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RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS,
ORGANISMES ET PERSONNES CONCERNÉS
LA SITUATION ET
LES PERSPECTIVES
DES FINANCES
PUBLIQUES
Juillet 2024
La situation et les perspectives des finances publiques - juillet 2024
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RÉPONSES
DES
ADMINISTRATIONS,
ORGANISMES ET PERSONNES
CONCERNÉS
Réponse reçue
à la date de la publication (15
juillet
2024)
Réponse conjointe du ministre de l’économie, des finances
et de la souveraineté industrielle et numérique et du ministre
délégué chargé des comptes publics
...........................................................
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RÉPONSE CONJOINTE DU MINISTR
E DE L’ÉCONOMIE,
DES FINANCES ET DE LA SOUVERAINETÉ INDUSTRIELLE
ET NUMÉRIQUE ET DU MINISTRE DÉLÉGUÉ CHARGÉ
DES COMPTES PUBLICS
Nous vous remercions de nous donner l'occasion de répondre au
rapport annuel de la Cour des comptes sur la situation et les perspectives
de finances publiques avant sa publication. Comme chaque année, ce
rapport propose une présentation claire, transparente et complète des
enjeux de finances publiques de notre pays, particulièrement utile à nos
concitoyens et aux parlementaires.
Nous partageons de nombreux constats formulés dans le rapport
mais il est essentiel de redonner également de la perspective et de la vision
d'ensemble à l'action menée par le Gouvernement en matière d'économie
et de finances publiques au cours des dernières années.
Dès 2017, le Gouvernement s'est attaché à redresser les finances
publiques. Le retour sous les 3 % dès la fin 2017 et la sortie de la procédure
de déficit public excessif en 2018 en sont des témoignages très clairs. Dans
le même temps, la priorité a été de redonner à l'économie française tout
son potentiel d'attractivité, de croissance et d'emploi en menant à bien des
réformes structurelles trop longtemps différées en matière de fiscalité, de
financement de l'innovation, de relocalisation d'activités financières et
industrielles sur notre sol.
Les résultats ont été au rendez-vous malgré les crises : 2,5 millions
d'emplois ont été créés, la France est le pays d'Europe le plus attractif
depuis 5 ans, de nouvelles usines et filières industrielles ont été créées.
Les crises exceptionnelles que nous avons connues ont contraint à
des choix et nous avons fait
grâce aux marges budgétaires reconstituées
entre 2017 et 2019, celui de la protection de nos citoyens et de nos
entreprises.
Cette protection a eu un coût important qui explique le niveau de
déficit et de dette en 2023. Mais sans elle, la France n'aurait pas été parmi
les premiers pays européens à retrouver un niveau de PIB antérieur à la
crise du covid. Sans elle, la France n'aurait pas été le pays d'Europe où
l'inflation a été la plus contenue. Sans elle, la croissance française n'aurait
pas été de 1,1 % en 2023, un chiffre supérieur à la prévision du
Gouvernement et très au-dessus de la moyenne de la zone euro.
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Ces choix macroéconomiques, que le Gouvernement revendique,
ne peuvent être dissociés de la situation d'ensemble des finances publiques
et, à l'inverse, des choix de finances publiques plus restrictifs et moins
protecteurs auraient très certainement créé plus de difficultés sociales,
moins de croissance et de création de richesse sans garantie que l'équilibre
final des finances publiques soit meilleur.
La situation de sortie de crise dans laquelle nous sommes appelle
en revanche, ainsi que nous l'avons indiqué depuis la fin 2022 et ainsi que
nous avons commencé à la mettre en œuvre
, une nouvelle phase de
consolidation budgétaire adaptée à la reprise progressive d'une croissance
forte et à la reconstitution des marges de manœuvre budgétaires.
C'est bien pour cela que nous partageons un certain nombre de
constats de la Cour.
Pour commencer, la Cour souligne qu'il est nécessaire de
poursuivre les efforts de réduction du déficit en prenant des mesures
d'économies résolues et étayées. Le Gouvernement partage avec la Cour
la conviction que les revues de dépenses annuelles initiées en 2023
constituent un outil central pour analyser en profondeur la qualité et
l'opportunité des dépenses publiques, afin d'assurer la mise en œuvre
d'efforts supplémentaires importants permettant de revenir à un déficit
contenu en deçà des 3 % de déficit en 2027.
Le Gouvernement partage également la nécessité de poursuivre des
réformes structurelles et pérennes. Avec la réforme des retraites et la
réforme de contracyclicité de l'assurance chômage, il a déployé en 2023
deux réformes essentielles pour l'activité et la croissance, contribuant ainsi
à la soutenabilité de long terme des finances publiques. Dans le même
esprit, il a lancé une nouvelle réforme de l'assurance chômage afin de
garantir l'incitation au retour à l'emploi.
La Cour note également à juste titre que l'effort budgétaire réalisé
porte à ce stade principalement sur l'État et qu'il est nécessaire de faire
contribuer tous les secteurs de l'action publique (État, collectivités
territoriales, sécurité sociale et opérateurs publics). Ce rappel est
particulièrement Utile au débat public, afin que l'effort permettant le
retour à l'équilibre des finances publiques soit équitablement réparti.
Si la trajectoire présentée dans la loi de programmation des
finances publiques (LPFP) a été, de fait, révisée dans le cadre du
programme de stabilité, il n'en demeure pas moins que les dispositions de
la LPFP relatives au pilotage et à la gouvernance des finances publiques
restent entièrement d'actualité, ce que la Cour pourrait davantage mettre
en valeur.
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Enfin, nous saluons l'accent mis dans le rapport sur l'impact du
changement climatique, au regard des enjeux cruciaux qu'il soulève,
notamment pour les finances publiques. La prise en compte des enjeux
climatiques dans l'élaboration des politiques publiques s'inscrit dans
l'engagement du Gouvernement en faveur de la transition écologique.
Le ministère de l'économie, des Finances et de la souveraineté industrielle
et numérique (MEFSIN) est très impliqué sur ce sujet, et contribue au
débat : c'est le cas par exemple avec le rapport intermédiaire de la
direction générale du Trésor « Les enjeux économiques de la transition
vers la neutralité carbone », réalisé à notre demande et qui préfigure un
rapport définitif attendu pour la fin de l'année, ou encore avec les travaux
menés depuis plusieurs années par la direction du Budget, la direction
de la Législation fiscale, la direction générale du Trésor, ainsi que le
commissariat général au développement durable sur la production et
l'amélioration progressive du budget vert - que la France a été le premier
pays au monde à mettre en œuvre dans le cadre du projet de loi de finances
pour 2021 - en vue notamment de l'utiliser davantage comme aide à la
décision. Enfin, la stratégie pluriannuelle des financements de la transition
écologique et de la politique énergétique nationale, dont la première
version est en cours d'élaboration, contribuera également au débat public
en dressant un panorama des principaux financements publics et privés
en faveur de la transition.
Au-delà de ces points d'accord, nous tenons néanmoins à répondre
sur trois aspects sur lesquels la Cour se montre dubitative voire critique :
la crédibilité des prévisions pour l'année 2023, les risques pesant sur la
dépense 2024, et le caractère jugé peu ambitieux et optimiste de la
trajectoire sous-jacente au programme de stabilité.
Les prévisions constituaient des hypothèses centrales au moment
où elles ont été réalisées et ne pouvaient alors être considérées comme
optimistes
au
regard
notamment
des
anticipations
des
autres
prévisionnistes.
Dans son avis du 22 septembre 2023 portant sur le projet de loi de
finances (PLF) pour 2024, présenté fin septembre, le Haut conseil des
finances publiques (HCFP) considérait ainsi la prévision de déficit public
2023 du Gouvernement, de 4,9 %, « vraisemblable », sa prévision de
croissance, « plausible », de même que sa prévision de prélèvements
obligatoires.
Les prévisions de finances publiques ont été mises à jour dans le
cadre du projet de loi de finances de fin de gestion (PLFG) 2023, présenté
fin octobre. Le HCFP a été saisi de ce projet le 20 octobre ; à cette date,
les informations remontées par la direction générale des finances
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publiques (DGFiP) au vu des encaissements constatés faisaient état de ce
que l'impôt sur les sociétés (IS) était en baisse de 700
M€ par rapport au
PLF et que la TVA pouvait être en augmentation de 600
M€ par rapport
au PLF. Des aléas étaient également identifiés sur les droits de mutation à
titre onéreux, au vu du ralentissement marqué du marché immobilier, et
sur l'impôt sur le revenu. Les informations disponibles avaient été prises
en compte par la révision à la baisse, dans le cadre du PLFG, de 500 M
,
de la prévision de prélèvements obligatoires par rapport au projet de loi
de finances. Les dépenses étaient quant à elles moindres que prévues
notamment grâce aux mesures de pilotage prises sur les budgets des
ministères
qui ont conduit en fin de gestion à une nette sous-exécution
des dépenses sur le budget de l'État
justifiant un maintien de la prévision
de déficit à 4,9 % dans le PLFG. De nouveau, le 27 octobre 2023, le HCFP
a estimé cette évaluation du déficit « plausible » : Le Haut Conseil estime
que la prévision du Gouvernement d'un solde public pour 2023 de
- 4,9 points de PIB, [...] inchangée par rapport à l'estimation associée au
PLF pour 2024, est plausible.
Les risques qui subsistent sur la fin de l'année, tant sur la prévision
de dépenses que sur celle de recettes, semblent en effet relativement
équilibrés. ». Concernant les recettes, le Haut conseil estimait la prévision
des prélèvements obligatoires pour 2023 « globalement plausible » : « Les
recettes prévues de cotisations sociales et prélèvements sociaux sur les
revenus d'activité apparaissent un peu trop élevées en lien avec la révision
un peu élevée de masse salariale. Mais, à l'inverse, la prévision de recettes
de droits de mutation à titre gratuit semble basse. Pris ensemble, ces
différents risques restent d'une ampleur nettement inférieure aux aléas qui
subsistent notamment sur le rendement de l'impôt sur les sociétés ».
Il convient par ailleurs de replacer la préparation du budget 2023
dans son contexte : les perspectives macroéconomiques et budgétaires
étaient particulièrement incertaines alors que les prix de l'énergie étaient
très élevés et volatils, que l'inflation avait atteint des niveaux inédits depuis
plusieurs décennies et que la banque centrale européenne avait entamé un
cycle de relèvement rapide de ses taux d'intérêts.
Sur les 15
Md€ d'écart du solde public réalisé à la prév
ision, 4
Md€
s'expliquent par le changement de base comptable des comptes nationaux
effectué par l'Insee de façon indépendante. Les 11
Md€ d'écart (0,45 points
de PIB) restant s'expliquent avant tout par des prélèvements obligatoires
moindres que prévus (21
Md€), ainsi que, dans une moindre mesure par
des dépenses des collectivités locales plus dynamiques qu'anticipé
(4
Md€), leurs dépenses de fonctionnement dépassant en particulier les
montants prévus en application de la règle d'évolution de la LPFP (soit
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une croissance équivalente à l'inflation pour l'année 2023). Ces moins-
values sont partiellement compensées par de moindres dépenses de l'État,
pour 6
Md€, et des organismes divers d'administration centrales, pour
2
Md€, ainsi que par des recettes hors pr
élèvements obligatoires plus
élevées que prévu, pour 5
Md€.
Les moindres prélèvements obligatoires s'expliquent a posteriori
par une croissance moindre qu'attendue mais aussi par une élasticité des
prélèvements au PIB qui a surpris par sa faiblesse. Si la croissance du PIB
en volume en 2023 s'est révélée très proche et même légèrement supérieure
à la prévision du Gouvernement (1,1
% contre 1 % en prévision), la
croissance nominale du PIB s'est révélée inférieure à la prévision (6,3 %
contre 6,8 %) du fait d'un ralentissement de l'inflation plus fort qu'attendu
en fin d'année. Comme le souligne justement la Cour, l'année 2023
constitue le contrecoup de deux années précédentes marquées par des
conditions économiques exceptionnelles et une forte dynamique des
recettes (élasticité à l'activité élevée). La Cour pourrait mentionner que,
dès l'été 2022, les prévisions du Gouvernement faisaient état, pour l'année
2023, d'une élasticité nettement inférieure à l'unité et inhabituellement
basse, de 0,6, en contrecoup de l'année 2022, pour laquelle l'élasticité était
alors estimée à 1,5. Ce scénario a été maintenu avec constance par la suite
et validé par le HCFP : il s'est effectivement réalisé, même si l'ampleur de
la baisse de l'élasticité a surpris, l'élasticité pour 2023 s'établissant
finalement à 0,4. Cette faible élasticité correspond à la fois au contrecoup
de la forte élasticité 2022, qui pour une part importante avait été anticipé,
mais aussi à une mauvaise surprise sur la composition de la croissance et
à des changements de comportement des entreprises difficilement
anticipables. Concernant la composition de la croissance, la masse
salariale a été moindre que prévue, diminuant ainsi les recettes de
cotisations et prélèvements sociaux et d'impôt sur le revenu ; concernant
le comportement des entreprises, ils se sont caractérisés par une demande
accrue de remboursements de crédits de TVA, et par de probables
inscriptions par les entreprises, dans un contexte de taux élevés, de
provisions pour risques diminuant le bénéfice fiscal.
De façon plus générale, la qualité de la prévision du Gouvernement est
attestée, depuis 2017, d'une part par la proximité entre le solde public effectif
et sa prévision, réalisée pour le projet de loi de finances, soit 18 mois avant
l'exécution, et d'autre part par l'alternance entre des écarts faiblement positifs
et faiblement négatifs (cf. tableau). Font exception seulement l'année 2020,
affectée par une crise majeure non anticipable, et, dans une nettement moindre
mesure, l'année 2023, affectée par le changement de base comptable mais
aussi par une situation macroéconomique spécifique et mal anticipée par
l'ensemble des prévisionnistes, y compris ceux du HCFP.
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Déficit public prévu et réalisé depuis 2017
2017
2018
2019
2020
2021
2022
2023
Prévu lors
du
PLF
(automne
de l'année
N-I)
-2,7
-2,6
-2,8
-2,2
-4,8
-5,0
Réalisé
-3
-2,3
-3,1
-9
-6,5
-4,8
-5,5
Écart
-0,3
+013
-0,3
-6,8
+0,2
o
-0,5
Enfin, la Cour souligne que des mesures supplémentaires auraient
pu améliorer le solde 2023, mais ce n'est qu'a posteriori que ce constat
peut être dressé, les premières informations sur un écart significatif de
solde public n'ayant été connues du Gouvernement qu'à partir de décembre
2023, encore entourées à cette date d'aléas majeurs.
Concernant la gestion 2024, il convient de rappeler que, en réaction
à la révision à la baisse de la prévision de croissance, à la dégradation du
solde 2023 et donc des prévisions de solde 2024, nous avons réagi sans
délai pour maîtriser la dépense avec l'annonce de l'accélération de la
sortie du bouclier tarifaire sur l'électricité le 21 janvier 2024, représentant
une économie de 5
Md€ et l'annonce, le 18 février, d'une annulation de
10
Md€ de crédits de l'État pour 2024, qui a donné lieu au décret
d'annulation du 21 février 2024. Pour assurer l'effectivité de cette
réduction des dépenses, un exercice de reprogrammation a été réalisé au
premier semestre sur l'ensemble du budget de l'État. Il a donné lieu à des
mesures transversales de réduction des dépenses, mobilisant la réserve de
précaution des ministères ainsi que la trésorerie des opérateurs, et
conduisant à ajuster les crédits de dépenses de personnel des ministères,
avec un pilotage serré de la masse salariale en gestion. Cette
reprogrammation s'est également appuyée sur des mesures ciblées sur
certains budgets, notamment une réduction des crédits d'aide publique au
développement, l'instauration d'un ticket modérateur pour le compte
personnel de formation (CPF), ou encore la suppression des primes à
l'embauche des contrats de professionnalisation.
Dans le champ de la sécurité sociale, le Gouvernement a engagé des
mesures d'économies importantes en gestion 2024 : le doublement des
franchises et des participations forfaitaires (pour 0,6
Md€ en 2024 et plus
de 0,8
Md€ e
n année pleine) et la réforme du financement de certains
produits d'imagerie médicale (pour 0,1
Md€). N
ous ne partageons pas la
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10
remarque de la Cour selon laquelle la majorité des économies intégrées à
l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) pour 2024 ne
serait pas documentée. L'annexe 5 du projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 2024 présente en effet la répartition des 3,5 Md€
d'économies intégrées en construction de l'Ondam (dont 1,3
Md€ au titre
de la baisse des prix et des volumes de produits de santé et 0,6
Md€ au titre
de l'efficience des établissements sanitaires et médico-sociaux)
en plus
des 0,9
Md€ d'économies liées à la maîtrise médicalisée des dépenses et à
l'amélioration de la lutte contre la fraude.
Le programme de stabilité pour 2024, enfin, a tiré les conséquences
du moindre solde 2023 et de la révision à la baisse de la prévision de
croissance pour 2024, en prévoyant 10 Md€ d'économies supplémentaires
pour 2024, pour tenir les cibles de réduction des déficits. Ces économies
supplémentaires sont réparties entre moindres dépenses de l'État,
nouvelles recettes d'imposition des rentes, et tenue par les collectivités
locales de l'objectif de maîtrise de la progression des dépenses inscrit dans
la LPFP. Nous avons réuni le 21 mars 2024 le Haut conseil des finances
publiques locales pour identifier avec les représentants des élus locaux les
leviers permettant d'assurer le respect de cet objectif.
Au total, sur 2024, cet effort de maîtrise et de consolidation d'une
ampleur inédite en cours d'exécution, intervient dans un contexte qui reste
marqué par des aléas et des contraintes fortes, que l'analyse faite par la
Cour de la gestion 2024 ne devrait pas éluder : la crise agricole, la crise
en Nouvelle-Calédonie, la poursuite de la guerre en Ukraine, la situation
au Moyen Orient ou encore la nécessaire sécurisation des Jeux olympiques
et paralympiques. À ce stade de l'année, l'évolution de l'activité économique
et l'évolution spontanée des recettes publiques restent également entourées
d'une marge d'incertitude importante.
La crédibilité de notre gestion budgétaire est attestée par le
maintien de la notation française par la majeure partie des agences de
notation (DBRS le 22 mars 2024, Moody's et Fitch le 26 avril) et par la
stabilité de l'écart de taux avec l'Allemagne sur le marché secondaire de
la dette souveraine depuis la sortie de la crise sanitaire et jusqu'à
l'annonce récente de la dissolution de l'Assemblée nationale.
En ce qui concerne les perspectives de moyen terme, nous tenons à
formuler plusieurs remarques supplémentaires.
Concernant la trajectoire, la Cour évoque le fait que la trajectoire
sous-jacente au programme de stabilité serait « encore moins
ambitieuse que celle de la LPFP ». Or, en raison de la dégradation du
point de départ et du scénario macroéconomique, la nouvelle trajectoire
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est en réalité plus ambitieuse sur le plan de l'ajustement structurel.
Il serait de 2,3 points en cumul sur la période 2024-2027 contre 1,5 point
pour la LPFP 2023-2027.
Sur le scénario économique, la Cour formule plusieurs critiques.
En premier lieu, elle estime que la croissance potentielle serait favorable
au regard des prévisions des principales organisations internationales.
Nous rappelons que l'estimation de la croissance potentielle du
Gouvernement est très proche de celle du FMI, qui l'évalue à +1,3
% à
l'horizon 2029 dans ses perspectives de l'économie mondiale d'avril 2024
contre +1,35
% pour le Gouvernement à l'horizon 2027. L'estimation de la
Commission européenne est certes plus basse, mais elle est très éloignée
de celle de l'ensemble des autres prévisionnistes, comme l'avait souligné
l'institut Bruegel dans son analyse de septembre 2023 du projet de réforme
de la gouvernance européenne.
En second lieu, la Cour souligne que « le Gouvernement estime que
en dépit de la forte chute de la productivité depuis la crise sanitaire, qui
distingue la France de ses principaux voisins européens
les gains de
productivité du travail retrouveraient leur rythme sous-jacent d'avant crise
autour de 0,8 % par an ». Il convient de rappeler que cette exception
française en matière de productivité s'explique bien par une autre
exception, positive, en termes de créations d'emploi, grâce notamment aux
réformes menées ces dernières années (apprentissage, assurance-
chômage, etc.). Si l'incertitude autour de la tendance de productivité existe,
il semble prématuré de conclure à un impact des crises récentes sur cette
tendance. La Banque de France partage cette analyse dans une étude
publiée en mars 2024
1
.
Enfin, concernant l'écart de production, nous rappelons, comme le
fait d'ailleurs la Cour, que le diagnostic d'un écart de production négatif
est partagé par plusieurs autres prévisionnistes institutionnels, et que
l'estimation du Gouvernement pour 2023 se trouve entre celles de l'OCDE
(- 1,5 pt) et du FMI (-0,9 pt). Elle s'éloigne de celle la Commission (0 pt),
qui fait figure de valeur extrême, et reflète les limites de la méthodologie
utilisée pour son estimation de la croissance potentielle. Un écart de
production encore négatif est cohérent avec l'identification de marges
de rattrapage importantes de l'économie française, à la fois côté offre
(la Banque de France estime par exemple à près de 2 points de productivité
l'effet des réte
ntions de main d'œuvre sectorielles) et côté demande (qu'il
s'agisse de la consommation, en lien avec un taux d'épargne qui excède
1
Banque de France,
Comment expliquer les pertes de productivité observées en France
depuis la période pré Covid ?
, Mars 2024.
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très nettement sa moyenne de long terme, ou des exportations, qui
devraient notamment bénéficier du rebond des livraisons aéronautiques).
De ce fait, la Cour pourrait modérer son avis lorsqu'elle juge favorable
l'hypothèse du Gouvernement.
La Cour indique par ailleurs qu'un écart de production toujours
négatif en 2027 dans le programme de stabilité « constituerait une
singularité sept ans après la crise pandémique ». Nous rappelons que le
fait de ne pas revenir à un écart de production nul en 2027 s'explique par
la période exceptionnelle qu'a traversée l'économie française, marquée
par une succession de chocs. Elle reflète aussi la prise en compte des
mesures de consolidation budgétaire dans le scénario du programme de
stabilité. Une période prolongée en écart de production négatif n'est
d'ailleurs pas inédite : après la crise financière de 2008, qui avait été suivie
par la crise des dettes souveraines en zone euro, l'économie française
n'avait retrouvé un écart de production positif que près de dix ans plus tard
(2018 selon l'estimation du Gouvernement, 2017 d'après la Commission
européenne).
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