PREMIÈRE CHAMBRE
PREMIÈRE SECTION
S2024-0047
OBSERVATIONS DÉFINITIVES
(Article R. 143-11 du code des juridictions financières)
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT :
REDONNER UNE PLACE
CENTRALE À LA MAÎTRISE DES
DÉPENSES
Le présent document, qui a fait l’objet d’une contradiction avec les destinataires concernés,
a été délibéré par la Cour des comptes, le 21 décembre 2023.
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
2
TABLE DES MATIERES
SYNTHÈSE
................................................................................................................
4
LISTE DES RECOMMANDATIONS
.......................................................................
8
INTRODUCTION
.......................................................................................................
9
1
UNE FONCTION BUDGÉTAIRE À CONFORTER POUR ASSURER LA
SOUTENABILITÉ FINANCIÈRE DES CHOIX POLITIQUES
.........................
10
1.1
L’autorité budgétaire centrale
: une cohésion à renforcer
................................
10
1.1.1
Des attributions de finances publiques partagées entre le ministre
chargé des finances, le ministre chargé de la sécurité sociale et le
Premier ministre
......................................................................................
10
1.1.2
Une division du travail au sein du ministère chargé des finances
stable depuis la mise en œuvre du Pacte de stabilité et de la Lolf
..........
13
1.1.3
La direction du budget : des ressources jeunes et investies, une
capitalisation des compétences fragilisée par la rotation des agents
.......
19
1.2
Des fonctions financières ministérielles au positionnement et aux
moyens variables
..............................................................................................
25
1.2.1
Les responsables de programmes, des acteurs prépondérants de la
préparation et de l’exécution des budgets, hors fonctions support
.........
26
1.2.2
Les responsables de la fonction financière ministérielle : au-delà de
l’animation et de la synthèse, une fonction nécessaire de
préparation des arbitrages
........................................................................
27
1.2.3
Des fonctions financières ministérielles sous tension, malgré un
effort d’animation de la filière par la direction du budg
et
......................
29
2
UN PROCESSUS DE PRÉPARATION DU BUDGET D
E L’
ÉTAT À
RÉORIENTER VERS LE DESENDETTEMENT ET UNE MAITRISE
DURABLE DES DÉPENSES
................................................................................
31
2.1
Des travaux préparatoires détaillés et pertinents, mais insuffisamment
pris en compte dans le cadrage initial des ministères
.......................................
32
2.1.1
Les travaux internes prospectifs et stratégiques (TIPS) et les revues
de dépenses : deux exercices complémentaires de recherche
d’économies structurelles
........................................................................
33
2.1.2
Une évolution tendancielle des dépenses à mieux objectiver dans le
cadre des réunions techniques
.................................................................
36
2.1.3
Un ancrage pluriannuel à géométrie variable
..........................................
38
2.1.4
La lettre de cadrage
: une occasion manquée d’inscrire les
arbitrages budgétaires dans les limites des objectifs de dépense à
moyen terme
............................................................................................
45
2.1.5
Des conférences de performance et des conférences immobilières à
redynamiser
.............................................................................................
47
2.2
Une procédure d’arbitrage fragmentée et incitant peu à la discipline
collective
..........................................................................................................
49
2.2.1
Des arbitrages en dépenses longs et parcellisés
......................................
49
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
3
2.2.2
Un processus d’arbitrage fiscal autonome
..............................................
54
2.2.3
La préparation des PLFSS : un processus distinct, mais étroitement
lié au cycle budgétaire
.............................................................................
56
2.3
La répartition des crédits et l’élaboration matérielle du projet de loi de
finances : des travaux à alléger
.........................................................................
59
2.3.1
Des plafonds en général respectés jusqu’au dépôt du PLF au
Parlement
.................................................................................................
59
2.3.2
Les documents annexés au projet de loi de finances : un
foisonnement d’informations peu exploité, une pluriannualité à
renforcer
..................................................................................................
61
2.3.3
Une communication budgétaire axée sur les moyens des politiques
et non sur leurs résultats
..........................................................................
63
3
LE SUIVI DE L’EX
ÉCUTION DU BUDGET DE
L’
ÉTAT : UN
PROCESSUS ROBUSTE EN COURS DE SIMPLIFICATION
..........................
65
3.1
Une programmation et une gestion des crédits simplifiées
..............................
66
3.1.1
Un bilan positif pour les expérimentations de simplification de la
programmation initiale
............................................................................
66
3.1.2
Une rationalisation bienvenue des modifications de crédits
...................
69
3.2
Des capacités de pilotage centralisé de l’exécution à maintenir
......................
72
3.2.1
Le contrôle budgétaire : des allégements en cours
..................................
72
3.2.2
Des facultés importantes de pilotage de l’exécution des dépenses en
fin de gestion
............................................................................................
75
3.3
Une prise en compte des risques insuffisante
...................................................
76
3.3.1
Une analyse des risques insuffisamment présente lors de la
programmation pluriannuelle des finances publiques et de la
préparation du budget annuel
..................................................................
76
3.3.2
Des dispositifs de gestion des risques en cour
s d’exécution peu
flexibles
...................................................................................................
78
LISTE DES ABRÉVIATIONS
.................................................................................
81
ANNEXES
................................................................................................................
85
Annexe n° 1.
La budgétisation des emplois et des crédits de personnel
.....
86
Annexe n° 2.
Les nomenclatures budgétaires
.............................................
87
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
4
SYNTHÈSE
La crise de covid19 a porté le dé
ficit du budget de l’
État à un niveau inédit en 2020
(179,9
Md€). Dans le contexte d’une récession sans précédent
marquée par une baisse du PIB
de 7,5 % en volume, les autorités publiques ont donné la priorité à la préservation des capacités
productives et au soutien du revenu des professions touchées par le confinement, puis à la
relance de l’act
i
vité. L’encadrement européen des finances publiques a été suspendu et les lois
de finances ont dévié de la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques 2018-
2022.
Dans un rapport au Premier ministre de juin 2021 destiné à éclairer la sortie du « quoi
qu’il en coûte
»
1
, la Cour des comptes recommandait «
dès que l’activité sera revenue au moins
au niveau d’avant crise, [d’]engager une consolidation des finances publiques, e
n privilégiant
des mesures portant sur la dépense publique »
. En pratique, malgré une croissance forte en
2021 (+ 6,4 % en volume) et en 2022 (+ 2,5 %), cette consolidation a tardé : le déficit structurel
de l’ensemble des admin
istrations publiques représentait 4,2 % du PIB potentiel en 2023, contre
3 % en 2019.
Cette situation peut s’expliquer par l’effet différé des mesures de relance, de
nouvelles dépenses décidées en 2022 pour soutenir le pouvoir d’achat dans le contexte de la
résurgence de l’inflation,
mais aussi par un affaiblissement de la procédure budgétaire.
Celle-
ci a été privée trop longtemps d’une référence pluriannuelle
: la nouvelle loi de
programmation 2023-
2027 n’a été promulguée qu’en décembre 2023 et la surveillance
européenne des déficits publics remise en vigueur seulement en 2024. Au-delà de cette perte
des repères pluriannuels, le passage au second plan des objectifs de maîtrise de la dépense de
l’
État a limité la portée du dialogue contradictoire entre les ministères dépensiers et le ministère
chargé
des finances sur l’efficacité et le coût des mesures nouvelles, indispensable pour assurer
la qualité de la dépense publique.
La loi de programmation des finances publiques pour les années 2023-2027 (LPFP
2023-2027) affiche désormais un objectif de retour à un déficit public inférieur à 3 % du PIB
en 2027. Des incertitudes entourent cependant le respect de cette trajectoire. Elles résultent du
scénario macroéconomique sur laquelle celle-ci est construite
, comme l’a relevé le Haut conseil
des finances publiques (HCFP), mais aussi des faiblesses
ancrées dans l’organisation et les
procédures de préparation des textes financiers, auxquelles la loi organique de modernisation
de la gestion des finances publiques du 28 décembre
2021 (LOMGFP) n’a pa
s apporté de
réponse décisive.
Le présent rapport
analyse dans quelle mesure l’organisation de la fonction budgétaire
et les conditions
de préparation et de suivi de l’exécution du budget de l’
État sont en capacité,
au sortir de cette période de desserrement de la discipline budgétaire, de
mettre en œuvre cette
trajectoire de finances publiques et de favoriser une maîtrise durable des dépenses publiques.
Au terme de son analyse, la Cour propose dix recommandations pour réarmer la procédure
budgétaire,
qui peuvent toutes être mises en œuvre sans modification de
s textes constitutionnel
ou organique. Elles peuvent être regroupées en quatre orientations.
1
Cour des comptes,
Une stratégie de finances publiques pour la sortie de crise
, juin 2021.
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
5
Renforcer la cohésion interministérielle autour des objectifs de la
politique budgétaire
Au sein
du Gouvernement, la préparation et l’exécution du budget de l’
État reposent sur
le dialogue entre une autorité budgétaire centrale, garante du respect des objectifs globaux de
la politique budgétaire et d’une répartition des moyens conforme aux priorités de l’action
gouvernementale, et des « ministères dépensiers » qui doivent chiffrer les besoins liés à leurs
objectifs de politique publique, négocier les moyens correspondants et les mettre en œuvre de
la manière la plus efficiente possible.
L’autorité bud
gétaire centrale est partagée entre le ministre chargé des finances qui
prépare le projet de loi de finances (PLF), le ministre chargé de la sécurité sociale qui prépare
le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), sous réserve des compétences du
précédent
en matière d’équilibre général des comptes sociaux,
et le Premier ministre qui arbitre
le contenu de ces deux projets
à l’issue de processus différents. Au sein même du PLF, les
arbitrages fiscaux ne sont pas subordonnés aux objectifs de la politique budgétaire et les
objectifs de maîtrise des dépenses et de désendettement ne sont pas portés collectivement,
chaque ministère dépensier étant engagé dans un jeu non coopératif avec le ministère chargé
des finances pour maximiser ses moyens. Pour rompre cette dynamique, la discipline collective
pourrait être encouragée par deux mécanismes.
Dès lors que le Gouvernement transmet ses objectifs annuels de finances publiques dès
la fin avril au Parlement et à la Commission européenne, les lettres de cadrage envoyées aux
ministères au même moment gagneraient à abandonner le caractère très générique qui est
actuellement le leur pour devenir plus prescriptives, et à inclure désormais des pré-plafonds par
ministère.
Par ailleurs, afin
d’
inciter à des comportements coopératifs, les programmes budgétaires
dont le montant serait fixé par accord entre le ministre des finances et son homologue sectoriel
sans arbitrage du Premier ministre pourraient
bénéficier d’un
taux de mise en réserve réduit.
Assurer une pleine cohérence entre les différents objectifs pluriannuels
de la politique budgétaire
Dans le cadre européen des finances publiques, repris par le cadre constitutionnel et
organique national
, l’utilisation de la politique budgétaire à des fins conjoncturelles s’inscrit
dans un objectif d’équilibre des finances publiques à moyen terme qui doit permettre
d’assurer
la soutenabilité de la dette publique. Afin de fonder la trajectoire budgétaire sur une analyse
partagée de cette soutenabilité, la Cour recommande de compléter le rapport annuel sur la dette
joint au PLF depuis 2022.
L’
objectif
d’équilibre à moyen terme s’incarne dans deux mécanismes d’encadrement
pluriannuel des finances publiques et du budget de l’
État : le programme de stabilité sur le plan
européen et la LPFP au niveau national. Ces deux dispositifs, imparfaitement cohérents entre
eux, ne sont pas contraignants dans l’élaboration des lois de finances annuelles et coexistent
avec des lois de programmation sectorielles qui portent également des engagements financiers
pluriannuels.
La loi organique de modernisation de la gestion des finances publiques (LOMGFP) de
2021 a confié au Haut Conseil de finances publiques (HCFP) la responsabilité de vérifier la
cohérence entre les lois de programmation sectorielles et la LPFP en vigueur. Cette mesure ne
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
6
garantit cependant la soutenabilité des lois de programmation sectorielles que sur la période de
la LPFP en cours. Au-delà, les plafonds par mission fixés par une nouvelle LPFP devraient se
substituer à ceux prévus par une loi de programmation sectorielle antérieure pour maintenir la
cohérence de la stratégie pluriannuelle.
La cohérence avec la LPFP n’emporte par ailleurs pas nécessairement la conformité au
programme de stabilité. Dans le système en vigueu
r jusqu’en 2023, c
elui-ci reposait
principalement sur un objectif glissant d’amélioration du solde structurel, tandis que, pour
l’
État, la LPFP édicte des plafonds en principe fixes de dépenses. La réforme du Pacte de
stabilité et de croissance, adoptée
par le Conseil de l’Union européenne
en décembre 2023 et
en cours de discussion avec le Parlement européen, supprime les programmes de stabilité au
profit d’une trajectoire pluriannuelle d’au moins quatre ans
des dépenses nettes des mesures
nouvelles en prélèvements obligatoires, spécifique à chaque État, ce qui doit rapprocher les
modalités de suivi des deux documents.
La Cour
suggère d’assurer, pendant la préparation et l’adoption du PLF, un suivi effectif
et permanent, à la fois
de l’évolution des dépenses mais aussi de l’incidence des mesures
nouvelles affectant les prélèvements obligatoires. Un simple pilotage par le solde risque en effet
d’avoir des effets
procycliques
, en permettant une réduction de l’effort
en dépense lorsque les
recettes sont dynamiques. Par ailleurs, respecter la trajectoire fixe de dépenses pendant au
moins quatre ans, comme le prévoit la réforme européenne,
implique d’intégrer à
la LPFP une
provision pour aléas (« provision de programmation
») croissante d’année en
année.
Donner la priorité à l’arbitrage des
économies et des mesures nouvelles
au sein d’
une procédure budgétaire mieux séquencée
Le cycle budgétaire ne priorise pas suffisamment
l’analyse et l’arbitrage des mesures
nouvelles. Chaque ministère sectoriel
envisage aujourd’hui son
cadrage pluriannuel comme un
socle acquis, à partir duquel il peut envisager de nouvelles dépenses, et non comme un plafond.
Il en résulte une difficulté permanente à dégager des économies structurelles entre deux
exercices de programmation pluriannuelle et le maintien, chaque année, de nombreuses
propositions de mesures à négocier dans le cadre de la procédure budgétaire.
Afin de redonner au cadrage pluriannuel
le caractère d’un plafond effectif, les travaux
préparatoires à la budgétisation doivent
d’abord mieux distinguer ce plafond de l’évolution
tendancielle des dépenses. Ainsi, dès le début de la procédure budgétaire, au mois de mars,
pourrait être établie une prévision
d’
évolution tendancielle à politiques inchangées, fondée sur
des déterminants techniques
qui feraient l’objet de prescriptions méthodologiques plus précises
et partagées entre ministères. Celle-ci serait ensuite corrigée pour tenir compte des économies
structurelles décidées
en amont de la phase d’arbitrage
grâce aux revues de dépenses.
La différence entre le plafond pluriannuel,
d’une part
,
et la somme de l’évolution
tendancielle et des économies structurelles, d’autre part, constitue la marge de manœ
uvre
budgétaire ou, si elle né
gative, l’impasse à financer.
Le but des arbitrages ultérieurs serait alors
de faire des choix entre mesures nouvelles proposées par chaque ministère et mesures de
redressement supplémentaires proposées par le ministère chargé des finances, pour respecter le
plafond pluriannuel de dépenses.
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
7
Aujourd’hui
Demain ?
Socle = cadrage pluriannuel
Tendanciel « technique »
- Économies (revue de dépenses)
+ Mesures nouvelles arbitrées
+ Mesures nouvelles arbitrées
- Mesures de redressement arbitrées
_____________________________________
__________________________________
= Dépense annuelle > Cadrage pluriannuel
= Dépense annuelle < Plafond pluriannuel
Ce schéma, qui place le cœur des arbitrages non plus sur la confirmation ou l’infirmation
des plafonds pluriannuels déjà décidés mais sur les mesures nouvelles proposées, permettrait
que celles-ci soient m
ieux expertisées et arbitrées au regard d’éléments plus solidement étayés.
Tel est notamment l’enjeu des revues de dépenses prévu
es par la LPFP 2023-2027, auxquelles
la Cour des comptes a déjà consacré plusieurs travaux au printemps 2023. La Cour recommande
d’instituer un dispositif d’arbitrage interministériel des mesures d’économies proposées par les
revues de dépenses en amont des conférences de budgétisation et de formaliser le rôle de la
direction du budget dans cet exercice.
À cet égard, certaines difficultés rencontrées par la direction du budget pour susciter,
contre-
expertiser ou accompagner des réformes structurelles s’expliquent par des faiblesses
internes qui tiennent à la rotation trop importante des cadres et à l’insuff
isante présence
d’experts chevronnés des politiques publiques venus des autres ministères. La direction du
budget a commencé à y remédier en engageant la diversification des profils de ses cadres et en
les incitant à garder leurs fonctions plus longtemps, mais ces efforts doivent être poursuivis et
amplifiés pour veiller au maintien des compétences spécifiques et les enrichir.
Poursuivre l’allègement des tâches budgétaires
à faible valeur ajoutée
L
’effort de consolidation
budgétaire à mener à bien sur les années 2023 à 2027 implique
de recentrer autant que possible la préparation et le
suivi de l’exécution du budget de l’
État sur
leurs dimensions majeures, en allégeant autant que possible les tâches à faible valeur ajoutée.
Plusieurs mesures de simplification
ont été mises en œuvre ou expérimentées
au cours
des dernières années, notamment dans le cadre du chantier transverse de « gestion financière et
comptable
» d’Action publique 2022. Les mouvements infra
-annuels de crédits ont été
considérablement ration
alisés par l’avancement de la date des reports, le rassemblement des
virements et des transferts en deux campagnes, l
’absence de recours ces dernières années à
des
décrets d’avance de fin de gestion, l’adoption plus précoce et la simplification du contenu
de la
dernière loi de finances rectificative (LFR)
de l’année
, désormais dénommée loi de finances de
fin de gestion (LFFG). La gestion des dépenses et des ressources humaines a elle aussi été
simplifiée par l’allègement des visas et avis et la mise en plac
e des centres de gestion financière.
La Cour recommande d’aller plus loin dans deux directions
: la suppression de certaines
annexes du PLF peu utilisées par les parlementaires et la généralisation du document de
programmation unique (DPU) pour accélérer la mise à disposition des crédits en début
d’exercice.
*
*
*
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
8
LISTE DES RECOMMANDATIONS
Orientation 1 : Renforcer la cohésion interministérielle autour des objectifs de la politique
budgétaire
Recommandation n° 4.
(SGG, DB) : Renforcer le rôle prescriptif des lettres de cadrage en y
incluant des pré-plafonds par ministère .
Recommandation n° 5.
(DB) :
Réduire le taux de mise en réserve des programmes qui font
l’objet d’un accord entre le ministre
chargé des finances et le ministre responsable sans arbitrage
du Premier ministre.
Orientation 2 : Assurer une pleine cohérence entre les différents objectifs pluriannuels de
la politique budgétaire
Recommandation n° 3.
(SGG, DB) :
Actualiser les dispositions financières des lois de
programmation sectorielles
à l’occasion de
toute LPFP postérieure.
Recommandation n° 6.
(DG Trésor, DB, DLF)
: S’assurer à tout moment pendant la
préparation et l’examen par le Parlement du PLF que l’évolution des dépenses sur le périmètre
de l’État, d’une part, l’incidence des mesures nouvelles en prélèvements obligatoires, d’autre
part, sont cohérentes avec les cibles pluriannuelles définies par la LPFP.
Recommandation n° 8.
(DG Trésor)
: Renforcer l’analyse de soutenabilité de la dette dans le
rapport annuel sur la dette des administrations publiques.
Recommandation n° 10.
(DB) :
Intégrer dans la loi de programmation des finances
publiques une provision de programmation
croissante d’année en année, d’un montant au moins
égal à 1 % des crédits la première année.
Orientation 3 : Donner la
priorité à l’arbitrage des économies et des mesures nouvelles au
sein d’une procédure budgétaire mieux séquencée
Recommandation n° 1.
(SGG, DB) : Instituer un disposi
tif d’arbitrage interministériel des
mesures d’économies proposées par les revues de dépenses intégré à la procédure budgétaire et
formaliser le rôle de secrétariat confié à la direction du budget.
Recommandation n° 2.
(DB) : Afin de faciliter les accords techniques à un stade précoce de
la procédure budgétaire, élaborer et partager avec les ministères des méthodes permanentes et
harmonisées de calcul de l’évolution tendancielle des grandes catégories de dépenses.
Orientation 4 : Poursuivre l'allègement des tâches budgétaires à faible valeur ajoutée
Recommandation n° 7.
(DB)
:
Proposer au Parlement la suppression des documents jaunes
et oranges annexés au PLF présentant les plus faibles
statistiques d’utilisation au cours des trois
dernières années.
Recommandation n° 9.
(DB) :
Généraliser le document de programmation unique en
remplacement du document de répartition initiale des crédits et des emplois et du document de
programmation et étudier la possibilité de fusionner le document de programmation unique et
le document de programmation et de gestion des emplois et crédits de personnel.
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
9
INTRODUCTION
Dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques de juin 2023,
la Cour des comptes rappelait que la trajectoire prévue par le Gouvernement pour ramener le
déficit public sous 3 % du produit intérieur brut (PIB) en 2027, pourtant moins ambitieuse que
celle de nos principaux partenaires européens, exigerait un effort substantiel de maîtrise de la
dépense pendant cinq années consécutives. Cet effort implique un réarmement de la procédure
budgétaire,
qui sort affaiblie d’une période de trois ans marquée par la mise en parenthèses des
objectifs pluriannuels de finances publiques et la priorité donnée à la gestion de la crise
sanitaire, à la relance économique
et à la réponse à l’inflation énergétique
.
Bien que les dépenses publiques (58
% du PIB en 2023) couvrent à la fois l’
État et les
autres organismes d’administration centrale (administrations publiques centrales, ou APUC),
les administrations publiques locales (APUL) et les administrations de sécurité sociale (ASSO),
le budget de l’
État est appelé à supporter une grande partie de cet effort. Si les dépenses des
APUC ne représentent que 42
% de l’ensemble des dépenses publiques, l’
État concentre à
nouveau depuis 2022
l’essentiel du
déficit public (4,8 % du PIB). De surcroît, les lois de
finances portent non seulement sur
les recettes et les dépenses de l’
État mais aussi sur une part
importante des ressources des collectivités territoriales et décident des taxes qui leur sont
affectées ainsi qu’à la sécurité sociale.
Alors que l’encadrement européen des finances publiques
redevient effectif en 2024, le
présent rapport
examine l’organisation de la fonction budgétaire de l’État (première partie) et
les processus de préparation et d’exécution des lois de finances (respectivement, deuxième et
troisième parties), issus de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf) modifiée en 2021
et de la précédente réforme de la gouvernance européenne des finances publiques de 2012
2
.
Pour ce faire, il s’appuie notamment sur l’
étude, étape par étape, des documents préparés
par le ministère chargé des finances, les autres ministères et le cabinet du Premier ministre pour
un échantillon de trois lois de finances (2018, 2019 et 2021) et quatre missions du budget
général (
Culture ; Écologie, développement et mobilité durables ; Sécurités ; Travail et
emploi
)
.
La phase parlementaire d’adoption de la loi de finances n’est en revanche pas analysée.
Malgré les progrès permis par les modifications du cadre organique national des
finances publiques au cours des deux dernières années
3
, la
fonction budgétaire de l’
État a encore
besoin d’être confortée pour assurer la soutenabilité financière des choix politiques et
le
processus de préparation du budget de l’
État doit être réorienté dans le sens
d’
une maîtrise
durable des dépenses. Le process
us de suivi de l’exécution, dont les mesures de simplification
mises en œuvre ces dernières années n’ont pas entamé la robustesse, constitue en revanche un
acquis à préserver.
2
Les processus connexes de prévision des recette
s de l’
État, de gestion de sa dette et de sa trésorerie et
d’établissement des comptes de l’
État et de la loi de règlement ne sont pas traités.
3
Loi organique relative à la modernisation de modernisation de la gestion financière publique
et
loi relative aux
lois de financement de la sécurité sociale
.
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
10
1
UNE FONCTION BUDGÉTAIRE À CONFORTER POUR
ASSURER LA SOUTENABILITÉ FINANCIÈRE DES CHOIX
POLITIQUES
Au sein du Gouvernement, l
a préparation et l’exécution du budget de l’
État reposent sur
le dialogue entre une autorité budgétaire centrale, garante du respect des objectifs globaux de
la politique budgétaire et d’une répartition des moyens conforme aux priorités de l’action
gouvernementale, et des fonctions financières ministérielles qui doivent chiffrer les besoins liés
aux objectifs sectoriels de politique publique, négocier les moyens correspondants avec
l’autorité budgétaire centrale
et les
mettre en œuvre de la manière la plus efficiente possible.
1.1
L’
autorité budgétaire centrale : une cohésion à renforcer
1.1.1
Des attributions de finances publiques partagées entre le ministre chargé des
finances, le ministre chargé de la sécurité sociale et le Premier ministre
Les attributions gouvernementales en matière de finances publiques sont partagées entre
le ministre des finances, le plus souvent secondé par un ministre délégué ou secrétaire d’
État
plus spécifiquement chargé des comptes publics, le ministre chargé de la sécurité sociale et le
Premier ministre qui arbitre à la fois le PLF et le PLFSS, mais selon des processus et des canaux
différents. Cette déconnexion partielle des arbitrages
peut être source d’inefficacité dans une
situation caractérisée par une intr
ication croissante des finances de l’
État avec les finances
locales et sociales et un endettement élevé réclamant une consolidation des finances publiques
à laquelle participent toutes les administrations publiques.
1.1.1.1
Un budget
de l’
État préparé au nom du ministre chargé des finances par un
ministre délégué
«
Sous l’autorité du Premier ministre, le ministre chargé des finances prépare les
projets de lois de finances »
(
Lolf, art. 38
). Depuis mai 2012, celui-ci a eu en général à ses côtés
un ministre délégué ou un secrétaire d’
État chargé des comptes publics. Par exception, les
gouvernements Philippe I et II (2017-2020) comptaient un ministre chargé des comptes publics
de plein exercice
qui n’était pas pour autant le ministre
chargé des finances mentionné par la
loi organique. En pratique, la préparation des lois de finances associait alors les deux ministres,
le ministre chargé des finances restant notamment compétent pour les affaires financières
européennes, la prévision économique et la législation fiscale.
Le schéma actuel qui réunit le ministère chargé des finances et chargé celui des comptes
publics est plus conforme à la loi organique, mais il
n’exclut pas l
es coûts de coordination. Fin
2023, i
l n’exist
ait plus de conseillers conjoints au cabinet du ministre chargé des finances et à
celui du ministre délégué aux comptes publics. Cette situation contraste avec celle rencontrée
dans les autres pôles ministériels complexes. Au ministère de l’intérieur et à celui de la
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
11
transition écologique, les directeurs de cabinet des ministres délégués sont généralement
directeurs-adjoints du cabinet du ministre de plein exercice. La coordination est plus forte
encore au ministère de
l’Europe et de
s affaires étrangères où des conseillers du ministre de plein
exercice sont directeurs adjoints du cabinet des ministres délégués et secrétaires d’État.
Par le
passé, le conseiller « finances publiques » du ministre chargé des finances était souvent aussi
le directeur de cabinet adjoint et le conseiller de synthèse du ministre délégué ou secrétaire
d’
État chargé des comptes publics.
1.1.1.2
Une association toujours forte du ministre chargé des finances à la politique
salariale, un lien plus distendu avec la transformation de l’action publique
L’articulation de la fonction budgétaire de l’
État avec les politiques de ressources
humaines et de modernisation a été variable au cours du temps.
Malgré l’existence d’un ministre
distinct, elle reste
aujourd’hui toujours forte pour la politique salariale, mais le lien s’est
distendu avec la politique de transformation publique.
Le ministère de la fonction publique, intégré au ministère des comptes publics de 2005
à 2012 puis de 2017 à 2020, est redevenu un ministère de plein exercice de 2012 à 2017 et de
2020 à janvier 2024. La budgétisation des dépenses de personnel impose en tout état de cause
une coopération étroite avec le ministre chargé des finances qui «
est associé à la conduite de
la politique des rémunérations, pensions et retraites des agents publics »
4
. Cette association
vaut dans la préparation des négociations sur l
e point d’indice
et
dans l’instruction des
demandes catégorielles. Dans ce domaine, le guichet unique entre la direction générale de
l’
administration et de la fonction publique (DGAFP) et la direction du budget, mis en place en
2007, reste un outil de cohérence indispensable entre politique des ressources humaines et
moyens budgétaires, malgré les critiques qui lui sont parfois adressées concernant les délais
d’examen des demandes
.
La coordination est aujourd’hui moins solidement assurée en matière de tran
sformation
publique. Alors que la révision générale des politiques publiques (RGPP, 2007-2012) assumait
le rétablissement de l’équilibre des comptes publics comme l’un des objectifs de la réforme de
l’
É
tat, un éloignement s’est progressivement installé ent
re les politiques de modernisation de
l’action publique (2012
-2017) puis de transformation publique (depuis 2017) et la politique
budgétaire. Depuis 2020, le ministre chargé des finances ne dispose plus de la délégation
interministérielle à la transformation publique (DITP), alors même que celle-ci est, en principe,
investie d’attributions en matière de contrôle de gestion et d’évaluation des politiques
publiques. L
a dimension d’efficience des politiques publiques est
toutefois absente du dispositif
de suivi des politiques prioritaires conforté par la circulaire du Premier ministre du 19
septembre 2022. «
Continuer à baisser les impôts en maîtrisant les finances publiques »
est
ainsi, sans plus, l’une des soixante priorités listées.
Dans ses observations définitives de mai
2023 sur la DITP
5
, la Cour avait recommandé de «
revoir la définition des objectifs et des cibles
des indicateurs »
, en souhaitant les voir «
se rapprocher plus qu’actuellement des indicateurs
de performance des programmes budgétaires »
. Dans sa configuration actuelle, ce dispositif de
4
En dernier lieu,
décret n° 2023-
662 du 26 juillet 2023 relatif aux attributions du ministre de l’économie, des
finances et de la souveraineté industrielle et numérique
.
5
Cour des comptes,
La direction interministérielle de la transformation publique : missions, organisation, gestion
,
mai 2023.
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
12
suivi n’intègre pas de
contrôle de gestion, ni
a fortiori
d’évaluation des politiques publiques, ce
que confirme l
a réapparition d’un processus
distinct de revue de dépenses dans la loi de
programmation des finances publiques (LPFP) 2023-2027.
1.1.1.3
Des finances locales largement intégrées à la loi de finances, une budgétisation
séparée de la sécurité sociale
Le ministre chargé des finances (ou le ministre chargé des comptes publics, entre 2017
et 2020) e
xerce une responsabilité qui dépasse le budget de l’
État et comprend aussi pour partie
les dépenses locales et les dépenses sociales. Selon une formulation immuable dans les décrets
d’attributions
, il «
est responsable de l'ensemble des comptes publics et de la stratégie
pluriannuelle des finances publiques »
. Cette responsabilité en matière de stratégie
pluriannuelle des finances publiques se traduit par la préparation du programme de stabilité et
des projets de LPFP. Cette compétence est toutefois partagée, pour les finances locales comme
pour les finances sociales, mais selon des modalités différentes.
À
l’exception de certaines taxes affectées
enregistrées dans des comptes de tiers, la plus
grande partie des financements des collectivités territoriales transite par la loi de finances selon
des modalités variées (compte d’avances, prélèvement sur recettes, missions
Remboursements
et dégrèvements
et
Relations avec les collectivités territoriales
). Depuis 2012, le ministre
chargé des finances
«
élabore
et met en œuvre les règles relatives aux finances locales
»
, le
plus souvent «
conjointement
» avec d’autres ministres
la direction générale des collectivités
locales (DGCL) restant sur toute la période mise à disposition du ministre chargé des finances
ou du ministre chargé
des comptes publics, sans qu’il
s aient autorité sur elle. Les concours aux
collectivités territoriales et la fiscalité locale constituent ainsi
l’un
des objets majeurs de la
préparation des lois de finances, faisant l’objet de conféren
ces budgétaires et fiscales avec la
DGCL.
La loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques de 2021
(LOMGFP)
6
a réagencé les différents moments où étaient examinées les finances locales dans
la discussion du PLF (dispositions fiscales et prélèvements sur recettes - PSR - en 1
e
partie,
mission
Relations avec les collectivités territoriales
en 2
e
partie) autour d’un débat annuel sur
les finances locales (
Lolf, art. 52
).
En matière de finances sociales, «
s
ous l’autorité du Premier ministre, le ministre
chargé de la sécurité sociale prépare les projets de lois de financement de la sécurité sociale »
(code de la sécurité sociale,
article LO-111-5
). En pratique, la configuration variable des
ministères sociaux conduit parfois à un partage des responsabilités, notamment entre ministres
chargés de la santé, du travail ou des affaires sociales
7
, sous réserve des compétences du
ministre des finances. L
es décrets d’attribution successifs rendent le ministre des finances ou le
ministre des comptes publics «
responsable de l'équilibre général des comptes sociaux et des
mesures de financement de la protection sociale »
et lui donnent une responsabilité conjointe
avec le ministre chargé de la sécurité sociale pour la préparation de la loi de financement de la
sécurité sociale et le suivi de son exécution. À cette fin, la direction de la sécurité sociale (DSS)
est placée sous l’autorité conjointe d
es deux ministres depuis 2007. Pour autant, ce processus
6
Loi organique du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques
.
7
Décret n° 2022-835 du 1
er
juin 2022 relatif aux attributions du ministre de la santé et la prévention
.
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
13
de budgétisation reste distinct de celui de l’État par ses acteurs, son c
alendrier mais aussi par
ses méthodes (cf. 2.2.3).
1.1.1.4
Des arbitrages rendus par le Premier ministre de façon distincte pour le PLF et le
PLFSS
Les arbitrages en dépenses
sur le PLF sont rendus à l’issue d’une longue phase
préparatoire interministérielle par le Premier ministre qui signe les lettres plafond. Celui-ci
arbitre également les mesures fiscales du PLF et le PLFSS au terme de processus différents.
Une revue du système de finances publiques français réalisée par l’OCDE en 2018 avait
recommandé à la France de «
réfléchir aux possibilités de réduction de la fragmentation de son
cadre budgétair
e »
8
. La Cour avait formulé en 2020 plusieurs recommandations de niveau
organique en 2020
9
dans ce domaine.
Les dispositions de la loi organique du 14 mars 2022 relative aux lois de financement
de la sécurité sociale (LFSS) incluent certaines mesures visant à une meilleure coordination des
textes financiers :
ajout dans le PLFSS d’un article liminaire miroir de celui
du PLF; alignement
du calendrier de dépôt du PLFSS sur celui du PLF ;
création d’une loi d’approbation des
comptes de la sécurité sociale, déposée en même temps que la loi relative aux résultats de la
gestion et portant approbation des comptes
de l’
État.
Avant le changement de gouvernement intervenu les 9 et 11 janvier 2024, la fonction
d’arbitrage des textes financiers
au sein du cabinet du Premier ministre restait également
fragmentée. Le pôle « économie, finances, souveraineté industrielle et numérique » était
responsable du cadrage macroéconomique, de la définition des objectifs globaux de finances
publiques et de la fiscalité. Le pôle «
budget, fonction publique, réforme de l’
État
» n’
était
chargé que de la préparation des arbitrages en dépenses du PLF, le pôle social préparant les
arbitrages du PLFSS et les finances locales étant suivies au sein du pôle « territoires ». Cette
structure paraît peu adaptée au retour au premier plan des préoccupations relatives à la situation
des finances publiques et à
l’imbrication croissante des fina
nces locales et sociales avec les
finances de l’
État. Si elle devait être
maintenue, un calendrier intégré des réunions d’arbitrage
du PLF et du PLFSS permettrait au minimum de renforcer la coordination entre les pôles.
1.1.2
Une division du travail au sein du ministère chargé des finances stable depuis
la mise en œuvre du
Pacte de stabilité et de la Lolf
La direction du budget et la direction de la législation fiscale (DLF) sont les maîtres
d’œuvre de la préparation d
e la loi de finances dans le cadre de prévisions macroéconomiques
et en fonction d’objectifs globaux de finances publ
iques à moyen terme arrêtés par les autorités
politiques au vu des prévisions et des analyses réalisées par la direction générale du Trésor.
8
Delphine Moretti, Dirk Kraan,
Budgeting in Franc
e
, OECD Journal on Budgeting, 2018/2.
9
Cour des comptes,
Finances publiques : pour une réforme du cadre organique et de la gouvernance
, 2020.
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
14
Le suivi de l’exécution repose ensuite sur la direction du budget et la direction générale
des finances publiques (DGFiP), dont les contrôles en matière de dépense, sont exercés par les
contrôleurs budgétaires et comptables ministériels (CBCM) en administration centrale, les
directeurs régionaux (DRFiP) et les directeurs départementaux des finances publiques (DDFiP)
au niveau déconcentré. Le contrôle budgétaire des opérateurs
10
est partagé entre les CBCM et
le contrôle général économique et financier (CGefi), tandis que le contrôle comptable des
organismes soumis aux titres I et III (« organismes publics »)
11
du décret relatif à la gestion
budgétaire et comptable publique (GBCP) repose sur des agents comptables détachés par la
DGFiP
auprès d’eux
.
À
l’exception d’aménagements limités dans le domaine du contrôle budgétaire, c
ette
division du travail est restée globalement stable depuis 2008. Cette stabilité contraste avec la
décennie précédente qui avait été cadencée, dans le contexte de la mise en place du Pacte de
stabilité européen puis de la Lolf, par des réformes structurelles importantes au sein du
ministère chargé des finances (création de la direction générale du Trésor en 2004,
réorganisation interne de la direction du budget en 2007, création de la direction générale des
finances publiques en 2008). Le renforcement de certaines problématiques (gestion des aléas et
des crises, soutenabilité à long terme des finances publiques, fiscalisation de la sécurité sociale,
revues de dépenses)
n’appelle pas de bouleversement d’ensemble mais
peut justifier des
ajustements dans les modalités d’accomplissement de
leurs missions respectives par le Trésor,
la direction du budget et la DLF.
1.1.2.1
La direction générale du Trésor : un département « macro-budgétaire » aux
productions incomplètes
La direction générale du Trésor (Trésor) est née en 2004 de la fusion des directions du
Trésor, de la prévision et des relations économiques extérieures. Dans le domaine des finances
publiques, elle remplit une double fonction :
-
la gestion des éléments financiers du bilan et du hors bilan de l’
État (prêts et avances,
dettes financières, trésorerie et garanties), à l’exception des participations financières,
l’agence des participations de l’
État (APE) étant placée depuis 2011 directement sous
l’autorité du ministre
chargé
de l’économie
: cette fon
ction importante n’a pas été
analysée dans le cadre du présent rapport ;
10
Les opérateurs de l’État sont des organismes distincts de l’État
auxquels est confiée une mission de service
public. Placés sous le contrôle direct de l'État, ils sont financés en majorité par lui et contribuent à la performance
des programmes budgétaires
auxquels ils participent. Par exception, certains organismes ne respectant pas l’un de
ces critères peuvent être classés comme opérateurs de l’État s’ils concourent de façon sign
ificative aux objectifs
d’un programme. L
eur liste est fixée chaque année dans le cadre du PLF. Ils sont notamment soumis à un plafond
d’autorisation d’emplois voté en loi de finances
et en général appartiennent en comptabilité nationale au champ
des organ
ismes divers d’administration centrale (ODAC)
.
Les ODAC sont les entités auxquelles l’État a donné
une compétence fonctionnelle spécialisée au niveau national,
qu’il
contrôle et finance
en majorité, et dont l’
activité
est principalement non marchande. Leur
liste est publiée chaque année par l’Insee.
11
Le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique
(« décret
GBCP ») a créé la notion
d’« organismes publics » pour qualifier les entités soumises à la comptabilité publique.
Le champ des organismes publics est adossé par le décret au périmètre des ODAC en comptabilité nationale, avec
quelques exceptions.
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
15
-
le cadrage macroéconomique et les prévisions de finances publiques.
La création du Trésor sous sa forme actuelle a notamment été motivée par la volonté
d’assurer une meilleure coordi
nation entre les fonctions de négociation européenne qui
relevaient de la direction du Trésor et de prévision macroéconomique et financière assurées par
la direction de la prévision, dans un contexte d’importance croissante de l’encadrement
européen des finances publiques et de la politique économique.
Selon son texte institutif
12
, le Trésor «
élabore les prévisions économiques pour la
France et son environnement international et assure l'analyse et le conseil sur les politiques
macro-économiques et les questions économiques et financières européennes, en particulier en
matière de coordination des politiques économiques
;
elle remplit une fonction de conseil et de
prévision pour la conduite des politiques publiques en France dans les domaines des finances
publiques, des questions sociales et de l'emploi et des politiques sectorielles »
.
Au sein du Trésor, le service des politiques macroéconomiques et des affaires
européennes (SPMAE) «
assure la synthèse des prévisions macroéconomiques élaborées en
vue des textes financiers, et coordonne l'élaboration du rapport sur la situation et les
perspectives économiques, sociales et financières de la nation ».
Le service des politiques
publiques (SPP) «
réalise des prévisions de finances publiques sur le champ de l'ensemble des
administrations publiques
et
la synthèse des prélèvements obligatoires »
. Il «
élabore des
projections pluriannuelles de finances publiques, notamment pour les programmes de stabilité,
et pour les lois de programmation des finances publiques
,
prépare la notification à la
Commission européenne des déficits et de la dette publics de l'année en cours »
.
En matière
sociale, il «
élabore les prévisions relatives à l'emploi, au chômage, et aux comptes des
administrations sociales, y compris au compte de l'assurance chômage »
13
.
Les attributions de ces deux services recouvrent assez largement mais pas complètement
la notion de « département macro-budgétaire », présentée dans une note technique du FMI
comme «
l’entité gouvernementale clef pour l’élaboration d’objectifs de finances publiques et
d’orientations de politiques publiques soutenables à moyen terme et l’évaluation des risques
sur les finances publiques »
14
. Cette note du FMI identifie cinq tâches essentielles pour le
département macro-budgétaire : la conception de la stratégie macroéconomique et budgétaire à
moyen terme ; le pilotage des objectifs des finances publiques
; l’analyse de l’impact des
mesures nouvelles sur les finances publiques et la croissance économique
; l’identification,
l’évaluation, le suivi et la gestion des risques sur les finances publiques
; et la préparation des
projections macroéconomiques et de finances publiques sur le long terme. Même si
l’articulation entre la conception de l
a stratégie budgétaire et sa déclinaison dans les PLF et
PLFSS peuvent être améliorées (cf. partie 2), le Trésor français remplit pleinement les trois
premières tâches prévues par ce modèle. Son rôle reste en revanche encore trop limité dans les
projections de long terme (cf. 2.3) et la gestion des risques (cf. 3.2).
12
Décret n°2004-
1203 du 15 novembre 2004 portant création d’une direction générale du Trésor au ministère de
l’économie, de l’industrie et de l’emploi
.
13
Arrêté du 18 décembre 2019 portant organisation de la direction générale du Trésor
.
14
Israël Fainboim et Ian Lienert,
The macrofiscal function and its organizational arrangements
,
IMF Technical
Note and Manual, novembre 2018.
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
16
1.1.2.2
La direction du budget : un rôle central, au croisement des équilibres
macroéconomiques, des choix de politiques publiques et du contrôle de la
gestion, mais des responsabilités partagées
Dans
un article publié en 2001, l’universitaire américain Allen Schick distinguait trois
tâches principales pour le « bureau central du budget » : maintenir une discipline globale des
finances publiques, allouer les ressources en accord avec les priorités du Gouvernement et
promouvoir l’efficience dans la fourniture des services publics
15
. Les missions de la direction
du budget
, telles qu’elles sont fixées p
ar un décret de 2007
16
, reflètent ces trois fonctions. La
direction du budget partage néanmoins leur responsabilité avec le Trésor en ce qui concerne la
discipline globale des finances publiques,
la DSS pour l’allocation des ressources aux politiques
publiques et la DITP, au moins en théorie, pour le contrôle de la gestion.
La direction du budget a pour principale mission de définir la politique des finances
publiques, la politique budgétaire de l’
État et leurs outils de pilotage. À ce titre, elle est chargée
de la programmation pluriannuelle des finances publiques et de proposer des évolutions de
politiques publiques compatibles avec ce cadre. Elle élabore les PLF (y compris les dispositions
portant sur les finances locales), prévoit le solde public,
suit et pilote l’exécution du budget de
l’
État et suit les besoins ou capacités de financement des administrations publiques.
La direction du budget participe également à l'élaboration des LFSS, au suivi de leur
exécution et à la conception des outils de mesure de la performance des régimes obligatoires de
base de la sécurité sociale, sous la coordination de la DSS.
La direction du budget suit les aspects budgétaires des travaux relatifs aux politiques
européennes, à leur évolution pluriannuelle, aux modes de financement de l'Union européenne
(UE) ainsi qu'à l'élaboration et à l'exécution du budget communautaire annuel. Elle prépare
ainsi la position interministérielle française sur les questions budgétaires dans les négociations
européennes, détermine le montant de la contributi
on française au budget de l’UE et suit son
évolution.
Ces missions strictement budgétaires sont complétées par des fonctions de tutelle et de
contrôle : la tutelle financière des organismes publics (décret GBCP, art. 174) ; le contrôle de
gestion (« amélioration de la performance
») pour l’
État et ses opérateurs et sur le même
périmètre, la coordination du contrôle budgétaire.
En matière de gestion publique, la direction exerce des compétences partagées. Avec la
DGFiP, elle définit les règles de la comptabilité budgétaire et participe à la définition des règles
de comptabilité générale et analytique,
ainsi qu’
aux spécifications des
systèmes d’information
financiers
utilisés par l’État
. Avec la DGAFP, elle définit les règles statutaires de la fonction
publique en matière de rémunération et participe à la spécification des systèmes de gestion des
ressources humaines.
Au cours de la période récente, les attributions de la direction ont connu deux évolutions
notables : elle a assuré directement la charge de responsable de programmes (RPROG) du plan
de relance mis en place en 2021 et elle coordonne les cotations environnementales de chaque
dispositif pour l’élaboration du rapport sur l’impact environnemental du budget de l’
État,
15
A. Schick,
The Changing Role of the Central Budget Office
, OECD Journal of Budgeting, 2001.
16
Décret n° 2007-447 du 27 mars 2007 relatif à la direction du budget
.
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
17
communément appelé « budget vert ».
Pour l’avenir, la reprise d’un processus de revues des
dépenses induit également de nouvelles missions transversales.
Organigramme n° 1 :
Les huit sous-directions de la direction du budget en administration centrale
Source
: Cour des comptes à partir de l’organigram
me en ligne de la direction du budget
Ces missions sont exercées par une structure ramassée autour de la directrice, de son
adjoint et d’une sous
-direction support. La 1
e
sous-direction de synthèse assure la synthèse de
la préparation et du suivi de l’exécution du budget de l’
État, le lien avec le Trésor sur la
coordination toutes APU, et celui avec la DLF et la DGFiP pour la prévision et l’exécution des
recettes. La 2
e
sous-direction joue un rôle de synthèse et de doctrine en matière de politique
salariale, de tutelle et de contrôle budgétaire des opérateurs, et de performance. Enfin, six sous-
directions sectorielles se répartissent la préparation et le suivi du budget des ministères, trois
d’entre elles assur
ant en outre respectivement le suivi des finances locales (5
e
sous-direction),
des finances sociales (6
e
sous-
direction) et des finances de l’U
E (7
e
sous-direction).
1.1.2.3
La direction de la législation fiscale, un contributeur essentiel à l
’élaboration
des
projets de lois de finances
Au sein de la DGFiP, la DLF «
conçoit et élabore les textes législatifs et réglementaires
relatifs à la fiscalité »
17
.
Depuis une circulaire du Premier ministre de 2010
18
, les ministères doivent s’abstenir
d’introduire des dispositions fiscales dans les lois ordinaires. Ces prescriptions sont dans
l’ensemble respectées.
En outre, depuis la LOMGFP de décembre 2021, les lois de finances de
fin de gestion ne peuvent comporter
que des dispositions tendant à modifier, pour l’année en
cours, l’affectation d’impositions de toutes natures.
Les lois de finances initiales comportent
17
Décret n° 2008-310 du 3 avril 2008 relatif à la direction générale des finances publiques
.
18
Circulaire du 4 juin 2010 relative à l'édiction de mesures fiscales et de mesures affectant les recettes de la sécurité
sociale
.
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
18
ainsi désormais la quasi-totalité des dispositions fiscales nouvelles. Si la direction du budget
reste
l’ensemblier du PLF, la DLF
en est donc un contributeur essentiel.
Dans le cadre de la préparation
et de l’adoption
des lois de finances, elle remplit deux
fonctions principales :
-
elle participe au chiffrage des recettes avec le Trésor, la DGFiP, la direction du budget
et la DSS en coordonnant plus spécifiquement le chiffrage des dépenses fiscales (qui
figure dans le tome II des
Voies et moyens
) ;
-
elle instruit les mesures fiscales nouvelles, prépare les arbitrages et assure le suivi de
leur examen au Parlement.
Pour ces missions, elle est structurée autour de cinq sous-directions (particuliers,
entreprises, fiscalité indirecte, fiscalité locale, négociations européennes et internationales) et
de deux bureaux de synthèse, respectivement chargés de la coordination de la préparation des
textes (bureau A) et des chiffrages (créé en 2019).
1.1.2.4
Le contrôle budgétaire : des missions recentrées sur la soutenabilité de la
programmation et de la gestion budgétaire
Pour la mise en place des crédits et le
suivi de l’
exécution budgétaire, la direction du
budget s’appuie
sur les services chargés du contrôle budgétaire.
Le contrôle budgétaire est l’héritier du contrôle financier qui permettait au ministère
chargé
des finances de s’assurer que les crédits étaient bien
disponibles pour les dépenses
engagées et ordonnancées par les ministères.
Selon l’article
87
du décret GBCP, le contrôle
budgétaire a désormais «
pour objet d'apprécier le caractère soutenable de la programmation
[…] et de la gestion en cours, au regard des autorisations budgétaires, ainsi que la qualité de
la comptabilité budgétaire »
. Il concourt, à ce titre, à l'identification et à la prévention des
risques, ainsi qu'à l'analyse des facteurs explicatifs de la dépense et du coût des politiques
publiques.
Les services chargés du contrôle budgétaire sont de trois types : les départements de
contrôle budgétaire (DCB) des contrôleurs budgétaires et comptables ministériels (CBCM)
pour les administrations centrales et la plus grande partie des opérateurs nationaux ; les
contrôleurs budgétaires en région (CBR) placés au sein des DRFiP pour les administrations
déconcentrées et les
opérateurs locaux de l’
État ; enfin, les contrôleurs économiques et
financiers pour certains opérateurs nationaux
(notamment, lorsqu’ils sont également soumis au
contrôle économique et financier). Des travaux de mise en cohérence des attributions en matière
de contrôle budgétaire entre CBCM, CBR et CGefi ont conduit à quelques modifications de
périmètre au 1
er
janvier 2022. Par ailleurs, certains organismes ont perdu la qualité d’opérateurs
et sont désormais soumis exclusivement au contrôle économique et financier.
Quand il s’exerce
a priori
, le contrôle budgétaire se traduit par des visas et avis qui
portent à la fois sur des documents de synthèse relatifs à la programmation des crédits et des
emplois et, au-delà de certains seuils, sur certains actes au stade de
l’engagement juridique, de
l’affectation des crédits,
et, pour les actes de gestion des ressources humaines, du recrutement
ou du concours. Le
contrôle budgétaire s’exerce également par des contrôles
a posteriori
ou
des analyses de circuit et de procédure.
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
19
Les modalités du contrôle budgétaire sont déterminées par le recueil des règles de
compatibilité budgétaire de l’
État et, au niveau de chacun des ministères, par un arrêté
spécifique. Ces arrêtés, pris en 2013 ou 2014 selon les ministères, ont été pour certains modifiés
à partir de 2020
, dans le sens d’un allègement des avis et visas sur les actes individuels.
Par
ailleurs, trois expérimentations en cours sur certains programmes budgétaires modifient
sensiblement les modalités du contrôle : les contrôles
a priori
peuvent être allégés sur une durée
déterminée ; les documents de programmation sont rationalisés ; et les missions de contrôle
budgétaire sont déléguées aux responsables de la fonction financière ministérielle (RFFIM)
dans deux ministères, des armées (pour tous les programmes) et de la transition écologique
(pour certains programmes seulement).
Les procédures mises en œuvre p
ar les contrôleurs
budgétaires et un premier bilan de ces expérimentations sont présentés aux points 3.1.1. et 3.2.1.
Depuis 2022, les DCB sont sollicités par les bureaux sectoriels de la direction centrale
à l’occasion des travaux
internes prospectifs et stratégiques (TIPS), non pour proposer des
économies, mais pour leur faire remonter les bonnes pratiques et éviter les dérapages de
l’exécution.
Les CBCM participent également aux réunions techniques et aux conférences de
budgétisation et de répartition.
1.1.3
La direction du budget : des ressources jeunes et investies, une capitalisation
des compétences fragilisée par la rotation des agents
La direction du budget assure la coordination interministérielle à chaque étape du
processus d’élaboration et d’exécution
du PLF, tandis que son réseau au sein des CBCM et des
CBR surveille la soutenabilité de la programmation et de la gestion de chaque ministère. Si elle
demeure un pôle d’excellence technique dans son cœur de métier, la direction, comme d’autres
directions du ministère chargé
des finances au demeurant, souffre d’une rotation trop
importante de ses effectifs et d’une ouverture insuffisante aux profils issus d’autres ministères.
1.1.3.1
La direction du budget : une direction d
’état
-major
Composée de 382 agents au total
19
, dont 245 agents en administration centrale fin 2021,
cadres de catégorie A ou A+ à 90 %, la direction se caractérise par une chaîne hiérarchique
courte qui facilite les échanges, la responsabilisation et la réactivité des équipes. Elle se définit
comme «
une organisation légère, modulable et agile en administration centrale
»
(
budget.gouv.fr
).
Placée sous l’autorité du ministre chargé des comptes publics, la direction du
budget entretient une relation privilégiée et régulière avec son cabinet.
19
Le taux de féminisation est de 43,2 % en administration centrale et de 32,6 % pour les emplois de direction et
d’encadrement (dont 50 % des chefs de bureau, avec deux des sept primo
-nominés en 2021) fin 2021.
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
20
Graphique n° 1 :
Évolution des effectifs globaux de la direction du budget par catégorie de 2013 à
2022 (en équivalents temps plein)
Source : direction du budget
Note de lecture : les effectifs présentés dans ce graphique comprennent les agents des DCB et CBR.
La direction tend à se structurer de plus en plus, avec
la création d’un secrétariat général
visant à favoriser son attractivité et le renforcement du management des sous-directions et des
bureaux de synthèse.
Le secrétariat général, créé par arrêté du 15 novembre 2022, regroupe désormais les
quatre entités chargées des fonctions supports de la direction (40 agents). Il vise à alléger le
travail du chef de service adjoint à la directrice, dont les responsabilités sont devenues plus
stratégiques : il assure le pilotage e
t l’animation de la gestion des ressources humaines de la
direction centrale et des dix DCB placés auprès des ministères, en lien avec le secrétariat général
des ministères économiques et financiers (SG MEF).
U
n échelon intermédiaire d’adjoint
aux sous-directeurs a été progressivement introduit
pour renforcer la fonction managériale . Ces fonctions accroissent les perspectives de promotion
interne
et permettent de recruter des cadres expérimentés venant d’autres directions ou
ministères. La direction souhaite désormais renforcer les bureaux de synthèse par la création de
postes d’adjoints, la charge de travail
de ces derniers
s’
étant accrue à proportion du nombre de
LFR au cours des dernières années dans le contexte des crises sanitaire et énergétique, et du fait
d
es conditions d’exercice du débat parlementaire
, caractérisées par un volume croissant
d
’
amendements, la
création d’un compteur
des écarts avec la LPFP
dans l’article liminaire des
lois de finances
ou l’
encadrement plus restrictif des affectations de taxes. À
titre d’exemple, a
u
sein du bureau des lois de finances (1BLF), trois personnes composent respectivement chacun
des deux pôles « lettres » qui coordonne le volet normatif des lois de finances et « chiffres »
chargé du cadrage de la procédure de budgétisation et de la synthèse des crédits budgétaires,
contre un seul référent pour chaque pôle dix ans auparavant. Par ailleurs et pour la première
fois, un poste de chef-adjoint de bureau a été créé dans ce bureau en 2023.
1.1.3.2
Des recrutements en début de carrière de cadres supérieurs autonomes mais peu
expérimentés
L
’administration centrale de l
a direction tire traditionnellement son prestige des
perspectives offertes aux cadres de catégorie A+ (43 % de ses effectifs) et A (47 %) qui y sont
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
21
affectés en début de carrière : ceux-ci sont rapidement reconnus comme des spécialistes de leurs
sujets et placés en autonomie, exposés aux demandes du cabinet et valorisés. Ils apprennent de
leurs échanges avec des cadres supérieurs expérimentés, les RPROG et les RFFIM, ce qui leur
donne une certaine visibilité au-delà du ministère chargé des finances, utile pour leur préparer
un débouché dans les fonctions financières des ministères dépensiers ou dans les organismes
associés, dont ils évaluent les activités et les moyens.
La chaîne hiérarchique courte et la nécessaire réactivité de la direction justifient
l
’
autonomie des agents sur leurs dossiers
. Le faible taux d’encadrement en atteste
: 1,06 agent
de catégorie A est encadré par un A+ en administration centrale. Le chef de bureau se distingue
de ses collaborateurs par son expérience sur quelques cycles budgétaires dans d’autres
politiques publiques et par la responsabilité qui lui est propre de remonter à la hiérarchie les
arbitrages les plus sensibles. Cette autonomie peut compenser les sujétions des postes. Ainsi les
conditions de travail sont favorablement évaluées, en dépit de contraintes horaires et calendaires
fortes, et de tâches complexes et répétitives lorsqu’il s’agit d’harmoniser les tableaux à la suite
de chaque étape de la procédure budgétaire.
Le prestige de la direction et les perspectives de déroulement de carrière peuvent
également expliquer l’acceptation d’une moindre
rémunération indemnitaire pour les
administrateurs de l’
État primo-affectés à la direction du budget, et plus généralement aux
ministères économiques et financiers. Au cours de la période examinée, cette indemnité liée à
l’exercice de fonctions
affichait un décrochage progressif avec celle proposée dans les autres
ministères où les régimes indemnitaires ont été relevés au cours des dernières années. Elle était
en 2021 de près de 29
400 € pour un administrateur civil
(contre près de 32 800
€
en moyenne),
de plus de 37 300
€ pour un admin
istrateur civil hors classe (contre près de 38 500
€)
. En janvier
2022, son montant de référence ou « montant-pivot » a été revalorisé pour être harmonisé à
34 000
€ pour les administrateurs de l’
État de premier grade occupant un poste de chef de
bureau et à 40 000
€ pour ceux
du deuxième grade, avant de passer respectivement à 38 000
€
et à 44 000
€ en juin 2023
.
Les postes d’adjoint
au chef de bureau que propose la direction sont occupés par des
cadres jeunes. L’âge modal, qui concentre l’effectif le plus élevé, n’est que de 29 ans en 2021.
L’âge moyen
des agents de la direction en administration centrale (39,2 ans) est inférieur de
8,5
années à celui de l’ensemble des agents d’administration centrale des ministères
économiques et financiers en 2021 (47,7
ans). L’âge moyen des cadres A+ de l’administrat
ion
centrale (34,0 ans) en 2022 est particulièrement jeune, de plus de dix ans inférieur à la moyenne
de celui des cadres A+ des ministères économiques et financiers (44,7 ans) : 25 % des cadres
A+ ont moins de 30 ans et 52 % ont moins de 35 ans, alors que 78 % des cadres A (moyenne
d’âge de 44 ans)
et 90 % des cadres B et C ont plus de 35 ans. Cette jeunesse provient à la fois
des modalités de recrutement en sortie d’école et d’un moindre intérêt
des agents plus
expérimentés à exercer des fonctions certes prisées mais exigeantes et sans responsabilités
managériales importantes.
Leur formation initiale est variée : les cadres A+ sont composés en 2022 à 47 %
d’administrateurs de l’État formés à l’
ÉNA devenue INSP, à 36 % de contractuels et à 17 % de
polytechniciens, administrateurs Insee ou ingénieurs. S’y ajoutent à hauteur de 1
% des profils
plus spécifiques d’administrateurs parlementaires ou territoriaux, de militaires, de gendarmes
ou de commissaires. Les cadres A sont
soit les premiers du classement en sortie d’IRA, soit des
agents confirmés en provenance des autres directions (DGFiP, Trésor, etc.)
ou d’autres
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
22
ministères
voire d’autres fonctions publiques
, soit des contractuels ayant assuré des fonctions
financières dans le secteur privé.
Tableau n° 1 :
Recrutements par profils de l
’administration centrale de l
a direction du budget (en %)
Année
Contractuels
Administrateurs
et assimilés
Attachés et
assimilés
Agents
DGFiP
Agents
Insee
Ingénieurs
(Mines,
IPEF, IA)
Autres
(B
et
C)
2021
21
28
43
2
3
0
3
2020
24
17
35
5
4
5
11
2019
27
19
41
0
5
7
nc
Source : retraitement Cour des comptes des données de la direction du budget
Plus du tiers des agents A+ de l’administration centrale est d’origine contractuelle. Ils
sont issus des grandes écoles de commerce ou de Sciences Po Paris, voire d’écoles d’ingénieurs
et constituent u
ne alternative à la réduction des postes offerts à la sortie de l’INSP (de six à
quatre, au cours des dernières années).
L’ouverture des emplois fonctionnels aux contractuels
leur permet désormais d’accéder à
une carrière de chef de bureau, voire de sous-directeur mais
elle limite symétriquement
l’attrait de la voie d’accès par concours
, qui retarde de deux à trois
ans
la prise de poste en administration du fait de la scolarité en école d’application
à diplôme
de l’enseignement supérieur é
quivalent.
Couplé à un taux de rotation très important sur les postes, le profil des cadres A et A+
de la direction rend de plus en plus difficile le maintien du
niveau d’expertise
traditionnel,
notamment en matière de négociation budgétaire et de représentation
de l’
État au sein de
nombreux conseils d’admin
istration.
1.1.3.3
Un taux de rotation élevé, un risque pour le maintien des compétences, la
nécessité d'organiser les sorties
Le taux de rotation annuel des agents
de l’administration centrale de la
direction est de
43 % pour les cadres A+ fin 2021
, ce qui signifie que la durée d’occupation
des postes
n’
est
que légèrement supérieure à deux ans, sous-directeurs compris.
Près d’u
n quart des effectifs est
renouvelé par recrutement extérieur chaque année. Ce taux de rotation a pour effet de raccourcir
le déroulement des carrières et de limiter le retour sur investissement de l’administration
centrale
puisqu’en moyenne, plus de 70
% des effectifs de la direction y passe moins de cinq
ans.
Tableau n° 2 :
Taux de rotation des effectifs
de l’ad
ministration centrale de la direction du budget fin 2021
Taux de
rotation
Fin 2020
Fin 2021
Fin 2022
Interne
Externe
Global
Interne
Externe
Global
Interne
Externe
Global
A+
24 %
33 %
57 %
19 %
24 %
43 %
n.c.
n.c.
n.c.
A
7 %
16 %
23 %
11 %
18 %
29 %
n.c.
n.c.
n.c.
Total
11 %
21 %
32 %
11 %
18 %
29 %
11 %
24 %
35 %
Source : direction du budget, bilans sociaux 2020 et 2021.
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
23
Le modèle de carrière des cadres A+ de la direction est donc relativement court (six ans
en moyenne). Il repose sur la faculté
d’exercer
un poste de chef de bureau après deux postes
d’adjoint
. La mobilité est effectuée avant ou après ce dernier poste : 52 % des cadres A+ ayant
quitté la direction en 2018 partent en ministères, 20 % en établissements publics et 12 % dans
le secteur privé.
Or, ce parcours
traditionnel s’est estompé
ces dernières années, en raison du caractère
un temps facultatif de la mobilité statutaire, de
l’ouverture des emplois fonctionnels aux
contractuels et de ceux de chef de bureau aux cadres A reçus au principalat (ils occupent une
dizaine de postes), y compris pour les bureaux de synthèse, sans réaliser de mobilité. En dépit
des mesures mises en place (revue des cadres depuis une dizaine d’années, conseils informels
de l’encadrement), une grande part des mo
bilités est réalisée
au fil de l’eau
sans procédure
formelle, en fonction des opportunités, profils et réseaux de connaissances, à la différence de
directions comme celle des finances publiques qui limitent les mutations à deux mouvements
annuels. Compte tenu de la rapidité du début de carrière, la direction peut proposer un poste de
sous-directeur à des cadres A+ parfois âgés de moins de 35 ans et de retour de mobilité, ce qui
peut poser difficulté pour dérouler ensuite une carrière au même rythme dans les autres
administrations.
Autre effet de ce taux de rotation élevé, la direction ne bénéficie pas toujours de la
maîtrise que développent les agents au cours d’une troisième année d’exercice dans un même
poste, ce qui a pour effet de fragiliser le maintien des compétences au sein de la structure. La
forte employabilité
que procure l’exercice des fonctions
budgétaires permet certes à la direction
de disposer d’un nombre suffisant de candidatures pour
ajuster rapidement ses effectifs par des
recrutements au fi
l de l’eau
en cas de départs simultanés. Cette solution dégradée a cependant
pour effet d’accroître la pression sur les agents en poste, responsables
de la formation des
nouveaux arrivants.
La création d’équipes de renfort est à l’étude pour limiter les risques qu’un
bureau se vide soudainement de ses compétences, sans résoudre durablement le besoin de les
entretenir et de les développer.
L
e niveau d’autonomie, de responsabilité et d’exposition des agents nécessite un
apprentissage continu. En conséquence, la direction insiste pour que l
’objectif de formation de
deux jours par an soit atteint (
la moitié des agents n’a suivi aucune formation en 2021
, 14 %
ont atteint l’objectif), considérant que l’apprentissage par les pairs n’est plus suffisant
, en
particulier pour la représentation de la direction
au sein des conseils d’administration de
quelques 250 opérateurs et assimilés, même avec le soutien du bureau des opérateurs et des
organismes publics d’État, responsable de la production de la doctrine
en la matière. La
direction compte aussi sur l’
exercice interne de réflexion sur certaines thématiques,
d’appréhension des sous
-jacents de la dépense et de recherche
d’économies situé au début de
la procédure budgétaire, les travaux internes prospectifs et stratégiques (TIPS) (cf. 2.1.1) pour
permettre aux agents nouvellement affectés à la fois
de s’emparer des sujets budgétaires
de leur
périmètre et de saisir les enjeux des étapes successives de la négociation.
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
24
Encadré 1 : L
es systèmes d’information
budgétaires
Dans ce contexte de fort taux de rotation, le développement des outils numériques est important
pour garantir un archivage des informations et la fiabilité des processus. En pratique, par souci de
flexibilité, la direction a fait le choix de solutions informatiques légères et non intégrées avec le système
d’information financier principal de l’
État, Chorus. Les tableaux partagés avec les ministères à
l’occasion des conférences et des réunions d’arbitrage prennent la forme de tableurs normalisé
s enrichis
par des macros et des formules de vérification.
« Unisson », dont le projet est dirigé par la 1
ère
sous-direction, est progressivement déployé pour
les travaux budgétaires internes. Utilisé pour la première fois pour les prévisions d’exécution de l’année
2018 et les travaux préparatoires du PLF 2019, il sert également à coter les dépenses selon leur impact
sur l’environnement
(« budget vert ») depuis le cycle de budgétisation du PLF pour 2024. Mis en place
en 2019 pour la préparation du PLF 2020, « Tango », successeur de « Farandole », est un outil partagé
avec les ministères qui permet la gestion des référentiels budgétaires (nomenclatures) et
l’élaboration
de la documentation annexée au PLF (hors annexes « jaunes »).
D’autres applications comme
« India-
Rému », « Poems » et « Chorus »
, interviennent, notamment pour faciliter le suivi de l’exécution
budgétaire. Ces outils nécessitent
une maîtrise d’ouvrage métier
, assurée selon les cas par la 1
e
ou la
2
ème
sous-direction et le support technique du secrétariat général de la direction.
Malgré ces palliatifs, le fort taux de rotation reste problématique. Il peut en partie
expliquer une difficulté des cadres peu expérimentés à contre-expertiser les demandes des
ministères, ce à quoi doit répondre le
recrutement de davantage d’agents
à l’extérieur de la
direction du budget. En 2022, 67
% des recrutements toutes catégories étaient issus d’autres
directions, ministères ou fonctions publiques. Cette
politique d’ouverture
se heurte toutefois
aux logiques de gestion des ministères, peu enclins à proposer une mobilité à la direction du
budget
ou à valoriser l’expérience
qui y serait acquise.
Afin de tirer profit de l’expérience acquise
aux cours des premiers cycles budgétaires,
la direction souhaite que les agents exercent au minimum deux à trois ans sur au moins deux
postes avant d’accéder à un emploi fonctionnel,
conformément aux lignes directrices de gestion
interministérielles d’avril 2022
pour l
’encadrement supérieur
et aux lignes directrices
ministérielles de 2020 pour les attachés. Le secrétariat général des ministères économiques et
financiers prévoit par conséquent de ne valoriser l
’IFSE que de 7
% les première et deuxième
années d’occupation du poste
; la revalorisation de 10 % prévue en moyenne ne serait accordée
qu’au bout d’une troisième année.
Les efforts déployés par la direction pour allonger la durée
d’occupation des postes de ses cadres sont donc réels mais gagneraient à être encore amplifiés.
1.1.3.4
Les DCB et CBR : une sociologie différente
de l’
administration centrale de la
direction du budget
Aux agents de l
’administration centrale de l
a direction
s’ajout
aient 131 agents dans les
onze départements de contrôle budgétaire (DCB) et 22 contrôleurs budgétaires en région ou
outre-mer (CBR) en 2021
.
Le taux d’encadrement supérieur dans les DCB
est nettement
inférieur à celui de la direction centrale :les DCB des CBCM comptaient, en 2021, 17 cadres
A+ (dont 11 chefs de départements en majeure partie issus de la direction centrale), 78 A, 28 B
et 8 C, s
oit un taux d’encadrement de 6,5 agents de catégorie A par cadre A+ en moyenne
.
L’âge moyen en DCB
était de 51 ans en 2021 et seuls 40 % des agents y restaient moins de cinq
années, pour une ancienneté d’affectation moyenne de 8 ans
. Le taux de rotation y est donc
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
25
moindre qu’
en administration central, et
l’organisation des postes permet de répartir la charge
en cas d’absences ou de vacance
.
Tableau n° 3 :
Nombre d’agents
en DCB
par ministère d’accueil
Écologie
Éduc. et
ensei-
gnement
supérieur
Armées
Ministères
sociaux
Économie
Culture
Affaires
étran-
gères
Justice
Intérieur
Agric.
SPM
2021
20
19
17
13
13
12
8
8
8
7
6
Source : Bilan social de la direction du budget, 2021.
Note de lecture : les DCB des services du Premier ministre (SPM) et du ministère de la justice ont fusionné en 2022
.
Ces postes constituent des étapes de parcours avant d’assumer des responsabilités
financières dans les ministères ou leurs opérateurs. Pour autant, les candidatures sont peu
nombreuses et émanent essentiellement de la direction centrale et des autres DCB, attestant de
la faible attractivité de ces fonctions budgétaires à l’extérieur de ce vivier.
Les charges de travail
sont vécues comme croissantes
(le passage d’un contrôle
a priori
à un contrôle
a posteriori
peut
susciter des résistances au changement) et moins valorisées dans le cadre de la réforme de la
haute fonction publique, malgré le reclassement de l
’
ensemble de ces emplois en experts de
haut niveau de groupe II et les revalorisations indemnitaires associées. Alors que la diversité
des compétences est promue par la DGAFP, les agents des CBCM s’inquiètent d’être pénalisés
par leur spécialisation.
1.2
Des fonctions financières ministérielles au positionnement et aux
moyens variables
La direction du budget estime à plus de 12 500 équivalents temps plein (ETP) le nombre
d’agents dont l’emploi
relève de la gestion budgétaire et financière
au sein de l’État
(hors
fonctions comptables). Les directeurs métiers des ministères sont chargés, en tant que
responsables de programme (RPROG), de l
’expression
des besoins et de
l’exécution de la
dépense. Ils définissent le périmètre des budgets opérationnels de programme (BOP) et des
unités opérationnelles (UO) et en désignent les responsables (RBOP et RUO). En tant que
responsables de la fonction financière ministérielle (RFFIM), les secrétaires généraux des
ministères ou leurs directeurs des affaires financières jouent un rôle de synthèse et de conseil et
préparent les arbitrages financiers des ministres et de leurs cabinets, mais ils
s’approprien
t peu
les objectifs interministériels de maîtrise de la dépense et sont rarement en situation de procéder
à leur niveau à des pré-arbitrages internes.
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
26
1.2.1
Les responsables de programmes, des acteurs prépondérants de la
préparation
et de l’exécution
des budgets, hors fonctions support
1.2.1.1
Un rôle essentiel dans les premiers échanges avec la direction du budget et la
construction des positions initiales des ministères
Au début de la procédure d’élaboration du budget
, les RPROG sont, du côté des
ministères, les principaux acteurs des réunions techniques et des conférences de budgétisation,
quand bien même les RFFIM y sont présents.
C’est le cas
d
es quatre RPROG de l’échantillon
utilisé ici
: la délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle
(DGEFP), la
direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (DGITM), la direction
générale des patrimoines et la direction générale de la police nationale (DGPN). Une seule
exception
mérite d’être signalée
, celle de la mission
Défense
où le secrétaire général pour
l’administration
du ministère de la défense
(SGA) présente en tant que RFFIM l’ensemble des
programmes.
Les RPROG
détiennent les données et modèles qui permettent de calculer l’évolution
tendancielle des dépenses et sont force de proposition de mesures nouvelles, qui traduisent
financièrement les développements de la politique dont ils sont responsables auprès de leur
ministre. Ainsi, la DGEFP a créé les principaux modèles de prévision des dispositifs de l’emploi
qu’ell
e partage, avec les données-sources, avec la direction du budget et le Trésor pour que
chacun puisse construire ses propres scénarios
d’évolution
. Le RFFIM des ministères sociaux,
la direction des finances, des achats et des services (DFAS)
, n’intervient p
as dans ces échanges.
Les opérateurs sur lesquels les RPROG exercent une tutelle ne participent pas
officiellement aux
réunions d’arbitrage internes au ministère
et n
’assistent pas
, sauf exception,
aux réunions avec la direction du budget, mais peuvent exercer une certaine pression sur les
arbitrages (par exemple sur les
plafonds d’emplois
ou les schémas d’investissements au
ministère chargé de la culture) et proposer des mesures (Pôle Emploi
–
rebaptisé France Travail
en 2024 - dans le champ
Travail et emploi
).
Le rôle des RPROG
est plus en retrait lors des phases d’arbitrage politique où ils
contribuent à la définition des positions du minis
tère, sous l’égide du RFFIM. Ils reprennent la
main dans la phase de répartition des crédits au cours de laquelle ils établissent le projet annuel
de performance (PAP) qui présente les orientations stratégiques et les objectifs du programme
et justifie les crédits et les autorisations d'emplois demandés.
1.2.1.2
Une large responsabilité dans l’exécution
Les crédits de chaque programme sont mis à la disposition du RPROG. Dans le cadre
du dialogue de gestion avec les RBOP, le RPROG établit la programmation budgétaire initiale
qu’il soumet à la validation du RFFIM
. Il décline les objectifs de performance de chaque BOP
et détermine dans le document de répartition initiale des crédits et des emplois (DRICE) les
crédits et le cas échéant les autorisations d’emplois qu’il met à disposition de c
haque RBOP.
Selon les programmes, les BOP peuvent correspondre à des crédit gérés en administration
centrale, en services déconcentrés ou inclure les deux types de crédits. Le programme 176 -
Police nationale
comprend ainsi un BOP commandement, soutien et logistique pour la direction
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
27
générale, huit BOP déconcentrés pour les sept zones de défense
et l’outre
-mer et quatre BOP
pour des directions nationales spécialisées.
Le RBOP établit, selon les directives du RPROG, le document de programmation (DPG)
du BOP, qui présente sur son périmètre la programmation des crédits et des emplois, en
précisant notamment les dépenses obligatoires et inéluctables.
Le RPROG s’assure que la dépense du BOP est bien soutenable.
Les RBOP rendent
compte au RPROG de l’exécution du
BOP et des résultats obtenus. Le RPROG établit le rapport
annuel de performance (RAP), sous la coordination du RFFIM.
1.2.2
Les responsables de la fonction financière ministérielle : au-delà de
l’animation et de la synthèse, une fonction nécessaire de préparati
on des
arbitrages
Le RFFIM coordonne la préparation, la présentation et l'exécution du budget du
ministère. Selon le ministère, il
s’agit du
secrétaire général (ministères chargés de la transition
écologique et de la culture) ou du directeur des affaires financières (
ministère de l’
intérieur et
ministères sociaux). Le RFFIM devrait être
l’
interlocuteur ministériel de référence pour
modérer les demandes des RPROG en termes de dépenses nouvelles, et vis-à-vis de la direction
du budget pour dégager une
position d’arbitrage ministérielle d’ensemble, synthétique et
cohérente, pouvant être déclinée en scénarios en fonction des arbitrages. Cette position est
cependant parfois difficile à tenir, en fonction du poids respectif des RPROG et de
l’organisation de
s cabinets.
1.2.2.1
Un positionnement variable dans les premières étapes de la préparation du budget
En général, le RFFIM
joue un rôle d’ensemblier
dans les premières étapes de la
préparation du budget, en opérant la synthèse des informations budgétaires et comptables
qu’il
collecte. Il ne dispose cependant pas
d’un
e légitimité suffisante pour imposer
ex ante
des
économies aux RPROG chargés des principales politiques ministérielles et peut parfois pâtir
d’une relative rétention d’
informations de leur part sur la réalité de leurs besoins ou de leurs
perspectives d’
exécution budgétaire.
Les RFFIM transmettent à la direction du budget les dossiers préparés par les RPROG
pour les réunions techniques et les conférences de budgétisation. Leur rôle dans le cadrage
initial et la validation de ces dossiers est variable selon les ministères et les périodes mais le
plus souvent limité, en partie faute de temps. Ils participent aux réunions correspondantes, mais
restent le plus souvent en retrait des RPROG, sauf pour les programmes dont ils sont
responsables. Le RFFIM est lui-
même souvent RPROG d’un ou
de plusieurs programmes du
ministère de poids variable. Alors que le secrétariat général
des ministères sociaux n’est
responsable que de 4 % des crédits de ces ministères inscrits sur le budget général en loi de
finances initiale (LFI) 2023 et celui des ministères des transitions écologique et énergétique et
de la cohésion des territoires de 7 %, cette proportion monte à 13 % pour le ministère de
l’
intérieur et des outre-mer et à 18 % pour celui de la culture.
Au ministère de l’intérieur, dans
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
28
le contexte particulier d’une politique publique
mise en œuvre par deux forces différentes
(police et gendarmerie) en fonction du territoire considéré,
le RFFIM est le garant d’une
certaine égalité de traitement entre les deux programmes principaux de la mission
Sécurités
.
Cette diversité de positionnement se retrouve en ce qui concerne la gestion des effectifs.
Les secrétariats généraux de la culture, des transitions écologique et énergétique et des
ministères sociaux portent l’essentiel des emplois de leur ministère sur les programmes support
dont ils sont responsables. Au contraire, au ministère de l’
intérieur et des outre-mer, les effectifs
de la gendarmerie nationale, de la police nationale et de la sécurité civile sont rémunérés sur les
programmes métiers, le secrétariat général
ne gérant que les emplois de l’admini
stration
centrale et des préfectures.
L’outil 2BPSS de la
direction du budget (cf. annexe 1) est généralement utilisé par les
RFFIM et les RPROG pour prévoir les dépenses de personnel, mais s
es modalités d’utilisation
peuvent diverger
. Ainsi, des écarts sont régulièrement constatés dans les prévisions d’évolution
tendancielle des dépenses de personnel entre la direction du budget et les ministères sociaux.
1.2.2.2
Un rôle dans les arbitrages dépendant de la relation avec leur cabinet
Le rôle du RFFIM s’accroît
au stade
final de la procédure d’arbitrage. Il est en général
l’interlocuteur de la
direction du budget et le maître d
’œuvre du dossier
de son ministre pour
les arbitrages avec le ministre du budget, puis avec le Premier ministre ou son cabinet.
Selon les ministères, le conseiller budgétaire peut échanger directement avec les
RPROG ou faire du RFFIM son interlocuteur privilégié, à charge pour lui de gérer les échanges
avec les RPROG. Ces configurations varient notamment selon la structure du Gouvernement et
le poids du conseiller budgétaire au sein du cabinet.
Certains ministres délégués disposent de leur propre conseiller budgétaire, qui noue une
relation particulière avec le RPROG gérant
les crédits correspondants. C’est le cas
de l’outre
-
mer au minis
tère de l’
intérieur ou des transports au ministère de la transition écologique. Le
RFFIM joue alors un rôle plus effacé. À
l’
inverse, son influence peut être confortée
lorsqu’il
doit rendre compte à plusieurs ministres, ministres délégués
ou secrétaires d’
État : il opère alors
une nécessaire synthèse entre programmes et
in fine
entre les positions des différents cabinets.
Même
lorsqu’ils disposent d’une marge de manœuvre pour
dégager des compromis
internes
, les RFFIM se sentent dans l’ensemble peu tenus par les objectifs pluriannuels de la
politique budgétaire, qu’ils provienne
nt du programme de stabilité, de la LPFP ou des lois de
programmation sectorielles, considérées comme des socles et non des engagements.
Cette difficulté à imposer une responsabilisation pluriannuelle a été constatée par le
rapport sur la responsabilisation des gestionnaires publics : «
la réticence de certains ministères
à s’engager dans une trajectoire financière négociée témoigne d’une insuffisante confiance
dans la qualité de leurs relations avec le ministère du budget mais aussi dans leurs propres
capacités de projection budgétaire
»
20
. Les RFFIM jouent ainsi un rôle limité dans la
modération des demandes des RPROG, faute souvent de moyens pour les contre-expertiser.
20
Jean Bassères et Muriel Pacaux,
La responsabilisation des gestionnaires publics
, juillet 2020.
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
29
1.2.2.3
Des facultés d’arbitrage limitées entre programmes pendant l’exécution
Le RFFIM établit avec les RPROG le document de répartition initiale des crédits et des
emplois (DRICE) et le document prévisionnel de gestion des emplois et des crédits de personnel
(DPGECP), qui doivent être visés par le CBCM. Il valide la programmation budgétaire initiale
du RPROG (DPG) soumise pour avis au CBCM et
suit l’exécution de cette programmation.
Lorsqu
’il constate des écarts importants entre les prévisions et l’exécution des crédits, il
est
tenu de proposer au ministre les mesures nécessaires au respect du plafond des dépenses et des
autorisations d'emplois ainsi que les mouvements de crédits entre programmes. La Lolf autorise
des virements de crédits entre prog
rammes d’un même mini
stère, dans la limite de 2 % des
crédits de chaque programme.
Contrairement à celle des RPROG au sein de leur programme, qui est variable en
fonction de la rigidité des dépenses mais réelle, la capacité des RFFIM à faire appliquer ce
principe d’auto
-assurance au niveau du ministère apparaît faible dans les quatre ministères de
l’échantillon.
Au cours des années 2018, 2019 e
t 2021, les décrets de virement d’un montant
significatif correspondent à des mouvements entre programmes ayant le même RPROG :
-
une certaine fongibilité existe entre les programmes 102 et 103 de la mission
Travail
et emploi
dont est chargé le DGEFP : les virements entre les deux programmes
représentent 117,5
M€ en AE en 2018 et 104,6
M€ (en AE=CP) en 2019
;
-
sur la mission
Écologie, développement et mobilité durables
, un virement de 20
M€
du programme 345 -
Service public de
l’énergie
vers le programme 174
- Énergie,
climat et après-mines,
tous deux sous la responsabilité du directeur général de
l’énergie et du climat
(DGEC), a eu lieu en 2019.
À
l’inverse, l
es mouvements entre programmes dotés de responsables différents ou avec
le programme support dont le responsable est le RFFIM sont tous de montants inférieurs à 5
M€
et ne correspondent pas à des
mécanismes d’assurance
d’un programme par un autre. Il s’agit
soit de remboursements entre administrations pour lesquels une solution budgétaire a été
préférée à la procédure de facturation par rétablissement de crédits, jugée plus contraignante,
soit de virements de crédits de personnel du programme support du RFFIM vers un programme
métier pour financer des mesures catégorielles négociées par le secrétariat général du ministère.
1.2.3
Des fonctions financières ministérielles sous tension, malgré un effort
d’animation de la filière par la
direction du budget
Le manque de formation initiale
et de capacité d’expertise et de contre
-expertise des
agents, qui peuvent aboutir à des sous-budgétisations involontaires, constitue la principale
préoccupation des ordonnateurs. La
baisse d’attractivité des postes budgétaires en ministère
, en
comparaison avec les postes relatifs à la mise en
œuvre
des politiques publiques, les conduit à
s’interroger sur la capacité des équipes à assurer dans des
conditions satisfaisantes les
responsabilités qui leur sont confiées.
Les postes de catégorie A+ sont la plupart du temps occupés par des fonctionnaires,
administrateurs de l’
État ou assimilés, en deuxième partie de carrière. Les difficultés de
recrutement d’attachés représente
nt un enjeu de performance et de qualité. Les attachés sont
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
30
peu nombreux
en sortie d’IRA
et manquent de compétences budgétaires et plus encore en
matière comptable
et d’audit
, leur profil étant surtout juridique.
Après deux à trois années en poste, les rémunérations des postes offerts en promotion
interne ne sont pas suffisantes pour permettre aux DAF de maintenir les compétences acquises.
Les rémunérations offertes par les opérateurs (par exemple, Pôle Emploi pour les agents de la
DGEFP) ou un corps d’inspection
leur sont préférées. Ce déficit de profils de spécialistes
budgétaires n’est pas compensé par la reconversion d’agents des corps spécifiques des
ministères : presque aucun policier
n’exerce de
fonctions budgétaires à la DGPN
, tandis qu’à
la
DGITM, les ingénieurs n’occupent que des postes d’encadrement à la sous
-direction du
budget.
Le recours aux contractuels en sortie de formation n’est pas non plus satisfai
sant car
leurs perspectives après trois années
d’exercice sont in
suffisantes en comparaison avec celles
offertes dans le privé. Les stagiaires ou les apprentis
ne bénéficient pas d’un niveau de
rémunération garantissant leur fidélité ou leur motivation à passer les concours.
La direction du budget
s’efforce d’animer le réseau des
RFFIM. Le comité financier de
l’
É
tat est l’instance de dialogue et d’information de haut niveau
sur la procédure budgétaire,
l’actualité des finances publiques et la modernisa
tion de la fonction financière. Il réunit tous les
deux mois environ, sous la présidence de la directrice du budget et du directeur général des
finances publiques, les RFFIM, les CBCM et les autres parties prenantes (DITP, DGAFP,
AIFE). En matière de ressources humaines, le comité vise à fluidifier les parcours
interministériels et à recenser les besoins de formations au sein des ministères.
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
31
2
UN PROCESSUS DE PRÉPARATION DU BUDGET D
E L’
ÉTAT
À RÉORIENTER VERS LE DESENDETTEMENT ET UNE
MAITRISE DURABLE DES DÉPENSES
Le budget de l’État se construit selon une procédure structur
ée par étapes successives
sur un cycle annuel. La mise en place des programmes de stabilité (PSTAB) en 1999 puis des
LPFP à partir de 2009 ont conduit à inscrire ce cycle dans deux cadres pluriannuels, européen
et national
, dont la cohérence n’est
cependant pas complète.
Schéma n° 1 :
La phase administrative de la préparation du projet de loi de finances
Source : Cour des comptes
.
Note : ce calendrier indicatif est susceptible de décalages significatifs les années électorales.
Déc. N-
2 - Janv
N-1
•
Travaux internes prospectifs et stratégiques
Février
N-1
•
Réunions techniques
•
Budgets économiques d'hiver
Mars
N-1
•
Programmation à moyen terme
Avril
N-1
•
Programme de stabilité
•
Lettre de cadrage
•
Conférences immobilières et conférences de performance
Mai
N-1
•
Conférences de budgétisation
•
Conférences fiscales
Juin
N-1
•
Réunions de ministres
•
Rédaction des projets annuels de performance (volet performance)
Juillet
N-1
•
RIM - sommaire
•
Budgets économiques d'été
•
Arbitrage du Premier ministre et lettres plafond
•
Conférences de répartition
Août
N-1
•
Conférences de répartition (suite et fin)
•
Rédaction des projets annuels de performance (justification au premier euro) et autres annexes
•
RIM de relecture - articles budgétaires et fiscaux
Sept.
N-1
•
RIM de relecture - articles budgétaires et fiscaux
•
Avis (HCFP, Conseil d'État)
•
Conseil des ministres
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
32
La phase « administrative »
de la préparation du budget d’une année N démarre avant
même la clôture de l’exécution N
-
2 et court jusqu’au dépôt du PLF qui doit intervenir au plus
tard le 1
er
mardi d’octobre N
-1. Elle peut être schématiquement décomposée entre une étape
préparatoire de décembre N-2 à avril N-
1 qui s’achève au plan national par l’envoi de la lettre
de cadrage du Premier ministre aux membres du Gouvernement et au niveau européen par la
transmission du PSTAB à la Commission
; une étape d’arbitrage, en principe circonscrite entre
mai et le 15 juillet N-1 et close par la transmission des lettres plafonds ; et enfin une étape finale
d’actualisation des prévisions de recettes, de répartition fine des dépenses, d’élaboration des
documents budgétaires et de consultation en amont du dépôt du PLF.
La phase parlementaire
commence par le dépôt du PLF à l’Assemblée nationale au plus
tard le 1
er
mardi d’octobre (art.
39
de la Lolf). Depuis 2022, c’est aussi la date de dépôt du
PLFSS. L’institution en 2012 d’un avis obligatoire du
Haut Conseil des finances publiques
(HCFP)
qui doit précéder celui du Conseil d’Éta
t conduit en principe à faire adopter le PLF (et
désormais le PLFSS) par un conseil des ministres ayant lieu l’avant
-dernier mercredi de
septembre.
L’examen
du PLF par le Parlement est ensuite enserrée par la Lolf dans un
calendrier strict qui vise à assurer que la loi de finances, le plus souvent après son examen par
le Conseil constitutionnel, entre en vigueur avant le début de l’exercice.
2.1
Des travaux préparatoires détaillés et pertinents, mais insuffisamment
pris en compte dans le cadrage initial des ministères
De décembre N-2 à avril N-1, les travaux préparatoires du PLF menés par la direction
du budget comprennent trois étapes principales : i) les travaux internes prospectifs et
stratégiques (TIPS), de décembre N-2 à janvier N-1, exercice interne qui vise à expertiser des
pistes d’économies structurelles
; ii) les réunions techniques avec les ministères en février -
mars N-1 qui cherchent à la fois à établir une première prévision de la dépense N-1 et de son
évolution tendancielle pour N et les années suivantes ; et iii) la programmation à moyen terme
(PMT), exercice interne de synthèse, qui actualise la trajectoire de la programmation
pluriannuelle en cours en fonction
de l’évolution tendancielle et
des mesures nouvelles déjà
arbitrées et propose, le cas échéant, des mesures de redressement.
Les revues de dépenses, prévues par la LFI 2023 et la LPFP 2023-2027, devront
s’insérer dans la préparation du budget dès cette phase préparatoire, en complément des TIPS
pour identifier des économies structurelles.
Le Trésor établit pour sa part en février ou mars N-1 une première prévision de finances
publiques pour N-1 et N (« budget économique
d’hiver
») qui sert de référence pour le PSTAB
transmis en avril au Parlement puis à la Commission européenne. Les pratiques actuelles ne
permettent
d’assurer ni
une documentation suffisante du PSTAB, notamment sur les mesures
nouvelles et les réformes structurelles qui ne sont pas encore intégrées à la budgétisation, ni une
complète cohérence de la PMT avec celui-ci.
Cette première phase débouche sur la lettre de cadrage adressée par le Premier ministre
aux membres du Gouvernement courant avril. Cette lettre rest
e aujourd’hui à un ni
veau de
généralité trop élevé pour assurer la cohésion gouvernementale autour des objectifs de finances
publiques pendant la phase d’arbitrage.
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
33
2.1.1
Les travaux internes prospectifs et stratégiques (TIPS) et les revues de
dépenses : deux exercices complémentaires de
recherche d’économies
structurelles
La préparation du PLF
de l’année
N commence avan
t même la fin de l’exécution de
l’année N
-2 par un exercice de réflexion de la direction du budget qui vise à identifier des pistes
d’économies structurelles. Ce travail de qualité a une influence trop limitée sur les phases
ultérieures de préparation du budget. Il gagnera à être complété, pour les chantiers de réformes
les plus complexes, par les revues de dépenses prévues par la LPFP 2023-2027, sous réserve
que celles-
ci bénéficient d’objectifs clairs, d’un portage politique fort, de moyens adaptés et
d’u
n calendrier cohérent avec la phase préparatoire de la préparation du budget annuel.
2.1.1.1
Les TIPS : une réflexion interne de qualité, mais une influence insuffisante sur les
décisions budgétaires finales
La direction du budget mène chaque année des travaux internes entre les mois de
décembre N-2 et de février N-1
sur l’ensemble des sujets de politique publique, couvrant
l’intégralité de la dépense
, et les questions de gouvernance : les travaux internes prospectifs et
stratégiques (TIPS)
, appelés travaux d’autom
ne-
hiver jusqu’
à la préparation du PLF 2018.
Les TIPS ont globalement deux objectifs : faciliter la capitalisation des connaissances
sur les politiques publiques dans un contexte de forte mobilité des agents et conduire la direction
à formuler et
expertiser des pistes d’économies structurelles
qui permettront
d’alimenter les
échanges avec les ministères plus tard dans la procédure.
Les livrables attendus des TIPS 2020 en vue de la préparation du PLF 2021 étaient par
exemple, pour chaque bureau,
une présentation d’une quarantaine de diapositives sur les
principaux enjeux, les déterminants de la dépense et les pistes d’économies structurelles,
complétée par des analyses transversales sur
l’investissement et
le budget vert, et un tableau
recensant les aléas pesant la trajectoire du budget triennal en cours. La présentation des enjeux
fait l’objet d’une restitution de chaque bureau à la directrice, en présence du CBCM et du DCB
concernés. Les DCB ont été invités à contribuer aux TIPS à partir de 2022.
Au cours des dernières années et pour les missions examinées, la capacité de la direction
du budget à obtenir des arbitrages favorables sur les économies structurelles proposées par les
TIPS s’est
cependant révélée faible. À
titre d’exemple, p
our la mission
Culture
, les TIPS 2017
(préparation du PLF 2018) proposaient cinq économies structurelles représentant 110
M€
d’économies par rapport au PLF 2017 à l’horizon 2022
: a
ucune des mesures proposées n’a été
retenue telle quelle, mais dans quatre cas, les économies structurelles ont été remplacées à
l’issue des arbitrages par des coupes discrétionnaires ou des reports de charges sur les mêmes
objets budgétaires. Les revues de dépenses peuvent être une réponse à cette difficulté à faire
entériner dans le cadre du processus budgétaire classique des réformes structurelles en lieu et
place de mesures ponctuelles plus ou moins reconductibles.
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
34
2.1.1.2
Le retour des revues de dépenses : une initiative positive, dont toutes les
conditions de succès ne sont pas encore réunies
L’article
167
de la loi de finances pour 2023 prévoit, «
en vue d'éclairer la préparation
du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale »
, que «
le
Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er juin de chaque année, un rapport présentant
le bilan des évaluations de la qualité de l'action publique menées et les propositions de réformes
et d'économies associées ».
L’article
22
de la LPFP 2023-2027 pérennise « ces
évaluations de
la qualité de l’action publique
»
, en anticipant leur transmission au Parlement au plus tard le
1
er
avril de chaque année. Il dispose que «
ces évaluations peuvent porter sur l’ensemble des
dépenses et des moyens des administrations publiques ou des entités bénéficiant de fonds
publics ainsi que sur les crédits d’impôt, les dépenses fiscales et les exonérations ou
abattem
ents d’assiette et les réductions de taux s’appliquant aux cotisations et contributions
de sécurité sociale »
.
Ce processus se veut une « revue de dépenses », que le FMI définit comme «
le
processus de conduire des analyses en profondeur des dépenses publiques existantes afin
d’identifier des opportunités de réduire ou redéployer les dépenses à parti
r de dépenses
présentant une faible priorité, inefficientes ou inefficaces »
21
.
Avant l’adoption de l’article
167
de la loi de finances pour 2023, la France a connu
quatre expériences successives de revues de dépenses, les audits de modernisation dits « audits
Copé » (2005-2007), la révision générale des politiques publiques (RGPP, de 2007 à 2012), la
modernisation de l’action publique (MAP
prolongée par des revues de dépenses entre 2014 et
2017) et Action publique 2022 (2018-2019).
Dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques de
juillet 2023 (RSPFP 2023), la Cour des comptes a rappelé les limites de ces précédents
22
. Elle
s’
es
t prononcée en faveur d’une revue de dépenses au champ large, incluant les dépenses
budgétaires et fiscales pour toutes les administrations publiques. Elle a aussi mis en évidence
l’enjeu
de mettre la qualité de la dépense au centre du processus. Pour être durable, la maîtrise
de la dépense doit en effet s’appuyer sur une analyse objective de l’efficacité des dispositifs d
e
politique publique au regard de leurs objectifs
et prendre en compte l’acceptabilité sociale d’une
modification du champ et ou des modalités de l’intervention publique. Si les formulations
retenues par l’article
167
de la LFI pour 2023 pouvaient laisser subsister une ambiguïté, le
périmètre large défini par la LPFP 2023-
2027 et l’accent mis sur l’évaluation de la qualité de
l’action publique
correspondent aux préconisations de la Cour.
Pour autant, la confrontation d
u processus mis en œuvre au printemps 2023 avec les
principes communs identifiés par l’Eurogroupe en 2016 pour améliorer la qualité des finances
publiques par la mise en œuvre de revue de dépenses
23
suggère que quatre conditions de succès
n
’étaient
pas encore pleinement réunies lors de cette première année.
La revue de dépenses doit avoir des objectifs pluriannuels, clairs et quantifiés
ex ante
,
par sous-secteurs des administrations publiques.
Ce n’
était pas le cas lors du premier exercice.
21
L. Doherty, A. Sayegh,
How to Design and Institutionalize Spending Reviews
, IMF technical Notes and Manuals,
septembre 2022.
22
Cour des comptes,
Rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques 2023
, juin 2023
23
Déclaration de l’Eurogr
oupe,
Principes communs pour améliorer l’allocation des dépenses
, septembre 2016.
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
35
En revanche, la LPFP 2023-2027 assigne bien aux revues de dépenses des objectifs quantifiés
d’économies pour l’
État et les administrations de la sécurité sociale (6
Md€/an
pour chacun des
deux sous-secteurs entre 2025 et 2027). Les modalités de calcul et de suivi de ces économies
ne sont cependant pas encore précisées.
Le processus de revue de dépenses doit faire l’objet d’un portage gouvernemental à haut
niveau. Pendant la RGPP, celui-ci était assuré par le conseil de modernisation des politiques
publiques (CMPP), réuni autour du Président de la République et dont le ministre chargé du
budget était le rapporteur général. Ses décisions étaient préparées par un comité de suivi. Le
comité interministériel de la transformation publique (CITP)
, héritier indirect du CMPP, n’est
pas en mesure, dans sa configuration actuelle, de remplir cette fonction. L’instance
interministérielle chargée du pilotage des revues de dépenses doit en effet être placée auprès du
Président de la République ou du Premier ministre, coordonnée par le ministre chargé des
finances ou le ministre délégué chargé des comptes publics et associer étroitement les ministres
chargés de la sécurité sociale et des collectivités locales. Cette instance politique doit valider la
programmation annuelle des revues et décider si leurs propositions sont reprises ou non dans
les projets de textes financiers (PLF et PLFSS).
Les revues de dépenses doivent s’appuyer principalement sur l’expertise interne à
l’administrati
on et un secrétariat en prise avec les décisions budgétaires. Les inspections
générales disposent des ressources et des qualifications pour les réaliser. Des prestataires privés
ou des universitaires peuvent venir en appoint sur certains sujets spécifiques, leur contribution
à titre principal étant en revanche susceptible de poser des difficultés
d’appropriation par les
administrations qui ont pénalisé la mise en œuvre de certaines des conclusions de la RGPP.
De même,
la création d’une structure administrative nouvelle, déconnectée des
processus de préparation du PLF et du PLFSS, pour proposer les thèmes des revues, assurer le
suivi de leur réalisation et l
a mise en œuvre des économies décidées par l’instance de pilota
ge
apparaît contre-productive.
C’est à l
a direction du budget de jouer ce rôle de secrétariat des
revues de dépenses. Elle devra toutefois pour cela mettre en place des moyens spécifiques, un
suivi au fil de l’eau par la
1
ère
sous-direction et les sous-directions sectorielles ne permettant
pas d’assurer une animation suffisante du processus, comme l’illustre le bilan faible des revues
de dépenses de la LPFP 2014-2019.
Le calendrier des revues de dépenses doit être articulé avec la préparation du budget
annuel. La programmation annuelle des revues et leur réalisation doivent être suffisamment
précoces pour que leurs résultats soient intégrés dans le PLF avant les arbitrages finaux. Les
conférences de fin de gestion pourraient être chaque année, en octobre N-2,
l’occasion
d’identifier les sujets transversaux ou sectoriels qui feront l’objet d’une revue de dépenses en
vue du PLF N. Les revues seraient réalisées entre novembre N-2 et février N-1. Leurs
conclusions feraient ensuite l’objet d’un échange entre la
direction du budget et les ministères
en mars N-1. Les mesures retenues seraient validées au niveau interministériel en avril,
intégrées à la PMT et aux prévisions de dépenses présentées à la Commission européenne à la
fin du même mois et discutées au Parlem
ent dans le cadre du Printemps de l’évaluation.
Recommandation n° 1.
(SGG, DB) Instituer un disposi
tif d’arbitrage interministériel
des mesures d’économies proposées par les revues de dépenses
intégré à la procédure
budgétaire et formaliser le rôle de secrétariat confié à la direction du budget.
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
36
2.1.2
Une évolution tendancielle des dépenses à mieux objectiver dans le cadre des
réunions techniques
Après les TIPS, les réunions techniques se tiennent en février et début mars
de l’année
N-1. Présidée par le sous-directeur sectoriel de la direction du budget, la réunion technique
réunit le RFFIM, le DAF et les RPROG du ministère ainsi que le ou les bureaux de la direction
du budget et le CBCM concernés.
En 2023, la circulaire de lancement de la procédure budgétaire pour 2024
24
assigne deux
objectifs principaux à ces réunions
: le partage d’une première prévision d’
exécution pour 2023
éclairée par l’exécution 2022 et les reports entrants
; la détermination de l’év
olution
tendancielle des dépenses à moyen terme. La circulaire précise toutefois que ces réunions
pourront évoquer les besoins nouveaux d’ores et déjà identifiés pour 2024 et les années
suivantes, ce qui présente une ambiguïté par rapport aux mesures nouvelles.
Le premier objectif paraît assez largement redondant avec les travaux menés par les
CBCM pour apprécier la soutenabilité des programmations budgétaires initiales des
programmes environ un mois avant. Cette partie des réunions techniques pourrait être allégée
et l’est d’ailleurs déjà
par certaines sous-directions de la direction du budget.
Les échanges préliminaires sur les besoins nouveaux occupent en revanche une part
importante des réunions techniques. Une analyse des dossiers de la mission
Écologie,
développement et mobilités durables
pour la réunion technique de préparation du PLF 2019
montre que ces pré-demandes atteignent des montants significatifs. Elles représentaient par
exemple 284
M€ de plus que l
es crédits prévus pour la mission par la LPFP 2018-2022, adoptée
moins d’un
mois plus tôt. Ces discussions préliminaires sur les besoins nouveaux présentent
l’intérêt d’alerter en amont la
direction du budget
et parfois les RFFIM sur des risques d’écarts
à la trajectoire. Elles n’ont cependant pas de caractère décisionnel et risquent d’interférer avec
les échanges visant à déterminer l’évolution tendancielle des dépenses à moyen terme qui
devraient constituer l’objectif principal des réunions techniques.
Cette évolution tendancielle ne fait en pratique pas l’objet d’un accord form
alisé en
réunion technique et est souvent à nouveau discutée en conférence de budgétisation.
L
’
explication de
cette difficulté à s’accorder sur l’évolution tendancielle des dépenses
est en
partie méthodologique. Des précisions sont apportées chaque année aux ministères sur les
méthodes à utiliser pour déterminer l’évolution tendancielle de chaque catégorie de dépenses
mais celles-ci interviennent tardivement (principalement, dans les circulaires relatives aux
conférences de budgétisation et non dans celles relatives aux réunions techniques) et elles
peuvent fluctuer d’une année sur l’autre. Relativement brèves (deux pages dans la circulaire
relative aux conférences de budgétisation pour les années 2023-2027)
25
, elles ne sont pas
toujours bien connues des ministères et
peuvent faire l’objet de marges d’interprétation,
conduisant à des traitements différents de dépenses de natures proches, au sein même de la
direction du budget et parfois au sein d
’une même sous
-direction en fonction du programme.
Ainsi, au sein de la mission
Écologie, développement et mobilité durables
, pour la
préparation du PLF 2019,
l’évolution tendancielle des dépenses pren
ait une signification
24
Circulaire DB-1BPB-22-3735 du 17 janvier 2022 relative au lancement de la procédure budgétaire pour 2023 - réunions
techniques
25
C
irculaire DB-1BLF-22-3441 du 29 avril 2022 relative aux conférences de budgétisation pour les années 2023-2027
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
37
différente selon les programmes considérés. La DGITM, responsable des programme 203 -
Infrastructures et services de transport
et 205 -
Affaires maritimes
, avait une approche
normative
: l’annuité d
u budget triennal de la LPFP en cours servait de point de référence pour
l’évolution tendancielle des dépenses, quelle que soit leur dynamique réel
le. La DGEC,
gestionnaire des programmes 174 -
Énergie, climat et après-mines
et 345 -
Service public de
l’énergie
procédait au contraire à une analyse des déterminants des dépenses pour actualiser la
trajectoire du budget triennal. Il en était de même du secrétariat général pour les dépenses de
personnel sur le programme 217
- Conduite et pilotage des
politiques de l’écologie, du
développement et de la mobilité durables
. Les programmes 113 -
Paysages, eau et biodiversité
et 159 -
Expertise, information géographique et météorologie
illustraient des cas de désaccord
entre la direction du budget et le ministère sur la définition du tendanciel : le ministère
actualisait ses crédits tendanciels pour tenir compte d
’éléments
non pris en compte par le budget
triennal
qu’il considérait comme actés, tandis que la
direction du budget considérait ces
montants comme des mesures nouvelles devant faire l’objet d’un
arbitrage.
L’efficacité du cycle budgétaire et la priorité à accorder à l’analyse des réforme
s
structurelles et des mesures nouvelles commanderait que la direction du budget et les ministères
dépensiers aboutissent
dès les réunions techniques à une prévision de l’évolution tendancielle
des dépenses qui, quand bien même elle reposerait sur des méthodes en partie conventionnelles,
s’imposerait à tous dans les phases suivantes, sauf information nouvelle majeure sur l’un des
déterminants de cette dépense.
À cet effet, la direction du budget pourrait fixer dans un guide permanent des règles
transversales de détermination de l’évolution tendancielle des dépenses par grandes catégories
.
C
es règles devraient distinguer plus clairement que ce n’est le cas aujourd’hui la trajectoire
(définie comme un plafond fixé par la LPFP ou, le cas échéant, la loi de programmation
sectorielle) et le tendanciel, lequel
doit incorporer l’ensemble des informations disponibles
sur
les déterminants de la dépense à politiques inchangées, même quand elles pourraient conduire
à dépasser la trajectoire
26
.
L’assimilation
de la trajectoire au tendanciel peut en effet conduire à minimiser les
mesures de redressement nécessaires en cas d’évo
lution défavorable des déterminants de la
dépense ou au contraire à masquer des marges de
manœuvre
si ces déterminants sont
favorablement orientés.
C’est notamment le cas lorsque la trajectoire est déterminée par une loi
de programmation sectorielle.
Recommandation n° 2.
(DB) : Afin de faciliter les accords techniques à un stade
précoce de la procédure budgétaire, élaborer et partager avec les ministères des méthodes
permanentes et
harmonisées de calcul de l’évolution tendancielle des
grandes catégories
de dépenses.
26
Le processus de préparation du PLFSS distingue de façon plus nette que celui du PLF la détermination du
tendanciel qui fait l’objet d’une p
résentation séparée à la commission des comptes de la sécurité sociale en
septembre, et le chiffrage des mesures nouvelles.
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
38
2.1.3
Un ancrage pluriannuel à géométrie variable
Dans le cadre européen des finances publiques, repris par le cadre constitutionnel et
organique fran
çais, l’utilisation de la politique budgétaire à des fins conjoncturelles est possible,
mais les finances publiques doivent tendre vers l’équilibre à moyen terme afin d’assurer la
soutenabilité de la dette publique.
Cet objectif s’incarne par deux mécanismes d’encadrement
pluriannuel des finances publiques et plus spécifiquement du budget de l’
État : le PSTAB sur
le plan européen et la LPFP au niveau national. Ces deux dispositifs, imparfaitement cohérents
entre eux, ne sont pas pleinement contraignants dan
s l’élaboration des lois de finances annuelles
et coexistent avec des lois de programmation sectorielles qui portent également des
engagements pluriannuels. La programmation à moyen terme (PMT), actualisée chaque année
par la direction du budget
à l’issue
des réunions techniques, se trouve à la croisée de ces
différentes références pluriannuelles. Elle constitue le mandat de négociation de la direction
pour les étapes suivantes de la procédure.
2.1.3.1
Le programme de stabilité : une référence glissante, aux conséquences
opérationnelles pas toujours assumées
Les lois de finances couvrent un exercice (Lolf,
art. 1
er
). Ce principe d’annualité
budgétaire permet de renouveler chaque année le
consentement à l’impôt (DDHC,
art. 14
) et
constitue une condition du contrôle parlementaire. La gestion budgétaire annuelle ne permet
cependant ni de prendre en compte les cycles économiques ni d’apprécier pleinement les
conséquences d’une décision de politique publique intervenue en cours d’année.
La nécessité de se doter d’une perspective pluriannuelle
a conduit au développement de
cadres budgétaires à moyen terme (CBMT), glissants ou fixes selon les pays. L’Allemagne s’est
dotée d’un plan financier à moyen terme glissant (
Finanzplan
)
dès 1968. Au Royaume-Uni, à
partir de 1997, le budget a été divisé en deux catégories de dépenses, les plus discrétionnaires
faisant l’objet d’un plafond ministériel fixe renégocié tous les deux ans (
multi-year
departmental expenditure limit
), tandis que les dépenses liées à des déterminants conjoncturels
(intérêts, dépenses sociales) continuaient à fai
re l’objet d’une discussion annuelle.
La France a
tardé à se doter d’un CBMT national, le sujet étant notamment ignoré lors du vote de la L
olf en
2001, et s’est longtemps contentée des prescriptions du cadre européen.
Le programme de stabilité (PSTAB), créé par le Pacte de stabilité et de croissance de
1997, doit être transmis chaque année depuis 2011 à la Commission européenne avant fin avril
N-1, après un avis du HCFP et un débat au Parlement. Le PSTAB comporte notamment : une
trajectoire de finances publiques exprimée
en comptabilité nationale, incluant l’objectif de
moyen terme de solde structurel,
l’évolution de la
dette publique et celle des dépenses primaires
nettes ; les hypothèses macroéconomiques sous-jacentes ; un descriptif des mesures nouvelles
prévues en recettes et en dépenses ; des analyses de sensibilité de la trajectoire à différents
chocs ; et une estimation de différents indicateurs de soutenabilité à long terme des finances
publiques. La trajectoire est présentée sur cinq années, compren
ant l’exécution de l’année
précédente, des estimations pour l’année en cours et des prévisions pour les trois suivantes.
La
Commission européenne analyse principalement les estimations pour l’année en cours et les
prévisions pour l’année suivante. Elle fai
t des propositions de recommandations par pays qui
sont adoptées par le Conseil, en général courant juillet.
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
39
Le PSTAB est élaboré par le Trésor en s’appuyant sur les budgets économiques d’hiver
(BEH) préparés en février ou mars N-1 et actualisés en fonction des dernières informations
disponibles, notamment la première publication du solde N-
2 par l’I
nsee fin mars, mais aussi
d’éventuelles mesures de redressement. Celles
-
ci ne sont à ce stade de l’exécution (pour N
-1)
ou de la procédure budgétaire (pour N) pas toujours documentées.
Le PSTAB
constitue ainsi un premier point de référence pluriannuel pour l’élaboration
du budget annuel. Ses cibles sont cependant exprimées de façon agrégée et en comptabilité
nationale, alors que le PLF sera construit en comptabilité budgétaire, et souvent, les mesures
sous-jacentes qui étayent les prévisions ne sont pas entièrement connues à la date de publication
du PSTAB (avril N-1). Le budget triennal de la LPFP, apparue en 2009, constitue une seconde
référence pluriannuelle p
lus précise, mais dont l’autorité sur les lois de finances et la cohérence
avec le PSTAB ne sont pas spontanément assurés.
2.1.3.2
Le budget triennal de la LPFP : une projection pluriannuelle précisée et renforcée
mais dont les lois de finances peuvent
encore s’é
carter
L’inscription de l’objectif d’équilibre des finances publiques dans la Constitution en
2008 a été suivie par l’adoption d’une première
LPFP 2009-2012
27
. Celle-ci incluait un budget
triennal 2009-2011 avec une norme de dépenses globale et des plafonds de dépenses par
miss
ions dont le fonctionnement devait s’inspirer initialement du modèle britannique, avec
deux années fixes et une troisième année révisable lors de l
’élaboration
du budget triennal
suivant.
Encadré 2 : La norme de dépense
française et l’objectif de dépenses nettes
européen
La norme de dépense française a été instituée en 1994, et son périmètre a été progressivement
étendu.
Dans le budget triennal 2009-2011, elle comprenait les dépenses du budget général, nettes des
remboursements et dégrèvements de recettes fiscales et des prélèvements sur recettes à destination de
l’Union européenne (PSR UE) et
des collectivités territoriales (PSR CT). Elle était utilisée pour imposer
une norme « zéro volume ». À partir de 2012, les taxes affectées plafonnées sont entrées dans la norme
« zéro volume
», bien qu’il ne s’agisse pas juridiquement de dépenses, dans le but de limiter les dépenses
des opérateurs
qu’elles financent
.
À
cette norme s’est ajoutée en 2011 la « norme
zéro valeur » dont le périmètre correspondait à
celui de la « norme zéro volume
» à l’exclusion des charges d’intérêt et des contributions au compte
d’affectation spéciale
(CAS) des pensions (CAS
Pensions
). Cette seconde norme a aussi été appelée «
norme de gestion », parce qu’elle correspond à des dépenses
en principe pilotables en gestion.
La loi de programmation 2018-2022 a défini une nouvelle norme à deux niveaux : la norme de
dépenses pilotables
–
NDP
–
et l’objectif de dépenses totales de l’État –
ODETE. Ce dernier ajoutait au
périmètre de la norme de dépense pilotable la charge de la dette, les pensions et les prélèvements sur
recettes ainsi que les dépenses d’investissement d’avenir et les dépenses des comptes d’affectation
spéciale qui ne sont pas dans la norme de dépenses pilotables.
27
Loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012
.
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
40
Enfin, le « périmètre des dépenses
de l’État » ou PDE est le nouveau périmètre de l’enveloppe
normée des dépenses de l’État
prévu par la LPFP 2023-2027, et utilisé pour la préparation des PLF pour
2023 et 2024. Il
reprend le périmètre de l’ODETE,
et inclut, outre les crédits du budget général (hors
remboursements et dégrèvements, remboursement de la dette covid-19, charge de la dette et
contributions aux pensions civiles et militaires),
les PSR au profit de l’UE et des coll
ectivités
territoriales, les budgets annexes, les taxes affectées plafonnées, les dépenses des CAS
–
hors CAS
Participations finan
cières de l’
État
, programmes de désendettement des CAS
Gestion du patrimoine
immobilier de l’
État
et
Contrôle de la circulation et du stationnement routiers
et programme 743 -
Pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre
du CAS
Pensions-
et le compte de concours
financier
Avances à l’audiovisuel public
.
La
norme de dépense française se distingue de l’objectif d’évolution des dépenses primaires
nettes des mesures nouvelles en recettes, utilisé dans le cadre européen, à plusieurs égards. L’objectif
européen est exprimé en comptabilité nationale et la norme de
dépense de l’
État française en
comptabilité budgétaire. Le champ de l’objectif européen comprend toutes les administrations
publiques. Enfin, il prend en compte l’effet des mesures nouvelles en recettes qui est présenté
séparément dans la LPFP française.
La durée des LPFP s’est
ensuite allongée (LPFP 2011-2014
28
, puis 2012-2017
29
, 2014-
2019
30
, 2018-2022
31
et enfin 2023-2027
32
), mais la durée du budget pluriannuel publié est restée
limitée à trois ans. En 2012 puis en 2014 et 2018, cette difficulté a été contou
rnée par l’adoption
d’une nouvelle loi de programmation avant l’expiration de celle qui était en cours. Entre 2020
et 2022, un budget triennal 2020-2022 arbitré avec le PLF 2020 a servi de référence sans que
ses plafonds soient repris par une LPFP. Dans le cadre de la LPFP 2023-2027, une trajectoire
quinquennale par ministère a été définie, mais les plafonds par mission ne couvrent à nouveau
que trois ans. Bien que la
LPFP n’ait été adoptée qu’en décembre 2023
, les plafonds par mission
prévus dans le projet déposé en septembre 2022 ont servi de référence pour la préparation des
PLF 2023 et 2024.
En l’absence de supériorité juridique des LPFP sur les lois de finances, celles
-ci ont pu
s’écarter aussi bien des objectifs généraux de solde que des plafonds de dé
penses par mission
formulés par les premières. Le graphique ci-dessous compare ainsi, pour la mission
Sécurités
,
les plafonds successifs des budgets triennaux et les crédits hors CAS
Pensions
des LFI
successives. Il montre que l’objectif init
ial de plafonds valables
a minima
sur deux ans n’a pas
été atteint (avec des dépassements importants en 2016, plus modérés en 2019 et 2021), mais
aussi que les années de croissance rapide des dépenses correspondent aux changements de
LPFP (2017, 2023).
28
Loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014
29
Loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017
30
Loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019
31
Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022
32
Loi n° 2023-1195 du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
41
Graphique n° 2 :
Plafonds de dépenses des LPFP et crédits des LFI pour la mission
Sécurités
(2015-
2024
, en Md€ courants, hors contribution
s au CAS pensions)
Source : Cour des comptes (données : LPFP et LFI)
La crise financière a conduit à un renforcement des cadres nationaux des finances
publiques sous l’impulsion européenne (
six-pack
de 2011, Traité sur la stabilité, la coordination
et la gouvernance de 2012,
two-pack
de 2013) qui s’est traduit en France par le vote d’une loi
organique en décembre 2012. Celle-ci a harmonisé le contenu de la LPFP avec les règles
budgétaires
européennes (en prévoyant notamment que l’objectif
de moyen terme des finances
publiques soit
exprimé en termes structurels) et a créé le HCFP, chargé d’apprécier notamment
«
la cohérence de l'article liminaire du projet de loi de finances de l'année au regard des
orientations pluriannuelles de solde structurel définies dans la loi de programmation des
finances publiques »
.
En revanche, la loi organique de 2012 (consolidée avec la Lolf par la LOMGFP de 2021)
n’a pas donné aux objectifs de solde structurel de la LPFP et
a fortiori
au budget triennal qu’elle
contient une force juridique supérieure à celle des lois de finances. L’article
3.2
du traité sur la
stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG)prévoit pourtant que la trajectoire vers
l’objectif de moyen terme (OMT) est sécurisée par
«
des dispositions contraignantes et
permanentes, de préférence constitutionnelles, ou dont le plein respect et la stricte observance
tout au long des processus budgétaires nationaux sont garantis de quelque autre façon »
. Dans
une évaluation des transpositions nationales effectuée en 2017
33
, la Commission européenne
s’
interrogeait dans le cas de la France sur «
l’existence de recours juridi
ctionnels effectifs dans
le cas où un budget prévisionnel s’écarte du TSCG ou de la loi de programmation
»
.
Même si elle a imposé le solde structurel comme un objectif de moyen terme commun,
la loi organique de 2012 n’a pas non
plus mis fin aux risques de déconnexion des programmes
de stabilité et des LPFP. En effet, les LPFP définissent un cadre fixe, désormais sur cinq ans
pour les grands agrégats et pour trois ans pour les plafonds de dépenses par mission, tandis que
33
Communication de la Commission européenne,
Pacte budgétaire : état des lieux, annexe 8
(France)
, février 2017
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
42
le programme de stabilité constitue une référence pluriannuelle glissante, actualisée chaque
année.
L
e Conseil de l’Union européenne
a adopté le 20 décembre 2023 un accord de principe
pour
réformer l’encadrement européen des finances publiques.
Selon cet accord, la surveillance
de la Commission serait fondée, non plus sur un PSTAB glissant mais sur une trajectoire fixe
d’une durée de quatre à sept ans
34
d’évol
ution des dépenses publiques, nettes des mesures
nouvelles en recettes. Si elles sont adoptées
à l’issue des discussions avec le Parlement
européen, ces dispositions pourraient permettre une meilleure articulation entre les LPFP, qui
comprennent déjà des normes de dépenses, et les engagements européens de la France. En
revanche, la question de la mise en cohérence des plafonds par mission des LPFP avec les lois
de programmation sectorielles reste posée.
2.1.3.3
Des lois de programmation sectorielles de plus en plus nombreuses et mal
articulées avec la LPFP et le budget triennal
L’article
34
de la Constitution prévoit que des lois de programmation peuvent décrire
les objectifs de l’action de l’
État dans un secteur donné. Elles ont longtemps été circonscrites à
la loi de programmation militaire mais connaissent une prolifération récente. En 2024, sept
missions du budget général et un CAS devraient être en totalité ou en partie couverts par une
loi de programmation :
-
Aide publique au développement
: la loi de programmation relative au développement
solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales 2021-2025
35
fixait les crédits de la
mission pour 2021 et 2022
ainsi qu’
un objectif de dépenses publiques en faveur du
développement à l’horizon 2025 (0,7
% du PIB) ;
-
Défense
: la loi de programmation militaire 2024-2030 (LPM) fixe en valeur absolue la
trajectoire annuelle, en emplois et en crédits de la mission
Défense
, avec une cible de
68,9 Md€ hors CAS
Pensions
(+ 25
Md€ courants par rapport à la LFI 2023) et
275 000 ETP (+ 6 300 par rapport à 2023) en 2030 ;
-
Écologie, développement et mobilité durables
: la loi d’orientation des mobilités
(LOM)
36
2019-
2023 décrit une trajectoire annuelle pour les dépenses de l’A
gence de
financement des infrastructures de transport de France (AFITF) en valeur absolue et en
euros courants jusqu’en 2023 (2,7 Md€/
an en moyenne) et prévoit une enveloppe
globale sur la période 2023-
2027 (14,3 Md€, soit 2
,9
Md€/an)
;
34
Lorsque la procédure pour déficit excessif est activée
, l’effort d’ajustement annuel demandé à un
État reste
néanmoins exprimé en termes d’amélioration du solde structurel et doit toujours représenter au moins 0,5
% du
PIB potentiel. Pour la période 2025-2027, cet ajustement de référence pourra toutefois être réduit à due
concurrence de l’augmentation des intérêts.
35
Loi du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales
36
Loi n° 2019-
1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
43
-
Justice
: la
loi d’orientation et de programmation du ministère de la
justice 2023-2027
(LOPJI)
37
détermine une trajectoire annuelle en crédits en valeur absolue, hors CAS
Pensions
, aboutissant à 10,8
Md€ en 2027 (+2,2
M€ par rap
port à la LFI 2022) et un
schéma d’empl
ois de 10 000 ETP en cinq ans ;
-
Recherche et enseignement supérieur
: la loi de programmation de la recherche 2021-
2030 (LPR)
38
prévoit une trajectoire annuelle pour les programmes 150, 172, 193 par
différence avec la LFI 2020 (+5,1 Md€ courants en 2030) ;
-
Sécurités,
administration générale et territoriale de l’
État
(hors programme 232) ;
immigration, asile et intégration et CAS contrôle de la circulation et du stationnement
routiers
: la loi d’orientation et de programmation pour le ministère de l’
intérieur 2023-
2027 (LOPMI)
39
affiche une trajectoire annuelle de crédits en valeur absolue, hors
contributions au CAS
Pensions
, avec un objectif de 25,4 M€ en 2027 (+4,6 Md€
courants par rapport à la LFI 2022, y compris plan de relance).
Selon la programmation sous-jacente à la LPFP 2023-2027, 31 % des dépenses de
l’
État
40
seraient ainsi couverte
s par l’une
des lois de programmation déjà votées en 2027, contre
27 % en 2023.
Un projet de loi d’orientation et d’avenir agricoles et un projet de loi
d’orientation énergie climat sont en outre en préparation.
Ces lois de programmation sectorielles présentent, selon les termes mêmes de la
Constitution, des « objectifs
» qui, comme ceux de la LPFP, ne s’imposent pas juridiquement
aux lois de finances annuelles. Pour autant, au même titre que la LPFP, elles représentent un
point de référence qui oriente la négociation budgétaire annuelle,
ce qui impose qu’elles soient
cohérentes à tout moment avec la programmation pluriannuelle des finances publiques. Or,
comme l’illustrent les exemples ci
-dessus, ces lois sont hétérogènes en termes de durée,
d’
éléments financiers (crédits ou emplois) et de niveau de détail et de qualité des sous-jacents
qui justifient ces derniers.
Dans la lettre de cadrage pour l’élaboration du PLF 2018 et de la LPFP 2018
-2022, le
Premier ministre avait écrit que «
les lois de programmation qui sont envisagées pour certaines
politiques
publiques devront s’inscrire dans la loi de
programmation pluriannuelle des finances
publiques »
.
La LOMGFP de 2021 a chargé le HCFP d'évaluer la
« compatibilité »
de ces lois
sectorielles avec les objectifs de dépenses prévus par la LPFP en vigueur ou par l'article
liminaire de la dernière loi de finances. Le HCFP a rendu deux avis en 2023 sur les projets de
loi de programmation militaire et d’orientation et de programmation pour le mini
stère de la
justice.
Dans les deux cas, le HCFP s’est heurté à l’absence de LPFP en vigueur mais a
néanmoins apprécié la compatibilité des deux projets non seulement avec la loi de finances
2023 mais aussi avec le budget triennal 2023-2025 associé au projet de LPFP 2023-2027 déposé
au Parlement. Ses avis ne permettent pas en revanche de porter une appréciation sur la
soutenabilité des deux lois de programmation au-
delà de l’horizon du budget triennal. Or
37
Loi n° 2023-1059 d
u 20 novembre 2023 d’orientation et de programmation du ministère de la justice
38
Loi n° 2020-1674 du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030
.
39
Loi n° 2023-
22 du 24 janvier 2023 d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur
40
Crédits de paiement du budget général et taxes affectées aux opérateurs, hors intérêts de la dette et
contributions au CAS pensions, plan de relance et France 2030.
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
44
s’agissant de la LPM, plus des trois quarts de l’augmentation
des moyens annuels prévus
(19
Md€ sur 25) interviennent entre 2026 et 2030.
Un allongement à cinq ans de la période couverte par les plafonds de dépenses par
missions du budget pluriannuel inclus dans chaque LPFP limiterait
ex ante
les risques
d’insoutena
bilité en allongeant la période soumise au contrôle de cohérence du HCFP lors de
l’adoption d’une loi de programmation sectorielle postérieure à la LPFP. Un horizon maximal
de cinq ans, aligné sur la durée d’une législature, pourrait d’ailleurs être égalem
ent retenu pour
les lois de programmation sectorielles.
Les finances de l’Union européenne présentent dans ce domaine un exemple intéressant
de mise en cohérence des programmations sectorielles et des perspectives financières
pluriannuelles globales. En e
ffet, non seulement, les budgets annuels de l’Union européenne
sont encadrés par un cadre financier pluriannuel (CFP) qui prévoit les dépenses par grandes
catégories à l’horizon de sept ans (2021
-2027 actuellement), mais la négociation de ce cadre
financier global est coordonnée avec celle des règlements sectoriels qui régissent ces grandes
catégories de dépenses sur la même période.
Si, malgré tout, un alignement complet du cadre temporel des lois de programmation
sectorielles et de la LPFP ne pouvait être obtenu, chaque nouvelle LPFP devrait confirmer ou
amender explicitement les dispositions financières des lois de programmation sectorielles en
cours, afin que les décideurs publics puissent s’appuyer sur une réf
érence pluriannuelle
univoque dans le cadre de la préparations des lois de finances annuelles suivantes.
Recommandation n° 3.
(SGG, DB) : Actualiser les dispositions financières des lois de
programmation sectorielles
à l’occasion de
toute LPFP postérieure.
2.1.3.4
La programmation de moyen terme (PMT) : un mandat de négociation annuel à la
croisée des contraintes
Sur la base de la réflexion stratégique conduite lors des TIPS et des réunions techniques
avec les ministères, la direction du budget réalise une
prévision d’exécution pour l’année en
cours (voir partie 3) et une actualisation de la trajectoire de finances publiques pour les années
à venir. Ces travaux, non partagés avec les ministères dépensiers, sont formalisés dans une
« programmation de moyen terme » (PMT), transmise en avril au cabinet du ministre chargé du
budget et au pôle budgétaire du cabinet du Premier ministre. Leur méthodologie, fixée chaque
année par une note interne, a connu une double évolution à partir de la préparation du PLF
2019, avec l’utilisation
du
système d’information d
édié Unisson pour la prévision d
’
exécution
et une modification de la présentation des synthèses. La PMT débouche sur un projet de budget
qui servira de position de référence dans les échanges avec les ministères intervenant lors des
conférences de budgétisation au mois de mai.
La PMT couvre au minimum trois ans. Elle est réalisée au niveau de la mission pour les
dépenses du budget de l’
É
tat, mais s’attache également à l’évolution des
PSR CT et PSR UE,
ainsi que des dépenses des régimes obligatoires de sécurité sociale incluses dans le PLFSS. Elle
évalue le tendanciel des dépenses, en prenant en compte les mesures nouvelles arbitrées. Cette
trajectoire est, si besoin, redressée
avec des propositions d’économies
, issues des TIPS mais
également de travaux externes (rapports d’évaluations des inspections ministérielles et
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
45
interministérielles, rapports de la Cour des comptes, travaux académiques, revues de dépenses,
etc.).
La finalisation de la PMT est proche dans le temps mais le plus souvent postérieure à la
transmission du PSTAB au HCFP et au Parlement, ce qui ne permet pas une pleine intégration
de ces travaux dans le PSTAB. Par ailleurs, la PMT,
contrairement au PSTAB, n’est pas
endossée par l’ensemble du Gouvernement.
En sens inverse, le PSTAB vient en cours
d’exercice influencer le résultat final de la PMT mais il n’en constitue pas le point d’ancrage
initial.
Pour les dépenses dans le périmètre de la norme de dépenses pilotables de l’
État, cet
ancrage varie selon les années. P
our la préparation du PLF 2018, point de départ d’une nouvelle
LPFP non couvert par un budget triennal antérieur, la référence était le tendanciel lui-même.
Pour la préparation du PLF 2019, le budget triennal 2018-2020 de la LPFP en cours 2018-2022
servait de référence. P
our la préparation du PLF 2021, l’ancre était le budget triennal 2020
-
2022 arbitré à l’été 2019 avec le PLF 2020 mais non formalisé par une LPFP et rebasé pour
tenir compte des amendements majeurs introduits pendant le débat parlementaire (prime de
pouvoir d’achat et réforme de l’
allocation adultes handicapés).
Tableau n° 4 :
Programmation à moyen terme de la mission
Travail et emploi
Source : Cour des comptes (données : direction du budget)
Note de lecture : la forte augmentation du plafond entre 2019 et 2021
s’explique par un changement de méthode
de calcul de la norme de dépenses qui intègre les taxes affectées en valeur absolue.
Selon les années et les missions, la trajectoire redressée correspond à l’ancre ou s’en
écarte, en plus ou en moins, en fonction notamment des engagements sectoriels pris par le
Gouvernement, mais aussi de la politique budgétaire générale définie dans le PSTAB. La
cohérence avec ce dernier n’est néanmoins pas
complète.
2.1.4
La lettre de cadrage : une o
ccasion manquée d’inscrire les arbitrages
budgétaires dans les limites des objectifs de dépense à moyen terme
Les lettres de cadrage, signées par le Premier ministre, sont adressées aux ministres le
plus souvent en avril à l’issue
de la PMT et avant le début de la phase de budgétisation et
d’arbitrage
. Elles définissent les grandes orientations stratégiques de la construction du
prochain budget, et en principe d
es normes transversales d’évolution des crédits et emplois.
PLF
2018
2019
2021
LFI 2017 format 2018
16,71
Plafond mission dans le triennal 2018-2020
12,96
Plafond mission dans le triennal 2020-2022 rebasé
22,74
Tendanciel PMT
15,57
13,01
22,51
Ancre
15,57
12,96
22,74
Mesures nouvelles PMT
2,98
0,76
3,15
Mesures de redressement PMT
-3,02
-0,48
-2,93
Trajectoire redressée (mandat DB)
15,53
13,29
22,73
Ecart mandat - ancre
-0,04
0,33
-0,01
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
46
Au cours des dernières années, cett
e étape symbolique qui marque l’appropriation des
travaux préparatoires et de la politique budgétaire proposée par le ministre chargé des finances
par le Premier ministre et l’ensemble du Gouvernement, a connu des fluctuations significatives.
Lors de la préparation du PLF 2018 et de la LPFP 2018-2022, la lettre de cadrage a été
envoyée par le nouveau Premier ministre, issu des élections législatives, le 2 juin 2017. Dans
l’attente de l’analyse de la situation des finances publiques qu’il avait demandée à la
Cour des
comptes, elle
ne contenait pas d’objectif quantifié mais mettait en avant une réforme de la
procédure d’arbitrage visant à une co
-
construction du dossier d’arbitrage par la
direction du
budget et les responsables financiers ministériels, et une discussion collégiale du projet de
budget avant son arbitrage par le Premier ministre. Elle posait également les principes
d’une
fixation sur cinq ans
de la norme de dépenses par la LPFP, de l’inscription des programmation
s
sectorielles dans le cadre de la programmation pluriannuelle des finances publiques, du
lancement d’un programme de transformation publique (devenu Action publique 2022), d’une
évaluation des directeurs d’administration centrale et des dirigeants d’opérateurs en fonction
d’objectifs budgé
taires, ainsi que de la recentralisation sur le budget général d
’
outils extra-
budgétaires existants (taxes affectées, fonds sans personnalité juridique, etc.).
Lors de la préparation du PLF 2019, la lettre de cadrage, envoyée le 5 février 2018, avait
été avancée en amont des réunions techniques. Elle rappelait pour 2019 la nécessaire
sincérisation des crédits (avec une réserve de précaution réduite à 3 %) et le caractère impératif
des plafonds de dépenses inscrits dans la LPFP 2018-2022, rebasés toutefois pour intégrer les
dépenses additionnelles votées par le Parlement dans la LFI 2018. Elle demandait de plus un
effort d’économies complémentaires aux
ministères pour les années suivantes, représentant
4
Md€ en 2020 et 10 Md€ en 2022,
à identifier dans le cadre du processus Action publique
2022. Elle prévoyait aussi des « rendez-vous de gestion » au niveau des ministres sur
l’exécution de l’année en cours, pratique qui ne s’est pas installée.
Pour la préparation du PLF 2021, la lettre de cadrage a été envoyée deux semaines après
la fin du premier confinement le 26 mai 2020. Elle indiquait que les plafonds pluriannuels
arbitrés avec le PLF 2020 pour la période 2020-2022 restaient la référence pour la construction
du PLF 2021, les mesures prorogeant les dispositions d’urgence mises en place en gestion 2020
et les dispositions du plan de relance faisant l’objet d’une budgétisation sur une mission séparée.
Pour la préparation du PLF 2024, les lettres de cadrage sont intervenues plus
classiquement le 19 avril 2023
, à l’issue de la
première phase du cycle budgétaire. Elles
demandaient aux ministères de formuler
des propositions d’économies représentant 5
% de leur
plafond prévu par le projet de LPFP déposé au Parlement. Cette cible, calculée sur la base des
crédits, pouvait être atteinte par des propositions de réduction de dépenses budgétaires mais
aussi de dépenses fiscales.
Les lettres de cadrage ne sont pas rendues publiques, mais leur contenu est souvent
relayé par la presse. De façon générale, cet acte, supposé exprimer la cohésion du
Gouvernement autour d’une politique budgétaire partagée, a été au cours des dernières années
trop volatil dans ses modalités et faible dans sa communication pour marquer un temps fort de
la préparation du budget.
Cette situation contraste avec celle de plusieurs États européens, membres ou non de la
zone euro, dans lesquels la transmission du PSTAB à la Commission européenne est
concomitante d’engagement
s transparents sur la construction du budget national suivant. La
Suède est un exemple : le Gouvernement dépose chaque année au Parlement mi-avril un projet
de « loi de politique budgétaire » qui comprend un cadrage économique et financier et des
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
47
plafonds par « cadres de dépenses » (équivalents de nos missions budgétaires) pour les trois
années à venir. Ces plafonds sont ensuite ventilés dans une « loi budgétaire » annuelle, déposée
comme en France à l’automne
41
.
Dans le contexte français, rien ne s’oppose
rait à ce que les lettres de cadrage rappellent
les plafonds pluriannuels applicables à chaque ministère, ce qui aiderait à mieux séquencer le
cycle budgétaire entre sa première partie, consacrée aux tendanciel et au rappel des plafonds,
et son étape suivan
te consacrée à l’arbitrage des mesures nouvelles destinées à conforter la
trajectoire pluriannuelle ou à financer de nouvelles priorités gouvernementales dans le respect
de cette dernière.
Recommandation n° 4.
(SGG, DB) : Renforcer le rôle prescriptif des lettres de cadrage
en y incluant des pré-plafonds par ministère.
2.1.5
Des conférences de performance et des conférences immobilières à
redynamiser
Après l’envoi de la lettre de cadrage et avant les conférences de budgétisation se tiennent
deux réunions spécialisées, d’origine r
elativement récente : les conférences immobilières créées
en 2016 et les conférences de performance introduites en 2005. Leur contenu est appelé à
évoluer au cours des prochaines années, en fonction des évolutions d
e l’architecture budgétaire
de la politiq
ue immobilière de l’
État pour les premières
, et sous l’effet du développement du
budget vert et du budget int
égrant l’égalité
(aussi dénommé budget sensible au genre) pour les
secondes.
2.1.5.1
Des conférence immobilières appelées à évoluer avec l’architecture bud
gétaire de
la politique immobilière de l’
État
Les conférences immobilières sont inscrites dans le calendrier budgétaire depuis 2016.
Organisées par la direction de l’immobilier de l’
État (DIE) et coanimées par la direction du
budget, leur calendrier a évolué depuis leur création. Initialement positionnées en avril, elles
ont été considérées comme un prolongement des réunions techniques et avancées en février-
mars en 2017 et 2018 pour être à nouveau décalées en avril à partir de 2019.
Elles poursuivent désormais trois objectifs principaux
: l’examen de la politique
immobilière du ministère, sur la base de son schéma pluriannuel de stratégie immobilière
(SPSI) ;
l’analyse de la stratégie d’entretien et de rénovation énergétique du parc immobilier
;
et la discussion du financement des principaux projets portés par les crédits du ministère ou du
plan de relance.
L’examen des dossiers des conférences immobilière du ministère de la transition
écologique et solidaire pour les conférences immobilières 2017, 2018 et 2020 montre que
l’exercice permet une collecte
utile
d’informations sur la politique immobilière, les grands
41
Sveriges Finansdepartementet,
The Swedish Fiscal policy Framework
, 2017.
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
48
projets et la stratégie d’entretien du ministère ainsi que sur les demandes budgétaires
pluriannuelles associées. I
l n’est
cependant décisionnel ni
d’un point de vue technique
, ces
conférences ne se prononçant pas
sur l’opportunité des projets qui font l’objet d’une procédure
de labellisation distincte par la DIE,
ni d’un point de vue financier et budgétaire
, les crédits
immobiliers demeurant e
xaminés en conférence de budgétisation en l’absence de la DIE et
faisant
l’objet d’un arbitrage séparé par ministère.
Les conférences immobilières pourraient être amenées à évoluer en fonction des
décisions prises en matière de gouvernance et de financement de la politique immobilière de
l’
É
tat, dans un contexte où la capacité d’orientation des politiques mini
stérielles par la DIE est
menacée par l’attrition des ressources interministérielles
: suppression des loyers budgétaires
en 2019, baisse des cessions, fin du plan de relance
42
.
2.1.5.2
Un chaînage à trouver entre mesure de la performance et priorités transversales
de l’action publique
Présentée comme l’innovation majeure de la L
olf
, la mise en place d’une nomenclature
des crédits par destination (programme/action/sous-
action) assortie d’objectifs et d’indicateurs
de performance n’a pas permis d’orienter les discussions budgétaires vers l’efficacité voire
même l’efficience des services et dispositifs financés.
La nomenclature par destination constitue l’unité de
présentation et de vote du budget,
mais
en pratique, elle n’est pas
la nomenclature de négociation (qui est structurée par briques),
ni son cadre de gestion administratif (cf. annexe 2).
La nomenclature par programmes et les objectifs et indicateurs qui y sont associés sont
discutés séparément des crédits : des conférences de performance ont été mises en place dès
2005 aux mois d’avril et mai pour permettre à la
direction du budget
d’échanger avec les
ministères sur le périmètre des programmes, les objecti
fs et les indicateurs associés. Jusqu’à la
préparation du PLF 2022, ces échanges aboutissaient à la transmission au Parlement dans le
cadre du
débat d’orientation des finances publiques (
DOFP) de juillet des modifications
intervenues dans la structure des missions et programmes ainsi que des objectifs et indicateurs
associés. La LOMGFP de 2021 a maintenu le principe de la transmission de ces éléments au
15 juillet malgré la fusion du DOFP avec le débat sur le PSTAB intervenant fin avril. Elle a par
ailleurs ouvert la possibilité pour le Parlement de créer des programmes, des objectifs et des
indicateurs. Quatre programmes ainsi que cinq objectifs et 14 indicateurs ont ainsi été créés par
le Parlement lors de l’examen du PLF 2023
.
Au-delà de cette mise à jour de la nomenclature, des objectifs et des indicateurs, les
conférences de performance ont évolué dans les dernières années dans deux directions : la mise
en place d’indicateurs relatifs aux dépenses fiscales
et le développement de l’information sur
les conséquences des choix budgétaires sur des priorités interministérielles (environnement et
égalité femmes-hommes, notamment
). C’est dans le cadre des conférences de performance
qu’ont notamment lieu les échanges entre la
direction du budget et les ministères sur la cotation
42
Cour des comptes,
La politique immobilière de
l’
État : une réforme nécessaire pour aborder les enjeux à venir
,
décembre 2023.
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
49
environnementale de leurs dépenses budgétaires et fiscales dans le cadre du budget vert. Dans
le contexte d’une relance de l’intérêt du Parlement pour la budgétisation intégrant l’égalité
femmes-hommes
43
, la mise en place d’indicateurs de p
erformance genrés, lorsque cela est
pertinent, est aussi affichée
comme l’un des thèmes des conférences de performance depuis une
expérimentation menée dans quatre ministères en 2018-2019.
Un travail d’alignement des
indicateurs de la Lolf avec les politiques prioritaires du Gouvernement a également été lancé.
2.2
U
ne procédure d’arbitrage fragmentée et incitant peu à la discipline
collective
Après le débat au Parlement sur le PSTAB
, la préparation du budget de l’
État bascule
dans une phase de négociation activ
e et d’arbitrage qui se termine avec l’envoi des lettres
plafonds par le Premier ministre. Celle-
ci se caractérise par l’intervention du niveau politique
(cabinets, ministres, et enfin Premier ministre) pour arbitrer les points sur lesquels la direction
du budget
, les RFFIM et les RPROG n’ont pas pu s’accorder. La remontée de plus en plus
systématique de nombreux sujets
à l’arbitrage du
cabinet du Premier ministre a cependant
conduit au cours des dernières années à un allongement du processus, sans contribuer à la
maîtrise des dépenses. En parallèle à ce
s décisions sur les dépenses de l’
État, des arbitrages sont
également rendus par le Premier ministre sur les recettes fiscales et le PLFSS, selon des
procédures différentes.
2.2.1
Des arbitrages en dépenses longs et parcellisés
La négociation des plafonds de dépense ministériels est un processus continu qui s’étale
de début mai au 15 juillet (en principe, même si cette date a été fréquemment dépassée au cours
des dernières années) et se traduit par des interactions multiples et le plus souvent informelles
à tous les niveaux (entre la direction et les RFFIM et RPROG, en bilatéral, entre le cabinet du
ministre chargé du budget et celui des ministres dépensiers, ou entre ministres, en trilatéral avec
le cabinet du Premier ministre ou le Premier ministre lui-même). Cette négociation connaît
cependant trois moments de cristallisation plus formels, voire ritualisés : la conférence de
budgétisation entre la direction du budget et les RFFIM et RPROG au mois de mai ; les réunions
bilatérales entre le ministre chargé du budget et chaque ministre dépensier en juin ; la réunion
trilatérale
d’arbitrage présidée par le Premier ministre
ou son cabinet en juillet. Cette phase
concentre les critiques adressées à la procédure budgétaire. Elle capitalise trop peu sur les
travaux préparatoires précédents, dure trop longtemps, tout en renvoyant les décisions
essentielles à la fin, sans récompenser les comportements coopératifs.
43
C. Calvez, S. Josso,
La budgétisation intégrant l’égalité
, Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des
femmes et des hommes, Assemblée nationale, mai 2023.
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
50
2.2.1.1
Les conférences de budgétisation : un rôle de clarification des positions
Les conférences de budgétisation ont lieu au mois de mai. Elles réunissent le sous-
directeur sectoriel compétent de la direction du budget et chaque RPROG en présence de son
RFFIM. Les conférences de budgét
isation des programmes d’un mêm
e ministère sont en
général regroupées
au cours d’un
e même journée. Des conférences spécifiques ont lieu
respectivement avec la DGCL et la direction générale des outre-mer (DGOM), sans le
secrétariat général du ministère de l’
intérieur et des outre-mer, pour les sujets qui touchent aux
finances locales
et à l’outre
-mer.
Les dossiers élaborés par les RPROG sont transmis par le RFFIM. Avec des nuances
selon les ministères et les exercices, le RFFIM joue le plus souvent
un simple rôle d’ensemblier
des positions des RPROG mais peut parfois procéder dès ce stade, en lien avec le cabinet, à une
mise en cohérence des positions des directions métiers. Ces interventions restent cependant
limitées. À
titre d’exemple, pour le pro
gramme 203 -
Infrastructures et services de transport
,
dans le cadre de la conférence de budgétisation du PLF 2019, la demande transmise par le
secrétariat général s’élevait à 3
,226 Md
€ en retrait de 21
M€ par rapport aux besoins exprimés
par la DGITM.
Les conférences de budgétisation doivent en principe permettre au moins un accord sur
l’évolution tendancielle des dépenses.
Peu d’accords sont en revanche trouvés sur l
es mesures
nouvelles ou d
’
économies, la direction du budget comme les ministères préférant tactiquement
préserver des marges pour la négociation au niveau politique.
Même s’il est
difficile
d’étayer ce ressenti,
les
dossiers d’arbitrage examinés n’étant pas
antérieurs à ceux du PLF 2018, certains acteurs de la procédure
font état d’une augmentation
du nombre de sujets remontant à l’arbitrage
des ministres ou du Premier ministre dans la période
récente. Les consignes données à partir de 2017
44
visant à mieux séparer les sujets techniques
des décisions politiques auraient eu comme impact de déresponsabiliser les services qui
hésiteraient désormais à se mettre d’accord sur toute mesure nouvelle ou d’économie,
en amont
des réunions de ministres.
À l’issue des conférences de budgétisation, la
direction du budget constitue un tableau
dit « politique
» permettant de présenter les sujets retenus pour être proposés à l’arbitrage des
ministres et la copie globale du périmètre ministériel en crédits et emplois.
2.2.1.2
Les réunions de ministres : un
round
d’observation, plus qu’une étape
décisionnelle
En juin, des réunions entre le ministre chargé du budget et chaque ministre dépensier (le
cas échéant, accompagné de certains de ses ministres délégués) sont organisées afin d
’échanger
sur les points de discordance mis en évidence dans le « tableau politique ». La remontée de
44
Cf. lettre de cadrage de la procédure budgétaire du 2 juin 2017 : «
les conférences budgétaires entre services
auront désormais vocation à arrêter l’ensemble des sous
-jacents techniques de manière sincère et
partagée […]
le ministre de l’action et des comptes publics me fera rapport de vos échanges et me proposera un équilibre
d’ensemble […] dont nous discuterons collégialement […] à l’issue de cette dernière phase, j’arrêterai
définitivement les plafonds de
crédits et d’emplois
».
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
51
l’arbitrage au niveau politique se traduit parfois par des demandes supplémentaires des
ministères, les cabinets n’ayant pas toujours les mêmes priorités que les services.
Dans la configuration gouvernementale actuelle, ces réunions sont toujours tenues par
le ministre délégué chargé du budget. Cette
situation contraste avec l’implication personnelle
du ministre chargé des finances dans les arbitrages budgétaires dans de nombreux pays, par
exemple le Royaume-Uni où le chancel
ier de l’échiquier bénéfi
ci
e d’une large délégation du
Premier ministre pour élaborer le budget.
En pratique, ces réunions de ministres sont peu conclusives. Seul le budget des
ministères économiques et financiers fait l’objet d’un arbitrage interne par le
directeur de
cabinet du ministre des finances, soumis ensuite à la validation du cabinet du Premier ministre.
Elles constituent un
round
d’observation, en présence du pôle budgétaire du cabinet du Premier
minis
tre qui n’intervient pas encore à ce stade da
ns la discussion
45
.
2.2.1.3
Une remontée systématique et inflationniste à l’arbitrage du Premier ministre
ou
de son cabinet
L
e nombre de réunions d’arbitrage présidées personnellement par
le Premier ministre
dans le cadre de la préparation des PLF pour 2023 et 2024 se limitait à trois ou quatre.
Pour autant,
dans l’échantillon de quatre mini
stères examinés dans le cadre de la
présente enquête
, très peu de programmes ne remontent pas à l’arb
itrage du cabinet du Premier
ministre. Sur le périmètre du ministère de la transition écologique au sens large, dans le cadre
de la préparation du PLF 2021, seul le budget annexe
Contrôle et exploitation aériens
y a
échappé.
La plupart des réunions d’arbitrage se tiennent au
niveau des directeurs de cabinet, sous
la présidence du conseiller budgétaire du Premier ministre. Mais q
u’elles
se tiennent au niveau
du Premier ministre, de son directeur de cabinet ou de son conseiller budgétaire, la direction du
budget et les RFFIM ont toujours été invités à ces réunions dans la période récente pour éviter
tout malentendu sur l
es arbitrages rendus. C’est la
direction du budget et non le secrétariat
général du Gouvernement (SGG) qui en assure le secrétariat et prépare les annexes des lettres
plafonds traduisant les arbitrages.
Comme le passage à l’échelon ministériel, l’arbitrage par le cabinet du Premier ministre
a un caractère inflationniste. Sur onze arbitrages examinés (quatre pour les PLF 2018 et 2019,
trois pour le PLF 2021)
46
, il a permis aux ministères
d’obtenir des crédits supérieurs à la position
de compromis proposée par le ministre du budget dans sept cas. Les ministères les moins
coopératifs (
c’est
-à-dire qui présentent les écarts les plus importants avec la position de
comprom
is du ministre du budget) ne sont pas pénalisés. Dans l’échantillon examiné, la mis
sion
dont les crédits présentent la plus forte différence avec la position de compromis du ministre
du budget est aussi celle qui obtient relativement le plus de crédits supplémentaires par rapport
à cette dernière.
45
Outre le cabinet du Premier ministre, le ministre chargé du budget, le ou les ministres dépensiers concernés et
leurs cabinets, la direction du budget, le RFFIM et parfois certains RPROG assistent à la réunion.
46
Les missions exa
minées sont numérotées de 1 à 4. Les données concernant l’arbitrage des crédits de la mission
2
pour 2021 n’ont pas pu être analysées.
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
52
Graphique n° 3 :
Impact de l’arbitrage du Premier ministre (en % de la position de compromis du
ministre du budget)
Source : Cour des comptes (données : direction du budget)
Note de lecture : avant arbitrage du Premier ministre, le ministre responsable de la mission 1 réclamait
des crédits supérieurs de 12 % à la position de compromis du ministre du budget ; la lettre plafond lui accorde des
crédits supérieurs de 2 % à cette position de compromis.
Il paraît nécessaire de mettre en place des inc
itations qui permettent d’éviter ces
comportements non coopératifs. À
cet égard, un accord précoce sur la budgétisation d’un
programme constitue un indice important quant à l’absence de tension sur la program
mation
envisagée. Afin
d’encourager les accords au stade des réunions entre le mini
stre chargé du
budget et les autres ministres, une modulation de la réserve de précaution pourrait donc être
mise en place
pour les programmes qui ne seraient pas portés à l’arbitrage du Premier m
inistre
ou de son cabinet, au sein d’un intervalle fixé à l’avance p
our tous les ministères dans la lettre
de cadrage.
Recommandation n° 5.
(DB) :
Réduire le taux de mise en réserve des programmes qui
font
l’objet d’un accord entre le ministre
chargé des finances et le ministre responsable
sans arbitrage du Premier ministre.
2.2.1.4
Des lettres plafonds très détaillées et trop tardives
Les arbitrages rendus par le Premier ministre sont formalisés dans une lettre plafond,
non publique, envoyée à chaque ministre. La première partie de la lettre, qui rappelle le cadrage
général de la politique budgétaire et les priorités du Gouvernement, est commune à tous les
ministres. L’annexe est revanche spécifique à chaque mini
stère.
Pour le PLF 2021, elle comprenait des tableaux-types indiquant : le plafond des crédits
de paiement (CP) ministériels inclus dans la norme de dépenses (missions du budget général et
comptes spéciaux) et leur sous-jacent par programme en distinguant dépenses de personnel et
autres dépenses ; les taxes affectées aux opérateurs du ministère ; et
le schéma d’emploi
et le
plafond d’emplois en ETPT
du ministère (par programme) et de ses opérateurs (global). En
revanche, les dépenses fiscales n’étaient pas mentionnées.
Les lettres plafonds ne fixent pas non
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
53
plus
les autorisations d’engagement (AE) qui sont déterminées lors des conférences de
répartition. Des mentions littéraires viennent préciser les conditions
de l’arbitrage et orienter la
répartition ultérieure. Pour le programme 175 -
Patrimoines
, la lettre plafond du PLF pour 2021
précise par exemple que le plafond tient compte des besoins spécifiques liés à la restauration
des
monuments historiques (+10 M€) et au soutien de
s
musées territoriaux (+10 M€).
Ces
mentions littéraires très détaillées sont le reflet du nombre important de sujets remontés à
l’arbitrage.
L
’embolie du cabinet du Premier ministre conduit à un décalage dans le temps des
arbitrages qui reporte en août et septembre la répartition des crédits, fatiguant les équipes et
mettant en danger l
’achèvement ma
t
ériel à bonne date du PLF et de l’ensemble des documents
budgétaires annexés.
Tableau n° 5 :
Dates de communication des plafonds ministériels (PLF 2013- PLF 2024)
PLF
Dates de communication des plafonds
ministériels
2013
2/8/2012
2014
25/6/2013
2015
9/7/2014
2016
7/7/2015
2017
ND
2018
7/8/2017
2019
26/7/2018
2020
16/7/2019
2021
23/7/2020
2022
15/7/2021
2023
10/8/2022
2024
16/7/2023
Source
: budget.gouv.fr, performance.gouv.fr, et rapports d’information
parlementaires sur les DOFP
Note de lecture
: dates d’envoi des lettres plafonds jusqu’au PLF 2020
; dates de mise en ligne des tirés-à-part du
DOFP pour les PLF 2021 et 2022 ; dates de mise en ligne du rapport sur les plafonds ministériels pour les PLF
2023 et 2024.
En excluant les années électorales (2012, 2017 et 2022), le calendrier montre une
dégradation de la date de communication des plafonds ministériels à partir de 2018 (préparation
du PLF 2019). Depuis la LOMGFP de 2021, le rapport sur les plafonds de dépenses par mission
pour l’an
née à venir doit être déposé au Parlement avant le 15 juillet. En 2022, cette disposition
n’a pas été respectée
pour la préparation du PLF 2023
: les plafonds ministériels n’ont été
communiqués au Parlement que le 10 août, date particulièrement tardive, même pour une année
électorale. Pour la préparation du PLF 2024, le rapport a été effectivement déposé le 16 juillet,
mais les lettres plafonds qui détaillent le sous-jacent de la construction des plafonds ministériels
ont été envoyées plus tardivement.
Le respect de la date du 15 juillet, non seulement pour la transmission des plafonds au
Parlement mais aussi de leurs sous-jacents aux ministères est une règle de bonne administration
qui doit permettre non seulement la répartition de ces plafonds dans des conditions sereines,
mais aussi ancrer une forme de discipline gouvernementale collective prévenant la réouverture
des arbitrages en septembre et des risques sur le calendrier du dépôt du PLF au Parlement.
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
54
2.2.2
Un processus d’arbitrage fiscal autonome
La Lolf
s’
est traduite dès la loi de finances 2006 par un rattachement des dépenses
fiscales aux programmes. Malgré cela
, le processus d’instruction, d’arbitrage et d’adoption des
mesures fiscales reste largement autonome de celui des crédits budgétaires, ce qui peut
s’expliquer par la technicité de la matière et le rôle central joué par la DLF dans l’écriture et le
chiffrage des mesures fiscales, même lorsqu’elles répondent à la demande d’un autre ministère.
Ce processus se caractérise aussi aujourd’hui par
le rôle limité des plafonds et des normes
supposés garantir le respect des objectifs pluriannuels, ce qui est plus contestable, dès lors que
les mesures nouvelles en recettes font expressément partie de l’objectif à moyen terme des
finances publiques, tel qu’il es
t défini par le projet de nouvel encadrement européen.
2.2.2.1
Des conférences fiscales distinctes des conférences budgétaires
Un examen des dépenses fiscales dans le cadre des conférences de budgétisation a été
mis en place à partir de 2006 pour la préparation du PLF 2007. La LPFP 2012-2017 a ensuite
consacré un double
objectif d’encadrement quantitatif et d’évaluation des dépenses fiscales.
Ceci a conduit à créer des conférences fiscales autonomes à partir de 2014 pour la préparation
du PLF 2015.
Sauf pour les ministères qui ont peu ou pas de dépenses fiscales (affaires étrangères,
armées, justice), les conférences fiscales se tiennent chaque année dans la première quinzaine
de mai, sur la même période que les conférences de budgétisation, mais sans coordination fine
des calendriers. Il n’y a qu’une seule conférence fiscale (au lieu de trois conférences
budgétaires) et elle n’est pas suivie par un cycle spécifique de réunions bilatérales de ministres
,
même si des questions fiscales peuvent être parfois évoquées dans les réunions de ministres
portant sur l’arbitrage des crédits budgétaires.
À la conférence fiscale, sont représentés autour de la DLF, la direction du budget
(bureau des recettes et bureau sectoriel) et le ministère (RFFIM et RPROG). Le Trésor, le
service de gestion fiscale de la DGFiP et la direction générale des douanes et des droits indirects
(DGDDI)
sont présents en tant que de besoin. Les réunions s’articulent autour de trois points
:
les mesures fiscales nouvelles proposées par le ministère pour le prochain PLF ; les propositions
de suppression ou d’évaluation de dépenses fiscales
; depuis la préparation du PLF 2019, les
propositions de rationalisation de taxes à faible rendement. Le plafonnement des taxes affectées
reste discuté dans le cadre des conférences de budgétisation.
Tableau n° 6 :
Mesures examinées en conférences fiscales
Mesures
nouvelles
Taxes à
faible
rendement
Rationalisation
des dépenses
fiscales
TOTAL
Avis
défavorable
ou réservé
PLF 2019
66
38
16
120
75
PLF 2020
95
33
37
165
114
PLF 2022
91
4
26
121
89
Source : Cour des comptes (à partir des comptes rendus de la DLF)
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
55
Sur les trois années analysées, entre 120 et 165 mesures ont été examinées, en grande
majorité des mesures nouvelles réduisant les recettes. Entre les deux tiers et les trois quarts des
mesures présentées font chaque année l’objet d’un avis négatif ou rése
rvé en conférence fiscale.
Après la conférence fiscale, les mesures sont traduites en termes législatifs par les
minis
tères sous la forme de projets d’articles (accompagnés des projets d’évaluation préal
able,
d’exposé des motifs et, le cas échéant, des av
is obligatoires). Une circulaire sous double timbre
direction du budget - DLF, publiée en juin, fixe la date limite de transmission des projets
d’articles budgétaires et fiscaux
(5 juillet pour la préparation du PLF 2024).
Les arbitrages sur les mesures fiscales inscrites dans le PLF sont pris par le cabinet du
Premier ministre en juillet au cours d’une réunion
interministérielle multilatérale portant sur le
sommaire du PLF (RIM-sommaire) co-présidée par le conseiller budgétaire et le conseiller
fiscal. Ils ne sont pas rappelés dans les annexes des lettres plafonds. Toutes les mesures dont
l’instruction se poursuit après les conférences fiscales ne seront pas reprises dans le PLF. Sur
43 mesures ayant fait l’objet d’un consensus lors des conférences fis
cales de mai 2018, seules
19 se retrouvent en première partie du PLF 2019. En revanche, les mesures rejetées en
conférences fiscales qui parviennent à obtenir un arbitrage final favorable sont l’exception.
Elles n’étaient que deux dans le PLF 2019.
Tableau n° 7 :
Mesures retenues dans le PLF
Mesures
fiscales de
première
partie en PLF
Dont mesures
acceptées en
conférences
fiscales
Dont mesures
refusées ou
ajournées en
conférences fiscales
Dont mesures
non évoquées
en conférences
fiscales
PLF 2019
38
19
2
17
Dont suppression de
dépenses fiscales
9
6
3
Dont suppression de
taxes à faible rendement
15
9
1
5
Source : Cour des comptes (à partir du PLF 2019 et des comptes rendus des conférences fiscales par la DLF)
Note : Chaque article fiscal de première partie
compte pour une mesure, à l’exception des articles génériques portant sur la
suppression de dépenses fiscales inefficientes ou de taxes à faible rendement pour lesquelles chaque dépense fiscale ou taxe
supprimée compte pour une mesure
.
2.2.2.2
Une déconnexion excessive de la politique fiscale des enjeux budgétaires
Le PLF présente, en recettes, des prévisions et non des autorisations. Le PSTAB affiche
des cibles de taux de prélèvements obligatoires (PO) et une prévision de l
’effet des mesures
nouvelles en recettes à cinq ans. Les LPFP y ont souvent ajouté des mesures spécifiques,
quantitatives ou non, d’encadrement de l’incidence des mesures afférentes aux PO, des
dépenses fiscales, des taxes affectées ou des taxes à faible rendement, qui ont été dans
l’ensemble p
eu respectées. Au cours des dernières années, certains engagements pluriannuels,
décidés postérieurement à l’adoption de la LPFP 2017
-2022 (suppression de la taxe
d’habitation
, baisse des impôts de production) ont en revanche constitué des références dans la
préparation du volet fiscal des lois de finances.
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
56
Les conférences fiscales visent à instruire les mesures et à les chiffrer conjointement,
mais pas à vérifier leur compatibilité avec un cadrage financier préétabli, comme c’est le cas
pour les conférences de budgétisation. Les comptes rendus des conférences fiscales ne précisent
en général pas le chiffrage des mesures discutées, même si celui-ci est demandé par la DLF
dans les dossiers préparatoires à transmettre par les administrations. En pratique, les chiffrages
réalisés par les ministères sont souvent absents ou de faible qualité, l’expertise et les modèles
d’évaluation se trouvant le plus souvent au ministère
chargé des finances (DGFiP, DLF ou
Trésor, DGDDI pour certaines accises).
Ce faible ancrage quantitatif
de la politique fiscale pourrait être questionné à l’avenir
,
compte tenu du rôle central envisagé pour
l’évolution des dépenses nettes des mesures
nouvelles en PO dans la surveillance des finances
publiques au sein de l’U
E. Le pilotage
opérationnel de cet indicateur suppose de compléter l’attention portée à la norme de dépenses
de l’
État par un suivi effectif et permanent de
l’
incidence des mesures nouvelles en PO, présent
dans la LPFP 2023-2027, dont la DLF pourrait assumer la responsabilité. Un simple pilotage
par le solde risque en effet d’avoir des effets
procycliques, en permettant une réduction de
l’effort lorsque les recettes sont dynamiques.
Recommandation n° 6.
(DG Trésor, DB, DLF) :
S’assurer à tout moment pendant la
préparation et l’examen par le Parlement du PLF que l’évolution des dépenses sur le
périmètre de l’État, d’une part, l’incidence des mesures nouvelles en prélèvements
obligatoires, d’autre part, sont cohérentes avec les cibles pluriannuelles définies
par la
LPFP.
2.2.3
La préparation des PLFSS : un processus distinct, mais étroitement lié au
cycle budgétaire
Depuis 1996, la France fait voter par le Parlement un budget séparé pour la sécurité
sociale, la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS). Compte tenu du poids de la sécurité
sociale dans la dépense publique, de sa dynamique et des nombreuses interactions avec le
budget de l’
É
tat, une cohérence des deux processus d’arbitrage est nécessaire. Le
rapprochement de leurs calendriers prévu par la LOMGFP de 2021 va dans ce sens,
mais il n’a
pas encore été pleinement mis en
œuvre
.
2.2.3.1
Des interactions multiples, justifiant des processus concomitants et mieux
coordonnés
Les flux financiers entre l’État et les régimes obligatoires de
base de la sécurité sociale
(ROBSS) et le fonds de solidarité vieillesse (FSV) devaient atteindre ,
291 Md€
47
d’après la
47
Le champ de la LFSS est limité aux régimes obligatoires de base de la sécurité sociale (ROBSS) et aux
organismes qui concourent à leur financement (notamment, le fonds de solidarité vieillesse, FSV). Les
administrations de sécurité sociale (ASSO) comprennent en outre les retraites complémentaires et l’assurance
-
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
57
LFI 2023, dont
10 Md€ de cotisations aux ROBSS versés par l’État en tant qu’employeur
;
6
Md€ de subventions d’équilibre à des régimes spéciaux de
retraite ;
40 Md€ de prestations
sociales versées par les ROBSS pour le compte de l’État
et financées par des crédits
budgétaires ;
7 Md€ de compensations d’exonérations de charges sociales ciblées par crédits
budgétaires ; et
228 Md€ de taxes affectées aux ROBSS et au FSV, dont 118 Md€ de CSG
et
50
Md€ de TVA.
Le code de la sécurité sociale définit le principe de neutralité, pour la trésorerie des
régimes obligatoires de base, des flux financiers entre l’État et les ROBSS
et prévoit la
compensation intégrale aux régimes concernés de toutes les mesures de réduction ou
d’exonération de cotisations de sécurité sociale, pendant toute la durée de leur application
.
L’article
LO 111-3-16
dispose que seules des LFSS peuvent créer ou modifier des mesures de
réduction ou d'exonération de cotisations ou de contributions affectées à la sécurité sociale non
compensées.
Cette compensation est effectuée à l’euro dans le cadre de
la loi de finances par
l’attribution de crédits budgétaires pour les exonérations ciblées. Les exonérations générales
font pour leur part
l’objet de compensations «
pour solde de tout compte
» par l’attribution de
taxes affectées. Les montants en cause ont considérablement augmenté en 2019, compte tenu
du remplacement du
crédit d’impôt compétitivité emploi (
CICE) par des allègements de
cotisations d’assurance maladie compensés par l’affectation de TVA. En LFI 2023, 28
% des
recettes totales de TVA sont ainsi affectées aux administrations de sécurité sociale. Ces
affectations de plus en plus importantes de TVA se sédimentent toutefois avec une multitude
d’affectations de petites taxes qui rendent peu
lisible le financement de la sécurité sociale. Un
rapport
remis au Gouvernement en octobre 2018 en application de l’article 27 de la LPFP 2018
-
2022
48
recommandait que la TVA se substitue à la majorité des autres taxes affectées à la
sécurité sociale (à l’exception de la CSG et de la CRDS)
et que les baisses de PO soient
désormais supportées par l’
É
tat ou la sécurité sociale, en fonction de l’affectation de ces
derniers. Ces recommandations n’ont pas été pleinement mises en œuvre dans le contexte de la
dégradation des comptes de la sécurité sociale lié à la crise sanitaire.
La complexité persistante du système actuel et les multiples interactions entre budget
de l’
É
tat et LFSS nécessiteraient des arbitrages concomitants et conjoints, ce qui n’est pas
encore le cas.
2.2.3.2
Des acteurs et des méthodes en partie différents, un calendrier en cours de
rapprochement
Selon l’article 34 de la Constitution, le PLFSS détermine les conditions générales de
l’équilibre financier de la sécurité sociale sous la forme de prévisions de recettes et d’objectifs
de dépenses. Moins interminis
tériel, centré (comme en matière fiscale) sur l’arbitrage de
mesures et non de crédits, le processus de préparation du PLFSS est aussi plus ramassé dans le
temps. Jusqu’à une date récente, il était aussi plus tardif que
celui du PLF.
La DSS est responsable de la préparation des PLFSS. Elle coordonne les travaux des
autres services de l’
État concernés (autres directions des ministères sociaux, direction du
chômage. La protection sociale y ajoute l’aide sociale de l’
État, des collectivités territoriales et des institutions
sans but lucratif, les mutuelles et régimes directs d’employeurs.
48
C. Charpy, J. Dubertret,
L
e
s relations financières entre l’
État et la sécurité sociale
, 2018
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
58
budget, Trésor et DGFiP principalement
; ministères de l’agriculture et de l’outre
-mer pour les
régimes qui relèvent de leur champ) et des caisses de sécurité sociale. Contrairement au
processus budgétaire, la préparation du PLFSS ne fait pas l’objet de circulaires publiques.
Les
arbitrages impliquent beaucoup moins d’acteurs que ceux du PLF. Dans la config
uration
actuelle, ils relèvent du pôle social du cabinet du Premier ministre, à charge pour lui d’assurer
le lien avec le pôle économique et le pôle budgétaire.
Les prévisions de recettes (cotisations et taxes affectées) sont assez étroitement intégrées
avec celles du PLF. La DSS établit le niveau attendu des cotisations sociales et de la CSG en
utilisant le scénario macroéconomique du Trésor, la prévision des autres impôts affectés à la
sécurité sociale (notamment la TVA) faisant l
’objet d’un échange entre
le Trésor, qui prévoit
grâce à ses modèles leur évolution spontanée à législation inchangée, la DLF qui chiffre les
mesures nouvelles, la DGFiP et la DGDDI qui alimentent les deux précédentes en données et
complètent les prévisions par certains éléments exogènes (notamment les résultats des
contrôles). La répartition de ces recettes fiscales entre le budget de l’
État et la sécurité sociale
fait l’objet d’arbitrages tardifs, liés aux décisions prises sur les exonérations de charges sociales
et leurs modalités de compensation.
Contrairement aux crédits pour la plupart limitatifs du PLF, les objectifs de dépenses du
PLFSS sont exprimés en comptabilité générale et
n’ont pas de caractère contraignant. Ils sont
néanmoins construits comme les crédits budgétaires
à partir d’une prévision de l’évolution
spontanée des dépenses, à laquelle sont ajoutées les mesures nouvelles ou les économies
arbitrées.
Jusqu’à 2022, l
es travaux de préparation du PLFSS en dépenses ne débutaient
véritablement qu’
au printemps N-1. Un premier
calcul de l’évolution tendancielle des dépenses
était réalisé en mai. Celui-ci faisai
t l’objet d’actualisations à mesure que
des informations
supplémentaires deviennent disponibles, notamment les résultats définitifs N-2, qui devaient
être publiés par la commission des comptes de la sécurité sociale avant le 1
er
juillet. En parallèle,
la DSS collectait et instruisait les propositions de mesures effectuées par ses propres sous-
directions métiers, les autres directions des ministères sociaux, les caisses, les ministères
économiques et financiers et, plus ponctuellement certains autres ministères. Les arbitrages sur
les mesures, préparés par le pôle social du cabinet du Premier ministre, pouvaient se poursuivre
jusqu’en septembre. Le tendanciel et les mesu
res arbitrées étaient publiés dans un second
rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale en septembre. Bien que faisant
l’objet d’une communication rapprochée (sous la forme de deux conférences de presse, à un
jour d’intervalle), le PLFSS continuait d’être formellement présenté à
un conseil des ministres
différent de celui du PLF et déposé avec une ou deux semain
es d’écart
, une fois intervenus les
avis des conseils d’administration des caisses nationales
.
La loi organique du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale
a aligné le calendrier de dépôt à l
’Assemblée nationale
du PLFSS sur celui du PLF (premier
mardi d’oct
obre) et anticipé la clôture et la certification des comptes, qui doivent désormais
faire l’objet d’un projet de loi d’approbation déposé avant le 1
er
juin. La commission des
comptes de la sécurité sociale a anticipé son premier rapport au mois de mai 2023, et les travaux
techniques de construction du tendanciel du PLFSS ont été avancés. En revanche, les nouvelles
dispositions n’impliquent pas en
elles-mêmes une simultanéité des arbitrages des mesures
nouvelles et des économies pour le PLF et le PLFSS : le nouvel article
48
de la Lolf qui impose
la transmission des plafonds de
crédits des missions du budget de l’
État au 15 juillet ne prévoit
pour les autres sous-secteurs des administrations publiques que la transmission de «
l’état de la
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
59
prévision de l’objectif d’évolution de la dépense
». Cette disposition a été interprétée
a minima
et le document transmis au Parlement le 16 juillet 2023, se contentait, pour les ASSO, de
reprendre les objectifs du PSTAB.
L’arbitrage décalé du PLFSS ne permet
donc pas encore de
garantir à cette date sa totale cohérence avec le PLF et la documentation des mesures
d’économies
associées aux objectifs pluriannuels.
Une véritable mise en cohérence de la préparation du PLF et du PLFSS, permettant
d’assurer leur alignement avec les objectifs du
PSTAB, supposerait un arbitrage des objectifs
de dépenses du second au 15 juillet, comme pour les plafonds de dépenses du premier. Le
regroupement de
la fonction d’arbitrage
des textes financiers au sein du cabinet du Premier
ministre réduirait les délais de coordination et faciliterait l’émergence de cette vision consolidée
de la politique budgétaire.
2.3
La répartition de
s crédits et l’élaboration matérielle du projet de loi de
finances : des travaux à alléger
La répartition des crédits clôt la phase gouvernementale de préparation du budget. Les
ajustements des plafonds ministériels de dépenses restent exceptionnels au cours de cette étape.
Elle permet l’établissement de la justification au premier euro
(JPE)
et l’achèvement des PAP
et autres annexes du PLF. Ces documents, très nombreux, pourraient être allégés, voire
supprimés pour les moins utilisés d’entre eux
.
Le calage définitif des hypothèses macroéconomiques fin août ou début septembre et
d’ultimes
ajustements et arbitrages finaux en septembre permettent de stabiliser les prévisions
de recettes et de
solde budgétaire. Ces hypothèses, traduites dans l’article liminaire du
PLF,
sont communes au PLF et au PLFSS. Elles sont reprises dans le rapport économique, social,
financier et environnemental (RESFE) établi par le Trésor et transmis à la Commission
européenne pour laquelle elles constituent le plan budgétaire national, prévu par le pacte de
stabilité et sur la base duquel elle exerce la surveillance européenne des finances publiques.
S’agissant du PLF et du PLFSS, l
e HCFP, saisi mi-septembre, se prononce sur le respect
de la LPFP en vigueur (lorsqu’il y a en a une)
et, depuis la loi organique de 2021, sur le réalisme
des prévisions de recettes et de dépenses.
Le Conseil d’État rend
ensuite son avis avant la
présentation des projets de loi en Conseil des ministres. Celle-ci donne lieu à une
communication peu coordonnée du ministre des finances et des autres ministres dépensiers.
2.3.1
Des plafonds en général respectés
jusqu’au dépôt du PLF au Parlement
Les plafonds définis lors de la phase de budgétisation sont globalement respectés
jusqu’au dépôt du PLF. Initiées par l’envoi des
lettres plafonds par le Premier ministre en
principe en juillet, les conférences de répartition
ont vocation à mettre en œuvre les arbitrages
actés à l’issue de la phase de négociation d
es crédits et des emplois. Dans ces conférences, la
direction du budget ventile avec les ministères les crédits de paiements (CP) par « brique », et
fixe le montant des
autorisations d’engagement (
AE) correspondantes.
Le plafond d’emplois
des opérateurs du ministère, qui est en général arbitré globalement dans les lettres plafonds, fait
également l’objet d’une déclinaison par opérateur au cours des conférences de répartition.
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
60
Pour les dépenses de personnel, la conférence de répartition ne rentre pas dans le détail
des enveloppes catégorielles. Celles-
ci faisaient par le passé l’objet d’une instruction au fil de
l’eau en gestion par le guichet unique DB
-DGAFP, mais l
’engorgement de ce
dernier a conduit
à la mise en place de « conférences catégorielles » avec les principaux ministères employeurs.
Ces conférences ont lieu en octobre après le dépôt du PLF mais avant le début de la gestion.
Les mesures qui ont reçu un avis favorable lors de la conférence caté
gorielle font l’objet d’une
instruction prioritaire et accélérée par le guichet unique.
Les plafonds sont en revanche de plus en plus fréquemment remis en cause au stade de
l’examen
parlementaire,
le plus souvent à l’initiative du Gouvernement lui
-
même. L’écart entre
les c
rédits du budget général inscrits en LFI et en PLF qui s’élevait en moyenne à 1,2 Md€ entre
2012 et 2020 a dépassé 6
Md€ en 2021 et 2022 pour culminer à 13,5 Md€ en 2023.
Il est
redescendu à 0,7 Md€ en 2024.
Graphique n° 4 :
Dépenses nettes du budget général
–
écart entre la LFI et le PLF
Sources : Légifrance et budget.gouv.fr
Note de lecture
: CP du budget général hors remboursements et dégrèvements d’impôts et hors fonds de concours
et attributions de produits
Ces modifications du montant total des dépenses pendant l’e
xamen au Parlement
correspondent, au moins pour le PLF 2021 et le PLF 2023 à la mise en place de mesures de
gestion de crise (crise sanitaire pour le PLF 2021, inflation pour le PLF 2023). Elles coïncident
aussi à une facilité permise par la suspension du Pacte de stabilité. Au cours de la période
précédente, le Pacte imposait la transmission du « plan budgétaire national
» (c’est
-à-dire le
PLF en droit français), mais aussi de toute actualisation substantielle pendant le débat
parlementaire à la Commission. Le relâchement du cadre européen a conduit à un
affaiblissement de la maîtrise des dépenses pendant la phase parlementaire.
L
es amendements sont présentés au Parlement sans étude d’impact ou évaluation
préalable. Dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques 2023, la
Cour des comptes
estimait qu’il
«
pourrait opportunément relever de l’autodiscipline que le
Gouvernement produise un chiffrage étayé de toute mesure proposée par amendement, au
moins pour les dispositifs dépassant un certain seuil »
.
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
61
2.3.2
Les documents annexés au projet de loi de finances : un foisonnement
d’informations peu exploité
, une pluriannualité à renforcer
2.3.2.1
Des annexes bleues utiles, une réduction souhaitable du nombre de « jaunes » et
«
d’oranges
»
Parmi les annexes au PLF, les deux tomes des
Voies et moyens
, en dépenses et en
recettes, sont les plus consultés en ligne (plus de 2 000 téléchargements). Suivent les deux
rapports sur les finances publiques locales et
sur l’impact environnemental du budget de l’
État,
respectivement créés pour les PLF 2023 et 2021 pour regrouper tous les rapports sur ces sujets.
Les PAP détaillent les crédits des programmes par action et précisent les objectifs et les
indicateurs de performance qui leur sont associés. Ils sont indispensables à la compréhension
du budget général, des comptes spéciaux et des budgets annexes, le PLF lui-même, dans ses
articles, ne comprenant les dotations qu’à la maille à laquelle s’applique le principe de spécialité
(par programme, en distinguant crédits de personnel et autres crédits). Toutes les annexes au
PLF doivent être déposées avant le début de l’examen en séance publique
à
l’Assemblée
nationale. Ce calendrier ne permet pas de limiter les doublons entre les informations contenues
dans les PAP et les réponses aux questionnaires budgétaires envoyés par les rapporteurs
spéciaux de la commission des finances aux administrations avant le 10 juillet et qui doivent
être produites aux assemblées pour le 10 octobre (art.
49
de la Lolf).
Les documents budgétaires comprennent également les annexes « jaunes » (26 pour le
PLF 2024) dont
l’objectif est de présenter
au Parlement des informations selon un format qui
s’écarte de la nomenclature par programmes, et les documents de politique transversale (DPT
ou « oranges », au nombre de 13 pour le PLF 2024) qui présentent une consolidation des crédits,
des objectifs et des indicateurs des différents programmes concourant à une politique
interministérielle.
Le réexamen de ces documents reste rare. Quatre DPT ont été supprimés pour le
PLF 2023 (jeunesse, inclusion sociale, justice des mineurs et sécurité civile). Dès lors que
plusieurs politiques transversales font
déjà l’objet d’une étude
à travers les PAP des missions
du budget général ou des CAS
49
,
certains DPT
mériteraient d’être mieux articulés ou fusionnés
avec les bleus correspondants.
D’autres
DPT portent sur des politiques financées par une même
mission budgétaire, avec de ce fait une valeur ajoutée limitée par rapport au PAP : les DPT
« Ville » et « Aménagement du territoire » renvoient ainsi à titre principal aux deux
programmes éponymes de la mission
Cohésion des territoires
. Un certain nombre de documents
annexes, en particulier ceux qui n’
interprètent pas les tableaux de données, se prêtent davantage
à une communication en datavision, pour accéder plus rapidement aux données recherchées,
dans un format adapté aux téléchargements.
49
« Outre-mer », «
Politique française de l’immigration et de l’intégration
», « Politique française en faveur du
développement », «
Politique immobilière de l’
État ».
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
62
Tableau n° 8 :
Annexes jaunes et oranges du PLF 2023 les moins consultées
Intitulé
Téléchargements
Oranges
Défense et sécurité nationale
380
Prévention de la délinquance et de la radicalisation
320
Politique de lutte contre les drogues et les conduites addictives
287
Politique française de l'immigration et de l'intégration
285
Ville
274
Sécurité routière
166
Politique maritime de la France
144
Jaunes
Effort financier public dans le domaine du sport
306
Effort financier de l'État dans le domaine de la culture et de la
communication
280
Mise en
œuvre
et au suivi de la réforme des réseaux de l'État et des
opérateurs à l'étranger
258
Utilisation des recettes issues du CAS
Contrôle de la circulation et
du stationnement routiers
237
Source : Cour des comptes
La nécessité de maintenir certaines annexes orange et jaune pourrait donc être réévaluée
en fonction de leur valeur ajoutée par rapport aux bleus (dans l’ensemble, faible pour les DPT)
et leur utilisation sur les trois dernières années au vu du nombre de téléchargements ou de
consultations en ligne. Plus de la moitié de ces jaunes et oranges ne dépassent pas les
600 téléchargements (un tiers des oranges en comptent moins de 300).
Recommandation n° 7.
(DB) : Proposer au Parlement la suppression des documents
jaunes et oranges annexés au PLF
présentant les plus faibles statistiques d’utilisation
au
cours des trois dernières années.
2.3.2.2
Des informations pluriannuelles à enrichir
Certains enrichissements de la documentation issus de la LOMGFP de 2021 visant à
renforcer la projection
à moyen et long terme des finances publiques méritent d’être confortés.
Les PAP sont complétés par une trajectoire de crédits et de performance à moyen terme.
La cohérence des trajectoires présentées programme par programme avec les plafonds par
mission du PLPFP 2023-
2027 n’était cependant pas pleinement assurée en PLF 2023. En outre,
l’absence d’une justification pluriannuelle des crédits rendait l’analyse de ces éléments difficile
au-delà de la première année.
Une analyse de la soutenabilité de la dette publique figure par ailleurs dans le rapport
annexé à la LPFP, dans le PSTAB et dans le rapport annuel sur la dette des administrations
publiques, prévu désormais à l’article
48
de la Lolf. Cette analyse est succincte et fondée sur le
seul indicateur « S2 »
, défini au niveau de l’Union européenne, qui mesure l’ajustement du
solde primaire structurel nécessaire pour stabiliser la dette publique dans le long terme.
Une stabilisation de la dette publique au niveau très élevé actuel (3
088 Md€, soit
111,7 % du PIB au troisième trimestre 2023) ne paraît cependant pas suffisante pour prémunir
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
63
la France du
risque d’une augmentation des coûts de refinancement de celle
-ci liée à une
dégradation de sa notation financière.
Il serait utile
de compléter l’analyse de soutenabilité aujourd’hui incluse dans le rapport
annuel sur la dette des administrations publiques par des études plus précises et par des
scénarios plus directement en prise avec les paliers du cadre européen
50
, afin que les autorités
politiques disposent de toute l’information nécessaire pour calibrer le rythme de la réduction de
la dette publique vers des niveaux
qui permettent à la France de restaurer ses marges de
manœuvre
financières.
Recommandation n° 8.
(DG Trésor)
: Renforcer l’analyse de soutenabilité de la dette
dans le rapport annuel sur la dette des administrations publiques.
2.3.3
Une communication budgétaire axée sur les moyens des politiques et non sur
leurs résultats
L
’
adoption du PLF par le Conseil des minis
tres s’accompagne d’une communication
gouvernementale peu coordonnée, voire contradictoire et peu pédagogique sur la situation des
finances publiques françaises.
Le ministre chargé des finances et le ministre délégué chargé du budget présentent le
PLF au cours d’une conférence de presse conjointe
, le plus souvent le jour même du conseil
des ministres. Dans les jours qui suivent, de nombreux ministres communiquent sur les moyens
dont vont bénéficier les politiques publiques dont ils sont chargés, avec une ligne directrice
quasi-
immuable selon laquelle leur budget est d’autant plus satisfaisant qu’il est en hausse
. Ces
supports de communication ne sont pas homogènes entre eux et avec celui du ministère chargé
des finances (dont le dossier de presse inclut pourtant une fiche pour chaque mission
budgétaire). Le contenu des dossiers ministériels
ne fait pas l’objet d’une validation centrale
que ce soit par les conseillers en communication du Premier ministre ou du ministre chargé des
finances
, au risque de contradictions et d’une faible lisibilité d’ensemble de la politique
budgétaire de l’année à venir au regard des grands objectifs de finances publiques
.
Pour le PLF 2023, le dossier de presse du ministère chargé des finances comprenait en
tout une centaine de pages : un éditorial des ministres (2 pages) ; une présentation du scénario
macroéconomique et de la trajectoire budgétaire (8 pages) ; des monographies thématiques sur
les priorités de l’action gouvernementale (
environ 20 pages) ; des chiffres-clés (7 pages) ; des
fiches par mission budgétaire (environ 60 pages).
Si l’ensemble est informatif et peu
t
s’adapter
à des publics variés, de la presse générale à la presse spécialisée, il convient de noter que, même
dans le dossier du ministère chargé des finances,
l’objectif de la trajectoire de fi
nances
publiques (retour à un déficit de 3 % en 2027) est affiché sans que les choix effectués pour
l’atteindre
soient explicités et le
s risques liés au maintien d’une dette et d’un déficit élevés
expliqués. L
a notion de priorité gouvernementale est liée assez étroitement à celle d’une
50
Le cadre européen des finances publiques implique que le ratio de dette publique diminue d’au moins un point
par an, si la dette est supérieure à 90
% du PIB, selon l’accord de principe du Conseil sur la réf
orme de la
gouvernance économique européenne.
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
64
augmentation des moyens et les indicateurs de performance sont complètement absents, même
au sein des fiches mission.
Schéma n° 2 :
Extraits de dossiers de presse ministériels du PLF 2023
Sources : ministères des Armées et de la Culture
Cette communication peu coordonnée, voire contradictoire, ne peut que rendre plus
difficile l’acceptation par la population d’un effort général de maîtrise des dépenses, tel qu’il
est pourtant prévu par la LPFP 2023-2027. Au Royaume-Uni, en contre-exemple, le
désendettement est affiché comme l’une des cinq prior
ités du Gouvernement en exercice dans
ses principaux supports de communication.
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
65
3
LE SUIVI
DE L’EX
ÉCUTION
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : UN
PROCESSUS ROBUSTE EN COURS DE SIMPLIFICATION
Bien qu’
ils soient moins sensibles aux arbitrages politiques que les étapes successives
de l’élaboration du PLF, les procédures d’exécution du budget de l’
État et leurs points de
contrôle n’en demeurent pas moins
critiques pour garantir
l’atteinte des
objectifs de la politique
budgétaire.
Schéma n° 3 :
La phase du suivi de l’exécuti
on budgétaire
Source : Cour des comptes
Robustes, les procédures de mise en place et de modification des crédits ont été
récemment simplifiées pour plus de rapidité et d’efficience. La direction du budget compense
une insuffisante prise en compte des risques en amont de
l’exécution par de fortes capacités de
pilotage des crédits et des dépenses que l’allègement de certains contrôles n’a pas entamé
es.
Janv N
•
Date limite d'avis du CBCM sur le DPG (le 16 mars)
•
Première prévision d'exécution
15 février N
•
Date limite de visa des CBCM sur les DRICE préparés depuis décembre N-1
•
Campagne de reports (fin janvier)
1er mars N
•
Transmission au CBCM pour visa (ou pour avis) du DPGECP (si rénové)
•
Transmission au CBCM pour avis du DPG du RPROG validée par le RFFIM et du DPU
15 mars N
•
Date limite de visa (ou avis) du CBCM sur le DPGECP (si rénové)
•
Date limite d'avis du CBCM sur le DPG du RPROG et le DPU
•
Transmission du DPG des BOP pour avis du CBCM et des CBR
15 mai N
•
Actualisation de la programmation (avant le 15 mai)
•
Production du premier compte rendu de gestion ou CRG 1
Juin N
•
Deuxième prévision d'exécution
•
Campagne des décrets de virement et de transferts de gestion (avant le 30 juin)
Sept-oct. N
•
Production du second compte rendu de gestion ou CRG 2 (pour le 15 septembre)
•
Troisième prévision d'exécution
•
Conférences de fin de gestion
Nov. N
•
Dépôt du PLFR de fin de gestion (début novembre)
•
Seconde campagne des décrets de virements et de transferts de gestion (avant le 20 novembre)
Début déc.
N
•
Adoption de la LFR de fin de gestion (collectif budgétaire)
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
66
3.1
Une programmation et une gestion des crédits simplifiées
Le suivi et le pilotage de l’exécution
des dépenses réalisé par la direction du budget et
les CBCM suppose de veiller par des analyses périodiques à la régularité de la gestion, à la
soutenabilité des dépenses publiques
et à la conformité de l’exécution au regard des
autorisations des lois de finances et au respect de l
a norme de dépenses de l’État.
Les
simplifications réalisées depuis 2018 dans la mise en place des crédits et leur gestion infra-
annuelle ont préservé cette capacité de contrôle tout en fluidifiant la chaîne de la dépense. La
charge administrative qui pesait sur un contrôle externe
a priori
est désormais en grande partie
reportée sur le renforcement du contrôle interne financier pour les ministères dépensiers et des
analyses
a posteriori
pour les contrôleurs budgétaires.
3.1.1
Un bilan positif pour les expérimentations de simplification de la
programmation initiale
Les différentes étapes dans la mise en place et le suivi des crédits instaurées à la suite
de la Lolf ont été regroupées dans certains ministères
dans le cadre de l’expérimentation du
document de programmation unique (DPU). Son bilan positif conduit à recommander sa
généralisation.
3.1.1.1
Une procédure
de suivi de l’exécution budgétaire très
normée et cadencée
Pour chaque programme budgétaire, le CBCM, vise deux documents de suivi de
l’exécution des
crédits budgétaires établis par le RFFIM en liaison avec les RPROG.
Le document de répartition initiale des crédits et des emplois ou DRICE (art.
67
du
décret GBCP), transmis au CBCM par chaque ministère à compter du 1
er
décembre N-1, détaille
les prévisions de ressources budgétaires de l’année à venir
, fixe la répartition des crédits
proposés par le PLF puis ouverts en LFI par programmes et par budgets opérationnels de
programme (BOP) et le montant prévisionnel de la réserve, des reports, fonds de concours,
attributions de produits et autres mouvements. Il répartit aussi, le cas échéant, le plafond
d'emplois entre les programmes. Le visa du DRICE, réalisé par le CBCM au plus tard
le 10 janvier
de l’année
de l’exécution
, autorise le gestionnaire à consommer 25 % des crédits
dans l’attente de l’avis du contrôleur sur les DPG
. Il porte sur la cohérence de la répartition
entre BOP des crédits ouverts en LFI nets de la réserve et sur le montant prévisionnel des crédits
dont l'ouverture est attendue dans l'année.
Le CBCM émet ensuite un avis sur la programmation budgétaire initiale, présentée dans
un document de programmation (DPG) établi par le RPROG et validé par le RFFIM au plus
tard le 15 février, avant la mise en place des crédits restants. Cet avis est transmis au plus tard
le 1
er
mars.
Le document prévisionnel de gestion des emplois et des crédits de personnel ou
DPGECP
(art.
68
du GBCP), enfin, décrit les évolutions de la masse salariale pour chaque
programme dans ses déterminants : les prévisions mensuelles de départs et de recrutements
rémunérés, les prévisions de consommation mensuelle du plafond d'emplois, les prévisions de
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
67
dépenses de personnel, incluant une évaluation de l'incidence des mesures statutaires et
indemnitaires prévues en faveur des agents). Il sert à vérifier que les décisions en matière de
ressources humaines sont prises dans le respect de l’autorisation parlementaire. En cours
d’année,
son actualisation périodique en fait le principal outil de pilotage et de suivi budgétaire
en matière de personnels et de masse salariale. Le DPGECP est transmis pour visa au CBCM
au plus tard le 15 février, sauf dérogation
qu’il
accorde.
Si des risques d’insoutenabilité
budgétaire se réalisent en cours de gestion
51
, le CBCM peut demander
l’
actualisation de ce
document et une présentation des mesures correctrices envisagées.
Les comptes rendus de gestion (CRG) par programme et BOP sont élaborés sur la base
des données arrêtées au 30 avril et au 31 août par les RPROG et RBOP qui les présentent au
CBCM ou au CBR concerné. Depuis 2019, le CBCM peut suspendre le premier
CRG s’il n'a
pas émis un avis défavorable sur certains
programmes ou s’il l'a expressément mentionné dans
l'avis rendu sur le DPG. Ces actualisations du DPG permettent à la direction du budget
d’anticiper les aléas et imprévus pouvant entrainer un écart avec la prévision initiale
et, le cas
échéant,
de prévoir en fin d’année des mesures de redressement à mettre en œuvre pour
s’assurer du respect de
la LFI et de la cohérence avec les objectifs de trajectoire budgétaire
nationaux (LPFP) et européens (PSTAB).
En théorie, le CBCM peut émettre des visas et avis favorables, défavorables ou avec
réserve. Le refus de visa du DRICE et du DPGECP ou
l’
avis négatif du CBCM sur un DPG
sont cependant rares. Depuis 2018, les avis défavorables sur les DPG doivent en théorie
conduire à des blocages de crédits. À
titre d’illustration,
en 2022, le CBCM du ministère de
l’
intérieur a partiellement suspendu ses visas et avis sur les dépenses hors masse salariale (HT2)
du programme 161
–
Sécurité civile
en raison de la mauvaise gestion des moyens aériens. Une
communication du Procureur général près la Cour des comptes invitait le ministère à lui
indiquer les mesures correctrices envisagées
52
. La pratique est parfois plus souple : une
actualisation de la programmation ou des mesures d’ajustement peuvent être demandées en
cours d’année
. Un avis défavorable a par exemple été émis en février 2022 au regard de la sous-
budgétisation de France Compétences (programme 103 de la mission
Travail et emploi
), qui
avait été «
fragilisé par une mauvaise approche initiale de son modèle financier et par la
croissance très importante de l’apprentissage
»
53
. Pour autant, cet avis défavorable
n’a pas eu
de conséquences en gestion
: le CBCM n’a
pas bloqué les crédits, mais a étendu son visa à tous
les
actes d’engagement du programme dépassant 1
M€. En effet, l’incertitude sur la solvabilité
de France C
ompétences étant majeure, il n’a pas été envisagé de bloquer ou même
de procéder
par redéploiement de crédits au sein du programme, les crédits manquants ayant été ouverts en
fin de gestion.
Ce type d’approche suggère que sens de l’avis
importe moins que la gestion
effective
des risques qu’il
désigne.
51
Une prévision d'exécution des crédits de personnel est transmise chaque mois à compter d'octobre sur la base
des paies et, pour décembre, de la prévision de la liquidation de la paie de ce mois.
52
Cour des comptes,
La flotte aérienne de la sécurité civile
, référé, juillet 2022.
53
Cour des comptes,
Analyse de l’exécution budgétaire 2022, Mission Travail et emploi
, avril 2023.
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
68
3.1.1.2
Une expérimentation du DPU réussie qui pourrait être généralisée et étendue
Dans le but de simplifier les avis et visas des CBCM, le regroupement du DRICE et du
DPG a été expérimenté à compter de 2020 sur le fondement de
l’
arrêté du 17 décembre 2019
pour certains programmes relevant des ministères de la justice, de l'économie et des finances,
de l'intérieur et des armées, et étendu à compter de 2021 au ministère chargé des outre-mer, aux
juridictions financières et à la direction de l’information légale et administrative
puis en 2022
à certains programmes du ministère de la transition écologique. Le bilan de ces
expérimentations est attendu au cours du 1
er
semestre 2024, mais
la mise en œuvre du DPU est
déjà en cours de préparation au ministère chargé de la culture, tandis que les ministères chargés
de l’
a
griculture, de l’
éducation nationale, de la jeunesse, des s
ports, de l’
enseignement supérieur
et de la recherche ont également marqué leur intérêt pour le dispositif.
Le document de programmation unique (DPU) présente, pour chacun de ses
programmes, le montant prévisionnel des crédits hors dépenses de personnel sur deux ans, la
répartition de ces crédits entre les BOP et une programmation mettant en adéquation l'activité
prévisionnelle des services avec les crédits notifiés et attendus. Au titre de la seconde année, la
programmation intègre à la fois l'impact des décisions et projets nouveaux et celui des dépenses
engagées au cours des années précédentes, ainsi qu'une évaluation des dépenses récurrentes.
En cas d’avis favorable
sur le DPU, le CBCM peut suspendre le contrôle budgétaire
a
priori
sur tout ou partie des actes dont la liste est établie et annexée aux documents de
programmation (essentiellement les décisions d'engagements et les décisions d'affectation de
crédits à une
opération d’investissement) ou procéder à des allègements complémentaires des
avis.
En cas d’avis défavorable,
à l’inverse,
certains contrôles sont ponctuellement renforcés et
des échanges d’informations réguliers sont
institués sur les risques identifiés.
L’expérimentation d
u DPU a été bien accueillie, car elle offre plusieurs avantages. Elle
permet d’ouvrir
dès le début de la gestion
jusqu’à
90 % des crédits hors personnel, après accord
du CBCM et en fonction des caractéristiques du programme concerné,
sans attendre l’avis sur
les DPG, et harmonise les pratiques des CBCM. Bien que le passage au
DPU n’ait pas vocation
à dégager une analyse d’ensemble des capacités d’auto
-assurance entre les programmes, elle
renforce le RFFIM au stade de l’exécution
. Enfin, elle réduit la charge de travail des équipes et
facilite la la répartition de la mise en réserve fin décembre.
La mise en place du DPU nécessite cependant de nombreux travaux préparatoires
,
notamment pour fixer la liste des documents visés et réorganiser les dates de transmission des
différentes informations.
Ainsi, le ministère chargé de la santé estime qu’il doit s’accompagner
d’un délai de prévenance.
Au ministère chargé de la culture, la révision du calendrier de
programmation suppose de revoir celui des directions régionales des affaires culturelles et des
opérateurs dont il assure la tutelle. Les ministères sociaux vont travailler avec leur CBCM à la
mise en place de ce document unique pour 2025 sur un périmètre restant à définir.
Si le DPU comporte
aussi les perspectives d’évolution des dépenses de personnel,
accompagnées
d’une note de synthèse, il ne remplace pas le DPGECP
, dont le visa est toutefois
allégé. S
’il porte toujours, pour la
première année, sur le respect du plafond des crédits de
personnel disponibles après mise en réserve et sur le plafond d'emplois exprimé en ETPT, il
porte en priorité pour la seconde année sur la qualité de la programmation établie au regard des
informations disponibles et sur la soutenabilité budgétaire. Il ne vise plus la compatibilité des
prévisions de recrutement avec la variation des effectifs exprimés en ETP présentée dans les
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
69
PAP, le cas échéant corrigée des amendements parlementaires du PLF, alors que ce visa était
préalable à celui des autorisations et actes de recrutement.
La question de la fusion du DPU et du DGPECP
mérite d’
être posée.
En l’état, l’avis
sur le DPU peut être repoussé à la date limite de production du DPGECP, le 15 février, mais
risque alors de trop retarder la mise à disposition des crédits. La note jointe au DPU doit
néanmoins présenter
en amont de l’élaboration du DGPECP la méthode d'évaluation des
principales composantes de la masse salariale à partir de ses déterminants, les risques éventuels
d'insoutenabilité des dépenses de personnel, de non-respect du plafond d'emplois ou du schéma
d'emplois et le cas échéant, les mesures correctrices envisagées. Elle anticipe donc une partie
de la production du DPGECP.
Un ajustement du contenu des deux documents permettrai
t d’en opérer la fusion au
profit d’un document
consolidé, sous réserve que celui-ci puisse être finalisé et visé à une date
compatible avec la mise à disposition des crédits en début d’exercice, et qu’il réalise une
véritable analyse de l’exécution des em
plois et de la masse salariale dans ces délais.
Recommandation n° 9.
(DB) : Généraliser le document de programmation unique en
remplacement du document de répartition initiale des crédits et des emplois et du
document de programmation et étudier la possibilité de fusionner le document de
programmation unique et le document de programmation et de gestion des emplois et
crédits de personnel.
3.1.2
Une rationalisation bienvenue des modifications de crédits
Dans le but de gagner en efficience, l
’
utilisation des nombreux outils de modification
infra-annuelle des crédits a été rationnalisée au cours des années récentes, en anticipant les
reports de crédits, en regroupant les décrets de virements et de transferts, en réduisant le nombre
de décrets d’
avance, en avançant la dernière LFR et en repoussant la date de fin de gestion.
3.1.2.1
Des reports de crédits anticipés en début de gestion
Depuis la LOMGFP, les crédits de paiement
de l’exécution N peuvent être reportés
jusqu’au 15 mars N+1.
Concernant les AE, les reports sont strictement délimités (AE déjà
affectées ou en provenance de fonds de concours, sauf dérogation). Pour faciliter la mise en
place de la gestion en cours et la clôture de la gestion précédente (c
ompte tenu de l’avancement
du dépôt de la loi de règlement), la publication des arrêtés de reports a été en pratique avancée
au début du mois de février par circulaire, contre fin mars auparavant.
Cette accélération de la procédure ne doit cependant pas se faire au détriment de
l’examen de la justi
fic
ation des reports et d’un contrôle de leur montant global.
Les crédits
ouverts par la LFR de fin de gestion ont ainsi
fait l’objet de reports massifs en 2021, 2022 et
2023 (26 Md
€
en moyenne sur les trois années), conduisant la Cour, dans son rapport sur le
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
70
budget de l’
État en 2022, à recommander de limiter strictement les reports de crédits sur
l’exercice suivant
54
.
3.1.2.2
Des virements et transferts regroupés en deux campagnes par an
La pratique des décrets de transfert et de virement est limitée depuis 2020 à deux
campagnes par an, pour éviter les sollicitations continues (jusqu’à plus de 60 décrets
étaient
publiés tout au long de l’année). Ces deux campagnes interviennent à des momen
ts clés de la
gestion, avant le 30 juin et avant le 20 novembre, par une procédure simplifiée et mieux outillée,
qui facilite les échanges avec les ministères. Selon la circulaire relative au lancement de la
gestion 2023
55
, seuls les cas d’urgence avérée
aboutissant à un risque de trésorerie ne pouvant
être couvert par l’auto
-assurance, les décrets permettant de sécuriser la paie de décembre et les
décrets de transfert relevant de sujets à caractère secret continuent à faire l’objet d’un traitement
particulier.
3.1.2.3
Un usage moins important
des décrets d’avance
entre 2018 et 2020
Jusqu’en 2017, l’usage voulait qu’un décret d’avance soit pris en novembre ou début
décembre pour procéder aux ouvertures de crédits qui ne pouvaient pas attendre
l’adoption de
la LFR d
e fin d’année promulguée fin décembre. Ces décrets couvraient notamment les
ouvertures de crédits de personnel nécessaires pour assurer la paie de décembre et les opérations
extérieures du ministère des armées
, lorsque les autorisations initiales s’étaient
révélées
insuffisantes.
Le montant croissant des décrets d’avance de fin de gestion et le recours important à
cette procédure en dehors de la fin de l’année avaient conduit la
Cour à critiquer la sincérité des
LFI pour 2015 et 2016. Le rebasage de certaines dépenses en LFI (« sincérisation ») et
l’avancement de l’adoption de la LFR au début du mois de décembre ont permis de ne plus
a
voir recours aux décrets d’avance entre 2018 et 2020.
Cette pratique est réapparue en mai 2021 pour financer la prolongation du fonds de
solidarité,
de l’activité partielle et des aides spécifiques mises en place en réponse à la crise
sanitaire, tout en les complétant par des mesures de soutien aux entreprises, aux collectivités et
au secteur culturel. Pour la première fois depuis la mise en place de la Lolf, le plafond de 1 %
des crédits ouverts sur le budget général, les budgets annexes et les comptes spéciaux a été
saturé en 2021. Le décret d’avance d’avril 2022
, quant à lui, a mis à disposition en urgence des
crédits nécessaires à la mise en œuvre du «
plan de résilience économique et sociale » et à
l’accueil des populations réfugiées d’Ukraine. L’équilibre de ce décret n’a été rendu possible
que par l’annulation de crédits reportés à cette seule fin
.
Aucun décret d’avance n’a en
revanche été pris en 2023.
54
Cour des comptes,
Le budget de l’
État en 2022, Résultats et gestion
, avril 2023.
55
Circulaire DB-1BE-22-4110 du 20 novembre 2022 relative au lancement de la gestion budgétaire 2023 et à la
mise en place de la réserve de précaution
.
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
71
3.1.2.4
Un schéma de fin de gestion sim
plifié par l’avancement
de la loi de finances de
fin de gestion à début décembre
Jusqu’à 2018, le dépôt d’une LFR en fin d’année
était devenu une pratique courante
pour couvrir les impasses budgétaires, annuler des crédits devenus sans objet ou pour respecter
la norme de dépense en exécution
. La LFR de fin d’année
comprenait souvent un nombre
d’articles équivalent à celui de la LFI,
et
l’objectif d’ajustement de fin de
gestion était dévoyé :
entre 2006 et 2017, seuls 5 %, en moyenne, des amendements parlementaires déposés dans le
cadre du PLFR de fin d’année relevaient du domaine exclusif des LFR.
Les délais très contraints
de son examen, plus courts que pour le PLF, ne permettaient pas un examen satisfaisant, au
regard de la complexité des projets présentés et amendés.
Tableau n° 9 :
Évolution de la composition des dispositions des LFR de 2006 à 2019
Année
Propositions d'articles du
PLFR
Amendements du
Gouvernement
Amendements du
Parlement
Nombre final
d'articles
Hors du
domaine
exclusif des
LFR
Totales
en
%
Nombre
% dans le
domaine de
la LFR
Nombre
% dans le
domaine de
la LFR
en LFR de
fin d'année
N
en
LFI
N+1
2006
28
45
62
61
72
507
8
169
151
2007
22
35
63
33
51
405
6
109
142
2008
47
64
73
66
45
518
9
149
198
2009
26
36
72
63
33
522
6
118
145
2010
32
43
74
49
35
527
2
107
211
2011
15
26
58
54
41
579
9
95
163
2012
25
31
81
67
19
612
3
90
118
2013
27
33
82
71
35
575
1
93
143
2014
28
35
80
72
33
688
4
114
125
2015
33
43
77
74
32
921
7
123
125
2016
31
43
72
69
30
994
7
149
160
2017
28
36
78
65
21
684
2
96
178
2018
0
8
0
0
-
364
14
8
277
2019
0
9
0
1
100
70
63
9
280
Source : Revue Gestion des finances publiques,
Le budget de l’
État et des opérateurs, n° 3-2020, Mai-Juin 2020.
La LOMGFP de 2021 a créé une nouvelle catégorie de LFR, la loi de finances de fin de
gestion (LFFG), qui entérine la pratique initiée par le Gouvernement en 2018, consistant à
recentrer ce collectif budgétaire sur les ajustements de fin de gestion, les prévisions de recettes
et le solde budgétaire. Ce projet de loi ne doit plus comporter de mesure fiscale pérenne
nouvelle
, ou de disposition qui relèverait du PLF, même par voie d’amendement. La lecture et
l’examen de ce projet de texte, et par voie de conséquence, du PLF, en sortent grandement
simplifiés.
En parallèle, l’engagement du Gouvernement de ne plus recourir aux décrets d’avance
en fin d’année permet de renforcer le contrôle parlementaire des ouvertures ou annulations de
crédits. En conséquence de cette clarification des rôles du PLF et du PLFR de fin d’année, les
délais p
our l’examen du PLF
FG ont été raccourcis : celui-ci est désormais adopté début
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
72
décembre, pour sécuriser la pré-liquidation de la paie des fonctionnaires en décembre et garantir
les éventuels besoins de crédits de personnel. Cet avancement de calendrier facilite
l
’atterrissage
de l’exécution
pour les ministères
, d’autant que la date de fin de gestion a été
progressivement reculée (du 8 décembre en 2017 au 11 décembre en 2018, au 13 décembre en
2019 et au 15 décembre de 2020 à 2023).
3.2
Des capacités de pilotage
centralisé de l’exécution à maintenir
3.2.1
Le contrôle budgétaire : des allégements en cours
3.2.1.1
Des allègements progressifs des contrôles en contrepartie d’une rénovation de la
chaîne de la dépense et d’un renforcement du contrôle interne budgétaire
L’un des chantiers transverses de transformation de l’
É
tat retenu dans le cadre d’Action
publique 2022 était celui de la modernisation de la gestion budgétaire et comptable. Lancé lors
du 2
e
CITP d’octobre
2018, i
l s’est traduit par la réduction des mises en réserve, l’avancement
des reports, le regroupement des transferts et virements en cours d’exécution, accompagnés de
la révision du cadre juridique du décret GBCP et de la suppression en 2019 de tout contrôle de
régularité
sur les actes de personnel de l’État et des
organismes (finalisant ainsi la suppression
du contrôle de régularité sur les dépenses autres que de personnel, effective depuis le 1
er
janvier
2006), en parallèle de
l’expérimentation et du déploiement de centres de gestion financière
(CGF).
Encadré 4 : Le déploiement des centres de gestion financière
Pour mieux intégrer la chaîne de la dépense, un centre de gestion financière (CGF) regroupe les
centres de services partagés (CSP) placés auprès des ordonnateurs et les services facturiers (SFACT)
placés chez les comptables publics. Le CGF intervient, pour le compte des services prescripteurs, de la
création des engagements juridiques dans le système d’information Chorus jusqu’au paiement des
dépenses. À
partir de 2019, deux expérimentations ont été conduites, l’une en
services déconcentrés en
Bretagne et l’autre auprès du service de contrôle budgétaire et comptable ministériel (SCBCM) des
ministères économiques et financiers.
Le nombre d’expérimentations
a été portée à 16 en 2021 puis 23
en 2022. Compte tenu des résultats très satisfaisants des premiers CGF en termes de productivité, de
rapidité d’exécution et d’enrichissement des tâches, ce modèle
est en cours de généralisation.
Ces travaux, conjugués à la démarche de contractualisation entre la direction du budget
et certaines directions ou certains opérateurs lancée début 2019
ainsi qu’à
la déconcentration
budgétaire à partir de l’automne 2019, ont préparé
la réforme du régime de responsabilité des
comptables et des ordonnateurs,
mise en œuvre à compter du 1
er
janvier 2023.
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
73
Tableau n° 10 :
Chantier de la gestion budgétaire et comptable (AP 2022)
Source : direction du budget
L’allègement des contrôles budgétaires
a priori
, sous la forme d’une suspension
partielle pour une durée limitée des avis et visas
budgétaires, a été expérimenté au ministère
chargé de l’agriculture
et
à l’Insee
à partir de 2019 et à la DGFiP à partir de 2020. Ces
allègements des contrôles ont été réalisés sur les dépenses de personnel et de fonctionnement
courant, en fonction de la maturité du contrôle interne budgétaire et financier des ministères et
du « reporting » réalisé auprès de la direction du budget. Pérennes à partir de 2021, ils ont abouti
à une réduction de 71 % des visas sur les actes de personnel, et de 23 % des visas sur les autres
actes, ce qui constitue un allègement conséquent de la charge de travail.
Dans le cadre des allègements
a priori
et du développement, depuis 2018, des contrôles
a posteriori
, les CBCM interrogés dans le cadre de la présente enquête ont partagé le souhait
que le cadre réglementaire de recrutement et de gestion des contractuels soit rénové et précisé,
en administration centrale et en services déconcentrés,
compte tenu de l’augmentation des
recrutements liée à la loi de transformation de la fonction publique du 6 août 2019, et des risques
budgétaires potentiels associés.
Le développement de contrôles budgétaires
a posteriori
par les DCB suppose que les
RPROG et RFFIM s’impliquent davantage dans le déploiemen
t des dispositifs de contrôle
interne. Les DCB doivent pour leur part développer de nouvelles compétences qui débordent
du strict visa budgétaire, et requièrent d’aller au
-delà du travail sur pièces pour mener des audits
sur place dans les services des ordonnateurs, en administration centrale, mais aussi dans les
services déconcentrés et les opérateurs.
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
74
3.2.1.2
Une tentative de rapprochement des fonctions de RFFIM et de contrôleur
budgétaire
Dans le cadre de la responsabilisation des gestionnaires publics promue par Action
publique 2022 en 2017, le rapprochement des fonctions de DAF et de contrôleur budgétaire
externe,
décidé à l’occasion du 5
e
CITP de février 2021, est expérimenté depuis 2022, sous le
pilotage de la direction du budget, au sein du ministère des a
rmées sur l’ensemble de son
périmètre
56
et au sein du
ministère chargé de l’
écologie sur un périmètre partiel d
’
un quart de
ses programmes. Cette expérimentation, qui porte sur l
’internalisation des contrôles budgétaires
a priori
, sur la programmation et les actes avait pour objectif de renforcer la fonction financière
en augmentant les marges de manœuvre des DAF
et en les faisant «
garants de la régularité et
de la soutenabilité budgétaire en lien avec le ministère chargé du Budget
» (5
e
CITP). Les
éléments examinés dans le cadre de cette enquête, qui ne portaient que sur le ministère de la
transition écologique, ne permettent pas de tirer de conclusion générale sur le bien-fondé de
cette expérimentation, qui doit être prolongée.
3.2.1.3
Une gouvernance nouvelle pour le suivi des investissements de certains ministères
Au-delà des contrôles de soutenabilité de la programmation réalisés par les CBCM, les
programmes d’investissement pluriannuels massifs obtenus par certains ministères ont conduit
à la mise en place de modalités de suivi particulières impliquant directement la direction du
budget.
Cette nouvelle gouvernance s’appuie sur l’exemple ancien du comité financier
interministériel (COFIN) des lois de programmation militaire.
Au ministère de l’
intérieur,
après l’adoption de la LO
PMI, un arrêté du 30 mars 2023 a
institué un comité financier interministériel présidé par le RFFIM auquel participent, outre le
secrétaire général, le
directeur de l’évaluation de la performance, de l’achat, des finances et de
l’immobilier (
DEPAFI), la direction du budget et le CBCM, et en tant que de besoin, les
RPROG, la DINUM et la DIE. Celui-ci donne un avis sur la soutenabilité et la compatibilité
avec la programmation pluriannuelle des opérations d’investissement, d’entretien et de
maintien en condition opérationnelle d’un montant supér
ieur à 15
M€ et approuve les
affectations de crédits correspondantes. Les contrôles subséquents des décisions d’engagement
réalisés par le DCB sur ces opérations s’appuient sur l’avis du comité financier interministériel.
Des comités similaires sont instaurés au ministère de la culture depuis décembre 2022
et sont en cours de mise en place au ministère de la justice. Dans le champ des transports,
l’examen de la soutenabilité des opérations d’investissement se fait lors de l’approbation des
conventions de fi
nancement par le conseil d’administration de l’AFITF dont la
direction du
budget est membre. Il est trop tôt pour juger si cette association directe de la direction à la
programmation des opérations des ministères facilitera la priorisation des opérations
d’investissement des ministères concernés.
56
Protocole du 9 décembre 2021 relatif à la mise en œuvre, par le ministère des armées, d’une expérimentation
relative au renforcement de la fonction financ
ière ministérielle et à l’évolution de l’exercice du contrôle budgétaire,
conclu entre le ministre chargé du budget et la ministre des armées.
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
75
3.2.2
Des facultés importantes de pilotage de l
’
exécution des dépenses en fin de gestion
Les trois prévisions d’exécution budgétaire de mars, juin et septembre relèvent de la
responsabilité de la direction du budget.
La prévision de mars réalisée dans le cadre de la PMT propose une synthèse de la
programmation budgétaire initiale, étudie les mesures nouvelles par rapport à la LFI et les
mesures d’économies (en chiffrant les mesures urgentes sollicitées en conférence tec
hnique et
pesant sur l’année en cours). Elle identifie le cas échéant les risques et aléas pouvant influer sur
la trajectoire budgétaire et propose des annulations en cours de gestion.
La prévision de juin est allégée : elle actualise le premier exercice effectué en mars sur
la base du CRG 1, en se concentrant sur les dispositifs les plus structurants, sans revoir
l’ensemble des programmes.
La
prévision d’exécution de fin septembre intègre les ouvertures et annulations de
crédits votées au titre des éventu
elles LFR et les arbitrages rendus à l’issue des échanges réalisés
mi-septembre lors des seconds comptes rendus de gestion (CRG 2) entre les CBCM et les
ministères. Parallèlement, elle actualise la prévision des recettes attendues sur fonds de
concours et sur attributions de produits. Plus exhaustive, cette troisième prévision couvre le
budget général, les comptes spéciaux et les budgets annexes inscrits dans la norme de dépense.
Elle permet de déterminer le coût des différentes mesures déjà actées, d’ident
ifier à partir du
niveau de consommation des dépenses les sous-
exécutions possibles en fin d’année et d’évaluer
plus finement les conséquences budgétaires des aléas de gestion (mesures nouvelles de crise,
imprévus, risques de trésorerie, etc.). Une
prévision d’atterrissage des emplois
et de la masse
salariale est alors réalisée, sur la base des huit mois de crédits consommés, du profil mensuel
de la dépense exécutée lors du précédent exercice et du CRG 2. Selon les risques identifiés, les
bureaux sectoriels de la direction du budget doivent présenter une palette de mesures (reports
de crédits, annulations ou ouvertures) visant à ne dégrader ni le solde du budget de l’
État, ni
celui de la s
écurité sociale. Les mouvements proposés font l’objet d’échang
es avec les
ministères lors des conférences de fin de gestion qui se déroulent désormais en octobre avant
d’être soumis aux cabinets du ministre chargé des comptes publics et du Premier ministre pour
arbitrage.
Une comparaison des résultats de l’exécution
avec les prévisions réalisées par la
direction du budget après le CRG 2 (en 2018, 2019 et 2021) témo
igne d’
une bonne capacité de
pilotage des dépenses en fin d’exercice par
cette dernière.
Seule l’exécution 2021 de la mission
Travail et emploi
a dépassé la
prévision d’automne de façon significative
, du fait notamment
d’une
subvention exceptionnelle à France compétences initialement imputée sur le plan de
relance qui a été finalement abondée en LFR sur la mission
Travail et emploi.
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
76
Graphique n° 5 :
Comparaison entre l’exécution et la prévision d’exécution d’automne de la
direction du budget
Source : Cour des comptes (données : lois de règlement et direction du budget)
Certains des moyens utilisés depuis 2020
pour piloter l’exécution (reports de charges
massifs sur
l’exercice suivant, notamment) ont cependant fait l’objet de critiques par la Cour
des comptes dans le cadre des rapports sur le budget de l’
État de 2021 et de 2022. Le savoir-faire
de la direction du budget en matière de pilotage de la fin de gestion ne saurait en effet se
substituer à une programmation pluriannuelle crédible et s’imposant aux arbitrages annuels, ni
à une meilleure anticipation des risques susceptibles d’affecter l’exécution, qu’il convient de
privilégier.
3.3
Une prise en compte des risques insuffisante
Malgré les allègements opérés par la Lolf et les simplifications récentes mentionnées au
point précédent, la France se caractérise, au sein des pays
de l’OCDE
, par une implication
significative du ministère chargé
des finances dans la phase d’
exécution du budget. Ces
contrôles viennent en partie compenser une relative faiblesse des dispositifs d’analyse des
risques dans la programmation pluriannuelle et la préparation du budget ainsi que de gestion de
ces risques
en cours d’
exécution.
3.3.1
Une analyse des risques insuffisamment présente lors de la programmation
pluriannuelle des finances publiques et de la préparation du budget annuel
La notion de risque budgétaire renvoie à «
la probabilité de différences significatives
entre les résultats budgétaires prévus et réalisés, à court et moyen terme »
57
. Ces risques
57
G. Kopits, 2014,
Coping with fiscal risk: Analysis and practice, OECD Journal on Budgeting
, vol. 14/1.
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
77
peuvent être exogènes ou endogènes. Les risques exogènes correspondent à des modifications
imprévues des déterminants externes des recettes et des dépenses, qu’ils soient
macroéconomiques ou spécifiques (catastrophe, guerre, etc.) ; les risques endogènes reflètent
les changements de politiques publiques décidés par les autorités en dehors du processus
budgétaire.
3.3.1.1
Une présentation trop diffuse des risques macroéconomiques dans les documents
stratégiques
Au Royaume-
Uni, l’
office pour la responsabilité budgétaire (
Office for Budget
responsibility, OBR
) publie chaque année en juillet un rapport sur les risques budgétaires et la
soutenabilité. Ce rapport met à jour un registre d’une cinquantaine
de risques (exogènes et
endogènes) susceptibles d’affecter les finances publiques et présente des analyses détaillées sur
trois risques particulièrement prégnants (l’état de santé de la population, le prix de l’énergie et
la hausse des taux d’intérêt
, dans la dernière édition).
En Finlande, le ministère chargé des finances publie chaque année au moment de la
présentation du budget un «
aperçu des risques et engagements de l’
État ». Celui-ci présente
sous une forme accessible des informations rétrospectives sur les passifs et engagements hors
bilan de l’
É
tat, disponibles en France dans le compte général de l’
État. Le rapport se conclut
par une projection de l’évolution des finances publiques à deux ans en équilibre général dans
l’hypothèse d’un scénario adver
se (scénario de croissance économique faible de la BCE).
En regard de ces exemples, la pratique française apparait en retrait. L’OCDE a
ainsi
estimé en 2018 qu’en France, «
l’analyse des risques budgétaires est dispersée et prise en
compte de manière très limitée dans le processus de décision politique »
58
. Le Trésor ne publie
pas de document consolidé sur les risques macroéconomiques pesant sur les finances publiques
à moyen terme. Le RESFE pour 2023 consacre une page qualitative aux aléas pouvant affecter
la prévision, sans estimations chiffrées, tandis que le PSTAB présente des analyses de
sensibilité à différentes variables (demande extérieure, taux de change, prix du pétrole, taux
d’intérêt). Le rapport annexé à la LPFP 2023
-2027 présente également une analyse de
sensibilité des finances publiques à un choc de taux. Ces analyses, effectuées avec un modèle
en équilibre partiel différent du modèle en équilibre général utilisé pour la prévision globale,
ne permettent pas d’apprécier les effets sur les finances publiques à moyen terme d’un véritable
scénario adverse (
stress test
).
3.3.1.2
Des risques endogènes volontairement sous-estimés dans la programmation
pluriannuelle des finances publiques
Les budgets pluriannuels établis dans le cadre des LPFP ventilent la quasi-totalité des
moyens disponibles pour l’
État sur la période entre les missions budgétaires.
Ainsi, le budget triennal 2024-2026 de la LPFP 2023-
2027 ne prévoit qu’un montant
faible de crédits non répartis et paradoxalement plus élevé la première année (0,5
Md€ en 202
4,
58
OCDE, 2018, op. cit.
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
78
0,2
Md€
en 2025 et 2026), alors même que ce budget triennal est exprimé en euros courants,
dans une période où les incertitudes sur l’inflation sont importantes. Les montants étaient
également faibles dans le budget triennal 2018-2020 de la LPFP 2018-2022 (entre 0,12 et
0,85
Md€ selon les années).
Ce choix repose sur l’idée que le budget triennal fonctionne selon
un principe d’auto
-assurance où les ministères doivent financer leurs mesures nouvelles par des
économies équivalentes. Il exprime
la crainte qu’une provision plus importante suscite des
demandes reconventionnelles chaque année de la part des ministères.
En pratique, l’absence de
cette provision n’a cependant jamais permis d’
éviter de telles demandes.
Le budget triennal suédois est construit selon une logique différente
puisqu’il considère,
de manière réaliste, que
même en l’absence d’échéances électorales, de nouvelles priorités de
dépenses peuvent apparaître en cours de mandat et que ces risques se cumulent d’une année sur
l’autre.
En conséquence, le montant total des plafonds annuels par cadres de dépenses
(équivalents des missions budgétaires françaises) est construit dans le budget pluriannuel sur
une base prudente, inférieure à la marge de manœuvre possible, compte tenu de l’obj
ectif de
politique budgétaire de moyen terme. Le solde constitue une « provision de programmation ».
Les arbitrages sur le budget triennal sont rendus de telle façon que celle-ci soit faible la première
année, mais croissante les années suivantes. À titre indicatif, pour 2018, les lignes directrices
définies par le Gouvernement suédois prévoyaient que la provision de programmation
représente au moins 1 % des dépenses lors de la première année du budget pluriannuel, 1,5 %
la deuxième année, 2 % la troisième et 3% la quatrième
59
. Appliquées au budget triennal 2023-
2025 français, ces règles auraient conduit à mettre de côté 4,8
Md€ en 2023, 7,3
Md€ en 2024
et 9,9
Md€ en 2025.
En 2020
60
, la Cour préconisait déjà de tirer des enseignements de ces
bonnes pratiques.
Recommandation n° 10.
(DB) : Intégrer dans la loi de programmation des finances
publiques une provision de programmation
croissante d’année en année, d’un montant au
moins égal à 1 % des crédits la première année.
3.3.2
Des dispositifs de gestion des risques en cours d’exécution peu
flexibles
En cours d’exécution, le Gouvernement dispose de plusieurs outils de gestion des
risques.
L’article
7
de la Lolf prévoit deux dotations de crédits non répartis pour faire face
respectivement aux dépenses accidentelles et imprévisibles d’une part, et aux mesures générales
en matière de rémunérations d’autre part. Leur utilisation est toutefois réservée à des cas très
spécifiques. Les PLFR, les décrets d’avance et, plus ponctuellement, de virement sont les
moyens de droit commun pour faire face aux aléas que les RPROG ne sont pas en mesure
d’assumer par auto
-assurance. La mobilisation de gages pour compenser les ouvert
ures qu’ils
prévoient implique le maintien jusqu’à la fin de gestion de crédits indisponibles pour les
RPROG. Le montant des crédits hors personnel mis en réserve en début d’année a culminé à
8
% en 2016 et 2017 avant d’être ramené
entre 3 et 4 % selon les années depuis 2018. Ce
montant s’applique de manière quasi
-
uniforme d’une année sur l’autre et, au sein d’une même
59
Finansdepartementet
,
The Swedish fiscal Policy Framework
,
2017
.
60
Cour des comptes,
Les finances publiques : pour une réforme du cadre organique et de la gouvernance
, rapport
public thématique, novembre 2020 (p.48).
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
79
année, à l’ensemble des programmes sans véritablement prendre en compte le niveau des
incertitudes macroéconomiques propres à l’exercice d’u
ne part et le niveau de risque spécifique
à chaque programme d’autre part.
3.3.2.1
Des crédits non répartis réservés à des usages spécifiques
Selon le PAP de la dotation 552 -
Dépenses accidentelles et imprévisibles
, celle-ci est
réservée à des dépenses urgentes en cours de gestion, principalement liées à des catastrophes
naturelles en France ou touchant des intérêts français à l’étranger
, en CP ; ou à des prises à bail
non prévues en LFI nécessitant d’engager les loyers sur la durée totale du bail
, en AE. La
dotation 551
- Mesures générales en matière de rémunérations publiques
ne peut être utilisée
que pour financer des mesures dont la répartition n’est pas connue avec certitude au moment
de l’adoption de la LFI.
Malgré un ressaut de la dotation 551 depuis 2022 dans le contexte des
revalorisations des salaires de la fonction publique pour compenser l’inflation, les montants
budgétés pour ces deux dotations et finalement répartis restent faibles et leur utilisation réservée
à des risques spécifiques.
3.3.2.2
Un volume de crédits annuels mis en réserve non modulé en fonction des risques
susceptibles d’affecter l’exécution
Une fois les possibilités d’auto
-assurance au sein des crédits disponibles du programme
épuisées, la mobilisation de la réserve de précaution reste donc le mécanisme de droit commun
pour faire face en gestion aux risques budgétaires, endogènes ou exogènes.
La réserve de précaution applicable une année donnée est indiquée dans l’exposé des
motifs de la LFI, et fixée en principe dans un cadre prévu par la LPFP. En 2023, la réserve
s’élève à 0,5
% des crédits de personnel et 3,5 % des crédits hors personnel. Pour les opérateurs,
le taux de mise en réserve des crédits destinés aux subventions pour charges de service public
peut être modulé afin d’intégrer la part
des dépenses de personnel supportée par les opérateurs
bénéficiant de cette subvention.
Cette mise en réserve est effectuée dans Chorus en début d’année, en préalable à la mise
à disposition des crédits disponibles au niveau des BOP par les RPROG. La répartition de la
réserve est précisée par le DRICE établi par le RPROG, validée par le RFFIM et visée par le
CBCM. En revanche, la justification au premier euro (JPE) transmise au Parlement dans le PAP
ne prend pas encore en compte la réserve.
Les taux applicables sont en principe uniformes pour chaque programme, même si
quelques aménagements existent. Au ministère de l’économie et des finances, le programme
156 -
G
estion financière de l’
État et du secteur public local
bénéficiait par exemple
d’une mise
en ré
serve réduite dans le cadre du contrat d’objectifs et de
moyens de la DGFiP
jusqu’à 2022
,
mais les montants correspondants étaient mis en réserve sur les autres programmes du ministère.
En revanche, au sein de chaque programme, les RPROG doivent
s’assurer de la
soutenabilité de la réserve en évitant de la faire porter sur des dépenses obligatoires et
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
80
inéluctables
61
. La rigidité de certains programmes conduit cependant les CBCM à accepter
souvent une répartition homothétique de la réserve, même si elle porte sur des dépenses de
guichet qui, sans être obligatoires ou inéluctables en débu
t d’exercice, ont de fortes chances de
le devenir en cours de gestion.
Le dégel des crédits mis en réserve sur un programme revêt en principe un caractère
exceptionnel, lié à la matérialisation d’un risque.
Tableau n° 11 :
Évolution 2022 de la réserve de précaution de la mission
Sécurités
en M€ de CP
En M€
152
176
161
207
Mission
T2
HT2
T2
HT2
T2
HT2
T2
HT2
T2
HT2
Gel initial sur LFI
39,08
60
51,61
51,65
0,95
12,46
-
2
91,64
126,1
Dégels pour emploi
39,08
60
51,61
17,13
0,95
12,46
-
0
91,64
89,58
Annulation en LFR
34,52
-
2
0
36,52
Solde
0
0
0
0
0
0
-
0
0
0
% de restitution
100%
100%
100%
13%
100%
100%
-
0%
100%
72%
Source
: Cour des comptes d’après les RPROG et CBCM du ministère de l’intérieur
À
titre d’exemple, la réserve de précaution sur la mission
Sécurités
a été mobilisée à
hauteur de 72 % en 2022. Pour la police nationale, la gendarmerie nationale et la sécurité civile,
le dégel de la réserve de précaution en titre 2 a permis de prendre en charge une partie des coûts
liés aux mesures interministérielles de revalorisation (hausse du SMIC, hausse du
point d’indice
notamment). La gendarmerie nationale a bénéficié d’un dégel intégral de la réserve hors titre 2
pour prendre en compte les surcoûts liés à l’inflation
, notamment sur les loyers
(près de 40 M€
en fin d’année). Pour l
a sécurité civile, le dégel a financé certains surcoûts de la saison des feux.
Seules la réserve de précaution du programme 207
–
Sécurité et éducation routières
et une
partie de la réserve de précaution de la police nationale ont été annulées par la LFR de fin de
gestion.
L’utilit
é de la réserve pour faire face aux aléas est donc réelle, mais le caractère
transversal et uniforme du mécanisme réduit son efficacité. Le niveau global de la réserve varie
peu d’une année sur l’autre malgré la modification des conditions macroéconomiques
. La
volatilité de l’inflation depuis 2022 aurait pu justifier d’
augmenter le taux de crédits mise en
réserve mais celle-ci est restée limitée pour la mise en réserve initiale, le taux passant de 3 à 3,5 %
pour les crédits hors personnel entre 2022 et 2023 et obligeant le Gouvernement à annoncer une
mise en réserve complémentaire de 1 % en mai 2023. À quelques exceptions, au demeurant peu
transparentes, la réserve n’est pas modulée par programme, que ce soit en fonction des
conditions de l’arbitrage initial
des crédits (cf. recommandation n° 5
), ou de l’existence de
risques objectifs susceptibles d’affecter l’exécution. Une partie significative de la réserve porte
ainsi sur des dépenses rigides et revêt un caractère artificiel, ce qui réduit les capacités réelles
de gestion des risques du ministère chargé des finances.
*
*
*
61
Selon le recueil des règles de comptabilité budgétaire de l’
État, les dépenses obligatoires sont les dépenses pour
lesquelles le service a déjà été constaté. Les dépenses inéluctables sont les restes à payer à échoir au cours de
l’exercice, les dépenses afférentes au personnel en fonction et les dépenses liées à la mise en œuvre des lois,
règlements et accords internationaux en vigueur.
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
81
LISTE DES ABRÉVIATIONS
AE
Autorisation d’engagement
AENE
Autorisation d’engagement affectée non engagée
AFTIF
Agence de financement des infrastructures de transport de France
AIFE
Agence pour l’informatique financière de l’
État
APE
Agence des participations de l’
État
APUC
Administration publique centrale
APUL
Administration publique locale
ASSO
Administrations de sécurité sociale
BCE
Banque centrale européenne
BEH
Budget
économique d’hiver
BOP
Budget opérationnel de programme
CAS
Compte d’affectation spéciale
CBCM
Contrôle budgétaire et comptable ministériel
CBMT
Cadre budgétaire à moyen terme
CBR
Contrôle budgétaire en région
CFP
Cadre financier pluriannuel
CGéfi
Contrôle général économique et financier
CGF
Centre de gestion financière
CICE
Crédit d’impôt compétitivité emploi
CITP
Comité interministériel de la transformation publique
CMPP
Conseil de modernisation des politiques publiques
COFIN
Comité financier interministériel
CP
Crédit de paiement
CRDS
Contribution au remboursement de la dette sociale
CRG
Compte rendu de gestion
CSG
Cotisation sociale généralisée
CSP
Centre de services partagés
DAF
Directeur des affaires financières
DCB
Département de contrôle budgétaire
DCM
Département comptable ministériel
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
82
DEPAFI
Direction de l’évaluation de la performance, de l’achat, des
finances et de l’immobilier
DFAS
Direction des finances, des achats et des services
DGAFP
Direction générale de l’administrati
on et de la fonction publique
DGDDI
Direction générale des douanes et des droits indirects
DGEC
Direction générale de l’énergie et du climat
DGEFP
Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle
DGFiP
Direction générale des finances publiques
DGITM
Direction générale des infrastructures, des transports et des
mobilités
DGOM
Direction générale des outre-mer
DGME
Direction générale
de la modernisation de l’
État
DGPN
Direction générale de la police nationale
DIE
Direction de l’immobilier de l’
État
DINUM
Direction interministérielle du numérique
DLF
Direction de la législation fiscale
DOFP
Débat d’orientation des finances publiques
DPG
Document de programmation
DPGECP
Document de programmation et de gestion des emplois et crédits
de personnel
DPT
Document de politique transversale
DPU
Document de programmation unique
DRACE
Document de répartition actualisé des crédits et des emplois
DRICE
Document de répartition initiale des crédits et des emplois
DSS
Direction de la sécurité sociale
ÉNA
É
cole nationale d’administration
ETP
Équivalent temps plein
FMI
Fonds monétaire international
FSV
Fonds de solidarité vieillesse
GBCP
Gestion budgétaire et comptable publique (décret)
HCFP
Haut conseil des finances publiques
INSP
Institut national du service public
IRA
Institut régional d’administration
JPE
Justification au premier euro
LFI
Loi de finances initiale
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
83
LFFG
Loi de finances de fin de gestion
LFR
Loi de finances rectificative
LFSS
Loi de financement de la sécurité sociale
LOPJI
Loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice
LOPMI
Loi
d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur
Lolf
Loi organique d’orientation des lois de finances
LOM
Loi d’orientation des mobilités
LOMGFP
Loi organique de modernisation de la gestion financière publique
LPFP
Loi de programmation des finances publiques
LPM
Loi de programmation militaire
LPR
Loi de programmation de la recherche
MTE
Ministère de la transition écologique
NDP
Norme de dépenses pilotables
OBR
Office for Budget responsibility
OCDE
Organisation de coopération et de développement économiques
ODAC
Organismes divers d’administration centrale
ODETE
Objectif de dépenses totales de l’
État
OMT
Objectif de moyen terme
PAP
Projet annuel de performance
PDE
périmètre des dépenses
de l’
État
PIB
Produit intérieur brut
PLF
Projet de loi de finances
PLFR
Projet de loi de finances rectificative
PLFSS
Projet de loi de financement de la sécurité sociale
PLPFP
Projet de loi de programmation des finances publiques
PMT
Programmation de moyen terme
PO
Prélèvements obligatoires
PREV
Sous-direction de la prévision
PSR CT
Prélèvement sur recettes des collectivités territoriales
PSR UE
Prélèvement sur recettes à destination de l’Union européenne
PSTAB
Programme de stabilité
RESFE
Rapport économique, social, financier et environnemental
RFFIM
Responsable de la fonction financière ministérielle
RGPP
Révision générale des politiques publiques
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
84
ROBSS
Régimes obligatoires de base de la sécurité sociale
RPROG
Responsable de programme
RUO
Responsable d’unité opérationnelle
SFACT
Service facturier
SGG
Secrétariat général au Gouvernement
SGMAP
Secrétariat général pour la modernisation de l’action publique
SG MEF
Secrétariat général des ministères économiques et financiers
SPM
Services du Premier ministre
SPMAE
Service des politiques macroéconomiques et des affaires
européennes
SPP
Service des politiques publiques
SPSI
Schéma pluriannuel de stratégie immobilière
TIPS
Travaux internes prospectifs et stratégiques
Trésor
Direction générale du Trésor
TSCG
Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance
TVA
Taxe sur la valeur ajoutée
UE
Union européenne
UEM
Union économique et monétaire
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
85
ANNEXES
Annexe n° 1.
La budgétisation des emplois et des crédits de personnel
.................
86
Annexe n° 2.
Les nomenclatures budgétaires
.........................................................
87
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
86
Annexe n° 1.
La budgétisation des emplois et des crédits de personnel
Les arbitrages sur les dépenses de personnel du budget général
de l’
État (titre 2) reposent
sur trois outils
: les schémas d’emplois qui mesurent la variation des effectifs entre le début et
la fin de l’exercice en équivalents temps plein (ETP)
;
les plafonds d’emploi ministériels qui
constituent une limite d’effectif
moyen à ne pas dépasser sur l’ensemble de l’année, exprimée
en équivalents temps plein travaillés (ETPT) ; et la masse salariale, qui nécessite une véritable
approche pluriannuelle.
Le schéma d’emplois
a
l’inconvénient d’être facilement manipulable mais c
onstitue un
support privilégié pour les arbitrages politiques et le visa des recrutements par les contrôleurs
budgétaires.
Les plafonds d’emploi, approuvés par le Parlement dans la loi de finances, sont jugés
par la direction du budget comme insuffisants pour piloter les effectifs à moyen terme car ils
sont sensibles aux calendriers de recrutement et restent pour certains ministères peu pertinents
en raison d’une vacance structurelle élevée.
Enfin, la prévision des dépenses de personnel fait l’objet d’une m
éthode harmonisée
élaborée par la direction du budget (« outil 2BPSS »). Celle-ci décompose les dépenses de
personnel entre :
- le
socle d’exécution, débasé des éléments spécifiques de l’année N
-1 (garantie
individuelle de pouvoir d’achat
ou GIPA, rachats de compte épargne temps, indemnités de
restructuration) ;
-
le glissement vieillesse technicité (GVT) positif, traduisant l’impact de l’avancement
par ancienneté ou au choix des agents en place entre N-1 et en N ;
- la variation des effectifs, elle-même décomposable entre les effets en année pleine du
schéma d’emplois et le GVT négatif ou effet de noria qui traduit l’économie liée au
remplacement d’agents partant à la retraite par des agents plus jeunes bénéficiant de
rémunérations moins élevées ;
- les mes
ures générales et catégorielles d’augmentation des rémunérations
;
- le rebasage des éléments spécifiques (GIPA,
rachats de CET, etc.) pour l’année
N.
LA PRÉPARATION ET LE SUIVI
DU BUDGET DE L’
ÉTAT : REDONNER UNE PLACE CENTRALE
À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
87
Annexe n° 2.
Les nomenclatures budgétaires
La Lolf prévoit deux nomenclatures budgétaires, par nature de dépenses et par
destination.
La nomenclature par nature, fixée à l’article 5 de la L
olf, répartit les dépenses par titres
(sept titres dont le titre 2 qui correspond aux dépenses de personnel) et par catégories
(19
catégories). Il s’agit d’une nomenclature indicative en prévision, sauf en ce qui concerne
les dépenses de personnel (fongibilité asymétrique). En exécution, elle est articulée avec le plan
comptable de l’
État (PCE), chaque compte de comptabilité générale n
’accueillant qu’une seule
catégorie de dépenses par nature en comptabilité budgétaire.
La nomenclature par destination comprend les missions et programmes prévus par
l’article 7 de la
Lolf mais aussi les actions et, de façon facultative, des sous-actions. La mission
constitue l’unité de vote au Parlement et le programme l’unité de spécialité des crédits (qui peut
être modifiée par amendement). La LFI 2024 comprend 47 missions (dont 33 pour le budget
général) et 186 programmes (dont 135 pour le budget général).
Les objectifs et les indicateurs sont attachés à un programme. La LFI 2024 comprend
439 objectifs (dont 379 pour le budget général) et 853 indicateurs (741 pour le budget général).
Le décret GBCP (articles 69 à 72) prévoit quatre niveaux de responsabilité pour la
gestion du budget : le ministère, le programme, le budget opérationnel de programme (BOP) et
l’unité opérationnelle (UO). Cette troisième nomenclature, politico
-administrative, implantée
dans Chorus,
détermine les autorités chargés d’exécuter une dépense. Elle
n’est pas
utilisée
dans la présentation du projet de loi de finances.
La préparation du budget est effectuée au niveau de la « brique ». Cette quatrième
nomenclature n’a pas d’autre fondement que le recueil des règles de comptabilité budgétaire de
l’
État (RRCBE)
62
. Elle est fixée par accord entre la direction du budget, le RFFIM et le RPROG
du programme concerné. Les crédits du programme 103 -
Accompagnement des mutations
économiques et développement de l'emploi
comprenait ainsi neuf briques pour la préparation
du PLF 2021 (pour seulement quatre actions).
Enfin, l’activité constitue une unité élémentaire commune à la nomenclature par nature,
par destination et par brique. La
nomenclature par activités doit permettre d’identifier les trois
principaux domaines de fonctions support (fonctionnement courant, immobilier, systèmes
d’information et de communication), et d’individualiser les subventions pour chaque opérateur.
62
En dernier lieu, arrêté du 22 décembre 2022.