Chapitre introductif
_____________________ PRÉSENTATION_____________________
Les juridictions financières ont décidé en 2022 de consacrer le
rapport public annu
el de 2024 au thème de l’adaptation de l’action
publique au changement climatique.
Les efforts destinés à atténuer le changement climatique ont été
largement évoqués au cours des trois dernières décennies, notamment à
l’occasion de grands accords internati
onaux, comme le Protocole de
Kyoto en 1997 et l’Accord de Paris de 2015.
Les juridictions financières
ont choisi d’informer les citoyens sur l’adaptation
aux effets du
changement climatique
qui s’impose dès maintenant à l’ensemble de
l’action publique. Mêm
e si la première stratégie nationale française en la
matière date de 2006, cet aspect est entré plus récemment dans les
préoccupations de chacun et dans le débat public.
Malgré l’importance des mesures d’atténuation du changement
climatique, centrées sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre
(GES) qui restent l’objectif premier, les derniers rapports du Groupe
d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC)
45
soulignent que le changement du climat est inéluctable et irréversible au
cours du siècle. S’il en était besoin, l’été 2022, dont les canicules répétées,
les épisodes de sécheresse, les feux de forêts, les inondations et les tempêtes
ont marqué les Français, aura installé la question de l’adaptation au cœur
de l’action publiqu
e
.
À l’urgence de l’atténuation s’est ainsi ajoutée la
prise de conscience mieux partagée de la nécessité de l’adaptation.
45
Le GIEC a été créé conjointement par l'Organisation météorologique mondiale et le
Programme des Nations Unies pour l'environnement en 1988. 195 États en sont
membres. Plusieurs centaines de scientifiques contribuent à ses travaux. Les évaluations
du GIEC fournissent aux gouvernements des éléments scientifiques sur lesquels ils
peuvent s’appuyer pour élaborer des politiques dans le domaine du climat
. Elles servent
de base aux négociations internationales sur le changement climatique.
COUR DES COMPTES
94
Le territoire national sera affecté de façon très différenciée par le
changement climatique, en métropole comme dans les outre-mer. La
plupart des territoires ultra-marins sont situés en zone tropicale, marquée
par des températures moyennes plus élevées et des régimes de
précipitations particuliers. Leur dispersion géographique sur le globe a
pour conséquence que chacun pourra être affecté différemment par des
événements violents, comme les cyclones, sous l’effet du réchauffement
climatique, ou par la hausse du niveau de la mer.
La définition de l’adaptation au changement climatique retenue au
plan international a été précisée dans les rapports successifs du GIEC. Ce
dernier définit désormais
46
l’adaptation au changement climatique comme
«
la démarche d’ajustement au climat actuel ou attendu, ainsi qu’à ses
conséquences. Pour les systèmes humains, il s’agit d’atténuer ou d’éviter
les eff
ets préjudiciables et d’exploiter les effets bénéfiques. Pour certains
systèmes naturels, l’intervention humaine peut faciliter l’adaptation au
climat attendu ainsi qu’à ses conséquences
».
Schéma n° 1 :
atténuation du changement climatique et adaptation
au changement climatique
Source : ministère de la transition énergétique / Observatoire national sur les effets du
réchauffement climatique (Onerc)
Avec la création récente du Secrétariat général à la planification
écologique, qui en renforce le pilotage, la politique
nationale d’adaptation
aux effets du changement climatique relève en premier lieu des ministères
en charge de l’écologie, de l’énergie et du climat, et, en leur sein, de la
direction générale de l’énergie et du climat.
46
Glossaire publié en annexe du 5
ème
rapport du GIEC, 2014.
CHAPITRE INTRODUCTIF
95
Ces ministères s’appuient en particu
lier sur quelques grands
établissements publics pour l’élaboration et la mise en œuvre
de cette
politique : Météo France, en interaction avec les instituts spécialisés sur
le climat, l’Ademe et le Cerema.
Parce que ses effets sont variés et diffus, l’adaptation de l’action
publique au changement climatique concerne plus largement tous les
acteurs publics
: chacun des ministères, l’ensemble des collectivités
territoriales et des entreprises publiques. Et elle impacte naturellement les
acteurs privés, les entreprises comme les ménages et les associations.
La France a-t-elle pleinement pris la mesure de ces enjeux ? Les
acteurs publics, nationaux et locaux, ont-ils correctement analysé les multiples
conséquences possibles du changement climatique ? Ont-ils suffisamment
modifié les politiques publiques existantes ou en ont-ils élaboré de nouvelles
pour y faire face ? Sont-ils parvenus à mobiliser les acteurs économiques ?
À l’heure où le Gouvernement prépar
e le troisième Plan national
d’adaptation au changement c
limatique (PNACC) sur des bases très
différentes de celles du plan précédent en termes de projections
climatiques à 2030, 2050 et 2100, il
est illusoire d’espérer
répondre de
façon définitive à ces questions. Parce que le changement climatique est
lui-même progressif, et que son ampleur et ses divers effets à long terme
restent aujourd’hui incertains, d’autant plus à des échelles territoriales
réduites, la France et chacun de ses territoires devront eux aussi s’y
adapter progressivement, tout au long de ce siècle.
Dans ce cadre, les échelles de temps ne sont d’ailleurs pas les
mêmes selon les sujets. Dans certains cas, comme la prise en charge des
personnes fragiles en période de canicule, c’est dès maintenant que
l’action publique se trouve fortement sollicitée. Dans d’autres, comme la
résistance d’infrastructures ou d’équipements nouveaux face à une hausse
potentielle du niveau de la mer d’ici la fin du siècle, il s’agit d’abord
d’éviter de prendre aujourd’hui de mauvaises décisions qui ne tiendraient
pas suffisamment compte de ce phénomène.
De plus, la répartition des actions entre politiques d’atténuation et
d’adaptation est parfois difficile : végétaliser pour capter du carbone et en
même temps rafraîchir ; rénover des bâtiments tant pour limiter les besoins
de chauffage l’hiver que pour se protéger de la chaleur l’été.
Néanmoins, dans la plupart des cas, les politiques d’atténuation et
d’adaptation sont bien distinctes, facilitant ainsi leur identification et leur
analyse ; il est ainsi possible d’examiner, secteur par secteur, si l’adaptation
dans notre pays a commencé ou non à être prise en compte, dans le cadre de
diverses politiques nationales et locales, et d’en apprécier les premières
incidences, aux mêmes échelles territoriales. Une première appréciation des
résultats, de la part tant de la Cour des comptes que des chambres régionales
COUR DES COMPTES
96
et territoriales des comptes, est ainsi réalisable. Les juridictions financières
ont d’ores et déjà mené plusieurs travaux en ce sens ces dernières années,
consacrés par exemple au retrait-gonflement des sols argileux, à la prévention
du risque d’inondation en Île
-de-
France, à l’adaptation du parc nucléaire et à
la gestion quantitative de l’eau
en période de changement climatique.
Cet exercice plus transversal est d’auta
nt plus utile que les
politiques d’adaptation vont commencer à peser sur les finances publiques
nationales et locales, tout en affectant les ménages et les acteurs
économiques, et que ne pas s’adapter, ou mal s’adapter, pourrait se révéler
à terme bien plus coûteux.
Il s’agit donc aussi d’un enjeu important au regard de la situation
des finances publiques, le financement de cette adaptation devant trouver
sa place dans une trajectoire d’ensemble conciliant transition écologique
et qualité de la dépense publique. P
lus largement encore, c’est une
question de responsabilité et de solidarité entre les générations.
Ce chapitre introductif présente les éléments communs aux seize
chapitres sectoriels à suivre : l’évolution en cours du climat, dans le monde
et en France et les efforts de la communauté internationale, à ce jour
insuffisants, pour le limiter (I
) ; la nécessité d’adaptation multiforme qui
en résulte et le cadre de sa mise en œuvre en France (II).
I -
Un changement climatique de plus en plus prégnant
Alors
que les températures moyennes sont en hausse sur l’ensemble
de la planète depuis le début du siècle dernier, les rapports successifs du
GIEC éclairent ce que pourrait être l’évolution du climat au cours des
prochaines décennies. La mobilisation internation
ale pour tenter d’atténuer
le changement climatique s’avère à ce jour insuffisante pour garantir le
respect des objectifs de l’Accord de Paris.
A -
Des effets déjà mesurables, tributaires de l’évolution
des émissions de gaz à effet de serre
Sans remonter aux temps géologiques anciens, marqués par des
changements climatiques naturels importants, la France a toujours été
soumise aux variations climatiques et à des épisodes météorologiques
pouvant paraître exceptionnels, qu’il s’agisse de grands froids, de
canicu
les, d’épisodes de sécheresse, d’inondations ou de tempêtes.
CHAPITRE INTRODUCTIF
97
Mais, avec l’ère industrielle, elle est progressivement entrée, comme
le reste de la planète, dans une période de changement climatique d’origine
anthropique, c’est
-à-dire «
une évolution du climat venant s'ajouter à ses
variations naturelles, qui est attribuée aux émissions de gaz à effet de serre
engendrées par les activités humaines, et altérant la composition de
l’atmosphère de la planète
47
».
1 -
L’évolution du réchauffement
climatique dans le monde
L’augmentation des températures moyennes à la surface du globe
,
observable depuis le début du XX
e
siècle, est plus forte depuis 1980,
comme le montre le graphique suivant :
Graphique n° 10 :
évolution des températures moyennes mondiales depuis 1850
Source : ministère de la transition énergétique / ONERC
Le GIEC estime que la hausse moyenne pour la dernière décennie
(2011-2020) a déjà atteint 1,1° C par rapport à la période 1850-1900.
L’Organisation météorologique mondiale (OMM) souligne que, depuis les
années 1980, chaque décennie est plus chaude que la précédente, et que les
huit dernières années (2015 à 2022) ont été les plus chaudes jamais
enregistrées au niveau mondial
48
.
47
Définition donnée par la Commission générale de terminologie et de néologie,
publiée au Journal Officiel du 12 avril 2009.
48
L’état
du climat mondial en 2022
, OMM, avril 2023. Les températures sont
enregistrées à travers le monde depuis 1850.
COUR DES COMPTES
98
Les rapports successifs du GIEC ont progressivement éclairé ce que
pourrait être l’évolution
du climat au cours des prochaines décennies, en
fonction de l’ampleur et de la rapidité des mesures d’atténuation. Le
sixième rapport d’évaluation du GIEC, dont la synthèse a été publiée le
20 mars 2023
49
, présente
ainsi cinq scénarios d’évolution du climat d’ici
2100, en fonction de celles des émissions de gaz à effet de serre
50
pour
l’ensemble du monde.
Les cinq scénarios du sixième rapport du GIEC
-
SSP1-1.9 : les émissions de GES sont en baisse dès 2025 et la neutralité
carbone est atteinte dès 2050.
-
SSP1-2.6 : les émissions de GES sont en baisse dès 2025 mais la neutralité
carbone n’est atteinte qu’en 2075.
-
SSP2-
4.5 : les émissions se maintiennent au rythme actuel jusqu’en 2050,
puis sont divisées par quatre d’ici 2100.
-
SSP3-7.0 : les émissions de GES dou
blent d’ici 2100.
-
SSP5-
8.5 : les émissions de GES doublent d’ici 2050 puis continuent à
croître jusqu’en 2080 avant de se stabiliser à un niveau très élevé.
Ce sixième
rapport rappelle qu’au
-delà de ces cinq scénarios, des
éventualités à faible probabilité telles que des effondrements de calotte glacière
ou des changements abrupts de circulation océanique ne peuvent être exclues.
Jusqu’au
quatrième rapport du GIEC, les projections climatiques
étaient fondées sur les scénarios issus du
Special Report on Emissions
Scenarios (SRES)
; le cinquième rapport a retenu de nouveaux scénarios
appelés
«
profils représentatifs d’évolution de concentration (RCP)
»
, le
sixième, des scénarios dits «
shared socio-economic pathways
» ou SSP.
Certains acteurs continuant de s’appuyer sur les scénarios du cinquième
rapport du GIEC pour l’élaboration de données territorialisées en attendant
leur mise à jour sur la base des scénarios du sixième rapport, la double
référence aux scénarios RCP et SSP est conservée ici.
49
IPCC_AR6_SYR_LongerReport.pdf
50
Les sept principaux gaz à effet de serre couverts par les traités internationaux sont,
au titre de la liste initiale du Protocole de Kyoto : dioxyde de carbone (CO
2
), méthane
(CH
4
), oxyde nitreux (N
2
O), hydrofluorocarbones (HFC), hydrocarbures perfluorés
(PFC), hexafluorure de soufre (SF
6
) et, ajouté en 2012, trifluorure d’azote (NF
3
). Leurs
impacts respectifs en termes de réchauffement sont très différents. Les émissions de
GES sont de ce fait présentées en équivalent CO
2
.
CHAPITRE INTRODUCTIF
99
Le graphique ci-dessous représente l
’évolution des
émissions pour
le CO
2
correspondant à ces scénarios :
Graphique n° 11 :
émissions annuelles futures de CO
2
en fonction
de cinq scénarios
Source : GIEC 6
ème
rapport, Résumé à l’intention des décideurs
: « Changement climatique
2021, Les bases scientifiques physiques », B. page 14
En fonction de l’évolution des émissions de GES, le GIEC évalue, à
partir de nombreux modèles climatiques, celle des températures moyennes à
la surface du globe, à diverses échéances tout au long du XXI
e
siècle par
rapport à la période 1850-1900. Elles sont présentées dans le tableau suivant.
Tableau n° 9 :
évaluation des changements de température à la surface
du globe pour une sélection de périodes de 20 ans et pour les cinq scénarios
d'émissions considérés par rapport à la période 1850-1900
Court terme 2021-2040
Moyen terme 2041
–
2060
Long terme 2081
–
2100
Scenario
Meilleure
estimation (°C)
Fourchette très
probable (°C)
Meilleure
estimation (°C)
Fourchette très
probable (°C)
Meilleure
estimation (°C)
Fourchette très
probable (°C)
SSP1-1.9
1,5
1,2 à 1,7
1,6
1,2 à 2,0
1,4
1,0 à 1,8
SSP1-2.6
1,5
1,2 à 1,8
1,7
1,3 à 2,2
1,8
1,3 à 2,4
SSP2-4.5
1,5
1,2 à 1,8
2,0
1,6 à 2,5
2,7
2,1 à 3,5
SSP3-7.0
1,5
1,2 à 1,8
2,1
1,7 à 2,6
3,6
2,8 à 4,6
SSP5-8.5
1,6
1,3 à 1,9
2,4
1,9 à 3,0
4,4
3,3 à 5,7
Source : GIEC 6
ème
rapport,
Résumé à l’intention des décideurs
« Changement climatique 2021 - Les bases
scientifiques physiques ». B.1.1 page 15
COUR DES COMPTES
100
Le sixième rapport du GIEC
51
montre que, même pour le scénario
le plus favorable, la hausse des températures moyennes serait proche de
1,5°
C en 2050 comme en 2100. Ce niveau devrait d’ailleurs être atteint à
brève échéance (potentiellement dès 2030 et en tout cas dans la période
menant à 2040), quel que soit le scénario.
Il souligne surtout que le scénario intermédiaire SSP2-4.5, le plus
proche des trajectoires actuelles et des engagements pris à ce jour par les
États en termes de mesures d’atténuation, conduit à une hausse d
e 2 °C dès
le milieu du siècle et proche de 3 °C en 2100.
Le graphique suivant permet de visualiser les hausses de
températures auxquelles amènent à échéance 2100 chacun des cinq
scénarios retenus.
Graphique n° 12 :
changement de température à la surface du globe
par rapport à 1850-1900
Source : GIEC 6
ème
rapport, 2021,
Changement climatique 2021, Les bases scientifiques
physiques, Résumé à l’intention des décideurs
, B.5.3, page 25
51
Ce sixième rapport comporte pour la première fois un atlas interactif qui présente les
évolutions projetées pour chaque région de la planète en fonction des cinq scénarios.
CHAPITRE INTRODUCTIF
101
Ce sixième rapport confirme également que dès l’obtention de la
neutralité carbone, la poursuite du réchauffement pourrait être très faible,
voire nulle
: dans le scénario le plus favorable, celui d’une décroissance
des émissions à très brève échéance, la hausse de la température moyenne
serait légèrement plus faible en 2100 (+1,4
°C) qu’en 205
0 (+1,6 °C). Cela
souligne à la fois l’urgence et l’importance des mesures d’atténuation
: s’il
est possible d’espérer stabiliser le climat, ce ne sera pas aux mêmes
températures selon le rythme et l’ampleur de ces mesures.
Le rapport rappelle enfin la corrélation entre la hausse des températures
moyennes et celles des événements climatiques extrêmes (intensité des
précipitations, extrêmes des températures, sévérité des sécheresses, etc.).
2 -
Le réchauffement climatique en France
Le sixième rapport du GIEC souligne également que plus les
températures moyennes augmenteront à la surface du globe, plus elles
seront différenciées selon les régions. D’ores et déjà, la hausse moyenne
de 1,1 °C par rapport à la période 1850 -1900 enregistrée pour la décennie
2011-2020
correspond à une augmentation différenciée d’environ 0,9
°C
au-dessus des océans mais de 1,6 °C au-dessus des terres émergées. Ainsi,
l’hémisphère nord, qui contient plus de terres émergées, se réchauffe
davantage que l’hémisphère sud.
D’une manière gé
nérale, le GIEC constate des évolutions
différenciées selon la latitude, dont il découle que la région Arctique se
réchauffe deux fois plus vite que la moyenne de la planète. Les cartes
suivantes illustrent ces phénomènes.
COUR DES COMPTES
102
Carte n° 1 :
répartition et intensité du réchauffement moyen à la fin
du siècle par rapport à la période 1850-1900
Source
: travaux de la phase 6 du projet d’intercomparaison des modèles couplés (CMIP6)
utilisés par le GIEC dans son 6
ème
rapport
En France métropolitaine, les températures évoluent et évolueront
plus fortement que sur la moyenne du globe.
Selon Météo France, un net réchauffement est observable depuis une
quarantaine d’années et, depuis 2010
, la température moyenne annuelle a
été régulièrement supérieure de 1,5 à plus de 2 °C à celle de la période
1961-
1990, comme l’illustre le graphique suivant.
CHAPITRE INTRODUCTIF
103
Graphique n° 13 :
évolution de la température moyenne annuelle
en France métropolitaine de 1900 à 2022
Source : Météo France. Note
: L’évolution de la température moyenne annuelle est représentée
sous forme d’é
cart de cette dernière à la moyenne observée sur la période 1961-1990 (11,8 °C)
L’augmentation de la température annuelle moyenne s’accompagne
de celle de la fréquence et de l’intensité
des vagues de chaleur. Selon Météo
France, le territoire métropolitain subit cinq fois plus de vagues de chaleur
depuis
une dizaine d’années
que dans les années 1980. On en dénombre
ainsi 22 depuis 2010, plus qu
’au cours d
e la période 1947-2000.
Dans ce contexte, plusieurs laboratoires spécialisés (et contribuant
aux travaux
du GIEC) comme ceux fédérés au sein de l’Institut Pierre
-
Simon Laplace, mènent des études destinées à mieux apprécier l’impact
potentiel pour notre pays de différentes hypothèses de hausse moyenne des
températures, dans le monde,
d’ici la fin du siècle.
Ainsi, le scénario le plus favorable SSP1-1.9 entraînerait pour la France
métropolitaine une hausse moyenne plus proche de 2 °C que de 1,5 °C. Pour
le scénario intermédiaire SSP2-4.5, le plus proche des trajectoires actuelles, la
hausse moyenne de près de 3
°C pour l’ensemble de la planète se traduirait par
une hausse de l’ordre de 3,8
°C pour la France métropolitaine, selon une étude
publiée en octobre 2022
52
. La situation de chaque territoire d’outre
-mer sera
spécifique, au regard de son positionnement géographique.
52
Étude d’Aurélien Ribes, Julien Boé, Saïd Qasmi, Brigitte Dubuisson, Hervé Douville
et Laurent Terray, signataires et par ailleurs climatologues de Météo France et du CNRS.
COUR DES COMPTES
104
Les spécificités du changement climatique dans les outre-mer
L’outre
-mer français est, pour la plupart de ses composantes, situé
en zone tropicale (Polynésie française, Nouvelle-Calédonie, Wallis et
Futuna, La Réunion, Mayotte, Martinique, Guadeloupe, Guyane, Saint-
Barthélemy et Saint-Martin). Les climats ultramarins sont ainsi très
différents du climat métropolitain, avec des températures moyennes plus
élevées, des régimes de précipitations particuliers et des saisons définies
davantage par les périodes de pluies.
Leur situation insulaire ou en basses latitudes entraîne une forte
exposition de la plupart
de ces territoires à des
aléas d’origine
hydrométéorologique parfois violents (cyclones, tempêtes, sécheresses, etc.).
Compte tenu de la forte variabilité climatique et météorologique
dans les régions tropicales, il est important d’essayer de déterminer
comment ces événements violents seront affectés par le réchauffement en
cours. Les principales projections mettent en évidence de fortes disparités
régionales dans la zone intertropicale, avec des degrés d’incertitude encore
élevés. Certains de ces territoires peuvent en outre être très affectés par la
hausse du niveau de la mer.
Les régions ultramarines de plus haute latitude (Saint-Pierre-
et-Miquelon, Terres australes et antarctiques françaises) font face à des
tempêtes, de fortes houles et des périodes de grands froids.
De même que l’augmentation de la température pour l’ensemble du
globe se traduira de façon différenciée selon les régions du monde, celle
que connaîtra en moyenne la France métropolitaine n’affectera pas de la
même façon chacune de ses régions. Météo France a développé à partir de
2012 un portail, dénommé DRIAS
53
, ouvrant accès aux données
régionalisées des projections climatiques les plus récentes produites par les
laboratoires de recherche sur le climat en France. Il est destiné à faciliter
une meilleure appropriation, par les acteurs de chaque territoire, de
l’évolution possible du climat à une échelle réduite.
Il découle des projections DRIAS 2020
54
, fondées sur les scénarios du
5
ème
rapport du GIEC, que le réchauffement devrait être plus important dans
les zones de montagne (Alpes et Pyrénées) qu’en plaine, et qu’un écart
entre
le Sud-Est et le Nord-Ouest, de plus en plus marqué dans le temps et en
fonction des scénarios d’évolution des émissions de GES, devrait être observé,
avec une différence d’augmentation des températures moyennes entre les deux
zones allant de 1 à 1,5 degré, comme l’illustrent les trois cartes suivantes
:
53
Donner accès aux scénarios climatiques Régionalisés français pour l'Impact et
l'Adaptation de nos Sociétés et environnement (DRIAS).
54
rapport-DRIAS-2020-red3-2.pdf (drias-climat.fr)
CHAPITRE INTRODUCTIF
105
Carte n° 2 :
augmentation des températures en France
métropolitaine à échéance 2085 sur la base du scénario RCP 2.6
d’évolution des émissions de GES du 5
ème
rapport du GIEC
Source : Météo France, projections DRIAS 2020
Notes de lecture :
Écart de température moyenne [°C] : différence entre la période considérée et la période de référence
Pour le RCP2.6 : Scénario avec une politique climatique visant à faire baisser les
concentrations en CO2
Horizon lointain (autour de 2085) - Moyenne actuelle
Produit multi-modèles de DRIAS-
2020 : médiane de l’ensemble
COUR DES COMPTES
106
Carte n° 3 :
augmentation des températures en France
métropolitaine à échéance 2085 sur la base du scénario RCP 4.5
d’évolution des émissions de GES du 5
ème
rapport du GIEC
Source : Météo France, projections DRIAS 2020
Notes de lecture :
Écart de température moyenne [°C] : différence entre la période considée et la période de référence
Pour le RCP4.5 : Scénario avec une politique climatique visant à stabiliser les concentrations en CO2
Horizon lointain (autour de 2085) - Moyenne annuelle
Produit multi-modèles de DRIAS-
2020 : médiane de l’ensemble
CHAPITRE INTRODUCTIF
107
Carte n° 4 :
augmentation des températures en France
métropolitaine à échéance 2085 sur la base du scénario RCP 8.5
d’évolution des émissions de GES du 5
ème
rapport du GIEC
Source : Météo France, projections DRIAS 2020
Notes de lecture :
Écart de température moyenne [°C] : différence entre la période considérée et la période de référence
Pour le RCP8.5 : Scénario sans politique climatique
Horizon lointain (autour de 2085) - Moyenne actuelle
Produit multi-modèles de DRIAS-
2020 : médiane de l’ensemble
Ces écarts de températures devraient se refléter dans l’évolution
différenciée selon les régions des précipitations sur l’année, des pluies
extrêmes, des vagues de chaleur, du nombre de nuits tropicales, des
épisodes de sècheresse, des jours de vague de froid, de gel et des vents forts
(cf. la deuxième partie ci-après).
COUR DES COMPTES
108
B -
Une mobilisation internationale aux effets limités
La communauté internationale s’est progressivement mobilisée
d’abord pour tenter d’éviter puis, à défaut d’y être parvenue, d’atténuer le
changement climatique. Trois étapes jalonnent ce processus : la
Convention-
cadre de 1992, le Protocole de Kyoto de 1997 et l’Accord de
Paris de 2015. L’Union européenne, qui a joué un rôle important dans cett
e
mobilisation, a traduit les accords en découlant dans des textes
juridiquement contraignants pour ses membres, dont il résulte des
engagements différenciés pour chacun d’eux. Pour autant, cette
mobilisation internationale s’avère à ce jour insuffisante p
our atteindre les
objectifs de l’Accord de Paris.
1 -
Les accords internationaux sur le climat
La Convention-cadre des Nations-Unies sur les changements
climatiques est l’une des trois
55
« conventions de Rio » adoptées pendant
le Sommet de la Terre de 1992. Ent
rée en vigueur en 1994, elle n’a
demandé qu’aux pays développés, dits «
de l’Annexe I
», membres de
l’OCDE ou, à l’époque, en transition vers l’économie de marché s’agissant
des pays d’Europe centrale et orientale, considérés comme historiquement
responsables du
changement climatique d’origine anthropique, de
ramener
d’ici 2000 leurs émissions de GES à leurs niveaux de 1990
.
Le Protocole de Kyoto, adopté en 1997 lors de la troisième
conférence des parties (COP) à la Convention cadre et entré en vigueur en
2005, a rendu cette dernière plus contraignante en assignant comme
objectif aux pays
de l’Annexe I la réduction, entre 2008 et 2012, d’au
moins 5 % par rapport à leur niveau de 1990 de leurs émissions de six gaz
à effet de serre. Cet objectif a été décliné en objectifs différenciés pour les
37 pays figurant à l’Annexe I.
En 2012, à la suite de l’échec de la COP 15 de Copenhague en 2009,
un amendement au Protocole de Kyoto dit « amendement de Doha » a fixé
de nouveaux engagements à ces pays sur une nouvelle période allant
jusqu’en 2020, en échange de l’engagement d’une négociation devant
aboutir à un nouvel accord climatique de portée plus générale
56
.
55
Les deux autres étant la convention sur la diversité biologique et celle sur la lutte
contre la désertification.
56
À noter l’absence de ratification du Protocole par les Etats
-Unis, le retrait du Canada en
2011 et le refus de certaines parties de prendre des engagements pour une nouvelle période.
CHAPITRE INTRODUCTIF
109
L’Accord de Paris, fruit de ce processus de négociation, a été adopté
en décembre 2015 par 196 parties, lors de la 21
ème
conférence des parties à
la Convention-cadre, la « COP 21 », et est entré en vigueur en novembre
2016. Prenant acte du changement climatique en cours, cet Accord de Paris
donne comme objectif de maintenir l’augmentation de la température
moyenne mondiale
« bien au-dessous de 2° au-dessus des niveaux pré-
industriels et de poursuivre les efforts pour limiter l’augmentation de la
température à 1,5° au-dessus des niveaux pré-industriels »
. L’objectif n’est
ainsi plus d’empêcher le changement climatique mais d’en limiter l’ampleur.
Cet Accord concerne à présent toutes les parties
57
et non plus
uniquement les pays dits de l’Annexe I. Cette évolution était devenue
nécessaire pour qu’une politique climatique mondiale ait une chance de
succès au regard de l’
augmentation des émissions de gaz à effet de serre de
pays intermédiaires comme la Chine, devenue depuis 2006 premier
émetteur mondial et désormais à l’origine de l’ordre de 30 % des émissions
annuelles mondiales, comme le montre le tableau suivant pour le CO
2.
Tableau n° 10 :
répartition géographique des émissions de CO
2
dans le monde, en millions de tonnes
1990
2019
Part 2019
(%)
Évolution
1990-2019 (%)
États-Unis
5 065
5107
13,4
+ 6,3
Brésil
228
477
1,2
+109,2
UE à 27
3 821
2 939
7,7
-23,1
Dont Allemagne
1 018
703
1,8
-31,0
Dont France
390
322
0,8
-17,3
Dont Italie
430
332
0,9
-22,9
Royaume-Uni
588
365
1,0
-37,9
Chine
2 405
11 535
30,3
+379,7
Inde
600
2 597
6,8
+ 333,0
Japon
1 149
1 154
3,0
+ 0,4
Total pays de l’annexe I
15 004
13 212
34,8
-11,9
Total pays hors annexe I
7 050
23 447
61,7
+232,6
Monde
22 683
38 017
100
+67,6
Sources : ministère de la transition énergétique
–
Chiffres clés du climat, 2022
Nb
: l’écart entre l’addition Annexe 1 plus hors Annexe 1 et le total monde
provient des trafics
aériens et maritimes internationaux.
57
Les Etats-Unis ont « réintégré
» l’Accord de Paris en février 2021.
COUR DES COMPTES
110
L’Accord de Paris fonctionne par périodes de cinq ans
: des actions
climatiques de plus en plus ambitieuses sont obligatoirement présentées par
chaque pays, également invité à élaborer, sur une base volontaire, des
stratégies à long terme de réduction de ses émissions. À partir de 2024,
chaque
pays
devra
rendre
compte
des
progrès
réalisés.
Des
recommandations pourront être
adressées à certains d’entre eux pour les
pousser à élaborer des plans renforcés de réduction de leurs émissions. Il
ne s’agit donc plus d’arrêter en amont des objectifs précis par pays mais de
piloter une stratégie globale compatible avec l’objectif commu
n de
limitation de l’ampleur du changement climatique. Les COP successives
intervenues depuis
l’
Accord de Paris
s’efforcent de mettre en œuvre
l’ensemble des éléments techniques qu’il comprend, comme les
financements pour les pays les plus vulnérables lors de la COP 27 de 2022.
2 -
L
e rôle moteur de l’Union européenne
Depuis l’origine, l’Union européenne a été motrice dans la
mobilisation internationale. La France y a pris une part importante, à Kyoto
et en organisant la COP 21 à Paris. À chaque étape, l’Union
a pris pour
elle-même des engagements de réduction élevés.
Ainsi, dans le cadre du Protocole de Kyoto, l’Union européenne et
ses quinze membres de l’époque ont accepté un objectif de baisse moyenne
de leurs émissions de 8 %, au-delà des 5 % prévus pour les pays de
l’Annexe I. En 2012, dans le cadre de l’amendement de Doha, l’Union
européenne s’est engagée à réduire ses émissions de 20
% en 2020 par
rapport à 1990. L’Accord de Paris
a marqué une accélération importante :
l’Union européenne s’est alors engagé
e à réduire ses émissions de GES de
40
% par rapport aux niveaux de 1990 d’ici à 2030.
En 2019, l’Union européenne a complété cet objectif, en se donnant
pour ambition d’atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050. Pour y
parvenir, elle a lancé le « Pacte vert
» pour l’Europe
, qui mêle déclinaisons
sectorielles et plans de financement, puis a transformé l’engagement de
neutralité carbone d’ici 2050 en obligation contraignante, par la
« loi
européenne sur le climat »
adoptée le 24 juin 2021
58
.
Celle-ci fixe un nouvel objectif intermédiaire
: il s’agit désormais
d’obtenir une baisse des émissions d’au moins 55
%, et non plus de 40 %,
d’ici à 2030. Pour atteindre ce résultat, la Commission européenne a présenté
le 14 juillet 2021 un paquet législatif dit
« Fit for 55 »
d’ajustement à cet
objectif de réduction de 55 %, adopté en avril 2023. Il comporte notamment
un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières de l’UE.
58
Règlement du Parlement européen et du Conseil du 24 juin 2021 établissant le cadre
requis pour parvenir à la neutralité climatique, dite
« loi européenne sur le climat »
.
CHAPITRE INTRODUCTIF
111
3 -
La traduction pour la France des engagements de l’Union européenne
Dans le cadre du Protocole
de Kyoto comme de l’Accord de Paris,
l’Union européenne a pris un engagement global (la «
bulle »
européenne), réparti entre ses membres de façon différenciée. Dans un
premier temps, les efforts demandés à la France sont restés limités. Il n’en
est plus de
même aujourd’hui.
Ainsi, en 1997, pour un objectif moyen de réduction de émissions
de GES de 8 % entre 2008 et 2012 par rapport à 1990, celui de la France
était de 0
%, compte tenu de son niveau relatif d’émissions par rapport à
d’autres pays membres
59
. Da
ns le même temps, l’Allemagne se voyait
attribuer une baisse de 21 %, le Royaume-Uni de 12,5 %.
Puis, dans le cadre de l’amendement de Doha, la réduction moyenne
de 20
% pour l’UE s’est traduite pour notre pays par un engagement de
réduction de 14 % par ra
pport à 2005, au regard de la nécessité d’accentuer
pour tous les États membres la réduction globale des émissions.
Les émissions de GES sur le territoire français ont effectivement
reculé au cours des trente dernières années dans des proportions conformes
aux objectifs fixés. Elles ont ainsi baissé de 20 % de 1990 à 2019, passant,
en équivalent tonnes de CO
2
60
, de 544 à 436 millions de tonnes
61
, dont pour
ce dernier chiffre environ 75 % au titre du dioxyde de carbone et 13 % au
titre du méthane
62
.
L’empreinte
carbone de la France, incluant les échanges
internationaux, est quant à elle estimée à 618 millions de tonnes équivalents
CO
2
en 2019 et 604 en 2021. Elle diminue depuis 2010.
Ce rythme de réduction des émissions devra s’accentuer à l’avenir.
Dans un
premier temps, la France s’est engagée, en cohérence avec
l’Accord de Paris et au travers de la loi de transition écologique pour la
croissance verte de 2015, à réduire ses émissions de GES de 40 % (comme
l’engagement initial de l’UE) en 2030 par rapport à
1990. Avec la loi
59
Du fait notamment de la part en France d’électricité décarbonée d’origine nucléaire
et hydraulique, au regard d’une production d’électricité reposant encore largement à
l’époque sur le charbon dans d’autres pays d’Europe.
60
Hors prise en compte du secteur dit UTCATF (utilisation des terres, changement
d’affectation des terres et foresterie) qui vient pour notre pays réduire les émissions
brutes de GES au titre des puits de carbone. Ces derniers sont toutefois de moins en
moins efficaces sur notre territoire ; les méthodologies de calcul pour ce secteur sont
par ailleurs en cours de révision à la demande du GIEC.
61
Celles pour 2022 sont provisoirement estimées à 403,8 millions de tonnes ; celles
pour 2020 et 2021 sont moins représentatives du fait de la crise sanitaire.
62
Ministère de la transition énergétique,
chiffres clé du climat
, édition 2022.
COUR DES COMPTES
112
relative à l’énergie et au climat adoptée le 8 novembre 2019, elle s’est par
la suite engagée à atteindre la neutralité carbone en 2050, conformément à
l’objectif arrêté par l’UE cette même année.
La loi européenne sur le climat de 2021,
réhaussant l’objectif
européen à une baisse d’au moins 55
% d’ici à 2030, puis l’adoption du
paquet législatif dit
« Fit for 55 »
amènent à accentuer à nouveau le niveau
national de réduction des émissions de GES pour 2030.
Le Haut conseil pour le climat (HCC)
63
a ainsi souligné, dans ses
rapports annuels 2022 et 2023, que ces textes impliqueraient un
renforcement de l’objectif de réduction des émissions brutes de la France
à hauteur de
–
50 % en 2030 par rapport à 1990. Cela nécessiterait un
doublement du rythme actuel de réduction de nos émissions de GES,
d’environ 9 Mt éqCO
2
en moyenne par an, à 17 Mt éqCO
2
.
La Première ministre a annoncé le 22 mai 2023 retenir cet objectif
de baisse de 50 % qui devrait ainsi être inscrit dans la prochaine loi de
programm
ation pour l’énergie et le climat.
4 -
Des efforts internationaux aux résultats pour l’instant insuffisants
Le Protocole de Kyoto s’est effectivement traduit par une réduction
des émissions de GES des pays de l’Annexe 1 supérieure à l’objectif qui leur
avait
été assigné à l’échéance de 2020, pour l’essentiel grâce aux résultats
obtenus par les membres de l’Union européenne (les émissions de l’UE à 27
ont diminué de 23 % entre 1990 et 2019). Dans le même temps, les émissions
des pays intermédiaires ont considérablement augmenté, comme celles de
l’ensemble du monde sous cet effet (cf. le tableau n°
2 ci-dessus).
Cela ne signifie pas une absence d’effort de la part de ces pays : on
relève parmi des pays fortement émetteurs une diminution du niveau
d’émissions de
GES par point de produit intérieur brut entre 1990 et 2019 :
- 66 % en Chine, - 25 % en Inde, à comparer à
–
54 % aux Etats-Unis,
- 56
% pour l’UE à 27 et –
49 % pour la France
64
.
63
Institué par le décret du 14 mai 2019, le HCC est un organisme indépendant, chargé
d’évaluer la stratégie du Gouvernement en matière de climat et sa cohérence av
ec les
engagements européens et internationaux de la France.
64
Source :
chiffres clés du climat
2022 précités.
CHAPITRE INTRODUCTIF
113
Mais, comme le soulignent le GIEC et plus récemment l’ONU
65
,
l’addition de l’
ensemble des engagements souscrits à ce jour par les parties
prenantes, dont désormais les pays en développement, ne permet pas à ce
stade de respecter l’ambition de l’Accord de Paris de limiter le réchauffement
à 1,5 ou 2 °C supplémentaires par rapport aux niveaux pré-industriels. Il est
peu probable, au regard de la brièveté des délais, que des engagements
additionnels d’autres parties permettent d’enclencher dès 2025 une baisse
mondiale des émissions de GES et d’obtenir une réduction pour l’ensemble
du monde de 20 à 40 % en 2030, taux de diminution respectivement
nécessaires désormais pour limiter le réchauffement à 2 °C et 1,5 °C.
I
l n’est pas trop tard pour espérer stabiliser le climat dans le courant
du siècle. Il est toutefois à craindre, selon ces rapports, que cette
stabilisation intervienne à un niveau de température moyenne pour
l’ensemble de la planète sensiblement plus élevé que les 1,5 à 2
°C
escomptés en 2015.
Il est donc utile
, pour apprécier ce à quoi il va falloir s’adapter tout
au long du XXI
e
siècle,
d’être attentif aux scénarios du GIEC plus
pessimistes que celui correspondant au respect de
l’
Accord de Paris, en
particulier le scénario intermédiaire SSP2-4.5, le plus proche des
trajectoires et engagements actuels.
II -
Des politiques d’adaptat
ion progressivement
élaborées à décliner dans les territoires
Les politiques d’adaptation présentent des caractéristiques communes.
Elles sont plus progressives que les politiques d’atténuation et, au regard des
effets variés du changement climatique, elles sont nécessairement
territorialisées. Dès la Convention-
cadre de 1992, la nécessité de s’adapter à
ces effets a été identifiée. Le cadre des politiques d’adaptation ne s’est toutefois
développé, en France comme ailleurs, que plus récemment.
A -
Une adaptation aux effets du changement
climatique complexe et multiforme
Engager et mener une politique d’adaptation suppose, pour en
assurer l’efficacité, de la définir, d’en apprécier les principales
caractéristiques et d’en préciser les différentes démarches.
65
Premier bilan mondial (
« Global stocktake »
) des efforts accomplis depuis 2015 pour
respecter l’Accord de Paris, publié le 8 septembre 2023, en
vue de la COP 28.
COUR DES COMPTES
114
1 -
Les
caractéristiques des politiques d’adaptation
La définition de l’adaptation retenue au plan international a été
progressivement précisée dans les rapports successifs du GIEC, comme
cela est rappelé en introduction. Plusieurs concepts sont généralement
utili
sés pour caractériser les politiques d’adaptation.
Adaptation, mal-adaptation et mesures sans regret
Les démarches d’adaptation
peuvent prendre plusieurs formes. On
distingue ainsi :
-
l
’adaptation autonome ou spontanée
, en réponse à la survenance d’un aléa
climatique, sans préméditation explicite ;
-
l
’adaptation incrémentale
, au travers de mesures ayant pour objectif
principal le maintien de la nature et de l’intégrité d’un système ou d’un
processus à une échelle donnée ;
-
l
’adaptation transformationnelle
, qui change les éléments fondamentaux
d’un système en réponse à l’évolution du climat et à ses effets.
Caractériser ces différentes formes de démarches d’adaptation
permet de mieux prendre en compte ce qui peut relever des acteurs privés
ou découler de l’acti
on publique. Cela est également
utile à l’élaboration de
plans d’action, à l’évaluation du coût de l’adaptation et à l’appréciation de
la répartition de sa prise en charge financière.
Le concept de mal-adaptation est également utilisé pour désigner un
changement opéré dans les systèmes naturels ou humains qui font face au
changement climatique et qui conduit de manière non intentionnelle à
augmenter la vulnérabilité au lieu de la réduire. La mal-adaptation peut se
traduire de différentes façons :
-
une utilisation inefficace des ressources
comparée à d’autres options
d’utilisation, comme recourir à la climatisation plutôt qu’à l’isolation
;
-
u
ne réduction des marges d’adaptation future
par des mesures réduisant
la flexibilité d’un système
;
-
une erreur de calibrage
entraînant une sous-adaptation et nécessitant des
interventions ultérieures qui auraient pu être évitées. Dans un contexte
d’incertitude à l’égard de l’ampleur future du changement climatique,
l’erreur de calibrage constitue un risque important de mal
-adaptation.
Le risque de mal-adaptation est un enjeu important dans la durée
pour les finances publiques nationales et locales.
Le concept de mesures sans regret est retenu face à ce risque de mal-
adaptation : ces mesures permettent de réduire dans la durée la vulnérabilité au
changement climatique quelles que soient les évolutions ultérieures du climat.
Sources : GIEC, Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires
CHAPITRE INTRODUCTIF
115
L
es politiques d’adaptation
au changement climatique sont
progressives et
s’inscrivent dans d
es échelles de temps différentes selon les
effets du changement climatique.
Ensuite, le changement climatique suppose de s’adapter à trois types
de phénomènes :
-
des températures globalement plus élevées ;
-
des modifications physiques structurelles à long terme en découlant,
comme la hausse du niveau de la mer, la fonte des glaciers et le dégel
du pergélisol ;
-
des événements climatiques ponctuels mais extrêmes : vagues de
chaleur, sécheresses, pluies extrêmes, tempêtes, cyclones, inondations
de grande ampleur, submersions, etc.
Au regard de ces phénomènes variés, les politiques d’adaptation
sont nécessairement territorialisées : chaque pays, chaque région, chaque
territoire doit s’adapter à l’évolution de son environnement. L’
adaptation
en France métropolitaine ne sera pas la même que celle de chacun des
territoires d’outre
-mer
; les communes littorales sont confrontées à d’autres
défis, au regard de la hausse du niveau de la mer, que les communes de
montagne devant faire face à la diminution de la couverture neigeuse en
hiver ; les métropoles doivent affronter le phénomène des îlots de chaleur
quand les zones rurales sont confrontées aux effets de la sécheresse et à la
problématique du partage de l’eau.
De plus, certains territ
oires doivent s’adapter
,
à l’échelle réduite
d’un département
par exemple, à de multiples effets du changement
climatique,
dont le cumul peut fragiliser l’ensemble d’un tissu économique
et social local.
Il
faut en outre tenir compte de la nécessité d’assur
er la résilience
d’ensemble d’infrastructures connectées entre elles (par exemple,
le réseau
électrique et le
réseau ferré), et non uniquement de chacune d’elles.
Les politiques d’adaptation sont ainsi structurellement complexes et
différentes d’un territoire à l’autre. Le succès d’une politique d’adaptation
à un endroit donné a globalement peu d’effet positif sur celui d’un territoire
limitrophe, à chacune des échelles, même s’il peut exister des
interdépendances ponctuelles entre eux, par exemple en termes de
disponibilité globale des productions agricoles, ou transfrontalières
notamment au regard du niveau des fleuves. Quoi qu’il en soit, aucun
territoire, à aucune échelle, ne peut compter échapper à ses propres
problématiques d’adaptation.
COUR DES COMPTES
116
Ces caractéristiques emportent aussi des conséquences importantes
pour l’appréciation des moyens budgétaires devant être mobilisés par
l’ensemble des acteurs.
Mener des politiques d’adaptation efficaces et cohérentes sera
d’autant plus assuré qu’il sera possible d’en pr
ogrammer les coûts dans la
durée pour les finances publiques nationales et locales. Cette appréciation
est elle-même rendue délicate par :
-
le grand nombre et la variété des domaines affectés par le changement
climatique ;
-
la temporalité différente des divers effets de ce changement,
globalement et par territoire ;
-
et par le fait que, selon les sujets et les échéances, les politiques
d’adaptation se traduiront soit par des mesures de corrections,
immédiates ou étalées dans le temps et dans tous les cas coûteuses (par
exemple pour réduire les températures des bâtiments ou de villes grâce
à leur végétalisation ou leur meilleure isolation), soit par des décisions
prenant en compte l’évolution du climat
, sans entraîner de surcoût
important (par exemple en évitant de construire en bord de littoral de
nouveaux équipements, destinés à fonctionner encore à la fin du siècle
voire au-delà, sans tenir compte de la hausse potentielle du niveau de
la mer à cette échéance).
2 -
Des politiques d’adaptatio
n nécessitant une connaissance fine
des vulnérabilités climatiques
Mener une politique d’adaptation à une échelle donnée suppose de
disposer d’un état des lieux des vulnérabilités
climatiques détaillé à ce
même niveau, pour éclairer les décisions à prendre.
Le portail DRIAS développé par Météo France en lien avec les
laboratoires de recherche sur le climat (cf. la première partie) montre
comment les écarts d’évolution des températures selon les régions en
France métropolitaine pourraient se refléter dans l’
évolution différenciée
des précipitations sur l’année, des pluies extrêmes, des vagues de chaleur,
du nombre de nuits tropicales, des épisodes de sècheresse, des jours de
vague de froid, de gel et des vents forts, en fonction des scénarios du GIEC
et d’ici
la fin du siècle.
Les cartes suivantes illustrent ces projections, pour le scénario
intermédiaire RCP 4.5 du 5
ème
rapport du GIEC, en ce qui concerne le
nombre de nuits tropicales, de jours avec sol sec et les précipitations
extrêmes.
CHAPITRE INTRODUCTIF
117
Carte n° 5 :
nombre de nuits tropicales à la fin du siècle
Source : Météo France, projections DRIAS 2020
Notes de lecture : on appelle « nuit tropicale » un épisode climatique où la température ne
descend pas en dessous de 20 °C pendant la nuit dans les régions tempérées (donc hors des
zones tropicales).
Pour le RCP4.5 : Scénario avec une politique climatique visant à stabiliser les concentrations
en CO2
Horizon lointain (2071-2100) - Moyenne actuelle
Produit multi-modèles de DRIAS-
2020 : médiane de l’ensemble
COUR DES COMPTES
118
Carte n° 6 :
évolution d’ici la fin du s
iècle du nombre de jours avec sol sec
Source : Météo France, projections DRIAS 2020
Notes de lecture :
Écart du nombre de jours avec sol sec (SWI < 0.4) : différence entre la période considérée et
la période de référence
Pour le RCP4.5 : Scénario avec émissions modérées
Horizon lointain (2071-2100) - Moyenne actuelle
Produit multi-modèles
: médiane de l’ensemble modèle hydrologique SIM2 forcé par
l’ensemble DRIAS
-2020
CHAPITRE INTRODUCTIF
119
Carte n° 7 :
évolution d’ici la fin du siècle des précipitations extrêmes
Source : Météo France, projections DRIAS 2020
Notes de lecture :
Écart relatif des précipitations extrêmes : différence entre la période considérée et la période
de référence
Pour le RCP4.5 : Scénario avec une politique climatique visant à stabiliser les concentrations en CO2
Horizon lointain (2071-2100) - Moyenne actuelle
Produit multi-modèles de DRIAS-2020
: médiane de l’ensemble
La combinaison des projections, pour chacun des effets du
changement climatique, sur un territoire donné,
permet ainsi d’apprécier
l’ensemble des évolutions auxquelles il risque d’être confronté et de tenter
de définir un ordre de priorité des actions à mener.
Toutefois, Météo France souligne que les degrés d’incertitude en
termes d’ampleur de chacun de ces effets sont sensiblement plus élevés
que ceux
concernant l’évolution des températures en fonction des
scénarios du GIEC. Leur combinaison accroît cette incertitude globale
pour chaque territoire.
COUR DES COMPTES
120
Aussi, malgré l’importance des travaux menés en France et des résultats
déjà obtenus pour mieux appréhender les conséquences à moyen et long terme
du changement climatique, il n’est pas toujours possible de disposer d’une
connaissance précise des risques encourus à l’échelle d’un territoire. Les
politiques d’adaptation seront durablement confrontées à cette
difficulté,
découlant de l’incertitude des projections climatiques. Cela peut influer sur la
nature des décisions prises en termes d’adaptation, par exemple en privilégiant
celles « sans regret
», comme la réduction de la consommation d’eau.
Dans
ce
contexte,
des
acteurs
publics
ont
présenté
des
méthodologies permettant de structurer une démarche d’adaptation à partir
d’une évaluation des vulnérabilités, d’une priorisation des efforts de
résilience à mener et d’un suivi des décisions adossé à des indi
cateurs.
Dès 2004, l’Observatoire national sur les effets du réchauffement
climatique (Onerc) publiait ainsi un guide pour l’adaptation à l’attention
des collectivités locales. Dans un rapport de 2022, l’Onerc distingue
plusieurs façons d’appréhender les i
mpacts du changement climatique, par
un territoire, un écosystème d’acteurs ou encore une organisation.
L’Ademe a développé plusieurs outils d’aide à la décision en matière
d’adaptation. Le Cerema
66
a également présenté en 2020 le guide
« Les
boussoles de la résilience »
qui a vocation à aider les collectivités locales
et l’ensemble des acteurs d’un territoire à renforcer leur résilience face au
changement climatique, par une meilleure anticipation des transformations
à mener pour réduire à terme les vulnérabilités.
La direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) a en outre
confié au Cerema le développement, en lien avec l’Ademe et Météo France,
d'un centre de ressources sous forme de plateforme numérique, recensant les
méthodologies, bonnes pratiques et références disponibles
67
. Au total, la
ressource mise à la disposition de l’ensemble des acteurs devant élaborer et
mettre en œuvre des politiques d’adaptation est dès à présent substantielle.
Les politiques d’adaptation progressivement mises en œuvre
s’
inscrivent parfois dans des politiques de prévention des risques
préexistantes, qui sont alors renforcées. Il n’est pas toujours simple, y
compris pour les décideurs, d’identifier précisément ce qui aurait été
entrepris de toute façon dans le cadre du renforcement tendanciel de ces
politiques de prévention, de ce qui relève de la prise en compte des effets du
changement climatique. Cela rend notamment plus difficile l’identification
de l’impact pour les finances publiques de ces politiques d’adaptation.
66
Le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et
l'aménagement est un établissement public tourné vers l’appui aux politiques publiques,
placé sous la tutelle du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
67
Il s’agit de l’une des mesures prévues par le PNACC 2.
CHAPITRE INTRODUCTIF
121
Enfin, d
ans la mesure où les aléas climatiques s’accentueront, le
renforcement des politiques de réduction des vulnérabilités ne dispensera
pas de celui des dispositifs de gestion de crise, ni de débats sur la définition
du niveau de sécurité visé au regard d
es risques identifiés. Car s’il est
concevable de ne pas retenir les scénarios les plus pessimistes dans des
politiques sectorielles ou locales d’adaptation, cela nécessite cependant
d’assumer le risque en découlant et de mettre en place des politiques de
gestion de crise pour y faire face le cas échéant.
B -
L’adaptation, une nécessité bien identifiée,
des
cadres de mise en œuvre progressivement élaborés
Dès la Convention-
cadre de 1992, la nécessité de s’adapter aux
effets du changement climatique a été identifiée comme un sujet important.
Le cadre des politiques d’adaptation ne s’est toutefois développé, en France
comme ailleurs, que progressivement.
1 -
L’adaptation, un objectif international
Dès 1992, la vulnérabilité de tous les pays du monde aux effets du
changement climatique a été soulignée. La Convention-cadre a ainsi appelé
à des efforts notamment en faveur des pays en développement qui peuvent
ne pas avoir les moyens d’y faire face. Cinq ans plus tard, le Protocole de
Kyoto a encouragé à son tour l’e
nsemble des Parties à élaborer «
des
mesures
destinées
à
faciliter
une
adaptation
appropriée
»
aux
changements climatiques. Le 3
ème
rapport du GIEC, publié en 2001, a posé
plus fortement la question de l’adaptation au plan international.
Il a toutefois fallu attendre la COP 16, en 2010 pour que soit défini
le Cadre d’adaptation de Cancun. L’Accord de Paris est ensuite venu
fournir un cadre renouvelé pour le soutien financier, technique et de
renforcement des capacités aux pays qui en ont besoin pour améliorer leur
résilience au changement climatique.
Le 6
ème
rapport du GIEC, dont le deuxième volet est consacré aux
questions de vulnérabilité et d’adaptation, a à nouveau insisté sur la
fragilité des pays en développement et souligné la nécessité que
l’adaptati
on devienne une priorité politique de même niveau que les
politiques de décarbonation. Il a également mis en évidence le fait que
certaines conséquences du changement climatique sont d’ores et déjà
irréversibles, par exemple pour des petits États insulaires devant organiser
des déplacements de population.
COUR DES COMPTES
122
Pour l’Union européenne, ce n’est qu’en 2013 qu’une première
stratégie d’adaptation a été publiée. Elle a appelé à mettre en œuvre des
actions aux échelles locale, régionale, nationale et européenne, en se
focalisant sur les secteurs-clés les plus vulnérables et en mobilisant pour cela
les fonds européens. Une seconde stratégie,
« Bâtir une Europe résiliente »
,
publiée en 2021, invite à accélérer et généraliser les démarches d’adaptation.
Le thème de l’adap
tation est désormais largement évoqué au plan
international et tend à prendre autant d’importance que celui de
l’atténuation. C’est avec un décalage temporel important, dans le monde et
en Europe, qu’ils ont été respectivement traités.
Dans une première période, celle de la Convention-cadre de 1992 et
du Protocole de Kyoto, la réalité du changement climatique était mise en
évidence, notamment la hausse des températures mais ses effets visibles
étaient encore limités. Nombreux étaient alors ceux parmi les décideurs qui
considéraient que le changement climatique ne commencerait à entraîner
de graves conséquences que dans la seconde moitié du XXI
e
siècle, laissant
le temps de développer ultérieurement des politiques d’adaptation.
Dans un second temps, même après que des événements climatiques
extrêmes ont commencé à se multiplier, les politiques d’adaptation ont été
considérées, dans de nombreux pays et par de nombreux acteurs, comme
une forme de renoncement à l’atténuation du changement climatique.
2 -
Le cadre de
mise en œuvre des politiques d’adaptation en
France
Plusieurs étapes jalonnent la construction des politiques d’adaptation
dans notre pays depuis une vingtaine d’années. Le plan national d’adaptation
au changement climatique (PNACC) en constitue le cadre général, auquel
s’ajoutent des stratégies sectorielles et des schémas territoriaux.
a)
La création de l’Observatoire national sur les effets
du
réchauffement climatique (Onerc) en 2001 et l’adoption
de la
Stratégie nationale d’adaptation en 2006
L’Onerc, créé
par la loi n° 2001-153 du 19 février 2001, a reçu
comme première mission de documenter et de diffuser les données relatives
à l’impact du changement climatique en France. Initialement autonome,
l’
observatoire a été rattaché en 2008 à la direction générale
de l’énergie et
du climat (DGEC). Depuis le 1
er
juillet 2023, ses missions ont été reprises
CHAPITRE INTRODUCTIF
123
par le bureau adaptation au changement climatique de la DGEC
68
, cette
dernière pilotant la politique nationale d’adaptation comme l’ensemble de
la politique climatique. Cet observatoire a joué un rôle important dans la
préparation, la coordination ou l’évaluation des premiers plans nationaux
en matière d’adaptation.
La première s
tratégie nationale d’adaptation a été adoptée en
novembre 2006
69
. Elle a retenu neuf axes stratégiques
70
et développé
quatorze
analyses
sectorielles
;
l’ensemble
était
assorti
de
43
recommandations qui s’adressaient, selon les cas, à l’État, à ses
opérateurs, aux collectivités locales et aux acteurs économiques.
Toutefois, elle se présent
ait plus comme un rapport à l’attention des
décideurs que comme une véritable stratégie nationale : elle insistait en
conclusion sur la nécessité d’élaborer un véritable plan national
d’adaptation, priorisant les actions à mener et énonçant les responsable
s
chargés de les mener.
b)
Le premier plan national d’adaptation pour la période 2011
-2015
La loi n° 2009-67 du 3 août 2009 de programmation relative à la
mise en œuvre du Grenelle de l’Environnement a répondu à cet appel, en
prévoyant dans son article 42 la
préparation pour 2011 d’un
plan national
d’adaptation pour les différents secteurs d’activité.
La communauté française des sciences du climat
71
a été mobilisée par
le ministère chargé de l’environnement en 2010, afin de produire, sous la
direction de M. Jean Jouzel, une évaluation scientifique des conditions
climatiques de la France au XXI
e
siècle qui puisse servir de base à l’élaboration
des mesures d’adaptation de la part de l’État, des collectivité locales et des
acteurs économiques. Ces travaux
72
ont été publiés en cinq volumes successifs
de 2011 à 2015
: trois d’entre eux (volumes I, II et IV) présentent des scénarios
régionalisés, les deux autres (volumes III et V) portent sur les enjeux pour les
côtes françaises de l’élévation du niveau de la mer.
68
Dans le cadre d’une réorganisation de son organigramme et la transformation de son
service en charge du climat en direction d’administration centrale.
69
La Finland
e avait été le premier pays d’Europe à présenter en 2005 une stratégie
comparable.
70
Développer la connaissance
; consolider le dispositif d’observation
; informer,
former, sensibiliser tous les acteurs ; promouvoir une approche adaptée aux territoires ;
f
inancer les actions d’adaptation
; utiliser les instruments législatifs et réglementaires ;
favoriser les approches volontaires et le dialogue avec les acteurs privés ; tenir compte
de la spécificité de l’outre
-mer ; contribuer aux échanges internationaux.
71
À l’époque CNRS/INSU/IPSL, LGGE, Météo France, BRGM, CEA, CETMEF, CNES.
72
Le climat de la France au XXI
e
siècle
, DGEC.
COUR DES COMPTES
124
S’app
uyant sur les premiers travaux de cette mission, le premier
plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC) a été
adopté en juillet 2011, en même temps que le premier plan en la matière de
l’Allemagne et un an avant celui du Royaume
-Uni.
Couvrant la période 2011-
2015, il a été d’emblée prévu qu’il fasse
l’objet d’une revue à mi
-
parcours, en 2013, pour en vérifier l’articulation
avec les s
chémas régionaux du climat, de l’air et de l’énergie (SRCAE) et
les plans climat-énergie territoriaux (PCET)
73
devant être développés au
titre de la loi Grenelle du 12 juillet 2010.
Conformément au souhait exprimé en conclusion de la stratégie de
2006, ce premier plan identifie 20
domaines (de l’eau au littoral et à la
montagne, de la forêt à l’urbanisme, de l’éne
rgie aux infrastructures de
transport, de la santé à la biodiversité, etc.), pour lesquels quatre à six
actions sont à chaque fois retenues, elles-mêmes déclinées en quelques
mesures concrètes, soit 242 au total. Pour chacune d’elles, des responsables
(pil
otes et partenaires) sont identifiés (directions d’administration centrale
et opérateurs de l’État), des échéanciers établis et des indicateurs de suivi
présentés. Le coût de leur mise en œuvre était estimé à environ 170
M€.
Le rapport d’évaluation du PNAC
C 1 à mi-parcours, publié en
décembre 2013, a présenté l’état d’avancement de chacune de ces mesures.
86
% d’entre elles avaient alors commencé à être mises en œuvre. Il était
toutefois estimé que si 60 % atteindraient leur objectif, cela pourrait ne pas
être le cas pour 35 % des mesures du plan. Comme prévu, cette évaluation
a également analysé son articulation avec les premiers schémas ou plans
adoptés par les collectivités locales, dont le rapport a souligné à la fois la
forte hétérogénéité sur le fond et la forme et une prise en compte fréquente
des questions d’adaptation.
Pour éclairer les objectifs et les conditions de réalisation d’un
nouveau plan, le Conseil général de l’environnement et du développement
durable (CGEDD)
74
a été chargé en juin 2015 de procéder à une évaluation
externe du PNACC 1.
Le rapport remis en novembre 2015 souligne en premier lieu les
résultats positifs du PNACC 1 : 75 % des 242 mesures retenues ont été
mises en œuvre ou étaient proches de l’être co
mplètement. Il montre aussi
les progrès réalisés en termes de connaissance : les volumes IV et V du
Climat de la France au XXI
e
siècle
et la diffusion des données par le portail
73
Les SRCAE ont depuis lors été intégrés dans les
schémas régionaux d
’
aménagement,
de développement durable et d
’
égalité des territoires (SRADDET) et les PCET dans les
plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET).
74
Le CGEDD est depuis devenu l’Inspection générale de l’environnement et du
développement durable (IGEDD).
CHAPITRE INTRODUCTIF
125
DRIAS permettent à chacun de constater les évolutions climatiques
auxquelles la France pourrait être confrontée. Il en est de même pour les
outils de planification, à travers l’élaboration d’une stratégie nationale de
gestion intégrée du trait de côte (SNGITC)
ou l’intégration de la hausse du
niveau de la mer dans les plans de prévention des risques littoraux (PPRL).
Cette évaluation relève en revanche que, dans l’esprit de la
stratégie
de 2006, le PNACC 1 a cherché à traiter de façon trop exhaustive et
insuffisamment hiérarchisée l’ensemble des aspects identifiés.
Elle préconise pou
r l’avenir de piloter de façon plus stratégique et
transverse trois grandes priorités : la ressource en eau disponible au regard
des
économies
d’eau
incontournables
dans
certains
sous
-bassins
déficitaires
; l’adaptation en zone littorale pour mieux affront
er les
relocalisations d’activités ; et l’adaptation des villes et de l’espace public
face aux canicules. Elle recommande un pilotage plus interministériel des
politiques d’adaptation.
Cette évaluation relève également une prise en compte insuffisante
des enjeux spécifiques aux outre-mer, de même que le faible degré
d’entraînement des acteurs en dehors de la sphère publique. Elle préconise
que le PNACC suivant soit directement décliné aux niveaux régional et
intercommunal, en s’appuyant pour cela sur l’amél
ioration régulière des
analyses régionalisées de vulnérabilité.
Enfin, en termes budgétaires, elle constate l’impossibilité de
vérifier, faute d’outil de suivi pertinent, si les 170
M€ estimés en 2011 ont
effectivement été dépensés.
c)
Le deuxième plan nation
al d’adaptation au changement climatique
pour la période 2018-2022
À l’issue d’une phase de concertation et de préparation lancée en
2016, le PNACC 2 a été adopté en décembre 2018, pour une nouvelle
période de cinq ans courant jusqu’à fin 2022.
Retenant le
s préconisations de la mission d’évaluation du
PNACC
1, il souligne d’emblée la nécessité de mieux tenir compte de la
situation des outre-mer, de mieux assurer la cohérence entre ce plan
national et les déclinaisons territoriales des politiques d’adaptatio
n, de
mieux prendre en compte les questions transfrontalières, d’entraîner les
acteurs économiques et enfin d’en renforcer le pilotage.
Il est recentré sur six grands domaines, regroupant 29 thèmes et
correspondant à 58 actions, déclinées en 389 sous-actions opérationnelles
et assorties de 104 indicateurs de suivi.
COUR DES COMPTES
126
Certains de ces 29 thèmes sont identiques ou proches des
20
domaines d’action du PNACC 1. On peut toutefois relever la disparition
dans le PNACC 2 de sujets comme l’énergie et l’industrie, les
infrastructures de transport ou la montagne qui tenaient une place
importante dans le premier plan.
Comme sa préparation a été engagée dans la foulée de l’Accord de Paris
de décembre 2015, le PNACC 2 est marqué par ce dernier, indiquant que la
France vise une adaptation effective dès le milieu du XXI
e
siècle à un climat
régional en métropole et dans les outre-mer cohérent avec une hausse des
températures de 2° C au niveau mondial par rapport à l’ère pré
-industrielle. Il
est donc fondé sur le principe de l’atteinte, par l’ensemble des Parties, des
objectifs de l’Accord de Paris et n’intègre de ce fait pas l’hypothèse d’un
rehaussement des températures de 1,5° C bien avant 2050. Compte tenu du
succès diplomatique de la COP
21, il aurait été en effet compliqué d’adresser
à la communauté internationale un message plus alarmiste. Ses conditions
d’élaboration ont ainsi été sensiblement différentes de celles du PNACC 1, qui
avait été préparé dans le contexte de l’échec de la
COP 15 de 2009.
Un bilan à mi-parcours du PNACC 2, réalisé par le ministère chargé de
l’écologie, a été présenté au début de 2022 (à moins d’un an de la fin de sa
période théorique), dans la perspective de la préparation du PNACC 3. En
termes quantitatifs, ce bilan notait que sur les 389 sous-actions, 106 étaient
terminées, 225 en cours de réalisation et que 58 n’avaient pas encore démarré.
Ce bilan, qui se présente comme un suivi dont il est difficile de tirer des
enseignements généraux, ne permettait not
amment pas d’apprécier la qualité
de l’articulation de l’action de l’État avec les collectivités locales au travers des
SRADDET et les PCAET. Cette lacune est d’autant plus regrettable que la
mise en œuvre concrète du plan repose sur des politiques territo
rialisées.
La direction générale de l’énergie et du climat, chargée du suivi des
dépenses budgétaires de l’État au titre des 58 actions de ce plan, estime leur
montant cumulé à 2,9
Md€ à la fin de 2022 pour celles qui concernent le
territoire national, so
it une moyenne annuelle de l’ordre de 600
M€. Ce
montant n’intègre pas l’aide au développement au titre de l’action
internationale du PNACC, ni les dépenses d’adaptation des entreprises
publiques, ni celles engagées au niveau national dans un autre cadre que le
PNACC 2, comme le plan de relance, ni naturellement celles des collectivités
locales. D’ores et déjà, la création du Fonds vert annoncée en août 2022 pour
aider les collectivités locales à mettre en œuvre des politiques de transition
écologique, dont
des politiques d’adaptation au changement climatique
75
, se
traduit par la mise à disposition, au total, de 2
Md€ à compter de 2023
76
.
75
Ce fonds finance également des mesures de performance environnementale et
d’amélioration du cadre de vie.
76
Ce montant devrait être porté à 2,5
Md€ en 2024.
CHAPITRE INTRODUCTIF
127
Dans son rapport annuel de juin 2022, le HCC a quant à lui estimé
que les politiques d’adaptation souffrent encore en France d’un manque
d’objectifs stratégiques, de suivi et de moyens pour conduire les multiples
actions et politiques nécessaires et que, malgré plusieurs avancées, celles-ci
ne sont pas à la hauteur des efforts d’adaptation requis. Il appelait notamment
l’attention sur le fait que la viabilité tant du système d’indemnisation dit
« catastrophes naturelles » pour les particuliers et les entreprises, que des
régimes spécifiques d’assurance récolte et de calamité agricole pour
l’agriculture,
es
t d’ores et déjà mis
e en péril par le changement climatique.
Il recommandait de faire évoluer le PNACC pour qu’il prenne la forme
d’une planification nationale, avec des objectifs territorialisés, assortis de
moyens adéquats, et énonçait plusieurs pistes en ce sens. Il invitait à prioriser
les actions d’adaptation, à l’échelle nationale mais aussi à une échelle
infranationale dans la mesure où tous les territoires ne sont pas soumis aux
mêmes risques ni ne disposent des mêmes ressources pour y faire face.
Dans son avis rendu le 4 mai
2023 sur la mise en œuvre du
PNACC 2 en 2022, le Conseil national de la transition écologique a pris
acte des avancées intervenues dans le domaine de la formation des acteurs,
de l’accès aux données climatiques utiles pour l’action et de la prise en
compte des projections climatiques dans les normes et référentiels
techniques. Il a toutefois réaffirmé la nécessité pour tous les secteurs
économiques de davantage anticiper les conséquences du changement
climatique sur la continuité et la pérennité des activités.
d)
La préparation du PNACC 3 dans un cadre renouvelé
La préparation du PNACC 3, dont la publication est annoncée pour
l’été 2024,
s’inscrit dans un cadre profondément renouvelé en termes de
scénarios d’évolution du climat.
Elle a commencé en avril 2022 : la ministre de la transition écologique
a demandé à cette date à l’IGEDD de réaliser une mission d’analyse comparée
des principaux pays
77
ayant une expérience forte en matière d’adaptation.
Le rapport remis en décembre 2022 comporte 13 recommandations. Il
préconise que la loi définisse les grandes lignes du prochain plan d’adaptation
et mentionne la référence climatique à prendre en compte. Il recommande de
renforcer le pilotage interministériel du PNACC et d’en confier des
responsabilités explicites aux ministères et aux agences publiques. Il souligne,
à nouveau, que l’échelle de l’action en matière d’adaptation est, pour la grande
majorité des sujets, l’échelle locale et, constatant l’existence dans plusieurs
77
Les pays concernés sont
: l’Allemagne, l’Autriche, l’Espagne, le Royaume
-Uni, les
Pays-Bas, la Suisse, le Canada et le Japon.
COUR DES COMPTES
128
pays d’une communauté de travail parfois installée de longue date entre l’État
et les régions, appelle à un meilleur pilotage de la cohérence de la politique
nationale avec les SRADDET et les PCAET.
La principale différence par rapport au PNACC 2 tient aux scénarios
climatiques qu’il est envisagé
de retenir pour bâtir le PNACC 3. En février
2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires
a en effet appelé à se préparer à un réchauffement climatique de 4 °C à la
fin du siècle. La consultation publique
78
lancée le 23 mai 2023 pour définir
la trajectoire de réchauffement à retenir pour élaborer le prochain plan
proposait deux scénarios, à + 2 °C et + 4 °C pour le territoire de la
métropole. Il est suggéré de retenir le plus pessimiste des deux, plutôt que
celui fondé sur
le respect de l’Accord de Paris.
Constatant que les trajectoires climatiques actuelles ne correspondent
pas au respect de cet Accord (Cf. partie 1), il est ainsi proposé de s’adapter à
un niveau de réchauffement mondial de 1,5 °C en 2030, 2 °C en 2050 et 3 °C
en 2100, soit, pour la France métropolitaine, 2 °C en 2030, 2,7 °C en 2050 et
4 °C en 2100. Cela revient à acter le caractère quasi-inévitable désormais
d’une telle hausse de 2
°C dès 2030, et non 2050.
Cette consultation identifie en outre trois grands chantiers : la mise
à jour des normes techniques dans tous les domaines, l’adaptation des
collectivités locales et celle des filières économiques.
Comme pour les plans précédents, l’ensemble des politiques
d’adaptation menées en France ne se résumer
ont pas au PNACC 3. Au
niveau national, s’y ajoutent des stratégies sectorielles, comme la stratégie
nationale de gestion intégrée du trait de côte ou, plus récemment, le plan de
gestion des vagues de chaleur. Au niveau local, les SRADDET, les PCAET
et d’a
utres documents de planification, comme les schémas de cohérence
territoriale (Scot) ou les plans locaux d’urbanisme intercommunaux (PLUi),
auront un rôle important pour leur élaboration et leur mise en œuvre.
Si la trajectoire de réchauffement menant à 4 °C devait
effectivement être retenue dans le PNACC 3 lui-même, son contenu devrait
alors être sensiblement différent des deux plans précédents, au regard des
actions à mener à court, moyen et long terme.
Cela pourrait également se répercuter sur son enveloppe budgétaire.
Dans une étude publiée en juin 2022
79
, l’Institut de l’économie pour le
climat I4CE a évalué le coût de 18 mesures d’adaptation prioritaires, mais non
exhaustives, à 2,3
Md€ additionnels par an pour l’État et les collectivités locales.
78
79
climatique-france/
CHAPITRE INTRODUCTIF
129
Dans le rapport remis à la Première ministre le 22 mai 2023 sur les
incidences économiques de l’action pour le climat, M. Jean Pisani
-Ferry et
Mme Selma Mahfouz chiffrent ce coût additionnel, avec beaucoup de
prudence au regard des difficultés méthodologiques, à 3
Md€ par an, dont
1
Md€ pour les budgets publics en 2030. Ils soulignent toutefois que le coût
de l’adaptation devrait augmenter entre 2030 et 2050 en même temps que
les effets du changement climatique et rappelle enfin que ces montants
doivent être mi
s en regard de ce que risquerait de coûter à terme l’absence
de politique d’adaptation, dont il rappelle qu’il encore plus difficile à
estimer, mais certainement sans commune mesure.
On doit surtout relever, à ce stade, l’absence de chiffrages exhaustifs
e
t cohérents pour l’ensemble des acteurs publics. Elle découle pour une
part de la difficulté méthodologique de l’exercice et pour une autre du fait
que, jusqu’à présent, la plupart des acteurs n’ont généralement pas identifié
les dépenses d’adaptation au changement climatique au sein d’actions plus
vastes de prévention ou de programmes d’investissement.
______________________ CONCLUSION ______________________
Il est généralement considéré que les effets du changement
climatique ont deux
grands types d’impact, comportant à la fois des
répercussions gé
nérales sur l’activité économique et des conséquences
spécifiques pour certains secteurs d’activité
:
-
l
’impact sur les grandes infrastructures
, les équipements, les villes et
plus généralement l’habitat (ce qui a été construit)
;
-
l’impact sur l’environneme
nt physique et biologique (trait de côte, forêts,
cultures…)
et
l’impact sur les personnes (en période de canicule, face à
l’accentuation des risques d’
incendie et
d’
inondation, etc.).
La Cour a examiné 16 sujets qui se répartissent entre ces deux
grandes catégories
, à l’exception de trois d’entre eux, plus
transversaux,
présentés après cette introduction générale. Chacun de ces chapitres
examine les effets découlant du changement climatique qui concernent plus
spécifiquement le sujet abordé.
Ces 16
chapitres n’ont naturellement pas vocation à être exhaustifs au
regard des problématiques d’adaptation. Mais, par leur nombre et par la
variété des domaines examinés, ils donnent une image concrète des défis que la
France doit et devra relever, de la façon
dont elle s’y prépare –
ou non
–
jusqu’à
présent, et des premiers résultats de la politique nationale d’adaptation.
Réponse reçue
à la date de la publication
Réponse du ministre de la transition écologique et de la cohésion
des territoires
..........................................................................................
132
COUR DES COMPTES
132
RÉPONSE DU MINISTRE DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE
ET DE LA COHÉSION DES TERRITOIRES
Par courrier en date du 18 octobre 2023, vous avez souhaité nous
transmettre le rapport public annuel 2024, annonçant que celui-ci serait
entièrement consacré à l
’
adaptation de l'action publique au changement
climatique. Je salue la qualité des travaux menés par la Cour des comptes,
qui permettent, de manière transparente, de poser les bases du débat public
que nous devons avoir autour de la préparation de notre pays aux impacts
du changement climatique et des moyens à y consacrer.
Adaptation de l'action publique au changement climatique
La France prend et continuera de prendre toute sa part dans l
’
objectif
de réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serre (G ES) qui demeure
la priorité absolue. Les émissions françaises ont ainsi déjà baissé de 25 %
en 2022 par rapport à 1990 et les plafonds indicatifs annuels du second
budget carbone ont tous été respectés, selon les dernières données
provisoires du CIT EPA. Par ailleurs, dans le contexte de rehaussement de
l
’
objectif européen de réduction des émissions de GES de 40 % brut à - 55 %
net en 2030 par rapport à 1990, la France s
’
est fixée en 2022, dans le cadre
du chantier de planification écologique engagé par le président de la
République, l
’
objectif d'une réduction brute de ses émissions de GES d
’
au
moins - 50 % en 2030 par rapport à 1990, et de l
’
ordre de - 55 % en net (en
prenant en compte le secteur des terres et forêts). La France vise également
à réduire son empreinte carbone, en tenant compte des émissions importées.
Toutefois, le Groupe d
’
experts intergouvernemental sur l'évolution du
climat (GIEC) indique que, quel que soit le scénario d
’
émissions de GES, le
réchauffement mondial atteindra 1,5 °C par rapport à l
’
ère préindustrielle
dès le début des années 2030. Les scénarios qui permettraient de limiter le
réchauffement mondial à 2 °C impliquent de très fortes réductions des
émissions mondiales de GES d'ici 2030 alors qu
’
il est observé qu
’
elles
continuent d'augmenter. Ainsi, les politiques en place et les engagements des
États conduisent à un réchauffement mondial d
’
environ 3 °C d'ici 2100 par
rapport à l
’
ère préindustrielle, ce qui correspond à un réchauffement moyen
de 4 C en France métropolitaine. Dans un objectif de protection des
Français, il est indéniablement du devoir du Gouvernement de prendre acte
de cette réalité et d
’
anticiper les impacts d'un tel niveau de réchauffement.
C
’
est ce scénario réaliste que j
’
ai souhaité soumettre aux Français
lors d
’
une consultation publique qui s
’
est tenue du 23 mai au 15 septembre
dernier. 1 124 contributions ont été reçues dont 31 d'institutions et
collectivités (services et opérateurs de l
’
État, régions, fédérations
d’entreprises...), témoignant d'un intérêt certain de nos compatriotes pour les
CHAPITRE INTRODUCTIF
133
questions liées au changement climatique et d
’
une forte adhésion à l'idée de
fixer une trajectoire de réchauffement de référence pour préparer la France
aux impacts du changement climatique. Les contributions reçues montrent
également que, face à l'augmentation de la fréquence des événements
climatiques extrêmes, aux records de température battus année après année,
aux Inondations dévastatrices et aux incendies majeurs de forêt, les Français
ont pris conscience de la réalité du changement climatique pour notre
territoire et de la nécessité de se préparer à l'aggravation de ces impacts.
En mai dernier, le Conseil national de la transition écologique avait
également émis, à l'unanimité, un avis favorable sur ce scénario, preuve
que les différentes parties prenantes qui le composent souhaitent agir avec
pragmatisme face au réchauffement climatique.
J
’
ai donc décidé que l
’
hypothèse d
’
un réchauffement qui se poursuit
pour atteindre progressivement 4 °C d'ici 2100 par rapport à l
’
ère
préindustrielle en France métropolitaine sera le scénario sous-tendant
l
’
élaboration en cours du troisième plan national d
’
adaptation au
changement climatique (PNACC 3).
Afin d
’
identifier les impacts qui seront associés à cette poursuite du
réchauffement et les mesures qui seront nécessaires pour les limiter au
maximum, Météo France a décliné cette trajectoire de réchauffement de
référence pour la France. Depuis le 20 septembre dernier, les données sont
disponibles pour les différents horizons temporels de la trajectoire à une
maille de 8 km par 8 km. Le BRGM a également été missionné pour
déterminer la hausse du niveau de la mer correspondante pour les côtes
françaises. Ces résultats permettront d'alimenter les travaux de mise à jour
des nombreuses normes et référentiels techniques comprenant une
composante climatique tels que les plans de prévention des risques
naturels. Ils permettront également à chaque collectivité de connaître les
évolutions attendues du climat sur son territoire.
Je souhaite que ce PNACC 3 comprenne des mesures concrètes,
alliant pragmatisme et ambition, et que nous construisions un modèle de
résilience de notre société, tout en évitant la mal-adaptation. Si
l'atténuation demeure au cœur de nos efforts pour contrer le changement
climatique, il est désormais tout aussi crucial de nous adapter, Le défi est
de taille mais c'est collectivement, en sortant du déni face à la réalité du
changement climatique, que nous saurons nous montrer à la hauteur des
enjeux et des attentes, légitimes, des Français.
Dans ce cadre de référence, vous trouverez ci-après les réponses
qu'appelle votre rapport dans les différents champs de politiques publiques
sectoriels.