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COMMISSION DE CONTRÔLE
DES ORGANISMES DE GESTION
DES DROITS
D’AUTEUR
ET DES DROITS VOISINS
Rapport annuel 2024
Synthèse
Juin 2024
2
Introduction
La Commission de contrôle a retenu, au titre de la campagne de
contrôles conduite en
2023, deux thèmes d’enquête
:
-
l’analyse des flux financiers et des ratios relatifs à l’activité
et à la gestion des organismes de gestion collective, pour la
période 2019-2022 ;
-
la perception et la répartition de la rémunération équitable
due aux producteurs phonographiques et aux artistes
interprètes du champ musical.
L’analyse des
flux et ratios
, à laquelle est consacrée le premier
chapitre, constitue un thème de contrôle récurrent de la Commission :
le présent rapport est le onzième à présenter les résultats de ce travail.
Le collège a jugé opportun, en raison de l’impact de la crise sanitaire
sur les activités de perception et de répartition des organismes de
gestion collective, de faire porter son analyse sur une période plus
longue
, rompant ainsi avec le rythme biannuel retenu jusqu’ici
: ce
choix permet, d’une part, de porter un regard rétrospectif sur les
conséquences de la crise sanitaire et, d’autre part, d’opérer
des
comparaisons entre le dernier exercice précédent cette crise (2019) et le
premier exercice de retour à la normale (2022).
Le rapport
présente d’abord les évolutions du paysage des OGC
intervenues au cours de la période 2019-2022 et les analyses de la
Commission de contrôle quant à ses évolutions souhaitables. Il étudie
ensuite les grandes tendances de la période sous revue, en matière de
flux de droits, d’activité et de gestion financière, en illustrant les
constats généraux par des focus particuliers sur certains OGC.
Le second chapitre est consacré à la gestion de la
rémunération
équitable
. C’est la première fois que la Commission de
contrôle étudie
spécifiquement la perception et la répartition de ce droit à rémunération,
contrepartie de la licence légale instaurée en 1985. Cette enquête
conclut un cycle engagé en 2021, au cours duquel différentes
composantes des droits voisins ont été abordées.
Le périmètre de ce contrôle thématique est borné par les
compétences de la Commission de contrôle. Ainsi, les investigations se
sont limitées aux modalités de perception et de répartition de la
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2019-2022
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rémunération équitable par les OGC concernés. Les aspects touchant au
cadre juridique, qui relèvent de la compétence du législateur et du
ministère en charge de la culture, ou à la fixation des barèmes, qui
relèvent quant à eux
d’une commission administrative,
sont évoqués à
titre d’information mais ne relèvent pas
de la compétence de la
Commission de contrôle.
Pour arrêter le texte de son rapport, ainsi que le CPI le prévoit, la
Commission de contrôle a suivi une procédure contradictoire portant
successivement sur les rapports de vérification établis pour chaque
société puis sur le projet établi en vue du présent rapport annuel. Les
constatations et recommandations formulées dans le rapport sont issues
des instructions menées et de la contradiction telle qu’arrê
tée en mars
2024. Elles ne peuvent donc pas tenir compte des éventuelles mesures
ultérieurement prises par les OGC et que ceux-ci mentionnent dans
leurs réponses.
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4
I - Les flux et les ratios financiers (2019
2022)
Le rapport annuel présente la synthèse des 24 rapports
particuliers de vérification établis pour chaque OGC relevant du
champ de compétence de la Commission de contrôle. L’analyse
repose sur un traitement des comptes des organismes à partir
d’une grille unique, qui permet d’établir un «
tableau général des
flux et ratios » faisant apparaître des agrégats et des ratios
communs à toutes les sociétés (flux de droits, analyse de
l’activité, analyse financière).
A -
Le paysage de la gestion collective
1 -
Deux disparitions, une création
Au cours de la période sous revue, deux OGC ont été
dissouts, conformément aux recommandations formulées par la
Commission de contrôle dans son rapport annuel 2020 :
-
la société SORIMAGE, qui avait pour unique mission
de répartir la rémunération pour copie privée due aux
ayants droit des arts visuels, que lui versait COPIE
France, entre les quatre OGC concernés (AVA,
SOFIA, PROCIREP et SCPA).
-
la société Extra-Média, qui avait été créée par la
SACD et la PROCIREP pour gérer les droits relatifs
aux
extraits
d’œuvres
audiovisuelles
dans
les
programmes multimedia
et qui n’avait enregistrée
aucune activité.
Par ailleurs, la Société des Droits Voisins de la Presse
(DVP) a été créée le 26 octobre 2021 afin de gérer le droit voisin
reconnu aux éditeurs et agences de presse par la loi n° 2019-775
du 24 juillet 2019
, transposant l’article 15 de la Directive
européenne 2019/790 du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les
droits voisins dans le marché unique numérique. Compte tenu des
difficultés rencontrées par cette société pour conclure des accords
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2019-2022
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avec les principaux redevables du droit voisin, elle n’a perçu, a
u
cours de la période couverte par le présent rapport, aucun droit ;
elle est donc exclue du champ de l’analyse des flux et ratios.
2 -
Une rationalisation souhaitable
Ces évolutions ne modifient pas substantiellement le
paysage français de la gestion collective (24 OGC dont 18 OGC
primaires et 6 OGC intermédiaires), dont la Commission constate
à nouveau l’éclatement. Elle réitère
son appel à une
rationalisation, qui
permettrait d’améliorer à la fois la
transparence (par une simplification des flux) et l’efficience (par
une mutualisation accrue, source de synergies et d’économies
d’échelle)
de la gestion collective des droits.
La Commission attire
en particulier l’attention sur certains
OGC dont l’utilité ne lui semble pas démontrée (AVA, dont le
champ d’activité s’est d’ailleurs contracté à la suite de la
liquidation de Sorimage) ou dont la pérennité du modèle pose
question (l’ARP, dont l’activité
est certes dynamique mais
fluctuante, et au sein de laquelle la gestion collective occupe une
place marginale par rapport à la défense des intérêts de ses
membres et à l’action culturelle
; la SAJE, exposée compte tenu
de son faible nombre d’adhérents et de la nature des droits qu’elle
collecte, à d’importantes fluctuations).
La Commission esquisse par ailleurs des pistes de
rapprochement, dans le champ du droit d’auteur (entre SACEM,
SDRM et SEAM, ou entre SCELF et SOFIA) comme du droit
voisin (entre SCPP, SPPF, ADAMI et SPEDIDAM, ou entre
PROCIREP et ANGOA). Elle prend acte des réticences
exprimées par les organismes concernés et des arguments
invoqués en faveur du statu quo, mais note avec satisfaction
l’amorce d’un rapprochement entre la SCPP et l’ADAMI.
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COMMISSION DE CONTRÔLE DES ORGANISMES DE
GESTION DES DROITS D
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S VOISINS
B -
Les flux de droits
1 -
Une hausse des droits perçus
malgré l’impact transitoire
de la crise sanitaire
Sur la période 2019-2022, le montant total des perceptions
primaires a augmenté de près de 18% en euros courants et de près
de 10% en euros constants, pour a
tteindre 2,3 Md€ en 2022.
Cette
augmentation est comparable à celle enregistrée sur la période
2016-2018 et plus forte que celle observée entre 2012 et 2016.
Elle masque la chute brutale enregistrée en 2020 (-8%),
liée à l’impact de la crise sanitaire
, et en particulier des mesures
restrictives prises par les pouvoirs publics en réaction à cette
crise, qui ont mis à l’arrêt une partie du secteur culturel (spectacle
vivant) mais également certains secteurs redevables des droits
(ex
: bars, discothèques…)
, ainsi que de la chute des revenus
publicitaires des médias, qui représentent une part significative
de l
’assiette des droits qu’ils acquittent.
L’impact de la crise sanitaire a continué de se faire sentir
avec acuité en 2021, le niveau total des perceptions ne
progressant que de 3% et restant très inférieur à son niveau
d’avant crise.
A l’inverse, l’année 2022 est marquée par une
hausse significative des perceptions (+24%), qui retrouvent
même un niveau supérieur de près de 18% à celui observé avant
la crise sanitaire.
Toutefois, cette analyse globale ne doit pas occulter que la
crise sanitaire a affecté de manière très inégale l’activité de
perception des différents OGC.
D’une part, l’impact
de la crise
sanitaire a davantage concerné les OGC primaires que les OGC
intermédiaires, dont les perceptions ont continué à croître au
cours de ces deux années.
D’autre part,
les OGC de droits
d’auteur ont été affectés de manière plus immédiate que les OGC
de droits voisins, pour lesquels l’impact de la crise s’est
davantage ressenti en 2021 qu’en 2020. Enfin, les OGC dont les
perceptions sont les plus dépendantes du spectacle vivant ont été
les plus fortement affectés.
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2019-2022
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Par rapport aux perceptions 2019, quatre OGC affichaient
une baisse de plus de 10% en 2020 et cinq étaient encore dans ce
cas en 2021. La plupart ont retrouvé en 2022 un niveau de
perceptions supérieur à 2019, à l’exception de
quatre OGC, dont
la baisse des perceptions
s’explique par d’autres causes
que la
crise sanitaire.
Sur l’ensemble de la période,
les perceptions des 10 OGC
primaires de droits d’auteur (+22%) ont davantage augmenté que
celles des 8 OGC primaires de droits voisins (+3%). Les trois
plus gros OGC primaires concentrent à eux seuls 77% des
perceptions totales, tandis que les dix plus petits se partagent
moins de 10% de ce total. Cette concentration a eu tendance à
s’accentuer légèrement depuis 2019.
2 -
Une hausse contenue des stocks de droits
Entre 2019 et 2022, les droits utilisés ont augmenté moins
rapidement (+11%) que les droits perçus (18%), ce qui se traduit
par une dégradation du ratio droits utilisés / droits perçus, qui
passe de 100% en 2019 à 95% en 2022.
Cette diminution se concentre sur l’exercice 2022, marqué
par une progression des droits perçus, qui ne s’est pas traduite
par
une hausse équivalente des droits utilisés. A l’inverse, en
2020, année marquée par la crise sanitaire, la chute des droits
perçus a pu être atténuée en partie par un accroissement
temporaire du taux d’utilisation, qui a atteint 103% et même
105% s’agissan
t des OGC
de droits d’auteur
.
L’évolution
du montant des droits restant à répartir,
comparée à celle des droits perçus, est un indicateur de la
performance des OGC en matière d’utilisation des droits.
Alors
qu’il avait baissé de 2% entre 2016 et 2018, le
montant total des
droits à répartir progresse d’un peu moins de 5% entre 2019 et
2022. Cela représente toutefois une diminution en euros
constants et, surtout, une progression nettement moins rapide que
celle des perceptions (+18%). Cela témoigne donc d’un
e
amélioration de la performance moyenne des OGC qui prolonge
celle relevée dans le précédent rapport de la Commission et qu’il
convient de saluer.
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COMMISSION DE CONTRÔLE DES ORGANISMES DE
GESTION DES DROITS D
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S VOISINS
Cependant, la situation demeure contrastée selon les
OGC
: les organismes de droits d’auteur voient leur st
ock de droit
à répartir progresser de près de 10% quand celui des organismes
de droits d’auteur diminue de 3% et celui, par
construction
beaucoup plus modeste, des OGC intermédiaires, baisse de 18%.
Sept OGC
disposaient, fin 2022, d’un stock de droits à ré
partir
supérieur aux perceptions de l’année.
3 -
Une baisse sensible des irrépartissables
Les droits irrépartissables constaté au 31 décembre ont
diminué de plus de 14% sur l’ensemble de la période,
prolongeant la tendance observée entre 2016 et 2018 (-7%). La
diminution des « irrépartissables techniques » (droits dont les
titulaires n’ont pu être identifiés ou localisés et qui sont frappés
de prescription) reflète une amélioration de la performance de
l’activité de répartition, bénéfique aux ayants droit.
En revanche, le montant des droits devenus définitivement
irrépartissables a augmenté de plus de 20%. Cette hausse peut
s’expliquer pour partie par
la réduction des délais de prescription
des droits non répartis intervenue en 2014. Cette réforme ouvre
en effet une période transitoire au cours de laquelle se cumulent
la prescription décennale des droits perçus jusqu’en 2014 et la
prescription quinquennale des droits perçus à compter de 2015.
Les droits irrépartissables se concentrent fortement sur les
OGC de droits voisins, compte tenu de l’existence, en matière de
rémunération
équitable,
d’irrépartissables
«
juridiques »,
susceptibles d’être remis en cause par la jurisprudence RAAP de
la CJUE. A cet égard, les quatre OGC concernés par les
conséqu
ences de l’arrêt RAAP ont adopté des choix comptables
différents
s’agissant du traitement des sommes collectées au titre
des irrépartissables juridiques. Fin 2022, les sommes bloquées en
conséquence de l’arrêt RAAP représentaient un montant
financier cumulé de 70
M€.
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2019-2022
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4 -
Des flux croisés importants et complexes
Les enjeux financiers des flux inter-OGC sont substantiels
et mettent en lumière la complexité du paysage français de la
gestion collective. En 2022, 32% des perceptions totales de
l’ensemble des OGC cou
verts par la présente analyse provenaient
d’autres
OGC.
Si l’on exclut les OGC intermédiaires, ce ratio
atteint même 38%, avec une différence très marquée entre droits
d’auteur (28%) et droits voisins (80%).
Le circuit de collecte et de répartition de certains types de
droits est particulièrement complexe, comme la Commission de
contrôle l’a montré dans son rapport annuel de 2020. C’est
notamment le cas de la rémunération pour copie privée, de la
rémunération équitable, du droit de reproduction mécanique et
du droit de reprographie, qui font parfois intervenir une cascade
d’organismes intermédiaires entre celui chargé de la collecte et
celui qui assure la répartition finale.
Les contrôles de la Commission ont par ailleurs mis en
évidence plusieurs discordances entre les montants que les OGC
intermédiaires déclarent verser et ceux que les OGC primaires
déclarent encaisser. La Commission a donc invité les organismes
concernés à se rapprocher pour résorber ces écarts, ou à défaut
en expliquer l’origine dans une
note annexée aux comptes.
Les relations financières entre OGC incluent aussi les cas
dans lesquels un OGC assure la collecte de droits au nom et pour
le compte d’un autre OGC, dans le cadre d’un mandat
de gestion
ou
d’un contrat
de prestation de service. Ces cas de figure, dont
le recensement est complexe et qui peuvent prendre des formes
juridiques variées, pourraient faire l’objet, dans les années à
venir, de travaux spécifiques de la Commission de contrôle,
notamment pour s’assurer du caractère juste et
équilibré de la
rémunération de ces prestations pour compte de tiers.
Enfin, le déséquilibre des flux internationaux, qui résultent
des multiples accords de réciprocité conclus entre OGC français
étrangers, s’est accentué au cours de la période sous revue
. Les
droits perçus par les OGC français en provenance de l’étranger
n’ont augmenté que de 11%
et représentent, en 2022, moins de
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COMMISSION DE CONTRÔLE DES ORGANISMES DE
GESTION DES DROITS D
’AUTEUR ET DES DROIT
S VOISINS
40% des droits répartis par les OGC français à des OGC
étrangers, qui ont augmenté beaucoup plus rapidement (+42%).
La « balance commerciale » française des droits de
propriété intellectuelle gérés collectivement est donc largement
déficitaire (-
271 M€)
. Cela reflète avant tout la capacité
respective des œuvres de chaque pays à «
s’exporter
», mais doit
aussi inviter les OGC français à réfléchir à leur stratégie
internationale et à étudier l’opportunité de conclure de nouveaux
accords de réciprocité.
C -
L’activité
1 -
Une hausse des droits répartis
En 2022, les droits utilisés par les OGC primaires se
composent, à 80%, de droits répartis aux ayants droit
(directement ou via d’autres OGC, français ou étrangers). Les
20% restant correspondent aux droits affectés (obligatoirement
ou statutairement) à l’action artistique et culturelle et à l’action
sociale (7%) et aux frais de gestion (13%).
Entre 2019 et 2022, les droits répartis ont progressé de 9%.
Cette progression tient exclusivement à la hausse des droits
affectés à d’autres OGC, français ou étrangers. Ceux répartis
directement aux ayants droit ont stagné alors que les droits perçus
augm
entaient de 18%. Ceci s’explique principalement par le
décalage temporel qui existe entre la perception et la répartition :
la crise sanitaire a affecté de manière plus immédiate les
perceptions que les répartitions ; dès lors, le montant des droits
répartis devrait croître très fortement en 2023, reflétant la hausse
des perceptions en 2022.
Les droits affectés aux frais de gestion
n’ont quant à eux
augmenté que de 3%, tandis que ceux affectés aux actions
culturelles et sociales ont baissé de 2%.
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2019-2022
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2 -
Des charges de gestion maîtrisées
Les charges de gestion globales des 24 OGC couverts par
la présente analyse s’élèvent, en 2022, à 365 M€.
Une part
minoritaire de ces charges globales brutes correspond à des
charges supportées pour compte de tiers. Retraitées de ces
éléments, les charges nettes s’élèvent à 347 M€.
Alors qu’elles avaient progressé de 6% entre 2016 et 2018,
elles n’augmentent que de
2% entre 2019 et 2022, soit une hausse
nettement moins rapide que celle des perceptions (+18%) et une
diminution de près de 7% en euros constants. En conséquence, le
ratio charges de gestion nettes / droits perçus diminue
sensiblement, de 12% en 2019 à 10,4% en 2022. Le pic
transitoire observé en 2021 et 2022 (12,7
%) s’explique par la
chute conjoncturelle des perceptions liée notamment à la crise
sanitaire, tandis que les charges de gestion, par nature plus
rigides, sont restées quasi-stables.
La Commission de contrôle a déjà eu l’occasion d’indiquer
qu’elle considère comme acceptable un ratio de charges globales
nettes sur perceptions de l'ordre de 15 %. Le ratio moyen calculé
sur l’ensemble des OGC, en baisse, se situe en
-deçà de ce seuil.
En
se limitant aux OGC primaires, il s’établit à 14% en 2022,
alors qu’il était de plus de 16% en 2019 et qu’il avait crû de
manière transitoire jusqu’à près de 18% en 2020 et 2021, sous
l’effet de la baisse des perceptions liée à la crise sanitaire.
Ces évolutions mettent en évidence de réels efforts de
maîtrise des charges dans la plupart des OGC qu’il convient de
saluer. Toutefois, en 2022, cinq OGC dépassent encore le seuil
de 15%.
La croissance maîtrisée des charges de gestion résulte en
particulier d’un
effort notable consenti sur les charges de
personnel, qui en représentent plus de la moitié. Alors qu’elles
avaient légèrement augmenté entre 2016 et 2018 (+2,4%), elles
ont diminué de 0,8% entre 2019 et 2022,
sous l’effet d’une
diminution des effectifs totaux (2 113 ETP en 2022), qui reculent
de près de 4%, compensée par une hausse modérée du coût
moyen par ETP (94
K€ en 2022), qui progresse de 3%.
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COMMISSION DE CONTRÔLE DES ORGANISMES DE
GESTION DES DROITS D
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S VOISINS
Les charges de gestion sont financées, pour plus des trois
quarts, par des prélèvements sur les droits perçus ou répartis. Ces
prélèvements ont crû de 12% entre 2019 et 2022, soit une hausse
inférieure à celle des perceptions (+18%) mais équivalente à celle
des droits répartis (+12%). Le ratio prélèvements / droits perçus,
en légère diminution sur la période, s’é
lève en 2022 à 9%, mais
avec des différences sensibles entre OGC : globalement, les
OGC primaires de droit d’auteur affichent un taux moyen de
prélèvement de 13%, contre 8% pour les OGC primaires de droits
voisins et 1,5% pour les OGC intermédiaires. Deux OGC
affichent un taux supérieur à 15%.
3 -
Une action culturelle et sociale en contraction
Les ressources disponibles pour l’action culturelle et
sociale, qui étaient jusqu’alors en croissance régulière, ont
globalement diminué de 16% entre 2019 et 2022.
Cette
diminution
résulte
de
deux
tendances
contradictoires : l
es ressources affectées à l’action artistique et
culturelle diminuent d
’environ
20%, principalement du fait de la
diminution des droits irrépartissables
, qu’ils soient techniques
(amélioration
des
process
de
répartition)
ou
juridiques
(jurisprudence RAAP). A l’inverse, les ressources affectées
statutairement
à l’action sociale
par les OGC
de droits d’auteur
augmentent de 5%.
De même, la baisse des dépens
es d’action culturelle (
-
21%) contraste avec la hausse des dépenses d’action sociale
(+11%). Ces dernières ont notamment été utilisées pour aider les
auteurs à faire face aux conséquences de la crise sanitaire.
Les ressources disponibles de l’action artist
ique et
culturelle, qui avaient fortement augmenté jusqu’en 2017,
atteignant plus de 100 M
, ont nettement diminué depuis lors,
notamment sous l’effet de la crise sanitaire, qui a incité les OGC
à puiser dans leurs disponibilités pour faire face à la baisse des
ressources. Toutefois, depuis 2021, elles s’inscrivent de nouveau
à la hausse, et atteignent en 2022 un niveau correspondant à près
d’une année de dépenses d’action artistique et culturelle.
La
Commission de contrôle a alerté certains OGC sur le montant
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2019-2022
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anormalement élevé de leurs disponibilités et les a invités à
mieux ajuster leurs dépenses à leurs ressources.
D -
La situation financière
1 -
Une croissance modérée de la trésorerie
La Commission de contrôle a régulièrement alerté sur le
niveau confortable, et parfois excessif, de la trésorerie des OGC.
Ce constat découle directement du décalage temporel qui existe
entre les perceptions, les répartitions ou affectations, et les
versements
effectifs.
Si
ces
délais
sont
pour
partie
incompressibles, la Commission estime de manière constante
que le niveau de la trésorerie en fin d’exercice ne devrait pas
excéder 100 à 125% du montant des droits perçus dans l’année
.
L’analyse de la période 2019
-
2022 confirme l’orientation
observée dans les deux précédents rapports sur les flux et ratios
(2018 et 2020)
: la trésorerie totale n’a augmenté que de 4% sur
la période, soit
une hausse inférieure à l’inflation et moins rapide
que celle des perceptions. Le ratio global « trésorerie de fin
d’année / perceptions
totales
de l’année
» a ainsi diminué,
passant de 81% en 2019 à 71% en 2022. En huit ans, le niveau
global de la trésorerie des OGC rapporté à leurs perceptions
primaires aura été quasiment divisé par deux. Cette évolution
répond à une préoccupation exprimée à de multiples reprises par
la Commission de contrôle et doit être saluée.
Elle ne saurait occulter la persistance de situations
problématiques. En 2022, dix OGC affichent un ratio trésorerie /
perceptions supérieur à 100%. Pour six d’entre eux, ce ratio est
supérieur au seuil que la Commission de contrôle considère
comme acceptable (125%). Quatre de ces six OGC figuraient
déjà parmi les situations problématiques identifiées par la
Commission de contrôle en 2020. Certains ont toutefois
enregistré, sur la période, une diminution de leur trésorerie : cette
évolution encourageante doit être poursuivie.
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COMMISSION DE CONTRÔLE DES ORGANISMES DE
GESTION DES DROITS D
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S VOISINS
2 -
Des produits financiers majoritairement affectés au
financement de la gestion
Les produits financiers bruts de l’ensemble des OGC
s’élèvent en 2022 à environ 46 M€, e
n progression de 10% sur la
période 2019-2022.
En 2022, le total des produits financiers représente moins
de 2% de la trésorerie globale des OGC. Ce faible rendement
s’explique à la fois par la politique de placement prudente
adoptée par les OGC et par le niveau modeste des taux de
rendement observés sur la période.
La quasi-totalité de ces produits financiers est affectée au
financement des charges de gestion, qu’ils permettent de couvrir
à hauteur d’environ 10%. Seuls 2% des produits financiers totaux
sont reversés aux ayants droit, et cette part diminue sur la période
considérée. Les règles d’affectation varient toutefois selon la
nature des OGC.
La Commission de contrôle rappelle que le code de la
propriété intellectuelle laisse les OGC libres de décider de
l’affectation de leurs produits financiers, dans le respect de leurs
statuts. Elle considère cependant que les produits financiers
devraient de préférence être reversés directement aux ayants
droit, pour trois raisons principales :
-
ils sont générés par une trésorerie majoritairement
constituée de droits perçus mais non encore répartis ;
-
l
e financement d’une partie
des charges de gestion par
les produits financiers biaise l’analyse des taux de
prélèvement ;
-
ils sont plus volatiles que les charges de gestion, par
essence rigides.
15
15
II - La rémunération équitable
Au cours des précédentes campagnes, les investigations de
la Commission ont mis en avant, sous différents angles, les
enjeux que recouvre la rémunération équitable pour les OGC et
leurs ayants droit. D’une part,
elle représente une part
significative des droits voisins relevant de la gestion collective
et, plus largement, des revenus des artistes et des producteurs.
D’autre part,
son cadre juridique, issu de la loi et de la
jurisprudence est en évolution constante. Enfin, des événements
exogènes ont affecté, sur la période récente, sa perception et sa
répartition
: la crise sanitaire s’est traduite par une chute brutale
des perceptions
; l’arrêt RAAP de
CJUE a remis en question
l’affectation
des
«
irrépartissables juridiques
»
à
l’action
artistique et culturelle des OGC.
A -
Contexte et enjeux
1 -
Un droit à rémunération, contrepartie d’une licence
légale
Les textes internationaux et européens n’obligent pas les
États à instaurer, au profit des producteurs et des artistes, un droit
exclusif
d’autoriser
la
communicat
ion
au
public
des
phonogrammes. En revanche, ces textes imposent qu’une
rémunération « équitable et unique » leur soit versée en cas de
radiodiffusion
ou
de
communication
au
public
d’un
phonogramme publié à des fins de commerce ou d’une
reproduction de ce phonogramme.
Dans la plupart des États membres de l’Union européenne,
ce principe est mis en œuvre sous la forme d’une licence légale,
c’est
-à-
dire d’une dérogation au droit exclusif d’autoriser, en
contrepartie d’un droit à rémunération perçu par l’interm
édiaire
d’
un ou plusieurs organismes de gestion collective.
En France, la rémunération équitable a été instaurée par
l’article 22 de la
loi n° 85-660 du 3 juillet 1985 relative aux droits
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COMMISSION DE CONTRÔLE DES ORGANISMES DE
GESTION DES DROITS D
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S VOISINS
d’auteur et aux droits des artistes
-interprètes, des producteurs de
phonogrammes et de vidéogrammes et des entreprises de
communication audiovisuelle
. L’article L.214
-1 du CPI énumère
les cas dans lesquels un phonogramme du commerce peut être
exploité librement et sans autorisation préalable du producteur ni
de l’artiste
-i
nterprète, à condition de s’acquitter de cette
rémunération.
La rémunération équitable permet ainsi de concilier deux
objectifs : elle offre une liberté aux utilisateurs en leur permettant
le renouvellement de l’offre musicale liée à leur activité, sans
avoir à obtenir contractuellement une autorisation de diffusion,
tout en assurant aux producteurs de phonogrammes et aux artistes
interprètes
un
droit
à
rémunération
qui
compense
la
neutralisation de leur droit exclusif.
2 -
Des redevables et des bénéficiaires nombreux et variés
La rémunération équitable est due par de nombreux
acteurs intervenant dans divers champs de la vie économique et
socio-culturelle.
S’acquittent ainsi de cette rémunération, selon
la nomenclature retenue par la SPRE :
-
les « lieux festifs »
dont l’activité est essentiellement liée à
la musique : discothèques, bars et restaurants à ambiance
musicale ou dansante ;
-
les « lieux sonorisés »
dont l’activité repose à titre
accessoire sur la musique : cafés, restaurants, hôtels,
commerces, salons d
e coiffure…
-
les organisateurs de manifestations occasionnelles, les
établissements culturels, les salles et clubs de sport ;
-
les entreprises de communication audiovisuelle : radios et
télévisions.
Au total, ce sont aujourd’hui un peu plus de 370
000
redevables qui acquittent la rémunération équitable, dont une
large majorité de lieux sonorisés. Leur nombre a légèrement
diminué (-4,1 %) depuis 2014
, sans que cela n’empêche une
progression des perceptions.
LA RÉMUNÉRATION ÉQUITABLE
17
Le système sur lequel repose la détermination des
barèmes, la perception auprès des redevables et la répartition
entre les ayants droit est particulièrement complexe. Il fait
intervenir une commission administrative chargée d’établir les
barèmes, un OGC intermédiaire chargé de la perception, qui
sous-traite une partie de son activité à un autre OGC, et pas moins
de cinq OGC primaires qui prennent en charge la répartition
auprès des producteurs et des artistes.
3 -
Un droit au carrefour d’enjeux multiples
La rémunération équitable est une composante importante
des droits versés par leurs OGC aux artistes interprètes et aux
producteurs de phonogrammes. Entre 2019 et 2022, sur le total
des droits perçus par les quatre OGC bénéficiaires, 42%
provenaient de la rémunération équitable.
Son poids dans le
chiffre d’aff
aires global de la musique
enregistrée est plus limité, mais non négligeable : la rémunération
équitable représentait ainsi en 2022 près de 7 % du chiffre
d’affaire
s des sociétés de producteurs.
Compte tenu de la diversité des utilisations couvertes par
la licence légale, la rémunération équitable est en constante
évolution.
Le périmètre de ses redevables s’adapte aux
évolutions des technologies et des usages, comme en témoigne
son extension aux webradios, introduite par la loi n° 2016-925 du
7 juillet 2016
relative à la liberté de la création, à l’architecture
et au patrimoine. Ses barèmes, relevant du niveau réglementaire,
sont périodiquement révisés. Les processus de perception et de
répartition
bénéficient
des
avancées
technologiques
qui
permettent d’en
automatiser une part croissante.
La rémunération équitable fait par ailleurs confrontée de
nombreux contentieux qui affectent à la fois sa perception et sa
répartition. L
’arrêt RAAP
de la CJUE du 8 septembre 2020 a
ainsi
conduit à une remise en cause de l’
existence des
« irrépartissables juridiques
» alimentant les budgets d’action
artistique et culturelle des OGC d’artistes
-interprètes et de
producteurs de phonogramme
; dans l’attente d’une éventuelle
évolution du droit européen, les conséquences de cet arrêt
18
COMMISSION DE CONTRÔLE DES ORGANISMES DE
GESTION DES DROITS D
’AUTEUR ET DES DROIT
S VOISINS
demeurent à ce jour incertaines. De même, une affaire pendante
devant la CJUE pourrait aboutir à remettre en cause
l’assujettissement de la rémunération équitable à la TVA.
B -
La perception de la rémunération équitable
1 -
Des perceptions en légère hausse
Le montant total des perceptions au titre de la
rémunération équitable s’est élevé en 2022 à 136,9 M€, en
augmentation depuis 10 ans (+21% en euros courants, +7% en
euros constants), en particulier grâce à la progression des
perceptions en provenance des lieux sonorisés (+36 %) et des
lieux festifs (+23%), qui contraste avec le léger recul des
perceptions collectées auprès des médias, qu’il s’agisse des
radios (-5%) ou des télévisions (-7%).
Près des trois quarts des perceptions de la rémunération
équitable proviennent, en 2022, des établissements recevant du
public. Cette forte dépendance de la rémunération équitable aux
activités des commerces et des lieux de convivialité explique la
forte chute enregistrée en 2020 et 2021 (- 20% par rapport à
2019), en raison des conséquences de la crise sanitaire, en
particulier la fermeture des établissements et commerces. La
crise sanitaire a également affecté, dans une moindre mesure, la
rémunération équitable collectée auprès des médias, car elle a
provoqué une baisse de
leur chiffre d’affaires publicitaire.
La rémunération équitable a retrouvé son niveau d’avant
crise dès 2022, avec une collecte légèrement supérieure à celle
de 2019 (+1,7 M€ soit +1%).
2 -
Des barèmes complexes et rigides
Les barèmes de la rémunération équitable sont arrêtés,
pour chaque catégorie de redevables, par accord entre
représentants des utilisateurs et représentants des ayants droit ou,
à défaut (et en pratique toujours) par une commission paritaire
présidée par un représentant de l’Etat.
Le Conse
il d’État a
jugé
LA RÉMUNÉRATION ÉQUITABLE
19
qu’aucun texte n’imposait la formalisation de l’échec des
négociations et qu
e le constat d’une absence d’accord
suffisait à
lui-seul à fonder
l’intervention de la commission.
Les barèmes diffèrent selon les catégories de redevables,
de man
ière à refléter le mieux possible les recettes qu’ils tirent,
dans le cadre de leur activité, de l’utilisation de phonogrammes.
Les redevables
dont l’activité repose de manière essentielle sur
l’utilisation de la musique
acquittent une rémunération calculée
selon des règles complexes impliquant des procédures de
déclaration et de contrôle
; à titre d’exemple, la rémunération due
par les radios et télévisions dépend dans une large mesure du
« taux phono », dont le calcul est complexe. Les lieux sonorisés
relèvent quant à eux de barèmes plus simples reposant sur des
montants forfaitaires. Divers abattements et montants forfaitaires
appliqués en l’absence de déclaration complètent ces règles de
calcul.
Une fois adoptés, les barèmes s’adaptent mécaniquement
aux évolutions économiques : en effet, ils reposent soit sur des
taux appliqués aux chiffres d’affaires des redevables, soit sur des
montants forfaitaires assortis d’une indexation sur les pratiques
et usages en matière de droit d’auteur.
Ceci explique que la commission ne se réunisse que de
manière épisodique, uniquement lorsqu’apparaît le besoin
d’adopter un nouveau barème, pour tenir compte de l’émergence
de
nouvelles
catégories
de
redevables
ou
d’évolutions
économiques majeures nécessitant l’actualisation
des barèmes
existants. Ainsi, entre la décision réglementaire relative aux
barèmes des webradios (novembre 2019) et la fin d’année 2023,
la commission ne s’est pas réunie.
3 -
Une perception marquée par de nombreux contentieux
La
rémunération
équitable
fait
l’objet
nombreux
contentieux, comme en témoignent le nombre de procédures à
laquelle la SPRE est partie, en demande ou en défense (1214
entre 2019 et 2022), ainsi que le montant élevé de ses frais de
contentieux (même s’ils diminuent sur la période, sous l’effet
du
20
COMMISSION DE CONTRÔLE DES ORGANISMES DE
GESTION DES DROITS D
’AUTEUR ET DES DROIT
S VOISINS
dénouement de litiges anciens et du ralentissement de l’activité
judiciaire causé par la crise sanitaire).
Ces contentieux portent sur des sujets variés, tels que le
périmètre des redevables (que la jurisprudence de la CJUE
relative à la notion d’acte de communication au public, désormais
stabilisée, permet d’affiner progressivement), la légalité des
barèmes (recours contre différentes décisions de la commission
rémunération équitable, rejetés par le Conseil d’Etat l
e 14 octobre
2019 et le 13 avril 2021), ou encore leurs modalités d’application
(litiges relatifs au calcul du « taux phono » des radios et
télévisions).
Dans deux affaires récentes, le monopole de perception
dont bénéficie aujourd’hui
de facto
la SPRE a également été
contesté, sans succès, par une plateforme de musiques libres de
droits.
Si, à l’avenir, les redevables devaient être confrontés à une
pluralité d’organismes collecteurs, l’intérêt même de la licence
légale, qui est de sécuriser leurs exploitations, serait remis en
cause.
L’instauration d’un mécanisme d’agrément, comme il en
existe par exemple en matière de copie privée, ne suffirait pas à
prévenir ce risque, mais permettrait
a minima
d’encadrer l’essor
éventuel d’organismes concurrents de la S
PRE.
4 -
Des processus de collecte efficients
La SPRE collecte directement la rémunération équitable
auprès des lieux festifs, des radios et des télévisions. En
revanche, d
ans un objectif d’économies d’échelle
et de
simplification des procédures auprès des redevables, elle a
mandaté la SACEM depuis 1990 pour percevoir la rémunération
équitable en son nom auprès des lieux sonorisés et des
organisateurs de manifestations occasionnelles, lieux pour
lesquels la SACEM effectue déjà une activité de perception pour
son propre compte. Les champs couverts par ce mandat ont par
la suite évolué, la SPRE reprenant la collecte auprès des
discothèques et des bars à ambiance musicale qui avait pendant
un temps été confiée à la SACEM.
La convention de mandat décrit les aspects opérationnels
pris en charge par la SACEM et fixe les conditions de sa
LA RÉMUNÉRATION ÉQUITABLE
21
rémunération pour la réalisation des diligences prévues. Le calcul
de la rémunération de la SACEM prévue par le mandat actuel
repose sur une part fixe, une part variable définie en pourcentage
des montants collectés et une part « incitative » qui se déclenche
en cas de dépassement de l’objectif fixé chaque année.
Ce mode de calcul
n’est formellement contesté ni par la
SPRE ni par la SACEM. Le montant des frais facturés par la
SACEM,
rapporté
aux
droits
collectés,
n’apparait
pas
disproportionné. Au demeurant, les deux parties trouvent un
intérêt à cette sous-traitance : la SACEM parce que cela lui
permet d’amortir une partie des coûts de fonctionnement de son
réseau qu’elle doit en tou
t état de cause financer pour son propre
compte
; la SPRE parce qu’il est probable que cela lui coûterait
bien plus cher de constituer son propre réseau de recouvrement
ou de recourir à un prestataire privé, à supposer qu’il en existe.
L’optimisation de la
collecte invite à une réflexion sur le
juste équilibre entre la recherche d’un recouvrement exhaustif,
conforme au principe d’égalité, et la prise en compte des coûts
associés, qui peut justifier une stratégie sélective. En effet, la
rémunération équitable se caractérise par un parc de redevables
en nombre très élevé, de natures et de tailles très diverses, et en
perpétuel renouvellement. La simplification des barèmes et la
dématérialisation des paiements constituent à cet égard des pistes
intéressantes.
C -
La répartition de la rémunération équitable
1 -
Une répartition en cascade insuffisamment transparente
Plusieurs étapes interviennent entre la collecte et la
répartition finale aux ayants droit.
La rémunération équitable est
d’abord
répartie à parts
égales entre les OGC de producteurs phonographiques et les
OGC d’artistes –
interprètes,
en application de l’article
L. 214-1
du CPI. Les producteurs ayant choisi de centraliser cette
perception, la SPRE verse 50 % des rémunérations perçues à la
SCPA
, 25% à l’ADAMI
et 25% à la SPEDIDAM.
22
COMMISSION DE CONTRÔLE DES ORGANISMES DE
GESTION DES DROITS D
’AUTEUR ET DES DROIT
S VOISINS
La répartition effectuée par la SCPA entre la SCPP et la
SPPF est fondée sur le catalogue des ayants droit membres des
deux sociétés, et correspond, au réel, à la part respective des titres
de ces catalogues diffusés par les redevables de la rémunération
équitable. Elle fait l’objet d’une répartition provisoire, puis d’un
e
répartition définitive fondée sur une mesure (dite « pesée »). Les
règles de répartition adoptées lors de l’assemblée générale du 14
décembre 2018 de la SCPA sont au
cœur du litige qui oppose la
SCPP à la SPPF, pour ce qui concerne les sommes dites
irrépartissables.
La clé de répartition entre l’ADAMI et la SPEDIDAM
n’est pas fondée sur une disposition légale ou réglementaire, mais
résulte de négociations historiques entre les deux organismes.
L’accord du 17 octobre 2016
fixe la clé de partage suivante : 53%
pour les artistes principaux, 47% pour les autres artistes
interprètes. L
a SPEDIDAM s’était initialement engagée à verser
directement aux artistes principaux les 3
% qu’elle leur devait au
titre de cet accord ; toutefois, elle a finalement reversé en 2022
la somme correspondant au solde non réparti des exercices 2017
à 2022 à l’ADAMI qui gère désormais la répartition de ces 3 %
« contractuels », en plus des 50% qui lui reviennent en propre.
La Commission de contrôle a relevé à plusieurs reprises
que les montants indiqués comme répartis par les organismes
intermédiaires diffèrent des montants indiqués comme perçus par
les organismes primaires. Ces écarts proviennent
d’une
différence dans le traitement comptable des dommages et intérêts
versés par certains redevables condamnés.
En
aval,
les
OGC
primaires
de
producteurs
de
phonogrammes et
d’artistes interprètes assurent la répartition aux
ayants droits finaux de la rémunération équitable, après
déduction de
la part affectée à l’action artistique et culturell
e et
des prélèvements pour frais de gestion. Bien que la collecte soit
uniquement assise sur la communication au public des
phonogrammes, les clefs de répartition utilisées par les OGC
primaires, distinctes selon les catégories de redevables, se
fondent à la fois sur la diffusion des phonogrammes et sur les
ventes de phonogrammes.
LA RÉMUNÉRATION ÉQUITABLE
23
Les règles de répartition mises en œuvre par la SPPF ne
sont, contrairement à celles de la SCPP, pas formalisées dans un
document accessible aux ayants droit ; les informations
disponibles sur le site internet de la société se limitent aux
principes généraux de répartition. La Commission a donc invité
la SPPF à remédier à cette lacune.
Par ailleurs, elle a réitéré la recommandation adressée en
2022 à la SPEDIDAM, l’invitant à clarifier et simplifier ses
règles de répartition. Cette recommandation, dont la portée ne se
limite d’ailleurs pas à la rémunération équitable, n’est toujours
pas mise e
n œuvre, bien que la société s’y soit engagée.
2 -
Des délais de répartition importants
La complexité de ce schéma en cascade et la difficulté à
obtenir des redevables les données nécessaires à la répartition
aboutissent à des délais de répartition importants. Le délai
maximal de 9 mois entre la fin de l’exercice au cours duquel les
revenus sont perçus et leur versement aux titulaires de droit, fixé
par l’article L.324
-
12 du CPI n’est pas toujours respecté.
Les délais de répartition de la SPRE sont fixes, courts et
peu compressibles. La répartition de la SPRE vers les sociétés
co-gérantes se fait mensuellement sur la base des encaissements
de la période ; les sommes sont versées deux mois après leur
encaissement.
Les OGC primaires répartissent quant à eux les sommes
dues aux titulaires de droits
au cours de l’année qui suit le
versement de la SPRE, généralement en un ou deux versements
par an. Ce décalage temporel, lié à la nécessité, pour les OGC
primaires, de disposer des données granulaires nécessaires à la
répartition finale, se traduit mécaniquement par la constitution de
stocks de droits à répartir, qui alimentent le fonds de roulement
des OGC primaires et contribuent à accroître leur trésorerie.
Les délais de répartition des OGC d’artistes interprètes
sont en moyenne un peu plus élevés que ceux des producteurs de
phonogrammes, car le processus d’identification des ayants droit
est plus complexe : en effet, il existe généralement de multiples
24
COMMISSION DE CONTRÔLE DES ORGANISMES DE
GESTION DES DROITS D
’AUTEUR ET DES DROIT
S VOISINS
ayants droit pour un même phonogramme, contrairement aux
OGC de pr
oducteurs, et les processus d’identification peuvent
encore être améliorés.
3 -
Une identification des phonogrammes de plus en plus
automatisée
L
’identification des phonogrammes diffusés par
les
redevables permet une répartition au plus juste de la
rémunération équitable aux ayants droit. Elle est effectuée de
manière différente en fonction du type de redevables. De manière
générale, les progrès de l’automatisation permettent de tendre
vers une répartition moins forfaitaire et plus conforme à la
diffusion effective des titres.
L’identification des phonogrammes diffusés dans les lieux
sonorisés est effectuée de manière peu satisfaisante : elle repose
sur un échantillon de commerces, qui déclarent leur mode de
diffusion : radio (et la ou les chaines diffusées), streaming (et le
ou les styles diffusés), ou boitiers fournis par des prestataires (la
ou les playlists sélectionnées).
Dans les lieux festifs, une détection automatisée est
assurée depuis 2001, grâce à des boîtiers installés par un
prestataire dans un échantillon d’établissements. Cette prestation
se heurte à des difficultés liées à l’équipement des établissements
faisant partie du panel
; en pratique, le nombre d’établissements
prévus au contrat n’est aujourd’hui pas atteint.
S’agissant des médias, l’automatisation de la détection est
plus récente
: elle est mise en œuvre depuis 2016 dans le cadre
du projet RIAD (reconnaissance et identification automatique
des diffusions) et à travers un recours à un prestataire, dont le
contrat a été récemment reconduit, chargé de « piger » 89 stations
de radio et 6 chaînes de télévision. Cette prestation, qui permet à
la fois d’établir le «
taux phono » et de connaître les titres
diffusés par les médias,
sur la base d’
une collecte automatique
plutôt que de relevés déclaratifs,
donne satisfaction à l’ensemble
des OGC concernés
. Elle garantit la fiabilité et l’intégrité des
données, permet de mutualiser les coûts de collecte des données
utilisée par chaque OGC pour répartir la rémunération équitable,
LA RÉMUNÉRATION ÉQUITABLE
25
et contribue in fine à une répartition plus fine et plus conforme
aux utilisations réelles.
Les progrès de l’automatisation devraient permettre non
seulement de tendre vers une répartition au réel, mais également
de réduire les délais de versement aux ayants droit, qui
demeurent trop importants, et de dégager des gains de
productivité, qu’il convient d’évaluer précisément, en tenant
compte des investissements informatiques nécessités par
l’automatisation. A terme, les ayants dr
oit doivent pouvoir en
bénéficier, à travers une diminution des prélèvements pour frais
de gestion.
De plus, l’automatisation devrait permettre aux OGC
primaires de raccourcir leurs délais de répartition ; certains
d’entre eux expriment toutefois des réser
ves quant à la faisabilité
d’une accélération du rythme de répartition.