COMMUNIQUÉ DE PRESSE
27 mars 2024
Rapport public thématique
LE SOUTIEN DE L’ÉTAT AUX SERVICES
À LA PERSONNE
En 2022, les services à la personne ont représenté plus de 8,8 Md€ de soutiens spécifiques
aux 4,4 millions d’utilisateurs qui y ont eu recours. Ils regroupent 26 secteurs de nature très
diverse, relevant de besoins sociaux essentiels comme de services de la vie quotidienne.
Ces activités bénéficient de soutiens publics en développement régulier, reposant
principalement sur un crédit d’impôt en faveur de l’emploi direct ou indirect d’un salarié à
domicile, généralisé en 2018. Dans un contexte sous tension, la Cour a examiné ces soutiens
de l’État sous l’angle de la qualité de la dépense publique. Elle propose des perspectives
d’évolution qui, sans dégrader la réalisation des principaux objectifs de ces soutiens, sont
porteuses d’économies.
Une stagnation de l’activité malgré des soutiens croissants
Lors de sa précédente enquête sur le sujet en 2014, la Cour des comptes avait souligné la
nécessité de mieux mesurer l’efficacité des soutiens publics, dans un contexte marqué par un
essoufflement de la dynamique enclenchée au début des années 2000. Depuis, la dépense
publique consacrée à ces activités a continué à augmenter avec une hausse de plus de 40 % sur
dix ans. Cette hausse contraste avec la stagnation de l’activité observée depuis 2015. Le coût
des aides spécifiques s’élève à 9,38 € par heure travaillée, soit un montant proche de celui du
Smic horaire brut, en hausse de 29 % en euros constants sur dix ans.
Un secteur hétéroclite, des objectifs multiples et peu hiérarchisés
La politique de soutien aux services à la personne souffre d’un double problème majeur de
conception. D’une part, son objet même est un ensemble hétéroclite d’activités exercées selon
des modalités d’emploi et des régimes juridiques divers. Elles regroupent des métiers variés,
dont le seul point commun est de s’exercer au domicile des particuliers. Cette hétérogénéité
fragilise la définition d’une stratégie d’ensemble, au point que la pertinence même d’une
politique en faveur des services à la personne peut être discutée. D’autre part, les objectifs
poursuivis par ces soutiens se sont progressivement sédimentés, sans que les priorités, parfois
contradictoires, soient hiérarchisées. Les objectifs économiques transversaux, tels que la lutte
contre le travail dissimulé ou le développement de l’emploi, côtoient des enjeux sociaux
propres à certaines activités comme le maintien à domicile des personnes âgées ou en situation
de handicap. La dernière formalisation explicite d’une stratégie d’ensemble remonte au
« plan Borloo » de 2005. Le développement du secteur tend à devenir la justification principale
des mécanismes de soutien.
Une dispersion du pilotage et des instruments
Le pilotage de ces aides constitue un défi, puisque les compétences sont à la fois partagées
entre l’État, les collectivités territoriales et la Sécurité sociale, mais aussi, au sein de l’État, entre
huit directions d’administration centrale. Le rôle de chef de file attribué au ministère chargé de
l’économie traduit une priorité implicite accordée aux objectifs économiques et au secteur
privé à but lucratif. Pour autant, les conséquences n’en ont pas été tirées en matière de
rattachement budgétaire des dépenses, qui restent affectées au ministère chargé de l’emploi.
Il est nécessaire de mettre fin à ce rattachement artificiel, et, une fois les objectifs clarifiés,
d’adosser les dépenses aux administrations réellement responsables. Les défauts inhérents à
la conception de cette politique se reflètent logiquement dans le déploiement des dispositifs
de soutien. Ils poursuivent une multitude d’objectifs différents, ce qui rend l’évaluation de leur
efficacité délicate. La complexité de ces mécanismes se double d’une instabilité préjudiciable à
leur lisibilité et accroît les risques d’irrégularités et de fraude. Les réformes récentes n’ont été
précédées ni d’études d’impact ni d’une analyse globale de l’articulation entre les différents
leviers de soutien.
Des résultats peu évalués et modestes au regard de la dépense
Les soutiens publics produisent des résultats décevants. Les lacunes dans les données
statistiques et l'absence de vision claire des flux financiers entravent l'évaluation précise de
l'efficacité des dépenses publiques. Face à ces constats et à la perspective d'une augmentation
des dépenses liées à l’autonomie, une refonte est nécessaire pour mettre fin à une
augmentation non contrôlée. Il est nécessaire de restreindre les activités éligibles aux soutiens
et de rationaliser les mécanismes d'aide en limitant l'utilisation des taux réduits de TVA et en
simplifiant les régimes de cotisations sociales. S’agissant du crédit d’impôt, deux scénarios sont
proposés. Le premier vise à le recentrer sur les services de la vie quotidienne et sur l’objectif de
lutte contre le travail dissimulé, sans affaiblir le soutien aux activités relevant des politiques
sociales, qui bénéficieraient d’une réallocation des dépenses fiscales. Le second, moins radical,
consisterait à moduler les paramètres de l'avantage fiscal en fonction des activités concernées,
des caractéristiques des contribuables et, le cas échéant, des modalités de recours aux services
à la personne. Une telle refonte des mécanismes de soutien pourrait engendrer des économies
significatives pour les finances publiques, allant jusqu'à 1,1 Md€, soit plus de 10 % de l'effort
financier total.
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