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DEUXIÈME CHAMBRE
DEUXIÈME SECTION
OBSERVATIONS DÉFINITIVES
(Article R. 143-11 du code des juridictions financières)
CHAMBRE
D’AGRICULTURE DE
LA RÉUNION
Exercices 2015-2022
Le présent document, qui a fait l’objet d’une contradiction avec les
destinataires concernés,
a été délibéré par la Cour des comptes, le 15 MARS 2024.
S2024-0447
CHAMBRE D’A
GRICULTURE DE LA RÉUNION
2
TABLE DES MATIÈRES
SYNTHÈSE
................................................................................................................
4
LISTE DES RAPPELS AU DROIT
...........................................................................
7
LISTE DES RECOMMANDATIONS
......................................................................
8
INTRODUCTION
.......................................................................................................
9
1
STRATEGIE, GOUVERNANCE ET ORGANISATION
.....................................
11
1.1
La stratégie
.......................................................................................................
11
1.1.1
Les actions dans les domaines de l’autonomie alimentaire et de
l’agriculture biologique
...........................................................................
11
1.1.2
Des contrats d’objectifs et de performance établis mais non signés
.......
13
1.1.3
La réalisation en cours d’un projet d’établissement
................................
14
1.1.4
La participation dans une société d’économie mixte départementale
.....
14
1.2
La gouvernance
................................................................................................
16
1.2.1
Une participation des élus aux instances de gouvernance en
amélioration
.............................................................................................
16
1.2.2
Les délégations
........................................................................................
17
1.2.3
La précédente mandature
........................................................................
17
1.2.4
La rédaction des procès-verbaux du bureau
............................................
18
1.3
L’organisation
..................................................................................................
18
1.3.1
Les missions de la Chambre
....................................................................
18
1.3.2
Une démarche qualité à améliorer
...........................................................
21
1.3.3
Un renforcement de l’encadrement
.........................................................
22
2
LA GESTION COMPTABLE ET FINANCIÈRE
.................................................
24
2.1
La production des comptes, les prévisions budgétaires et le contrôle
interne
...............................................................................................................
24
2.1.1
La production des comptes
......................................................................
24
2.1.2
Les prévisions budgétaires
......................................................................
25
2.1.3
Le contrôle interne
..................................................................................
26
2.2
Le compte de résultat
.......................................................................................
26
2.3
Le bilan
.............................................................................................................
28
2.3.1
L’actif
......................................................................................................
30
2.3.2
Le passif
..................................................................................................
33
2.4
Un redressement urgent
....................................................................................
37
2.4.1
Une Chambre en situation de cessation de paiement
..............................
37
2.4.2
Les audits récents
....................................................................................
40
2.4.3
La mise en œuvre de la tutelle renforcée
.................................................
41
3
LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES
...............................................
45
3.1
L’évolution de
s effectifs
...................................................................................
45
3.1.1
Un accord d’établissement obsolète et irrégulier
....................................
45
3.1.2
Les flux de personnel
..............................................................................
46
3.1.3
Le rôle de la commission paritaire locale dans les licenciements
...........
48
CHAMBRE D’A
GRICULTURE DE LA RÉUNION
3
3.2
Le temps de travail
...........................................................................................
49
3.2.1
La prise de RTT à valider par la commission paritaire locale
................
49
3.2.2
Les modalités de temps de travail des sept inséminateurs à
formaliser
................................................................................................
49
3.2.3
Un absentéisme élevé
..............................................................................
50
3.3
La forte progression de la masse salariale
........................................................
50
3.3.1
Une croissance des effectifs malgré la situation financière dégradée
.....
50
3.3.2
L’évolution des rémunérations
................................................................
51
3.3.3
Le non-respect de l
a valeur du point d’indice fixée par la
commission paritaire nationale
................................................................
53
4
LES AUTRES MOYENS
......................................................................................
56
4.1
L’immobilier
....................................................................................................
56
4.1.1
L’organisation territoriale
.......................................................................
56
4.1.2
Les évolutions possibles
..........................................................................
59
4.2
Les achats
.........................................................................................................
60
4.2.1
Les principes d’achat
...............................................................................
60
4.2.2
L’estimation des montants et l’expression du besoin
..............................
61
4.2.3
Les critères de jugement des offres
.........................................................
62
4.2.4
Un panel de prestataires peu étoffé
.........................................................
63
4.2.5
Le salon international de l’agriculture
....................................................
63
ANNEXES
................................................................................................................
66
CHAMBRE D’A
GRICULTURE DE LA RÉUNION
4
SYNTHÈSE
Compte tenu de la situation financière très dégradée de la Chambre
d’agriculture de
La
Réunion depuis le précédent rapport de la Cour des comptes de 2015, deux audits ont été
demandés par le préfet de La Réunion :
l’un en 2019 réalisé par
le Conseil général de
l’
a
limentation, de l’
agriculture et des espaces ruraux (CGAAER)
, l’autr
e en 2023 conduit par
Chambre
s d’agriculture France.
Des réalisations mais
un suivi du contrat d’objectifs à assurer
et un projet
d’établissement à formaliser
De nombreuses actions sont menées par la Chambre e
n matière d’agroécologie
,
d’agriculture biologique
et
d’
amélioration de
l’autonomie alimentaire. L
es objectifs fixés dans
les contrats d’objectifs ou le programme régional de développement agricole et rural sont
atteints voire dépassés, le nombre d’exploitation
s engagées en bio progresse passant de 341 en
2019 à 529 en 2022.
Cependant, l
es deux contrats d’objectifs élaborés par la Chambre
pour la période sous
revue (2015-2018 et 2019-
2025) n’ont pas été signés par les partenaires État, Région et
Département, la Région ne souhaitant pas s’engager financièrement
pour le premier et pour le
second, les partenaires exigeant au préalable un bilan du précédent contrat. Le contrat en cours
ne respecte pas plusieurs dispositions du code rural quant à sa durée, son contenu et son suivi.
A l’issue de
son précédent contrôl
e, la Cour avait recommandé d’«
adopter un projet
d’établissement engageant la
Chambre
et son personnel dans la mise en œuvre d’une stratégie
commune, permettant d’engager une réforme profonde de l’institution
». Malgré plusieurs
tentatives, ce
projet d’ét
ablissement
n’a pas été
adopté : il est toujours en cours
d’élaboration.
Le taux de participation des élus aux réunions de session s’est amélioré passant de 50
%
sous l’ancienne mandature (2015
-2018), marquée par des dissensions syndicales, à 64 % sous
la
nouvelle mandature (2019 et exercices suivants). Ainsi, le quorum n’a pas été atteint à sept
reprises de 2015 à 2018 et une seule fois depuis 2019.
Conformément à la recommandation de la Cour, l’encadrement
au sein de la Chambre
a été renforcé notamment a
vec le recrutement d’un directeur administratif et financier et d’un
directeur des ressources humaines, mais les mouvements de personnel de direction ont été
importants. La nouvelle direction D3P
chargée de la production de références statistiques,
d’études relatives aux projets innovants, de l’aménagement du territoire et de l’agr
itourisme,
n’
est pas parvenue à améliorer comme initialement prévu le résultat financier de la Chambre.
Cette direction qui compte aujourd’hui 18 agents (16 ETP) est déficitaire d
epuis sa création.
Des capitaux propres négatifs depuis 2022, des dettes très élevées
Au cours de la période sous revue, les dépenses de la Chambre ont évolué plus
rapidement que ses produits. Ses dépenses de personnel, de près de 9,2 M€ en 2022,
représentent 80 % des charges. Elle dispose de ressources fiscales structurellement faibles et
son chiffre d’affaires, bien qu’en
hausse entre 2015 et 2022 (1,07
M€ contre 1,74
M€) ne
représente que 15 % de ses produits cette dernière année. La Chambre est fortement dépendante
des tiers institutionnels, notamment du Département : l
es subventions d’exploitation
CHAMBRE D’A
GRICULTURE DE LA RÉUNION
5
représentaient 5,5 M€ en 2015
(soit 69 % des ressources) et
8,1 M€ en 2022
(soit 72 % des
ressources).
Le transfert d’autorité de gestion du FEADER en 2015 a
entraîné un retard dans
les versements qui a eu des conséquences sur les comptes de résultat et le bilan de la Chambre.
Le passif du bilan se caractérise par des fonds propres absorbés par les reports à nouveau
et des résultats négatifs enregistrés au fil des exercices ; il en résulte une dégradation des
capitaux propres, en baisse constante depuis 2016 et devenus négatifs en 2022 (-0,5
M€)
.
La Chambre ne parvient plus ni à honorer ses dettes courantes, malgré la mise en place
d’échéanciers,
non respectés,
ni à financer son cycle d’investissement
; elle est confrontée à un
déséquilibre structurel. À défaut d
e la mise en œuvre rapide
de son plan de redressement, elle
ne pourra plus assurer ses charges obligatoires.
Un sureffectif persistant et une valeur irrégulière
du point d’indice
Alors que la Cour en 2015, puis le CGAAER en 2019 et le préfet dans ses courriers à la
Chambre avaient recommandé de réduire les effectifs, ceux-ci ont progressé sur la période sous
revue de 13 %. Si on applique le ratio effectif/nombre d’exploitations agricoles
observable dans
les chambres
des autres départements d’outre
-mer,
le nombre d’
ETP (équivalent-temps-plein)
serait de 44 alors que la Chambre de La Réunion compte 171 ETPT fin 2022. Par ailleurs,
l’absentéisme
y est élevé (14,4 % en 2022).
La progression de la masse salariale sur la période sous revue (21 %) est encore plus
importante que celle des effectifs (13 %). Par ailleurs, la Chambre ne respecte pas la valeur du
point d’indice décidée par la commission nationale paritaire,
contrevenant à l
’article L. 514
-3
du code rural et
à l’article 13 du statut des personnels des
chambres
d’agriculture et
entraînant
un surcoût
annuel d’environ 1,2 M€.
Sur la période sous revue, il y a eu 10 licenciements dont celui de l’ancien directeur
général des services. Un agent, licencié en 2018, a bénéficié d
’indemnités compensatrices d
e
congés payés correspondant à 356 jours, alors que la C
hambre n’a pas mis en place de compte
épargne-temps.
Le personnel de la Chambre
est soumis à deux régimes de travail, l’un général à 39
heures par semaine, l’autre par exception
à 35 heures par semaine, pour les inséminateurs,
appelés à intervenir les week-ends et jours fériés. Ce dernier
, contrairement à l’article 17 du
statut n’a pas fait l’objet d’une négociation locale validée par la commission paritaire locale.
Un siège à sécuriser, des implantations à rationaliser, une polit
ique d’achat
à
améliorer
La Chambre est propriétaire de son siège situé à Saint-Denis pour lequel elle ne satisfait
pas à ses obligations, notamment en matière de sécurité. Sa responsabilité pourrait à ce titre être
recherchée. Le coût de location des locaux à Saint-Benoît paraît disproportionné par rapport
aux besoins. Au regard de sa situation financière, la Chambre devrait engager une réflexion
stratégique pour rationaliser sur le territoire l’ensemble de ses implantations.
Malgré
l’
attention portée à la commande publique, celle-ci demeure imparfaite au
regard des principes la régissant. Des mesures doivent être engagées pour mettre un terme aux
irrégularités répétées et pour
déployer une politique d’achat efficiente.
CHAMBRE D’A
GRICULTURE DE LA RÉUNION
6
La nécessité d’un redressement urgen
t des comptes de la Chambre départementale de
La Réunion conduit la Cour à formuler une recommandation unique, sur le fondement de ces
constats et de ceux déjà établis lors de son précédent contrôle, en 2014
. Elle rappelle qu’il
appartient à la tutelle de
fixer le délai, prévu à l’article D.513
-21 du code rural, pendant lequel
la Chambre doit mettre en œuvre les mesures de redressement
, conformément aux
recommandations formulées par la Cour en 2015 et non mises en œuvre à ce jour
:
-
a
dopter un projet d’étab
lissement engageant la Chambre et son personnel dans la mise
en œuvre d’une stratégie permettant d’engager une réforme de l’institution
;
-
p
oursuivre les seules prestations dont l’équilibre économique et budgétaire peut être
assuré durablement ;
-
procéder à une réduction des effectifs ;
-
améliorer le recouvrement des recettes et la fiabilité des comptes ;
-
organiser une fonction de contrôle interne centralisée.
Si, à l’issue de ce délai, les mesures prises ne permettaient pas permis à l’établissement
d’améliorer sa situation financière, l’établissement public devrait être placé sous le régime de
la tutelle renforcée.
CHAMBRE D’A
GRICULTURE DE LA RÉUNION
7
LISTE DES RAPPELS AU DROIT
Rappel au droit n° 1 :
(CA 974) : Adopter un nouvel
accord d’établissement
conforme aux
décisions prises par la CNP, en
application de l’article L.
514-3 du code rural.
Rappel au droit n° 2 :
(CA 974) :
Conformément à l’article L. 514
-3 du code rural et à
l’article 13 du statut du Personnel, appliquer la valeur du point d’indice
décidée par la CNP
(indemnités des élus et traitement du personnel).
Rappel au droit n° 3 :
(CA 974)
Conformément aux prescriptions du Code de la santé
publique, respecter
les obligations en matière d’amiante (diagnostic), de vérifications
périodiques des installations et équipements, de sécurité et d’accessibilité des bâtiments
Rappel au droit n° 4 :
(CA 974)
Respecter les dispositions du code de la commande
publique et notamment les articles L. 3, L. 2111-1 et suivants, L. 2113-10 ainsi que les articles
R. 2121-6 et R. 2152-7.
CHAMBRE D’A
GRICULTURE DE LA RÉUNION
8
LISTE DES RECOMMANDATIONS
Recommandation n° 1.
: (Préfet 974 - MASA-DGPE) :
Fixer le délai prévu à l’article
D. 513-21 d
u code rural, pendant lequel la Chambre doit mettre en œuvre les mesures de
redressement.
CHAMBRE D’A
GRICULTURE DE LA RÉUNION
9
INTRODUCTION
En 2020, La Ré
union compte 6 282 exploitations agricoles, soit 18 % de moins qu’en
2010 lors du dernier recensement, sur 38 650 hectares. Elle représente 39 % de la production
agricole des départements d’outre
-mer
1
.
Carte n° 1 :
Surfaces agricoles de La Réunion en 2021
Source/note : Mémento Agreste 2022 La Réunion
Décembre 2022
2
Près de 70 % des exploitations sont des micro-exploitations ou petites exploitations et
76
% disposent d’un statut d’exploitation individuelle
: ces dernières sont les principales
clientes de la Chambre
d’agriculture de La Réunion. La topographie de l’île est marquée par un
relief important et accidenté, en raison de son caractère volcanique. Les usages agricoles
occupent
18 % de la surface de l’
île,
concentrés sur la bande littorale et la plaine d’altit
ude
située entre les deux volcans (La Plaine des Cafres). La baisse des surfaces agricoles depuis
2010 est plus marquée que sur la précédente décennie. La perte de plus de 4 000 hectares, soit
près de 10 % des terres cultivées par rapport à 2010, est principalement liée à la baisse des
surfaces en canne à sucre. Les
autres productions résistent mieux à l’érosion
, voire progressent,
à l’image des cultures
fruitières.
1
Hors subventions. Source Agreste,
Mémento 2022
: L’agriculture, la forêt, la pêche et les industries
agroalimentaires.
2
PAPAM : plantes aromatiques à parfum et médicinales.
CHAMBRE D’A
GRICULTURE DE LA RÉUNION
10
L’agriculture de l’île s’organise autour de
trois productions principales sensiblement
équiv
alentes : la canne à sucre, fortement subventionnée par l’Union européenne, les fruits et
légumes et l’élevage. Les microclimats du territoire permettent à La Réunion de
disposer
d’
une
agriculture diversifiée (vanille, ananas, pomme de terre ou élevage laitier). Entre 2010 et 2020,
la production bovine est stable tandis que les productions ovine et avicole progressent
nettement
3
.
L’agroalimentaire est le premier secteur manufacturier de La Réunion
, avec 47 %
du chiffre d’affaires dans ce secteur.
La main-
d’œuvre employée en agriculture représente plus de 10
220 équivalents temps
plein
. Le recensement agricole de 2020 a mis en lumière qu’une exploitation sur cinq est
actuellement dirigée par un exploitant âgé de plus de 60 ans. Ainsi, la problématique de la
t
ransmission des exploitations agricoles revêt un enjeu majeur pour l’agriculture
réunionnaise.
Enfin, avec une démographie dynamique, les principaux défis de
l’agriculture
réunionnaise sont de garantir la sécurité alimentaire de l’île et de renforcer
l’att
ractivité des
exploitations pour les jeunes générations.
Le rapport de la Cour sur les subventions à l’agriculture et à la pêche en outre
-mer
4
a
relevé que La Réunion a perçu
45 % des subventions à l’agriculture aux
Outre-mer entre 2015
et 2021 (et 64 % des aides nationales), du fait des aides à la filière canne-sucre-rhum. Ainsi, les
subventions à la canne à sucre s’élèvent à plus de 5
000
€/ha à La Réunion
.
La Chambre
d’agriculture de
La Réunion (ci-après désignée la Chambre) est membre
du réseau des chambres d'agriculture tel que défini par la loi (article L. 510-1 du code rural et
de la pêche maritime). Les chambre
s d’agriculture sont «
des établissements publics placés sous
la tutelle de l'État et administrés par des élus représentant l'activité agricole, les groupements
professionnels agricoles et les propriétaires forestiers
». Ce réseau est investi de quatre
missions : «
contribuer à
l’amélioration de la performance économique, sociale et
environnementale des exploitations agricoles et de leurs filières ; accompagner dans les
territoires la démarche entrepreneuriale et responsable des agriculteurs ainsi que la création
d’entreprises et
le développement de l’emploi
; contribuer par les services qu’ils mettent en
place, au développement durable des territoires ruraux et des entreprises agricoles, ainsi qu’à
la préservation et à la valorisation des ressources naturelles, à la réduction de
l’utilisation des
produits phytopharmaceutiques et à la lutte contre le changement climatique ; assurer une
fonction de représentation auprès des pouvoirs publics et des collectivités territoriales
».
Depuis le précédent rapport de la Cour des comptes de 2015
5
, la Chambre
a fait l’objet
de deux audits demandés par le préfet de La Réunion, par le CGAAER
6
en 2019 et par
Chambre
s d’agriculture France en 2023
7
.
Le présent contrôle a porté sur la gouvernance,
la stratégie et l’activité de la
Chambre,
la gestion comptable et financière, la gestion des ressources humaines ainsi que les moyens
(immobilier et achats).
3
Cirad,
Stocker du carbone dans les sols agricoles et forestiers ultramarins
, avril 2023, p. 92-94.
4
Cour des comptes,
Les subventions à l’agriculture et à la pêche en outre
-mer de 2015 à 2022
, septembre
2023.
5
Cour des comptes,
Contrôle des comptes et de la gestion de la Chambre
d’agriculture de
La Réunion
,
observations définitives, exercices 2009 à 2014, juillet 2015.
6
Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux,
Expertise de la Chambre
d’agriculture de
La Réunion
, septembre 2019.
7
Chambres d’agriculture France,
Audit de la Chambre
d’agriculture de
La Réunion
, septembre 2023.
CHAMBRE D’A
GRICULTURE DE LA RÉUNION
11
1
STRATEGIE, GOUVERNANCE ET ORGANISATION
Les règles de fonctionnement des instances des chambres
d’agriculture (session, bureau,
comités, commissions…
) sont édictées par le code rural et de la pêche maritime (ci-après
désigné comme le code rural) et généralement précisées par le règlement intérieur des
établissements. Les activités des chambre
s départementales d’agriculture, établissements
publics à caractère administratif, sont encadrées par le code rural. Elles comportent une mission
de représentation des intérêts de l’agriculture et une mission d’intervention qui peut prendre la
forme de divers services publics administratifs ou industriels et commerciaux.
1.1
La stratégie
1.1.1
Les actions dans les domaines de
l’autonomie alimentaire et de
l’agriculture
biologique
1.1.1.1
L’objectif d’autonomie alimentaire
L’objectif d’autonomie alimentaire, poursuivi depuis les états généraux de l’outre
-mer
de 2009, a été repris dans un discours du Président de la République
lors d’un déplacement à
La Réunion le 25 octobre 2019. Le préfet de La Réunion, dans la feuille de route adressée au
Président de la Chambre en décembre 2019,
rappelle cet objectif d’«
autonomie alimentaire ».
Dans
le contrat d’objectifs et de performance
COP 2019-2025,
l’autonomie alimentaire
constitue l’un des six programmes
: «
faire de l’autonomie alimentaire un levier de
développement de la production locale
». 15 actions sur les 58 que compte le COP sont prévues
pour atteindre cette ambition. L’organisation du transfert de connaissance est l’une de ces
actions afin d’accompagner
les filières fruits et légumes réunionnaises fortement
concurrencées. En 2022, les surfaces cultivées atteignent les objectifs fixé
s pour l’ail, la carotte
et l’oignon, ce qui n’est pas le cas pour la pomme de terre ou les agrumes. Une autre action
concerne la promotion de l’emploi agricole. Le nombre de contrats de travail établis chaque
année par l’Espace Emploi Agricole est passé d
e 454 en 2019 à 571 en 2022
; bien qu’en
progression, ces chiffres sont en deçà de la valeur prévisionnelle annuelle de 650.
Du mémento Agreste, il ressort que la production locale qui couvrait 70 % du marché
en produits frais en 2019 est passée à 73 % en 2022. La production locale couvrait 40 % du
marché global en 2019 (frais, transformé, congelé). Concernant les filières « porcins »,
« volailles », « lapins », «
œufs
» et « lait », le taux global de couverture décroît entre 2019 et
2022
8
. Ainsi, le taux
de dépendance alimentaire, tel que mesuré par l’agence de la transition
8
Agreste,
Mémento La Réunion 2019 et 2022
.
CHAMBRE D’A
GRICULTURE DE LA RÉUNION
12
écologique (ADEME) en mai 2022 reste encore très élevé à 77 %
9
. En 2022, La Réunion
importe principalement de la volaille (18 678 tonnes), des agrumes (10 315 tonnes) et des
oignons (9 010 tonnes) ; elle exporte principalement des ananas (2
189 tonnes). Depuis l’arrêté
préfectoral n° 3766 du 12 décembre 2019, La Réunion ne peut plus exporter certains produits
végétaux
10
en raison de leur possible contamination par la mouche du fruit.
Faisant suite à une demande du Gouvernement, un plan régional de souveraineté
alimentaire (PRSA) de La Réunion a été conclu le 10 octobre 2023, dont la Chambre est
signataire.
L’objectif est d’augmenter le taux de couverture en fruits et légumes de
9 % et de
5 % pour la filière animale entre 2020 et 2030.
1.1.1.2
Une agriculture biologique qui se développe
Concernant l’agroécologie, le COP 2015
-2018 de la chambre incluait une thématique
de préservation de l’environnement dans l’agriculture réunionnaise déclinée en 9
actions.
D’après les éléments transmis à la Cour, les actions 6.1
(développement d'une agriculture
respectueuse des enjeux environnementaux), 6.3 (gestion et valorisation des matières
organiques en agriculture), 6.5
(développement de l’agriculture biologiq
ue), 6.7 (plan Ecophyto
II), 6.8 (fertilisation mixte de la canne à sucre) et 6.9 (c
onception et diffusion d’outils d’aide à
la décision en irrigation et en fertilisation mixte des cultures et diffusion d’outils de
vulgarisation des connaissances en irrigation)
ont globalement été mises en œuvre. Les objectifs
de l’action 6.6 sur l’élaboration de référence techniques pour une conduite raisonnée de
l’élevage n’ont pas été atteints. Fin 2018, la
chambre
d’agriculture s’engageait moins dans son
rôle de référen
ce et d’expertise en matière de gestion de valorisation des matières organiques
en agriculture. En effet, le bilan fait état «
d’une baisse des ETP sollicités auprès du FEADER
par la chambre
d’agriculture
: passage de 1,4 à 0,9 ETP (
) alors que les besoins sont
cruciaux pour mener à bien cette action et que les financements sont disponibles
».
Le programme régional de développement agricole et rural 2019 (PRDAR) de La
Réunion a fait l’objet d’un audit du CGAAER en 2021, l’estimant
«
élaboré en cohérence avec
les orientations du programme national de développement agricole et rural (PNDAR)
11
»
et
doté d’un pilotage
« tant professionnel que technique
(…)
sérieux
». Cet audit donne une
assurance raisonnable quant à l
utilisation des fonds CASDAR
12
conformément à leur objet.
Depuis 1997, la Chambre accompagne les agriculteurs dans les mesures agro-
environnementales (MAE
13
) (conversion et maintien de l'agriculture biologique, épaillage de la
9
Assemblée nationale, rapport d’information n° 1502,
L’
autonomie alimentaire
des outre-mer
, 4 juillet
2023.
10
Mangue, piment, poivron, citron, combava et autres agrumes.
11
CGAAER,
Audit du programme régional de développement agricole et rural de La Réunion -
Conformité de l’emploi des fonds CASDAR sur le programme 2019
,
décembre 2021.
12
Compte d’affectation spéciale développement agricole et rural
.
13
Les mesures agroenvironnementales (
MAE) permettent d’accompagner les exploitations agricoles qui
s’engagent dans le développement de pratiques combinant performance économique et performance
environnementale ou dans le maintien de telles pratiques lorsqu’elles sont menacées de disparition.
Les surfaces
concernées par des MAE sont donc supérieures aux surfaces en agriculture biologique.
CHAMBRE D’A
GRICULTURE DE LA RÉUNION
13
canne à sucre
14
, protection intégrée des cultures, etc.). Le bilan
de l’ani
mation des MAE dans
le cadre du FEADER 2014-2020 sur le territoire de La Réunion montre
qu’il y a eu 1 311
agriculteurs engagés sur 8 881 ha (pour un objectif de 6 000 ha), ce qui positionne La Réunion
parmi les départements ayant le plus grand nombre de contractualisations.
L’adoption de
ces
mesures a contribué à la diminution de la quantité
d’herbicide importé
e sur le territoire.
Le COP 2019-2025 comprend deux actions relatives à
l’agriculture biologique
:
accompagner les porteurs de projets de valorisation des produits AB et mettre en place un Point
Info Bio.
Deux conseillers couvrent l’ensemble du territoire
: ils accueillent et orientent les
porteurs de projets, suivent et conseillent les agriculteurs sur toutes les filières et assurent la
promotion de
ce mode de production sur l’île.
Le nombre d’exploitations engagées en bio
continue de progresser : 529 exploitations en 2022 (contre 341 en 2019), sur une surface de
2 200 ha (contre 1 242 ha en 2019).
1.1.2
Des contrats d’objectifs
et de performance établis mais non signés
Bien que l’article L. 511
-14
15
du code rural prévoyait au cours de la période sous revue
un contrat d’objectifs et de performance (COP) entre la Chambre, l’Etat et «
la ou les
collectivités territoriales concourant au financement de la réalisation des objectifs de ce
contrat »,
les COP 2015/2018 et 2019/2025 établis et validés par la Chambre le 3 octobre 2016
pour le premier et le 25 novembre 2019 pour le second n’ont pas été signés par les collectivités
et l’
État. Pour le premier contrat, la R
égion n’a pas voulu prendre d’engagement financier. Le
second contrat n’a pas été signé par les autres partenaires
car le
bilan du précédent n’avait pas
été réalisé. La Chambre les a
malgré tout mis en œuvre
. Pour le COP 2015-2018, le CGAAER
relève que «
la Chambre a réalisé chaque année son évaluation, et en mettant en place les outils
de suivi, notamment la comptabilité analytique qui rend compte de l’exécution des actions
»
16
.
Ainsi comme la Cour l’
y avait encouragée, la Chambre a mis en place un ratio entre les résultats
obtenus et les moyens affectés à chaque action.
Le COP 2019-2025 de la Chambre couvre la période de la mandature alors que la durée
maximale est de trois ans en application de l’article D.
571-15 du code rural
. Il n’est
pas non
plus conforme au contenu attendu
. En effet, il n’intègre pas les dispositions
de l'article D. 571-
11 qui prévoit que le COP doit définir pour les actions prioritaires «
les modalités du suivi
annuel, quantitatif et qualitatif
». Il
ne fait pas l’objet
du rapport de performance annuel prévu
à l’article D. 571
-12 : la Chambre réalise uniquement les comptes
rendus d’activité
aux
financeurs, nécessaires pour obtenir le versement des subventions. Enfin, le comité de pilotage
prévu à l’article D. 571
-
13 n’a pas été mis en
place alors que le CGAAER avait recommandé
en septembre 2019 d’«
assurer un suivi régulier au sein d’un COPIL
». La Chambre a indiqué
à la Cour
qu’elle «
ferait le point avec la DAAF sur la composition
» de cette instance.
14
Action de débarrasser les cannes à sucre des feuilles inférieures pour constituer un paillis au sol, qui
permet notamment de conserver l’humidité du sol, de
lutter contre son érosion et de réduire les traitements
phytosanitaires.
15
Créé par la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt et
abrogé par l’o
rdonnance n° 2022-584 du 20 avril 2022 relative à la Chambre de l'agriculture, de la pêche et de
l'aquaculture de Mayotte.
16
CGAAER,
Expertise de la chambre
d’agriculture de
La Réunion
, septembre 2019.
CHAMBRE D’A
GRICULTURE DE LA RÉUNION
14
Le COP national signé le 25 nove
mbre 2021 entre l’
État et le réseau des chambres
d’agriculture prévoit que «
les chambre
s d’agriculture d’Outre
-Mer qui déclinent un contrat
d’objectifs et de performance particulier avec l’
État et les collectivités territoriales concernées,
devront intégrer les orientations de ce présent contrat dans la rédaction de leur projet et
prendront l’avis de
Chambre
s d’agriculture France lors de sa rédaction
». Pour le prochain
COP de la Chambre, il conviendra qu
’elle
applique ces nouvelles dispositions.
La Chambre doit respecter les dispositions du code rural concernant son COP : sa
durée doit être de trois ans au maximum (D. 571-15), son contenu doit prévoir les
modalités de suivi (D. 511-11). Elle doit par ailleurs produire tous les ans un rapport de
performance (D. 571-12) et mettre en place un comité de pilotage (D. 571-13).
1.1.3
La réalisation en cours d’un projet d’établissement
Dans son précédent contrôle, la Cour avait constaté que «
la Chambre
d’agriculture ne
dispose pas d’un cadre définissant pour l’avenir
sa stratégie opérationnelle et déclinant ses
priorités pour mettre en œuvre la politique agricole de La Réunion
». En conséquence, elle
avait recommandé d’
«
adopter un projet d’établissement engageant la
chambre et son
personnel dans la mise en œuvre d’une
stratégie commune, permettant d’engager une réforme
profonde de l’institution
» (cf. annexe n° 1).
Ce document n’a pas été élaboré.
Lors de son audit en 2019, le CGAAER a constaté que le bureau de la précédente équipe
avait travaillé avec le cabinet TRIESSE en 2015 sur les axes
d’un projet de gouvernance, mais
n’a pas voulu les appliquer ensuite. De même, l’audit 3A
commandé par la Chambre en 2017
dessinait les contours d’un futur projet d’établissement
qui devait identifier les priorités
budgétaires, les actions à poursuivre ou abandonner ainsi que
l’organisation qui en découle.
Mais ce travail n’a pas été
finalisé. Le CGAAER a donc recommandé de « r
evoir les modes de
gouvernance (sessions, commissions, représentation) et développer un management plus
part
icipatif en redonnant du sens à l’action dans le cadre de l’élaboration d’un projet de
service mobilisateur
».
La Chambre
réalise actuellement un travail avec les agents et les élus sur l’évolution des
métiers pour les prochaines années, avec pour objectif de ne remplacer que 50 % des départs à
la retraite pour les quatre prochaines années, soit une
diminution de l’
effectif de 10 à 12 agents.
La Cour invite la Chambre à élaborer son projet d
’établissement
.
1.1.4
La participation dans une
société d’économie mixt
e départementale
La participation de la chambre
d’agriculture dans des organismes tiers est réduite
: elle
s’élève à environ 52
300 €.
CHAMBRE D’A
GRICULTURE DE LA RÉUNION
15
Tableau n° 1 :
Participation de la Chambre
d’agriculture dans des organismes tiers
Comptes
Dénomination de l’organisme
Montant
Nombres
de parts/
Année
2618
Organisme 1
1
524,49 €
100
1974
2618
Organisme 2
3
048,98 €
2618
Organisme 3
1
524,49 €
1990
2618
Organisme 4
8
097,96 €
500
1990
2618
Organisme 5
7
680,00 €
111
1973
2618
Organisme 6
3
360,00 €
20
1990
2618
Organisme 7
7 6
25,00 €
5
1993
2618
Organisme 8
9
147,00 €
4,55 %
1995
2618
Organisme 9
726,25 €
1992
2618
Organisme 10
1
694,00 €
2011
2618
Organisme 11
60,00 €
847
2022
Sous-total
44
524,17 €
266
Organisme 12
7
774,90 €
Total
52 299,07
Source : La Chambre
La Chambre
est notamment actionnaire d’une société d’économie mixte (
SEM)
départementale.
Les statuts en vigueur depuis 2020 prévoient la possibilité pour la SEM d’exercer, à titre
accessoire, le négoce de matériel d’irrigation
17
. En 2022, son activité de négoce représente 22 %
de son chiffre d’affaires
18
et l’ingénierie 3 %.
De son côté, la Chambre propose aux agriculteurs
des prestations de diagnostic et d’études pour la gestion de l’irrigation et d’expertise pour le
montage des dossiers, leur financement et leur suivi.
En raison de
l’
activité des deux entités qui peut paraître liée, et de leur relation juridique,
la Chambre a été interrogée sur
la liste des études d’irrigation menées par
elle (ou par un
prestataire mandaté) au bénéfice des agriculteurs entre 2015 et 2023
19
.
La chambre
d’agriculture
a fourni à la Cour
un état des projets d’irrigation de 2016 à
2022, qui précise les nom et prénom des bénéficiaires, le type d’équipement, la production
concernée, la surface, le fournisseur re
tenu par l’agriculteur, la date de validation ainsi que le
montant des investissements.
Il apparaît que 133 agriculteurs ont été bénéficiaires d’études d’irrigation menées par la
chambre, pour un montant total d’investissement réalis
é ensuite par ces bénéficiaires de
17
Même si la SEM départementale réalisait déjà depuis 2018 plus de 19 % de son chiffre d’affaires au
travers de cette activité initiée depuis sa création.
18
Chiffre d’affaires net 2022
: 3,359 M€.
19
Avec indication de la désignation précise des études, date, montant, nom du bénéficiaire.
CHAMBRE D’A
GRICULTURE DE LA RÉUNION
16
2,78
M€. Cinq entreprises sont mentionnées comme ayant réalisé ces travaux
;
l’
entreprise pour
sa part en a exécuté plus de 64 % pour un montant total de 1,79
M€.
Tableau n° 2 :
Travaux faisant suite à des ét
udes d’irrigation menées par la CA 974 au bénéfice
d’agriculteurs e
ntre 2016 et 2022
Fournisseur retenu par
l’agriculteur
Montant des
investissements
en €
Part dans le montant
total 2016-2022
SEM
1 791 057,43
64,34 %
Entreprise A
424 991,64
15,27 %
Entreprise B
337 477,60
12,12 %
Entreprise C
140 565,61
5,05 %
Entreprise D
89 667,25
3,22 %
Total
2 783 759,53
Source : CA 974
La Chambre pourrait céder les
actions qu’elle détient au capital de la
SEM
départementale. Elle pourrait ainsi répondre aux mises en concurrence lancées par la société
dans le domaine de l’ingénierie en matière d’irrigation, valorisant ainsi son expertise technique
sur le sujet et dégageant des recettes supplémentaires.
1.2
La gouvernance
1.2.1
Une participation des élus aux instances de gouvernance en amélioration
Le taux de participation des élus aux réun
ions de session s’est amélioré passant de 50
%
sous l’ancienne mandature (2015
-2018) à 64 % sous la nouvelle (2019 et exercices suivants).
Ainsi, le quorum n’a pas été atteint à sept reprises de 2015 à 2018 et une
seule fois depuis 2019.
L’audit du CGAAER de 2019 a par ailleurs souligné que sous l’ancienne mandature
"l
es élus
n’étaient pas non plus présents dans certaines commissions pourtant stratégiques (
par exemple,
le comité d’orientation stratégique et de développement agricole)
».
D’après la
Chambre,
dorénavant, «
les élus assurent toutes les missions de représentation dans les différentes
instances. ».
L’article
D. 511-54 du code rural qui prévoit que «
les membres qui pendant deux
sessions se sont abstenus de se rendre aux convocations sans motifs légitimes sont déclarés
démissionnaires par le ministre de l’agriculture, après avis de la
Chambre
» n’a pas été mis en
œuvre sur la période sous revue alors que trois élus n’ont participé à aucune réunion de session
de 2015 à 2018 et un élu à aucune réunion de session de 2019 à 2022.
La Cour invite le
ministère de l’agriculture
à appliquer les dispositions du code
.
CHAMBRE D’A
GRICULTURE DE LA RÉUNION
17
L’ancienne mandature s’était engagée auprès
de la Cour à la suite de son contrôle à
compléter son
règlement intérieur concernant l’assiduité des
membres
. Ce point n’y est
cependant toujours pas mentionné.
Sur la période sous revue, le règlement intérieur a été révisé à de nombreuses reprises,
en octobre 2015 (élargissement des compétences du bureau), en juin 2019 (réduction des
compétences du bureau notamment en matière budgétaire et modification des commissions), en
mars 2022 (possibilité de participer aux réunions en distanciel),
mars 2023 (mise en œuvre suite
à un audit qualité de l’indépendance des activités de conseil à l’utilisation des prod
uits
phytopharmaceutiques en application de l’ordonnance n°
2019-361 du 24 avril 2019
20
) et
décembre 2023 (assiduité des élus aux sessions).
1.2.2
Les délégations
La Chambre a pris les dispositions prévues par le code rural permettant à ses instances
politiques et administratives de fonctionner. Les délégations de compétences de la session au
bureau ont été prises en septembre 2015, mars 2019 et septembre 2021. Ainsi, le bureau peut
passer des contrats, conventions et marchés, inférieurs à 500
000 €. Le Président
a donné
délégation de signature à son directeur général et au directeur technique en l’absence du
directeur général. Le rapport de C
hambres d’agriculture
France précise que cette délégation
pourrait être complétée «
d’une mention relative à la certificatio
n du service fait
».
La Chambre a délégué au bureau, par délibération n° 15/2015 du 14 septembre 2015 et
n° 7/2021 du 14 septembre 2021, la compétence pour réaliser «
les modifications de budget
pendant l’intervalle des sessions
» pour la première et «
la modification du budget général
proposée par le Président, pendant l’intervalle des sessions
» pour la seconde. Or, ces deux
délibérations se réfèrent à l’article D. 511
-54-1 du code rural qui interdit de déléguer la
compétence budgétaire au bureau
21
. La première délibération a été validée par le préfet sans
réserve, la seconde l’a été avec réserves. Cette disposition qui avait été retirée lors de la mise à
jour du règlement intérieur en juin 2019, suite à la délibération n° 5/2019 de la session du
15 mars 20
19 n’a pas été
reprise dans les versions suivantes du règlement intérieur.
1.2.3
La précédente mandature
La précédente mandature a été confrontée à des dissensions syndicales. Ainsi, le
CGAAER relève en 2019 que «
l
’ancien exécutif n’a jamais trouvé de cohérence
interne, avec
de nombreux problèmes de quorum lors des sessions, des débats trop syndicaux et des clivages
souvent focalisés sur la filière canne qui ont nui à des prises de décisions pourtant nécessaires
20
Ordonnance n° 2019-361 du 24 avril 2019 relative à l'indépendance des activités de conseil à
l'utilisation des produits phytopharmaceutiques et au dispositif de certificats d'économie de produits
phytopharmaceutiques.
21
En revanche, l’article D.
511-76 du code prévoit que «
La chambre d'agriculture peut, par délibération
spéciale, donner pouvoir à son bureau de se prononcer en ses lieu et place sur toute modification du budget
général proposée par le président, pendant l'intervalle des sessions
». Cette « délibération spéciale
» n’a pas été
produite.
CHAMBRE D’A
GRICULTURE DE LA RÉUNION
18
sur bien d’autres sujets
». M. Jean-Yves Minatchy, président de la Chambre de 2001 à 2013
était le principal dirigeant de la CGPER
22
, syndicat affilié à la Confédération paysanne. Atteint
par la limite d’âge, il a laissé
la place à M. Jean-Bernard Gonthier, membre du même syndicat,
qui lui a succédé le 18 février 2013. Début 2018, dans le cadre de la succession de la direction
de la CGPER, il y a eu une scission avec la création de l’UPNA
-Unis pour nos agriculteurs,
nouveau syndicat auquel le Président de la Chambre a adhéré.
Ces tensions syndicales ont eu des répercussions sur la gouvernance de la Chambre.
Ainsi,
le quorum au sein du bureau n’a pas été atteint lors de nombreuses réunions
: deux en
2016, trois en 2017 et quatre en 2018. Lors des réunions de bureau convoquées les 5 novembre
2018 et 28 janvier 2019, le président était la seule personne présente sur les douze membres qui
composent cette instance.
1.2.4
La rédaction des procès-verbaux du bureau
Lors de son précédent contrôle, la Cour avait relevé que les procès-verbaux des réunions
de bureau n’étaient
pas systématiquement rédigés. C
e n’est plus le cas sur la période sous revue
à une exception près (le procès-
verbal du bureau du 13 avril 2017 n’a pas été rédigé).
1.3
L’o
rganisation
Selon le code rural (article D. 511-69), «
pour l'exercice de leurs activités, les chambres
d'agriculture peuvent constituer tous les services et instituer toutes les fonctions qu'elles jugent
nécessaires à leur fonctionnement.
» Ces services sont dirigés par un directeur général.
1.3.1
Les missions de la Chambre
1.3.1.1
La D3P, une nouvelle direction créée en 2019 toujours déficitaire
La direction prospective, projets et partenariats (D3P) est chargée de la production de
références statistiques, d’études relatives aux projets innovants, de l’aménagement du territoire
et de l’agr
itourisme. Elle anime également le dispositif de revitalisation des zones rurales. Cette
direction est co-dirigée depuis janvier 2021
23
, avec deux branches distinctes
: l’une traitant des
références, statistiques, gestion des projets et partenaires
; l’autre traitant de l’
agritourisme,
structuration des marchés, les filières innovantes et la veille juridique.
Cette direction devait permettre à la Chambre de répondre à de nouveaux projets :
économie de La Réunion, aménagement du territoire, structuration des marchés, foncier,
22
Confédération générale des planteurs et éleveurs de La Réunion, actuellement présidée par M.
Minatchy.
23
Délibération du bureau n° 12/2021 du 21 janvier 2021.
CHAMBRE D’A
GRICULTURE DE LA RÉUNION
19
urbanisme, système d’information géographique et ainsi augmenter les recettes
et le résultat net
de la Chambre.
Cette direction qui compte aujourd’hui 18 agents (16 ETP)
est déficitaire depuis
sa création.
Tableau n° 3 :
Résultat de la D3P sur la période sous revue (en euros)
Année
2020
2021
2022
Prestation
120 489,92
146 891,74
73 028,68
Subvention
580 834,64
734 104,06
872 294,98
Autres recettes
93 853,47
18 797,68
-
Total recettes
795 178,03
899 793,48
945 323,66
Fonctionnement
168 320,77
172 501,63
204 068,85
Personnel
734 030,67
958 035,92
996 449,49
Total dépenses
902 351,43
1 130 537,55
1 200 518,34
Résultat
-107 173,40
-230 744,07
-255 194,68
Source :
Chambre d’agriculture de La Réunion
1.3.1.2
La rentabilité des prestations
Dès 2011, le CGAAER évoquait «
la p
ossibilité d’externaliser certaines missions,
notamment dans le domaine de l’élevage, afin de sécuriser les financements de l’institution
».
La Cour en 2015 formulait quant à elle une recommandation soulignant la nécessité de
«
poursuivre les seules presta
tions aux agriculteurs, dont l’équilibre
économique et budgétaire
peut être assuré durablement
». Malgré cela, la Chambre dans son autodiagnostic
en vue d’une
feuille de route stratégique, en 2017-2018, prévoyait la non-
application de l’augmentation
tarifaire des prestations existantes. Même si la nouvelle mandature a revalorisé certaines
prestations et fait augmenter le chiffre d’affaires, ces mesures s’avèrent insuffisantes.
L
a Chambre n’a que peu de visibilité sur la rentabilité des prestations qu’elle p
ropose
au monde agricole. Une étude sur la rentabilité de ses activités, financée par le réseau national
24
,
lancée en 2023, est en cours : s
on objectif est d’identifier
les prestations concurrentielles que la
Chambre pourrait promouvoir et développer, tout en limitant celles à faible valeur ajoutée.
L’adoption d’une telle stratégie est contrainte par la géographie du territoire et la
diversité des activités agricoles qui conduisent la Chambre à intervenir auprès d’agriculteurs
24
Recommandation n°
1 de son rapport d’audit 2023
: «
Faire réaliser une étude sur la rentabilité
économique des différents départements
».
CHAMBRE D’A
GRICULTURE DE LA RÉUNION
20
installés dans des endroits reculés et difficilement accessibles, engendrant pour elle des coûts
élevés au regard du prix pratiqué.
Un audit KPMG réalisé en 2023 souligne également la rentabilité très dégradée de
l’
exploitation de la Chambre qui ne génère pas de trésorerie et oblige à des choix stratégiques
et de restructuration.
Au vu de sa situation financière exsangue (cf.
infra
), la Chambre se trouve dans
l’obligation, pour assurer la pérennité de son action, d’identifier les missions déficitaires et de
réfléchir à leur valorisation ou à leur abandon, nonobstant une action volontariste sur ses
dépenses. S’agissant des prestations qui pourraient être rentables, une réévaluation régulière,
tenant compte des charges supportées, doit être envisagée : une révision de sa politique tarifaire
s’impose. L’étude en cours sur la rentabilité des activités de la
Chambre pourra participer à cet
état des lieux et contribuer à dessiner les contours d’une stratégie économique pertinente et d’un
plan de redressement ambitieux.
1.3.1.3
Les missions de représen
tation et d’intervention
Les établissements du réseau ont une fonction de représentation des intérêts de
l’agriculture auprès des pouvoirs publics et des collectivités territoriales.
En outre, les chambres
d’agriculture contribuent, par les services qu’ell
es mettent en place, au développement durable
des territoires ruraux et des entreprises agricoles, ainsi qu’à la préservation et à la valorisation
des ressources naturelles et à la lutte contre le changement climatique. Ce sont les missions
d’intervention.
Les données fourn
ies par le réseau permettent d’établir des comparaisons entre
la Chambre de La Réunion et les autres structures, soulignant son caractère atypique.
Tableau n° 4 :
Répartition des charges et produits entre les missions de chambre de La Réunion
comparée aux autres chambre
s d’agriculture
Source :
Chambres d’agriculture France
- 2021
CHAMBRE D’A
GRICULTURE DE LA RÉUNION
21
D’
une part, la chambre de La Réunion, en 2022, consacre moitié moins aux missions de
représentation que la moyenne des chambres du réseau, pour des produits équivalents à ses
charges alors que ses homologues dégagent sur ce poste un excédent. Si elle mobilise un nombre
d’ETP plus faible, le volume des charges et des recettes est deux fois moindre.
D’autre part, les dépenses liées
à ses
missions d’intervention représentent près
de deux
fois le montant moyen, avec des
dépenses supérieures aux recettes. Le volume d’ETP est ainsi
2,5 fois supérieur ; les charges et les recettes sont quant à elles 40 % plus importantes. La
mission d’intervention se solde par un chiffre d’affaire
s par
ETP de l’ordre de 65 € à La Réunion
lorsque la moyenne est de l’ordre de 96
€/ETP, en raison du sureffectif
notamment (cf
. infra
).
Chambres
d’a
griculture France précise que,
s’agissant des sureffectifs, un plan de redressement
pluriannuel est en cours d’é
laboration.
Par ailleurs, la Cour relevait en 2015 la sous-estimation des dépenses consacrées par la
C
hambre aux missions de représentation et d’intervention
. Elles demeurent sous-estimées au
regard des charges directes imputables à ces missions. Le contrô
le des règles d’imputation
analytique et budgétaire
25
a permis de mettre en évidence que la Chambre ne retient que trois
postes de charges directes
26
; les charges indirectes sont calculées au prorata des ETP affectés
sur cette mission. Ainsi, la Chambre ne retient-elle pas les indemnités des élus ainsi que les
cotisations obligatoires
qu’elle acquitte, ni les charges liées au fonctionnement de l’assemblée.
La valorisation du coût du personnel, pour comparaison avec les proratas fixés par la
délibération de C
hambres d’agriculture France, n’a pas été communiquée.
Chambres d’agriculture France
précise, dans une note du 2 février 2023, les modalités
de mise en place de la comptabilité analytique s’agissant des missions, qu’elle classe en trois
catégories au regar
d notamment de l’utilisation de la TATFNB
27
.
La Cour invite la Chambre
à respecter la ventilation analytique des produits et charges consacrées aux missions de
représentation et d’intervention
et
attire l’attention de la tutelle et de
C
hambres d’agriculture
France sur cette situation qui altère les données du réseau.
Au titre des missions de service public, la Chambre
dispose d’un établissement
départemental de l’élevage (EDE) chargé
de
l’identification et de la traçabilité des bovins,
ovins, caprins et por
cins. Elle met en œuvre également le dispositif d’installation
pour lequel
elle est habilitée par l’
État.
Au titre des missions d’intérêt général, la
Chambre participe à la
promotion de l’agriculture par l’organisation de salons, de foires ou encore par la
promotion de
l’agritourisme ou de projets alimentaires territoriaux. Au titre des prestations concurrentielles,
elle propose
notamment un service d’insémination artificielle, des diagnostics et études en
matière d’irrigation ou encore une offre de formati
on, pour laquelle elle est certifiée.
1.3.2
Une démarche qualité à améliorer
La Chambre de L
a Réunion s’est engagée dans une démarche qualité depuis 2012 et est
certifiée AFNOR en matière de conseil et formation depuis 2014. Le rapport de 2019 du
CGAAER relevait que le maintien de cette certification «
suppose en amont de former les
25
Norme APCA n° 08-12 du 26/03/2008 et note DGPAAT/SDG/N2013-3036 du 13/11/2013.
26
C/62562 Frais de déplacement / missions des membre
C/6233 Foire et exposition (SIA)
C/6258 Divers (billets d’avion
des membres).
27
Taxe additionnelle à la taxe foncière sur les propriétés non bâties.
CHAMBRE D’A
GRICULTURE DE LA RÉUNION
22
techniciens eux-mêmes dans ces métiers pour accompagner les agriculteurs au regard des
enjeux des politiques publiques en matière agricole. Il s’agira notamment de développer des
partenariats avec l'enseignement technique et supérieur agricole, et de mieux mobiliser et
optimiser les soutiens publics qui y sont consacrés
».
L’audit
qualité externe réalisé en juillet 2022 a relevé la fragilité du système
documentaire,
l’absence de revue
de direction (revue de l’offre de prestation)
,
l’absence
d’exhaustivité
des
déclarations
d’indépendance
des
élus
relatives
aux
produits
phytosanitaires
28
, la non-conformité des comptes rendus de conseils spécifiques
29
.
1.3.3
Un renforcement de l’encadrement
Dans son précédent rapport, la Cour avait recommandé de «
renforcer l’encadrement
des services techniques, de la direction administrative et financière et des ressources
humaines
», ce qui a été m
is en œuvre. Aujourd’hui, les cinq postes de chef de département
(productions
végétales,
productions
animales,
entreprise,
installation/transmission
et
formation) sont pourvus alors qu’il y avait trois postes vacants de directeurs techniques sur cinq
en 2014. Par ailleurs, il n’y avait pas de responsable des ressources
humaines et le poste de
directeur administratif et financier était vacant. Ces deux postes ont été pourvus en 2017.
Le directeur général des services (DGS), en poste depuis 2011, a été en arrêt maladie à
partir de l’arrivée du nouveau président en février
2019 (du 25 février 2019 au 5 mai 2021) et
licencié le 6 mai 2021. En février 2019, un poste de directeur technique a été créé et confié à
l’ancien directeur de la FDSEA de
La Réunion, qui a ensuite été nommé DGS en 2021.
Sur la période sous revue, l’orga
nisation de la Chambre a été modifiée en profondeur en
2016 et en 2019. En 2016, deux départements techniques supplémentaires ont été créés :
l’ancien département «
Productions » a été scindé en trois départements : « Diversification
végétale », « Diversification animale » et « É
tablissement de l’élevage ».
Fin 2018,
l’organigramme a été modifié pour notamment prendre en compte la reprise de missions de
l’Agence de services et de paiement pour la pré
-
instruction des dossiers d’aides à l’installation.
Ainsi, un pôle installation-transmission rattaché au département entreprise a été créé.
À la suite de l’élection de la nouvelle équipe en 2019, l’organisation de la
Chambre a
été modifiée. Une direction des ressources humaines a été créée ainsi que la direction
prospective, projets et partenariats (D3P) ; il n’y a plus que quatre départements techniques au
lieu de six (le département canne à sucre intégrant le département production végétale et la
mission réglementaire d'identification et de traçabilité des animaux, le département animal).
28
Les obligations d’indépendance dans le domaine du conseil phytosanitaire ont été ajoutées dans le
règlement intérieur en mars 2023.
29
C
hambres d’agriculture
France,
Audit de la chambre
d’agriculture de
La Réunion
, septembre 2023, p.
21.
CHAMBRE D’A
GRICULTURE DE LA RÉUNION
23
______________________ CONCLUSION INTERMÉDIAIRE ______________________
L
es objectifs fixés dans les contrats d’objectifs
et de performance (COP) et le
programme régional de développement agricole et rural e
n matière d’agroécologie
sont
atteints, voire dépassés. De nombreuses actions sont menées par la Chambre pour améliorer
l’autonomie alimentaire
: la couverture de la consommation
locale en produits frais s’est
améliorée passant de 70 % en 2019 à 73 % en 2022 même si le taux de dépendance alimentaire
(produits frais et congelés) reste encore très élevé à 77 %. La Réunion importe principalement
de la volaille, des agrumes et des oignons.
Les deux COP élaborés par la Chambre sur la période sous revue (2015-2018 et 2019-
2025) n’ont pas été signés par les partenaires
État, Région et Département, la Région ne
souhaitant pas s’engager financièrement pour le premier et les partenaires exigeant au
préalable un bilan du précédent contrat, pour le second. Le contrat en cours ne respecte pas
plusieurs dispositions du code rural quant à sa durée, son contenu et son suivi.
En 2015, la Cour avait recommandé
d’«
adopter un projet d’établissement engageant
la Chambre et son personnel dans la mise en œuvre d’une stratégie commune, permettant
d’engager une réforme profonde de l’institution
». Malgré plusieurs tentatives, le projet
d’établissement n’a pas été
adopté ; il est toujours en cours
d’élaboration
.
Le taux de participation des élus aux réunions de session s’est amélioré passant de 50
%
sous l’ancienne mandature (2015
-2018) à 64 % sous la nouvelle mandature (2019 et exercices
suivants). Ainsi, le quorum n’a pas été atteint à sept reprises de 2015 à 2018 et une fois depuis
2019.
La précédente mandature a été confrontée à des dissensions syndicales.
Enfin, comme recommandé par la Cour,
l’encadrement
au sein de la Chambre a été
renforcé sur la période sous revue avec notamment le recrutement d’un directeur administratif
et financier et d’un directeur des ressources humaines.
Cependant les mouvements de personnel
de direction ont été importants :
changement de directeur, d’agent comptable et de directeur
administratif et financier. La nouvelle direction chargée de la production de références
statistiques, d’études relatives aux projets innovants, de l’aménagement du territoire et de
l’agr
itourisme, déficitaire depuis sa création en 2019
, n’a pas permis d’améliorer comme
initialement prévu le résultat net de la Chambre.
CHAMBRE D’A
GRICULTURE DE LA RÉUNION
24
2
LA GESTION COMPTABLE ET FINANCIÈRE
-
La Chambre
d’agriculture de La Réunion est, de par l’importance de son budget,
la plus grande chambre
d’agriculture d’outre
-
mer au regard de ses produits d’exploitation en
2022.
Comme l’attestent les données
du réseau, elle se trouve dans une position atypique
notamment au regard de ses faibles ressources fiscales, qui limitent fortement ses marges de
manœuvr
e
30
. L
’importance de ses effectifs
constitue une contrainte supplémentaire en raison
du poids de ces dépenses, de l’ordre de 80 % des charges totales
.
-
Le précédent rapport de la Cour (juillet 2015) relevait «
qu’après
avoir connu
des difficultés financières, la chambre
est parvenue, au terme d’un plan de redressement
financier mis en œuvre entre 2004 et 2007, à améliorer sa situation. Mais celle
-ci reste fragile
et précaire, ainsi qu’en témoignent les résultats à nouveau déficitaires en
2014, dans un
contexte de réduction des aides publiques
».
2.1
La production des comptes, les prévisions budgétaires et le contrôle
interne
2.1.1
La production des comptes
-
Le code rural prévoit
31
notamment que le projet de budget est soumis au préfet
avant le 30 novembre de l'année précédant celle pour laquelle il est établi avant son adoption.
Une décision modificative du budget de l'exercice est présentée au préfet avant le 15 septembre
de l’année au titre de laquelle le budget primitif a été établi.
Le compte financier arrêté par
l’organe délibérant est soumis à l’approbation des autorités de tutelle
avant le 15 mars. Si
aucune décision expresse n’a été notifiée dans le délai d’un mois après réception par ces
autorités de la délibération et des documents correspondants, il est réputé approuvé.
-
Bien que la situation se soit améliorée depuis le dernier contrôle de la Cour, les
documents budgétaires
n’ont pas tous été approuvés dans les délais au cours de la période sous
revue. Ainsi, les budgets initiaux de 2016 à 2019 ont tous été votés en décembre, la décision
rectificative 2018 votée le 10 décembre, le compte financier 2017 adopté le 21 mars 2018 et
celui de 2022 adopté le 16 mars.
La Cour relève que les comptes de la période sous revue ont tous été produits au juge
des comptes, sans toutefois respecter, pour les comptes 2016, 2017 et 2019, le délai prévu par
les articles 212 à 214 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 pour arrêter le compte
financier, avant un délai de 45 jours après l'arrêt du compte financier par l'organe délibérant,
soit le 30 avril.
30
«
La TATFNB représente 9 % des produits à La Réunion ; 46 % pour la chambre
d’agriculture de la
Guyane
», Source Chambres d’agriculture France.
31
L’article D.
511-75 du code rural prévoit que le budget est établi, voté et définitivement arrêté dans les
conditions prévues aux articles D. 511-71, D. 511-72 et D. 511-73.
CHAMBRE D’A
GRICULTURE DE LA RÉUNION
25
Tableau n° 5 :
Production des comptes 2015-2022
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
Date
de
production
des comptes
23/03/2016
15/05/2017
25/08/2017
03/05/2018
30/04/2019
08/11/2019
25/06/2020
29/04/2021
25/04/2022
27/04/2023
Source : accusés de réception du greffe de la Cour des comptes
La Cour invite la Chambre à respecter l
’ensemble d
es délais réglementaires
.
Contrairement à
l’article L.
513-2 7° du code rural
,
la Chambre ne présente pas son
budget conformément à la no
rme d’homogénéisation de la présentation budgétaire telle que
définie dans la délibération n° 17-
40 adoptée par l’APCA lors de la session du 28 septembre
2017 (cf. annexe n° 2). Elle le présente en fonction des six programmes de son contrat
d’objectifs.
La Cour invite la Chambre à respecter lesdites dispositions
.
2.1.2
Les prévisions budgétaires
Sur les cinq derniers exercices clos, la comparaison entre les prévisions budgétaires, sur
la base du budget initial amendé de la décision rectificative, et les montants réalisés
32
tels qu’ils
figurent dans le compte financier, permet de relever un écart de 3,7 % en moyenne en charges
de fonctionnement et de 4,1 % en produits, avec une certaine amélioration au fil des années.
Toutefois, si la Chambre
dépense moins qu’elle ne l’a prévu, elle perçoit également moins de
produits, et ce dans une proportion plus élevée.
Tableau n° 6 :
Réalisation des prévisions budgétaires (2018-2022)
2018
2019
2020
2021
2022
En €
Prévu
Réalisé
Prévu
Réalisé
Prévu
Réalisé
Prévu
Réalisé
Prévu
Réalisé
CHARG
ES de fonctionnement et d’intervention
Total
11 073 099
10 610 539
11 459 398
10 819 048
11 334 765
10 887 172
11 407 098
11 205 887
12 270 675
11 885 559
Ecart
-4.,18 %
-5,59 %
-3,95 %
-1,76 %
-3,14 %
PRODUITS de fonctionnement
Total
10 411 216
9 673 888
11 567 081
10 902 645
10 693 533
10 340 417
10 986 706
11 069 949
11 772 508
11 342 591
Ecart
-7,08 %
-5,74 %
-3,3 %
+0,76 %
-3,65 %
Source : Cour des comptes
d’après documents budgétaires
Chambre
32
Certains comptes financiers reprennent des valeurs différentes de celles de l’année précédente (ex
:
2017, dans le report 2018).
CHAMBRE D’A
GRICULTURE DE LA RÉUNION
26
2.1.3
Le contrôle interne
En 2015, la Cour recommandait d’
organiser une fonction de contrôle interne centralisée
de nature à prévenir le renouvellement des dysfonctionnements alors constatés. En réponse,
l’ordonnateur indiquait que cette fonction ferait partie du projet stratégique de la Chambre,
mentionnait un g
uide des procédures administratives et comptables en cours d’élaboration
et
annonçait le développement d’un «
système analytique complet
».
Selon les conclusions de l’audit
de C
hambres d’agriculture France
, les risques de
contrôle interne sont en grande partie maîtrisés même si «
la poursuite des travaux relatifs au
contrôle interne est encouragée
».
Le déploiement du système d’information RH et de celui
relatif à la gestion financière participe de la rationalisation et de la sécurisation des processus
internes. La nouvelle direction porte une attention particulière aux situations de risques. À titre
d’exemple, un comité mensuel a été institué sur les questions budgétaires.
-
Les articles 215 à 219 du décret relatif à la gestion budgétaire et comptable
publique
posent les obligations qui s’imposent aux établissements publics en matière de
contrôle interne et d’audit interne. Une cartographie des risques budgétaires et comptables
devait
notamment avoir été présentée à l’organe délibérant avant le 31 décembre 20
18. Un plan
d’action associé doit permettre de fiabiliser les procédures de gestion, renforcer les contrôles
sur les principaux risques pour en assurer la maîtrise, améliorer la sécurité juridique et
financière de l’établissement tout en réduisant les coût
s de non qualité.
-
Depuis le dernier rapport de la Cour, la Chambre montre une certaine volonté
d’
organiser ses procédures comptables et financières même si aucun guide ou recueil
d’instructions n’a été formalisé. Elle
a déployé un contrôle interne structuré en matière de
gestion des ressources humaines, s’agissant
par exemple du cycle de paie.
La Cour invite la Chambre à poursuivre et intensifier le déploiement du contrôle
interne en vue d’identifier les lacunes existantes dans ses procédures de gestion
, afin de
les sécuriser et de fournir une image fidèle de la situation financière et patrimoniale.
2.2
Le compte de résultat
Le budget de la Chambre se caractérise par une structure de financement fragile : elle
dispose de faibles ressources fiscales et dépend fortement des subventions publiques ; ses
ressources propres à partir de ses ventes ne représentent que 15 % de ses produits en 2022.
CHAMBRE D’A
GRICULTURE DE LA RÉUNION
27
Tableau n° 7 :
Évolution du compte de résultat (2015-2022)
En €
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
PRODUITS
Produits d'exploitation
7 929 091,21
8 971 421,21
9 345 354,99
9 673 887,79
10 902 644,60
10 340 416,54
11 069 949,30
11 342 591,02
Dont ventes
1 066 800,50
1 024 888,61
1 041 851,06
1 366 813,57
1 554 715,28
1 566 839,04
1 761 766,51
1 743 563,81
Dont subventions
d'exploitation
5 558 532,49
6 769 546,90
7 081 221,94
6 883 186,51
7 810 758,69
7 553 116,19
7 614 720,36
8 124 646,21
Dont produits fiscaux
993 715,00
993 715,00
993 715,00
993 721,00
993 715,00
993 715,00
993 715,00
993 715,00
Produits financiers
94,13
28,51
0,00
0,00
0,00
0,00
0,00
0,00
Produits exceptionnels
130 697,95
1 687 379,17
208 903,96
0,00
0,00
0,00
0,00
0,00
Total produits
8 059 883,29
10 658 828,89
9 554 258,95
9 673 887,79
10 902 644,60
10 340 416,54
11 069 949,30
11 342 591,02
CHARGES
Charges d'exploitation
(Fonct. et interv)
9 615 258,76
9 876 838,53
10 431 673,60
10 610 539,48
10 819 047,52
10 887 172,30
11 205 887,04
11 885 559,01
Dont dépenses de
personnel
7 626 459,12
7 942 251,96
8 687 041,26
8 775 085,71
8 551 518,43
8 764 508,43
9 420 659,89
9 195 088,44
Dont achats et
services extérieurs
1 399 524,52
1 418 629,95
1 389 728,40
1 333 374,42
1 882 011,00
1 765 902,31
1 443 665,29
2 165 528,04
Dont autres charges
de gestion courante
166 465,53
166 411,31
35 790,97
88 189,31
302 741,42
235 855,74
389 965,19
406 262,41
Charges financières
226,90
1 329,09
0,00
2 674,15
0,00
0,00
0,00
0,00
Charges
exceptionnelles
79 089,98
73 589,77
9 951,32
0,00
0,00
0,00
0,00
0,00
Total charges
9 694 575,64
9 951 757,39
10 441 624,92
10 613 213,63
10 819 047,52
10 887 172,30
11 205 887,04
11 885 559,01
RESULTAT de
l’exercice
-1 634 692,35
707 071,50
-887 365,97
-939 325,84
83 597,08
-546 755,76
-135 937,74
-542 967,99
Source : comptes financiers
2.2.1.1
Des produits peu diversifiés
Même si la Chambre enregistre des produits en hausse entre 2015 et 2022, passant de
8,1
M€ à
11,3
M€,
ses ressources proviennent à plus
de 70 % des subventions d’exploitation
pour 8,1
M€ en 2022, contre 5,5 M€
en 2015, soit une hausse de 46 % sur la période.
Depuis 2015, le Département est autorité de gestion du FEADER, ce qui a engendré du
retard dans le démarrage du programme et eu des conséquences sur les comptes de la Chambre.
Le Département l’
accompagne par ailleurs sur des actions spécifiques, notamment pour
financer le
programme d’actions techniques en faveur des agriculteurs –
hors programmes
opérationnels (HPO). E
n tant qu’autorité de gestion
, le Département verse 43 % des
subventions via le FEADER et 43 % via le HPO. Six programmes FEADER sont financés :
élevage, canne à sucre, diversification végétale, installation, foncier et autres thématiques.
Le chiffre d’affaires s’élève à 1,7 M€ en 2022. Il a crû de plus de 20 % entre 2015 et
2018. Depuis la nouvelle mandature, les ventes sont passées de 1,37 M€ à 1,74 M€. La Cour
relève que ces activités produisent peu de recettes au regard des autres ressources dont dispose
CHAMBRE D’A
GRICULTURE DE LA RÉUNION
28
la Chambre, ne participant que dans une proportion limitée à son autonomie et pérennité
financières. Les produits fiscaux sont stables et peu élevés
. De 0,99 M€ chaque année sur toute
la période sous
revue, ils ne représentent qu’environ
10 % du total des produits dont dispose la
Chambre. À titre
de comparaison, selon les données de Ch
ambres d’agriculture France
, la
TATFNB représente 46 % des produits pour la chambre
d’agriculture
de Guyane. La Chambre
est ainsi confrontée à un déséquilibre structurel de ses recettes.
2.2.1.2
Des charges en progression
Les charges d’exploitation sont passées de moins de 10 M€ en 2015 à 11,89 M€ en
2022. Elles continuent de progresser principalement du fait des dépenses de personnel, qui sont
passées de 7,63
M€ en 2015 à 9,
19
M€
en 2022 en raison de
l’augmentation d
u poin
t d’indice
et des effectifs (cf.
infra
). Il en résulte que les dépenses de personnel ont progressé sur la période
de près de 21 %. Sur la période sous revue, les indemnités des élus ont quant à elle progressé
de 11
% alors que le nombre d’élus
est passé de 45 à 33. Le montant des indemnités
kilométriques des agents a
baissé d’un tiers
mais la flotte de véhicule compte trois véhicules de
plus (cf. annexe n° 3).
Les achats et autres services extérieurs de l’ordre de 1,4 M€ en 2015, sont passés à
2,1
M€ en 2022, notamment s’agissant des locations,
des frais liés aux foires et expositions
ainsi qu’aux déplacements et missions
.
2.2.1.3
Des résultats déficitaires
Avec des charges qui évoluent plus que les produits, les résultats sont déficitaires sur
l’ensemble de la période à l’exception des exercices 2016 et 2019. En 2022, le déficit s’élève à
près 0,5 M
€, un niveau équivalent de celui de 2020. Les
déficits
, s’ils restent é
levés, le sont
sensiblement moins depuis 2019. Pour autant, si des provisions étaient prises en compte (cf.
infra
), le déficit serait supérieur encore.
La Cour observe que les démarches et plans d’action divers n’ont pas permis d’engager
un plan de retour
à l’équilibre.
2.3
Le bilan
La Cour avait relevé dans son dernier rapport «
l’absence de fiabilité des comptes
; la
sincérité, la régularité et l’image fidèle des comptes sont affectées par certaines lacunes ou
anomalies qui se réitèrent d’exercice en exercic
e
». Le présent contrôle renouvelle ce constat.
CHAMBRE D’A
GRICULTURE DE LA RÉUNION
29
Tableau n° 8 :
Évolution du bilan (2015-2022)
En €
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
ACTIF NET
Immobilisations
incorporelles
10 110,30
5 225,07
22 785,08
15 382,39
7 666,03
29 129,05
7 042,99
8 943,86
Immobilisations corporelles
422 188,17
326 057,24
305 846,38
268 231,27
264 327,37
396 155,29
425 048,88
354 363,67
Immobilisations financières
56 726,14
56 726,14
53 189,07
53 189,07
53 189,07
53 189,07
53 189,07
53 249,07
ACTIF IMMOBILISE (I)
489 024,61
388 008,45
381 820,53
336 802,73
325 182,47
478 473,41
485 280,94
416 556,60
Actif immobilisé / total actif
24%
7%
9%
8%
7%
9%
8%
7%
Avances
0,00
0,00
0,00
0,00
0,00
0,00
0,00
0,00
Stocks
0,00
0,00
0,00
0,00
71 639,55
90 809,86
116 734,00
126 366,77
Créances d'exploitation
985 815,79
4 362 307,36
2 521 815,97
2 789 042,72
3 206 247,30
3 689 119,36
3 917 159,39
4 206 889,97
Charges constatées d'avance
0,00
0,00
4 764,17
5 775,55
8 861,66
5 428,10
4 334,73
5 186,19
ACTIF CIRCULANT (II)
985 815,79
4 362 307,36
3 828 096,85
3 764 001,18
3 286 748,51
3 785 357,32
4 038 228,12
4 338 442,93
Actif circulant / total actif
48%
79%
91%
92%
69%
71%
68%
77%
Trésorerie (III)
1 089 568,38
1 145 178,59
1 301 516,71
974 958,46
1 179 718,31
1 044 413,37
1 377 669,83
898 275,29
TOTAL ACTIF (I+II+III)
2 075 384,17
5 507 485,95
4 209 917,38
4 100 803,91
4 791 649,29
5 308 244,10
5 901 178,89
5 653 274,82
PASSIF
Financement de l'actif des
tiers
60 087,24
39 831,25
19 575,25
15 842,26
189 588,12
223 456,82
299 782,39
243 887,42
Réserves
446 108,10
446 108,10
446 108,10
446 108,10
446 108,10
446 108,10
446 108,10
446 108,10
Reports à nouveau
2 706 083,16
1 071 390,81
1 778 462,18
891 096,21
-48 229,63
35 367,45
-511 388,31
-647 326,05
Résultats de l'exercice
-1 634 692,35
707 071,37
-887 365,97
-939 325,84
83 597,08
-546 755,76
-135 937,74
-542 967,99
FONDS PROPRES (I)
1 577 586,15
2 264 401,53
1 356 779,56
413 720,73
671 063,67
158 176,61
98 564,44
-500 298,52
Fonds propres / total passif
62%
38%
32%
10%
14%
3%
2%
-9%
Provisions
33
0,00
0,00
0,00
0,00
0,00
0,00
0,00
0,00
PROVISIONS (II)
0,00
0,00
0,00
0,00
0,00
0,00
0,00
0,00
DETTES FINANCIERES
(III)
800 000,00
1 990 042,86
680,00
800 000,00
0,00
0,00
0,00
0,00
Dont dettes fournisseurs et
comptes rattachés
20 657,02
1 825 750,23
1 226 969,42
969 879,59
1 264 283,57
1 159 376,90
1 319 024,19
1 534 163,75
Dont dettes fiscales et
sociales
14 023,59
607 299,78
1 235 671,97
1 357 594,10
2 394 334,49
3 804 758,23
3 852 655,62
4 366 703,01
Dont autres dettes non
financières
152 142,02
0,00
51 816,43
229 609,19
131 327,56
178 008,36
196 729,04
222 746,58
Dont produits constatés
d'avance
0,00
8 000,00
338 000,00
330 000,00
330 000,00
0,00
90 812,60
29 689,00
DETTES NON
FINANCIERES (IV)
986 822,63
3 631 092,87
2 853 137,82
2 887 083,18
4 120 585,62
5 150 067,49
5 802 614,45
6 153 573,34
Dettes d'exploitation / total
passif
38%
62%
68%
70%
86%
97%
98%
109%
TOTAL PASSIF
(I+II+III+IV)
2 564 408,76
5 895 494,40
4 209 917,38
4 100 803,91
4 791 649,29
5 308 244,10
5 901 178,89
5 653 274,82
Source : comptes financiers
La Cour avait relevé dans son dernier rapport «
l’absence de fiabilité des comptes
; la
sincérité, la régularité et l’image fidèle des comptes sont affectées par certaines lacunes ou
anomalies qui se réitèrent d’exerc
ice en exercice
». Le présent contrôle renouvelle ce constat.
33
Les provisions passées pour créances douteuses à hauteur de 12
436,55 €
ont été engagées par le comptable pour
couvrir la dépréciation des comptes clients.
CHAMBRE D’A
GRICULTURE DE LA RÉUNION
30
2.3.1
L’actif
2.3.1.1
Une évolution rapide de l’actif
Une forte évolution de l’actif est à noter
: il est passé de 2,07 M€ en 2015 à 5,65 M€ en
raison de l’explosion des créances d’exploitation. En 2015, elles représentaient 48 % de l’actif
total ; en 2022, elles représentent
77 % de l’actif total et 97 % de l’actif
circulant. À fin 2022,
les produits à recevoir sur les subventions et conventions représentaient 3,61 M€.
Fin 2022, les immobilisations inscrites
à l’actif du bilan sont pour l’essentiel des
immobilisations corporelles à hauteur de 85 % (354
364 €) et notamment des constructions et
aménagements (120
735 €) ainsi que des immobilisations financières pour 0,005 M€ (
cf. infra
),
soit près de 13 %. Les immobilisations corporelles ont diminué de 16 % sur la période 2015-
2022. En effet, au regard de la capacité financière de la Chambre, l
es acquisitions d’actifs
immobilisés sont réduites. En 2021
, elles sont d’environ
29
000 € et concernent le dernier volet
du programme d’investissement financé par le Conseil départemental depuis 2020 ainsi que la
création en interne d’une plateforme Agr
oécologique.
Les investissements de la Chambre sont limités et ne sont réalisables qu’avec le soutien
des financeurs publics.
2.3.1.2
La gestion des immobilisations
Les immobilisations corporelles et incorporelles sont évaluées à leur coût d’acquisition.
À
fin 2022, les immobilisations inscrites à l’actif du bilan sont pour l’essentiel des
immobilisations corporelles. L’actif présente un montant d’environ 3,4 M€ en valeur
d’acquisition pour une valeur nette comptable de 0,298 M€
; le rapport de l’agent comptable
sur le compte financier 2022 indique un montant d’immobilisations nettes de 0,417 M€
.
La Chambre
d’agriculture ne tient pas
d’inventaire de ses actifs
. Seul le parc
informatique fait l’objet d’un suivi spécifique par le service concerné.
Une délibération du
Bureau n°
13/2015 avait été prise le 30 juillet 2015 pour le retrait de biens de l’actif.
Une délibération du 27 décembre 1999 fixe des durées minimales et maximales
d’amortissement sans pour autant déterminer de durée fixe d’amortissement par nature
d’immobilisation. Interrogée sur ce point, la
Chambre indique avoir adopté une nouvelle
délibération n° 09/2023 lors de la session du 4 octobre 2023, prenant en compte la
recommandation n°
7 de l’audit de
C
hambres d’
agriculture France : elle fixe désormais des
durées fixes
d’amortissement par catégorie d’immobilisations
et en revoit certaines à la baisse
afin de les faire davantage correspondre à la réalité économique et à la durée de vie du bien
34
.
Les comptes 68 et 28 qui enregistrent les amortissements
35
sont stables. Le compte 23,
qui enregistre les immobilisations en cours, est apuré.
34
Exemple
: pour les bâtiments administratifs et infrastructures, la durée d’amortissement est passée de
50 à 30 ans.
35
E
ntre 0,07 M€ et 0,12 M€ chaque année
.
CHAMBRE D’A
GRICULTURE DE LA RÉUNION
31
2.3.1.3
Les créances d’exploitation
et leur recouvrement
La Cour en 2015 recommandait à la Chambre
d’améliorer le recouvrement des recettes
par l’apposition systématique de la formule exécutoire sur tous les titres émis et par le recours
au recouvrement forcé.
La Chambre a revu sa politique de recouvreme
nt, en lien avec l’agent comptable. Une
fiche de procédure a été élaborée en 2020, qui simplifie les étapes
36
, raccourcit les délais en
matière de recouvrement amiable (de 95 jours à 45 jours) et prévoit désormais la possibilité de
mise en œuvre de la phase
contentieuse,
l’agent comptable n’ayant plus besoin d’autorisation
de l’ordonnateur pour lancer les poursuites par voie d’huissier.
Des actions spécifiques ont également été mises en place pour réduire les factures
impayées. Ainsi
, la note prévoit l’arrê
t du paiement différé des inséminations artificielles pour
les éleveurs non à jour de leur paiement ou encore la remise des passeports IPG
37
aux
techniciens pour recouvrement préalable. Il en est de même des travaux comptables qui ne sont
plus remis aux agr
iculteurs en situation d’impayés, ou le paiement à la commande ou à la remise
du matériel des boucles et du matériel caprins-ovins, azote liquide et semences artificielles. Le
paiement par téléphone ou carte bancaire est privilégié. Avec l’accord de l’agen
t comptable,
des facilités de paiement en trois mensualités au maximum, dont la première encaissée
immédiatement, peuvent être accordées.
De nombreuses créances restent inscrites à l’actif alors que la probabilité de leur
recouvrement est faible. Elles sont passées de
0,986 M€
en 2015
à 4,362 M€ en 2016
, pour
rester à ce niveau en 2022, pour 4,338 M€.
Elles concernent les prestations réalisées par la
Chambre
pendant l’exercice et non encore facturées ou recouvrées, ainsi que celles réalisées au
titre d’exercices antérieurs, pour près de 0,202 M€ en 2022, ou bien des produits de subventions
à recevoir pour plus de 3,6 M€.
Les créances identifiées comme douteuses, qui concernent les débiteurs en redressement
judiciaire et les créanciers qui ont fait l’objet d’un recouvrement forcé, sont en diminution
depuis 2020 alors que dans le même temps, les créances sur exercices courant et antérieurs ont
fortement augmenté, passant de 0,386 M€ à 0,5
23
M€.
36
Lettre de rappel en courrier simple à 15 jours, lettre de relance en courrier simple à 30 jours, dernier
avis avant recouvrement forcé, en recommandé avec accusé de réception, à 45 jours. Auparavant, quatre relances
dont l’avis en recommandé à 95 jours suivant l’émis
sion de la facture.
37
Identification pérenne et généralisée.
CHAMBRE D’A
GRICULTURE DE LA RÉUNION
32
Tableau n° 9 :
Créances clients 2015-2022
E
n €
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
C/4111(1-2) Clients
exercice antérieur
-
33 449,45
76 027,42
341 056,30
385 881,12
557 206,07
466 025,89
523 037,31
C/4112 Clients
exercice
courant
307 909,34
272 403,14
246 177,61
-
-
-
-
-
C/4116 Clients créances
douteuses
116 607,75
79 921,12
74 924,80
85 217,48
82 549,76
66 911,42
12 504,20
28 131,97
Total
424 517,09
385 773,71
397 129,83
426 273,78
468 430,88
624 117,49
478 530,09
551 169,28
Source : comptes financiers
L’état des restes à recouvrer au 14 novembre 2023 fait appara
ître de très nombreuses
créances dont les plus anciennes datent de 2015. Peu
d’entre elles
sont d’un montant unitaire
important, même si certains débiteurs les cumulent
38
: la grande majorité des créances est d
’un
montant modeste, souvent de
quelques dizaines d’euro
s comme le forfait annuel IPG de
30 €.
Au cours de la période, le taux de recouvrement est finalement resté assez stable, en
moyenne de près de 83 %. En revanche, le délai de recouvrement moyen est passé de 45 jours
en 2015 à 135 jours en 2022.
Tableau n° 10 :
Taux et délai de recouvrement 2015-2022
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
Taux
de
recouvrement
85,07 %
79,28 %
86,66 %
81,83 %
80,64 %
78,56 %
84,92 %
84,83 %
Délai
de
recouvrement
(en jours)
45
175
95
92
119
129
128
135
Source :
Chambre d’agriculture de La Réunion
Au cours de la période sous revue, des admissions en non-valeur ont été votées, pour un
montant de 63
003,82 €
39
, ce que l’audit du CGAAER recommandait déjà en 2011, la Cour en
2015 relevant également que «
le montant substantiel des admissions en non-valeur sur la
période 2009-
2013 (91 576,07 €) témoigne qu’il aurait été utile de provisionner ces créanc
es,
parfois très anciennes, si leur recouvrement était effectivement douteux ou même compromis »
.
Malgré une évolution favorable, et nonobstant l’absence de provisionnement à la
hauteur du risque d’irrécouvrabilité auquel elle est exposée
, le recouvrement des créances
clients pourrait être amélioré par une politique encore plus volontariste.
La Chambre
d’agriculture accorde parfois des aides, rabais ou remises gr
acieuses par
délibération (cf. annexe n° 4). Interrogée sur cette pratique que la Cour avait déjà notée comme
38
Un débiteur doit près de 55
000 € pour des prestations récentes.
39
Délibération bureau n° 06/2016 pour les années 2008 et 2009 pour 28
401,49 €
; délibération n° 09/2021 pour
23
692,93 €
; délibération n° 10/2021 pour 10
000 € et délibération n°
11/2021 p
our 495,40 €
; délibération
12/2021 pour 147 €
; délibération n°
03/2022 pour 267 €
.
CHAMBRE D’A
GRICULTURE DE LA RÉUNION
33
irrégulière en 2015, la Chambre précise que des rabais et remises sont accordés soit à la
demande
de l’agriculteur en difficulté soit à l’initiative
des services de la Chambre, sur la base
d’un examen au cas par cas
, sans critères précis prédéfinis. La Cour réitère son observation en
soulignant que cette situation revient à octroyer des avantages à certains agriculteurs.
Elle invite
la Chambre à mettre fin sans délai à ces pratiques
.
2.3.1.4
Le compte 4711 - Recettes perçues avant émission de titres
Il s’agit d’encaissements
réalisés par le comptable, non titrés par l’ordonnateur
. Bien
que la Chambre indique que «
les titres de recettes sont émis au fil de l’eau afin d’apurer le
compte 4711 et mettre à jour l’exécution budgétaire
», la Cour relève pourtant le solde de plus
de 2,63
M€ au 14 novembre 2023, qui altère l’information budgétaire.
2.3.2
Le passif
2.3.2.1
Des fonds propres négatifs
Le passif se caractérise par des fonds propres absorbés par les reports à nouveau et les
résultats négatifs enregistrés au fil des exercices ; il en résulte une dégradation des fonds propres
dont le montant s’élève à –
0,5 M
en 2022 ; ils étaient de 1,6
M€ en 2015
. Les fonds propres
ont constamment diminué depuis 2016 et deviennent négatifs à compter de 2022
40
.
2.3.2.2
Les provisions
En 2022, une provision de près de 7
000 €
41
a été passée à la demande de l’agent
comptable pour des titres qu’il ne parvient pas à recouvrer, notamment concernant des
créanciers en redressement judiciaire et ceux pour lesquels l’adresse connue est erronée.
L’ordonnateur n’a pas souhaité à ce
stade les admettre en non-valeur mais poursuivre les
recherches sur les débiteurs. Au vu du risque de non-recouvrement et de la dépréciation de
l’actif circulant, environ 50 % du montant à recouvrer
(
14 169,67 €
) a ainsi été provisionné.
Cette somme ne représente toutefois que 1,3 % du total des
restes à recouvrer, d’un
montant de 535
987,94 M€ au 14 novembre
2023, sachant que certaines créances datent de
2015. La Cour relevait déjà dans son précédent rapport que des créances anciennes, admises en
non-valeur, auraient dû être provisionnées,
ce à quoi l’ordonnateur
avait répondu
qu’il «
serait
remédié à cette lacune
». La faiblesse des
provisions pour dépréciation de l’actif circulant en
raison de créances douteuses, au regard du volume des restes à recouvr
er et de l’incertitude de
leur paiement réel, témoigne de la prise en compte insuffisante de ce risque (cf.
supra
).
40
Les fonds propres sont restés négatifs en 2023.
41
Le montant des provisions passe ainsi de 5
511,44 € à 12
436,55 €.
CHAMBRE D’A
GRICULTURE DE LA RÉUNION
34
Dans les états financiers
n’apparaissent
pas de provisions pour charges de gros entretien
du patrimoine bâti dont la Chambre est propriétair
e ou pour risques, s’agissant par exemple des
contentieux pour licenciement dont le coût a été important (cf.
infra
) ou encore le versement
des allocations de retour à l’emploi. L’
audit de 2023 (
cf.
infra
) évalue ces dernières à 448 000
fin 2021 et à 350
000 € en 2022. De la même manière, les indemnités de départ à la retraite ne
sont pas provisionnées. Depuis 2018, le montant total versé
s’est élevé à plus de 0,67 M€
42
.
Enfin, la Chambre ne comptabilise pas les congés non pris ; elle ne dispose pas de
compte-épargne temps
. L’audit de
C
hambres d’agriculture France
les évalue à 354 jours pour
un montant de 29
896 € au 31 décembre
2021 ; en 2022, le solde cumulé des congés payés
acquis non pris est de 2 925 jours. Ces engagements sociaux, sur la base de ce qui précède,
représenteraient ainsi un montant de l’ordre de 247
000 €.
2.3.2.3
Les dettes
Les dettes non financières ne sont couvertes
qu’aux
deux tiers par les créances
d’exploitation, ce qui augmente chaque année le
besoin en fonds de roulement.
Des dettes financières ont été comptabilisées à tort en dettes fournisseurs Le
Département a consenti des avances de trésorerie sur la période sous revue. Sur les cinq avances
de trésorerie, deux n’ont pas été correctement comptabilisées.
Alors qu’elles avaient été
comptabilisées en 2016 sur le compte 1674 « Avances État et collectivités publiques », elles
ont été annulées en août 2017 et enregistrées à tort sur le compte 4012 « Fournisseurs achat
biens et services exercices en cours ».
Tableau n° 11 :
Non-fiabilité des dettes financières entre les exercices 2017 et 2021 (en euros)
Exercice
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
Dettes
financières
inscription
comptes CARL
800 000,00
1 990 042,86
680,00
800 000,00
0,00
0,00
0,00
0,00
Dettes
financières
montant corrigé
800 000,00
1 990 042,86
396 680,96
1 196 680,96
347 040,00
231 360,00
115 680,00
0,00
Source : Cour des comptes à partir des données de la Chambre
Les dettes d’exploitation s’élèvent en 2022 à 6,153 M€ contre
0,187 M
€ en 2015 et
2,433 M€ en 2016, et ont ainsi été multipliées par près de 33 entre 2015 et 2022.
Elles sont
principalement constituées des dettes fournisseurs (1,534 M€) ainsi que des dette
s sociales et
fiscales (4,367 M€). L’état des restes à payer montre que 75 % de la dette d’exploitation est
antérieure à 2021
et souligne l’endettement de la
Chambre vis-à-vis des tiers institutionnels.
42
La provision IDR se fait par le crédit du compte 153 «
Provisions pour pensions et obligations similaires
». Au
bilan, elle apparaît dans les provisions pour charges. Au livre de paie : «
indemnité de fin de carrière fiscale
»
(livre paie 2018 : 21 356,80
€ ; livre paie 2019
: 0
€ ; livre paie 2020
: 30
596,38 €
; livre paie 2021 : 6
202,83 €
;
livre paie 2022 : 9
145,30 €).
CHAMBRE D’A
GRICULTURE DE LA RÉUNION
35
Les dettes sur achats ou prestations de service concernent principalement des dettes
fournisseurs du dernier trimestre de l’exercice, non
encore honorées (0,777
M€) ainsi que des
dettes plus anciennes, notamment des factures émises par C
hambres d’agriculture France
(formation, systèmes d’information, de gest
ion et de communication, participation au
fonctionnement de C
hambres d’agriculture France
-FNAGE
43
). La Chambre
indique qu’un
accord a été conclu avec C
hambres d’agriculture France
sur un échéancier de 96 mois, à
compter du 20 juillet 2022. Cependant, les éché
anciers n’ont jamais été respectés
.
Tableau n° 12 :
État des dettes APCA au 31 décembre 2022
Nom du créancier
Montant de
l'échéancier
initial
, en €
Description de la dette
concernée
Solde au
31/12/2022
en €
Observations
(renégociation de
l'échéancier initial
, etc…)
CHAMBRES
D’AGRICULTURE FRANCE
APCA
524 021
Factures 2017 à 2022
524 021
Échéance de 5
450 € à
compter du 1
er
janvier 2023
FNAGE
321 709
Factures 2017 à 2021
301 500
Échéance de 3
350 € à
compter du 20/07/2022
FNSP
74 529
Cotisations 2020 à 2022
69 750
Échéance de 775 € à compter
du 20/07/2022
TOTAL
920 259
TOTAL
895 271
Source :
Chambre d’agriculture de La Réunion
Une conventio
n de coordination de trésorerie a été signée entre l’agent comptable et la
Chambre en décembre 2020 afin de «
pouvoir anticiper les situations tendues de trésorerie et
d’honorer les dettes de l’institution
». Elle prévoit une hiérarchisation des paiements
44
. Chaque
jour,
l’agent comptable adresse à l’ordonnateur une liste des factures à régler
; un arbitrage est
alors opéré par ce dernier en fonction du solde de trésorerie disponible une fois les dépenses
prioritaires honorées. Le délai moyen de paiement des fournisseurs, hors échéancier pour les
charges sociales, en moyenne de 60 jours en 2022, est passé à plus de 90 jours en 2023.
Les charges patronales dues par la Chambre
en sa qualité d’employeur servent de
variable d’ajustement de trésorerie. En effet, d
epuis 2019, elles ne sont plus honorées au fil de
l’eau par la
Chambre qui sollicite des échéanciers de paiement, principalement auprès de la
caisse générale de sécurité sociale (CGSS), de l’AGIRC
-ARRCO et de la caisse réunionnaise
de retraite (CRR). Le ra
pport de l’agent comptable sur le compte financier 2022
relève le non-
respect des échéanciers.
Le tableau qui suit reprend le détail des échéanciers dont bénéficie la Chambre
d’agriculture et l’état de situation au 31 décembre 2022.
La Cour relè
ve l’ancie
nneté et le cumul
des dettes sociales et fiscales.
43
Fonds national d’aide à la gestion de l’emploi.
44
1. Salaires, charges salariales et indemnités des élus / 2. Échéanciers actés / 3. Fournisseurs pour les consommations
courantes et indispensable au fonctionnement de l'institution /4. Autres charges de fonctionnement sur ordre de priorité.
CHAMBRE D’A
GRICULTURE DE LA RÉUNION
36
Tableau n° 13 :
État des dettes sociales et fiscales au 31 décembre 2022
Nom du
créancier
Montant de
l'échéancier
initial
, en €
Description de la dette concernée
Solde au
31/12/2022
en €
Observations (renégociation de
l'échéancier initial
, etc…)
CGSS
2 660 346
Cotisations patronales de mars 2019 à
avril 2020
CGSS
3 256 564
Renégociation cotisations patronales de
mars 2019 à avril 2020 en intégrant les
cotisations de septembre 2021 à janvier
2022
2 769 804
Solde y compris les majorations de
retard
renégociation le 25/02/2022
échéance mensuelle de 48
676 € à
compter du 20/03/2022
CGSS
3 639 329
Renégociation cotisations patronales de
mars 2019 à avril 2020 en intégrant les
cotisations de septembre 2021 à janvier
2022 au 25/02/2022 et d’octobre 2022
à janvier 2023
Montant de l 'échéancier y compris
les majorations de retard - échéance
mensuelle de 45 222
€ à compter du
20/03/2023
CRR
829 617
Cotisations patronales d’avril 2019 à
août 2020
483 943
Échéance
mensuelle
de
13
826,94
; renégociation pour les
charges patronales de 4e trimestre
2022 et du 1er trimestre 2023
TOTAL
4 468 946
TOTAL
3 253 747
Source : Chambre
d’agriculture de La Réunion
Au cours du dernier trimestre 2023, la Chambre a été de nouveau contrainte de
renégocier les échéanciers de charges patronales,
faute d’avoir pu les
honorer. Ainsi, la CRR a
accepté l’étalement des dettes d’un montant de
plus de 800
000 € avec un remboursement dès
janvier 2024 à hauteur de 3
000 € par mois pendant un an
, puis de près de 16
000 € par mois
jusqu’à fin 2028
45
. La CGSS a, pour sa part, accordé des facilités de paiement pour le règlement
des près de 3,148 M€ dus par
la Chambre, à raison de 10
000 € par mois à compter de janvier
2024 avec ensuite une hausse progressive. La projection de l’état des dettes sociales au
31 décembre 2023 fait apparaître un total restant à régler de 4,17
M€.
Tableau n° 14 :
Projection des dettes sociales et fiscales au 31 décembre 2023
COTISATIONS
CGSS
CRR
Prévoyance
TOTAL
SOLDE 12/10/23
MUSE
3 084 304,26 €
780 579,89 €
118 248,98 €
Cot prév 10/2023
239 528,00 €
65 714,00 €
12 588,00 €
Cot prév 11/2023
240 629,00 €
66 044,00 €
12 650,00 €
Cot prév 12/2023
477 217,00 €
131 915,00 €
25 268,00 €
TOTAL au 31/12/2023
4 041 678,26 €
1 044 252,89 €
168 754,98 €
5 254 686,13 €
PAIEMENTS PREVUS
CGSS
CRR
Prévoyance
TOTAL
10/2023
323 446,00 €
60 262,00 €
0,00 €
11/2023
284 772,00 €
65 714,00 €
0,00 €
12/2023
285 873,00 €
66 044,00 €
0,00 €
TOTAL au 31/12/2023
894 091,00 €
192 020,00 €
0,00 €
1 086 111,00 €
Soit un total de dettes sociales au 31/12/2023 à devoir sur N+1
4 168 575,13 €
Source :
Chambre d’agriculture de La Réunion
45
Dernière échéance de près de 40
000 €.
CHAMBRE D’A
GRICULTURE DE LA RÉUNION
37
La Chambre
d’ag
riculture est confrontée à son endettement. Son activité ne lui permet
plus
d’honorer
ses dettes courantes dont une
part croissante d’échéances vis
-à-vis des tiers
institutionnels, malgré des échéanciers mis en place mais non respectés. Elle détériore ainsi
chaque année ses fonds propres
devenus négatifs. L’institution ne finance plus ni son cycle
d’exploitation ni son cy
cle
d’investissement.
2.4
Un redressement urgent
2.4.1
Une Chambre en situation de cessation de paiement
2.4.1.1
La capacité d’autofinancement
Avec les résultats obtenus
, la capacité d’autofinancement est à peine améliorée par les
dotations aux amortissements. Stables sur la période
, entre 0,07 M€ et 0,1
4
M€ chaque année,
ils reflètent
la faible politique d’investissement de la
Chambre, qui ne parvient pas à dégager
des marges de manœuvre pour les financer. Elle ne mobilise d’ailleurs pas d’emprunt, étant
dans l’incapacité d’ajouter des charges financières à ses dépenses courantes.
À
l’instar des résultats, la capacité d’autofinancement nette est négative sur
toute la
période, sauf en 2016 et 2019. De -
1,53 M€ en 2015, à
-
0,82 € en 2018 et à
-
0,42 M€ en 2022,
elle connait des variations erratiques. Dans ces conditions, une révision du modèle économique
de la Chambre
d’agriculture s’impose afin de retrouver une trajectoire compatible avec ses
moyens et supporter en partie des investissements à partir de ses ressources propres.
CHAMBRE D’A
GRICULTURE DE LA RÉUNION
38
Tableau n° 15 :
Évolution
de la capacité d’autofinancement (2015
-2022)
En €
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
Résultat net
-1 634 692,35
707 071,37
-887 365,97
-939 325,84
83 597,08
-546 755,76
-135 937,74
-542 967,99
Dotations aux
amortissements et
provisions
148 669
123 035
110 235
123 047
67 271
120 906
125 857
116 680
Reprises sur
amortissements et
provisions
0
0
0
0
1 207
29 575
32 835
0
Produits des cessions
d'actifs
0
7 000
0
0
0
0
0
0
Moins-value de cessions
d'actifs
0
0
0
0
0
0
0
0
Quote-part de
subventions
47 405
20 255
20 256
3 732
10 254
44 292
51 514
0
CAPACITE
D'AUTOFINANCEMENT
BRUTE
-1 533 427,97
816 851,26
-797 386,95
-820 010,94
139 407,30
-499 716,94
-94 429,74
-426 287,87
Annuité en capital de la
dette
0,00
0,00
0,00
0,00
0,00
0,00
0,00
0,00
CAPACITE
D'AUTOFINANCEMENT
NETTE
-1 533 427,97
816 851,26
-797 386,95
-820 010,94
139 407,30
-499 716,94
-94 429,74
-426 287,87
Source : comptes financiers
2.4.1.2
Le fonds de roulement et la trésorerie
Alors que le fonds de roulement était positif en 2015 (+ 1,89 M €), il est devenu négatif
à compter de l’exercice 2020 pour s’établir à –
904
419 € fin 2022, suite à l’accumulation de
résultats négatifs. Le besoin en fonds de roulement est passé de 798 993
€ en 2015 à –
1,8 M€
en 2022. En effet, afin de préserver la trésorerie pour assurer le paiement des salaires, la
Chambre d’agriculture diffère le paiement de ses dettes, notamment sociales. Depuis l’exercice
2017, la trésorerie disponible ne permet pas d
e payer les dettes d’exploitation.
La trésorerie à fin 2022 est de faible montant (0,89 M€), couvrant en moyenne 30 jours
de dépenses courantes. Compte tenu de la faiblesse de la trésorerie, celle-
ci fait l’objet d’un
suivi régulier depuis 2017 afin de suivre la prévision des besoins en trésorerie à court terme.
L'ordonnateur établit sa prévision d'encaissement et de décaissement sur une base mensuelle.
L'agent comptable met à jour la réalisation d'encaissement et de décaissement mensuelle. Cela
permet de planifier et surveiller les besoins en trésorerie futurs et relancer les partenaires en cas
de nécessité et donc de prioriser les flux de trésorerie sortants.
CHAMBRE D’A
GRICULTURE DE LA RÉUNION
39
Tableau n° 16 :
Évolution du fonds de roulement, du besoin de fonds de roulement et de la trésorerie
Source : comptes financiers
Le CGAAER dans son rapport de 2019
souligne que s’agissant des financements
FEADER, les modalités de mise en œuvre de la programmation 2014/2020 ont pesé sur la
Chambre
d’agriculture.
Le transfert de la gestion du FEADER au département en 2015 a généré
des retards
dans la mise en œuvre des actions et des recettes correspondantes. Cette situation a
conduit la Chambre à solliciter à plusieurs reprises des avances auprès du Conseil
départemental. Ainsi, la mise en place tardive de la mesure TO 2.1.1 «
service de conseil
individualisé
» opérationnelle à partir du mois d’août 2018 a eu pour conséquence la non prise
en compte de 17 ETP de la Chambre
d’agriculture
. Le département a régulièrement été sollicité
pour aider la Chambre
d’agriculture d
ans ses difficultés financières : il a ainsi accordé des
avances de trésorerie en 2015 (800 000
€), 2016 (1,7
M€) et 2018 (800
000 €).
La Chambre
d’agriculture bénéficiait d’
une ligne de crédit (avance de trésorerie
remboursable) ouverte auprès du Crédit Agricole pour un montant de 800 000
€,
arrivée à
échéance fin 2018. En 2020, la Chambre a sollic
ité l’ouverture d’un crédit en compte courant
auprès du Crédit Agricole pour un montant de 500 000
46
: cette demande a été déclinée par
l’organisme bancaire en raison de la situation déficitaire de la
Chambre. Une nouvelle demande
auprès du Crédit Agricole a été formulée en janvier 2023. La cession de créances (loi Dailly)
47
a été acceptée pour un montant de 800 000
sur 12 mois
48
. Pour autant, cette cession de
créances n’a pu être mise en œuvre, la banque ayant sollicité un garant qu’elle n’a pu présenter.
2.4.1.3
Les difficultés structurelles
La situation financière de la chambre
est fortement dégradée en raison de l’accumulation
de résultats négatifs durant six exercices sur les huit de la période sous revue.
Le rapport 2022
de l’agent comptable confirme la situation et l’incapacité à redresser
les comptes. Il qualifie la situation de «
très critique
» et relève le «
total déséquilibre du
46
Délibération n° 11/20 du 27 novembre 2020.
47
Loi Dailly du 2 janvier 1981, Code monétaire et financier, article L. 313-23.
48
Chambres d’agriculture
France,
Audit de la chambre
d’agriculture de
La Réunion
, septembre 2023.
CHAMBRE D’A
GRICULTURE DE LA RÉUNION
40
budget
». L’ordonnateur quant à lui estime que «
la chambre
d’
agriculture reste dans une
situation financière très délicate
».
L’audit
de Chambres
d’agriculture
France confirme également cette situation et
conseille de veiller à
l’adéquation des moyens à l’activité de la
chambre, afin de préserver sa
soutenabilité.
La Cour constate que la seule augmentation des dépenses de person
nel de plus de 1 M€
depuis 2015
s’est fait
e
au détriment de la soutenabilité de la structure à la fois composée d’un
effectif
de l’ordre de 160 agents, nettement supérieur à la moyenne nationale et d’une base de
rémunération dérogatoire dont elle est la seule du réseau à bénéficier (cf.
infra
).
Indépendamment de
l’insuffisante
fiabilité des comptes dont le retraitement aurait pour
conséquence d
aggraver le déficit, la situation financière de la chambre
d’agriculture de La
Réunion apparaît particulièrement p
réoccupante, en raison de l’insuffisance de décisions de
gestion déterminantes pour l’avenir de la structure
49
.
L’ensemble des indicateurs tant pour le cycle d’exploitation que pour le bilan laisse
augurer la poursuite des difficultés financières structurelles de la chambre consulaire, connues
de longue date comme en attestent les
lettres d’observations du représentant de l’
État et les
audits menés précédemment.
2.4.2
Les audits récents
Entre 2011 et 2018, la chambre
d’agriculture a
vait
fait l’objet de
quatre audits et
contrôles
50
.
Au regard de la situation, le préfet de La Réunion a sollicité, auprès du ministre de
l’agriculture
, un audit du CGAAER en 2019. Dans sa feuille de route adressé le 9 décembre
2019 au président nouvellement élu de la chambre, le préfet souligne que «
votre première
priorité sera le redressement durable des comptes de l’établissement
». Compte tenu de la
persistance des difficultés, il a adressé le 27 septembre 2022 au président de Chambres
d’agriculture France
, un courrier sollicitant un audit de la chambre
d’agriculture
dans le cadre
de l’article D. 513
-21 du code rural.
L
’audit a été engagé en février 2023 et mis en œuvre par la cellule interne
de Chambres
d’agriculture France
, appuyée par un
cabinet d’audit.
Une version provisoire a été adressée pour
contradiction à la chambre en mai 2023. Le rapport consolidé lui a été communiqué en
septembre 2023. Les travaux réalisés par Chambres
d’agriculture France
en 2023 entérinent les
principaux constats déjà faits depuis 2011 (
cf.
annexe n° 5).
49
KPMG,
Audit de la Chambre
d’agriculture de
La Réunion
, mai 2023, (diaporama 15) : «
un équilibre
financier hors d’atteinte
».
50
CGAAER (2011), Cabinet Triesse (2015), Cour des comptes (2015), Cabinet 3A (2017-2018).
CHAMBRE D’A
GRICULTURE DE LA RÉUNION
41
2.4.3
La mise en œuvre de la tutelle renforcée
2.4.3.1
Le contrôle exercé par la tutelle
Selon l’article L. 510
-1 du code rural, les
chambres d’agriculture «
sont des
établissements publics placés sous la tutelle de l'État
». Le code rural donne aux préfets les
moyens
d’exercer un contrôle sur plusieurs aspects de l’
activité des chambre
s d’agriculture
,
notamment en matière budgétaire et financière. Le préfet est ainsi chargé du contrôle de la
production et du contenu du budget. Le décret n° 2010-429 du 29 avril 2010 a confié aux
DRAAF
51
la mission d’assister les préfets de région et de département pour l'approbation des
budgets et des comptes financiers des chambres régionales et des chambres départementales
d'agriculture, qui doit s'exercer en complémentarité avec les DDTM
52
, les directions
départementales et régionales des finances publiques et les services préfectoraux.
Selon la note de service DGPE/SDGP/2018-820 du 8 novembre 2018, actualisée et
adressée annuellement
53
, «
les autorités de tutelle ont un rôle d’orientatio
n stratégique relative
à la mise en œuvre des missions de l’organisme
». Il leur appartient de veiller à la sincérité des
budgets ainsi qu’à leur conformité aux textes.
L
es dispositions de l’article 213
du décret GBCP
54
sont applicables. En conséquence, la
tutelle, à travers les comptes financiers, réalise une analyse de la soutenabilité des budgets, à
trois échelles infra-annuelle, annuelle et supra-annuelle afin de vérifier à court, moyen et long
terme le niveau de la trésorerie permettant de faire face aux dépenses. Il est également attendu
de la tutelle de dresser un bilan des cartes des risques et plans
d’actions qui leur seront adressés
par les chambre
s d’agriculture
.
À La Réunion, les services chargés de la tutelle et la chambre
d’agriculture se renco
ntrent
régulièrement eu égard à ses difficultés financières structurelles. Sur la période sous revue, de
nombreuses délibérations du bureau et de la session ont été approuvées avec réserves
55
et deux
délibérations ont fait l’objet d’un refus
56
. Depuis 2018, toutes les délibérations adoptant le
compte financier ont été approuvées avec réserves
57
. Depuis la présentation de la décision
rectificative 2022, les courriers envoyés contiennent de plus en plus de recommandations et de
sollicitations du préfet sur des mesures urgentes à appliquer
58
.
51
Direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt.
52
Direction départementale des territoires et de la mer.
53
Notamment note du 19 octobre 2022, pour les budgets 2023 et comptes financiers 2022.
54
Décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique.
55
Délibérations n° 7/2021 de la session du 14 septembre 2021
relative au règlement intérieur, l’ensemble
des délibérations des bureaux du 27 janvier 2022 et du 4 avril 2022, n° 7/2022 de la session du 15 mars 2022
surbles frais de déplacement,
l’ensemble des délibérations des sessions du 1
8 novembre 2021 et du 13 juillet 2022.
56
Délibération n°
18/2022 concernant la mise en place d’une nouvelle prestation pour le service d’Appui
Technique à la Gestion des Épandages (SATEGE) ; délibération n° 6/2023 du bureau du 10 août 2023 relative à
l’augmentation de la valeur du point d’indice de la Chambre.
57
Délibérations n 1/2018, n° 2/2018, n° 3/2019, n° 4/2019, n° 1/2020, n° 2/2020, n° 01/2021, n° 02/2021,
n°03/2021, n°02/2022.
58
Documents budgétaires approuvés avec réserve : DR1/2022 (courrier préfet 10 octobre 2022) ; BI2023 (courrier
préfet 9 décembre 2022 suite délibération approbation BI 2023 n°38/2022 et deux autres délibérations) ; compte
financier 2022 (courrier préfet 24 avril 2023).
CHAMBRE D’A
GRICULTURE DE LA RÉUNION
42
Depuis cette date également, plusieurs courriers relatifs à la situation financière de la
chambre ont été adressés par le préfet au président de la Chambre. Plusieurs réunions ont eu
lieu entre la tutelle et la chambre
d’agric
ulture
à l’automne
2023, en anticipation de la décision
rectificative 2023 et pour la préparation du budget initial 2024.
La Cour constate qu’à plusieurs reprises depuis 2022, le représentant de l’
État a formulé
les mêmes observations à la Chambre et souh
aité la mise en œuvre de m
esures fortes participant
du redressement de la situation financière de l’entité, sans succès. La
Chambre
d’agriculture se
trouve dans une impasse budgétaire et financière, devant la conduire sans délais à réinterroger
son fonctionnement et son modèle économique.
2.4.3.2
Le régime de la tutelle renforcée
Selon l’article D. 513
-21 du code rural
« l’autorité de tutelle peut demander à
Chambres
d’agriculture France de
réaliser un audit de l’établissement et de mettre en place, dans le délai
q
u’elle fixe, les mesures
d’accompagnement nécessaires
(…). Si les mesures mises en œuvre
n’ont pas permis de redresser la
situation dans le délai fixé, l’autorité de tutelle peut mettre en
place une tutelle renforcée
(…)
».
Le décret n° 2016-610 du 13 mai 2016 relatif au réseau des chambre
s d’agriculture a en
effet instauré une procédure de tutelle renforcée pour les établissements présentant des risques
budgétaires et financiers. Ce régime laisse à l'ordonnateur l'ensemble de ses prérogatives
prévues en temps normal par le code rural mais prévoit que certaines décisions des chambres
pouvant présenter des risques de gestion ne sont exécutoires qu'après leur approbation par
l'autorité de tutelle
59
.
La chambre
d’agriculture conna
ît depuis de nombreuses années des difficultés
structurelles tant organisationnelles que financières, identifiées
par l’ensemble des audits
réalisés
et confirmés par l’audit récent de
C
hambres d’agriculture France
. Plusieurs des
recommandations de ces nombreux précédents audits interne
s et externes n’ont pas été mises
en œuvre.
En 1994, l’assemblée de la
chambre avait déjà été dissoute par décret
60
en raison de
dysfonctionnements graves et répétés, entravant l'administration de l'établissement public et
l'accomplissement de ses missions
61
, comme l
’organise
le code rural dans ces circonstances.
Face à cette situation très dégradée, la tutelle financière exercée par le préfet
s’est
matérialisée principalement depuis 2022 par l’envoi de différents courriers/courriels tels que
précédemment évo
qués, reprenant l’avis de la DRFiP. Cette dernière, interrogée
par exemple
dans le cadre de la préparation du budget initial 2023
62
, estime que «
malgré quelques mesures
de bonne gestion malheureusement insuffisantes, et une légère amélioration depuis 2019,
il n’y
a pas d’amélioration durable
: il faut réfléchir à une adaptation du modèle économique, voire
le changer progressivement ».
59
Article D. 513-21-1 du code rural.
60
Décret du 5 février 1994 portant dissolution de la Chambre d'agriculture de La Réunion.
61
Absentéisme des membres élus ; documents budgétaires non adoptés dans les délais légaux, etc.
62
Courriel du DAAF au DGS, 28 octobre 2022.
CHAMBRE D’A
GRICULTURE DE LA RÉUNION
43
L’audit réalisé par
C
hambres d’agriculture France
sur saisine du préfet lui a été transmis
le 27 septembre ainsi qu’au
président de la Chambre le 3 octobre 2023. Il comprend en annexe
un plan d’action de neuf recommandations
(voir annexe n°5)
, qui s’échelonne de septembre
2023 à décembre 2025. Le président de C
hambres d’agriculture France
a demandé au président
de la Chambre, par courrier du 28 septembre 2023, d'établir un « plan de redressement » de la
Chambre avant le 15 octobre. Il lui a été présenté fin janvier 2024 lors de la venue du président
du réseau, en présence de la tutelle.
Le préfet a présidé une réunion le 21 nove
mbre 2023 en vue de la restitution de l’audit
en présence des services de l’
État (SGAR, DAAF et DRFIP) ainsi que du Conseil
départemental.
Pour autant, la tutelle n’a pas fixé le délai prescrit à l’article D.
513-21 du code
rural.
Afin que le rapport de Ch
ambres d’agriculture France
ne soit pas un énième audit qui
ne conduise pas à une amélioration structurelle de la situation de la Chambre, la Cour formule
la recommandation suivante :
Recommandation n° 1.
(Préfet 974 - MASA-DGPE) : Fixer le délai prévu à
l’article D.
513-21 d
u code rural, pendant lequel la Chambre doit mettre en œuvre les
mesures de redressement.
Pour assurer son redressement financier, la chambre d’agriculture de
La Réunion doit
notamment
mettre en œuvre les recommandations formulées par la Cour en 2015 et no
n mises
en œuvre à ce jour :
-
Adopter un projet d’établissement engageant la Chambre et son personnel dans la mise
en œuvre d’une stratégie permettant d’engager une réforme de l’institution
;
-
Poursuivre les seules prestations dont l’équilibre économique et
budgétaire peut être
assuré durablement ;
-
Procéder à une réduction des effectifs ;
-
Améliorer le recouvrement des recettes et la fiabilité des comptes ;
-
Organiser une fonction de contrôle interne centralisée.
La chambre doit par ailleurs améliorer l’infor
mation financière en comptabilisant un
montant de provisions sincère et appliquer la valeur du point d’indice décidé par la commission
nationale paritaire pour le traitement du personnel et les indemnités des élus.
Si à l’issue du délai fixé par le Préfet, la Chambre n’a pas amélioré sa situation
financière, il conviendra alors,
en application de l’article D. 513
-21 du code rural, de mettre en
place une tutelle renforcée.
CHAMBRE D’A
GRICULTURE DE LA RÉUNION
44
______________________ CONCLUSION INTERMÉDIAIRE ______________________
Sur la période sous revue, les dépenses de la Chambre ont évolué plus rapidement que
ses produits. Ses dépenses de personnel, de près de 9,2 M€ en 2022, représentent 80 % de ses
charges. Disposant structurellement
de faibles ressources fiscales, son chiffre d’affaires, bien
qu’en évolution entre 2015 et 2022 (
de 1,07
M€
à 1,74
M€) ne représente que 15 % de ses
produits. Les subventions d’exploitation représentaient 5,5 M€ de ses ressources en 2015 pour
8,1 M€ en 2022
, soit entre 69 et 72 % de ses produits.
Une forte évolution de l’actif est à noter. Il est passé de 2,07
M€ en 2015 à 5,65 M€ en
raison de l’explosion des créances d’exploitation.
Du fait de sa faible trésorerie, la Chambre
est fortement dépendante des tiers institutionnels, et notamment du Département.
Le passif se caractérise par des fonds propres absorbés par les reports à nouveau et les
résultats négatifs enregistrés au fil des exercices ; il en résulte une dégradation des capitaux
propres dont le montant s’élève à –
500
299 € en 2022. Les fonds propres
ont constamment
diminué depuis 2016 et sont devenus négatifs à compter de 2022. La Chambre ne parvient plus
ni à honorer ses dettes courantes
, malgré la mise en place d’échéanciers,
ni à financer son
cycle d’investissement
; elle est confrontée à un déséquilibre structurel.
À
défaut d’un plan de redressemen
t drastique et immédiat, elle ne pourra plus assurer
ses charges obligatoires. Le régime de tutelle renforcée deviendrait alors inévitable.
CHAMBRE D’A
GRICULTURE DE LA RÉUNION
45
3
LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES
La gestion des ressources humaines est l’objet de plusieurs irrégularités.
3.1
L’é
volution des effectifs
3.1.1
Un accord d’établissement
obsolète et irrégulier
Deux régimes juridiques s’appliquent au
x personnels des chambre
s d’agriculture :
personnels sous statut (personnel administratif) et personnels de droit privé (personnel
technique). E
n application de l’article L. 514
-4 du code rural, «
les agents des chambres
d’agriculture recrutés pour être affectés à des services dont l’activité est principalement de
nature industrielle et commerciale relèvent d’une situation contractuelle de droit p
rivé ».
Les
personnels sous statut bénéficient quant à eux de contrats à durée indéterminée de droit public.
Au 31 décembre 2022, 81 % des effectifs de la Chambre relèvent du régime contractuel et 19 %
sont des agents sous statut.
En 1991, la Chambre a adopté une «
convention collective
» signée entre le président de
la Chambre
et l’ensemble des syndicats (CFDT, FO, CFE
-CGC, CGTR et CFTC). Celle-ci
s’applique aux
seuls agents « du personnel technique des services ». En 2000, un protocole
d’accord 35h, signé
entre le président et les organisations syndicales, a été conclu et, en 2007,
un accord sur la modernisation de la gestion des ressources humaines a été signé entre le
président et la CFDT. Ces deux accords
s’applique
nt
à l’ensemble du personnel
. Ils
n’on
t
cependant pas donné lieu à une actualisation de la «
convention collective
».
Depuis la loi n° 99-
574 du 9 juillet 1999 d'orientation agricole codifié à l’article L. 514
-3
du code rural, «
les décisions prises par la commission nationale paritaire (CNP) sont
applicables à l'ensemble du personnel des Chambres d'agriculture
». Plusieurs dispositions de
la «
convention collective
» de la Chambre ne sont pas conformes aux décisions de la CNP
prises depuis 1999 ou sont obsolètes dans la mesure où des accords locaux ont été conclus après
1991 :
-
l’article 10
de la convention locale sur la rémunération prévoit que «
le traitement
s’obtient par l’addition des points multipliée par la valeur du point définie au minimum
deux fois par an (les 1
er
janvier et 1
er
juillet) dans le cadre des négociations annuelles
obligatoires des article L. 132-27 et suivants du Code du travail
» alors que l’article 13
du statut des chambre
s d’agriculture dispose que «
le traitement est obtenu en
multipliant l’indice de l’agent par la
valeur du point fixée par la Commission Nationale
Paritaire
» (
cf.
infra
) ;
-
l’article 12 relatif à l’augmentation de traitement
est obsolète : «
[L’augmentation à
l’ancienn
eté] est prévue dans la grille ci-annexée
» alors que
l’accord
local de 2007 sur
la modernisation de la gestion des ressources humaines prévoit «
qu’afin de garantir un
rythme régulier dans l’attribution de points, un minimum de 40
% des augmentations
minimales
(…)
devra être accordé » ;
CHAMBRE D’A
GRICULTURE DE LA RÉUNION
46
-
l’article 13 sur la prime de fin d’année qui
stipule
qu’elle
puisse être modulée entre
1/24 et 3/24 des traitements bruts de l’année écoulée alors que le statut prévoit un niveau
fixe de 1/12 ;
-
la convention n’intègre pas les dispositions de l’article 20 de la loi
n° 2004-626 du 30
juin 2004 instaurant la journée de solidarité.
La «
convention collective
» de 1991 comprend par ailleurs une autre disposition
illégale. En effet, son article 6 sur le recrutement prévoit une disposition discriminatoire : «
À
qualification égale, la priorité est accordée
(…) aux candidats se trouvant dans l’Ile
» contraire
à l’article L.
1132-1 du code du travail selon lequel «
aucune personne ne peut être écartée
d’une procédure de recrutement ou de nomination (…)
en raison de son lieu de résidence
».
Contrairement à la
plupart des autres chambres d’agriculture, celle de La Réunion ne
dispose pas d’un accord d’établissement
63
actualisé et conforme aux dispositions statutaires.
Rappel au droit n° 1.
(CA 974) : Adopter un nouvel
accord d’établissement
conforme
aux décisions prises par la CNP, en
application de l’article L.
514-3 du code rural.
La Chambre dispose par ailleurs
d’un règlement intérieur
du personnel depuis janvier
2019, précisant
notamment l’application de la réglementation en matière d’hygiène et sécurité.
3.1.2
Les flux de personnel
Comme il était
recommandé par la Cour, l’encadrement de la
Chambre a été renforcé,
la part des cadres est ainsi passée de 27 % en 2015 à 33 % en 2022. Cependant le mouvement
des personnels de direction a été important sur la période sous revue : changement de directeur,
d’agent comptable et de directeur administratif et financier.
Cinq agents permanents en moyenne ont été recrutés chaque année entre 2015 et 2022.
En revanche, le nombre d’agents recrutés en CDD ou en intérim a fortement varié entre
l’ancienne e
t la nouvelle mandature : de 4 en moyenne par an, il est passé à 16.
63
L’intitulé «
convention collective » est impropre dans la mesure où une convention collective ne peut exister
qu’au niveau des branches professionnelles. Comme intitulé dans le code rural (L.
514-3-
1), il s’agit de convention
ou d’accord d’établissement.
CHAMBRE D’A
GRICULTURE DE LA RÉUNION
47
Tableau n° 17 :
Entrées et Sorties de personnel sur la période sous revue
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
Total
Entrées
Agents permanents
3
9
7
3
2
5
7
7
43
CDD ou intérim
3
4
5
2
7
14
24
19
78
Total
6
13
12
5
9
19
31
26
121
Sorties
Retraite
2
2
4
3
0
3
1
1
16
Licenciement
0
1
2
2
1
0
1
3
10
Rupture conventionnelle
1
1
0
2
1
2
2
6
15
Démission
1
2
3
0
0
6
5
3
20
Autres *
1
0
3
4
1
8
17
6
40
Total
5
6
12
11
3
19
26
19
101
Solde entrées/sorties
+1
+7
0
-6
+6
0
+5
+7
+20
Source : Cour des comptes à partir des données de la Chambre
*Autres
: 33 fin de CDD, 4 décès, 3 fin de période d’essai.
La Cour a contrôlé les sept dossiers de recrutement d’agents permanents de l’
année 2022
dont un seul a donné lieu à un recrutement en interne. Afin de se conformer à l’article L.
1132-
1 du code du travail, il conviendrait que les grilles de sélection en vue des recrutements ne
fassent plus mention du lieu de résidence du candidat « Candidat/
Métropole/Réunion
».
Par ailleurs, si conformément à l’article 2 du statut du personnel des chambres
d’agriculture
, des notes de service ont été portées à la connaissance du personnel de la Chambre
lors de chaque recrutement, celles-ci ne mentionnent pas «
l’indice minimum prévu
» tel que
prescrit par le statut
64
. Ces notes de service renvoient à la «
convention collective
» du personnel
technique de la Chambre et spécifient l’emploi
-type. Pour les futurs recrutements, il conviendra
que l’information sur l’indice minimal soit explicitement mentionnée dans les notes de service.
Sur la période sous revue, il y a eu 10 licenciements, 15 ruptures conventionnelles et 20
démissions. Le coût des licenciements a été important, de 433
706 € sur la période.
Les
indemnités de licenciement prévues dans le statut des chambre
s d’agriculture sont plus
avantageuses que celles prévues dans le code du travail : un mois de salaire par année de
présence contre 0,25 mois dans le secteur privé.
Un agent, licencié en 2018, a perçu outre son indemnité de licenciement de 41
249 €,
des indemnités compensatrices de congés payés pour un montant de 41
643 € et trois mois de
salaire correspondant aux trois mois de préavis d’un montant de 6
049 €, soit un montant global
64
Article 2
Recrutement
Les vacances ou créations d'emploi sont portées à la connaissance du personnel de la chambre
d’Agriculture, par une note de service fixant les
qualifications requises pour l'exercice des fonctions en cause,
l'indice minimal prévu, ainsi que la date limite pour le dépôt des candidatures.
CHAMBRE D’A
GRICULTURE DE LA RÉUNION
48
de 88 942
€. La décision du
président relative à ces versements précise bien les montants de
l’indemnité de licenciement et de l’indemnité de préavis «
correspondante à trois mois de
salaire
» mais ne donne aucun détail concernant le montant des indemnités compensatrices de
congés payés
65
.
D’après les éléments transmis par la Chambre, ce montant d’indemnités de
41
643 € correspond à 356 jours de congés payés alors que la Chambre n’a pas mis en place de
compte épargne-temps.
En sus des indemnités de licenciement, l’an
cien directeur général des services a
également bénéficié d’une indemnité compensatrice correspondant à six mois de salaire, soit
50 039
€. Il a donc perçu la somme totale de 300
231 € en 2021. La
Chambre a versé également
à l’ancien directeur général une allocation de retour à l’emploi de 3
044,18
€ par mois depuis
le mois de novembre 2021. Parallèlement,
ce dernier a engagé un contentieux à l’encontre de
la Chambre pour licenciement sans cause et harcèlement. Ce contentieux est toujours pendant.
Des dispositions spécifiques sont prévues pour les directeurs généraux des chambres
d’agriculture
dans le statut du personnel : une indemnité de base de 20 mois et une indemnité
supplémentaire pour les directeurs âgés de plus de 40 ans égale à un mois de salaire pour chaque
année après 40 ans et jusqu’à 55 ans
66
. Le préavis de licenciement est d
un an. La commission
paritaire spécifique peut réduire ces durées légales en application de l’article 39 du statut du
personnel des chambre
s d’agriculture. Pour le directeur
général de la Chambre, les réductions
ont été de 3 mois pour les indemnités de licenciement et de 6 mois pour la durée de préavis. Le
rapport d’information de l’assemblée nationale de décembre 2020
67
recommande notamment
de «
revenir sur le statut des directeurs des chambre
s d’agriculture, en supprimant les
parachutes dorés en cas de licenciement
».
3.1.3
Le rôle de la commission paritaire locale dans les licenciements
Au niveau de la Chambre,
le dialogue social s’organise à travers la commission paritaire
locale
dont la composition est fixée par l’article 8 du statut du personnel des
chambres
d’agriculture
. Conformément à cet article, les représentants « employeur » ont été élus par le
bureau dans le mois qui a suivi la session d’installation de la Chambre en fév
rier 2019
(délibération de bureau n°
5/2019 du 7 mars 2019). La commission paritaire locale s’est
régulièrement réunie et conformément à l’article 40 du statut du personnel des chambres
d’agriculture «
au moins une fois par an
».
La commission paritaire du 23 mai 2019 a donné un avis négatif sur la mesure de
licenciement envisagée à l’encontre d’un membre du personnel. Les faits qui lui sont reprochés
sont les suivants :
-
exercice d’une activité autre que ses missions, pendant son temps de travail
;
-
prise d’
intérêt personnel du chargé de mission de la Chambre ou des membres de sa
famille via plusieurs sociétés en usant de son positionnement professionnel ;
65
Décision n° 55/2018 : «
Le Président décide de verser : des indemnités compensatrices de congés
payés
».
66
Article 39 du statut du personnel des chambres d’agriculture.
67
Assemblée nationale, rapport d’information n° 3702, 16 décembre 2020.
CHAMBRE D’A
GRICULTURE DE LA RÉUNION
49
-
utilisation des moyens de l’institution, tels que sa boîte mail ainsi que son statut de
chargé de missio
n à la Chambre d’agriculture, à des fins personnelles et pour des intérêts
professionnels privés ou familiaux.
Ce chargé de mission, toujours salarié de la Chambre, aurait été changé de service.
3.2
Le temps de travail
3.2.1
La prise de RTT à valider par la commission paritaire locale
Dans le cadre du passage aux 35 heures, la Chambre a
adopté un protocole d’accord le
30 octobre 2000. Celui-ci prévoit une durée hebdomadaire de travail de 39 heures compensée
par le bénéfice de 23 jours de congés RTT. Alors que les modalités de prise des RTT doivent
être déterminées par la commission paritaire locale,
68
celles-ci ont été modifiées par simple
notes de service
69
comme relevé dans le précédent rapport de la Cour.
3.2.2
Les modalités de temps de travail des sept inséminateurs à formaliser
Le régime de travail appliqué aux inséminateurs, 35 heures par semaine (voire 32 heures
si
l’on se réfère à une intervention lors d’une commission administrative paritaire
70
) et 2 jours
de congés supplémentaires par an «
afin de compenser l’ensem
ble des récupérations lié aux
week-ends et jours fériés travaillés
» aurait dû
, en application de l’article 17
71
des statuts du
personnel des chambres être intégré dans le protocole précité, ce qui n’a pas été le cas.
La Cour
invite la Chambre à régulariser cette situation en prévoyant ce régime de travail lors de
la révision de sa «
convention collective
».
Le statut du personnel administratif des chambres d’agriculture prévoit en son article 17
que la durée annuelle de travail de référence est de 1 589 heu
res auxquelles il convient d’ajouter
les 7 heures de la journée de solidarité prévue par la loi n° 2004-626 du 30 juin 2004, soit 1 596
heures par an (contre 1 607 heures dans la fonction publique). Ce chiffre repose sur un temps
de travail hebdomadaire de 35 heures avec 25 jours de congés payés annuels, un forfait annuel
de 9 jours fériés et 104 jours de repos hebdomadaire. Ainsi, le temps de travail des
inséminateurs ne respecte pas la durée réglementaire du temps de travail. Selon les calculs de
la Chambre, ils travaillent 1 582 heures par an au lieu de 1 596 heures.
La
Chambre bénéficie par ailleurs d’un jour férié supplémentaire, le 20 décembre, date
anniversaire de l’abolition de l’esclavage.
68
Article 18 bis du statut du personnel des chambres d’agriculture.
69
Notes de service du 20 mars 2008 et du 11 mars 2009.
70
«
Certains agents avec des contrats de travail de 32 h sont toujours au bureau après 14h30 ?
» compte-
rendu de la commission paritaire du 15 février 2016.
71
Article 17 c : «
La déduction éventuelle d’autres congés accordés par l’employeur avant la réduction
du temps de travail, fera l’objet d’une négociation locale validée par la commission paritaire [locale]
»
CHAMBRE D’A
GRICULTURE DE LA RÉUNION
50
3.2.3
Un absentéisme élevé
Le nombre de jours d’absence s’est dég
radé sur la période sous revue, passant de 2 318
jours en 2015 à 4
965 jours en 2022. L’audit de Chambres d’agriculture France relève que l
a
direction des ressources humaines de la Chambre a analysé les arrêts de travail en 2021. Il
ressort de cette étude
qu’ils ont représenté plus de 9 745 jours sur la période 2019
-2021. Ce
chiffre représente l’équivalent de 14 ETPT en 2019, 16 ETPT en 2020 et 12 ETPT en 2021
.
L’absentéisme s’élève à 14,4 % en 2022 à la Chambre alors qu’il est
, au niveau national,
dans le secteur public de 9,7 %.
3.3
La forte progression de la masse salariale
3.3.1
Une croissance des effectifs malgré la situation financière dégradée
La Cour recommandait en 2015 de «
procéder à une forte réduction des emplois
»,
suivie par le CGAAER en 2019 de «
retrouver un équilibre financier
(…)
en stabilisant puis
réduisant la masse salariale
» et réitérée par la tutelle dans ses réserves formulées sur le compte
financier 2022 avec une «
suspension de tous recrutements extérieurs en 2023
»
72
et dans le
rapport de 2023 de C
hambres d’agriculture France
de «
poursuivre la réflexion sur la réduction
des effectifs. Documenter le plan de réduction et le partager avec la tutelle. Assurer en lien
avec la tutelle un suivi nominal de la trajectoire
».
Malgré la situation financière extrêmement dégradée de la Chambre (cf
. supra
), les
effectifs ont progressé sur la période sous revue ainsi que la masse salariale.
Tableau n° 18 :
Évolution des effectifs et de la masse salariale de 2015 à 2022
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
2015-2022
Effectif au
31/12 (en ETP)
151,04
157,02
163,27
162,11
159,18
162,64
168,81
171,16
13,32%
Charges
de
personnel (en €)
7 626 459
7 942 252
8 687 041
8 775 086
8 551 518
8 764 509
9 240 660
9 195 088
20,57%
Source :
Chambre d’agriculture de La Réunion
et les comptes de résultat
Les charges de personnel ont progressé plus rapidement que les effectifs. Outre
l’augmentation du point d’indice, les réorganisations de 2016 et 2019
73
ont donné lieu à des
promotions, ce qui a contribué à une croissance de la masse salariale supérieure à celle des
effectifs. De plus, trois points au choix ont été accordés
à l’ensemble du personnel en octobre
72
Courrier du Préfet à la chambre du 24 avril 2023.
73
P.V. de la réunion de bureau du 24 avril 2019 : «
Le coût salarial supplémentaire sera de 3 % par an
».
CHAMBRE D’A
GRICULTURE DE LA RÉUNION
51
2016 et en janvier 2017. Ces derniers visaient à compenser le prélèvement à compter du 1
er
janvier 2017 de la part salariale de la cotisation obligatoire de l’AGFF (retraite prévoyance)
74
.
Graphique n° 1 :
Évolution annuelle en pourcentage des effectifs et charges de personnel
Source :
Chambre d’agriculture de La Réunion
et les comptes de résultat
La Chambre totalise en 2022 plus de 171 ETPT, soit plus que les chambre
s d’agriculture
de la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane et Mayotte réunies. La Réunion rassemble 54 %
des effectifs des chambre
s d’outre
-
mer alors qu’elle
ne représente que 24 % des exploitations
agricoles ultra-marines.
Si l’on applique le ratio exploitations
sur effectif des autres
départements d’outre
-mer à La Réunion, la Chambre ne devrait avoir besoin que de 44 ETPT,
soit un surcroît d’effectif d’
environ 127 ETPT
75
et des charges de personnel de
6,8 M€ par an
76
.
En 2022, les charges de personnel représentent 80 % des charges totales alors que la
moyenne des chambres se situe à 52 %.
Selon la Chambre, «
l’effectif répond à la typologie des exploitations (petite taille,
micro-exploitations, territoire escarpé, exploitations éloignées)
» et à «
une présence forte
d'une multitude de productions, de filières
».
3.3.2
L’évolution d
es rémunérations
Le
s charges de personnel ont progressé de 20,57 % entre 2015 et 2022 pour s’établir à
9,2 M€ en 2022.
La rémunération du personnel des chambres est encadrée par une classification
nationale, avec une mise en œuvre par accord local.
Les chambres doivent au minimum
appliquer cette classification qui
prévoit des changements d’indice en fonction de l’ancienneté,
soit cinq augmentations d’indice en 30 ans. L’accord sur la modernisation de la gestion des
74
Le président de la Chambre a reçu en 2017 une mise en demeure de payer des arriérés de cotisations
AGFF (prévoyance retraite) de 361
000 € représentant des impayés sur les 12 dernières années.
À compter de
l’exercice 2017, la Chambre a payé cette cotisation aussi bien pour la part salariale que patronale.
75
La Guadeloupe, Martinique, Guyane et Mayotte emploient 143 ETPT pour 20 375 des exploitations
agricoles ultra-marines. La Réunion a quant à elle 6 282 exploitations. (143*6 282) /20 375 = 44.
76
127* 53
722 (coût moyen) = 6,8 M€.
CHAMBRE D’A
GRICULTURE DE LA RÉUNION
52
ressources humaines adopté en décembre 2007 par la Chambre prévoit
une progression d’indice
plus favorable avec dix augmentations. En effet, un minimum de 40 % des augmentations
minimales est accordé entre deux augmentations de la grille nationale.
Pour connaître son salaire en euros, un salarié d’une
chambre
d’agr
iculture doit prendre
son indice total et le multiplier par la valeur du point. L’indice total résulte de l’addition de
l’indice de base et des points
aux choix obtenus. L
’attribution de points
au choix se fait sur
décision du président et proposition du directeur général, au vu de l
entretien annuel
d’évaluation professionnelle
. Alors que dans le précédent rapport de la Cour, la Chambre
s’était
engagée à ne plus recourir aux points au choix et à privilégier la prime exceptionnelle dont la
procédure est plus transparente
77
et adaptée pour récompenser les efforts ponctuels des agents,
les présidents successifs ont continué à attribuer des points au choix : 1 344 points sur la période
2015-2018 et 258 points sur la période 2019-2022. Ces 1 602 points au choix représentent une
masse salariale annuelle de 12 000
78
.
Les agents titulaires de la Chambre ont bénéficié tous les ans
en fin d’année d’une
gratification
correspondant au douzième des traitements perçus dans l’année
conformément à
l’article 13 du statut du personnel des
chambre
s d’
agriculture.
L
’article
15 du statut garantit une progression minimale de la masse salariale. Ainsi, un
plancher annuel, mesuré sur trois ans, est fixé : le nombre de points attribués ne peut être
inférieur à 1,7 % du nombre total de points constituant la masse indiciaire de base
de l’année
précédente. Ce minimum s’apprécie
hors promotion en moyenne sur trois ans. En fonction des
données produites par la Chambre,
l’estimation réalisée par la Cour
révèle que les attributions
de points ont été supérieures à ce minimum entre 2020 et
2022, l’évolution estimée des point
s
en moyenne sur trois ans s’élève en effet à 2,31 %
.
77
La «
convention collective
» de la Chambre de 1991 pour le personnel technique prévoit que les primes
exceptionnelles font l’objet d’avis des chefs de service et avis conforme et accord des délégués syndicaux et des
délégués du personnel. Le statut du personnel dispose quant à lui dans son article 13 bis que les représentants du
personnel seront tenus informés chaque année du montant total des primes exceptionnelles attribuées, du nombre
de bénéficiaires et des catégories concernées.
78
Dernière valeur du point d’indice 7,49* 1 602 = 11
999 €.
CHAMBRE D’A
GRICULTURE DE LA RÉUNION
53
Tableau n° 19 :
N
ombre de points hors promotion rapportée à la masse indiciaire de l’année
précédente
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
Masse indiciaire au
31/12/N (nb de points)
729 267
700 761
731 654
778 110
772 778
772 015
792 846
818 416
826 702
Nb de points promotion
sur une base annuelle
2 400
5 400
Évolution masse
indiciaire hors promotion
NC
28 493
46 456
20 831
25 570
8 286
Augmentation annuelle en
% hors promotion
4,07%
6,35%
2,70%
3,23%
1,01%
Moyenne 3 ans en %
2,31%
Source : Cour des comptes à partir des données de la Chambre
Les agents peuvent par ailleurs percevoir des primes exceptionnelles. Sur la période
sous revue, 6 600
bruts ont été versés à 16 agents. Alors que la convention de la Chambre
prévoit que les primes exceptionnelles sont attribuées après «
avis conforme et accord des
délégués syndicaux et des délégués du personnel
», la prime accordée en 2022
n’
a pas fait
l’objet d’un tel avis
.
3.3.3
Le non-
respect de la valeur du point d’indice
fixée par la commission paritaire
nationale
Le rapport de C
hambres d’agriculture France
a relevé que la Chambre ne respecte pas
l’article 13 du statut qui prévoit que «
le traitement est
obtenu en multipliant l’indice de l’agent
par la valeur du point fixée par la commission nationale paritaire
». En effet, la loi
d’orientation agricole du 9 juillet 1999 a étendu le rôle de la commission nationale paritaire à
l’ensemble du personnel des
chambre
s d’agriculture.
Cette disposition est
codifiée à l’article
L. 514-3 du code rural.
En conséquence, l’article 10 de la
«
convention collective
» de la
Chambre concernant la rémunération est obsolète
79
.
Depuis 2015, la commission nationale paritaire a pris trois décisions concernant la
rémunération des personnels des chambre
s d’agriculture qui fixent la valeur du point
à compter
du 1
er
juillet
de l’année concernée
: en
juin 2018 (6,284 € le point), en juin 2022 (6,457 € le
point) et en juin 2023 (6,57 € le point).
La valeur du point d’indice appliquée à la
Chambre est supérieure
d’environ 16
% au
point
d’indice
fixé par la commission nationale paritaire. Que ce soit à la DAAF ou à la
Chambre, personne n'a retrouvé l'accord qui aurait été conclu, il y a longtemps, avec la tutelle
79
«
La valeur du point définie au minimum deux fois par an (les 1
er
janvier et 1
er
juillet) dans le cadre
des négociations annuelles obligatoires des articles L. 132-27 et suivants du code du travail
».
CHAMBRE D’A
GRICULTURE DE LA RÉUNION
54
pour entériner cette situation. Le non-respect de
la valeur du point d’indice
fixée par la CNP
représente un surcoût global estimé à 9,5
M€
pour la période 2015-2022 (cf. annexe n° 6).
L
’augmentation de 2018 n’a fait l’objet d’aucune délibération
; celle de 2022 a donné
lieu à une délibération du bureau n° 28/2022 du 13 juillet 2022, approuvée avec réserves par la
tutelle ; celle de 2023 à une délibération de bureau n° 06/2023
du 10 août 2023 qui
n’a pas
été
validée
80
. Lors de la session du 12 décembre 2023, la Chambre a pris une délibération pour
fixer le point d’indice à 7,62 €. Le Préfet n’ayant pas validé la délibération, les salariés de la
chambre se sont mis en grève le 5 février 2024. Ce dernier qui attendait «
un arbitrage clair de
la commission nationale paritaire des chambres d’agriculture
sur la possibilité qu’aurait la
chambre de La Réunion à déroger sur la valeur du point d’indice national
» n’a pas été en
mesure de donner un avis formel avant la date limite des deux mois, soit le 12 février 2024. À
défaut, la délibération du 12 décembre 2024 est devenue exécutoire.
L’illégalité de la valeur du
point d’indice appliquée à la Chambre a été confirmé
e au Préfet
par le ministère de l’agriculture,
le 14 février 2024. Le Préfet a indiqué à la Cour
qu’il
disposait désormais des bases législatives
lui permettant d’opérer une injonction au
P
résident de la chambre d’agriculture d’
appliquer le
point d’indice national
.
La Chambre a, pour sa part, précisé que des négociations avaient débutées avec les
représentants du personnel afin de trouver un accord pour le retour à la valeur du point national.
Rappel au droit n° 2.
(CA 974) :
Conformément à l’article L. 514
-3 du code rural
et à l’article
13 du statut du Personnel, a
ppliquer la valeur du point d’indice
décidée par la CNP (indemnités
des élus et traitement du personnel).
______________________ CONCLUSION INTERMÉDIAIRE ______________________
Les contrats de travail signés en 2022 se rapportent toujours à la « convention
collective » locale de 1991 alors que celle-ci comporte plusieurs dispositions obsolètes ou
irrégulières.
Alors que la Cour en 2015, puis le CGAAER en 2019 et le préfet dans ses courriers à la
Chambre avaient recommandé de réduire les effectifs, ceux-ci ont progressé sur la période sous
revue de 13 %.
Les deux réorganisations de 2016 et 2019 ont donné lieu à des promotions : ainsi, la
hausse de la masse salariale sur la période sous revue (21 %) est plus importante que celle des
effectifs (13 %). Par ailleurs,
le taux d’absentéisme est
élevé (14,4 % en 2022). De plus,
c
ontrevenant à l’article 13 du statut des personnels des
chambres
d’agriculture, la
Chambre
ne respecte pas la valeur du point d’indice décidée par la commission nationale paritaire,
générant un surcoût annuel pour la Chambre
d’environ 1,2 M€
.
Sur la période sous revue, il y a eu 10 licenciements dont celui de l’ancien directeur
général des services. Dans ce cadre, celui-ci a perçu 300
231 € en 2021. Par ailleurs, un
agent,
80
Courriers du préfet de La Réunion du 13 septembre 2023 indiquant qu’il ne pouvait pas se
prononcer
et du 3 octobre 2023 n’approuvant pas cette délibération.
CHAMBRE D’A
GRICULTURE DE LA RÉUNION
55
licencié en 2018 a bénéficié de 41
643 € au titre d’
indemnités compensatrices de congés payés,
alors que la Chambre n’a pas mis en place de compte épargne temps
.
Le personnel de la Chambre
est soumis à deux régimes de travail, l’un général à 39
heures par semaine, l’autre par exception à 35 heures par sema
ine, pour les inséminateurs,
appelés à intervenir les week-ends et jours fériés. Ce régime de travail particulier,
contrairement à l’article 17 du statut n’a pas fait l’objet d’une négociation locale validée par
la commission paritaire locale.
CHAMBRE D’A
GRICULTURE DE LA RÉUNION
56
4
LES AUTRES MOYENS
4.1
L’immobilier
4.1.1
L’organisation territoriale
La Chambre
a choisi des implantations multiples afin d’être au plus près des agriculteurs
et des collectivités territoriales. Elle dispose d’un siège situé à Saint
-Denis, dans de vastes
locaux dont elle est propriétaire, et de 8 antennes réparties
sur l’ensemble du territoire.
4.1.1.1
Les implantations
Carte n° 2 :
Implantations de la Chambre
d’agriculture
Source :
Chambre d’agriculture de La Réunion
Deux sites sont sa propriété, deux sont en location, les autres sont occupés à titre
gracieux. Les locaux des antennes, le plus souvent mis à disposition, sont majoritairement
occupés à
titre gratuit, n’engendrant que peu de dépenses
pour la Chambre.
CHAMBRE D’A
GRICULTURE DE LA RÉUNION
57
Tableau n° 20 :
Liste des locaux occupés par la Chambre
d’agriculture
81
Localisation
Superficie en m²
Statut
Saint-Denis
1 900
propriété
Saint-Benoît
400
location
Sainte-Rose
10
gratuit
Bois-Rouge
10
gratuit
Saint-Pierre
580
propriété
Saint-Joseph
80
gratuit
Petite-Île
80
gratuit
Plaine des cafres
280
gratuit
Caserne
10
gratuit
Trois Bassins
190
propriété
Les avirons
90
gratuit
La Saline
450
location
Source :
Chambre d’agriculture de La Réunion
4.1.1.2
L’état du patrimoine bâtimentaire
Si, depuis 2019, la Chambre
d’agriculture n’a pas été en mesure de dégager une
enveloppe financière dédiée à des travaux, ni de réhabilitation, ni de simple entretien, les années
précédentes n’étaient pas plus favorables comme le soulignait le dernier rapport de la Cour
.
Certains locaux apparaissent vétustes et inadaptés, comme à Saint-Joseph et Petite-Ile.
Le siège
de l’entité présente également un état de dégradation préoccupant. L’audit TRIESSE
réalisé en 2015 à la demande de l’
État préconisait déjà «
la mise aux normes des locaux de la
Chambre
d’agriculture
», point
repris par l’audit du
CGAAER.
Les dernières interventions sur ce bâtiment datent de 2020
82
grâce au financement du
Département sur la convention-cadre hors politique opérationnelle
Volet investissement.
Cette aide ponctuelle n’a
pas été pérennisée. Elle est, selon l’ordonnateur, en cours de
renégociation afin de permettre à la Chambre
d’intervenir sur des locaux dégradés
.
En sa qualité de propriétaire, la Chambre est astreinte aux obligations du code de la
santé publique relative à l’amiante
83
. L’ensemble des immeubles bâtis dont le permis de
81
Siège de Saint-Denis et huit antennes. Les sites de Sainte-Rose, Bois-Rouge et Caserne correspondent
à «
des locaux où certains agents font des permanences en semaine. Ces locaux sont mis à disposition de la
Chambre à titre gratuit dans des plages horaires spécifiques
».
82
Travaux d’étanchéité d’urgence sur les toiture et façade pour un monta
nt total de 39 379,85 HT.
83
Article L. 1337-4 ; articles R. 1334-14 à R. 1334-29-9 ; articles R. 1337-2 à R. 1337-5 ; arrêté du 21
décembre 2012 relatif aux recommandations générales de sécurité et au contenu de la fiche récapitulative du
dossier technique amiante.
CHAMBRE D’A
GRICULTURE DE LA RÉUNION
58
construire a été déposé avant le 1
er
juillet 1997 est concerné, que le propriétaire soit public ou
privé. À ce titre, il doit constituer et tenir à jour un dossier technique amiante (DTA), à la
disposition des occupants, des représentants du personnel et de la médecine du travail.
La Chambre indique ne pas avoir réalisé de diagnostic amiante. La Cour lui rappelle que
des contraventions pénales de troisième et cinquième classes sont inscrites dans le code de la
santé publique en cas de non-respect de ces obligations et
l’invite à se mettre en conformité
dans les plus brefs délais.
Le siège de la Chambre
d’agriculture est un établissement recevant du public (ERP) de
type W - 5
ème
catégorie
84
. L’exploitant y est responsable du respect des règles de sécurité. Il est
à ce titre soumis à différents contrôles. Il est tenu notamment de faire vérifier chaque année
certains équipements et installations comme les équipements d'alarme incendie, de
désenfumage, ascenseurs, extincteurs, etc. Ces vérifications périodiques doivent fai
re l’objet de
procès-verbaux et de comptes rendus. La Chambre indique ne pas les réaliser, tout comme elle
précise ne disposer ni de registre de sécurité
85
,
ni de registre d’accessibilité
86
de l’ERP.
Rappel au droit n° 3.
(CA 974)
Conformément aux prescriptions du Code de la santé
publique, respecter
les obligations en matière d’amiante (diagnostic), de vérifications
périodiques des installations et équipements, de sécurité et d’accessibilité des bâtiments
.
La Chambre indique que le travail a été initié avec le service des domaines pour évaluer
l’état du bâtiment et définir une stratégie
sur le devenir du siège. Elle ajoute que les diagnostics
et adaptations cités seront réalisés dans les meilleurs délais.
La commission consultative départementale de sécurité et d'accessibilité (CCDSA)
contrôle tous les 3 ou 5 ans les ERP, selon leur classement. Au regard de ce qui précède et de
la responsabilité de la Chambre
d’agriculture en tant qu’employeur et
de son président,
s’agissant de la sécurité des personnes qu’elle accueille,
la Cour l
’invite à
solliciter le passage
de la commission de sécurité et d’accessibilité
afin de recueillir son avis sur la capacité du
bâtiment de Saint-Denis à accueillir du public et les près de 70 agents qui y travaillent
.
4.1.1.3
Les locaux de Saint-Benoît
Pour ces locaux, un contrat de location a été signé par le directeur général des services
de la Chambre avec une organisation de producteurs majeure de la filière canne à sucre.
Le contrat, signé le 29 avril 2022, pour la période allant du 1
er
juillet 2020 au 30 juin
2023, porte un effet rétroactif de près de deux années, conduisant l’ordonnateur à mandater et
le comptable public à prendre en charge des mandats sans pièce justificative entre juillet 2020
84
W = administration, banque, bureaux / 5
ème
catégorie
: capacité d’accueil < à 300 personnes, salariés et
public.
85
Code du travail, notamment articles R. 4226-1 à R. 4226-37.
86
Arrêté du 19 avril 2017 fixant le contenu et les modalités de diffusion et de mise à jour du registre public
d'accessibilité.
CHAMBRE D’A
GRICULTURE DE LA RÉUNION
59
et mars 2022. Un avenant n° 8 au bail de location a pour objet de reconduire ledit bail pour la
période allant du 1
er
juillet 2023 au 30 avril 2024, de manière rétroactive en août 2023.
.
Pour une surface de 540 m², lieu de travail de 21 salariés de la Chambre, le loyer
mensuel s’élève à 4
159,40 € TTC, soit environ 8
€/m² et près de 2 400 € par an et par agent,
qui disposent chacun de près de 26 m². Le coût de cette location apparaît élevé. La Chambre
pourrait réexaminer les conditions de sa présence à Saint-Benoît au vu de ses difficultés
financières.
4.1.2
Les évolutions possibles
Dans son rapport de 2015, la Cour estimait que «
la Chambre ne paraît pas tirer le
meilleur parti de son organisation locale
(…).
Selon le président, une organisation générale de
la Chambre
va se mettre en œuvre dans le cadre d’un nouveau projet
stratégique
(…)
. Les
antennes seront restructurées et le suivi et le pilotage des sites renforcés
».
Jusqu’en 2019, aucune évolution n’a été
constatée malgré la délibération du bureau
n°42/2016 du 24 août 2016 relative à la mise en place d’une consultation pour la recherche d’un
cabinet d’étude immobilier, qui n’a pas abouti.
À son arrivée en 2019, la nouvelle équipe a
dressé les mêmes constats
s’agissant de l’état des locaux. Des travaux d’urgence ont été réalisés
à cette date au siège de l’entité
; l’ant
enne de Saint-Pierre a pu bénéficier de travaux
d’amélioration, en partenariat avec les services de l’
État qui sont implantés sur le même site ;
des locaux adaptés ont été mis à disposition gracieusement par la commune aux Avirons.
Animée par une volonté d
e proximité avec les agriculteurs, s’agissant
à la fois des
formalités et des
prestations qu’elle propose
et
des formations qu’elle organise, la nouvelle
équipe n’a cependant pas rationalisé le nombre d’antennes territoriales. Le public accueilli dans
chac
un des sites n’est pas dénombré, ce qui prive la
Chambre
d’un outil prospectif dans la
définition de sa politique territoriale.
Forte de ces données de fréquentation, et en prenant en considération sa situation
patrimoniale ainsi que ses difficultés structurelles, la Chambre pourrait réfléchir au bien-fondé
de ses différentes implantations locales et adapter le cas échéant les moyens associés, en termes
de personnel et de véhicules.
S’agissant du siège, s’il se trouve dans un état de dégradation avancé, il
présente des
points forts que la Chambre pourrait valoriser. Bien situé et vaste, il pourrait en tout ou partie
être mis en location après réhabilitation, le fruit des loyers pouvant alors être consacré au
remboursement de l’emprunt mobilisé pour réaliser
ces travaux. La Chambre pourrait
également envisager la vente de ces locaux. Une étude sur le devenir de ce site pourrait ouvrir
des opportunités à la Chambre, aux incidences financières favorables.
Dans son courrier du 9 décembre 2022, portant approbation avec réserves du budget
initial 2023, le représentant de l’
É
tat estimait qu’il appartenait à la
Chambre de
mettre en œuvre
«
à échéance 2023-2025
un plan de gestion de vos sites d’implantation afin de pouvoir réaliser
à moyen terme des économies, par exemple de mutualisation de certains sites et en ayant une
réflexion sur votre patrimoine immobilier
».
La Chambre
d’agriculture de La Réunion, également
Chambre
départementale, n’a pas
élaboré un schéma directeur du patrimoine immobilier tenant compte des principes de la
politique immobilière de l’
É
tat, comme l’impose l’article D.
512-1-2 du décret du 13 mai 2016
CHAMBRE D’A
GRICULTURE DE LA RÉUNION
60
relatif au réseau des chambre
s d’agriculture. Bien qu’étant à la fois l’unique
chambre
départementale du territoire et chambre régionale, inscrire sa réflexion stratégique dans ce cadre
pourrait constituer un levier organisationnel et financier.
4.2
Les achats
4.2.1
Les principes d’achat
En 2015, la Cour relevait des lacunes en matière de commande publique, comme par
exemple l’absence de pondération des critère
s dans certains marchés, des notifications sans
autorisation pour des marchés supérieurs à 140
000 € ou encore des remarques du comptable
pour des prestations sans marché
87
.
L’ordonnateur admettait à l’époque
«
qu’il faudrait doter
la Chambre
d’un véritable recueil de procédures d’achat public, réviser les pouvoirs sur les
appels d’offres et fiabiliser les procédures de passation des marchés
».
Le récent audit de Chambres agriculture France souligne que «
l’ensemble des éléments
relevés participent d’une maîtrise du risque
juridique relatif à la commande publique
».
Cependant, des marges de progression demeurent.
La Chambre
dispose désormais d’une fiche méthodologique
pour les achats de
fournitures ou de prestations qui décrit la procédure interne de passation des marchés ; toutefois,
elle n’est pas datée et fait encore référence au code des marchés publics, et non au code de la
commande publique pourtant entré en vigueur au 1
er
avril 2019. La procédure de passation des
marchés de travaux n’est pas décrite dans la fiche méth
odologique.
La Chambre a prévu trois types de procédure, en fonction du montant global du
marché
88
: sans publicité ni mise en concurrence en dessous de 40
000 €, une procédure adaptée
gérée par la direction des affaires financières (DAF) entre 40 000
€ et 140
000
€, un appel
d’offres, géré également par la DAF, pour les marchés supérieurs à 140
000
€.
Si la fiche fait référence à la nécessaire analyse des besoins que les services doivent
préalablement mener avant tout achat, elle n’est pas accompagnée de la mise en place d’un outil
permettant de prendre en compte les seuils par famille de prestations homogènes
89
.
Sur la période, d’après le tableau de suivi des marchés que la
Chambre a mis en place,
65 procédures de mise en concurrence ont été menées, réparties en 48 procédures adaptées
(MAPA), dont certaines sous la forme d’accords
-
cadres, et 16 en appels d’off
res
90
. Les marchés
en cours couvrent l’essentiel de ses achats
; il s’agit pour l’essentiel de marchés de fournitures
(65 %) et accessoirement de services (35 %).
87
Au cours de la période sous revue, deux ordres de réquisition ont été émis pour des prestations sans
marché (fourniture de paniers péi).
88
La note ne précise pas si les montants s’entendent HT ou
TTC.
89
En application des articles
L. 2111-1 et suivants et R. 2121-6 du code de la commande publique, qui imposent
à l’acheteur public de définir précisément la nature et l’étendue d
e ses besoins et de déterminer en conséquence
quelles procédures de publicité et de mise en concurrence préalables sont applicables.
90
Un sous la forme de « contrat », pour 7
500 €, s’agissant de la maintenance de la climatisation.
CHAMBRE D’A
GRICULTURE DE LA RÉUNION
61
Les tableaux de synthèse des marchés passés par la Chambre peuvent contenir des
informations d
ivergentes s’agissant notamment des montants, soit prévisionnels
, soit exécutés.
La Cour invite la Chambre à un suivi plus rigoureux des données en matière de
commande publique.
Un panel de 21 marchés a fait l’objet d’un contrôle des pièces sur place, soit
un
échantillon de 32 % du nombre total des marchés conclus depuis 2015 (cf. annexe n° 7).
Certaines règles de la commande publique ne sont pas systématiquement appliquées ou des
pratiques sont critiquables, comme l’illustrent les
développements suivants.
4.2.2
L’estimation des montants et l’expression du besoin
La Chambre
a passé en 2016 un marché de fourniture d’agendas agricoles
91
avec pour
seules prescriptions techniques la mention «
mêmes caractéristiques techniques que celles des
agendas de 2016
». C’est le
prestataire précédent qui
a obtenu le marché malgré l’offre
présentée par un concurrent, jugée meilleure sur le plan technique. Lors de son précédent
contrôle, la Cour avait signalé à la Chambre la nécessité de mettre en concurrence la réalisation
de cette prestation. La Chambre, qui avait depuis 2004 une convention avec ce même
prestataire, a alors organisé une procédure adaptée, finalement attribuée au prestataire
historique, d’ailleurs toujours en place.
La Chambre
s’éloigne parfois du cadre contractuel
qu’elle a fixé lors de la mise en
concurrence, ce qui peut
constituer des limites dans l’expression de ses besoins.
À titre
d’illustration, elle a commandé des travaux supplémentaires
(11
352,36 €)
sur simple devis au
titulaire d’un lot du marché de travaux de réfection de l’étanchéité des locaux du siège, alors
même que le marché avait été réceptionné (lot 1) et que plusieurs candidats avaient initialement
postulé à cette mise en concurrence.
Par ailleurs, le tableau des marchés contrôlés fait apparaître des montants mandatés
parfois supérieurs aux montants prévisionnels estimés par la Chambre
. C’est le cas par exemple
du marché de nettoyage des locaux du siège (2020-2022), du marché carburant (2018-2021)
pour plus de 60
000 €, d
es marchés de location de véhicules
dont l’estimation prévisionnelle de
la dernière mise en concurrence n’a pas été revue malgré le dépassement
du marché précédent.
Le marché de semences pour les inséminations artificielles a été passé en 2020 selon la
procédure de l’appel d’offres. Des mentions contraires apparaissent dans le cahier des clauses
particulières et dans le rapport d’analyse des offres. Le premier indique que «
le
lot 1 devrait se
situer dans une fourchette annuelle allant de 22 500
à 150
000 €
; le lot 2 entre 7 000
€ et
55
000 €
; le lot 3 entre 600
et 12
000 €
», soit une fourchette annuelle comprise entre
30 100
et 271
000 €. Le second document
mentionne un «
montant
d’achats
annuel en deux
commandes : 65 000
à 140
000 €
».
Cette divergence d’informations n’est pas source de
fiabilité
ni d’
efficacité
de l’ac
ha
t, d’autant
que la Chambre ne fait pas de ces montants de
véritables minimum et maximum au sens de la réglementation
puisqu’elle emploie le
conditionnel
, signe d’une
hypothèse, dans sa formulation («
le lot
(…)
devrait se situer
(…)
»).
La Cour rappelle que depuis 2022,
en vertu de l’article
R. 2121-8 du code de la commande
publique, les accords-cadres doivent comporter un montant maximal.
91
N° 01/16.
CHAMBRE D’A
GRICULTURE DE LA RÉUNION
62
Sur ce même marché, la Chambre a passé en 2020 deux avenants, avec pour motivation
«
l’évolution du marché
», faisant passer le lot 1 à 94
500 € au lieu de 63
000 € et le lot 2 à
47
250 € au lieu de 31
500 €, soit plus de 65 % d’augmentation pour chaque lot. L’expression
du besoin ini
tial s’en trouve altérée.
Par ailleurs, la Chambre
n’utilise pas le levier de la négociation des offres lorsqu’elle
est permise et relance fréquemment des procédures, sans exploiter la possibilité de durée
maximale de marché autorisée. Ce procédé peut être chronophage et éventuellement source de
surcoûts,
d’autant que les mises en concurrence se font souvent sur la base d’un cahier des
charges quasi-identique au précédent, sur les mêmes critères de jugement des offres pour une
attribution aux mêmes prestataires.
Si la Chambre
indique qu’il s’agit parfois d’une stratégie d’achat par laquelle elle espère
obtenir des montants d’offres avantageux, elle reconna
ît que sa pratique pourrait évoluer pour
gagner en efficience. D’ailleurs, le nouveau marché de location
de véhicules a été passé pour
trois ans
; elle envisage que le prochain conserve cette même durée en y associant l’entretien,
actuellement objet d’un marché séparé.
Enfin, l
’article L.
2113-10 du code de la commande publique dispose que «
les marchés
sont passés en lots séparés, sauf si leur objet ne permet pas l'identification de prestations
distinctes
».
L’actuel marché des agendas et revues agricoles n’a pas fait l’objet d’allotissement,
contrairement aux précédents, pour des prestations similaires.
4.2.3
Les critères de jugement des offres
L’article R.
2152-7 du code de la commande publique prévoit que pour attribuer le
marché au soumissionnaire qui a présenté l’offre économiquement la plus avantageuse,
l’acheteur se fonde soit sur un cri
tère unique, soit sur une pluralité de critères non-
discriminatoires et liés à l’objet du marché ou à ses conditions d’exécution, parmi lesquels
figurent le prix ou le coût et un ou plusieurs autres comprenant des aspects qualitatifs,
environnementaux ou sociaux. La Chambre ne respecte pas parfaitement ces dispositions.
Elle utilise dans certaines procédures des critères non autorisés. À
titre d’illustration, le
marché des agendas et revues agricoles prévoit un critère «
opérabilité et caractéristiques
opérationnelles (favoriser les entreprises locales)
» qui est contraire au principe d’égal accès
de tous à la commande publique
, posé par l’article
L. 3 du code de la commande publique.
C
ertains critères deviennent inopérants en raison d’une note unique attribuée à
l’ensemble des candidats, fondant ainsi l’analyse
sur le seul prix
. C’est le
cas par exemple des
marchés d’entretien des véhicules où la même note est accordée sur le
critère « lieu
d’implantation des garages –
pondération de 20 % ».
Pour d’autres marchés, les critères
retenus ne paraissent pas à même de déterminer
l’offre économiquement la plus avantageuse. Par exemple, le marché des travaux d’étanchéité
du siège ne comprend pas de critère lié à la valeur technique de la proposition. Le marché de
location de véhicules introduit un critère de disponibilité à la date prévue alors que la date de
livraison est une disposition du cahier des charges, rendant en cela non conforme l’offre qui ne
la respecte pas sans qu’il soit besoin de la juger. S’agissant du marché de carburan
ts, il repose
sur deux critères (prix 80 % - nombre de stations 20 %). Au regard des 52 stations détenues par
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GRICULTURE DE LA RÉUNION
63
l’attributaire qui remporte systématiquement les marchés, le plaçant en terme
s
d’implantation
en première position sur l’île, ce cr
itère est inopé
rant et revient à juger sur l’unique prix.
Enfin, pour certains marchés, la désignation et/ou la pondération des critères est
divergente entre le règlement de consultation et l’analyse des offres, comme pour le marché
d’entretien des locaux du siège. Parfo
is, les offres ne sont pas examinées au regard de
l’ensemble des critères retenus dans les documents contractuels
:
c’est le cas
des semences pour
insémination artificielle (
l’analyse de la valeur technique n
e figure pas au
rapport d’analyse
).
4.2.4
Un panel de prestataires peu étoffé
Outre le marché de réalisation d’agendas personnalisés systématiquement attribué à
la
même société (cf
. supra
), la Chambre compte un nombre de prestataires resserré qui emportent
les marchés à chaque nouvelle remise en concurrence.
C’est le cas par exemple des marchés de
semences pour les inséminations artificielles, dont tous les lots sont remportés par le même
prestataire, même lorsque postule un autre candidat. Il en va de même pour les marchés de
location de véhicules où les attributaires sont régulièrement les mêmes. Lors de la passation du
marché 2015-2017, un référé précontractuel
a d’ailleurs été introduit par
une société. Suite au
jugement du tribunal administratif, son offre a été réintégrée. Ce soumissionnaire a ensuite été
déclaré attributaire après une nouvelle analyse des offres
; il n’a plus soumissionné aux marchés
suivants. Pour les marchés d’entretien de véhicules,
une même franchise, sous des sociétés
différentes, remporte de nombreux marchés.
De la même manière, s’a
gissant des paniers de fruits,
c’est
toujours le même
soumissionnaire qui obtient le marché,
pour l’ensemble des lots liés aux trois zones
géographiques de l’île. Ce
s achats
d’ailleurs
ont
fait l’objet de deux réquisitions du comptable,
l’une en décembre 2
021 suite à son refus de prise en charge du mandat de premier acompte de
cette prestation (31 032
€), l’autre en avril 2022 pour le solde (
7 758
€)
, faute de marché public.
4.2.5
Le salon international de l’agriculture
La Chambre participe régulièrement au salon
international de l’agriculture (
SIA) qui se
tient chaque année à Paris. Elle est à ce titre financée par le Département avec lequel elle signe
une convention qui définit notamment les dépenses éligibles (la réservation et le paiement de
l’espace d’exposit
ion ainsi que la réalisation du stand «
Village Réunion
») ainsi que les
modalités de versement de la subvention, d’un montant total de 550
00
0 €
chaque année : depuis
2018, acompte de 60 % à la signature pour permettre le paiement des prestataires retenus pour
la réservation de l’espace (société X) et l’aménagement des stands (société XX), solde sur
présentation des factures acquittées. Malgré
des critères d’analyse des offres affichés (prix du
stand 70 %, présentation 30 %) et plusieurs propositions reçues en 2016 et 2018 par exemple,
le rapport d’analyse fournit peu d’explications sur l’appréciation technique et place en tête
l’opérateur reten
u, avec le maximum de points.
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GRICULTURE DE LA RÉUNION
64
Si la réservation de l’espace ne peut s’effectuer qu’auprès de l’organisateur
X
92
, à qui
le CENECA (Centre national des expositions et des concours agricoles) a confié par convention
la gestion du salon, il apparaît étonnant qu
e la convention rédigée à l’initiative du
Département
désigne le nom du «
prestataire retenu
» pour l’aménagement de stands, prestations entrant
pourtant dans le champ concurrentiel. De même,
la Chambre d’agriculture, menant une
procédure d’appel d’offres pour ces prestations d’aménagement de stands au SIA, attribue
systématiquement le marché à l’opérateur désigné par la convention, la société XX,
et ce
quasiment concomitamment
à la signature de ladite convention, l’analyse des offres portant
parfois la mention suivante «
attribution du marché à la société XX. À notifier sous réserve de
l’obtention de la convention de financement du conseil départemental
».
Tableau n° 21 :
Relations de la Chambre
d’agriculture avec
la société XX
Année du
salon
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
Date
de
la
convention avec
le département
974
29/01/2016
26/07/2017
07/12/2017
30/11/2018
14/11/2019
Annulé
02/12/2021
Date
d’
acceptation
de l’offre par la
CA974
27/01/2016
30/12/2016
nc
30/11/2018
nc
Annulé
01/12/2021
Source : Cour des comptes d
’après tableau des marchés
de la Chambre (nc : non communiqué)
Entre 2015 et 2022, la Chambre
d’agriculture a mandaté près d’1,
1
M€ à
la société XX
pour l’organisation de son stand au salon de l’agriculture, avec une évolution significative à
partir de 2019, le stand étant passé de 60 m² à 600 m². Depuis 2023, le Département prend en
charge directement l’organisation de cet événement.
Tableau n° 22 :
Mandats émis par la Chambre
d’agriculture à
la société XX
Année
En € TTC
2015
2016
2017
2018
2019
2020
202
1
2022
Total
Société XX
nc
39 287,64
46 993,85
38 630,45
286 785,81
327 256,88
-
337 642,96
1 076 597,59
Source
: Cour des comptes d’après mandats
de la Chambre (nc : non communiqué)
Au vu de l’ensemble des points qui précède
nt, la Cour rappelle à la Chambre
d’agriculture les grands principes de la commande publique que sont l’égal accès de tous à la
commande publique, l’égalité de traitement des candidats et
la transparence des procédures.
92
Montant des mandats émis par la Chambre au bénéfice de la société X : 42
255,8 € (2015), 26
423,82
€ (2016), 41
921,22
(2017), 207
866,78 € (2018), 258
161,11 € (2019), 182
869,56 € (2020), 412,5 € (2021) et 135
457,86 € (2022).
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65
Rappel au droit n° 4.
(CA 974)
Respecter les dispositions du code de la commande
publique et notamment les articles L. 3, L. 2111-1 et suivants, L. 2113-10 ainsi que les articles
R. 2121-6 et R. 2152-7.
La Chambre doit examiner ses besoins et leur expression en utilisant tous les leviers
permis notamment en termes de durée de marché et de mise en œuvre de
processus de
négociation, ou encore en étudiant les possibilités de groupement de commandes avec d’autres
structures. Une démarche d’achat proactive stimulerait la