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RAPPORT THÉMATIQUE RÉGIONAL
LA PRÉVENTION ET LA GESTION
DES DÉCHETS EN CORSE
Un enjeu environnemental et financier majeur
pour l’île
MAI 2024
Rapport thématique régional –
La prévention et la gestion des déchets en Corse
2
SOMMAIRE
SOMMAIRE
.........................................................................................................................
2
PROCEDURES ET METHODES
................................................................................................
3
SYNTHÈSE
...........................................................................................................................
4
INTRODUCTION
...................................................................................................................
5
1
UN MANQUE DE PILOTAGE QUI FREINE LA MISE EN ŒUVRE DE LA POLITIQUE DE
PREVENTION ET DE GESTION
...............................................................................................
6
1.1
Une production de déchets élevée avec l’enfouissement comme mode de
traitement majoritaire
..................................................................................................
6
1.2
Une planification régionale et locale défaillante
..........................................................
8
1.2.1
Une planification régionale qui achoppe sur la définition des
équipements de traitement structurants
...........................................................
8
1.2.2
Des stratégies locales peu formalisées
...............................................................
9
1.3
Un suivi de la planification à renforcer
.......................................................................
10
1.3.1
Une observation régionale des déchets à compléter et à coordonner
............
10
1.3.2
Une information des usagers du service public qui tend à se renforcer
..........
11
2
DES COUTS TRES ÉLEVÉS ET DES ÉQUILIBRES À TROUVER POUR LE FINANCEMENT
ET LA QUALITÉ DU SERVICE
...............................................................................................
13
2.1
Des coûts très élevés et un financement peu incitatif
................................................
13
2.1.1
Un coût davantage à la charge du contribuable que de l'usager
......................
13
2.1.2
Une redevance spéciale pour les professionnels mal évaluée
.........................
15
2.1.3
La nécessité de développer la tarification incitative
.........................................
16
2.2
Des collectes fréquentes génératrices de surcoûts
....................................................
16
2.3
Le traitement : une hausse du coût de l’enfouissement et des alternatives à
concrétiser
..................................................................................................................
17
3
DES EFFORTS À DEPLOYER POUR DÉVELOPPER LA PRÉVENTION ET L'ÉCONOMIE
CIRCULAIRE
........................................................................................................................
19
3.1
Des actions de prévention qui restent limitées
..........................................................
19
3.2
Des performances de tri encore insuffisantes
............................................................
21
3.3
Le levier de l'économie circulaire qui peine à se concrétiser
.....................................
22
ANNEXES
..........................................................................................................................
24
Annexe n° 1. Glossaire
.......................................................................................................
25
Annexe n° 2. Liste des abréviations
...................................................................................
26
Annexe n° 3. Références
....................................................................................................
27
Réponses de M. Marc-Antoine Nicolai, président de la communauté de communes de la Costa Verde
et de M. François Sargentini, président de la communauté de communes Pasquale Paoli
Rapport thématique régional –
La prévention et la gestion des déchets en Corse
3
PROCEDURES ET METHODES
Trois principes fondamentaux gouvernent l’organisation et l’activité des juridictions
financières : l’indépendance, la contradiction et la collégialité.
L’
indépendance
institutionnelle des juridictions et l’indépendance statutaire de
leurs membres garantissent que les contrôles effectués et les conclusions tirées le
sont en toute liberté d’appréciation.
La
contradiction
implique que les observations et recommandations formulées à
l’issue d’un contrôle sont systématiquement soumises aux responsables des
administrations ou organismes concernés ; elles ne peuvent être rendues définitives
qu’après prise en compte des réponses reçues et, s’il y a lieu, après audition des
responsables concernés.
La
collégialité
sécurise les principales étapes des procédures de contrôle. Ainsi, les
projets d’observations et de recommandations, provisoires et définitives, sont
examinés et délibérés de façon collégiale.
***
Le présent rapport thématique constitue la synthèse des observations définitives
relatives à la gestion des déchets formulées par la chambre régionale des comptes
Corse, sur le fondement des articles L. 243-11 et R. 243-15-1 du code des juridictions
financières.
Il s’appuie sur le contrôle de onze entités (sept communautés de communes, deux
communautés d’agglomération, un syndicat mixte et un établissement public de la
collectivité de Corse) dont la liste figure en annexe.
Il s’agit là d’une nouvelle faculté éditoriale, introduite par l’ordonnance n° 2022-408
du 23 mars 2022 et à laquelle la chambre recourt pour la première fois.
Il a été délibéré le 19 avril 2024 par la chambre.
Tous les rapports de la chambre régionale des comptes sont publics et accessibles
en ligne sur son
site internet
.
Rapport thématique régional –
La prévention et la gestion des déchets en Corse
4
SYNTHÈSE
Entre 2020 et 2024, la chambre régionale des comptes Corse a contrôlé onze entités en charge de la
prévention et de gestion des déchets. Compte tenu des enjeux environnementaux et financiers
associés à l’exercice de cette compétence, le présent rapport thématique régional dresse la synthèse
des observations issues de ces contrôles, déjà rendues publiques.
La Corse était, en 2021, la première région métropolitaine en termes de production de déchets
ménagers et assimilés (DMA) par habitant. Sa situation au regard des indicateurs relatifs au traitement
des déchets (part du recyclage, réduction de l’élimination par enfouissement) est nettement en deçà
des moyennes nationales. Si l’objectif de réduction de DMA fixé pour la France à l’horizon 2030 (- 15%
par rapport à 2010) pourrait être atteint, sous réserve du maintien des évolutions à la baisse
constatées depuis 2022, il apparaît, en revanche, peu probable d’y parvenir en ce qui concerne les
autres objectifs réglementaires.
Les orientations stratégiques visant à doter le territoire d’équipements structurants pour réduire le
recours à l’enfouissement et accroître le volume de déchets valorisés n’ont pas abouti. Les difficultés
récurrentes à définir, de manière concertée, un dispositif de traitement des déchets à l’échelle du
territoire ont retardé l’adoption du plan régional, et limité le degré de précision apporté par le plan
sur les caractéristiques de ces infrastructures et le coût de leur financement. Dans ce contexte, la
planification à développer au niveau des intercommunalités, disposant par ailleurs le plus souvent de
faibles capacités d’ingénierie, peine à se structurer.
Le coût du service public de prévention et de gestion des déchets représente, en 2022, 104 M€ en
Corse. Rapporté au poids des déchets collectés et traités par habitant, ce coût est très élevé et
représente deux à trois fois celui de la moyenne nationale. Il pèse fortement sur le budget des
intercommunalités. Pour certaines d’entre elles, il représente 80 % des dépenses de fonctionnement
et contraint dès lors fortement l’exercice d’autres compétences. Les marges de manœuvre identifiées
par la chambre à l’occasion de ses contrôles réalisés entre 2020 et 2024 restent d’actualité. Elles
supposent de rendre plus incitatif le financement du service et de poursuivre l’optimisation de
l’organisation des collectes (notamment le nombre de tournées et le temps de travail des agents). La
recherche d’un meilleur équilibre entre la qualité du service et son coût pour la collectivité doit se
poursuivre, dans un contexte où l’augmentation des charges liées au traitement aura vocation à
perdurer.
Les actions de prévention des déchets, pourtant au sommet de la hiérarchie des modes prioritaires de
traitement, restent marginales : elles représentent, en Corse, 3 % des charges du service public en
2021. Outre les actions de sensibilisation à destination de différents publics, plusieurs collectivités se
sont impliquées pour expérimenter des modes de traitement de proximité des biodéchets. Ces
initiatives attestent d’une dynamique de mobilisation qui doit désormais, pour devenir pérenne,
davantage se structurer. En l’absence de programmes locaux et de méthodes permettant un suivi dans
la durée des quantités de déchets évités, l’impact de ces mesures est difficile à évaluer.
Rapport thématique régional –
La prévention et la gestion des déchets en Corse
5
INTRODUCTION
Entre 2020 et 2024, la chambre régionale des comptes a procédé à une série de contrôles sur la gestion
des déchets en Corse.
Ces contrôles se sont inscrits initialement dans le cadre d’une enquête nationale menée par les
juridictions financières et qui a donné lieu à la publication, en septembre 2022, par la Cour des comptes,
d’un rapport thématique consacré à la gestion des déchets ménagers au niveau national.
Compte tenu de l’importance que revêt la politique de prévention et de gestion des déchets sur le
territoire corse, la chambre régionale des comptes Corse a souhaité compléter ces premiers travaux.
Au total, la chambre a contrôlé 9 des 19 intercommunalités en charge de la compétence « déchet »
(7 communautés de communes et les deux communautés d’agglomération), ainsi que le syndicat mixte
pour la valorisation des déchets de Corse (SYVADEC) et l’Office de l’environnement de la Corse (OEC).
Chacun de ces onze contrôles a donné lieu à un rapport d’observations déjà rendu public, après que les
procédures contradictoires à l’égard des organismes concernés aient été menées à leur terme. La liste
de l’ensemble de ces travaux est présentée en annexe n°3.
Le présent rapport thématique régional constitue une synthèse des observations définitives faites par
la chambre régionale des comptes Corse à l’issue de ces contrôles, conformément aux articles L. 243-11
et R. 243-15-1 du code des juridictions financières. Il a été délibéré le 19 avril 2024 par la chambre.
Il s’agit là d’une nouvelle faculté éditoriale, introduite par l’ordonnance n°2022-408 du 23 mars 2022
et à laquelle la chambre recourt pour la première fois.
La présente synthèse restitue ces observations autour des trois axes suivants :
- les démarches de planification et de programmation engagées par les collectivités, au regard de leur
capacité à coordonner les acteurs du territoire et à structurer un modèle cohérent et durable pour la
gestion des déchets dans l’île ;
- les marges de manœuvre à disposition des collectivités pour assurer un service public de prévention
et de gestion des déchets de qualité, à un coût maîtrisé et équitable pour les contribuables et usagers ;
- la structuration des initiatives visant à une montée en puissance des actions de prévention des déchets
et de développement de l’économie circulaire.
Lorsqu’il est fait référence à l’un des onze rapports objets de la présente synthèse, le nom de l’entité
contrôlée est cité entre parenthèses. Les renvois à d’autres travaux sont indiqués avec le nom de leur auteur,
suivi de la date de publication.
Un glossaire et la liste des références complètes citées dans ce rapport figurent en fin de document.
Rapport thématique régional –
La prévention et la gestion des déchets en Corse
6
1
UN MANQUE DE PILOTAGE QUI FREINE LA MISE EN ŒUVRE DE LA
POLITIQUE DE PREVENTION ET DE GESTION
La situation des déchets en Corse illustre les difficultés du territoire à réduire sa dépendance à
l’enfouissement pour le traitement de ses déchets et à mettre en œuvre des alternatives plus durables
(prévention, réemploi ou valorisation). Les efforts engagés en ce domaine sont contrariés par un
manque de pilotage récurrent, qui freine la coordination des stratégies locales et fait l’économie du
suivi des actions engagées.
1.1
Une production de déchets
élevée avec l’enfouissement
comme mode de traitement
majoritaire
La Corse a produit environ un million de tonnes
de déchets en 2018
, selon les dernières
données
disponibles
de
la
planification
régionale.
Les
déchets
des
activités
économiques, dont ceux issus du bâtiment et
des travaux publics (BTP), en représentent les
trois quarts.
Les déchets ménagers et assimilés (DMA)
– c’est-à-dire les déchets des ménages et ceux
des entreprises et administrations dès lors
qu’ils sont traités par le service public -
représentent le quart restant des déchets
produits.
Graphique n° 1 :
Répartition par gisement
Source : Projet de PTPGD, 2022.
Le niveau de production des DMA est élevé, de
629 kg par habitant en 2023 pour une moyenne
nationale de 547 kg en 2021. La Corse est
d’ailleurs la région métropolitaine avec le ratio
de déchets ménagers et assimilés produit par
habitant le plus élevé (ADEME, 2023).
Cependant, pour la première fois hors contexte
de crise sanitaire, la production de déchets
ménagers a diminué de manière significative
,
avec une baisse d’environ 13 % par habitant
entre 2021 et 2023. Ces performances sont au
dessus de la moyenne nationale des zones les
plus touristiques (670 kg par habitant en 2021).
Graphique n° 2 :
Production de déchets
ménagers et assimilés (kg/habitant)
Source : ODEM, 2024 ; ADEME, 2023 (hors gravats).
687
730
731
677
721
662
629
526
527
547
657
669
670
0
200
400
600
800
2017
2018
2019
2020
2021
2022
2023
Corse
France entière
Zones touristiques et commerciales
Rapport thématique régional –
La prévention et la gestion des déchets en Corse
7
Outre l’impact de la fréquentation touristique,
la forte production de déchets est liée à
l’insularité et au recours à des transports
requérant un conditionnement adapté. Les
spécificités du tissu économique, avec une
prépondérance de petits établissements de
commerce
et
de
services
(Insee, 2021),
expliquent également ces tonnages élevés et la
présence relativement importante de déchets
d’activités économiques dans les déchets
ménagers.
Selon
les
dernières
estimations
de
la
planification
régionale
(2015),
30 %
des
déchets
issus
des
activités
économiques
seraient, en Corse, collectés à tort dans le
circuit des déchets ménagers et assimilés,
contre 20 % sur le continent (OEC, 2022).
À ce titre, la baisse des déchets ménagers
constatée en 2022 provient pour l’essentiel
d’une réorientation de déchets produits par les
professionnels,
jusque-là
admis
avec
les
déchets ménagers. Elle ne relève qu’en partie
de la réduction des ordures ménagères
produites (SYVADEC, 2023).
Compte tenu de cette baisse, les objectifs
réglementaires
(voir
encadré
infra
)
de
réduction
des
DMA
pour
2030
sont
provisoirement atteints en 2022.
En revanche, le recours à l’enfouissement pour
le traitement de ces déchets reste largement
majoritaire
, en contradiction avec les objectifs
réglementaires
qui
visent
une
réduction
drastique de ce mode de traitement. Ces
derniers imposent de réduire à 10 % la quantité
de DMA admis en installation de stockage d’ici
2035. Or, 63 % d’entre eux font encore l’objet
de ce traitement en 2022 en Corse, contre 22 %
en moyenne nationale.
Cette situation défavorable résulte d’une faible
valorisation des déchets : 31 % des déchets
ménagers collectés sont valorisés sous forme
« matière » (contre 47 % au niveau national),
et 6 % seulement font l’objet d’une valorisation
énergétique (contre 31%).
Le cadre réglementaire national et européen établit une hiérarchie dans les modes de
traitement.
Elle implique de privilégier, après les actions de prévention, un ordre de priorité.
L’article L. 541-1 du code de l’environnement reprend cette hiérarchie et fixe les objectifs
nationaux en matière de prévention et de gestion des déchets.
Ces derniers prévoient, notamment, une
réduction de 15 % des DMA produits en
2030 par rapport à 2010 et la mise en place,
dès 2024, d’une solution de tri à la source
des biodéchets pour chaque habitant (voir
infra
).
D’autres objectifs visent l’augmentation de
la part des déchets valorisés et la réduction
des quantités admises en stockage.
D’ici 2025, il sera obligatoire d’assurer la
valorisation énergétique d’au moins 70 %
des déchets non valorisés. La mise en
décharge des déchets valorisables sera
progressivement interdite.
Rapport thématique régional –
La prévention et la gestion des déchets en Corse
8
Graphique n° 3 :
Situation de la Corse en 2022
au regard de quatre objectifs réglementaires
Source : ODEM, 2023.
Enfin, la gestion des déchets repose en grande
partie
sur
un
système
organisant
leur
évacuation et leur transport. Seuls les déchets
verts, les biodéchets et les gravats font l’objet
d’une valorisation sur le territoire régional. Les
emballages, le papier, le carton et le verre sont,
pour leur part, acheminés sur le continent.
1.2
Une planification régionale et
locale défaillante
La politique de prévention et de gestion des
déchets implique l’intervention coordonnée de
différents niveaux de responsabilité, largement
décentralisés.
La planification est un levier
essentiel de cette coordination. Au niveau
régional, elle doit en particulier encadrer les
choix d’organisation et d’implantation des
équipements
structurants
à
l’échelle
du
territoire.
Au
niveau
local,
les
intercommunalités, chargées de la collecte et
du traitement des déchets ménagers, doivent
définir leur stratégie et programmer leurs
actions de prévention et de gestion.
Or, à ces deux niveaux, les documents
stratégiques font le plus souvent défaut.
1.2.1
Une
planification
régionale
qui
achoppe
sur
la
définition
des
équipements
de
traitement
structurants
Depuis 2002, la collectivité territoriale de
Corse, devenue collectivité de Corse en 2018,
est compétente en matière de planification des
déchets ménagers et assimilés et des déchets
industriels dangereux. Elle dispose, pour ce
faire,
des
moyens
de
l’Office
de
l’environnement
de
la
Corse
(OEC),
établissement public placé sous sa tutelle.
Aux termes de la loi du 7 août 2015 (loi Notre),
elle devait élaborer un plan territorial de
prévention et de gestion des déchets (PTPGD),
se substituant aux plans relatifs aux déchets
dangereux et non dangereux, respectivement
adoptés en 2018 et 2015. Ce document devait
également
inclure
la
problématique
des
déchets du BTP pour lesquels aucun plan
n’existe à ce jour.
En 2024, ces dispositions ne sont toujours pas
mises en œuvre. La Corse est, à ce jour, le seul
territoire
n’ayant
pas
de
plan
régional
approuvé pour la prévention et la gestion de de
ses déchets, alors que l’ensemble des autres
régions continentales a adopté ce document
entre octobre 2018 et mars 2020.
Rapport thématique régional –
La prévention et la gestion des déchets en Corse
9
Ces retards résultent pour l’essentiel des
difficultés rencontrées pour parvenir à une
définition des équipements structurants à
l’échelle du territoire.
Les choix stratégiques successivement retenus
en ce domaine, destinés tout d’abord à réduire
le recours à l’enfouissement puis à accroître le
volume des déchets valorisés, n’ont pas été mis
en
œuvre.
Le
projet
de
création
d’un
incinérateur, dont le financement était prévu
dans le cadre du programme exceptionnel
d’investissements (PEI) pour la Corse, a été
abandonné par décision de la collectivité
territoriale de Corse, sans qu’une alternative à
l’enfouissement soit proposée. Les crédits du
PEI ont été réorientés vers des opérations
consacrées aux décharges et aux centres
d’enfouissement (Cour des comptes, 2023).
La première version du projet de PTPGD,
finalisée en 2022, a achoppé sur les mêmes
écueils. Le projet se bornait à identifier les
grandes options techniques en matière de
traitement
des
déchets,
sans
prendre
clairement parti en faveur de l’une de ces
options.
Or, la planification doit être suffisamment
prescriptive. La réglementation prévoit ainsi
qu’elle comporte la mention des installations à
créer ou à adapter pour atteindre les objectifs
établis par le plan, et qu’elle soit suffisamment
précise
pour
permettre
d’évaluer
les
financements nécessaires. En l’espèce, le
caractère insuffisamment prescriptif du projet,
s’ajoutant à un pilotage défaillant de la
procédure d’élaboration, soulevait un risque
d’annulation du document.
Une seconde version du plan territorial a par
conséquent été élaborée. Si ce projet a reçu un
avis favorable de la commission d’enquête
publique, cette dernière a émis des réserves
pour demander la mise à jour des données
obsolètes et la réalisation d’importantes
études complémentaires, notamment sur les
installations de traitement, la valorisation
énergétique et l’impact environnemental. Ce
projet de plan constitue ainsi une avancée,
mais qui reste partielle pour la définition des
infrastructures nécessaires à la mise en œuvre
du plan à l’échelle du territoire.
1.2.2
Des stratégies locales peu formalisées
Les collectivités territoriales doivent, depuis
2012, se doter d’un programme local de
prévention des déchets ménagers et assimilés
(PLPDMA).
Ce document, qui doit être compatible avec la
planification
régionale,
doit
préciser
les
objectifs locaux de réduction des quantités de
déchets et les mesures mises en place pour les
atteindre.
Aucun
des
établissements
publics
de
coopération
intercommunale
(EPCI)
ne
disposait
d’un
tel
programme
lors
des
contrôles réalisés par la chambre entre 2019 et
2021, contre 36 % des collectivités interrogées
par l’ADEME en 2021 (ADEME, 2023). En 2023,
seule une intercommunalité sur les 19 que
compte la Corse avait adopté son PLPDMA, la
communauté d’agglomération du Pays ajaccien
l’ayant
adopté
par
délibération
du
25 juin 2022,
après
en
avoir
engagé
l’élaboration en 2020.
Le manque d’ingénierie interne aux EPCI - le
plus souvent de petite taille en Corse du fait
des dérogations prévues pour les zones de
montagne et les espaces peu denses qui
caractérisent l’essentiel du territoire insulaire -
constitue un frein important à l’adoption de ces
programmes. Seules quatre intercommunalités
dépassent en effet le seuil de 15 000 habitants
fixé par la loi nécessaire pour instituer une
communauté de communes.
Les difficultés des EPCI à exercer leurs
responsabilités de programmation n’ont été
que partiellement compensées par les actions
engagées par le syndicat mixte de valorisation
et de traitement (SYVADEC).
Rapport thématique régional –
La prévention et la gestion des déchets en Corse
10
La chambre a, ainsi, relevé à l’occasion du
contrôle du SYVADEC que ce dernier ne s’était
pas doté d’une programmation locale de ses
actions. Il a néanmoins adopté, en 2022, un
programme
local
de
prévention
et
de
valorisation
pour
la
période
2021-2026,
conformément aux engagements pris à l’issue
du contrôle de la chambre.
Cette programmation est une ressource utile
pour la coordination des actions entre le
syndicat et les collectivités qui en sont
membres. Elle n’a pas vocation, pour autant, à
se substituer à l’élaboration des PLPDMA, les
intercommunalités
devant
définir
les
orientations spécifiques à leurs territoires.
1.3
Un suivi de la planification à
renforcer
L’élaboration de la planification et le suivi des
actions programmées impliquent de disposer
de
données
quantitatives
et
qualitatives
fiables.
La
production
d’informations
consolidées au niveau régional s’est améliorée
ces dernières années, en dépit de lacunes
persistantes.
Au
niveau
des
intercommunalités,
des
progrès
dans
l’information des usagers sont également
relevés.
1.3.1
Une
observation
régionale
des
déchets à compléter et à coordonner
Les missions de suivi et d’évaluation de la
planification
régionale
n’ont,
dans
leur
ensemble, pas été assurées.
Ces missions ont
été confiées à l’observatoire territorial des
déchets (OTD) de l’office de l’environnement
de la Corse (OEC), outil de la collectivité de
Corse pour assurer le suivi de la planification.
Toutefois, l’observatoire n’a pas réalisé les
évaluations
annuelles
de
l’exécution
des
précédents plans territoriaux en matière de
déchets, prévues par la réglementation.
La connaissance des différents gisements de
déchets
est
insuffisante.
Les
données
disponibles sur les déchets des activités
économiques, et du BTP en particulier, sont en
effet anciennes et peu fiables. Leurs modalités
de traitement sont pour l’essentiel inconnues,
tandis que ces déchets font encore trop
fréquemment l’objet de dépôts sauvages.
De manière générale, l’estimation des déchets
produits par le BTP soulève des difficultés
spécifiques, du fait de la dispersion des
quantités produites et de la faiblesse des
volumes orientés vers les installations de
collecte ou de traitement. Aussi, des premières
méthodologies ont été définies à partir des
années 2000 pour accompagner les travaux de
planification.
Elles
reposent
sur
des
estimations par ratio, complétées du recueil de
données locales permettant de prendre en
compte les spécificités d’un territoire.
Du fait des moyens limités engagés par l’OEC,
l’élaboration de la planification régionale n’a
été alimentée par aucune donnée locale
récente, alors que la Corse est la région où le
bâtiment pèse le plus dans l’économie locale.
Compte tenu des quantités en jeu, cette
absence de données introduit de fortes
incertitudes
quant
à
la
fiabilité
de
la
planification.
Elle
est
d’autant
plus
dommageable qu’elle va de pair avec une
structuration insuffisante des relations avec les
acteurs de ce secteur, illustrant par là-même la
difficulté
à
apporter
des
solutions
opérationnelles et pérennes à la gestion des
déchets du BTP.
Rapport thématique régional –
La prévention et la gestion des déchets en Corse
11
Graphique n° 4 :
Le BTP, un secteur clé dont les
déchets sont insuffisamment connus
Source : PTPGD, 2022 ; INSEE, 2023.
En revanche, la connaissance des déchets
ménagers
et
assimilés
est
à
ce
jour
globalement assurée. Elle reste néanmoins
insuffisamment coordonnée.
En l’absence de stratégie de diffusion des
données par l’OTD, un autre observatoire a vu
le jour. Créé par le SYVADEC, l’observatoire des
déchets ménagers de Corse (ODEM) a déployé
une communication efficace, appuyée sur un
site internet performant et alimentée par des
synthèses régulières.
La coexistence de ces deux observatoires
appelle
des
clarifications.
La
mission
d’observation des déchets au niveau régional
incombe
avant
tout
à
l’office
de
l’environnement,
via
son
observatoire
territorial des déchets (OTD). À ce titre, il lui
revient d’organiser les relations entre les
producteurs et utilisateurs des données, de
sorte d’aboutir à une étude des différents
types
de
déchets
qui
soit
fiable
et
indépendante des intérêts spécifiques portés
par les fournisseurs de données.
1.3.2
Une information des usagers du
service public qui tend à se renforcer
Les EPCI contribuent à la production des
données qui, une fois consolidées, alimentent
les bilans régionaux, nationaux ou européens.
Au niveau local, ces données permettent
également
des
retours
d’information
à
destination des élus et des usagers du service
public.
La loi prévoit, en effet, la présentation
annuelle, par le président d’un EPCI à son
assemblée délibérante, d’un rapport sur le prix
et la qualité du service public (RPQS) de
prévention et de gestion des déchets ménagers
et assimilés.
Également destiné à l’information des usagers,
ce rapport rend compte de la situation de l’EPCI
par rapport aux objectifs de prévention et de
gestion
des
déchets.
Il
présente
les
performances du service, à partir notamment
du suivi de l’évolution des quantités collectées
pour les différents types de déchets ménagers
(déchets issus des collectes sélectives et ceux
qui ne sont pas triés et qualifiés d’ordures
ménagères résiduelles - OMR). Le rapport
expose également les dépenses et les recettes
du service.
Les quatre premiers contrôles réalisés par la
chambre sur la thématique « déchets », rendus
publics en 2021, ont permis de relever des
lacunes. Ainsi, les indicateurs techniques et
financiers
n’étaient
pas
intégralement
renseignés, deux intercommunalités n’ayant
pas présenté de rapports chaque année. À titre
d’exemple, la communauté d’agglomération
de Bastia n’a présenté aucun rapport entre
2016 et 2022, tandis que des anomalies dans la
périodicité et les délais de présentation ont été
relevées pour la communauté de communes
du Cap Corse.
La chambre a constaté une amélioration de la
qualité et de la fréquence de ces publications,
à partir du suivi des observations formulées à
l’occasion des contrôles rendus publics en 2021
(CRC,
Synthèse annuelle des recommandations
,
2023).
Rapport thématique régional –
La prévention et la gestion des déchets en Corse
12
Carte n° 1 :
EPCI contrôlés par la CRC sur la
thématique « déchets » entre 2020 et 2024
Source : CRC d’après cartographies Geoclip.
Les cinq
contrôles
réalisés
depuis 2022
confirment
néanmoins
les
difficultés
rencontrées par les intercommunalités dans
cet exercice. Les rapports présentés par les
communautés de communes de Marana Golo
et du Sartenais Valinco Taravo ne permettent
pas une information complète et détaillée sur
la performance et le coût du service. La
communauté de communes Pasquale Paoli n’a,
quant à elle, produit aucun rapport conforme
au cours de la période examinée. Seuls les
rapports
produits
par
la
communauté
d’agglomération du Pays ajaccien comportent
l’ensemble des indications techniques et
financières attendues, et sont publiés chaque
année.
Les efforts de fiabilisation des données doivent
également être poursuivis par les acteurs
locaux et régionaux.
Le service public de
prévention et de gestion des déchets doit, en
effet, réaliser un suivi de ses coûts au moyen
d'une comptabilité analytique. Pour ce faire,
l’ADEME a mis en place une base nationale de
données, dite « matrice de coûts », qui permet
de recenser les coûts de la compétence de
collecte et de traitement des déchets, selon
une méthodologie harmonisée.
Or, dans ses contrôles, la chambre a relevé de
nombreux
écarts
entre
les
données
renseignées par les collectivités dans cette
matrice et celles figurant dans leurs rapports
sur le prix et la qualité du service. Elles peuvent
également s’écarter de celles produites par le
SYVADEC. La chambre a par ailleurs souligné les
difficultés rencontrées par les EPCI pour
identifier les gisements en fonction des
producteurs de déchets.
Rapport thématique régional –
La prévention et la gestion des déchets en Corse
13
2
DES COUTS TRES ÉLEVÉS ET DES ÉQUILIBRES À TROUVER POUR LE
FINANCEMENT ET LA QUALITÉ DU SERVICE
En Corse, les intercommunalités supportent des coûts très élevés pour la gestion de leurs déchets. Des
marges de manœuvre existent, via le renforcement des efforts d’optimisation de l’organisation des
collectes et la mise en place de financements davantage corrélés à l’utilisation du service. La
progression des coûts liés au traitement est, en revanche, appelée à se poursuivre, sans que les
montants à la charge des collectivités pour le financement de ces équipements ne soient évalués par la
planification régionale.
2.1
Des coûts très élevés et un
financement peu incitatif
2.1.1
Un coût davantage à la charge du
contribuable que de l'usager
En Corse, le coût du service public des déchets a
progressé en moyenne de + 7 % chaque année
entre 2019 et 2022
, passant de 241 à 299 euros
par an et par habitant. Ce coût correspond au
triple de la moyenne nationale en 2021, et à
près du double des coûts relevés pour les seules
zones touristiques. Il représente en 2022
104 M€ sur l’ensemble du territoire corse.
Il s’agit du coût dit « aidé », soit celui restant à
la charge des collectivités après prise en compte
de certains produits (ventes, soutiens des
éco-organismes, subventions), qui viennent
réduire les montants à financer.
Le montant de ces produits, rapporté au
nombre d’habitants, est de 29 € HT en Corse,
comparable à celui constaté pour les zones
touristiques, de 30 € HT en 2021. (ADEME,
SYVADEC, 2023). En revanche, la structure de
ces produits diffère, puisque les recettes
industrielles liées à la revente de matière
(métaux,
papiers…)
et
les
soutiens
des
éco-organismes sont moins élevés en Corse que
pour les zones touristiques au niveau national,
ces montants étant compensés par des aides
publiques plus importantes.
Rapport thématique régional –
La prévention et la gestion des déchets en Corse
14
Pour assurer le financement du service public,
les communes et leurs groupements peuvent
choisir différentes modalités.
Ils peuvent, soit
décider
d’un
financement
par
la
taxe
d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM),
payée par le contribuable et dont le montant
dépend
d’un
taux
voté
par
l’assemblée
délibérante,
appliqué
à
la
même
base
d’imposition que la taxe foncière, soit instituer
une redevance d’enlèvement des ordures
ménagères (REOM), versée par l’usager et
constituant une contrepartie directe du service
rendu.
Enfin, une redevance spéciale (RS) peut être
instaurée en complément de la TEOM. Elle vise
les
établissements
publics
ou
privés
producteurs de déchets non ménagers, dont la
collecte et le traitement sont organisés par le
service public. Les collectivités qui n’ont opté ni
pour la TEOM, ni pour la REOM, sont tenues
d’instituer une redevance spéciale.
Les taxes et redevances spécifiques aux déchets
(TEOM, REOM, RS) assurent la couverture de
80 % en moyenne des coûts du service public de
collecte et de traitement en Corse, contre 103 %
au niveau national en 2018
(ADEME, SYVADEC,
2023). Le complément est donc financé à partir
du budget général des collectivités insulaires.
Ce recours au budget général est conforme à la
réglementation, dès lors que l’EPCI n’a pas
choisi un financement par la REOM. En effet, le
choix d’une telle redevance implique que la
gestion des déchets soit assurée sous la forme
d’un service public industriel et commercial
(SPIC),
doté
d’un
budget
distinct,
dont
l’équilibre doit être réalisé, sauf dérogations, à
l’aide des recettes liées à son activité.
En
2022,
17
intercommunalités
sur
19,
représentant 95 % de la population, ont eu
recours à la TEOM en Corse. La communauté de
communes Pasquale Paoli, avait opté pour la
REOM jusqu’en 2022, avant d’instituer la TEOM
par délibération du 26 septembre 2023, compte
tenu de difficultés récurrentes à assurer
l’équilibre du service.
La communauté de communes de l’Alta Rocca
assure le financement du service public des
déchets uniquement à travers son budget
général et une redevance spéciale.
Aucun des EPCI de Corse ne parvient à couvrir la
totalité des coûts du service des déchets par les
financements spécifiques qui y sont affectés,
taxes ou redevances.
Carte n° 2 :
Couverture des coûts par les
financements spécifiques (TEOM, RS, REOM)
Source : CRC d’après données SYVADEC (2023) et
cartcgraphies Geoclip.
Rapport thématique régional –
La prévention et la gestion des déchets en Corse
15
Or, le poids des charges liées à la compétence
« déchets », insuffisamment financée par les
recettes
dédiées,
pèse
fortement
sur
la
situation financière des intercommunalités. En
2019, elles représentaient, par exemple, le
quart du budget global de l’intercommunalité la
plus peuplée de l’île (CA du Pays ajaccien). Dans
certaines communautés de communes, elles
peuvent constituer jusqu’à 80% des dépenses
de fonctionnement (CC Pasquale Paoli). Leurs
capacités à exercer leurs autres compétences
en matière d’aménagement, de développement
économique ou de prévention des inondations,
ainsi qu’à financer leurs investissements, s’en
trouvent, dès lors, fortement contraintes (CC du
Cap Corse, CC de Marana Golo, CC Pasquale
Paoli).
2.1.2
Une
redevance
spéciale
pour
les
professionnels mal évaluée
La
redevance
spéciale
(RS)
contribue
à
l’application du principe « pollueur-payeur ».
Elle permet d’éviter de faire reposer sur les
ménages le coût de la gestion des déchets des
professionnels, et d’inciter ces derniers à les
réduire.
Son montant doit être calculé en fonction du
service rendu, et notamment de la quantité des
déchets gérés. Elle peut être fixée de manière
forfaitaire pour la gestion de petits volumes.
De manière générale, les contrôles réalisés par
la chambre montrent que les montants facturés
sont faiblement corrélés au service rendu.
Les règlements de collecte des collectivités,
lorsqu’ils
existent,
ne
présentent
pas
systématiquement les éléments nécessaires
pour définir ce service. Obligatoires, ces
documents précisent les modalités de collecte
des différentes catégories de déchets, et ils
conditionnent la mise en œuvre de sanctions
dans le cadre de l’exercice des pouvoirs de
police spéciale des maires ou des présidents
d’EPCI. Aucune sanction n’a été recensée dans
les contrôles effectués par la chambre.
Concernant les déchets assimilés visés par la
redevance spéciale, les règlements doivent en
préciser la nature, ainsi que la quantité pouvant
être prise en charge par le service public en plus
des déchets ménagers.
En outre, l’organisation des collectes, telle que
mise en place au moment des contrôles réalisés
par la chambre, ne permet pas toujours de
distinguer les déchets des ménages de ceux des
professionnels (CC Cap Corse, CC du Sartenais
Valinco Taravo).
Dans ce contexte, l’application d’un montant
forfaitaire reposant sur une faible valorisation
du service rendu demeure la règle. Les recettes
issues de la TEOM ou celles du budget général
sont alors les seuls leviers utilisés pour répondre
aux besoins de financement. L’indexation du
coût sur le service rendu, lorsqu’elle existe, ne
concerne alors qu’un nombre très limité
d’établissements (CC du Centre Corse).
Des évolutions conduisant à une meilleure
appréciation
du
service
rendu
aux
professionnels sont toutefois perceptibles.
La redevance spéciale tend, en effet, à se
généraliser. En 2022, 14 EPCI l’ont instaurée,
soit deux de plus qu’en 2019. Trois des
intercommunalités contrôlées par la chambre
ont par ailleurs décidé sa création depuis 2022
(CC du Fium’Orbu Castellu, CA du Pays Ajaccien,
CC Pasquale Paoli).
Ensuite,
parmi
les
entités
dotées
d’une
redevance spéciale, des améliorations sont
constatées quant à sa gestion.
La communauté de communes de la Costa
Verde
a,
ainsi,
engagé
un
travail
de
régularisation
permettant
l’application
effective de tarifs anciennement adoptés.
Une meilleure définition du service peut
également être relevée, du fait de l’adoption de
règlements de collecte par deux communautés
de communes qui en étaient dépourvues, ou de
réajustements de la redevance en vue d’une
contribution plus équilibrée des professionnels
(CRC,
Synthèse annuelle des recommandations
,
2023).
Rapport thématique régional –
La prévention et la gestion des déchets en Corse
16
2.1.3
La
nécessité
de
développer
la
tarification incitative
La tarification incitative permet de lier le
montant payé par les usagers à la quantité de
déchets qu’ils produisent.
La loi de transition énergétique pour la
croissance
verte
de
2015
a
imposé
sa
généralisation progressive, en fixant un objectif
de 25 millions d’habitants couverts en 2025.
Au 1
er
janvier 2021, 200 collectivités concernant
6,6 millions d’habitants appliquent des règles
de tarification incitative en France (ADEME,
2024). Ce sont, pour la plupart, des collectivités
rurales ou à dominante rurale, pour lesquelles
des résultats significatifs sont constatés en
matière de réduction des ordures ménagères et
de performances de tri. Aucune n’est située en
Corse.
Le développement de la tarification incitative
est une orientation portée depuis 2018 par la
collectivité de Corse et qui figure désormais
dans le projet de plan territorial.
Des étapes significatives pour sa mise en place
ont été franchies, avec l’impulsion d’un plan
territorial dédié. Accompagnées par le SYVADEC
et
avec
un
soutien
financier
de
l’OEC,
16 intercommunalités ont mis à l’étude le
recours
à
ce
financement.
Désormais,
l’ensemble des intercommunalités de Corse a
initié ou réalisé les études pour la mise en place
de la tarification incitative.
Un bilan établi par le SYVADEC en 2023 évalue
les effets cumulés attendus, à la fois, de la mise
en place de la tarification incitative, d’un plan
relatif aux biodéchets (voir
infra
) et des mesures
visant les déchets des professionnels. Selon ces
estimations, une baisse de 10 % des DMA est
attendue entre 2021 et 2030. À l’horizon 2030,
leur taux de valorisation atteindrait 52 %, tandis
que le taux d’enfouissement serait ramené à
48 %, soit un niveau certes inférieur aux 63 %
constatés en 2022, mais toujours nettement
supérieur à l’objectif réglementaire de 10 % fixé
pour 2035.
2.2
Des
collectes
fréquentes
génératrices de surcoûts
La collecte des déchets en Corse est rendue
complexe à la fois par la topographie et la faible
densité
du
territoire
mais
aussi
par
la
saisonnalité de sa fréquentation.
Ainsi, sur les 19 intercommunalités de l’île, 12
sont classées comme « très touristiques » selon
la typologie de l’ADEME.
En outre, les choix d’organisation et un niveau
élevé de service se traduisent par des coûts de
collecte des ordures ménagères supérieurs de
80% en moyenne aux montants constatés pour
les territoires touristiques au niveau national
(ADEME, SYVADEC, 2023).
Le principal mode de collecte déployé sur le
territoire est le point de regroupement, avec de
faibles performances en termes de tonnage
horaire
(SYVADEC,
2023).
Dans
certains
territoires, la collecte des ordures ménagères
en points de regroupement s’effectue sur un
rythme quotidien ou quasi quotidien. Dans les
zones touristiques ou à forte densité urbaine,
plusieurs passages sont ainsi réalisés chaque
jour,
jusqu’à
21
collectes
hebdomadaires
(SYVADEC 2023). Or, les fréquences supérieures
à quatre passages hebdomadaires sont rares à
l’échelle
nationale,
même
en
secteur
touristique.
Ainsi, le nombre et la fréquence des tournées
sont davantage déterminés par la saturation de
certains points de collecte, inadaptés aux
besoins de la population, que par le niveau
général de remplissage des bacs.
De manière générale, la chambre a constaté à
l’occasion de ses contrôles que les fréquences
de passage ne sont pas systématiquement en
adéquation
avec
les
variations
des
flux
saisonniers et les quantités collectées, ce qui se
traduit par des taux de remplissage des camions
de collecte peu élevés (CC du Sartenais Valinco
Taravo, CC du Fium’Orbu Castellu, CC du Cap
Corse, CA de Bastia, CC Pasquale Paoli).
Rapport thématique régional –
La prévention et la gestion des déchets en Corse
17
En outre, incité par la collectivité de Corse, le
nombre de différents flux collectés en porte-à-
porte (ordures ménagères, verre, papiers et
emballages) se généralise et constitue un autre
élément spécifique au territoire qui pèse sur les
coûts de collecte.
Pour ces motifs, les coûts de collecte sont
supérieurs
aux
références
nationales,
de
manière encore plus marquée pour la collecte
sélective.
Alors que pour les ordures ménagères
résiduelles et les emballages, ces coûts sont plus
élevés de 50 % en Corse que sur le reste du
territoire, ils sont trois à quatre fois plus élevés
pour le verre et le papier (ADEME, SYVADEC,
2023).
Ces moyennes recouvrent de fortes disparités.
En 2021, les coûts à la tonne des emballages et
du papier pour la communauté de communes
du Sartenais Valinco Taravo étaient, par
exemple, respectivement trois fois et onze fois
plus importants que la moyenne régionale. Des
coûts supérieurs à cette dernière pour le verre
ont
également
été
constatés
pour
la
communauté d’agglomération de Bastia et la
communauté de communes Pasquale Paoli, en
dépit des caractéristiques très différentes de
ces collectivités en termes de taille et de
densité.
La collecte des encombrants en porte-à-porte
se traduit également par des coûts élevés, dont
la chambre a relevé qu’ils étaient souvent
partiellement
évalués,
et
par
une
sous-
utilisation des recycleries du territoire.
Les démarches d’optimisation de l’organisation
des collectes, identifiées en 2018 comme
nécessaires pour accompagner la généralisation
du tri, ont tardé à se déployer
(OEC, CC Centre
Corse,
CA de
Bastia).
Elles
demeurent
essentielles pour trouver un meilleur équilibre
entre la qualité du service rendu et son coût
pour la collectivité, en interrogeant les modes
d’organisation et de fréquences de collectes
parfois insuffisamment remis en cause.
L’optimisation du temps de travail des agents de
collecte
et
les
actions
visant
à
réduire
l’absentéisme constituent
un
autre
levier
d’actions relevé par la chambre.
Enfin, les collectivités contrôlées exercent leur
compétence de collecte en régie, tout en ayant
recours, pour la plupart d’entre elles, à des
intervenants
externes
pour
certaines
prestations. Des marges d’efficience existent
pour le recours à ces prestataires, que ce soit en
amont, au niveau de la définition du besoin et
de la passation des marchés (CC du Cap Corse,
CC Pasquale Paoli), mais aussi pour le suivi des
prestations réalisées (CC du Centre Corse).
Là encore, la chambre a relevé les démarches
d’optimisation réalisées par les EPCI à l’occasion
du suivi de ses observations (CRC,
Synthèse
annuelle
, 2023). La mise à l’étude de la
tarification incitative constitue, par ailleurs, une
opportunité pour améliorer l’organisation des
collectes et maîtriser les coûts du service.
2.3
Le traitement : une hausse du
coût de l’enfouissement et des
alternatives à concrétiser
Le traitement des déchets comprend toutes les
opérations
de
valorisation
(recyclage,
valorisation organique et énergétique) ou
d’élimination
(stockage,
incinération
sans
valorisation énergétique). Il intègre également
la préparation qui précède la valorisation ou
l’élimination (centres de tri).
Entre 2019 et 2022, les charges liées au
traitement ont progressé de 18 % en moyenne
chaque année contre 7 % pour la collecte
(ADEME, 2019 ; ADEME, SYVADEC, 2023). Ces
évolutions soulignent les contraintes auxquelles
les intercommunalités corses sont confrontées.
Aux surcoûts liés au traitement des déchets
issus du tri dans un contexte insulaire et
d’absence de concurrence dans le secteur du
transport, s’ajoutent ceux imputables à la
montée en charge d’une fiscalité nationale
incitant à réduire le recours à l’enfouissement.
Rapport thématique régional –
La prévention et la gestion des déchets en Corse
18
Ce dernier était, jusqu’en 2020, relativement
moins coûteux que les autres modes de
traitement. La majoration progressive de la taxe
générale sur les activités polluantes (TGAP) vise
désormais
à
pénaliser
financièrement
l’enfouissement.
Au surplus, d’autres facteurs contribuent à
renchérir ce mode de traitement.
Les
blocages
successifs
des
centres
d’enfouissement ont contraint le SYVADEC à
expédier 14 000 tonnes de déchets sur le
continent entre décembre 2019 et avril 2020,
pour un surcoût de de 2,9 M€ pris en charge
in
fine
par la collectivité de Corse.
En outre, la fermeture des deux centres
d’enfouissement publics, dont celui de Vico qui
disposait encore d’importantes capacités de
stockage, oblige à recourir aux deux seuls
équipements existants sur l’île et gérés par des
opérateurs
privés.
Selon
la
chambre,
ce
revirement a majoré les coûts d’enfouissement
de 32 à 55 % (rapport SYVADEC).
Enfin, dans ce contexte et en l’absence de
création de nouveaux centres, les capacités de
stockage diminuent sur le territoire, alors même
qu’aucune solution alternative de traitement
n’est trouvée.
Cette situation nécessite chaque
année
que
les
autorités
préfectorales
augmentent la capacité de stockage autorisée
des
sites,
réduisant
d’autant
leur
durée
d’exploitation et générant un surcoût du fait de
l’application d’un tarif majoré au-delà des
capacités initiales.
En 2015, les installations pouvaient recevoir
195 000 tonnes de déchets non dangereux. Les
installations
actuelles
ont
une
capacité
théorique de stockage de 103 000 tonnes par an
jusqu’en 2029, puis de 45 000 par an jusqu’à
2037. Elles sont insuffisantes par rapport aux
besoins estimés dans le projet de plan
territorial. Ce dernier prévoit la création de
nouvelles installations pour une période dite
« transitoire », allant de 2022 à 2026. La
chambre a relevé, à l’occasion du contrôle de
l’OEC, que ces projets de création ne pourront,
selon toute vraisemblance, pas être réalisés
dans les délais.
La création de centres de tri et de valorisation
devrait permettre de réduire les tonnages à
enfouir. Or, la construction de deux centres,
inscrits depuis 2017 dans le plan pluriannuel
d’investissement
du
SYVADEC
fait
l’objet
d’incertitudes juridiques et financières.
Le coût du premier centre situé à Monte
(Haute-Corse), dont le projet a été soumis à
enquête publique en 2024, est estimé à 68 M€,
financé à 80 % par l’État au titre du plan de
transformation et d’investissement pour la
Corse (PTIC) et à 20 % par le SYVADEC. Pour
autant, la collectivité de Corse a introduit un
recours devant le tribunal administratif à
l’encontre de l’État et du SYVADEC sur le
financement de ce projet. La création du second
centre à Ajaccio (Corse-du-Sud) apparaît plus
incertaine dans la seconde version du plan.
Dans ce contexte, l’évaluation des coûts à la
charge des collectivités pour financer un
dispositif de traitement pérenne est soumise à
de fortes incertitudes, et elle ne figure pas dans
le projet de plan territorial. De même, le
financement
des
autres
équipements
nécessaires, qu’il s’agisse des infrastructures
pour le traitement des biodéchets ou la création
d’espaces de réemploi au sein des recycleries,
contribuera également à majorer les coûts. En
l’absence de solution de valorisation locale, il
existe un risque de transférer à nouveau sur le
continent les déchets non valorisés en Corse,
avec les coûts de transport et les impacts
environnementaux associés.
De manière générale, la progression des coûts
de traitement est appelée à se poursuivre.
La
question du financement des équipements
nécessaires pour répondre aux obligations
réglementaires reste en effet d’actualité, qu’il
s’agisse des centres de tri ou des infrastructures
pour le traitement des biodéchets ou la création
d’espaces de réemploi au sein des recycleries.
Rapport thématique régional –
La prévention et la gestion des déchets en Corse
19
3
DES EFFORTS À DEPLOYER POUR DÉVELOPPER LA PRÉVENTION ET
L'ÉCONOMIE CIRCULAIRE
De nombreux acteurs du territoire se sont engagés dans des démarches visant la réduction des déchets.
Ces expérimentations soulignent le potentiel de mobilisation des acteurs locaux. Elles mettent
également en évidence l’intérêt de les inscrire dans des stratégies plus formalisées, afin d’en évaluer
les résultats et de tirer parti de leurs enseignements. Les conditions d’opportunité (économique,
énergétique, environnementale) et de faisabilité à l’échelle régionale des solutions expérimentées pour
le traitement des biodéchets triés à la source appellent par ailleurs à être précisées, pour enrichir la
planification régionale et limiter les risques de création d’infrastructures qui ne seraient pas
soutenables.
3.1
Des actions de prévention qui
restent limitées
La prévention des déchets renvoie à l’ensemble
des mesures qui visent à réduire leur quantité
et leur nocivité. Les collectivités territoriales
disposent de plusieurs leviers pour intervenir
dans ce domaine (voir graphique ci-dessous).
Graphique n° 5 :
Principales actions de
prévention accessibles aux collectivités
Les dépenses consacrées à la communication et
à la prévention restent très limitées, même si
elles ont progressé entre 2018 et 2022.
Elles
représentent 2 % des charges du service public
en Corse en 2019, et 3 % en 2021, soit des
niveaux comparables aux moyennes nationales
(ADEME, 2021 ; ADEME, SYVADEC, 2023).
Les moyens des EPCI en ce domaine sont, pour
l’essentiel, des moyens humains. Toutefois, si
les deux communautés d’agglomération de l’île
sont dotées de personnels permanents chargés
de ces missions, ce n’est le cas que de trois des
sept communautés de communes contrôlées
par la chambre entre 2021 et 2024.
Dans ces conditions, l’action des EPCI repose sur
fortement sur les programmes du SYVADEC à
destination de ses collectivités membres. Le
budget
du
syndicat
consacré
à
la
communication et la prévention des déchets a
été multiplié par trois en 2016 et 2020
(SYVADEC).
Les
actions
de
communication ont
pour
l’essentiel accompagné la mise en place de la
collecte sélective de proximité
. Ensemble, elles
ont permis dans certains cas de faire passer le
taux de tri de certaines localités de 3 % à 25 %
dans l’intervalle d’une année (CC Fium’Orbu
Castellu).
Rapport thématique régional –
La prévention et la gestion des déchets en Corse
20
Des
programmes
spécifiques
ont
été
développés dès 2016 pour les établissements
d’enseignement du primaire (EcoScola) et du
secondaire (EcoCulleghju et EcoLiceu). Ces
actions de sensibilisation au tri, à la réduction
des déchets et au gaspillage alimentaire,
notamment dans les cantines, accompagnent la
mise en place d’un programme d’actions pour
l’établissement scolaire, donnant lieu à l’octroi
d’un label. En 2022, 78 % des établissements du
primaire et 18 % de ceux du secondaire étaient
labellisés en Corse (SYVADEC, 2023).
Les actions de prévention les plus importantes
engagées par les EPCI ont concerné les
biodéchets
, initiées dans un premier temps
via
le déploiement de solutions de compostage de
proximité. Pour autant, en 2022, 28 % de la
population insulaire est équipée d’une solution
de compostage de proximité et 12 % dispose
d’une
collecte
séparative
des
biodéchets
(SYVADEC,
2023).
L’objectif
réglementaire,
fixant au 1
er
janvier 2024 la généralisation du tri
des biodéchets pour les professionnels et les
particuliers,
n’est
donc
pas
atteint.
Ces
résultats, semblables cependant à la situation
constatée au niveau national, contrastent avec
l’ambition affirmée de faire du tri à la source des
biodéchets
un
élément
prioritaire
de
la
politique régionale de prévention et de gestion
des déchets (OEC).
Plusieurs EPCI se sont engagés dans des projets
mettant l’accent sur la prévention des déchets
et favorisant notamment les solutions de
compostage
de
proximité
(voir
encadré
ci-contre).
En l’absence de programmes locaux et de
méthodes permettant un suivi dans la durée des
quantités de déchets évités, l’impact de ces
mesures reste difficile à évaluer.
Les actions en ce domaine peuvent néanmoins
prendre appui sur une ingénierie et des retours
d’expériences. En 2021, une étude sur la
généralisation des solutions de tri à la source
des
biodéchets
sur
toutes
les
intercommunalités de Corse a été réalisée par le
SYVADEC. Conjugués avec les études relatives à
la mise en place d’une tarification incitative, ces
travaux mettent l’accent sur les besoins
d’optimisation de la gestion des déchets.
Une
dynamique
plus
structurée
d’accompagnement
des
territoires
pourra
permettre aux intercommunalités de définir les
solutions les mieux adaptées aux différents
types d’habitat
(mise en place de collecte
séparative,
solutions
de
compostage
de
proximité, individuelles ou collectives).
Elle
reste
néanmoins
insuffisamment
coordonnée, en l’absence d’un réel pilotage de
la planification régionale.
Des expérimentations pour le
traitement des biodéchets
Cinq
collectivités
corses
parmi
les
153
territoires mobilisés dans les appels à projets
« Territoire Zéro Déchet Zéro Gaspillage »
(TZDZG)
Les deux communautés d’agglomération de
l’île, le SYVADEC et deux communautés de
communes se sont portés volontaires pour
s’engager sur la réduction du gaspillage, la
prévention et la valorisation des déchets.
Les actions de prévention prévues dans ce
cadre ont fait l’objet d’un début de mise en
œuvre. La chambre a relevé toutefois que
l’absence de stratégie formalisée de la part des
collectivités a pu constituer un obstacle pour
orienter les moyens affectés à ce projet
(communauté d’agglomération de Bastia), pour
mesurer
l’impact
des
actions
réalisées
(communauté de communes du Fium’Orbu), ou
pour tirer les enseignements des évaluations
mises en place (communauté d’agglomération
du Pays Ajaccien).
Une expérimentation pour le captage et le
traitement des biodéchets en circuit court en
Centre Corse
La communauté de communes du Centre Corse
a intégré en 2015 un programme, soutenu par
des fonds européens, pour le développement
de modèles adaptés aux zones touristiques et
aux activités agricoles.
L’action
s’appuyait
sur
l’installation
d’un
composteur électromécanique d’une capacité
de 100 tonnes par an recevant les biodéchets
des gros producteurs (université, cantine,
hôpital...). Le projet, d’un montant total de
400 000 € sur les trois années, a été financé à
90 % par des fonds européens.
Rapport thématique régional –
La prévention et la gestion des déchets en Corse
21
Les EPCI ont parfois rencontré des difficultés,
pour
la
collecte
des
biodéchets
des
professionnels, à mobiliser ces derniers dès lors
qu’ils bénéficiaient d’une collecte gratuite
(CC Fium’Orbu Castellu), faute de redevance
spéciale.
La collecte des biodéchets des professionnels a
en revanche joué un rôle essentiel dans la
croissance des volumes de biodéchets collectés
par les deux agglomérations de l’île (CA de
Bastia, CA du Pays ajaccien). Parmi les 11
intercommunalités qui assurent une collecte
des biodéchets sur tout ou partie de leur ressort
en 2022,
cinq
l’ont axée
sur
les
seuls
professionnels (SYVADEC, 2023).
Pour donner plein effet à ces mesures, des
efforts doivent être menés, dans le cadre de la
planification
régionale,
pour
préciser
les
installations de valorisation de la matière
organique
nécessaires
sur
le
territoire
(plateformes
de
compostage,
unités
de
méthanisation).
Cela
suppose
de
mieux
appréhender les exutoires disponibles pour les
déchets organiques et d’intégrer le plus en
amont
possible
les
enjeux
énergétiques
impliqués dans ces choix d’organisation.
3.2
Des performances de tri encore
insuffisantes
Les ordures ménagères collectées en mélange,
c’est-à-dire celles qui ne sont pas triées pour
être valorisées, constituent l’essentiel des
déchets collectés en Corse.
En 2022, elles représentent 401 kg sur les
662 kg de déchets ménagers produits par
habitant, soit nettement plus que les quantités
issues de la collecte séparée (emballages, verre,
papiers, biodéchets) ou déposées en recyclerie.
Selon la dernière étude menée par le SYVADEC
en 2022, près de 70 % du contenu des ordures
ménagères pourrait être valorisé.
Graphique n° 6 :
Production de déchets
ménagers par habitant et par an
Source : CRC, d’après SYVADEC, 2023.
Graphique n° 7 :
Part des ordures ménagères
pouvant être valorisées
Source : CRC, d’après SYVADEC, 2023.
401 kg
214 kg
289 kg
157 kg
202 kg
338 kg
91 kg
92 kg
127 kg
Corse
(2022)
Moy. nationale
Moy. touristique
Ordures ménagères
Déchets de recycleries
Collecte sélective
Rapport thématique régional –
La prévention et la gestion des déchets en Corse
22
3.3
Le
levier
de
l'économie
circulaire
qui
peine
à
se
concrétiser
L’économie
circulaire
est
un modèle
de
production
et
de
consommation visant
à
prolonger le cycle de vie des produits et
matériaux
, afin de limiter le gaspillage des
ressources et la production des déchets.
Graphique n° 8 :
L’économie circulaire
Source : CRC, d’après ADEME.
Ce modèle présente des atouts indéniables
pour atténuer les contraintes économiques et
logistiques liées à l’insularité, et leurs incidences
sur la production et la valorisation des déchets.
Les plans régionaux de prévention et de gestion
des déchets doivent intégrer un plan d’actions
spécifique, consacré au développement de
l’économie circulaire.
En Corse, sa première version, finalisée en 2020
sous le pilotage de l’OEC, a mis l’accent sur la
nécessité de dépasser des actions jugées trop
ponctuelles, et de construire une gouvernance
intégrée entre la collectivité de Corse, les
agences et offices concernés (environnement,
économie, transport, tourisme…) et la chambre
des territoires.
La mise en œuvre du futur plan territorial sera
une
opportunité
pour
relancer
cette
dynamique, qui peine à se concrétiser à ce jour.
Au
niveau
régional,
l’économie
circulaire
représente une part modeste des projets
soutenus par la collectivité de Corse,
via
son
office de l’environnement, en matière de
prévention et de gestion des déchets.
Ainsi, seuls 8 % des 8,15 M€ attribués par la
collectivité de Corse dans le cadre du volet
« déchets et économie circulaire » du contrat
de plan État-région 2015-2020 ont bénéficié à
des projets de prévention et de développement
de l’économie circulaire.
Le
nombre
d’opérations bénéficiant d’un
soutien
financier
de
l’OEC
au
titre
de
l’économie circulaire a même eu tendance à
baisser au cours de la période récente.
Graphique n° 9 :
Aides attribuées par l’OEC à
des projets relevant de l’économie circulaire
Source : CRC, d’après données OEC.
0
2
4
6
8
10
-
100 000
200 000
300 000
400 000
2019
2020
2021
2022
2023
Montants attribués (en € )
Nombre d'opérations soutenues
Rapport thématique régional –
La prévention et la gestion des déchets en Corse
23
Pour étendre son action et mobiliser les acteurs
économiques, l’office a signé, en 2023, une
convention avec la chambre de commerce et
d’industrie (CCI) de Corse visant à accompagner
les entreprises dans ces démarches.
Le SYVADEC développe, par ailleurs, dans les
déchetteries qu’il gère des zones de dépôt
destinées aux produits réemployables pour
permettre,
notamment,
aux
acteurs
de
l’économie sociale et solidaire de récupérer et
de traiter les objets en bon état et réparables.
Enfin, des communautés de communes peuvent
également contribuer au développement d’une
politique du réemploi au niveau régional
(voir encadré ci-contre).
Pour conclure :
Sur la base de cette synthèse, la chambre réitère les principales orientations qui sous-tendent les
recommandations formulées à l’occasion de ses contrôles :
- améliorer la connaissance des gisements de déchets selon le type de producteur, aussi bien au niveau
local qu’à l’échelle régionale ;
- programmer des études pour compléter la planification régionale et préciser les choix d’équipements
structurants en intégrant leur coût ;
- formaliser la programmation des actions de prévention et de gestion des déchets par l’adoption des
documents de planification réglementaires, en assurer le suivi et rendre compte de leur exécution ;
- poursuivre les démarches d’optimisation des organisations de collecte, notamment dans la
perspective de la mise en place de financements à caractère incitatif.
La création d’espaces dédiés au
réemploi
Le supermarché inversé : un lieu de réemploi,
de réparation et de revente
En 2021, un supermarché inversé a ouvert sur le
territoire de la communauté de communes de la
Costa Verde, alimenté par des objets déposés à
la déchetterie de Levole et par des apports
directs de particuliers. Cet espace permet la
mise à disposition gratuite de biens en état
d’usage. L’opération, d’un coût de 0,06 M€, a été
financée à près de 60 % par l’ADEME et l’Office
de l’environnement de la Corse (OEC).
Par le biais d’une convention, une association
accueille le public deux matinées par semaine.
Sur l’année 2022, le supermarché inversé a
enregistré 977 passages et permis le réemploi de
4,2 tonnes de déchets.
Rapport thématique régional –
La prévention et la gestion des déchets en Corse
24
ANNEXES
Annexe n° 1. Glossaire
.................................................................................................................
25
Annexe n° 2. Liste des abréviations
.............................................................................................
26
Annexe n° 3. Références
.............................................................................................................
27
Rapport thématique régional –
La prévention et la gestion des déchets en Corse
25
ANNEXE N° 1. GLOSSAIRE
Collecte :
toute opération de ramassage des déchets en vue de leur transport vers une installation de
traitement des déchets ;
Élimination :
toute opération qui n’est pas de la valorisation même lorsque ladite opération a comme
conséquence secondaire la récupération de substances, matières ou produits ou d’énergie ;
Gestion des déchets :
la collecte, le transport, la valorisation et, l’élimination des déchets et, plus
largement, toute activité participant de l’organisation de la prise en charge des déchets depuis leur
production jusqu'à leur traitement final, y compris les activités de négoce ou de courtage et la
supervision de l’ensemble de ces opérations ;
Point d’apport volontaire :
les déchets sont déposés dans des conteneurs spécifiques installés en
différents points fixes, accessibles à l’ensemble de la population ;
Point de regroupement :
les déchets sont déposés dans des conteneurs spécifiques installés en
différents points fixes sur la zone de collecte et destinés à un groupe d’usagers identifiés ;
Porte à porte :
les déchets triés sont déposés dans des contenants spécifiques affectés à un ou
plusieurs producteurs de déchets et disposés à proximité de leur domicile ;
Prévention :
toutes mesures prises avant qu’une substance, une matière ou un produit ne devienne
un déchet, lorsque ces mesures concourent à la réduction d’au moins un des items suivants :
- la quantité de déchets générés, y compris par l’intermédiaire du réemploi ou de la prolongation de la
durée d’usage des substances, matières ou produits ;
- les effets nocifs des déchets produits sur l'environnement et la santé humaine ;
- la teneur en substances nocives pour l'environnement et la santé humaine dans les substances,
matières ou produits ;
Réemploi :
toute opération par laquelle des substances, matières ou produits qui ne sont pas des
déchets sont utilisés de nouveau pour un usage identique à celui pour lequel ils avaient été conçus ;
Recyclage :
toute opération de valorisation par laquelle les déchets, y compris les déchets organiques,
sont retraités en substances, matières ou produits aux fins de leur fonction initiale ou à d'autres fins.
Les opérations de valorisation énergétique des déchets, celles relatives à la conversion des déchets en
combustible et les opérations de remblaiement ne peuvent pas être qualifiées d’opérations de
recyclage ;
Réutilisation :
toute opération par laquelle des substances, matières ou produits qui sont devenus des
déchets sont utilisés de nouveau ;
Traitement :
toute opération de valorisation ou d’élimination, y compris la préparation qui précède la
valorisation ou l’élimination ;
Valorisation :
toute opération dont le résultat principal est que des déchets servent à des fins utiles en
substitution à d'autres substances, matières ou produits qui auraient été utilisés à une fin particulière,
ou que des déchets soient préparés pour être utilisés à cette fin, y compris par le producteur de
déchets.
Rapport thématique régional –
La prévention et la gestion des déchets en Corse
26
ANNEXE N° 2.LISTE DES ABREVIATIONS
ADEME
Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie
CA
Communauté d’agglomération
CC
Communauté de communes
DMA
Déchets ménagers et assimilés
EPCI
Établissement public de coopération intercommunale
INSEE
Institut national de la statistique et des études économiques
OEC
Office de l’environnement de la Corse
ODEM
Observatoire des déchets ménagers
OTD
Observatoire territorial des déchets
PEI
Programme exceptionnel d’investissements pour la Corse
PLPDMA
Programme local de prévention des déchets ménagers et assimilés
PRPGD
Plan régional de prévention et de gestion des déchets
PTPGD
Plan territorial de prévention et de gestion des déchets
REOM
Redevance d’enlèvement des ordures ménagères
RPQS
Rapport sur le prix et la qualité du service public
RS
Redevance spéciale
SPGPD
Service public de prévention et de gestion des déchets
SYVADEC
Syndicat mixte pour la valorisation des déchets de Corse
TEOM
Taxe d’enlèvement des ordures ménagères
TGAP
Taxe générale sur les activités polluantes
Rapport thématique régional –
La prévention et la gestion des déchets en Corse
27
ANNEXE N° 3.REFERENCES
Contrôles pris en compte pour la synthèse régionale sur les déchets
CRC, 2021,
Communauté de communes du
Fium’Orbu Castellu
;
CRC, 2021,
Communauté de communes du
Centre-Corse
;
CRC, 2021,
Communauté de communes du
Cap Corse
;
CRC, 2021,
Communauté d’agglomération de
Bastia
;
CRC, 2022,
Communauté d’agglomération du
Pays ajaccien
;
CRC, 2022,
Syndicat mixte pour la valorisation des déchets de Corse (
Syvadec
) ;
CRC, 2023,
Communauté de communes
Pasquale Paoli
;
CRC, 2024,
Communauté de communes de
Marana-Golo
;
CRC, 2024,
Communauté de communes de la
Costa Verde
;
CRC, 2024,
Communauté de communes du
Sartenais Valinco Taravo
;
CRC, 2024,
Office de l’environnement de la Corse
.
Autres publications des juridictions financières
CRC, 2023,
Synthèse annuelle 2022
des suites données aux observations de la CRC Corse formulées en
2021 ;
CRC, 2024,
Synthèse annuelle 2023
des suites données aux observations de la CRC Corse formulées
en 2022
;
Cour des comptes, 2022, P
révention, collecte et traitement des déchets ménagers : une ambition à
concrétiser,
Cour des comptes,
Rapport public thématique ;
Cour des comptes, 2023, « Cahier sectoriel déchets »,
Les enseignements du programme exceptionnel
d’investissements en faveur de la Corse
, Cour des comptes,
Évaluation de politique publique
.
Références externes
OEC, 2022,
Projet de PTPGD
;
ADEME, 2021,
Référentiel corse des coûts 2019 de la gestion des déchets
;
ADEME, 2023,
La collecte des déchets par le service public en France.
Résultats 2021
;
ADEME, 2023,
Déchets chiffres-clés ;
ADEME, 2024,
Bilan des collectivités en tarification incitative au 1
er
janvier 2021.
Rapport final.
ADEME, SYVADEC, 2022,
Le coût du service public de prévention et de gestion des déchets de Corse.
Référentiel 2021 ;
ADEME, SYVADEC, 2023
, Le coût du service public de prévention et de gestion des déchets de Corse.
Référentiel 2022
;
SYVADEC, 2023,
Synthèse de l’Observatoire des déchets ménagers de Corse
;
SYVADEC, 2023,
Synthèse. Plan régional de tarification incitative
;
SYVADEC, 2024,
données en ligne
.
Insee, 2021,
La Corse en bref
;
Insee Analyses Corse
, 2023, n° 48 « Le bâtiment en Corse, pilier de l’emploi régional ».
Rapport thématique régional –
La prévention et la gestion des déchets en Corse
RÉPONSES DE M. MARC-ANTOINE NICOLAI
PRÉSIDENT DE LA COMMUNAUTÉ DE COMMUNES DE LA COSTA VERDE
ET DE M. FRANÇOIS SAGENTINI
PRÉSIDENT DE LA COMMUNAUTÉ DE COMMUNES PASQUALE PAOLI
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Le présent rapport
est disponible sur
le site internet
de la chambre régionale des comptes Corse.