenus par le
ministère de la culture au sein des musées territoriaux en 2023-2024.
Recommandation n° 9 : « Formaliser le statut juridique des biens
issus de la Récupération artistique, précisant les conditions et modalités
de leur garde et de leur présentation par l’
État, les musées nationaux et
musées dépositaires. »
Le Gouvernement partage cette recommandation et le ministère de
la culture a déjà prévu de formaliser un tel statut juridique pour les MNR ;
un projet est en cours d’élaboration.
RÉPONSE DU PRÉSIDENT-DIRECTEUR GÉNÉRAL
DU GROUPE ARTCURIAL
Au Chapitre III, paragraphe I-C, le rapport illustre le point
« Sécurisation des acquisitions publiques - une préoccupation récente, des
progrès à consolider » par l'exposé du cas d'une sculpture médiévale
acquise aux enchères par le Musée du Louvre, par l'intermédiaire de la
Maison de vente aux enchères ARTCURIAL dont je suis le président.
Cet exposé évoque notamment la prétendue négligence de notre
Maison et porte injustement atteinte à sa réputation. Il appelle de ma part
de fermes observations complémentaires.
L'appréciation
de
l'insuffisance
prétendue
des
recherches
d'ARTCURIAL repose sur le fait que, deux ans après la vente, un
conservateur du département des sculptures du musée du Louvre, constate
la présence de l'
œuvre
dans les archives numérisées de la Mission de
Recherche et de Récupération des biens culturels spoliés entre 1933 et
1945 (M2RS).
Commençons par rappeler une généralité selon laquelle les
recherches de provenance se font au regard de l'état des connaissances au
moment de la vente et des moyens techniques existant à date, les uns comme
les autres faisant l'objet d'une évolution et d'un enrichissement constants.
La M2RS répertorie sur son site 17 bases de données ou recueils
d'archives scannés.
En l'occurrence, les recherches autour de l'Ange Musicien n'ont pu
aboutir au moment de la vente car les critères des moteurs de recherche
les plus élémentaires étaient, au mieux incertains, au pire, inconnus :
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ARTCURIAL ne pouvait connaitre au moment de la vente, l'identité de
la personne spoliée puisque celle-ci aurait été découverte 2 ans après la vente ;
La sculpture n'était attribuée à aucun artiste ;
Le médium (l'
œuvre
est en pierre et non en bois comme le dit le Rapport)
et les dimensions diffèrent (100 cm vs. 74.5cm) d'une source à l'autre ;
Ses visuels scannés sont quasi-illisibles.
Dans un environnement aussi aléatoire, il est erroné, voire
dommageable, de parler comme le fait l'exposé du cas, de « simples
recherches » ou d'une « erreur manifeste » de la part d'ARTCURIAL,
dénigrant ainsi le travail et l'implication de ses équipes. Rien de « simple »
ou de « manifeste » dans un cas comme celui-ci.
Le Rapport laisse ensuite entendre qu'Artcurial se serait contentée
de son abonnement au ART LOSS REGISTER sans effectuer de recherches.
Or à l'inverse, notre maison, consciente de l'histoire fragmentaire de
l'Ange Musicien, a justement demandé au ART LOSS REGISTER de
pousser ses recherches.
Le ART LOSS REGISTER n'a formulé aucune alerte auprès
d'ARTCURIAL au sujet de la sculpture qui nous occupe.
Telles sont les observations que j'avais à formuler sur la mise en
cause injustifiée du professionnalisme d'ARTCURIAL laquelle aura des
conséquences hautement préjudiciables sur son image et sa réputation.
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