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PRÉSENTATION À LA PRESSE DE L’ÉVALUATION DE POLITIQUE PUBLIQUE
RELATIVE À L’AIDE FISCALE À L’INVESTISSEMENT LOCATIF PINEL
Jeudi 5 septembre 2024
9h30
Salle André Chandernagor
Allocution de Pierre Moscovici,
Premier président de la Cour des comptes
Mesdames et messieurs,
Bonjour et merci de votre présence.
Je suis heureux de vous accueillir pour vous présenter
l’évaluation de politique publique menée par la Cour,
intitulée « l
’aide fiscale à
l’investissement locatif Pinel
».
Je souhaite avant tout saluer le travail de l’ensemble des artisans de ce rapport, qui sont
nombreux
. Je tiens à remercier, en premier lieu, la présidente de la cinquième chambre,
Catherine Démier, le président de section et contre-rapporteur Philippe-Pierre Cabourdin,
ainsi que les rapporteurs François Brottes, Julien Oger et Sandrine Vénéra.
En près de 40 ans, plus d’une dizaine de dispositifs fiscaux de soutien à l’investissement
locatif se sont succédés, voire se sont superposés
.
Ces mesures en faveur de l’investissement
locatif privé ont évolué, mais elles ont toutes reposé sur le même principe : relancer et
promouvoir la construction de logements locatifs privés. Selon l’Insee, depuis le début des
années 1980, le parc de logements s’est accru de 1,1 % par an en moyenne en France pour
atteindre 36,6 millions de logements en 2022. Malgré cette croissance, la demande des
ménages est toujours plus importante, et le besoin de logements devrait globalement
continuer à s’accroître, surtout dans les grandes agglomérations. La Fédération des
promoteurs
immobiliers
estime
ce
besoin
à
environ
450
000
logements
neufs
supplémentaires par an.
Le rapport que je m’apprête à vous présenter examine
le dispositif fiscal dit Pinel, dont
l’extinction a été annoncée pour la fin de l’année 2024
.
De quoi parle-t-on précisément ?
Le dispositif Pinel est une mesure fiscale entrée en vigueur
le 1er septembre 2014,
qui succède à l’ancien dispositif
dit « Duflot ». Il vise à promouvoir la
construction et la rénovation de logements dits intermédiaires, destinés aux ménages qui ne
peuvent se loger dans le secteur privé ou social. Concrètement, le propriétaire qui acquiert
un logement neuf ou un logement ancien à rénover,
individuel ou collectif, bénéficie d’une
réduction de son impôt sur le revenu sous certaines conditions. Parmi ces conditions, qui ont
d’ailleurs évolué
au cours de la période analysée, figure la location du logement pour une
durée minimale,
en dessous d’un plafond de loyer réglementairement fixé, à un locataire dont
les revenus n’excèdent pas un seuil
défini.
2
Au terme
de dix années de mise en œuvre du dispositif Pinel, il
était important que la Cour
examine ce sujet, pour plusieurs raisons
.
D’abord, la fin du dispositif d’ici le
31 décembre
2024, qui a été annoncée par le gouvernement en 2023, dans un contexte de crise aigüe du
logement. Cette mesure fiscale a en effet été jugée de longue date inefficace et trop coûteuse
pour les finances publiques. Mais ces annonces d’extinction n’ont pas encore été
accompagnées de mesures précises quant aux alternatives envisagées pour répondre au
besoin croissant de logements notamment intermédiaires, qu’ils relèvent de
l’habitat social
ou des logements du marché libre non régulé.
Ensuite, son coût pour les finances publiques : le montant cumulé du dispositif Pinel entre
2014 et fin 2023 est estimé à
7 Md€
.
Ce montant
devrait continuer à croître jusqu’à la fin de
son incidence budgétaire en 2038, mais
l’administration n’est pas
en mesure de donner un
chiffrage global du montant à venir. La Cour estime, que la dépense globale serait
de l’ordre
de 10 à 12 Md€.
Ce rapport ajoute une nouvelle brique aux travaux de la Cour déjà réalisés ou en cours sur
les politiques fiscales du logement
: l
es dépenses fiscales en faveur de l’investissement locatif
des ménages en 2018, la gestion des dépenses fiscales en faveur du logement en 2019, et plus
récemment le rapport du conseil des prélèvements obligatoires intitulé
Pour une fiscalité du
logement plus cohérente
, publié fin 2023.
Avant d’en dévoiler les principaux messages, j’aimerais préciser
la nature et les méthodes
de notre publication
. Ce rapport est, je tiens à le souligner, une évaluation de politique
publique.
Je m’en réjouis, car la Cour s’est engagée dans une montée en puissance de ce
format de travaux : les juridictions financières produisent
de plus en plus d’évaluations de
politiques publiques, y compris dans les CRC, nous développons de nombreux partenariats
académiques, nous avons recruté une équipe de
data scientists
qui viennent en appui des
personnels de contrôle et nous avons ouvert une plateforme de recensement de toutes les
évaluations de politique publique disponibles en mai dernier.
Comme pour toute évaluation de politique publique, les travaux ont été présentés pour avis
tout au long de la procédure à un comité
d’accompagnement
, constitué dès septembre
2022
, composé d’experts et de parties prenantes au dispositif évalué
. Les échanges du
comité d’accompagnement ont été particulièrement constructifs. Ils ont permis à l’équipe de
contrôle de dépasser les difficultés rencontrées pour accéder aux données fiscales de la
DGFiP.
Je remercie les membres de ce comité, qui ont pu s’exprimer dans toute la diversité
de leurs opinions et expériences.
Qui dit évaluation de politique publique, dit aussi exploitation d’un grand
nombre de
données.
Avec l’appui de la direction du numérique de la Cour, l’équipe de contrôle s’est
appuyée sur l’exploitation
de bases de données regroupant 244 000 déclarations fiscales, sur
la période 2014/2021.
Par ailleurs, deux questionnaires en ligne ont été transmis
: l’un à près de 20 000 investisseurs
Pinel, et l’autre à 5
000 locataires des logements « Pinel ». Ces questionnaires ont été envoyés
3
par l’intermédiaire de l’association
des investisseurs en immobilier (EDC), du réseau Citya et
du réseau de la FNAIM. En tout, la Cour recueilli et traité plus de 4 000 réponses.
Au-
delà de ces données, la Cour a mené une soixantaine d’entretiens avec les acteurs
nationaux et locaux du logement, entre juin 2022 et juillet 2023.
Des panels d’experts ont
été réunis, avec des promoteurs et constructeurs immobiliers, et avec des conseillers en
gestion de patrimoine.
L’équipe de contrôle a par ailleurs été très attentive à l’aspect
territorial du sujet. Un cahier annexé au rapport est consacré à la méthodologie employée
pour conduire cette évaluation, tandis qu’un autre cahier est consacré aux analyses de terrain
qui sont venues nourrir les observations de la Cour. Enfin, cette enquête de terrain a été
complétée par un parangonnage sur les politiques du logement de six pays européens voisins
de la France
: l’Allemagne,
l’Espagne, l’Irlande, les Pays
-Bas, le Royaume-Uni et la Suède.
L
’instruction
du
rapport a été guidée par deux questions évaluatives, auxquelles l’équipe a
cherché à répondre.
Premièrement, dans quelle mesure le dispositif Pinel répond-il aux
objectifs de construction et de rénovation de logements de qualité, dans les zones les plus
tendues ? Deuxièmement, le dispositif bénéficie-t-il effectivement aux locataires visés ?
Pour répondre à ces questions, notre rapport est divisé en quatre grandes parties.
-
D’abord, le rapport revient sur l’évolution constante du dispositif Pinel et constate
le manque de robustesse des données fiscales, qui complexifient l’évaluation de la
mesure.
-
La deuxième partie examine les résultats du dispositif Pinel en matière de
construction et de rénovation.
La Cour relève que le dispositif a mobilisé l’épargne
des particuliers vers le secteur du logement, même si ses effets ne sont précisément
mesurables.
-
La troisième partie examine le ciblage du dispositif, qui bénéficie bien aux ménages
visés mais ne répond que temporairement à leurs besoins.
-
Enfin, la Cour formule plusieurs pistes d’amélioration
pour un éventuel dispositif
futur de soutien au logement intermédiaire, dans le contexte de la fin annoncée du
dispositif Pinel.
***
Commençons par le premier chapitre du rapport
: la Cour constate que l’évolution constante
du dispositif Pinel et le manque de robustesse des données fiscales complexifient son
évaluation.
Les critères d’éligibilité au dispositif Pinel ont en effet évolué depuis 2014.
Alors que la
période d’éligibilité au dispositif a régulièrement été prolongée entre 2
014 et 2024, les taux
de réduction applicables ont, quant à eux, progressivement été réduits. Les critères
d’acquisition ont eux aussi été ajustés, pour prendre en compte de nouveaux enjeux comme
l’objectif de lutte contre l’artificialisation des sols. De même, les conditions liées à la qualité
du logement pour bénéficier du Pinel ont été adaptées aux nouvelles exigences en matière
d’efficacité énergétique
. Les zones éligibles au dispositif Pinel ont également fluctué dans le
temps. L’ensemble de ces évolutions a contribué à complexifier le dispositif fiscal qui nous
intéresse.
4
Le suivi des do
nnées fiscales liées au dispositif Pinel n’est pas moins complexe
: la Cour
relève que les déclarations fiscales à compléter pour un investisseur Pinel sont multiples et
complexes, ce qui favorise les erreurs.
À
cela s’ajoute une dématérialisation inégale des données fiscales, qui sont difficilement
exploitables, ce qui donne lieu à des erreurs et
à des rappels d’impôt sur le revenu
dont le
nombre et les montants sont croissants. Enfin, il existe peu de contrôles automatisés par
l’administration fiscale pour vérifier l’éligibilité
préalable au dispositif. De nombreuses
erreurs ou omissions ont ainsi été relevées par la Cour, à la seule lecture des bases
dématérialisées de la DGFiP. Nous avons constaté que près de 20 % des déclarations ne
comportaient pas d’identification de locataires, 13
% présentaient des loyers supérieurs aux
plafonds et 3
% des locataires avaient des ressources supérieures aux plafonds d’éligibilité.
Ces éléments n’ont pas été vus par la DGFiP
.
*
J’en viens à la deuxième partie de notre rapport, qui examine les résultats du dispositif Pinel
en matière de construction et de rénovation.
Cette partie répond à la première question de l’évaluation de politique publique que je vous
présente
aujourd’hui
: dans quelle mesure le dispositif Pinel répond-il aux objectifs de
construction et de rénovation de logements de qualité dans les zones les plus tendues ?
La Cour analyse que le dispositif Pinel a effectivement
mobilisé l’épargne des
particuliers
vers le secteur du logement ; mais il ne
remplit qu’imparfaitement les objectifs de
construction et de rénovation de logements dans les zones tendues.
D’abord, il est difficile de mesurer l’offre de logements locatifs intermédiaires induite
par
le dispositif.
Sur la période étudiée par la Cour, entre 2014 et 2021, le montant cumulé de
défiscalisation s’est élevé à plus de 4 Md€.
En 2023 il est estimé à 7,3 Md€ et devrait continuer à croître jusqu’à la fin de l’incidence
budgétaire du dispositif en 2038, sans chiffrage global pour le moment, comme je le précisais
en introduction.
Depuis 2017, le dispositif Pinel ne
fait plus l’ob
jet
d’
objectifs déterminés en termes de
nombre de logements construits ou rénovés.
En 2014, l’objectif annuel était de 40 000
logements, et de 50 000 en 2015 et 2016. Non seulement il n’y a plus de cible fixée depuis
2017, mais en plus, l’administration n’est pas en mesure
de fournir un chiffre consolidé du
nombre de logements construits ou rénovés grâce au dispositif sur la période. Pourtant, il
s’agit bien de la raison
d
être de cette défiscalisation !
Cette absence de chiffrage et de suivi
entrave l'év
aluation de l’impact réel du dispositif sur le marché immobilier. Il empêche de
mesurer son utilité pour la résolution des difficultés de logement pour les populations ciblées.
La Cour avance une estimation de 244 000 logements « Pinel » construits sur la période,
mais ce nombre ne reflète pas la réalité du nombre de logements effectivement mis en
5
location
. Seuls les investisseurs sont recensés, et ils sont parfois plusieurs à investir dans un
même bien ou à avoir investi dans plusieurs biens.
L’enquête de
la Cour confirme aussi la
probabilité d’un impact de l’aide fiscale à l’investissement locatif privé sur la construction,
mais elle ne peut le mesurer précisément faute de données fiables, complètes et disponibles.
Malgré sa performance difficile à mesurer précisément, le dispositif Pinel semble avoir eu
un réel effet volume.
Il a été peu utilisé dans le cadre de la rénovation de biens immobiliers,
et il
a majoritairement concerné les logements acquis en vente en l’état futur d’achèvement.
Cela
a largement contribué au déclenchement d’opérations immobilières qui n’auraient pu
voir le jour, ou qui auraient abouti moins rapidement sans cette mobilisation
de l’épargne des
particuliers.
L’évaluation a notamment révélé quelque
s cas de péréquation importante des
coûts des promoteurs entre les logements sociaux et les logements libres, dont les logements
Pinel, sur un échantillon d’opération d’aménagement d’habitat mixte.
Mais ce système emporte plusieurs limites
. La Cour souligne en effet que la contrepartie de
près de 40 ans d’incitation fiscale à l’investissement locatif a créé
comme elle l’a déjà maintes
fois indiqué, une forme de dépendance des promoteurs-constructeurs à ces dispositifs.
Ensuite, le zonage util
isé pour déterminer l’éligibilité au dispositif est encore perfectible.
Les investisseurs « Pinel » ont principalement investi dans les zones tendues, qui sont la cible
du dispositif. En revanche, le zonage utilisé présente un défaut majeur : sa maille, trop large,
ne permet pas un pilotage fin sur les territoires des politiques du logement. Pour cibler mieux
et plus précisément les territoires en tension, une expérimentation d’un zonage
ciblé est
menée en Bretagne depuis 2020. Le dispositif a aussi été recentré en 2021 sur les logements
collectifs, afin de mieux répondre aux exigences de lutte contre l’artificialisation des sols.
Le dispositif Pinel a donc des résultats positifs, mais imparfaits et difficilement mesurables,
sur la construction et la rénovation de logements intermédiaires.
Un consensus existe en
faveur d’un effet positif du dispositif Pinel sur la construction neuve. Mais cet effet dépend
largement de l’environnement économique et de variables comme les taux d’intérêt, le taux
de croissance et la confiance générale des acteurs économiques.
L’aide fiscale est ainsi un
déterminant probable, mais non unique, du volume de construction.
Pour autant, les professionnels du secteur voient dans le dispositif Pinel un outil
indispensable pour promouvoir la construction de logements neufs.
Mais je tiens à rappeler que la vocation de
cette mesure fiscale n’
est pas de soutenir le secteur
de la construction immobilière, mais bien
d’
offrir à des locataires éligibles un logement
abordable, dans des zones où la tension immobilière est forte.
*
Cela me mène à la troisième partie de notre rapport, qui examine le ciblage du dispositif
Pinel.
6
Ce chapitre répond à notre deuxième question évaluative : le dispositif bénéficie-t-il
effectivement aux locataires visés ?
La Cour constate que la mesure Pinel bénéficie bien aux
ménages visés, mais
qu’elle
ne répond que temporairement à leurs besoins.
J’aimerais insister ici sur un point
: c’est la première fois que la situation des locataires de
logements construits avec le dispositif Pinel est étudiée
.
Grâce aux données étudiées par la Cour, il est possible d’affirmer que
le dispositif Pinel est
une réponse plutôt efficace aux besoins de logements exprimés par les ménages modestes.
Le parc de logements dits «
Pinel » est principalement constitué de logements d’une surface
moyenne de 57 m²
. Il s’adresse majoritairement à des ménages composés d’une ou deux
personnes, dont les revenus correspondent aux plafonds fixés. Ils sont plutôt jeunes et actifs,
et ils travaillent le plus souvent à proximité de leur logement.
Le dispositif Pinel permet donc bien à des ménages plutôt modestes de se loger en zones
tendues dans des logements qualitatifs
et ce, même si la Cour a relevé que les plafonds de
loyer fixés réglementairement peuvent parfois correspondre au montant des loyers
applicables dans le secteur privé.
Plusieurs éléments relevés dans les réponses aux questionnaires envoyés par la Cour,
permettent d’accorder un
satisfecit
sur ce plan au dispositif Pinel : le respect des plafonds de
revenus et des plafonds de loyers, la vacance quasi inexistante dans les logements éligibles,
le sentiment exprimé par les locataires d’avoir eu
«
la chance » d’accéder à un logement
récent,
confortable et économe en énergie. Même si cela n’était pas originellement visé lors
de la mise en place du dispositif Pinel, il existe à titre très marginal, des résidences
thématiques financées à 100 % dans ce cadre ; par exemple, des résidences pour séniors ou
résidences pour étudiants et jeunes actifs. C’est une façon de répondre à un besoin réel.
En revanche, et c’est là la principale
limite relevée par la Cour, le dispositif Pinel ne permet
pas la constitution pérenne d’un parc de logements intermédiaires.
Les durées
d’engagement de location pour bénéficier de la mesure fiscale sont de six, neuf ou douze ans.
À la fin de cette période d’engagement, le propriétaire peut habiter le logement, le vendre ou
encore le louer sur le marché libre. Logiquement, les propriétaires bailleurs sont davantage
disposés à vendre leur bien ou à le sortir du « dispositif Pinel », que de maintenir les
conditions de revenus du locataire et la limitation des loyers encaissés. La revente du bien est
d’ailleurs très souvent le princi
pal moyen de rendre ce dispositif financièrement attractif pour
l’investisseur
sous réserve que les prix de l’immobilier aient augmenté dans le secteur
concerné.
Le dispositif Pinel ne contribue donc
qu’à la constitution
temporaire
d’un parc de logements
intermédiaires.
Il répond certes aux besoins des ménages ciblés, mais pas sur le long terme.
*
À
l’issue de ces constats, la Cour ne propose pas de recommandations en tant que telles, en
raison de la disparition du dispositif au 31 décembre 2024. Mais nous formulons des pistes
de réflexion, dans l’hypothèse de la poursuite d’une politique publique en faveur des
7
logements intermédiaires, alors que
le secteur de l’immobilier est confronté à une crise
profonde.
En 2023, le Gouvernement a présenté un plan pour répondre à la crise du logement.
Parmi
les principales mesures de ce plan, figure l’extinction
du dispositif Pinel
à la fin de l’année
2024.
Comme je l’ai précisé il y a quelques instants, ces
annonces n’ont
pas été accompagnées
de mesures précises quant aux alternatives envisagées.
Mais le besoin en logements locatifs
intermédiaires, entre l’habitat social et les logements du marché libre non régulé,
reste
important. C’est ce que tous les acteurs s’accordent
à dire.
En guise de
pistes d’amélioration
pour le futur, notre évaluation de politique publique
propose de tirer plusieurs enseignements utiles du dispositif Pinel.
Sans objectif chiffrés, ni données précises et fiables, il est difficile d’évaluer les
conséquences du dispositif Pinel sur la construction ou la rénovation de logements.
Certes,
il a indéniablement orienté l'investissement des particuliers vers le secteur de la construction
de logements intermédiaires en zone tendue. Mais il
n’est pas possible d’apprécier
avec
précision
la part de logements qui n’auraient pas été construits sans
cet avantage fiscal.
Si
l’
impact sur la construction est difficile à quantifier, les effets sur les ménages
bénéficiaires sont, quant à eux, avérés.
Le dispositif Pinel permet bien de faire entrer dans
des logements de qualité des ménages éligibles, mais sans toutefois garantir la pérennité du
statut de ce logement.
L’évaluation n’avait pas comme objectif de développer une approche « coûts/avantages »
du dispositif Pinel, dont la suppression a déjà été annoncée.
Mais une alternative au
dispositif Pinel est envisagée par les pouvoirs publics : elle consiste à mobiliser les
investisseurs institutionnels en lieu et place des particuliers. Que cette solution, ou une autre,
soit retenue pour maintenir une politique publique en faveur des logements intermédiaires,
les enseignements de notre rapport conduisent à plusieurs préconisations de la Cour.
-
D’abord, la Cour préconise d’
assortir tout futur
dispositif d’objectifs évaluables
.
Cela permettra un pilotage quantitatif et financier, y compris
jusqu’à la fin de
l’
incidence budgétaire de la mesure, ce qui
n’a
pas été le cas pour le dispositif Pinel.
-
La Cour recommande également de doter le, ou les dispositifs,
d’outils de suivi et
de procédures de contrôle fiables, pour en garantir le pilotage et le contrôle.
-
Ensuite, il conviendrait d’
impliquer directement les territoires concernés dans le
ciblage et la délimitation des zonages envisagés
l’object
if étant de mieux adapter
ces zonages aux besoins, en prenant en compte des exigences multiples, comme les
objectifs de zéro artificialisation nette.
-
La Cour préconise aussi la vigilance quant à la cohérence entre les objectifs fixés
en termes de
mixité de l’habitat
,
et l’équilibre économique des opérations
.
-
Enfin, le rapport propose d’
inscrire le statut locatif des logements intermédiaires
dans un temps plus long, au
regard de l’avantage fiscal consenti par l’État.
Le maintien dans le parc locatif intermédiaire des logements aidés permettrait
d’offrir un volume plus important
de locations abordables
, et de mieux s’inscrire
dans l’équilibre du parc résidentiel.
8
Ces pistes d’améliorations ne sont
bien entendu pas exhaustives.
Mais elles sont
profondément utiles : elles ont vocation à poser un cadre, préalable
à la mise en œuvre de
toute politique publique de création de logements intermédiaires.
***
Mesdames, messieurs,
je crois ce rapport profondément instructif et utile au débat public,
sur une question difficile débattue de longue date sans données suffisantes
. Le besoin en
logement est un enjeu primordial, dont la bonne prise en compte par les politiques publiques
est un enjeu de dignité et d’égalité. À travers ce rapport, c’est un dispositif fiscal de grande
ampleur qui est évalué, dans un contexte de double crise
: du logement, et des finances
publiques.
Merci de votre attention et de votre intérêt
. Je suis à votre disposition, ainsi que l’équipe qui
a instruit ce très beau rapport, pour répondre à vos questions.