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PREMIÈRE CHAMBRE
S2023-0839
PREMIÈRE SECTION
OBSERVATIONS DÉFINITIVES
(Article R. 143-11 du code des juridictions financières)
LA PRISE EN COMPTE DE LA
FAMILLE DANS LA FISCALITÉ
Le présent document, qui a fait l’objet d’une contradiction avec les destinataires concernés,
a été délibéré par la Cour des comptes, le 5 juin 2023.
LA PRISE EN COMPTE DE LA FAMILLE DANS LA FISCALITÉ
TABLE DES MATIÈRES
TABLE DES MATIÈRES
..............................................................................................
2
SYNTHÈSE
......................................................................................................................
5
RECOMMANDATIONS
..............................................................................................
10
INTRODUCTION
.........................................................................................................
11
1
UNE PRISE EN COMPTE DE LA STRUCTURE FAMILIALE
DIFFERENTE SELON LES IMPOTS
..................................................................
13
1.1
Un impôt sur le revenu largement déterminé par la composition familiale
.....
13
1.1.1
Une imposition par foyer fiscal
...............................................................
13
1.1.2
Une exigence constitutionnelle de prise en compte des charges de
famille
......................................................................................................
14
1.1.2.1
Une atténuation de la progressivité de l’impôt permise par le système du
quotient familial
.....................................................................................................
14
1.1.2.2
De nombreuses majorations du quotient familial répondant à des finalités
diverses 16
1.1.2.3
Un plafonnement des avantages résultant du quotient familial hétérogène
selon les dispositifs
.................................................................................................
20
1.1.2.4
L’existence d’un abattement pour enfants mariés ou chargés de famille
...............
22
1.1.3
La prise en compte de solidarités familiales par le versement de
pensions alimentaires
..............................................................................
23
1.1.3.1
Une déductibilité ouverte aux pensions alimentaires versées aux ascendants
........
24
1.1.3.2
Une déductibilité plafonnée pour les pensions versées aux enfants majeurs
..........
24
1.1.3.3
Une déductibilité possible pour les enfants dont le contribuable n’a pas la
charge d’entretien
...................................................................................................
25
1.1.3.4
Un régime fiscal des prestations compensatoires entre ex-époux différent de
celui des pensions alimentaires
..............................................................................
26
1.1.4
Certains paramètres d’imposition sont conjugalisés, peu sont
familialisés
..............................................................................................
27
1.1.4.1
Des règles de plafonnement des dépenses fiscales tenant parfois compte de
la composition familiale
.........................................................................................
27
1.1.4.2
Un plafond global des avantages fiscaux indépendant de la composition
familiale 29
1.1.4.3
La décote : un mécanisme de lissage de l’entrée dans l’impôt partiellement
conjugalisé
..............................................................................................................
30
1.1.5
D’autres dispositions relatives à l’impôt sur le revenu favorables
aux familles
.............................................................................................
31
1.2
D’autres impôts modulés selon la composition familiale
................................
32
1.2.1
Une contribution sur les hauts revenus conjugalisée mais pas
familialisée
..............................................................................................
32
1.2.2
Des taux réduits de CSG fonction des revenus et du nombre de
parts fiscales
............................................................................................
34
LA PRISE EN COMPTE DE LA FAMILLE DANS LA FISCALITÉ
3
1.2.3
Des droits de succession et de donation établis en fonction de la
proximité familiale du bénéficiaire
.........................................................
35
1.2.4
L’impôt sur la fortune immobilière : une imposition commune
obligatoire y compris pour les couples en union libre mais sans
barème conjugalisé
..................................................................................
37
1.2.5
Des allégements fiscaux à la taxe foncière dont les conditions
d’éligibilité sont peu compréhensibles
....................................................
39
1.2.6
Des remboursements de taxes à l’achat de véhicules pour les
familles nombreuses
................................................................................
41
1.3
Une prise en compte des types d’unions et des enfants variable selon les
dispositifs et préjudiciable à la lisibilité du système fiscal
..............................
44
1.3.1
Un traitement hétérogène des types d’union par le droit fiscal
...............
44
1.3.2
Une prise en compte des enfants à charges et de la situation
familiale également variable selon les dispositifs
...................................
46
1.3.2.1
Une prise en compte différente des enfants selon la nature du couple, marié
ou vivant en union libre
..........................................................................................
46
1.3.2.2
Des conditions d’âge et de statut des enfants non uniformes
.................................
46
1.3.2.3
Une situation familiale appréciée à des dates différentes par rapport à
l’année d’imposition
...............................................................................................
47
1.4
Un impact important sur les finances publiques
..............................................
51
2
DES REGLES PARFOIS MECONNUES PAR LES CONTRIBUABLES,
DES CONTROLES PEU FREQUENTS PAR L’ADMINISTRATION
...............
55
2.1
Une application des règles parfois malaisée pour les contribuables
................
55
2.1.1
Des complexités dans les obligations déclaratives
..................................
55
2.1.1.1
Un formulaire déclaratif à l’IR difficile à interpréter dans certains cas
..................
55
2.1.1.2
Les effets de l’arrivée des enfants à la majorité pas toujours bien connus
.............
56
2.1.1.3
Un possible non recours à certains avantages
.........................................................
57
2.1.2
Peu de travaux menés par l’administration fiscale pour prévenir et
détecter les irrégularités liées à la composition familiale
.......................
59
2.1.2.1
Une prépondérance des informations déclaratives
.................................................
59
2.1.2.2
Des contrôles limités
..............................................................................................
61
2.1.2.3
Des irrégularités parfois difficiles à détecter
..........................................................
62
2.2
Des progrès récents dans la détection des irrégularités grâce au
data
mining
...............................................................................................................
64
2.2.1
La mise en place de requêtes ciblées
.......................................................
64
2.2.2
Des perspectives de nouveaux contrôles
.................................................
66
2.3
Une gestion des remboursements de malus CO
2
et de taxe sur la masse
en ordre de marche sur les véhicules à mieux sécuriser
...................................
67
2.3.1
Une instruction par les services des DRFiP/DDFiP en charge des
opérations de l’État
..................................................................................
67
2.3.2
Des risques d’irrégularités pouvant être mieux contrôlés
.......................
67
3
LES EFFETS DISCUTÉS DES QUOTIENTS CONJUGAL ET FAMILIAL
......
71
3.1
Une redistribution horizontale induite par le quotient conjugal et familial
qui atténue la redistribution verticale de l’impôt sur le revenu
........................
71
3.2
Des effets complexes à appréhender en fonction de la configuration
familiale
............................................................................................................
76
LA PRISE EN COMPTE DE LA FAMILLE DANS LA FISCALITÉ
4
3.2.1
Un gain non systématique au mariage ou au Pacs
..................................
76
3.2.2
Une conjugalisation fondée sur une mutualisation intégrale des
ressources au sein du couple qui n’est pas conforme à la réalité
............
77
3.2.3
Des effets redistributifs complexes entre les différentes formes de
ménages
...................................................................................................
78
3.3
Un impact incertain du quotient conjugal sur l’égalité femmes-hommes
........
79
3.3.1
Un effet désincitatif au travail dont l’ampleur n’est pas démontrée
.......
79
3.3.2
Des mécanismes à reconsidérer dans un contexte de moindre
« redistribution privée »
..........................................................................
82
3.4
D’autres modèles possibles de prise en compte de la composante
familiale
............................................................................................................
83
3.4.1
Les échelles d’équivalence, un système de pondération des charges
liées à la composition du foyer
................................................................
83
3.4.1.1
La diversité des échelles d’équivalence
..................................................................
83
3.4.1.2
Une prise en compte avantageuse du conjoint, un traitement fiscal justifié
des familles monoparentales
...................................................................................
86
3.4.1.3
Une discontinuité au 3ème enfant non justifiée par des économies d’échelle
........
87
3.4.1.4
Une cohérence à rechercher avec les prestations sociales
......................................
88
3.4.2
Un aménagement du modèle français régulièrement évoqué
..................
90
3.4.2.1
Un modèle français qui fait figure d’exception
......................................................
90
3.4.2.2
L’individualisation et le crédit d’impôt régulièrement discutés
.............................
92
ANNEXES
......................................................................................................................
95
Annexe n° 1.
Réductions et crédits d’impôts au titre de l’IR non
conjugalisés
………………………………………………………96
Annexe n° 2.
Réductions et crédits d’impôts au titre de l’IR
conjugalisés
……………………………………………………….97
Annexe n° 3.
Seuils de RFR de l’année 2023 sur les revenus de 2022
pour les allègements de la taxe foncière (en
)
..............................................
100
Annexe n° 4.
Seuils d’assujettissement à la CSG et à la CRDS pour
les pensions de retraite et d’invalidité pour l’année 2023 (en
)
....................
102
LA PRISE EN COMPTE DE LA FAMILLE DANS LA FISCALITÉ
5
SYNTHÈSE
La Cour des comptes a enquêté sur la manière dont les différentes règles fiscales
prennent en compte la composition familiale (couple et enfants) pour la détermination de
l’impôt.
Les multiples dispositifs fiscaux mis en place pour tenir compte de la situation familiale
représentent des enjeux financiers considérables, presque 28 Md
. Souvent anciens, ils ont
généralement été institués dans un objectif de soutien à la natalité (création du quotient familial
après-guerre) qui s’est largement estompé depuis.
En vertu de l’article 13 de la Déclaration des
droits de l’Homme et du citoyen placée en tête de la Constitution, la contribution commune
indispensable à l’entretien de la force publique et aux dépenses d’administration «
doit être
également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés
». C’est ce principe de la
prise en compte des « facultés contributives », précisé par une abondante jurisprudence
constitutionnelle, qui justifie désormais l’existence de nombreux aménagements de la règle
fiscale en fonction de la composition familiale.
Le présent rapport n’a pas pour ambition d’en proposer une réforme d’ensemble, mais
plutôt de les analyser successivement pour en apprécier la portée, l’efficacité et l’efficience.
Les impôts indirects se prêtent peu à une modulation selon la composition familiale, si
bien que c’est l’impôt sur le revenu (IR), plus encore depuis la suppression de la taxe
d’habitation, qui concentre aujourd’hui l’essentiel de ces modulations. Cet état de fait résulte
aussi de choix anciens dans la constitution du système fiscal français. Ainsi, les prélèvements
sociaux (contribution sociale généralisée et cotisations sociales), dont le poids dans les
prélèvements obligatoires excède largement celui de l’IR (12 % et 33 % contre 7 %), sont des
prélèvements individualisés qu’il a été décidé de ne quasiment pas ajuster en fonction des
charges de famille au moment de leur création.
Bien qu’ils portent majoritairement sur l’IR, les dispositifs sont nombreux et sédimentés
depuis parfois des décennies. Remis en question par la croissance continue du taux d’activité
des deux conjoints, confrontés au principe d’égalité devant la loi et les charges publiques, qui
s’attache davantage à la réalité de la vie familiale qu’à ses formes juridiques, ces dispositifs ont
eu tendance à se rétracter au cours des quinze dernières années, comme l’illustre la réduction
sensible sur moyenne période de l’avantage fiscal attaché au quotient familial.
L’objet du présent rapport est d’examiner le fondement de ces dispositions fiscales dans
le contexte socio-économique actuel, d’analyser leur cohérence et d’apprécier leurs effets en
gestion pour les services fiscaux et les contribuables. Une étude des effets redistributifs de ces
mécanismes relatifs à l’impôt sur le revenu est ensuite présentée en analysant les alternatives
au système actuel au regard des dispositifs adoptés dans les autres pays.
À partir de ce panorama, la Cour propose, à travers ses recommandations, plusieurs
mesures de simplification et de rationalisation de la prise en compte de la composante familiale
par le système fiscal, sans modification substantielle des mécanismes de quotient conjugal et
familial et sans infléchissement significatif de la part du produit fiscal qui en dépend.
LA PRISE EN COMPTE DE LA FAMILLE DANS LA FISCALITÉ
6
1) Différents impôts modulés selon la composition familiale, pour un
coût global de 28 Md
L’impôt sur le revenu est le prélèvement qui tient le plus compte de la composition
conjugale et familiale des foyers fiscaux. Le principe est celui d’une imposition conjointe des
couples mariés et pacsés et d’une prise en compte des enfants au sein du foyer fiscal par le
mécanisme du quotient familial. Celui-ci attribue un certain nombre de parts au foyer fiscal :
une pour chaque adulte composant le foyer et des parts additionnelles pour les enfants. Ce
dispositif permet de répondre à l’exigence de prise en compte des facultés contributives de
chaque assujetti prévue par l’article 13 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen.
Des demi-parts fiscales additionnelles bénéficient également à certains contribuables placés
dans des situations particulières (invalidité, veuvage, anciens combattants, parents isolés).
Certains dispositifs hérités du passé apparaissent aujourd’hui trop favorables ou attachés à un
« statut » davantage qu’aux ressources et aux charges réelles de leurs bénéficiaires. Ils
gagneraient à être revus pour s’adapter à l’évolution du contexte socio-économique et
harmoniser le traitement fiscal de situations proches. Il en est ainsi de l’attribution d’une part
supplémentaire pour les veufs avec au moins un enfant à charge et de la demi-part au profit des
personnes vivant seules et ayant élevé un enfant majeur pendant cinq ans au cours desquels
elles vivaient seules. Par ailleurs, les raisons permettant d’expliquer l’hétérogénéité de
l’avantage fiscal résultant des différentes demi-parts additionnelles susceptibles d’être
attribuées en fonction, parfois d’une situation présente, parfois d’une situation passée,
n’apparaissent pas clairement.
D’autres dispositions permettent également de prendre en compte la composition
familiale dans la liquidation de l’impôt sur le revenu, qu’il s’agisse de la déductibilité des
pensions alimentaires pour ceux qui les versent ou de la modulation du plafond de certains
crédits d’impôts selon la présence d’un conjoint et d’enfants au sein du foyer fiscal. Le système
de décote qui permet d’atténuer les effets de l’entrée dans le barème d’imposition est, pour sa
part, partiellement conjugalisé et réduit fortement le nombre de foyers effectivement assujettis
à l’impôt sur le revenu
1
.
Si l’impôt sur le revenu est celui qui présente le plus haut degré de prise en compte du
conjoint et des enfants, il n’est pas le seul. Ainsi, l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) soumet
à imposition commune tous les couples, y compris les personnes vivant en union libre, et intègre
dans la base d’imposition les biens immobiliers détenus par les enfants à charge dès lors qu’ils
sont mineurs. La contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR) impose quant à elle
les très hauts revenus au moyen de deux barèmes, un pour les célibataires et un pour les couples,
sans toutefois prendre en compte la présence d’enfants. Les droits de succession et de donation
varient fortement en fonction de la proximité du bénéficiaire au défunt et accordent un statut
privilégié aux enfants. S’ils ne dépendent pas directement de la composition familiale, la taxe
foncière et les prélèvements sociaux (dont la CSG) présentent quelques allégements modulés
selon les revenus des foyers fiscaux et leur composition. Enfin, deux taxes à l’immatriculation
des véhicules (fonction des émissions de dioxyde de carbone et de la masse du véhicule)
prévoient un remboursement partiel aux familles d’au moins trois enfants.
1
Celui-ci s’est élevé, en 2021, à 17,6 millions de foyers imposés sur un total de 39,9 millions de foyers
fiscaux, soit une proportion de 44,2 % (cf. cahier statistique du rapport d’activité 2021 de la Direction générale
des finances publiques).
LA PRISE EN COMPTE DE LA FAMILLE DANS LA FISCALITÉ
7
La prise en compte du conjoint et des enfants diffère sensiblement selon les impôts. Les
couples en union libre sont imposés séparément à l’impôt sur le revenu mais conjointement au
titre de l’IFI. L’âge de prise en compte des enfants diffère également : possibilité de
rattachement jusqu’à 21 ou 25 ans pour l’impôt sur le revenu, rattachement des seuls enfants
mineurs pour l’IFI ou bien prise en compte jusqu’à 20 ans sous certaines conditions pour le
remboursement aux familles nombreuses de deux taxes à l’immatriculation.
L’impact sur les finances publiques de la prise en compte de la famille par le système
fiscal a atteint un peu plus de 28 Md
en 2021, dont 27,6 Md
au titre de l’impôt sur le revenu,
soit 1,1 % du PIB, 9,5 % des recettes fiscales nettes de l’État et 34,5 % du produit net de l’impôt
sur le revenu. L’imposition conjointe et le quotient familial qui en représentent la très grande
majorité ne sont toutefois pas considérés comme des avantages fiscaux coûteux pour l’État mais
comme des modalités d’imposition intégrées au régime juridique de l’impôt en vertu du
principe des capacités contributives.
La période récente a été marquée par un recul de la prise en compte de la composante
familiale par les impôts, qu’il s’agisse des baisses du plafond du quotient familial, de l’absence
de prise en compte de quotient familial dans la définition de la contribution exceptionnelle sur
les hauts revenus (CEHR) ou de la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences
principales qui était minorée pour les familles. Des réductions de deux impôts patrimoniaux
(impôt de solidarité sur la fortune et droits de succession) au profit des familles ont également
été supprimées.
2) Une complexité des règles fiscales source de difficultés en gestion
L’existence de multiples règles, différentes selon les impôts, ne facilite pas leur
appropriation par les contribuables et est source de complexité en gestion pour les services de
la Direction générale des finances publiques (DGFIP). Il est probable que la méconnaissance
de certains dispositifs conduise à des phénomènes de non recours (attribution d’une demi-part
supplémentaire pour parents isolés, réduction d’impôt au titre des frais de scolarité, allégement
de taxe foncière sur les propriétés bâties, malus CO
2
et taxe sur la masse en ordre de marche
des véhicules).
Par ailleurs, la complexité de la législation fiscale peut favoriser des irrégularités,
qu’elles soient intentionnelles ou non. A l’inverse des prestations sociales, très peu de contrôles
fiscaux étaient traditionnellement motivés par la vérification de l’exacte déclaration des
paramètres familiaux d’imposition, notamment en raison de la relative modestie des sommes
en jeu due au plafonnement des avantages familiaux. Toutefois, le développement récent du
repérage d‘anomalies au moyen de traitements de données en masse a déjà permis de procéder
à des vérifications ciblées de plusieurs milliers de dossiers pour des redressements d’un peu
plus de 3 M
. En dépit des droits modestes rappelés jusqu’à présent, le développement du
repérage automatique des anomalies constitue une avancée qu’il convient de conforter.
La gestion, par les DDFiP et les DRFiP des demandes de remboursement de deux taxes
à l’immatriculation des véhicules au profit des parents d’au moins trois enfants fait quant à elle
apparaître des insuffisances. La DGFiP gagnerait à développer un outil de gestion de ces
remboursements qui permettrait d’automatiser certains contrôles dont l’effectivité n’apparaît
pas aujourd’hui garantie.
LA PRISE EN COMPTE DE LA FAMILLE DANS LA FISCALITÉ
8
3) Des effets redistributifs discutés qui devraient être étudiés et
quantifiés de manière plus approfondie
Les mécanismes du quotient conjugal et du quotient familial opèrent une redistribution
dite « horizontale » (des célibataires vers les couples et des foyers sans enfant vers les foyers
avec enfants). Cependant, ils ont aussi pour conséquence de limiter la redistribution dite
« verticale » (des foyers aisés vers les foyers plus modestes) opérée par la progressivité de
l’impôt sur le revenu, les familles avec enfants les plus aisées en profitant par construction
davantage que les familles avec enfants plus modestes. Les effets du quotient familial sont
cependant plafonnés.
Il en résulte que les effets redistributifs globaux de la familialisation de l’impôt sur le
revenu sont complexes à appréhender. Tout d’abord, le quotient conjugal ne garantit pas de
gain systématique au mariage, notamment parce que le mécanisme de décote en faveur des
ménages les plus modestes n’est que partiellement conjugalisé. Ensuite, la conjugalisation est
fondée sur l’hypothèse d’un partage intégral des ressources au sein du couple, ce qui devrait
avoir pour contrepartie un partage entre les conjoints de l’avantage fiscal qui en résulte : or il
s’avère que seuls 64 % des couples mettent la totalité de leurs ressources en commun, ce qui
signifie que pour 36 % des couples, il n’y a pas nécessairement de symétrie entre imposition
commune et avantage de la conjugalisation. Enfin, les effets des quotients conjugal et familial
se concentrent sur les ménages les plus aisés, parmi lesquels les couples sont majoritaires par
rapport aux familles monoparentales.
Favorisant, par rapport à une imposition individuelle, les couples mono-actifs au
détriment des couples bi-actifs aux revenus proches, le mécanisme d’imposition conjointe des
couples mariés et pacsés est régulièrement dénoncé comme constituant une désincitation au
travail du second apporteur de ressource des foyers, très souvent les femmes. Dans le cas de
ménages imposables caractérisés par un écart de revenus suffisamment important au sein du
couple, le système fiscal conduit mécaniquement à diminuer le taux marginal d’imposition du
premier apporteur de ressources et à augmenter celui du second par rapport à une situation où
chacun des membres serait imposé individuellement. Cependant, son effet réel sur le taux
d’activité des femmes, s’il existe, semble faible, d’autres éléments apparaissant plus
déterminants, notamment les mécanismes mis en place pour concilier les vies familiale et
professionnelle.
Le nombre et la répartition des parts fiscales attachées aux quotient conjugal et familial
diffèrent de ceux qui résulteraient de l’application des « échelles d’équivalence » utilisées par
la statistique et par les gestionnaires de prestations sociales pour estimer les niveaux de vie réels
en fonction de la composition familiale. Aligner le nombre de parts fiscales relatives aux enfants
à charge sur l’échelle d’équivalence modifiée de l’OCDE conduirait à alourdir l’impôt sur le
revenu de 2,9 Md
environ, avec 3,75 millions de foyers fiscaux perdants, pour un montant
moyen de perte de 784
.
Le système fiscal français est plutôt généreux en termes de traitement du conjoint, les
couples avec enfants étant ainsi les principaux gagnants des quotients conjugal et familial. La
demi-part supplémentaire attribuée aux familles monoparentales, qui vise à compenser les plus
faibles économies d’échelles liées à l’isolement, apparaît cohérente avec les analyses des
niveaux de vie des familles. Le plafonnement de l’avantage en impôt découlant du quotient
familial, enfin, a été abaissé fortement en 2013 et 2014 ; il est étayé par les approches
LA PRISE EN COMPTE DE LA FAMILLE DANS LA FISCALITÉ
9
« subjectives » qui suggèrent qu’au-delà d’un certain niveau de revenu, la charge financière
relative à l’éducation d’un enfant s’apparente à un coût fixe, justifiant son plafonnement.
Le système français du quotient familial fait figure d’exception à l’international. Durant
les trente dernières années, la tendance générale dans les pays de l’Union européenne est allée
dans le sens d’une individualisation de l’impôt. Les mécanismes d’imposition séparée
n’excluent toutefois pas la reconnaissance d’une forme de solidarité au sein des foyers en
permettant de prendre en considération les revenus des deux membres du couple. La prise en
compte des enfants par un quotient familial est également singulière, d’autres pays tenant
compte des charges de parentalité par des mécanismes plus directs comme l’abattement, la
réduction d’impôt, le crédit d’impôt ou la modulation du barème de l’impôt.
Ces différents modèles ont inspiré des propositions de réformes du système actuel. Sont
ainsi régulièrement évoquées une individualisation de l’imposition et la prise en compte des
enfants par un mécanisme de crédits d’impôts. Le passage à l’imposition individuelle, outre
qu’elle soulève un enjeu de constitutionnalité, méconnaîtrait toutefois les solidarités familiales
au sein du couple dans le cas d’une individualisation complète sans prise en compte du conjoint,
comme cela est le cas dans certains pays. Elle présenterait également une incohérence avec le
système de prestations sociales qui prend en compte les revenus du conjoint et ne permettrait
plus de traiter de manière identique deux couples aux mêmes revenus agrégés. En sens inverse,
la possibilité d’ouvrir l’imposition conjointe aux couples non mariés ou non pacsés a également
été proposée. Ces différentes réformes auraient l’inconvénient d’entraîner des transferts de
charge massifs entre ménages et un coût important.
En tout état de cause, une réforme, quelle qu’elle soit, nécessite au préalable une
réflexion sur la redistributivité du système socio-fiscal pris dans son ensemble. Il convient de
rappeler à cet égard que si le coût des dispositions fiscales liées à la composante familiale est
estimé à 28 Md
en 2021, les prestations familiales représentaient un montant comparable de
29 Md
2
cette même année, auquel devrait être ajouté le montant des majorations liées au
couple et aux enfants qui existent pour la grande majorité des prestations monétaires sous
condition de ressources (aides au logement, minima sociaux, etc.) ainsi que les droits familiaux
de retraite (majorations de pension ou de durée d'assurance, pension de réversion...).
2
Direction de la sécurité sociale, « Dossier statistique des prestations familiales », édition 2022.
LA PRISE EN COMPTE DE LA FAMILLE DANS LA FISCALITÉ
10
RECOMMANDATIONS
Recommandation n° 1.
(DLF) : Aligner le régime fiscal des veufs ayant des enfants à charge
sur celui des parents isolés à l’issue d’une période transitoire consécutive au veuvage.
Recommandation n° 2.
(DLF) : Engager la suppression de la demi-part pour les personnes
vivant seules ayant un enfant majeur non rattaché qu’elles ont élevé pendant au moins cinq ans
au cours desquels elles vivaient seules.
Recommandation n° 3.
(DLF) :
Homogénéiser
progressivement
les
niveaux
de
plafonnement du gain en impôt procuré par les demi-parts additionnelles.
Recommandation n° 4.
(DLF) : Remplacer l’abattement en faveur des contribuables ayant
des enfants majeurs mariés ou chargés de famille rattachés à leur foyer fiscal par l’attribution
des mêmes parts de quotient familial que pour les enfants mineurs.
Recommandation n° 5.
(DLF) Évaluer les effets de l’absence de conjugalisation de l’impôt
sur la fortune immobilière et proposer des scénarios d’évolution.
Recommandation n° 6.
(DLF, DSS) Uniformiser les majorations de revenu fiscal de
référence pour toutes les demi-parts supplémentaires dans la détermination des seuils
d’allègements fiscaux en matière de taxe foncière et de contributions sociales.
Recommandation n° 7.
(DGFiP) : Prévoir une obligation de dépôt des justificatifs attachés à
la déclaration des revenus sur l’espace personnel numérique pour toute première demande d’un
avantage lié à la situation familiale.
Recommandation n° 8.
(DGFiP) Évaluer les effets du dispositif mis en place en 2023 pour
s’assurer que les pensions alimentaires déduites du revenu imposable sont symétriquement
déclarées par leurs bénéficiaires.
Recommandation n° 9.
(DGFiP, DSS) : Redresser, le cas échéant, les droits éludés de taxe
foncière et de contributions sociales consécutivement à un contrôle fiscal ayant conduit à
majorer le revenu fiscal de référence ou à minorer le nombre de parts fiscales.
Recommandation n° 10.
(DGFiP) : Mettre à disposition des services gestionnaires un
applicatif de gestion des remboursements de malus CO
2
et de la taxe sur la masse en ordre de
marche.
LA PRISE EN COMPTE DE LA FAMILLE DANS LA FISCALITÉ
11
INTRODUCTION
Différents impôts, s’appuyant sur les principes du Code civil, tiennent compte de la
composition conjugale et familiale des foyers qui y sont assujettis. Cela permet d’adapter
l’impôt aux capacités contributives, conformément à l’article 13 de la Déclaration des droits de
l’Homme et du citoyen qui prévoit que «
Pour l’entretien de la force publique, et pour les
dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être
également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés
».
La Cour s’est penchée sur ces dispositifs parfois anciens qui se sont sédimentés et dont
le fondement n’apparaît plus aujourd’hui pleinement assuré pour plusieurs d’entre eux.
L’impôt sur le revenu (IR), qui prévoit l’imposition conjointe des couples mariés et
pacsés ainsi que des enfants, est celui qui prend le plus en compte la composition familiale des
redevables. Si les impôts indirects se prêtent peu à une modulation selon la composition
familiale, dans le champ des impôts directs et personnels, la prépondérance de l’IR parmi les
impôts soumis à la configuration familiale découle de choix historiques qui ont conduit
notamment, à ce que les prélèvements sociaux (CSG et cotisations sociales), dont le poids dans
les prélèvements obligatoires excède largement celui de l’IR (12 % et 33 % contre 7 %), soient
à l’inverse individualisés. D’autres prélèvements sont néanmoins modulés selon la structure
familiale des assujettis, avec un poids cependant plus faible que celui de l’IR.
Le présent rapport présente tout d’abord l’ensemble des dispositifs de prise en compte
de la famille par les différents impôts. La première partie analyse en détail les dispositions
relatives à l’IR et formule des recommandations d’évolution de certaines d’entre elles à des fins
de simplification et de cohérence mais sans altérer la logique générale ni chercher à optimiser
le rendement de l’impôt. Les autres impôts comportant une dimension familiale sont ensuite
présentés, qu’il s’agisse de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR), des
contributions sociales (dont la CSG), des droits de succession et donation, de l’impôt sur la
fortune immobilière (IFI), de la taxe foncière sur les propriétés bâties et de deux taxes liées à
l’immatriculation des véhicules
3
. Si ces impôts ont pour caractéristique commune d’intégrer
des dispositifs liés à la famille, le traitement du conjoint et des enfants peut être très hétérogène
et manque de cohérence. Une évaluation du coût total de ces dispositifs est également présentée
(I).
Les développements suivants sont consacrés à la gestion de ces dispositifs par les
services fiscaux. Ils relèvent leur complexité, tant pour les contribuables que pour les
gestionnaires, ainsi que les actions limitées, mais qui se développent, de contrôle fiscal. Le
développement de requêtes mobilisant de nombreuses données quantitatives (data mining)
renforce les moyens de déceler d’éventuelles irrégularités (II).
La troisième partie analyse les effets redistributifs de l’imposition conjointe des couples
à l’IR et du système de quotient familial prenant en compte les enfants à charge. Elle examine
si les mécanismes à l’
œ
uvre parviennent à répondre aux objectifs de redistribution horizontale
et verticale. Des modes d’imposition alternatifs inspirés d’autres pays sont présentés ainsi que
3
Le crédit d’impôt famille n’est pas abordé : s’il vise à inciter les entreprises à effectuer des dépenses
permettant à leur personnel de mieux concilier vie familiale et vie professionnelle, il ne contribue pas à une
modulation de l’impôt selon la composition familiale des redevables.
LA PRISE EN COMPTE DE LA FAMILLE DANS LA FISCALITÉ
12
les propositions d’évolution du système français qui sont présentes dans le débat public.
L’analyse s’achève par le rappel que les effets redistributifs d’une réforme des paramètres
familiaux d’imposition doivent être évalués dans le cadre du système socio-fiscal pris dans sa
globalité (III).
LA PRISE EN COMPTE DE LA FAMILLE DANS LA FISCALITÉ
13
1
UNE PRISE EN COMPTE DE LA STRUCTURE FAMILIALE
DIFFERENTE SELON LES IMPOTS
Principe à valeur constitutionnelle, la détermination de l’impôt en fonction des facultés
contributives conduit à tenir compte de la structure familiale dans la législation fiscale. Si
l’impôt sur le revenu est celui qui présente le plus haut degré de prise en compte du conjoint et
des enfants, c’est également le cas d’autres impôts (impôt sur la fortune immobilière, taxe
foncière, contributions sociales, droits de succession, taxes à l’immatriculation) suivant des
modalités hétérogènes.
1.1
Un impôt sur le revenu largement déterminé par la composition
familiale
1.1.1
Une imposition par foyer fiscal
Créé en 1914, l’impôt sur le revenu présente un haut degré de familialisation. Il assujettit
en effet les redevables d’un même foyer fiscal à une déclaration unique qui agrège les revenus
de l’ensemble de ses membres. Le foyer fiscal correspond à une situation objective et
légalement constatée (mariage, pacte civil de solidarité – PACS). Il ne prend pas en compte le
concubinage, qui est une situation de fait. Ainsi, les personnes mariées et pacsées doivent
souscrire une déclaration commune, cette règle générale admettant cependant des exceptions :
-
lorsque les conjoints (mariés ou pacsés) sont séparés de biens et ne vivent pas sous
le même toit ;
-
lorsqu'étant en instance de séparation de corps ou de divorce, les conjoints ont été
autorisés à avoir des résidences séparées ;
-
lorsqu'en cas d'abandon du domicile conjugal par l'un ou l'autre des conjoints,
chacun dispose de revenus distincts ;
-
l’année du mariage ou de la conclusion du Pacs, les conjoints peuvent opter pour
une imposition distincte de leurs revenus personnels ;
-
l’année du divorce ou de la rupture de Pacs, les deux ex conjoints doivent chacun
déposer une déclaration de revenus individuelle avec les revenus pour l’année
entière quelle que soit la date du divorce ou de la rupture de Pacs.
À l’inverse, les personnes en union libre appartiennent à deux foyers fiscaux différents.
À ce titre, elles doivent remplir chacune une déclaration de revenus en indiquant qu’elles sont
célibataires.
Les foyers fiscaux comprennent les enfants à charge, mineurs ou, quel que soit leur âge,
handicapés s’ils ne sont pas en état de subvenir à leurs besoins. Les personnes invalides autres
que les enfants peuvent être également comptées à charge quel que soit leur âge si elles vivent
sous le toit du contribuable et sont titulaires de la carte d’invalidité ou de la carte mobilité
LA PRISE EN COMPTE DE LA FAMILLE DANS LA FISCALITÉ
14
inclusion mention « invalidité ». Sur option, peuvent également être rattachés au foyer fiscal
les enfants majeurs jusqu’à 21 ans ou jusqu’à 25 ans s’ils poursuivent des études.
Au titre de l’impôt sur les revenus de 2021, la France comptait 40,3 millions de foyers
fiscaux soit 1,7 personne en moyenne par foyer fiscal.
1.1.2
Une exigence constitutionnelle de prise en compte des charges de famille
L’article 13 précité de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen prévoit que
l’imposition des revenus tient compte des facultés contributives de chacun et constitue le
fondement de plusieurs décisions du conseil constitutionnel.
Ainsi, par sa décision n° 2012-662 relative à la loi de finances pour 2013, celui-ci a
censuré l’article de loi instituant la contribution exceptionnelle de solidarité sur les très hauts
revenus d’activité (dite « taxe à 75% ») au motif que, s’agissant d’une imposition sur le revenu
par personne physique sans prise en considération de l’existence du foyer fiscal, elle a
«
méconnu l’exigence de prise en compte des facultés contributives » et « le principe d’égalité
devant les charges publiques
». Le juge constitutionnel considère en effet que «
deux foyers
fiscaux bénéficiant du même niveau de revenu issu de l’activité professionnelle pourraient se
voir assujettis à cette contribution ou au contraire en être exonérés, selon la répartition des
revenus entre les contribuables composant ce foyer
».
1.1.2.1
Une atténuation de la progressivité de l’impôt permise par le système du quotient
familial
Le barème de l’impôt sur le revenu est progressif, ce qui signifie que le taux moyen
d’imposition croît avec les revenus. Sans mécanisme particulier, un couple biactif dont chaque
conjoint perçoit 20 000
de revenus se verrait appliquer un taux d’imposition supérieur à celui
d’un célibataire percevant la même somme du fait de cette progressivité.
Tableau n° 1 :
Barème de l’impôt sur le revenu applicable aux revenus de 2022
Tranches
Taux d'imposition*
Jusqu'à 10 777
0%
De 10 777
à 27 478
11%
De 27 478
à 78 750
30%
De 78 750
à 168 994
41%
Plus de 168 994
45%
Source : législation
* le taux indiqué s’applique sur la tranche d’imposition considérée
Pour prendre en compte la composition familiale des foyers fiscaux et répondre à
l’exigence constitutionnelle des facultés contributives, le système de quotient familial a été mis
en place au lendemain de la seconde guerre mondiale. À chaque foyer fiscal est associé un
nombre de parts fiscales fonction de sa composition. Le premier membre du foyer vaut une
LA PRISE EN COMPTE DE LA FAMILLE DANS LA FISCALITÉ
15
part, l’éventuel second adulte une part de plus, chaque enfant représente une demi-part
supplémentaire et une part entière à partir du troisième. D’autres majorations du quotient
familial existent pour prendre en compte des situations particulières (veuvage, invalidité, parent
isolé, ancien combattant).
Le barème progressif de l’IR s’applique au revenu imposable par part. Le résultat ainsi
obtenu est ensuite multiplié par le nombre de parts du foyer fiscal pour déterminer l’impôt dû.
Par exemple, pour un même revenu de 50 000
, le taux moyen d’imposition d’un célibataire
sera de 17,2 %, d’un couple sans enfant de 12,5 % et d’un couple avec deux enfants de 11,7 %.
Ces règles permettent d’appliquer, à revenu du foyer égal, un taux marginal plus faible au foyer
fiscal qui a les charges de famille les plus élevées. Selon les décisions n°2012-662 et 2013-685
du Conseil constitutionnel relatives aux lois de finances pour 2013 et 2014,
« il résulte de l’objet
même du mécanisme du quotient familial et de son plafonnement que les contribuables ayant
des enfants à charge sont traités différemment, d’une part, des contribuables sans enfant à
charge et, d’autre part, selon le nombre d’enfants à charge
».
Tableau n° 1 :
Cas types de calcul d’impôt sur le revenu dû pour trois foyers de même revenu à la
composition différente (IR 2023 sur revenus 2022)
Célibataire
Couple marié ou
pacsé sans enfant
Couple marié ou
pacsé avec deux
enfants
Revenu imposable
50 000
50 000
50 000
Nombre de parts
1
2
3
Revenu imposable/part
50 000
25 000
16 667
Impôt à payer
8 594
3 129
1 944
Taux marginal d'imposition
30,0%
11,0%
11,0%
Taux moyen d'imposition
17,2%
12,5%
11,7%
Source : code général des impôts, calculs Cour des comptes
Toutefois, si le mécanisme du quotient familial permet de répondre à l’exigence
constitutionnelle de prise en compte de la composition familiale dans la détermination de
l’impôt, celle-ci peut être atteinte par d’autres moyens. En effet, dans la décision n° 2012-662,
le Conseil a jugé, au sujet de l’abaissement du plafond du quotient familial, que la nature du
mécanisme permettant la prise en compte des charges de famille n’était pas définie : «
l’article
13 de la Déclaration de 1789 n’impose pas que la prise en compte des charges de famille pour
apprécier les facultés contributives ne puisse résulter que d’un mécanisme de quotient
familial
».
LA PRISE EN COMPTE DE LA FAMILLE DANS LA FISCALITÉ
16
1.1.2.2
De nombreuses majorations du quotient familial répondant à des finalités
diverses
Si le principe général de la détermination du nombre de parts fiscales repose sur la
composition du foyer
4
, il existe plusieurs cas de majorations du nombre de parts pour la prise
en compte de situations particulières. Dans le cas général, l’attribution de parts fiscales aux
membres du foyer n’est pas considérée comme une dépense fiscale au contraire des majorations
du nombre de parts prenant en compte ces situations particulières. Ces dispositifs répondent à
des finalités diverses : prendre en compte des charges spécifiques qui limitent les capacités
contributives, faciliter le maintien du niveau de vie des familles en cas de veuvage ou exprimer
une reconnaissance de la Nation par des mécanismes plus favorables pour les anciens
combattants. Définis il y a plusieurs années en fonction des circonstances de l’époque, certains
mécanismes apparaissent aujourd’hui datés au vu de l’évolution de la société et posent des
questions de cohérence. Ils conduisent à imposer différemment des foyers sans que ces
différences soient liées à leur niveau de revenus ou de charges.
1.1.2.2.1
Des majorations justifiées par l’existence de charges particulières
Une majoration du nombre de demi-parts pour prise en compte de l’invalidité
Chacun des adultes du foyer peut disposer d’une demi-part supplémentaire de quotient
familial s’il est titulaire d’une pension (militaire ou d’accident du travail) d’invalidité d’au
moins 40 %, de la carte d’invalidité ou de la carte mobilité inclusion (CMI) mention
« invalidité ». Cette majoration est également applicable aux personnes à charge du foyer si
elles sont titulaires de la carte d’invalidité ou de la CMI mention « invalidité ».
Cette majoration se justifie par le fait que les personnes souffrant d’invalidité sont
exposées à des charges supplémentaires. Pour déterminer leur capacité contributive, il est
considéré que le revenu de leur foyer doit être divisé par un nombre de parts plus élevé que
celui des autres foyers de mêmes caractéristiques. Ses conditions de mise en
œ
uvre doivent
toutefois être examinées car il est possible qu’une part non négligeable de contribuables qui en
bénéficient n’y soient pas éligibles (cf. partie 2.2.2).
L’attribution de cette demi-part supplémentaire est une dépense fiscale dont le coût est
estimé à environ 630 M
en 2023
5
pour un peu plus d’un million et demi de foyers fiscaux
concernés, soit un avantage moyen d’environ 360
par foyer.
4
Les personnes à charge sont les enfants mineurs, handicapés quel que soit leur âge, les personnes
invalides (titulaires de la carte d’invalidité ou de la carte mobilité inclusion mention « invalidité ») autres que les
enfants si elles vivent en permanence dans le foyer fiscal.
5
Ce chiffrage ainsi que tous les autres mentionnés dans ce rapport est issu du tome II du rapport sur les
Voies et moyens
annexé au PLF pour 2023.
LA PRISE EN COMPTE DE LA FAMILLE DANS LA FISCALITÉ
17
Une demi-part supplémentaire pour les parents isolés
Les personnes vivant seules ayant des personnes à charge bénéficient d’une demi-part
supplémentaire. Cette demi-part était aussi attribuée aux personnes en union libre avant que la
LFI pour 1996 ne recentre cet avantage sur les seuls parents isolés. D’un point de vue théorique,
cette demi-part se justifie par le fait que le coût d’un enfant est supérieur pour un parent isolé à
ce qu’il est pour un couple (cf. partie 3.4). Sa mise en
œ
uvre met en lumière des risques non
négligeables d’irrégularité en raison de la difficulté de contrôler la situation de fait consistant à
vivre seul.
Cette dépense fiscale coûte environ 800 M
pour 1,7 million de ménages bénéficiaires,
soit un gain moyen de 460
par ménage bénéficiaire.
1.1.2.2.2
Une majoration pour les anciens combattants au titre de la reconnaissance de la
Nation
Une demi-part supplémentaire est accordée aux anciens combattants de plus de 74 ans.
Ils doivent être titulaires de la carte du combattant, d’une pension militaire d’invalidité ou de
victime de guerre. Cette majoration est également accordée aux personnes de plus de 74 ans
dont le conjoint décédé bénéficiait de la demi-part ou détenait la carte du combattant au moment
de son décès. L’attribution de cette demi-part procède davantage d’une volonté de
reconnaissance de la Nation que de l’existence de charges supplémentaires réduisant la capacité
contributive des anciens combattants ou veuves d’anciens combattants.
Une extension de l’attribution de la demi-part pour les conjoints survivants d’anciens
combattants en LFI 2023
L’article 8 de la LFI pour 2023 a élargi le champ des bénéficiaires de la demi-part accordée aux
conjoints survivants d’anciens combattants.
Jusque-là, les conjoints survivants de plus de 74 ans pouvaient bénéficier d’une demi-part
supplémentaire dans deux cas :
-
le conjoint défunt était âgé de plus de 74 ans au moment de son décès et titulaire de
la carte du combattant ou d’une pension militaire d’invalidité ou de victime de guerre ;
-
depuis l’imposition des revenus de 2021, le conjoint décédé était âgé de moins de
74 ans et avait bénéficié de la retraite du combattant.
En pratique, seuls étaient éligibles au dispositif les conjoints survivants de plus de 74 ans dont le
conjoint, ancien combattant, était décédé après l’âge d’attribution de la retraite du combattant
(65 ans dans le cas général, 60 ans dans certains cas particuliers). Pour les conjoints décédés
avant l’âge de 74 ans, la LFI pour 2023 a substitué la condition de détention de la carte du
combattant au moment du décès à la condition d’avoir perçu la retraite du combattant.
Désormais, les conjoints survivants d’anciens combattants, peuvent, pourvu qu’ils aient plus de
74 ans, bénéficier de la majoration de quotient familial quel que soit l’âge de décès de leur
conjoint s’il était titulaire de la carte du combattant au moment de son décès. Le coût de cette
extension est évalué à environ 100 M
par an.
LA PRISE EN COMPTE DE LA FAMILLE DANS LA FISCALITÉ
18
Cette dépense fiscale coûte 520 M
par an pour un peu plus de 850 000 ménages
bénéficiaires, soit un gain moyen d’environ 600
par ménage. Après avoir fortement crû durant
la première moitié des années 2010 en raison de l’atteinte de l’âge de 74 ans, âge d’éligibilité
de la demi-part de nombreux combattants de la guerre d’Algérie, le coût de cette demi-part est
stabilisé.
Graphique n° 1 :
Nombre de foyers bénéficiaires et coût de la demi-part supplémentaire pour les
anciens combattants
Source : annexe budgétaire Voies et moyens tome II
1.1.2.2.3
Deux dispositifs anciens aux fondements incertains
Une part supplémentaire au profit des veufs et veuves dont la justification paraît incertaine
Les veufs et veuves qui ont une personne à charge bénéficient d’une majoration d’une
part entière de leur quotient familial tant qu’elles ne sont pas remariées. Les contribuables veufs
ayant une ou plusieurs personnes à charge conservent ainsi la part de leur conjoint décédé et
bénéficient ainsi d’un nombre de parts égal à celui des contribuables mariés ou pacsés ayant le
même nombre de personnes à charge. Ce maintien du quotient conjugal en cas de veuvage est
très ancien puisqu’il a été créé en 1929. Le fait d’être veuf n’induisant pas des charges
supplémentaires par rapport à celles d’un autre foyer de composition identique, la justification
de cet avantage n’apparaît pas aisément. D’une part, il attribue une part entière contre une demi-
part pour les parents isolés et d’autre part les conditions d’attribution sont très larges. Une
personne qui a perdu son conjoint peut en bénéficier même si elle ne vit pas seule (il faut qu’elle
ne soit pas remariée ou pacsée) et si les personnes à charge (enfants ou invalides recueillis) ne
sont pas issues de l’union avec le conjoint décédé.
Une personne sans enfant au moment de son veuvage, mais vivant en union libre avec
un enfant issu de cette nouvelle union bénéficiera donc de cet avantage fiscal. Cette dépense
fiscale apparaît ainsi insuffisamment ciblée et pourrait constituer par ailleurs une incitation au
0
100
200
300
400
500
600
0
100 000
200 000
300 000
400 000
500 000
600 000
700 000
800 000
900 000
1 000 000
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
Nombre de foyers bénéficiaires (éch. gauche)
Coût budgétaire (M
) (éch. droite)
LA PRISE EN COMPTE DE LA FAMILLE DANS LA FISCALITÉ
19
« non remariage » en dépit de son plafonnement alors que la fiscalité est réputée devoir être la
plus neutre possible vis-à-vis des comportements matrimoniaux. Elle conduit à traiter de
manière plus favorable les veufs que les autres parents isolés ayant un enfant à charge, ce qui
ne paraît pas justifié par des différences de charges ni de facultés contributives sauf durant la
période qui suit immédiatement le veuvage, qui peut être marquée par une baisse brutale des
revenus du foyer. Une fois passée la période d’adaptation à la nouvelle situation financière, un
alignement sur le régime fiscal applicable aux parents isolés pourrait être envisagé pour les
personnes veuves vivant seules avec un enfant à charge qui conserveraient ainsi le bénéfice
d’une demi-part supplémentaire (elles ne perdraient qu’une demi-part).
Cet avantage fiscal bénéficie aujourd’hui à environ 140 000 ménages pour un coût
budgétaire d’environ 110 M
, soit un gain moyen d’environ 800
pour les ménages concernés.
Une telle mesure de recentrage ne constituerait donc pas une mesure de rendement budgétaire
conséquente mais une mesure de rationalisation d’un dispositif insuffisamment ciblé.
Recommandation n° 1.
(DLF) : Aligner le régime fiscal des veufs ayant des enfants à
charge sur celui des parents isolés à l’issue d’une période transitoire consécutive au
veuvage.
Une suppression à envisager de la demi-part pour les personnes seules ayant élevé seules des
enfants qui ne sont plus à leur charge
Les personnes vivant seules ayant un enfant majeur non rattaché à leur foyer
6
et ayant
élevé cet enfant pendant au moins cinq ans durant lesquels elles vivaient seules bénéficient
d’une demi-part supplémentaire. Cet avantage est issu d’un dispositif mis en place au lendemain
de la seconde guerre mondiale pour prendre en compte la situation des veuves de guerre. Il
consistait à l’époque en l’attribution d’une demi-part supplémentaire pour les célibataires,
divorcés et veufs n’ayant plus d’enfant à charge mais ayant eu un ou plusieurs enfants faisant
désormais l’objet d’une imposition distincte
7
.
Le bénéfice de cet avantage a été resserré en 2003 et conditionné au fait de vivre seul.
Il a ensuite été restreint par la loi de finances pour 2009 qui y a ajouté la condition d’avoir
supporté à titre exclusif ou principal la charge d’enfant pendant au moins cinq années au cours
desquelles le contribuable vivait seul. Ce recentrage a permis de réduire le coût de cette dépense
fiscale, passé de 1,7 Md
en 2009 (imposition des revenus de 2008) à 0,6 Md
aujourd’hui,
mais elle bénéficie toujours à plus de 1,2 million de ménages et leur assure un gain moyen de
presque 500
.
Cette disposition n’apparaît pas justifiée par des différences de facultés contributives.
L’existence d’un enfant majeur non rattaché au foyer, même s’il a été élevé seul par le
contribuable, est neutre sur la capacité contributive actuelle du foyer fiscal. Si l’éducation de
cet enfant a occasionné un surcoût au moment où il était mineur, celui-ci a déjà été pris en
compte à ce moment-là par l’attribution de la demi-part pour les parents isolés. En outre, si une
aide différée apportée à un parent ayant élevé seul un enfant pourrait se justifier par le
6
Ou mineur imposé en son nom propre ou décédé après l’âge de 16 ans ou par suite de faits de guerre.
7
Ou ayant eu un enfant décédé après l’âge de 16 ans ou par suite de faits de guerre.
LA PRISE EN COMPTE DE LA FAMILLE DANS LA FISCALITÉ
20
ralentissement de l’évolution professionnelle induite par la charge d’enfant, il n’est pas évident
qu’elle doive être prise en charge par l’impôt sur le revenu, qui est réputé assujettir les ménages
selon leurs capacités contributives présentes. L’attribution de cette demi-part, non liée au
nombre de personnes effectivement à charge, représente une importante dérogation au principe
du quotient familial de prendre en compte les facultés contributives réelles.
Cet avantage présente également l’inconvénient de ne pas être neutre par rapport à la
situation matrimoniale des contribuables. En effet, un contribuable ayant élevé seul pendant au
moins cinq ans un enfant aujourd’hui majeur pourrait retirer un gain financier à une séparation
s’il s’est depuis remarié ou pacsé.
Outre ces défauts, ce dispositif présente également de forts risques de fraude et apparaît
particulièrement difficile à contrôler (cf. 2.1.2.3
infra
). Pour toutes ces raisons, la Cour
recommande d’aller au terme des évolutions intervenues depuis 2003 en procédant à sa
suppression.
Recommandation n° 2.
(DLF) : Engager la suppression de la demi-part pour les
personnes vivant seules ayant un enfant majeur non rattaché qu’elles ont élevé pendant
au moins cinq ans au cours desquels elles vivaient seules.
1.1.2.3
Un plafonnement des avantages résultant du quotient familial hétérogène selon
les dispositifs
L’attribution de parts fiscales au foyer atténue la progressivité de l’imposition. La loi
prévoit que cet avantage est, dans certains cas, plafonné pour éviter qu’il soit croissant avec le
revenu et afin que l’impôt conserve une fonction de redistribution verticale (cf. partie 3). Selon
le juge constitutionnel «
le plafonnement du quotient familial ne remet pas en cause la prise en
compte des facultés contributives qui résulte de cette différence de situation
»
8
.
La part fiscale attribuée au second adulte du foyer ne fait pas, en droit, l’objet d’un
plafonnement. Dans les faits, et pour les seuls revenus du haut de la distribution, son effet est
plafonné puisqu’il atteint un maximum lorsque le premier apporteur de revenus perçoit le
double du seuil d’entrée dans la dernière tranche d’imposition tandis que l’autre adulte du foyer
n’a pas de revenus. Le gain en impôt est alors d’environ 22 000
. Au-delà, le couple est imposé
à la tranche marginale supérieure c’est-à-dire à un taux de 45 %.
L’effet, en impôt, de la majoration du quotient familial procuré par les autres parts
fiscales est en revanche plafonné par la loi depuis 1982. Au titre de l’imposition des revenus de
2022, l’avantage maximal retiré en impôt de la demi-part atteint 1 678
. S’il est revalorisé
chaque année à hauteur de l’inflation, ce plafond a fait l’objet de deux fortes réductions
récentes : de 2 336
en 2012 (imposition des revenus de 2011), il a été réduit à 2 000
en 2013
puis à 1 500
en 2014.
Le niveau du plafonnement est différent selon les demi-parts considérées.
8
Décisions n° 2012-662 du 29 décembre 2012 (loi de finances pour 2013) et 2013-685 du 29 décembre
2013 (loi de finances pour 2014).
LA PRISE EN COMPTE DE LA FAMILLE DANS LA FISCALITÉ
21
Tableau n° 2 :
Plafonds des avantages procurés par les demi-parts de quotient familial
Nombre de
parts
apportées
par
l'avantage
Plafond de
la demi-
part
Nombre de
parts avec
un adulte
et un
enfant
Avantage
maximal
avec un
enfant
Cas général
0,5
1 678
1,5
1 678
Personne vivant seule ayant élevé un enfant
désormais majeur seule au moins 5 ans
0,5
1 002
- *
- *
Parent isolé
0,5
2 281
**
2,0
3 959
Invalides, anciens combattants
0,5
1 673
***
2,0
3 351
Veuf avec enfant à charge
1,0
1 868
***
2,5
6 902
Source : code général des impôts
* Une personne qui prétend à cette demi-part n’a plus à charge l’enfant qu’elle a élevé au moins cinq
ans alors qu’elle vivait seule
** Seul le chiffre de 3 959
(avantage maximal avec un enfant) figure dans la loi, ce chiffre a été
reconstitué en soustrayant l’avantage maximal de la demi-part (1 678
).
*** Ces chiffres ne représentent pas à proprement parler le plafond d’une demi-part supplémentaire mais
une réduction complémentaire en cas d’atteinte du plafond de l’avantage fiscal.
Si le législateur juge que l’avantage procuré par une demi-part ne doit pas dépasser un
certain plafond, il n’apparaît pas clairement pourquoi ce plafond serait distinct selon la nature
des demi-parts.
L’hétérogénéité des plafonds existants est de surcroît marquée. Le plafond de l’avantage
en impôt procuré par la demi-part pour parents isolés excède ainsi de près de 600
(plus d’un
tiers) le plafond de droit commun.
L’avantage accordé aux veufs avec une personne à charge est encore plus élevé. S’il
leur est accordé deux demis parts supplémentaires dont l’effet est plafonné selon les règles de
droit commun, ils bénéficient d’une réduction complémentaire de 1 868
si le plafond est
atteint. Cela rehausse l’avantage maximal en impôt qu’ils peuvent retirer du quotient familial.
Cette réduction supplémentaire a été créée par la LFI pour 2013 pour compenser la baisse du
plafond de droit commun de 336
.
Tableau n° 3 :
Plafond de l’avantage pour les veufs avec au moins un enfant à charge
Général
(1)
Réduction
supplémentaire
veufs (2)
Avantage
veufs =
2* (1) + (2)
2012
2 336
0
4 672
2013
2 000
672
4 672
2014
1 500
1 672
4 672
2023
1 678
1 868
5 224
Source : code général des impôts
Cette réduction complémentaire pour les veufs ne se justifie pas par une moindre
capacité contributive. Les avantages fiscaux qui leur bénéficient (notamment l’attribution d’une
part de quotient familial) étant déjà importants, la justification d’avoir sanctuarisé le montant
LA PRISE EN COMPTE DE LA FAMILLE DANS LA FISCALITÉ
22
maximum en impôt qu’ils peuvent retirer de cette demi-part additionnelle n’apparaît pas
clairement (cf. recommandation n° 1 ci-dessus).
De même, le plafond attaché à la demi-part pour les personnes invalides et anciens
combattants a été relevé à due concurrence des deux baisses de plafond de 2013 et 2014, de
sorte que l’avantage maximal en impôt procuré par un enfant invalide reste inchangé.
Curieusement, le plafond de l’avantage en impôt procuré par la demi-part pour parents isolés
n’a pas varié à l’occasion de la baisse du plafond du quotient familial de 2013 mais a été réduit
du même montant (500
) que le plafond de la demi-part l’année suivante.
Le plafond attaché à la demi-part pour les personne seules ayant élevé seules pendant
au moins cinq ans un enfant désormais majeur a par ailleurs été préservé lors des deux dernières
baisses de plafond de droit commun (2013 et 2014).
Dans la mesure où le plafonnement des effets du quotient familial a été institué pour
limiter le gain induit par le quotient familial pour les hauts revenus, l’existence de niveaux
différents de plafonnement selon les demi-parts additionnelles peine à trouver une justification,
d’autant plus qu’elle ne profite qu’aux plus hauts niveaux de revenus.
Tandis qu’à son instauration (1982), le plafonnement du gain en impôt était le même
pour l’ensemble des demi-parts additionnelles (7 500 F), différents choix politiques
(notamment la volonté de sanctuariser l’avantage maximal pour certains publics à l’occasion
de la baisse du plafond de la demi-part de droit commun) ont conduit à l’existence de plafonds
différents rendant le système très peu lisible.
Recommandation n° 3.
(DLF) :
Homogénéiser
progressivement
les
niveaux
de
plafonnement du gain en impôt procuré par les demi-parts additionnelles.
1.1.2.4
L’existence d’un abattement pour enfants mariés ou chargés de famille
Les enfants majeurs mariés, pacsés ou chargés de famille peuvent être rattachés au foyer
fiscal de leurs parents s’ils ont moins de 21 ans ou moins de 25 ans et qu’ils poursuivent leurs
études
9
. Un enfant marié ou pacsé peut demander le rattachement de son foyer au foyer de ses
parents ou de ses beaux-parents mais pas aux deux.
Contrairement à l’avantage accordé dans le cas de rattachement d’un enfant majeur qui
consiste en l’attribution d’une majoration du quotient familial, le rattachement d’un enfant
marié ou chargé de famille se traduit par le bénéfice d’un abattement sur le revenu imposable
du foyer de rattachement de 6 368
(imposition des revenus de 2022) par personne ainsi
rattachée. Le foyer de rattachement doit ajouter à ses revenus ceux de l’enfant rattaché.
Les raisons pour lesquelles l’avantage en impôt prend la forme d’un abattement et non
d’une majoration du quotient familial n’apparaissent pas clairement. Il aurait été plus lisible
d’attribuer une majoration de quotient familial pour les personnes à charge comme cela est fait
dans le cas général pour prendre en compte les charges de famille.
9
Cela n’est pas conditionné au fait que les enfants majeurs vivent sous le toit de leurs parents.
LA PRISE EN COMPTE DE LA FAMILLE DANS LA FISCALITÉ
23
Il est par ailleurs discutable que cette mesure soit considérée comme une dépense fiscale
alors que l’avantage fiscal dans le cas de rattachement d’un enfant majeur non marié ou chargé
de famille n’en est pas une. Cette mesure fiscale dérogatoire ne concerne toutefois qu’un
nombre très restreint de contribuables (2 500 ménages pour un coût de 2 M
) et est en forte
diminution depuis 2008 : le nombre de bénéficiaires a été divisé par plus de deux en dix ans
pour ne représenter aujourd’hui que moins de 0,01 % des foyers fiscaux.
Graphique n° 2 :
Nombre de foyers bénéficiaires et coût de l’abattement en faveur des contribuables
ayant des enfants mariés ou chargés de famille rattachés à leur foyer fiscal
Source : annexe budgétaire Voies et moyens tome II
L’absence de justification de cet abattement ainsi que le très faible nombre de foyers
qui y ont recours plaident pour sa suppression et l’attribution du bénéfice de droit commun
(majoration du nombre de parts fiscales) aux contribuables concernés. Cela permettrait une
simplification de la loi fiscale et du formulaire de déclaration des revenus.
Recommandation n° 4.
(DLF) : Remplacer l’abattement en faveur des contribuables
ayant des enfants majeurs mariés ou chargés de famille rattachés à leur foyer fiscal par
l’attribution des mêmes parts de quotient familial que pour les enfants mineurs.
1.1.3
La prise en compte de solidarités familiales par le versement de pensions
alimentaires
Les articles 205 à 207 du code civil imposent une obligation alimentaire réciproque entre
ascendants et descendants et entre beaux-enfants et beaux-parents (sauf lorsque l’époux qui
produisait l’affinité et les enfants issus du mariage sont décédés). Le principe fiscal général du
versement de ces pensions alimentaires est leur déductibilité pour leur verseur et leur caractère
imposable pour le receveur. Cela est valable à la double condition que le verseur de la pension
0
1
2
3
4
5
6
7
8
0
1000
2000
3000
4000
5000
6000
7000
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
Nombre de foyers bénéficiaires (éch. gauche)
Coût budgétaire (M
) (éch. droite)
LA PRISE EN COMPTE DE LA FAMILLE DANS LA FISCALITÉ
24
ne bénéficie pas d’une majoration de quotient familial pour l’enfant qui la reçoit et que le
montant de la pension versée tienne compte des besoins du bénéficiaire et de l’état de fortune
de celui qui la verse.
1.1.3.1
Une déductibilité ouverte aux pensions alimentaires versées aux ascendants
Un contribuable peut déduire de ses revenus une pension alimentaire versée à un
ascendant dans le besoin s’il apporte la preuve qu’elle a bien été versée et que son montant
correspond aux besoins de celui qui la reçoit et aux ressources de celui qui la verse. Si
l’ascendant dans le besoin a été recueilli sous le toit du contribuable, celui-ci peut déduire, sans
justification, une somme forfaitaire de 3 786
.
Les dépenses autres que celles de logement et de nourriture peuvent par ailleurs être
déduites pour leur montant réel et justifié. Pour les ascendants privés de ressources suffisantes,
il est possible de déduire le montant de leurs frais d’hébergement dans une maison de retraite
ou leurs frais d’hospitalisation.
1.1.3.2
Une déductibilité plafonnée pour les pensions versées aux enfants majeurs
Les parents ont la possibilité de déduire de leurs revenus l’aide apportée à leurs enfants
ou petits-enfants majeurs dans le cadre de l’obligation alimentaire. Cette déduction n’est pas
liée à l’hébergement, au statut ou non d’étudiant, à une potentielle invalidité ou à l’âge. Il suffit
que le contribuable puisse justifier la réalité des versements et qu’ils soient proportionnés aux
besoins du bénéficiaire et à ses moyens.
La déduction, limitée au montant de 6 368
pour l’imposition des revenus de 2022,
constitue un avantage croissant selon le niveau de revenus du contribuable qui verse la pension
alimentaire, le gain maximum atteignant 2 865
. Ce plafond est doublé lorsque l’enfant majeur
est marié, pacsé et/ou chargé de famille si le contribuable assure seul l’entretien du ménage. Si
l’enfant vit sous le toit du contribuable toute l’année et ne dispose pas de ressources suffisantes,
il est possible de déduire, sans justificatif, une somme forfaitaire de 3 786
10
pour les dépenses
de nourriture et d’hébergement. Les autres dépenses peuvent être réduites pour leur montant
réel et justifié, la déduction totale ne pouvant dépasser le plafond de 6 368
.
Pour un enfant majeur de moins de 25 ans, la possibilité de déduction d’une pension
alimentaire n’étant pas cumulable avec son rattachement au foyer fiscal de ses parents, les
parents opteront pour l’un ou l’autre des dispositifs dans le cas où leur enfant ne peut subvenir
à ses besoins (par exemple en étant étudiant). Leur choix dépendra de leur taux marginal
d’imposition, des dépenses effectivement consenties et du nombre de parts additionnelles que
pourrait apporter cet enfant rattaché.
10
Lorsque l’enfant n’est hébergé qu’une fraction de l’année, cette somme doit être réduite au prorata du
nombre de mois concernés, tout mois commencé devant être retenu.
LA PRISE EN COMPTE DE LA FAMILLE DANS LA FISCALITÉ
25
1.1.3.3
Une déductibilité possible pour les enfants dont le contribuable n’a pas la charge
d’entretien
Après une séparation ou un divorce, il est également possible de déduire de ses revenus
la pension alimentaire versée en vertu d’une décision de justice ou d’une convention de divorce
par consentement mutuel au profit d’un enfant. La pension alimentaire, autrement appelée
contribution à l’éducation et à l’entretien de l’enfant (CEEE), n’est déductible du revenu
imposable que si le parent qui la verse n’a pas la garde de l’enfant et qu’il ne bénéficie donc
pas d’une majoration de son quotient familial à ce titre.
Le versement d’une pension alimentaire est également étendu au cas de deux personnes
vivant en union libre dont l’un des deux bénéficie de la totalité de la majoration du quotient
familial
11
. L’autre parent peut alors déduire de son revenu la pension alimentaire qu’il verse à
son concubin pour l’entretien de son enfant.
La pension alimentaire versée au profit d’un enfant mineur est déductible sans limitation
de montant dès lors que celui-ci est compatible avec les ressources de la personne qui la verse
et avec les besoins de l’enfant.
Les dépenses en nature telles que les frais de cantine, frais de scolarité ou les dépenses
médicales payées en complément de la pension alimentaire ouvrent également droit à
déduction. En revanche, les frais occasionnés par le droit de visite (frais de voyage, dépenses
engagées pour accueillir l’enfant) ne sont pas déductibles.
Lorsque la pension alimentaire à verser pour l’entretien d’un enfant mineur est
remplacée par le versement d’un capital constitutif d’une rente en faveur de l’enfant, la somme
déductible annuellement est alors égale au montant de ce capital divisé par le nombre d’années
de la rente sans pouvoir dépasser 2 700
.
Vers la fin de la prise en compte totale de la CEEE dans le revenu fiscal de référence ?
L’Assemblée nationale a adopté en octobre 2022 une proposition de loi excluant le montant des
pensions alimentaires reçues au titre de la CEEE d’un enfant mineur du calcul du revenu fiscal
de référence (RFR) dans la limite de 4 000
par enfant et de 12 000
par an. Le texte voté est
en retrait de la proposition de loi déposée qui consistait à exonérer d’impôt sur le revenu les
sommes correspondantes et simultanément à ne plus les admettre en déduction pour le parent
verseur. Le texte présenté visait à aider le parent qui a la charge effective de l’enfant et dont le
caractère imposable de la pension alimentaire reçue pouvait conduire à lui faire perdre le
bénéfice d’allocations comme les APL ou à faire baisser ses allocations familiales.
S’il est adopté par le Sénat, le texte conduira à une baisse du revenu fiscal de référence (RFR)
des parents percevant la CEEE et corrélativement à un accroissement des avantages
conditionnés au niveau de RFR auxquels ils peuvent prétendre (avantages fiscaux mais
également attribution du chèque énergie, octroi de l’aide juridictionnelle, d’un logement social,
tarification sociale des services locaux comme les crèches, les cantines scolaires, l’accès aux
transports).
11
Depuis la décision du 20 décembre 2017 du Conseil d’État (n° 397650), lorsqu’aucun des deux parents
ne justifie avoir la charge principale de l’enfant la majoration de quotient familial peut être partagée entre les deux
parents comme c’est le cas en garde alternée. Dans cette situation, aucune pension alimentaire ne peut être déduite
par les parents.
LA PRISE EN COMPTE DE LA FAMILLE DANS LA FISCALITÉ
26
Une telle réforme irait à l’encontre de la conception du RFR qui s’interprète comme le revenu
imposable élargi permettant de prendre en compte des revenus non imposés pour juger de la
situation financière des ménages réelle des ménages indépendamment de leur imposition finale.
L’exclusion du RFR de revenus effectivement imposés n’a pas de précédent.
1.1.3.4
Un régime fiscal des prestations compensatoires entre ex-époux différent de celui
des pensions alimentaires
Les pensions alimentaires versées à l’ex-conjoint peuvent être déduites du revenu
imposable lorsque le couple est divorcé ou en instance de divorce. Les versements doivent avoir
un caractère alimentaire (nourriture, logement…). En cas de cessation de la vie commune sans
dissolution du mariage, la contribution aux charges du mariage est déductible si les deux
personnes font l’objet d’une imposition distincte (cas des époux mariés sous le régime de la
séparation de biens et ne vivant pas ensemble, cas de l’abandon du domicile conjugal lorsque
chaque époux dispose de revenus distincts).
Prestation compensatoire et pensions alimentaire : quelles différences ?
Si les notions de pension alimentaire et prestation compensatoire sont parfois confondues elles
doivent bien être distinguées. La pension alimentaire est une aide financière versée à une
personne envers laquelle il existe une obligation d’aliment (c’est-à-dire le devoir de subvenir à
ses besoins).
Le bénéficiaire peut être un enfant, un parent ou le conjoint durant la procédure de
divorce.
Le montant de la pension alimentaire est déterminé en fonction des ressources et des charges du
débiteur et de celui qui la reçoit (le créancier) selon les dispositions de l’article 208 du code civil :
«
les aliments ne sont accordés que dans la proportion du besoin de celui qui les réclame, et de
la fortune de celui qui les doit
».
La prestation compensatoire a pour objet de compenser la perte du niveau de vie entraînée par
un divorce. Elle ne peut être versée qu’aux seuls ex-conjoints (les couples pacsés ou concubins
n’y ont pas droit). La prestation compensatoire dépend notamment de la durée du mariage et des
conséquences des choix professionnels de l’un des époux pendant la vie commune pour
l’éducation des enfants ou pour favoriser la carrière de l’autre au détriment de la sienne. Elle
prend le plus souvent la forme d’un versement en capital et plus rarement d’une rente viagère ou
mixte (une partie en capital et une autre sous forme de rente).
Le régime fiscal des prestations compensatoires
12
diffère de celui des pensions
alimentaires. Dans le cas de versement en capital en une seule fois ou de façon échelonnée dans
un délai au plus égal à 12 mois à compter de la date à laquelle le jugement est passé en force de
chose jugée, le débiteur est éligible à une réduction d’impôt de 25 % des sommes versées
12
La prestation compensatoire est prévue en cas de rupture de mariage mais pas de Pacs.
LA PRISE EN COMPTE DE LA FAMILLE DANS LA FISCALITÉ
27
retenues dans la limite de 30 500
. Les sommes perçues par le bénéficiaire ne sont pas
imposables à l’impôt sur le revenu
13
. En revanche, les prestations compensatoires versées sous
forme de rente ou les versements en capital effectués sur une période supérieure à 12 mois
suivent le régime fiscal des pensions alimentaires (déduction du revenu imposable pour le
débiteur et imposition des sommes perçues pour le créditeur).
Issu d’une loi du 30 juin 2000
14
, le régime fiscal des prestations compensatoires
s’explique par la volonté du législateur d’inciter au règlement rapide des conséquences
financières du divorce. Cet objectif apparaît atteint puisqu’alors qu’en 1994, un peu plus de six
prestations compensatoires sur dix étaient versées sous forme de rente, elles n’en représentaient
plus que 7,9 % en 2013. Qui plus est, en 2013, pour les près de 90 % de prestations
compensatoires versées sous forme de capital, un peu plus de sept fois sur dix, le versement du
capital en numéraire est immédiat pour l’intégralité de la somme
15
.
1.1.4
Certains paramètres d’imposition sont conjugalisés, peu sont familialisés
1.1.4.1
Des règles de plafonnement des dépenses fiscales tenant parfois compte de la
composition familiale
L’impôt sur le revenu est assorti d’un nombre important de possibilités d’abattement ou
de réduction qui constituent autant de dépenses fiscales. Les différentes réductions et crédits
d’impôts suivent des règles hétérogènes s’agissant de la composition des foyers qui en
bénéficient. Si leurs paramètres sont parfois doublés pour un couple par rapport à ceux en
vigueur pour un célibataire, cela est loin d’être systématique : sur 33 dispositifs de réductions
et crédits d’impôts recensés par la Cour, 12, soit plus du tiers, ne prennent pas en compte le
conjoint.
Tableau n° 4 :
Décompte du nombre de dépenses fiscales selon qu’elles soient conjugalisées ou non
Non
conjugalisés
Conjugalisés
dont plafond
distinct doublé
Réductions d'impôt
10
16
11
Crédits d'impôt
2
5
2
Source : Cour des comptes à partir de la brochure pratique 2022 de la déclaration de revenus 2021
La prise en compte du conjoint dans la dépense fiscale peut être opérée par le
doublement du plafond de dépenses éligibles pour un couple faisant l’objet d’une imposition
commune. Par exemple, le plafond de dépenses prises en compte pour le calcul de la réduction
d’impôt pour la souscription au capital de PME et d’entreprises d’utilité sociale (ESUS) est de
50 000
pour une personne seule et est doublé pour un couple.
13
Elles donnent toutefois lieu au paiement d’un droit d’enregistrement de 125
.
14
Loi n° 2000-596 du 30 juin 2000 relative à la prestation compensatoire en matière de divorce.
15
Ces chiffres sont issus d’une publication du ministère de la justice (Infostat Justice n°144 – septembre
2016 « En 2013, neuf prestations compensatoires sur dix sous forme de capital »).
LA PRISE EN COMPTE DE LA FAMILLE DANS LA FISCALITÉ
28
L’existence du conjoint peut être prise en compte d’une autre manière, par exemple par
la définition d’un plafond à l’échelle du foyer (par exemple un pourcentage du revenu
imposable du foyer fiscal dans le cas où un conjoint dispose de revenus propres
16
). La liste des
différents crédits et réductions d’impôts figure en annexes 1 et 2.
Sans que cela puisse
a priori
s’expliquer, les paramètres des dépenses fiscales visant à
encourager l’immobilier ne tiennent pas compte du conjoint tandis que les dispositifs visant à
orienter l’épargne vers les PME, les fonds communs de placement ou d’investissement font
l’objet de plafonds doublés pour un couple.
La prise en compte d’enfants dans la détermination des dépenses fiscales est plus rare.
À l’exception des crédits d’impôt sur les intérêts d’emprunt pour l’acquisition de l’habitation
principale et sur la transition énergétique, tous deux en extinction, seuls quatre dispositifs le
font :
-
crédit d’impôt de 50 % des sommes versées pour l’emploi d’un salarié à domicile
dans la limite de dépenses de 12 000
, 15 000
la première année d’emploi direct
d’un salarié à domicile et 20 000
dans certains cas
17
. Il existe par ailleurs des
limites à certains types de dépenses spécifiques
18
. Le plafond de 12 000
est majoré
de 1 500
par enfant à charge, par membre du foyer fiscal âgé de plus de 65 ans et,
sous certaines conditions, par ascendant titulaire de l’APA sans pouvoir excéder
15 000
. La limite de 15 000
en cas d’emploi direct la première année d’un salarié
à domicile est majorée selon la composition du foyer, dans les mêmes conditions
sans que le plafond de dépenses ne puisse excéder 18 000
;
-
crédit d’impôt de 50 % des dépenses de garde des enfants de moins de six ans à
l’extérieur du domicile dans la limite de 3 500
par enfant (1 750
par enfant en
résidence alternée) ;
-
réduction d’impôt de 25 % des primes versées au titre des contrats de rente-survie
et d’épargne handicap dans la limite de 1 525
. Ce plafond est majoré de 300
par
enfant à charge (150
par enfant en garde alternée) ;
-
crédit d’impôt de 25 % des dépenses d’installation ou de remplacement
d’équipements spécialement conçus pour l’accessibilité des logements aux
personnes âgées ou handicapées et des dépenses permettant l’adaptation des
logements à la perte d’autonomie ou au handicap dans la limite d’un plafond
pluriannuel apprécié sur une période de cinq années consécutives. Le plafond, de
5 000
pour une personne célibataire, veuve ou divorcée, de 10 000
pour un
16
Par exemple les dons aux
œ
uvres d’intérêt général, d’utilité publique, aux partis politiques et aux
candidats aux élections font l’objet d’une réduction au taux 66% dans la limite de 20 % du revenu imposable (les
dons et cotisations versés aux partis politiques sont limités à 15 000
par an et par foyer). Les dons excédant la
limite de 20 % du revenu imposable sont reportés sur les cinq années suivantes.
17
Lorsqu’un des membres du foyer est titulaire de la carte d’invalidité d’au moins 80 %, d’une carte
« mobilité inclusion » portant la mention « invalidité » ou d’une pension d’invalidité de 3è catégorie ou lorsqu’un
des enfants à charge ouvre droit au complément d’allocation d’éducation spéciale.
18
Par an et foyer fiscal, les limites sont de 500
pour les dépenses relatives de travaux de petits bricolage
dits « homme toutes mains », 3 000
pour les dépenses relatives à l’assistance informatiques et internet à domicile
et 5 000
pour les dépenses de petits travaux de jardinage des particuliers.
LA PRISE EN COMPTE DE LA FAMILLE DANS LA FISCALITÉ
29
couple marié ou pacsé est majoré de 400
par personne à charge (200
pour les
enfants en garde alternée).
Cette dernière dépense fiscale est la seule dont le plafond soit entièrement conjugalisé
(il prend en compte le conjoint) et familialisé (il tient également compte des personnes à
charge). Les autres dispositifs ne tiennent compte que des personnes à charge. Si la modulation
du plafond des dépenses fiscales relatives à l’emploi à domicile et à la garde d’enfants à
l’extérieur du domicile peut se justifier en raison du lien entre les dépenses qu’elles compensent
et la composition du foyer, le lien des deux autres dispositifs (équipements pour le logement
des personnes âgées ou handicapées et primes des contrats de rente-survie et épargne handicap)
avec le nombre d’enfants du foyer apparaît peu évident.
1.1.4.2
Un plafond global des avantages fiscaux indépendant de la composition familiale
Depuis les revenus de 2009, le montant global de l’avantage en impôt procuré par
certains dispositifs est plafonné pour le calcul de l’impôt sur le revenu. Le plafonnement
s’applique aux avantages fiscaux accordés en contrepartie d’un investissement ou d’une
prestation dont bénéficie directement le contribuable. Sont notamment concernés l’emploi d’un
salarié à domicile, les frais de garde de jeunes enfants, l’investissement locatif ou
l’investissement outre-mer. À l’inverse, le plafonnement ne s’applique pas aux avantages liés
à la situation personnelle du contribuable (effets du quotient familial, frais de scolarité des
enfants), ni à ceux liés à la poursuite d’un objectif d’intérêt général sans contrepartie
(notamment dons aux organismes d’intérêt général).
Le montant du plafond global s’élève à 10 000
, il est majoré de 8 000
pour les
réductions d’impôts en faveur des investissements outre-mer, des souscriptions au capital de
sociétés de financement d’
œ
uvres cinématographiques ou audiovisuelles (Sofica) et des
investissements Pinel et Denormandie ancien réalisés outre-mer. Ce montant s’applique par
foyer fiscal indépendamment de sa composition : un célibataire et un couple avec trois enfants
sont soumis au même plafonnement.
Le montant du plafond global des avantages fiscaux, aujourd’hui indépendant de la
composition du foyer fiscal, pourrait au contraire être proportionné à l’existence d’un conjoint
et éventuellement d’enfants. Ainsi, une famille qui bénéficie de 7 500
d’avantage en impôt
pour faire garder ses enfants à domicile ne bénéficie plus que de 2 500
pour ses autres
avantages quand un célibataire sans enfant peut bénéficier de son enveloppe de 10 000
.
Avant 2013, la composition familiale était indirectement et partiellement prise en
compte par un plafond défini par un montant forfaitaire unique majoré d’une fraction de
l’ensemble des revenus du foyer. Le plafond pour 2012 valait en effet 18 000
majoré de 4 %
du revenu imposable. Cela permettait, à défaut de prendre en compte la présence d’enfants
mineurs, de proportionner l’avantage au revenu du foyer, plus élevé dans le cas d’un couple bi
actif.
LA PRISE EN COMPTE DE LA FAMILLE DANS LA FISCALITÉ
30
1.1.4.3
La décote : un mécanisme de lissage de l’entrée dans l’impôt partiellement
conjugalisé
Instituée à compter de l’imposition des revenus de 1981 pour se substituer à un régime
d’abattement créé en 1959 pour exonérer d’impôt sur le revenu les contribuables célibataires
disposant d’un salaire voisin du salaire minimum, la décote avait pour objet, à son origine,
d’alléger exclusivement l’impôt des personnes seules de condition modeste, réputées pénalisées
par un barème d’impôt sur le revenu progressif construit autour du mécanisme du quotient
familial. Elle a fait l’objet d’une conjugalisation partielle afin de ne pas créer de perdants à
l’occasion d’une réforme de l’impôt sur le revenu en 2014.
Le système de décote atténue les effets de l’entrée dans l’imposition. Plus précisément :
-
les célibataires dont l’impôt sur les revenus soumis au barème est inférieur à 1 840
bénéficient d’une décote égale à la différence entre 833
et 45,25 % de l’impôt ;
-
les personnes mariées ou pacsées dont l’impôt sur les revenus soumis au barème est
inférieur à 3 045
bénéficient d’une décote égale à la différence entre 1 378
et
45,25% de l’impôt.
Graphique n° 3 :
Impôt après décote (en
) fonction de l’impôt avant décote (en
)
Source : calculs Cour des comptes
Les paramètres de la décote, pour un couple, ne valent pas le double de ceux d’un
célibataire.
0
1000
2000
3000
4000
0
500
1000
1500
2000
2500
3000
3500
4000
Célibataire
Couple soumis à une imposition commune
LA PRISE EN COMPTE DE LA FAMILLE DANS LA FISCALITÉ
31
Tableau n° 5 :
Exemple de calcul des effets de la décote
Célibataire
Couple soumis à
imposition
commune
Impôt avant décote
800
1 600
Décote
471
654
Impôt après décote
329
946
Source : calculs Cour des comptes
Par exemple, un célibataire devant 800
d’impôt avant décote paiera 329
d’impôt
après décote, tandis qu’un couple soumis à imposition commune percevant le double des
revenus du célibataire et devant 1 600
d’impôt avant décote en paiera 946
après décote, soit
près de trois fois l’impôt dû par le célibataire alors que ses revenus ne sont que deux fois
supérieurs.
Une conjugalisation totale de la décote correspondrait à la situation où un couple en
bénéficierait de manière équivalente à deux célibataires : un couple devant 2 000
d’impôt
avant décote bénéficierait d’une décote valant deux fois celle d’un célibataire devant 1 000
d’impôt avant décote. Une telle conjugalisation totale, à autres paramètres inchangés, se
heurterait toutefois à deux difficultés : elle représenterait un coût supplémentaire estimé à 1,1
Md
sur la base de l’impôt sur le revenu 2020, ; et elle réduirait encore le nombre de foyers
effectivement imposés à l’impôt sur le revenu (alors qu’environ 44 % des foyers fiscaux
seulement ont été imposés à l’impôt sur les revenus de 2021).
1.1.5
D’autres dispositions relatives à l’impôt sur le revenu favorables aux familles
Si elles ne sont pas relatives au mode de calcul de l’impôt, d’autres dispositions relatives
à l’impôt sur le revenu prennent en compte la composition familiale et notamment la présence
d’enfants.
Des dépenses fiscales visent ainsi à financer la garde d’enfants qu’il s’agisse d’une garde
à domicile ou à l’extérieur du domicile des parents. Le crédit d’impôt pour les frais de garde
d’enfant de moins de six ans à l’extérieur du domicile a réduit les recettes fiscales de 1,1 Md
en 2021 tandis que le coût du crédit d’impôt pour la garde à domicile aurait atteint 1,4 Md
19
en 2019.
L’exonération d’impôt sur le revenu des prestations familiales constitue également un
avantage dont bénéficient les familles pour un coût budgétaire d’un peu moins de 1,8 Md
en
2021 (ce coût correspond à la perte de recettes pour l’État provenant de l’exonération des
prestations familiales et de l’allocation adulte handicapé)
20
.
19
Le crédit d’impôt pour l’emploi à domicile regroupant une diversité de services à domicile (garde
d’enfants, aides ménagères, aide aux personnes âgées) il n’est pas possible d’isoler la quote-part liée à la garde
d’enfants à domicile. Ce chiffre est une estimation de la DLF, il figure dans le rapport IGF-IGAS de juillet 2021
Revue des dépenses socio-fiscales en faveur de la politique familiale
. Il constitue
certainement un majorant du
coût réel inconnu.
20
Source : Tome II du rapport
Voies et moyens
annexé au PLF pour 2023.
LA PRISE EN COMPTE DE LA FAMILLE DANS LA FISCALITÉ
32
Par ailleurs, les contribuables dont les enfants à charge poursuivent des études
secondaires ou supérieures bénéficient d’une réduction d’impôt d’un montant de :
-
61
par enfant poursuivant des études secondaires du premier cycle (collège) ;
-
153
par enfant poursuivant des études secondaires du second cycle (lycée)
-
183
par enfant suivant une formation d’enseignement supérieur.
Ces montants n’ont pas été revus depuis la création du dispositif par la loi de finances
pour 1993
21
tandis que, depuis, les prix ont progressé de 46 %.
Consistant en une réduction d’impôt et ne bénéficiant donc qu’aux contribuables
imposables, ce dispositif a réduit les recettes d’impôt sur le revenu de 0,4 Md
en 2021. Son
montant semble très décalé par rapport aux coûts occasionnés par la scolarisation. Ce dispositif
coexiste avec l’allocation de rentrée scolaire (ARS) versée par les caisses d’allocation familiales
(2,0 Md
en 2021) sous condition de ressources. Les montants versés et les publics éligibles à
ces deux dispositifs sont différents.
Enfin, le régime spécial des assistants maternels et familiaux
22
, s’il vise à aider ces
professionnels, contribue également à accroître l’offre de garde au profit des familles. Les
assistants maternels et familiaux peuvent en effet être imposés selon le droit commun ou
bénéficier, sur option, d’un abattement forfaitaire représentatif des frais engagés dans l’intérêt
de l’enfant mais s’appliquant sur une assiette plus large incluant les indemnités perçues pour
les frais d’entretien, de nourriture et d’hébergement des enfants. Dans la plupart des cas,
l’exercice de cette option est plus favorable, si bien que l’existence de ce régime particulier a
représenté une dépense fiscale de 490 M
en 2021.
1.2
D’autres impôts modulés selon la composition familiale
1.2.1
Une contribution sur les hauts revenus conjugalisée mais pas familialisée
Mise en place par la loi de finances pour 2012, la contribution exceptionnelle sur les
hauts revenus (CEHR) assujettit les contribuables passibles de l’impôt sur le revenu à une
contribution additionnelle à taux fixe si leur revenu fiscal de référence dépasse un certain seuil.
Pour prendre en compte la composition du foyer, le barème est distinct selon que le foyer fiscal
compte une personne seule ou un couple soumis à une imposition commune.
Tableau n° 6 :
Barème de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus
Fraction du RFR
Célibataire
Couple soumis à
une imposition
commune
Jusqu'à 250 000
0%
0%
21
À l’origine définis en francs, ils ont été convertis en euros.
22
Un assistant familial accueille habituellement et de façon permanente des mineurs et des jeunes majeurs
de moins de 21 ans à son domicile.
LA PRISE EN COMPTE DE LA FAMILLE DANS LA FISCALITÉ
33
Fraction du RFR
Célibataire
Couple soumis à
une imposition
commune
Entre 250 001
et 500 000
3%
0%
Entre 500 001
et 1 000 000
4%
3%
Plus de 1 000 000
4%
4%
Source : législation
Ce barème permet une imposition similaire à celle du quotient conjugal. Par exemple,
un couple percevant 1,2 M
de revenus paiera la même somme que deux célibataires percevant
chacun 0,6 M
de revenus. Cette conjugalisation permet, par rapport à une situation où le
barème serait individuel, un gain maximal d’impôt de 12 500
. En revanche, les personnes à
charge ne sont pas prises en compte dans le barème. Ce choix s’explique par le fait que les
contribuables avec enfants soumis à la contribution ont déjà, dans la grande majorité des cas,
bénéficié des dispositifs de familialisation de l’impôt sur le revenu à leur plafond. L’application
d’un quotient familial distinct de celui applicable au barème de l’impôt sur le revenu favoriserait
davantage les contribuables les plus aisés, ce qui irait à l’encontre de l’objectif de plus grande
progressivité de l’imposition des contribuables concernés
23
.
Le produit de la CEHR s’est établi à 925 M
en 2021, versés par 39 300 foyers fiscaux.
Un peu plus des deux-tiers (70 %) est payé par des foyers de couples mariés ou pacsés, le plus
souvent sans enfant.
Graphique n° 4 :
CEHR payée en fonction de la situation conjugale et du nombre d’enfants (M
)
Source : DGFiP
23
Ces arguments figurent dans le Tome II du rapport de Gilles Carrez fait au nom de la commission des
finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire sur le PLF pour 2012.
0
50
100
150
200
250
300
350
0
1
2
3
4+
Couple marié/pacsé
Célibataire, veuf, séparé ou divorcé
LA PRISE EN COMPTE DE LA FAMILLE DANS LA FISCALITÉ
34
1.2.2
Des taux réduits de CSG fonction des revenus et du nombre de parts fiscales
Créée en 1991 dans le but d’élargir l’assiette du financement de la sécurité sociale qui
s’appuyait jusque-là essentiellement sur les revenus d’activité, la contribution sociale
généralisée (CSG) est un prélèvement à taux fixe sur les revenus. S’il n’existe qu’un seul taux
pour les revenus d’activité et du capital, il existe cependant des taux réduits d’imposition sur la
plupart des revenus de remplacement
24
.
S’agissant des pensions de retraite et d’invalidité, la CSG est appliquée suivant trois
taux : le taux normal (8,3 %), le taux médian (6,6 %) ou le taux réduit (3,8 %) auxquels s’ajoute
une possibilité d’exonération. Ces taux dépendent du RFR des bénéficiaires des revenus de
remplacement perçus en (N-2) ou (N-3) et du nombre de parts fiscales dont ils bénéficient au
titre de l’IR. Le nombre de parts fiscales permet de rehausser la limite de revenu à partir de
laquelle le contribuable est assujetti à un taux réduit. Il aurait été plus simple et lisible de retenir
un barème s’appliquant au RFR par part, comme en matière d’impôt sur le revenu.
Le seuil de RFR d’éligibilité aux taux réduits et leur majoration selon le nombre de parts
sont différents en métropole et outre-mer (voir annexe 4). Par ailleurs, dans les territoires
ultramarins, la majoration attachée à la première demi-part supplémentaire au-delà de la
première part et aux demi-parts supplémentaires suivantes est différente. Ces majorations
distinctes entre le premier enfant et les suivants rendent le système particulièrement peu lisible.
Une uniformisation pourrait être envisagée (cf.
infra
1.2.5).
La prise en compte des charges de famille par les taux réduits est nécessaire selon la
jurisprudence du Conseil constitutionnel
25
, même si d’une façon générale celle-ci ne soumet
pas la CSG aux mêmes critères de respect des facultés contributives qu’elle le fait en matière
d’IR. Les seuils de revenus ainsi définis déterminent également le taux appliqué à la
contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) et à la contribution de solidarité
pour l’autonomie (CASA).
Tableau n° 7 :
Seuils d’assujettissement à la CSG, la CRDS et la CASA applicables aux revenus de
2023 (métropole).
Taux réduit
Taux médian
Taux normal
Pensions de retraite et
d'invalidité
CSG 3,8%
CSG 6,6%
CSG 8,3%
CRDS 0,5%
CRDS 0,5%
CRDS 0,5%
CASA 0,3%
CASA 0,3%
24
Il n’existe pas de taux réduit ou de possibilité d’exonération pour les indemnités journalières.
25
L’article 3 de la LFSS pour 2001 instituait une « réduction dégressive » de CSG et de CRDS au bénéfice
des seuls revenus d’activité, dès lors que ceux-ci étaient mensuellement inférieurs, une fois convertis en équivalent
temps plein, à 169 fois le taux horaire du salaire minimum de croissance augmenté de 40 %. Dans la décision n°
2000-437 DC du 19 décembre 2000, le Conseil constitutionnel a jugé cette mesure non conforme à la Constitution
au motif que «
la disposition contestée ne tient compte ni des revenus du contribuable autres que ceux tirés d’une
activité, ni des revenus des autres membres du foyer, ni des personnes à charge au sein de celui-ci ; que le choix
ainsi effectué par le législateur de ne pas prendre en considération l’ensemble des facultés contributives crée,
entre les contribuables concernés, une disparité manifeste contraire à l’article 13 de la déclaration de 1789
».
LA PRISE EN COMPTE DE LA FAMILLE DANS LA FISCALITÉ
35
Taux réduit
Taux médian
Taux normal
Allocations chômage
CSG 3,8%
CSG 6,2%
CRDS 0,5%
CRDS 0,5%
Seuils de RFR pour une part
11 614
15 183
23 564
Demi-part supplémentaire
3 101
4 054
6 290
Source : législation
Par exemple, un contribuable célibataire (une part) avec un revenu fiscal de référence
(RFR) de 19 000
paiera de la CSG sur une allocation chômage au taux de 6,2 % tandis qu’un
foyer fiscal de même RFR comptant deux adultes et deux enfants (trois parts) ne supportera pas
de CSG puisque le seuil du taux réduit correspond à un RFR de 24 018
26
.
Si la CSG demeure globalement un impôt individuel, la prise en compte de la
composition familiale par les taux réduit sur les revenus de remplacement porte sur une assiette
très significative puisque le rendement de l’impôt sur ces revenus a atteint 24 Md
en 2021,
soit 18,3 % du produit total de CSG. En particulier, les taux réduits de la CSG sur les pensions
de retraite (celles-ci représentant 90 % de la CSG acquittée sur les revenus de remplacement)
conduisent à ce que moins d’un tiers des pensions soit assujetti au taux normal de 8,3 %.
Tableau n° 8 :
Effectifs de retraités et masses financières par taux de CSG sur les pensions de
retraite
Exonération
Taux
réduit
Taux
médian
Taux
normal
Part des retraités
24%
14%
31%
31%
Part de l'assiette
13%
10%
30%
46%
Part du rendement
-
6%
32%
62%
Source : rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale – septembre 2022
1.2.3
Des droits de succession et de donation établis en fonction de la proximité
familiale du bénéficiaire
La détermination des droits de succession et de donation dépend de la proximité du
donateur/défunt avec son donataire/héritier. Dans le cas des premiers, les règles fiscales
s’inspirent des règles civiles : si le défunt n’a pas rédigé de testament, les règles de dévolution
légale s’appliquent. La loi désigne alors les héritiers par ordre de priorité : les enfants puis les
parents, frères et s
œ
urs puis les grands-parents et arrière grands-parents et enfin les collatéraux
(oncles, tantes, cousins). En cas d’absence de conjoint survivant, ceux-ci héritent dans cet ordre,
26
11 614
pour la première part + 4 (nombre de demi-parts supplémentaires) * 3 101 (majoration du
seuil pour une demi-part supplémentaire).
LA PRISE EN COMPTE DE LA FAMILLE DANS LA FISCALITÉ
36
en excluant les membres de l’ordre suivant. Dans le cas où demeure un conjoint survivant
27
,
celui-ci partage la succession avec les enfants du défunt
28
.
Si le défunt a rédigé un testament, il peut répartir son patrimoine mais aussi choisir ses
légataires, modifiant ainsi l’ordre des héritiers fixé par la loi. Il ne peut toutefois pas déshériter
ses enfants, ceux-ci disposant d’une part minimale dans la succession.
Le barème des droits de succession privilégie également les héritiers en ligne directe et
s’alourdit avec l’éloignement de l’héritier du défunt.
Tableau n° 9 :
Modalités d’imposition des successions selon le lien de parenté
Parenté
Abattement
Barème applicable
Conjoint - partenaire lié par un PACS -
survivant
Exonération
29
Enfant, père, mère
100 000
Barème progressif de 5 % à
45 % au-delà de 1 805 677
Petits-enfants, arrière petits enfants
1 594
Barème progressif de 5 % à
45 % au-delà de 1 805 677
Frère, s
œ
urs
15 932
35 % jusqu'à 24 430
et 45 %
au-delà de 24 430
Neveux, nièces
7 967
55%
Parents jusqu'au 4è degré inclus
1 594
55%
Parents au-delà du 4è degré et sans lien de
parenté
1 594
60%
Source : législation
Ces dispositions n’accordent pas de statut particulier aux couples en union libre et aux
familles recomposées. L’enfant qui hérite du nouveau conjoint de son parent est soumis à un
taux d’imposition de 60 % au premier euro (après l’abattement de 1 594
), qu’il ait été ou non
élevé par ce conjoint. Il est donc beaucoup plus lourdement imposé que les enfants du défunt
(taux marginal de 45 % au-delà de 1,8 M
de patrimoine reçu après abattement de 100 000
).
Le parallélisme entre les règles civiles et les règles fiscales fait que par dérogation,
l’enfant d’un premier mariage du conjoint peut bénéficier du régime fiscal de la ligne directe
lorsqu’il a fait l’objet d’une adoption simple par son beau-parent. Ce mécanisme, qui procure à
l’adopté un droit à succession au même titre que les autres enfants, crée toutefois
réciproquement à l’encontre de l’adopté une obligation alimentaire envers son adoptant.
Toute mesure spécifique portant sur les seuls droits dus par l’enfant non adopté du
conjoint dans le cadre de la succession de son beau-parent (par exemple l’alignement des droits
dus en cas de succession en ligne directe) soulèverait des questions délicates. D’une part, une
telle mesure emporterait un coût budgétaire significatif compte tenu du nombre croissant des
enfants vivant en familles recomposées (1,5 million d’enfants en 2020 soit un peu plus de 10 %
27
Le Pacs ne permet pas de bénéficier de droits successoraux. Seul un testament donne la possibilité au
partenaire survivant d’hériter.
28
En l’absence de descendants, la part du conjoint survivant dépend de la présence ou non des père et
mère du défunt.
29
Le conjoint n’est en revanche pas exonéré des droits de donation.
LA PRISE EN COMPTE DE LA FAMILLE DANS LA FISCALITÉ
37
du nombre d’enfants mineurs
30
). D’autre part, cela poserait un problème d’équité, les enfants
issus de familles recomposées bénéficiant d’un double avantage dans le cadre de la succession
de leurs parents et de celle de leurs beaux-parents, tandis que les enfants n’appartenant pas à
une famille recomposée n’en bénéficieraient qu’une seule fois, dans le cadre de la succession
de leurs parents.
Les droits de donation s’appliquent de façon similaire aux droits de succession et sont
d’autant plus réduits que le lien de parenté est proche entre donateur et donataire. Ils prévoient
néanmoins des dispositions plus favorables que celles en vigueur pour les droits de succession
afin d’encourager les transmissions intergénérationnelles. L’abattement applicable aux
donations aux petits-enfants (31 865
) et arrières petits-enfants (5 310
) est en effet supérieur
à celui applicable pour le calcul des droits de succession (1 594
dans les deux cas).
Il est également possible de bénéficier d’une exonération de droits de donation dans la
limite de 31 865
tous les 15 ans lorsque le donateur a moins de 80 ans, que le bénéficiaire est
majeur et descend en ligne directe du donateur
31
. Ces donations doivent prendre la forme de
sommes d’argent. Il n’est actuellement plus prévu de mesure d’atténuation des droits de
succession ou de donation dus par un bénéficiaire en fonction de ses charges de famille. Il
existait jusqu’en 2016 une réduction de droits pour les héritiers et donataires comptant au moins
trois enfants puisqu’avant son abrogation par la LFI pour 2017, l’article 780 du CGI prévoyait
une réduction de droits de 305
par enfant au-delà du deuxième, montant porté à 610
pour
les successions et donations en ligne directe et les donations entre époux ou partenaires de
PACS. Un père de quatre enfants bénéficiait par exemple d’une réduction de droits de 1 220
à l’occasion de la succession de l’un de ses parents. Cette mesure avait un coût relativement
réduit pour l’État (22 M
en 2016
32
).
1.2.4
L’impôt sur la fortune immobilière : une imposition commune obligatoire y
compris pour les couples en union libre mais sans barème conjugalisé
Au 1
er
janvier 2018, l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) s’est substitué à l’impôt de
solidarité sur la fortune (ISF). En 2022, près de 164 000 foyers ont reçu un avis d’impôt pour
un montant total d’imposition de 1,8 Md
33
.
Contrairement à l’ancien ISF, l’IFI ne porte pas sur l’ensemble du patrimoine du foyer
fiscal mais uniquement sur les biens et droits immobiliers. Bien que l’assiette ait été réduite, le
seuil d’imposition est resté le même, à 1,3 M
, et le barème identique.
30
Champ : France hors Mayotte. Source : Insee Focus n°249 septembre 2021
Les familles en 2020 : 25 %
de familles monoparentales, 21 % de familles nombreuses.
31
Si le donateur est sans descendance le don peut être effectué au profit des neveux et nièces (en cas de
décès des neveux et nièces par représentation à des petits-neveux ou petites-nièces).
32
Source : Tome II des Voies et moyens annexé au PLF pour 2018.
33
« L’impôt sur la fortune immobilière en 2022 », DGFiP Statistiques n°15, avril 2023.
LA PRISE EN COMPTE DE LA FAMILLE DANS LA FISCALITÉ
38
Tableau n° 10 :
Barème d’imposition à l’IFI
Fraction de la valeur nette taxable du patrimoine
Taux
applicable
Tranche 1 : n’excédant pas 800 000
0%
Tranche 2 : supérieure à 800 000
et inférieur ou égale à 1,3 M
34
0,50%
Tranche 3 : supérieure à 1,3 M
et inférieure ou égale à 2,57 M
0,70%
Tranche 4 : supérieure à 2,57 M
et inférieure ou égale à 5 M
1%
Tranche 5 : supérieure à 5 M
et inférieure ou égale à 10 M
1,25%
Tranche 6 : supérieure à 10 M
1,5%
Source : législation
A ce barème progressif s’ajoute une décote applicable aux patrimoines immobiliers
d’une valeur comprise entre 1,3 M
et 1,4 M
et pour éviter tout effet potentiellement
confiscatoire de l'impôt, l'IFI est complété par un mécanisme de plafonnement.
Le patrimoine immobilier s’apprécie au 1
er
janvier de l’année d’imposition au niveau
du foyer fiscal dont la composition peut être :
-
une personne seule (célibataire, veuve, divorcée ou séparée) ;
-
des époux quel que soit le régime matrimonial ;
-
des partenaires liés par Pacs ;
-
un couple en situation de concubinage notoire
35
.
Dans tous les cas, le foyer fiscal comprend les enfants mineurs dont les redevables ont
l’administration légale des biens, tandis que les enfants majeurs, qu’ils soient ou non rattachés
aux parents au sens de l’IR, sont tenus de faire une déclaration distincte dès lors qu’ils sont
personnellement redevables de l’IFI. Lorsque les parents divorcés ou séparés exercent en
commun l'autorité parentale, ils peuvent déclarer chacun la moitié de la valeur des biens de
leurs enfants mineurs.
L’IFI n’intègre aucun mécanisme de quotient conjugal ou familial si bien que le barème
s’applique au foyer fiscal quelle que soit sa composition. Cette caractéristique de l’impôt a été
validée par le Conseil constitutionnel, qui, dans sa décision n° 2010-44 QPC du 29 septembre
2010, a considéré que «
le législateur a entendu frapper la capacité contributive que confère la
détention d’un ensemble de biens et de droits
», qu’il «
a prévu plusieurs mécanismes
d’abattement, d’exonération ou de réduction d’impôt concernant notamment la résidence
principale
», et par conséquent, «
en prenant en compte les capacités contributives selon
d’autres modalités, il n’a pas méconnu l’exigence résultant de l’article 13 de la Déclaration de
1789
».
Il en résulte que deux personnes célibataires seront toujours imposées à un taux plus
faible que si elles avaient formé un couple (marié, pacsé ou en concubinage notoire). En
34
Bien que le seuil d’imposition à l’IFI corresponde à un patrimoine net taxable de 1 300 000
, pour
un foyer redevable, le calcul commence à 800 000
.
35
La notion de concubinage est définie par les dispositions de l’article 515-8 du code civil comme une
union de fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité, entre deux
personnes, de sexe différent ou de même sexe, qui vivent en couple. Ce n’est qu’en 2006 que la Cour de cassation
définira le concubinage notoire comme « la vie en commun avec un tiers impliquant une mise en commun des
moyens matériels » (Cass. 1
re
civ., 28 févr. 2006, n° 04-13786 : RTD civ. 2006, p.285-286, Hauser J.)
LA PRISE EN COMPTE DE LA FAMILLE DANS LA FISCALITÉ
39
particulier, deux personnes peuvent être non imposables individuellement mais redevables de
l’IFI dès lors qu’elles forment un couple et cumulent leurs patrimoines.
S’il apparaît logique que la définition du foyer fiscal s’étende aux concubins,
contrairement à l’IR, l’application du même barème aussi bien aux célibataires qu’aux couples
pose un problème d’équité. Parmi les scénarios d’évolution, la conjugalisation de l’impôt
pourrait être envisagée. Cela consisterait, pour les couples, à diviser par deux l’assiette du foyer
avant d’appliquer le barème
36
et de multiplier ensuite par deux pour obtenir le montant d’impôt.
Cela rétablirait une forme d’équité vis-à-vis des « couples de célibataires » et permettrait de
diminuer le caractère potentiellement fraudogène du dispositif pour les couples en union libre.
Actuellement, ces derniers peuvent déclarer ignorer leur obligation de déclaration commune,
d’autant qu’ils ne sont pas soumis à une déclaration commune à l’IR. Avec la conjugalisation,
la fraude serait nécessairement intentionnelle puisqu’elle viendrait de personnes se déclarant
faussement en concubinage notoire.
Par ailleurs, jusqu’à l’ISF dû au titre de l’année 2012, les redevables bénéficiaient d’une
réduction de leur imposition s’élevant à 300
par personne à charge, cette somme étant divisée
par deux en cas de résidence alternée (pour un coût pour le budget de l’État d’environ 35 M
).
L’abrogation de cette réduction d’impôt en loi de finances pour 2013 a été validée par le Conseil
constitutionnel. Lors de la création de l’IFI, une réduction d’impôt pour charge de famille n’a
pas été réintroduite si bien que l’IFI n’est pas modulé pour tenir compte des enfants à charge.
Recommandation n° 5.
(DLF) Évaluer les effets de l’absence de conjugalisation de
l’impôt sur la fortune immobilière et proposer des scénarios d’évolution.
1.2.5
Des allégements fiscaux à la taxe foncière dont les conditions d’éligibilité sont
peu compréhensibles
Le régime de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TF) présente plusieurs
dispositions prenant en compte la composante familiale de manière indirecte. Par exemple,
certains allègements sont accordés à condition que le RFR ne dépasse pas un certain plafond,
ce dernier étant majoré en fonction du nombre de parts retenu pour le calcul de l’IR.
Ainsi, contrairement à la taxe d’habitation (TH) qui était assortie d’un abattement pour
charges de famille, la TF ne dispose pas de mécanismes prenant explicitement en compte la
dimension familiale. Cela ne pose pas de difficulté d’ordre constitutionnel dans la mesure où
cet impôt est un impôt réel dû à raison de la propriété d’un bien, indépendamment de son
utilisation, des revenus et de la situation du propriétaire.
Des exonérations au bénéfice des titulaires de l’allocation de solidarité aux personnes
âgées (ASPA) et de l’allocation supplémentaire d’invalidité (ASI), s’appliquent indirectement
sous condition de ressources au travers des conditions d’éligibilité à ces mêmes allocations, qui
sont elles-mêmes fonction de la composition du foyer. En revanche, pour les titulaires de l’AAH
36
Un nouveau barème pourrait être institué pour que cela soit neutre pour les finances publiques.
LA PRISE EN COMPTE DE LA FAMILLE DANS LA FISCALITÉ
40
et les personnes âgées de plus de 75 ans
37
, leur RFR de N-1 ne doit pas dépasser un certain
plafond. L’ensemble de ces exonérations représente un coût d’environ 331 M
en 2020
38
.
Cette condition de ressources s’applique également pour l’obtention du dégrèvement
d’office de 100
en faveur des personnes de condition modeste et âgées de plus de 65 ans et
de moins de 75 ans. La dépense fiscale concerne un peu plus de 350 000 ménages en 2021 pour
un total de 37 M
39
.
Jusqu’en 2023, le bénéfice de ces exonérations et dégrèvements était soumis à une
condition de cohabitation visant à vérifier que le contribuable ne partageait pas son logement
avec une personne dont le revenu dépassait un certain plafond. Cette condition a été supprimée
pour des raisons de simplification, augmentant ainsi le nombre de bénéficiaires. Si cette réforme
a probablement peu de conséquences sur les exonérations au bénéfice des titulaires de l’ASPA
et de l’ASI dans la mesure où l’obtention de ces prestations est déjà elle-même conditionnée
aux revenus du couple (mariés, pacsés ou en union libre), elle devrait pleinement bénéficier aux
couples en union libre. En particulier, la déconjugalisation de l’AAH à compter du 1
er
octobre
2023
40
permettra d’augmenter le nombre d’allocataires, parmi lesquels, certains pourront
bénéficier de l’exonération de taxe foncière bien que vivant avec une personne ayant des
revenus élevés.
Concernant enfin le plafonnement de la TF, il correspond au dégrèvement de la fraction
de taxe foncière supérieure à 50% des revenus de l’ensemble des foyers fiscaux au sens de l’IR
habitant dans le logement. Afin de bénéficier du plafonnement, les contribuables ne doivent pas
avoir été soumis à l’IFI en N-1 et le RFR de N-1 ne doit pas dépasser certains plafonds.
Les plafonds de ressources de l’ensemble de ces différents dispositifs varient d’une part
en fonction des dispositifs, et d’autre part, pour chaque dispositif, en fonction du nombre de
parts et du lieu de résidence (France métropolitaine et outre-mer) (voir annexe 3). Cela rend les
dispositifs peu lisibles et peu intelligibles. À titre d’exemple, le tableau ci-dessous retrace les
conditions de ressources qui déterminent l’exonération au profit des personnes âgées de plus de
75 ans.
Tableau n° 11 :
Seuils de RFR de l’année 2023 sur les revenus de 2022 relatifs à l’obtention de
l’exonération au profit des personnes âgées de plus de 75 ans (en
)
Parts de RFR
Métropole
Guadeloupe,
Martinique,
La Réunion
Guyane
Mayotte
Pour la première part
11 885
14 064
14 703
22 036
37
Cette exonération pour les contribuables de plus de 75 ans s’applique également aux contribuables de
plus de 75 ans qui ont bénéficié de l’exonération de taxe d’habitation prévue au I de l’article 28 de la LFR pour
2014, mais avec des plafonds de ressources plus avantageux (voir exonérations de « droit acquis » du tableau de
l’annexe 3)
38
DGFiP – Rapport 2021 Coût pour les collectivités territoriales des mesures d’exonération et
d’abattement d’impôts directs locaux.
39
Tome II du rapport sur les Voies et moyens annexé au PLF pour 2023.
40
Le décret n°2022-1694 supprime la prise en compte des revenus du conjoint pour le calcul de l'AAH.
LA PRISE EN COMPTE DE LA FAMILLE DANS LA FISCALITÉ
41
Parts de RFR
Métropole
Guadeloupe,
Martinique,
La Réunion
Guyane
Mayotte
Pour la demi-part suivante
3 174
3 359
4 047
6 063
Pour toute demi-part supplémentaire
3 174
3 174
3 174
4 754
Source : législation
Si l’on peut concevoir des seuils différents entre métropole et outre-mer, eu égard aux
différences du coût de la vie, alors cette différence doit apparaître de manière systématique et
ne pas varier en fonction du nombre de demi-parts. Or, pour l’exonération au profit des
personnes âgées de plus de 75 ans, le seuil est différent entre la métropole et l’outre-mer pour
la première part et la demi-part suivante, et s’uniformise ensuite à 3 174
pour les demi-parts
supplémentaires (excepté pour Mayotte). Il en résulte une évolution des seuils en fonction des
demi-parts différente en métropole et outre-mer. Toujours dans le cas de l’exonération au profit
des personnes âgées de plus de 75 ans, après la première part, le seuil augmente d’un même
montant (3 174
) pour chaque demi-part supplémentaire en métropole, alors qu’outre-mer, il
augmente d’un montant différent pour la première demi-part supplémentaire et les suivantes
(6 063
puis 4 754
à Mayotte). En outre, le montant associé à la première demi-part
supplémentaire est différent en métropole et outre-mer, tandis que pour les suivantes, le montant
est équivalent, excepté pour Mayotte.
Ainsi, pour chaque dispositif, il peut exister des seuils différents pour chaque demi-parts
après la première part. De plus, l’évolution de ces seuils n’apparait pas cohérente entre la
métropole et l’outre-mer. Pour une meilleure compréhension des dispositifs par les
contribuables, une uniformisation totale de ces plafonds pourrait être envisagée en appliquant
un unique plafond au RFR par part. A minima, il conviendrait de prévoir que la majoration du
seuil de RFR soit la même pour chaque demi-part supplémentaire au-delà de la première, en
maintenant éventuellement une différence entre la métropole et l’outre-mer. Cette
recommandation vaut également pour l’éligibilité aux taux réduits de contributions sociales sur
les revenus de remplacement qui présente les mêmes caractéristiques (cf.
supra
1.2.2 et annexe
4).
Recommandation n° 6.
(DLF, DSS) Uniformiser les majorations de revenu fiscal de
référence pour toutes les demi-parts supplémentaires dans la détermination des seuils
d’allègements fiscaux en matière de taxe foncière et de contributions sociales.
1.2.6
Des remboursements de taxes à l’achat de véhicules pour les familles
nombreuses
La taxe sur les émissions de dioxyde de carbone des véhicules de tourisme (« malus
CO2 ») a été instituée par la loi de finances rectificative pour 2007 avec, en parallèle, un
« bonus » visant à inciter à l’acquisition des véhicules plus propres. Aussi, les familles
comportant trois enfants et plus étant obligées d’acquérir des véhicules de cinq places et plus
ne pouvaient souvent pas bénéficier du bonus – réservé en pratique aux plus petits véhicules –
LA PRISE EN COMPTE DE LA FAMILLE DANS LA FISCALITÉ
42
et se voyaient souvent contraintes d’acquitter un malus élevé. C’est dans ce contexte qu’un
mécanisme d’abattement a été mis en place par la loi de finances pour 2009 à compter du 3
ème
enfant.
Initiée par la Convention Citoyenne du climat, la taxe sur la masse en ordre de marche
des véhicules de tourisme (TMOM) s’applique, quant à elle, depuis le 1
er
janvier 2022. Elle a
pour objectif de contenir l’alourdissement du parc automobile et ainsi réduire son empreinte
écologique. Pour des raisons similaires à celles ayant conduit à l’abattement sur le malus CO
2
,
un abattement sur cette taxe est prévu à compter du 3
ème
enfant.
Ces taxes s’appliquent aux véhicules de tourisme l’année de la première immatriculation
en France. Le montant du malus CO
2
est égal à un tarif déterminé au moyen du barème en
vigueur l’année de première immatriculation du véhicule en France
41
. Pour les véhicules dont
la première immatriculation est intervenue à compter du 1er janvier 2022, le montant de la taxe
est plafonné à 50 % du prix d'acquisition du véhicule. En 2021, les recettes fiscales associées à
cette taxe se sont élevées à 547 M
.
La TMOM concerne les véhicules dont le poids dépasse un certain seuil défini en
fonction de l’année de la première immatriculation. Le montant de la taxe est égal au produit
d'un tarif unitaire (10
) par le nombre de kilogrammes excédant le seuil d’imposition (1 800
kg en 2022). Un plafond est également appliqué à cette taxe, dont le montant dépend du montant
du malus CO
2
. Le plafond est ainsi défini par la différence entre le montant maximal du barème
du malus CO
2
dont relève le véhicule et le montant du malus CO
2
appliqué au véhicule.
Autrement dit, pour les véhicules immatriculés pour la première fois en 2022, la somme des
deux taxes ne pouvait excéder 40 000
. Ce plafond est passé à 50 000
en 2023.
Les conditions requises pour bénéficier des abattements à compter du 3
ème
enfant sont
les mêmes pour chacune des taxes. Ces abattements bénéficient à la personne qui détient le
véhicule, dans la mesure où, au sein de son foyer, elle «
assume la charge effective et
permanente d'au moins trois enfants qui, soit répondent à l’une des conditions prévues au 1°
ou 2° de l’article L. 512-3 du code de la sécurité sociale, soit font l'objet d'un placement à son
domicile dans le cadre de l'article L. 421-2 du code de l'action sociale et des familles.
»
42
. Ils
s'appliquent dans la limite d'un seul véhicule d'au moins cinq places par foyer. Dans le cas de
couples mariés, pacsés ou en union libre, le nombre des enfants à la charge du foyer correspond
à la somme des enfants à la charge de chacun des deux parents composant ce foyer.
Si la définition retenue pour la notion d’enfants à charge est empruntée à la sphère
sociale et non fiscale, cela tient essentiellement à une jurisprudence constitutionnelle
43
au
regard de laquelle il n’apparaissait pas souhaitable de rapprocher des impositions distinctes, en
l’occurrence les taxes automobiles et l’impôt sur le revenu, dont les objets sont sans lien. En
effet, un tel rapprochement conduirait à traiter différemment deux personnes qui ont trois
41
Pour les véhicules neufs achetés en France ou ayant fait l’objet d’une réception européenne, le barème
s’établit sur les émissions de CO
2
exprimées en grammes par kilomètre, tandis que pour les véhicules n'ayant pas
fait l'objet d'une réception européenne, les barèmes dépendent de la puissance administrative, exprimée en chevaux
administratifs.
42
Article L421-81 du code des impositions sur les biens et services.
43
Décision n°2017-629 QPC du 19 mai 2017, sur le fait que l’éligibilité à un dégrèvement de cotisation
sur la valeur ajoutée des entreprises était conditionnée au fait d’appartenir à un groupe fiscalement intégré au sens
de l’impôt sur les sociétés.
LA PRISE EN COMPTE DE LA FAMILLE DANS LA FISCALITÉ
43
enfants à charge simplement parce que l’une a déclaré ses trois enfants à l’IR et pas l’autre
(cette déclaration à l’IR n’ayant pas de caractère obligatoire).
Pour le malus CO
2
, le montant de l’abattement est de 20 grammes par kilomètre par
enfant pour les émissions de dioxyde de carbone et de 1 cheval administratif par enfant pour la
puissance administrative. Pour la TMOM, le montant de l’abattement s’élève à 200 kg par
enfant. Comme en témoigne les graphiques ci-dessous illustrant le cas d’un véhicule neuf acheté
en France en 2022, les deux taxes affichent un profil progressif jusqu’à un plafond. Ce dernier
dépend, pour le malus CO
2
, du barème appliqué – fonction des émissions de CO
2
ou de la
puissance administrative – et donc du véhicule concerné. Le montant de la TMOM est quant à
lui plafonné en fonction du malus CO
2
(voir
supra
).
Graphique n° 5 :
Profil du malus CO
2
concernant un véhicule neuf acheté en France en 2022 par un
foyer avec trois enfants à charge
Source : Cour des comptes
0
5000
10000
15000
20000
25000
30000
35000
40000
45000
0
50
100
150
200
250
300
350
Montant de la taxe (
)
Emissions de CO2 (g/km)
Taxe due avant abattement
Taxe due après abattement
LA PRISE EN COMPTE DE LA FAMILLE DANS LA FISCALITÉ
44
Graphique n° 6 :
Profil de la taxe sur la masse en ordre de marche pour un foyer avec trois enfants à
charge et redevable d’un malus CO
2
après abattement de 10 011
en 2022
Source : Cour des comptes
Passé le seuil d’assujetissement, le gain par enfant augmente avec le niveau d’émissions
de CO
2
, tandis qu’il est constant quelle que soit la masse dans le cas de la TMOM. Ce gain
décroît néanmoins en haut du barème, avant de s’annuler en raison du plafonnement des deux
taxes.
La dépense fiscale relative à l’abattement sur le malus CO
2
s’élevait à 14 M
en 2021
44
pour près de 3 500 demandes acceptées. La TMOM étant entrée en vigueur en 2022, la dépense
fiscale associée est estimée à 1 M
pour cette même année. Dans les DDFiP rencontrées
(Seine-et-Marne et Eure-et-Loir), le nombre de demandes validées était cependant très faible
(respectivement cinq et quatre), associées à des remboursements réduits (11 000
et 7 850
).
Cela apparaît cohérent avec le fait que la masse moyenne des véhicules immatriculés en France
était de 1 233 kg en 2022
45
, soit un niveau significativement inférieur au seuil d’imposition.
1.3
Une prise en compte des types d’unions et des enfants variable selon les
dispositifs et préjudiciable à la lisibilité du système fiscal
1.3.1
Un traitement hétérogène des types d’union par le droit fiscal
La notion de foyer fiscal, et plus particulièrement la notion de couple, varie en fonction
de l’impôt considéré. Si le mariage, le PACS et le concubinage sont trois types d’union
44
Source : Tome II de l’annexe Voies et moyens au PLF pour 2023.
45
0
5000
10000
15000
20000
25000
30000
35000
0
1000
2000
3000
4000
5000
6000
7000
Montant de la taxe (
)
Masse (kg)
Taxe due avant abattement TMOM
Taxe due après abattement
LA PRISE EN COMPTE DE LA FAMILLE DANS LA FISCALITÉ
45
reconnus par le code civil, ils ne confèrent pas les mêmes obligations au sein du couple,
notamment en termes de solidarité, ce qui justifierait leur traitement différencié par le droit
fiscal. Conformément au principe de solidarité mutuelle émanant des articles 220 et 515-4 du
code civil, les couples mariés et les partenaires liés par un PACS sont responsables
solidairement du paiement de l’IR lorsqu’ils sont soumis à une imposition commune, de la TH
sur les résidences secondaires et de l’IFI. De telles dispositions n’existent pas pour les
concubins. Dès lors, il devrait en résulter une même définition du foyer fiscal pour chacun de
ces impôts. Or si la définition du foyer fiscal au sens de la CEHR ou de la CSG est alignée sur
celle de l’IR, ce n’est pas le cas pour les autres impôts. Par exemple, deux personnes en
concubinage notoire forment deux foyers distincts au sens de l’IR, mais forment un unique
foyer au sens de l’IFI. Il s’ensuit que selon les cas, le couple devra déposer une ou deux
déclarations. De plus, dans le cas de couples mariés ou pacsés, le fait d’être imposé
conjointement ou non dépend du régime matrimonial ou encore de l’année du mariage, du
divorce ou de la séparation (voir sections 1.1.1 pour l’IR et 1.2.4 pour l’IFI).
Alors que la différence de traitement au sens de l’IR entre couples mariés et pacsés
d’une part et couples en concubinage notoire d’autre part peut se comprendre du point de vue
de la gestion de l’impôt en raison de la difficulté à repérer les situations de concubinage notoire
et du fait de l’absence de solidarité face à une dette fiscale pour les couples en union libre, elle
est plus difficilement justifiable d’un point de vue conceptuel, en raison de la définition même
du concubinage notoire qui se caractérise par une communauté de vie et une mutualisation des
moyens. C’est d’ailleurs bien sur cette définition que se fonde le droit fiscal pour définir le
foyer fiscal au sens de l’IFI, ce qui ajoute à la confusion.
Tableau n° 12 :
Nombre de déclarations d’un couple soumis à l’impôt sur le revenu et à l’impôt sur
la fortune en fonction de son statut
IR
IFI*
Concubins notoires
2
1
Mariés, pacsés – cas général
1
1
Mariés, pacsés – séparés de biens et ne vivant pas sous le même toit
2
2
Mariés ou pacsés en N – Imposition distincte en N
2
1
Mariés ou pacsés en N – Imposition commune en N
1
1
Divorce ou rupture de PACS en N
2
2
Source : législation
* La situation s’appréciant au 1
er
janvier de l’année N, le tableau repose sur deux hypothèses. Pour un
mariage ou un PACS en année N, les membres du couple sont supposés être en concubinage notoire au 1
er
janvier
de l’année N. Dans le cas d’un divorce ou d’une rupture de PACS en année N, le couple est supposé être en instance
de séparation au 1
er
janvier de l’année N.
Concernant les allègements de taxe foncière, avec la suppression de la condition de
cohabitation décidée en LFI 2023 (cf. 1.2.5), certaines exonérations et dégrèvements avantagent
désormais les couples en union libre. Pour ce qui est des droits de succession, seuls les conjoints
ou partenaires de PACS bénéficient d’un statut particulier permettant l’exonération des droits.
LA PRISE EN COMPTE DE LA FAMILLE DANS LA FISCALITÉ
46
En revanche, les remboursements pour les familles nombreuses des taxes sur
l’immatriculation s’appliquent de la même manière, que le contribuable soit marié, pacsé ou en
union libre.
1.3.2
Une prise en compte des enfants à charges et de la situation familiale
également variable selon les dispositifs
La prise en compte des enfants dans le système fiscal se fait de différentes manières
selon les dispositifs :
-
un barème en fonction du revenu et du nombre de parts liées au nombre d’enfants à
charge : c’est notamment le cas de l’IR via le mécanisme du quotient familial, et de
la CSG sur les revenus de remplacement avec l’application de taux réduits ;
-
un allègement d’impôt dont les plafonds sont familialisés ou conjugalisés, par
exemple en fonction du RFR et du nombre de parts : c’est le cas par exemple de la
TF au travers de mécanismes d’exonérations et dégrèvements ;
-
un allègement d’impôt en fonction du nombre d’enfants à charge : c’est le cas des
taxes sur l’immatriculation avec le remboursement pour familles nombreuses et de
la réduction d’impôt sur le revenu liée aux enfants scolarisés.
1.3.2.1
Une prise en compte différente des enfants selon la nature du couple, marié ou
vivant en union libre
En matière d’IR, la prise en compte des enfants dépend du lien unissant les parents. En
effet, les membres d’un couple en union libre formant deux foyers distincts au sens de l’IR, la
prise en compte des enfants se fait de la même manière que pour un couple ayant divorcé ou
rompu un PACS. En effet, la garde d’un enfant peut être comptée exclusivement à la charge de
l’un des parents, ou partagée. Dans ce dernier cas, chacun des parents bénéficie d’un quart de
part (une demie à partir du troisième).
En revanche, depuis 1996, les membres d’un couple en union libre ne peuvent plus
bénéficier d’une majoration de QF, réservée désormais aux parents isolés. Il en résulte que pour
un couple dont chacun des membres a un niveau de revenu trop élevé pour bénéficier de la
décote, l’application du QF dans le cadre de l’IR conduit généralement à désavantager un
couple en union libre avec enfants par rapport à un couple marié avec enfants, malgré la
possibilité d’optimisation liée au choix de rattachement des enfants à l’un et/ou l’autre parent
(cf. analyse dans la partie 3).
1.3.2.2
Des conditions d’âge et de statut des enfants non uniformes
La prise en compte des enfants en fonction de leur âge ou de leur statut n’est pas non
plus homogène entre les dispositifs. En matière d’IR, peuvent être comptés comme enfants à
LA PRISE EN COMPTE DE LA FAMILLE DANS LA FISCALITÉ
47
charge du foyer les enfants mineurs, les enfants majeurs jusqu’à 21 ans
46
ou 25 ans s'ils sont
étudiants, les enfants handicapés quel que soit leur âge. Il en est de même pour la CSG qui
repose sur les règles définies pour l’IR. Concernant la CEHR, les enfants ne sont pris en compte
qu’au travers des dispositions de l’IR affectant le RFR (prises en compte du revenu des enfants,
abattement pour enfants à charge ayant fondé un foyer distinct, etc.), ce dernier constituant
l’assiette de la CEHR.
Pour l’IFI en revanche, seul le patrimoine des enfants mineurs est ajouté au patrimoine
du ou des parents, même lorsque les enfants majeurs sont déclarés à charge au sens de l’IR.
Dans le cas des taxes sur l’immatriculation, la notion d’enfants à charge renvoie quant
à elle à une définition issue de la sphère sociale. En effet, un enfant est considéré à charge dès
lors qu’il ouvre droit aux prestations familiales, ce qui vise les enfants qui, soit ont jusqu’à
16 ans, quelle que soit la rémunération qui peut leur être versée, soit ont entre 17 et 20 ans avec
une rémunération inférieure ou égale à 55 % du SMIC.
Alors que, pour tous ces impôts, tous les enfants d’une famille recomposée sont pris en
compte sans distinction, pour les droits de succession, les enfants du partenaire du défunt ne
bénéficient d’aucun statut particulier, sauf à avoir fait l’objet d’une adoption simple par le
défunt.
Le handicap est également appréhendé différemment selon les dispositifs. Dans le cadre
de l’IR, une distinction est faite entre les enfants handicapés titulaires et non titulaires de la
carte d’invalidité ou de la carte mobilité inclusion mention « invalidité ». Concernant les droits
de succession, si l’âge des enfants n’a pas d’impact sur les taux, un enfant dont le handicap
constitue un obstacle au travail dans des conditions normales bénéficie d’un abattement de
159 325
. Enfin, les allègements sur la fiscalité locale dépendent, selon les cas, du fait de
percevoir l’allocation adulte handicapé ou des règles de rattachement au sens de l’IR.
1.3.2.3
Une situation familiale appréciée à des dates différentes par rapport à l’année
d’imposition
La date de prise en compte de la situation familiale varie elle aussi selon les impôts.
Pour l’IR et la CEHR, le calcul de l’impôt dépend de la situation au 31 décembre de l’année N
sur les revenus de l’année N, tandis que l’IFI dépend de la situation au 1
er
janvier de l’année
d’imposition et que les plafonds de ressources pour bénéficier des allègements de TF en année
N dépendent de l’IR sur les revenus de N-1. Les allègements de fiscalité locale et les taux réduits
de contributions sociales sont quant à eux calculés en fonction du RFR et du nombre de parts
de l’année N-1 et N-2 respectivement
47
. Pour les droits de succession, c’est la situation au
moment du décès qui prime, tandis que pour les taxes sur l’immatriculation, la réduction pour
famille nombreuse dépend de la situation au moment de la première immatriculation en France.
Une subtilité concerne enfin la prise en compte d’un enfant à naître. Ce dernier n’est pas
considéré comme étant à charge excepté pour les taxes sur l’immatriculation dont la réduction
pour famille nombreuse se fonde sur le droit social. En effet, selon le code de la sécurité sociale,
46
Ce seuil de 21 ans provient du fait que la majorité civile était fixée à 21 ans jusqu’en 1974.
47
N-3 dans certains cas pour les contributions sociales.
LA PRISE EN COMPTE DE LA FAMILLE DANS LA FISCALITÉ
48
est considéré à charge un enfant «
à compter du 1
er
jour du mois civil suivant le 5
ème
mois de la
grossesse
»
48
.
48
Article R. 531-1 du code de la sécurité sociale.
LA PRISE EN COMPTE DE LA FAMILLE DANS LA FISCALITÉ
49
Tableau n° 13 :
Tableau récapitulatif des différences entre les dispositifs quant à la prise en compte de la situation familiale
Prise en compte du couple
Date de prise en compte de la
situation
Condition de prise en charge
des enfants
Prise en compte du handicap
IR
Les couples mariés ou pacsés
forment un seul foyer fiscal
(sauf exceptions, cf. tableau
12)
Chaque membre d’un couple
en union libre correspond à un
foyer fiscal distinct
Au 31 décembre N pour
imposition des revenus de
l’année N
Mineurs, majeurs jusqu’à 21
ans ou 25 ans si étudiants,
majeurs quel que soit l’âge si
handicapé.
Rattachement possible même
dans le cas d’une famille
recomposée
Possibilité de rattachement des
enfants majeurs
Distinction entre titulaires ou
non de la carte d’invalidité ou
de la carte mobilité inclusion
mention « invalidité »
CEHR
Idem IR
Idem IR
Au travers de dispositions à
l’IR affectant le RFR
Au travers de dispositions à
l’IR affectant le RFR
Contributions
sociales (assiette
remplacement)
Imposition individuelle
En fonction du RFR et du
nombre de parts de l’année N-
2
Conforme aux règles de
rattachement au sens de l’IR
Conforme aux règles de
rattachement au sens de l’IR
Droits de
succession
Seul le conjoint ou le
partenaire de PACS du défunt
bénéficie d’un statut particulier
À la date du décès
Tous les enfants en ligne
directe ou ayant fait l’objet
d’une adoption simple dans le
cas de familles recomposées
Abattement dès lors que le
handicap constitue un obstacle
au travail dans des conditions
normales de rentabilité
LA PRISE EN COMPTE DE LA FAMILLE DANS LA FISCALITÉ
50
Prise en compte du couple
Date de prise en compte de la
situation
Condition de prise en charge
des enfants
Prise en compte du handicap
IFI
Un couple marié, pacsé ou en
union libre forme un foyer
fiscal unique
Au 1
er
janvier de l’année
d’imposition
Mineurs dont le ou les
membres du foyer fiscal ont
l’administration légale des
biens
Aucune
TH/TF
Quel que soit le statut du
couple, c’est le titre de
propriété qui compte pour la
TF
Au 1
er
janvier de l’année
d’imposition
Et fonction du RFR et du
nombre de parts de l’année N-
1
Conforme aux règles de
rattachement au sens de l’IR
Selon le type d’allègement,
dépend de la perception de
l’AAH ou est conforme aux
règles de rattachement au sens
de l’IR
Taxes sur
l’immatriculation
Un couple marié, pacsé ou en
union libre forme un foyer
fiscal unique
À la date de 1
ère
immatriculation en France
Jusqu’à 16 ans révolus, quelle
que soit la rémunération qui
peut leur être versée, ou entre
17 et 20 ans révolus avec une
rémunération inférieure ou
égale à 55 % du SMIC.
Les enfants à naître à compter
du 1
er
jour du mois civil
suivant le 5
ème
mois de la
grossesse
Aucune pour les enfants
Source : Cour des comptes
LA PRISE EN COMPTE DE LA FAMILLE DANS LA FISCALITÉ
51
1.4
Un impact important sur les finances publiques
En raison, d’une part de leur imbrication et de leur hétérogénéité
49
, et d’autre part parce
qu’il n’existe pas toujours de norme de référence pour en établir le montant, il est difficile
d’évaluer l’impact global sur les finances publiques des dispositifs fiscaux de prise en compte
de la situation familiale.
S’agissant de l’IR, il convient ici de distinguer l’impact, sur le produit de l’impôt, de la
conjugalisation (calcul de l’impôt au niveau du couple) et de la familialisation (prise en compte
des enfants).
Concernant la conjugalisation, plusieurs réformes intervenues entre 2012 et 2017 ont
conduit à en accroître l’impact sur les finances publiques. En particulier, le mécanisme de
décote a été en partie conjugalisé sur la période, et la prime pour l’emploi, crédit d’impôt
individualisé dont le bénéfice dépendait du revenu de l’ensemble du foyer fiscal, a été remplacé
en 2016 par un dispositif non fiscal (la prime d’activité). Ainsi, les changements de législation
entre 2012 et 2017 ont accru le montant de la perte de recettes due à la conjugalisation de
1,2 Md
en 2012 pour le porter à 11,1 Md
en 2017
50
.
Concernant la familialisation, on observe à l’inverse une tendance consistant à en limiter
la prise en compte par le système fiscal, que cette tendance soit guidée par des choix budgétaires
ou politiques. L’IR a, ces dernières années, fait l’objet de différentes réformes allant dans ce
sens. En particulier, alors que le plafond de QF s’élevait à 2 336
en 2012, il a été abaissé à
2 000
en 2013 puis à 1 500
en 2014. Depuis, il a simplement été revalorisé chaque année
selon l’inflation. Ce plafond limite significativement l’impact budgétaire du QF puisqu’à
l’inverse, un déplafonnement représenterait une perte de recettes estimée à 4,9 Md
pour
l’État
51
.
49
Au sein même de l’IR, plusieurs types de dispositifs prennent en compte la composante familiale. Ainsi,
par exemple, le coût de la conjugalisation ne dépend pas uniquement du QC mais également de la conjugalisation
de certains allègements d’impôts. Le nombre de parts de QF définies à l’IR aura également un impact sur d’autres
impôts comme la TF au travers des plafonds de ressources pour bénéficier d’exonérations.
50
André, M. (2019). L’imposition conjointe des couples mariés et pacsés organise une redistribution en
direction des couples les plus aisés, dont les effets ont augmenté entre 2012 et 2017. In :
Insee Références
France,
portrait social
, pp. 115–132.
.
51
Chiffre évalué sur les revenus de 2020.
LA PRISE EN COMPTE DE LA FAMILLE DANS LA FISCALITÉ
52
Graphique n° 7 :
Plafond de quotient familial (en
)
Source : Institut des politiques publiques
Un certain nombre de majorations de QF considérées comme des dépenses fiscales ont
également été modifiées au fil du temps, contribuant à en réduire l’impact budgétaire. Par
exemple, les parents en union libre ont été exclus du champ de la demi-part des parents isolés
en 1996 ; la demi-part pour les personnes vivant seules et ayant élevé un enfant a été recentrée
en 2009 sur celles ayant supporté à titre exclusif ou principal la charge de l’enfant pendant au
moins cinq ans pendant lesquels elles vivaient seules. Cette tendance s’applique aussi à d’autres
dépenses fiscales relatives à l’IR comme les montants de réduction d’impôt liée aux études
secondaires ou supérieures des enfants qui n’ont pas été revalorisés depuis 1993 malgré
l’inflation.
La même dynamique est à l’
œ
uvre pour les autres impôts. Les droits de succession dus
par un légataire d’au moins trois enfants ne sont plus réduits depuis 2017. L’IFI (et l’ISF qui
l’a précédé) n’intègre plus de dispositif de réduction d’impôt par personne à charge depuis
2012. Concernant la CSG, les mécanismes de taux réduits en fonction du RFR et du nombre de
parts sont apparus quelques années après la création de l’impôt, mais dans un mouvement de
hausse globale des taux tandis que les seuils déterminant l’application des taux réduits
n’évoluent chaque année qu’en fonction de l’inflation.
La suppression progressive de la taxe d’habitation sur la résidence principale entre 2018
et 2022 a eu pour conséquence la disparition des allégements associés au profit des familles
(1,9 Md
en 2016)
52
.
L’évaluation du coût de l’ensemble de ces dispositifs sur les finances publiques se heurte
à plusieurs obstacles.
Tout d’abord, concernant les droits de succession et de donation, il n’existe pas de
« norme fiscale » permettant de calculer l’effet sur les recettes fiscales des moindres taux
appliqués pour une plus grande proximité familiale.
52
Observatoire des finances et de la gestion locale (2018) : Les allègements de fiscalité directe locale et
leurs compensations,
Cap sur… n°2
.
0
500
1000
1500
2000
2500
3000
1982
1984
1986
1988
1990
1992
1994
1996
1998
2000
2002
2004
2006
2008
2010
2012
2014
2016
2018
2020
2022
LA PRISE EN COMPTE DE LA FAMILLE DANS LA FISCALITÉ
53
Ensuite, alors que les dépenses fiscales issues des majorations du QF correspondant à
des situations particulières est facilement chiffrable à l’aide du tome II du rapport sur les Voies
et moyens annexé au PLF chaque année, l’impact sur les recettes fiscales imputable au QF dans
le cas général, tout comme celui imputable au QC, ne sont pas retracés dans les documents
budgétaires et sont plus difficiles à évaluer dans la mesure où la conjugalisation et la
familialisation passent à la fois par l’attribution de parts fiscales mais également par la
modulation des plafonds de certaines dépenses fiscales. L’Insee a cependant estimé l’impact du
QC à 11,1 Md
et celui du QF à 16,6 Md
en 2017
53
.
Les dispositifs d’allègements de TF n’ont quant eux pas subi de modification depuis
longtemps. Si le montant des exonérations est bien connu, il n’a pas été possible d’obtenir le
montant de l’ensemble des dégrèvements. En particulier, la DGFiP n’a pas été en mesure de
transmettre le montant du dégrèvement au titre du plafonnement de TF, ni celui relatif aux
exonérations de TF « de droits acquis ». Par ailleurs, afin d’estimer l’impact de la
familialisation sur les finances publiques, il faudrait pouvoir isoler ce qui résulte uniquement
des majorations de seuils en fonction du nombre de parts.
Des exonérations ou réductions de contributions sociales par le biais des taux réduits sur
les revenus de remplacement peuvent aussi être appliquées en deçà d’un certain seuil de revenu
fiscal de référence, majoré en fonction du nombre de parts fiscales. Ces majorations de plafonds
pour enfants à charge réduisent les contributions sociales dues, pour un montant estimé par la
direction de la recherche, des études, de l’évaluation et de statistiques (DREES)
54
à 260 M
en
2017.
L’impact sur les finances publiques de ces différents dispositifs atteindrait ainsi un peu
plus de 28,3 Md
en 2021. Il s’agit des moindres recettes fiscales issues de la conjugalisation
et de la familialisation par rapport à une situation fictive dans laquelle il n’y aurait aucune prise
en compte de la composante conjugale et familiale des assujettis. Or celle-ci résultant d’une
exigence constitutionnelle, ces 28,3 Md
ne peuvent être directement assimilés à un coût pour
l’État. En particulier, le QF n’est pas un avantage mais une modalité de calcul de l’impôt qui
tient compte de cette obligation constitutionnelle.
53
André, M. et Sireyjol, A. (2021) Redistributive Effects of the Taxation of Couples and Families: A
Microsimulation Study of Income Tax.
Economie et Statistique / Economics and Statistics
, 526-527, 21–39.
L’estimation est réalisée de manière séquentielle : (i) l’impôt est d’abord totalement individualisé afin de disposer
d’une situation contrefactuelle : les revenus sont individualisés, et l’ensemble des parts fiscales ainsi que les autres
dispositifs conjugalisés et familialisés sont neutralisés ; (ii) l’effet de la conjugalisation s’apprécie par différence
entre l’impôt fictif totalement individualisé et un impôt conjugalisé sans prise en compte des personnes à charge,
que ce soit au travers de leurs revenus, de parts fiscales ou de conditions d’éligibilité aux crédits et réductions
d’impôts ; (iii) L’effet de la familialisation est enfin évalué par différence entre l’impôt tel qu’appliqué en France
en fonction de la législation en vigueur, et l’impôt conjugalisé.
54
Au titre de la politique familiale, les dépenses sociales et fiscales liées aux enfants atteignent 4,7 % du
PIB en 2017 compte de l’enfance
. Les dossiers de la DREES n°50 février 2020.
LA PRISE EN COMPTE DE LA FAMILLE DANS LA FISCALITÉ
54
Tableau n° 14 :
Recettes fiscales perdues du fait de la prise en compte de la composante familiale
dans la fiscalité en 2021
Impôt
Dispositif
Montant en M
IR et CEHR
QC
§
11 062
QF
§
16 544
Total
27 606
Contributions sociales
(dont CSG)
Exonérations et taux réduits*
327
TF
¥
Exonérations personnes âgées et
revenus modestes**
331
Dégrèvements***
37
Total
366
Taxes sur
l’immatriculation
Réduction
d’impôt
pour
les
familles nombreuses****
15
Total
28 314
† Impôt 2021 sur les revenus 2020.
§ L’impact sur les recettes fiscales des mécanismes de QC et QF est une estimation réalisée à partir des
chiffres de 2017, respectivement 11,1 Md
et 16,6 Md
, issus de André et Sireyjol (2021), auxquels ont été
appliquées une baisse de 0,3% calculée à partir des estimations relatives au QF de la DGFiP entre 2017 et
2021.
¥
Il s’agit de majorants dans la mesure où il n’est pas possible de distinguer les moindres recettes
résultant de la majoration de seuils en fonction du nombre des parts.
* À
partir du Compte de l’enfance 2020 (DREES), dans lequel l’impact était estimé à 260 M
pour 2017.
Estimation réalisée en appliquant à ce chiffre l’évolution de la CSG sur les revenus de remplacement entre 2017
et 2021, soit + 26 %.
** DGFiP – Rapport 2021 Coût pour les collectivités territoriales des mesures d’exonération et
d’abattement d’impôts directs locaux.
*** Intègre uniquement les dégrèvements de 100
pour les contribuables âgés de 65 à 75 ans.
**** Afin d’estimer l’impact global sur les finances publiques, ce chiffre intègre le montant du
remboursement de TMOM pour 2022 issu du tome II du rapport sur les Voies et moyens annexé au PLF pour
2023, soit 1 M
.
CONCLUSION INTERMÉDIAIRE
La prise en compte de la composante familiale, obligation constitutionnelle, est très
variable selon les impôts. Si l’impôt sur le revenu présente un haut degré de prise en compte
du conjoint et des enfants, d’autres impôts prennent en compte le couple avec une notion parfois
différente de celle de l’impôt sur le revenu (cas de l’IFI). Deux taxes à l’immatriculation (malus
CO
2
et taxe sur le poids des véhicules) proposent un abattement pour familles nombreuses.
LA PRISE EN COMPTE DE LA FAMILLE DANS LA FISCALITÉ
55
D’autres impôts (CSG sur les revenus de remplacement, taxe foncière) sont modulés selon des
seuils de revenu fiscal de référence (RFR) majorés en fonction du nombre de parts fiscales.
Une évaluation, non exhaustive, de l’impact de ces dispositifs sur les finances publiques
atteint 28,3 Md
en 2021 (1,1 % du PIB). La grande majorité de ce montant provient des
dispositifs de quotient conjugal (11,1 Md
) et familial (16,5 Md
), qui ne sont pas considérés
comme des avantages fiscaux mais comme des modalités d’imposition visant à prendre en
compte les capacités contributives des foyers fiscaux.
La modulation des impositions liée à la composante familiale a reculé depuis une
décennie : baisses successives du plafond du quotient familial, suppression de la taxe
d’habitation sur les résidences principales qui était allégée pour les familles, suppression d’une
réduction de droits de succession et donation pour les familles d’au moins trois enfants,
suppression de la réduction d’IFI pour personne à charge, forfaitisation du plafond des niches
fiscales, absence de prise en compte de quotient familial dans la définition de la CEHR.
2
DES REGLES PARFOIS MECONNUES PAR LES
CONTRIBUABLES, DES CONTROLES PEU FREQUENTS PAR
L’ADMINISTRATION
Les règles de prise en compte de la composition familiale dans l’impôt présentent une
certaine complexité de gestion pour l’administration fiscale et parfois aussi pour les
contribuables. Cela peut occasionner des situations de non recours à certains avantages
familiaux.
Peu de vérifications du bénéfice à bon droit de ces avantages étaient jusqu’à présent
effectuées par l’administration fiscale. Le développement du traitement de données numériques
en masse devrait cependant permettre d’accroître le volume d’irrégularités détectées.
2.1
Une application des règles parfois malaisée pour les contribuables
2.1.1
Des complexités dans les obligations déclaratives
2.1.1.1
Un formulaire déclaratif à l’IR difficile à interpréter dans certains cas
La mise en place du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu en 2019 n’a pas
fait disparaître l’obligation de déclarer ses revenus chaque année au moyen du formulaire dédié
(déclaration dite « 2042 »). Outre leurs revenus, les contribuables sont tenus d’y déclarer, au
début du formulaire, les paramètres familiaux d’imposition. La complexité de la législation en
LA PRISE EN COMPTE DE LA FAMILLE DANS LA FISCALITÉ
56
matière de prise en compte de la situation familiale peut faire naître des irrégularités, qu’elles
soient volontaires ou non.
La déclaration de situation du foyer fiscal nécessite ainsi une interprétation du sens des
cinq cases proposées.
Schéma n° 1 :
Cases proposées pour déclarer sa situation familiale (déclaration de revenus de 2021)
Source : déclaration des revenus 2021
Ces cases ne sont pas toutes exclusives les unes des autres. Par exemple, un contribuable
peut apparaître à la fois veuf et célibataire, divorcé et célibataire, divorcé et veuf, veuf et marié
(cas des veufs remariés), veuf et pacsé. Par ailleurs, un contribuable qui a rompu son Pacs doit
en principe cocher la case « Divorcé/séparé », mais selon un service de gestion de l’impôt
rencontré, certaines personnes concernées sont réticentes à se déclarer divorcés alors qu’ils
n’étaient pas mariés, et cochent alors la case « Célibataire ».
Dans le cas où le fait d’avoir coché une case erronée n’a pas d’incidence fiscale (par
exemple cocher la case « Célibataire » au lieu de la case « Divorcé/séparé »), cela n’est pas
vraiment problématique. Cela le devient lorsque l’impôt à payer n’est pas le même selon que la
personne coche une ou l’autre des cases entre lesquelles elle peut être amenée à hésiter. Par
exemple cocher la case « Célibataire » ou « Veuf » conduira à une imposition différente lorsque
le contribuable a des enfants à charge (une personne veuve bénéficie alors d’une majoration
d’une part de quotient familial).
Une personne mariée mais ne respectant pas les conditions d’imposition commune (cas
d’exception mentionnés au 1.1.1) devrait cocher la case « Divorcé/séparé » pour que les bonnes
règles d’imposition s’appliquent (avec l’imposition distincte des deux époux en l’occurrence)
mais elle risque de cocher, en toute bonne foi, la case « Marié » puisqu’elle est encore mariée
au sens de son état civil.
Si la notice de remplissage du formulaire explicite bien les cas où un événement est
survenu durant l’année (mariage ou Pacs, divorce, séparation ou rupture de Pacs, décès du
conjoint ou du partenaire de Pacs), elle n’apporte pas de renseignement aux contribuables
pouvant hésiter sur la case à cocher dans les situations énumérées ci-dessus. Si alourdir le
formulaire ne s’impose pas, il serait bienvenu d’apporter des précisions dans cette notice.
2.1.1.2
Les effets de l’arrivée des enfants à la majorité pas toujours bien connus
L’arrivée à la majorité des enfants du foyer fiscal peut susciter des difficultés de
compréhension. À l’atteinte de leur majorité, les personnes deviennent contribuables de plein
droit et ne restent pas automatiquement membres du foyer fiscal de leurs parents. Elles
reçoivent ainsi une information de la DGFiP leur demandant de créer leur espace personnel.
LA PRISE EN COMPTE DE LA FAMILLE DANS LA FISCALITÉ
57
Toutefois, jusqu’à 21 ans (ou 25 ans s’ils sont étudiants), ils peuvent demander à être rattachés
au foyer fiscal de leurs parents, ou de l’un des parents en cas de séparation.
Il est prévu que l’enfant qui souhaite faire l’objet d’un tel rattachement rédige une
demande datée et signée. L’exercice de l’option pour le rattachement est soumis à l’accord du
foyer de rattachement. Cet accord est établi dès lors que ce foyer a déclaré l’enfant à charge.
Les parents qui acceptent le rattachement doivent pouvoir présenter, en réponse à la demande
de l’administration, la demande de rattachement de leur enfant majeur. L’option n’est valable
que pour l’imposition des revenus qu’elle concerne et doit être renouvelée chaque année.
Le rattachement emporte des conséquences. D’abord, l’enfant rattaché n’a pas à rédiger
sa propre déclaration de revenus ; il garde la qualité d’enfant à charge et, en contrepartie, ses
revenus sont agrégés avec ceux de ses parents dans leur déclaration. Cet enfant ouvre alors droit
aux mêmes majorations de quotient familial que les enfants mineurs, mais il n’est pas permis
au foyer de rattachement de déduire le versement d’une pension alimentaire, même si l’enfant
n’habite plus au domicile de ses parents (ce qui est le cas typique des étudiants
« décohabitants », qui comptent pour les deux tiers des étudiants).
Cette possibilité de rattachement peut conduire à des difficultés en gestion. Les services
mentionnent en effet des cas d’incompréhension de contribuables non informés de la nécessité
de solliciter le rattachement et qui ont constaté une majoration de leur impôt en raison de la
baisse de leur nombre de parts fiscales. Sont également rapportés des cas de double déclaration
des revenus du jeune majeur : en tant que majeur rattaché à la déclaration de ses parents et en
tant que déclarant individuel. Dans ce cas, les services détectent automatiquement le doublon
et contactent les deux déclarants pour les informer de l’irrégularité et connaître leur choix quant
au rattachement fiscal de l’enfant.
Cette option de rattachement n’existe pas en droit social où il existe un âge limite à partir
duquel les enfants n’ouvrent plus droit aux prestations familiales (20 ans et 21 ans pour
l’attribution du complément familial et des allocations logement)
55
. Elle n’existe également
pas en matière d’IFI où la valeur des biens des enfants devenus majeurs doit obligatoirement
faire l’objet d’une déclaration séparée. Elle demeure parfois méconnue et peut susciter des
interrogations pour les contribuables. De surcroît, la difficulté à évaluer l’avantage fiscal que
procure l’option du rattachement d’un enfant étudiant empêche de la mettre en parallèle de
l’option inverse consistant à ce que l’enfant soit détaché du foyer fiscal mais bénéficie d’une
pension alimentaire déductible.
2.1.1.3
Un possible non recours à certains avantages
La complexité de la législation fiscale peut conduire au non recours à certains
dispositifs. Par exemple, l’existence de la majoration pour parents isolés peut être méconnue de
certains contribuables. Elle doit être demandée en cochant la case « T » de la déclaration de
revenus dans une zone du formulaire intitulée « Parent isolé ».
55
Si l‘enfant travaille, sa rémunération ne doit pas dépasser 55 % du Smic.
LA PRISE EN COMPTE DE LA FAMILLE DANS LA FISCALITÉ
58
Schéma n° 2 :
Case à cocher pour demander la demi-part « parents isolés » (déclaration de revenus
de 2021)
Source : déclaration des revenus 2021
Cet intitulé de « Parent isolé » peut être trompeur. Des parents, vivant effectivement
seuls qui seraient éligibles à cette demi-part, percevant une pension alimentaire ou plus
globalement des aides familiales, peuvent ne pas se considérer comme isolées et ne pas en
solliciter le bénéfice. Des personnes vivant seules ayant recueilli une personne invalide
(titulaires de la carte d’invalidité ou de la CMI invalidité) peuvent également bénéficier de cette
majoration de quotient familial alors qu’elles pourraient ne pas considérer vivre seules.
En 2021, un peu plus de 80 000 contribuables (soit un peu moins de 5 % des
bénéficiaires effectifs de l’avantage) ont reçu le bénéfice tardif de cette demi-part à la suite
d’une réclamation effectuée par le contribuable ou d’une décision prise d’office par le service,
la case « T » n’ayant pas été cochée lors de la taxation initiale. Pour limiter ce risque de non
recours, il serait judicieux de renommer cette zone du formulaire de « Parent isolé » en
« Célibataire vivant seul avec personne à charge » pour éviter toute interprétation subjective de
la notion d’isolement.
La réduction d’impôt au titre des frais de scolarité qui conduit à alléger l’imposition des
parents de collégiens, lycéens et étudiants semble également relativement méconnue. La DGFiP
a ainsi établi
56
que, au titre des revenus de 2019, cette réduction d’impôt a été sollicitée
2,1 millions de fois pour un nombre total de collégiens d’environ 3,3 millions, soit un taux de
non-recours possible d’environ un tiers. Ce chiffre doit toutefois être nuancé dans la mesure où
cet avantage est une réduction d’impôt et non un crédit d’impôt, et ne peut donc pas faire l’objet
d’un remboursement : des foyers anticipant ne pas être assujetti à l’impôt pourraient alors ne
pas voir d’intérêt à cocher cette case.
Les allégements de taxe foncière mentionnés ci-dessus (exonération en faveur des
personnes âgées, handicapées ou de condition modeste, dégrèvement de 100
pour les
personnes de 65 ans à 75 ans, plafonnement en fonction des revenus) peuvent également faire
l’objet d’un non recours important. Si les deux premiers dispositifs sont attribués d’office par
l’administration, il semble exister des cas où leur bénéfice ne peut être détecté automatiquement
par cette dernière, charge alors pour les contribuables concernés d’adresser une réclamation à
leur service des impôts. Pour bénéficier du plafonnement de taxe foncière en fonction des
revenus, le contribuable doit alors renseigner un formulaire dédié (2041-DPTF-SD).
Les possibilités de réduction des deux taxes relatives à l’achat d’automobiles (malus
CO
2
et TMOM) dont bénéficient les parents d’au moins trois enfants ne sont pas nécessairement
bien connues. En effet, si la taxe est payée lors de l’achat de la voiture au concessionnaire et
reversée par celui-ci au Trésor public, le remboursement doit faire l’objet d’une demande auprès
du service des impôts des particuliers (SIP). Le faible nombre de demandes de remboursement
56
Réponse écrite à la question n° 27130 de Mme Émilie Cariou publiée au JO le 23 novembre 2021.
LA PRISE EN COMPTE DE LA FAMILLE DANS LA FISCALITÉ
59
formulées dans les départements que la Cour a interrogés (83 demandes validées en
Seine-et-Marne et seulement 24 en Eure-et-Loir en 2022) laisse supposer que tous les
contribuables éligibles ne le sollicitent pas. Les montants remboursés pour familles nombreuses
apparaissent également faibles puisqu’au niveau national, 14 M
seulement ont été décaissés
en 2022 pour les deux taxes.
2.1.2
Peu de travaux menés par l’administration fiscale pour prévenir et détecter
les irrégularités liées à la composition familiale
2.1.2.1
Une prépondérance des informations déclaratives
Les informations qui permettent de prendre en compte la composition familiale d’un
foyer au titre l’IR et notamment de déterminer son nombre de parts sont déclaratives. Il incombe
aux contribuables de renseigner les rubriques adéquates de la déclaration 2042.
Ainsi, lorsqu’un foyer déclare une naissance, celle-ci est prise en compte par les services
fiscaux même si le recoupement avec les données d’état civil n’est pas conclusif. Un
contribuable pourrait donc retirer un avantage fiscal pour un enfant inexistant. À un niveau
global, selon les informations recueillies dans le cadre de la présente enquête, la DGFiP n’a
jamais comparé le nombre d’enfants déclarés au titre de l’impôt sur le revenu et nés une année
donnée avec le nombre d’enfants vivants nés cette même année, tels qu’ils sont recensés dans
les fichiers d’état civil. Si les deux nombres ne devraient pas être strictement identiques (cas
des enfants partis à l’étranger avec leurs parents, cas d’enfants nés à l’étranger, cas de foyers
non déclarants), la comparaison, et son évolution dans le temps, que gagnerait à réaliser la
DGFiP, serait éclairante.
Pour assurer un contrôle efficace du nombre d’enfants déclarés, il convient de mener à
son terme le projet d’attribution d’un numéro d’identification individuel aux enfants. En effet,
si les adultes disposent tous d’un numéro d’identification fiscal (différent de leur numéro de
sécurité sociale), cela n’est pas systématique pour les enfants
57
. L’exhaustivité du recensement
des enfants permettrait de rendre plus opérant le contrôle du rattachement du même enfant par
deux foyers fiscaux différents (cas de la déclaration d’un même enfant en garde à titre exclusif
auprès d’un parent déclaré également par l’autre parent, cas de concubins déclarant chacun
l’enfant à charge).
En règle générale, les contribuables sollicitant l’attribution de demi-parts additionnelles
(anciens combattants notamment, parents isolés, veufs) n’ont à fournir de justificatif que sur
demande de l’administration. Cela n’était pas le cas avant l’existence des déclarations
dématérialisées puisque les contribuables devaient alors joindre les justificatifs pertinents à leur
déclaration papier. Si elle constituait une lourdeur en gestion, cette obligation permettait de
limiter la fraude. Il serait souhaitable de réintroduire cette obligation de production de
justificatifs lors de la première demande, sans revenir pour autant au format papier.
57
Depuis 2021, l’attribution d’un numéro fiscal pour les enfants est systématique sauf dans le cas où
l’enfant a uniquement fait l’objet d’une déclaration via un formulaire papier sans l’indication de son état civil
complet.
LA PRISE EN COMPTE DE LA FAMILLE DANS LA FISCALITÉ
60
Cette nouvelle obligation constituerait en tout état de cause une contrainte moindre que
celle prévalant à l’époque de la transmission des justificatifs papier puisque leur stockage sur
l’espace personnel du contribuable lui éviterait de les transmettre chaque année. Cela
présenterait l’avantage pour les contribuables de ne pas avoir à conserver un justificatif jusqu’à
une éventuelle demande de l’administration fiscale. Cette perspective nécessite toutefois une
refonte de la déclaration en ligne pour pouvoir stocker les justificatifs du redevable sur son
espace personnel.
Recommandation n° 7.
(DGFiP) : Prévoir une obligation de dépôt des justificatifs
attachés à la déclaration des revenus sur l’espace personnel numérique pour toute
première demande d’un avantage lié à la situation familiale.
Le cas des déclarations de pensions alimentaires est plus problématique de par l’ampleur
des incohérences suspectées. Lorsque les pensions alimentaires versées sont déduites (dans
certaines limites) du revenu imposable, leur bénéficiaire doit symétriquement déclarer leur
perception dans ses revenus. Or, il existe un écart très important et régulier (proche de 3,0 Md
)
entre les pensions alimentaires déclarées comme versées (8,2 Md
en 2019) et celles déclarées
comme perçues (5,3 Md
en 2019).
Tableau n° 15 :
Pensions alimentaires déduites et reçues à l’impôt sur le revenu par année de
déclaration
2010
2015
2019
Nombre de foyers ayant déclaré avoir versé
une pension alimentaire
1,96
2,01
1,90
Nombre de foyers ayant déclaré avoir reçu une
pension alimentaire
1,39
1,39
1,31
Écart
0,57
0,62
0,60
Montant des versements déduits (Md
)
7,57
8,43
8,21
Montant des versements déclarés (Md
)
5,25
5,57
5,29
Écart (Md
)
2,32
2,86
2,92
Source : DGFiP
Par ailleurs, le nombre de foyers fiscaux déduisant une pension alimentaire versée
excède d’environ 600 000 le nombre de foyers fiscaux déclarant la perception d’une telle
pension.
Ces écarts ont certainement plusieurs origines qu’il n’est pas possible de quantifier
précisément. Une partie de l’écart afférent au nombre de foyers fiscaux peut s’expliquer par le
fait que deux parents séparés peuvent déduire chacun une pension alimentaire versée à un même
enfant majeur, soit deux déductions pour une seule déclaration de perception. On peut aussi
supposer que des sommes déduites n’aient pas été effectivement versées et donc pas déclarées
ni imposées. Enfin, le cas de versement de pensions alimentaires à l’étranger a été mentionné
par les services rencontrés lors de l’enquête de la Cour. Il semblerait en effet que des sommes
parfois conséquentes sont versées à l’étranger avec les difficultés de vérification que cela peut
occasionner (état de besoin du bénéficiaire, matérialité du versement). À l’inverse, le flux de
LA PRISE EN COMPTE DE LA FAMILLE DANS LA FISCALITÉ
61
pensions alimentaires versées par un débiteur étranger à un bénéficiaire français serait beaucoup
plus limité.
Surtout, il est vraisemblable qu’une partie des pensions reçues ne sont pas déclarées, de
manière volontaire ou non, alors qu’elles ont bien été déduites du revenu imposable de celui
qui les verse.
Ces écarts expliquent en partie
58
le coût pour l’État de la déduction des pensions
alimentaires (1,5 Md
) net de la taxation des pensions déclarées (0,3 Md
). Ce coût serait réduit
par la résorption des écarts entre pensions déduites et pensions imposées auxquels la DGFiP
déclare s’atteler en 2023. L’identité de la personne recevant la pension alimentaire doit en effet
être déclarée à l’occasion de la déclaration des revenus de 2022. Les SIP gérant les dossiers des
bénéficiaires déclarés recevront un fichier recensant l’ensemble des montants reçus par ceux-ci
pour vérifier que ceux-ci les ont bien déclarés. Il importe que ce chantier puisse être mené à
bien dans les meilleurs délais et qu’un bilan en soit tiré sur les écarts de déclaration des pensions
alimentaires.
Recommandation n° 8.
(DGFiP) Évaluer les effets du dispositif mis en place en 2023
pour s’assurer que les pensions alimentaires déduites du revenu imposable sont
symétriquement déclarées par leurs bénéficiaires.
2.1.2.2
Des contrôles limités
Jusqu’à présent, les éléments familiaux d’imposition n’ont pas constitué une priorité des
actions de contrôle de la DGFiP. Ils peuvent faire l’objet de vérifications lors d’un contrôle
diligenté pour une autre raison mais ils ne sont pas à l’origine du déclenchement de contrôles.
Cela s’explique notamment par l’enjeu financier relativement limité
59
en raison du
plafonnement du gain en impôt des avantages familiaux.
Les contrôles sont réalisés par plusieurs types de services de l’administration fiscale.
Les services des impôts des particuliers (SIP) mènent des contrôles de régularisation, relancent
les défaillants qui n’ont pas déposé de déclaration ou traitent les cas de discordance. Les
contrôles plus approfondis sont de la responsabilité des pôles de contrôle revenus/patrimoine
(PCRP). Enfin, les contribuables présentant les plus forts enjeux sont contrôlés par une structure
nationale, la direction nationale des vérifications de situations fiscales (DNVSF).
Le système d’information de la DGFiP ne permet d’avoir une connaissance
qu’approximative des redressements effectués selon les irrégularités constatées. En particulier,
il n’est pas possible de connaître le nombre de redressements (et l’impact financier associé)
relatifs aux irrégularités sur les pensions alimentaires. La nomenclature des motifs de
redressements permet en revanche de disposer d’un indicateur très agrégé des redressements
consécutifs à des irrégularités commises en matière de détermination du nombre de parts
58
Si une partie de la différence entre le coût induit par la déduction des pensions alimentaires et le gain
occasionné par l’imposition des pensions reçues s’explique par l’écart entre les montants déclarés versés et reçus,
une partie résulte du taux marginal plus élevé touchant les sommes déduites que les sommes déclarées reçues.
59
À l’exception de la déduction des pensions alimentaires versées qui ne sont pas plafonnées, sauf dans
le cas de versements à des enfants majeurs.
LA PRISE EN COMPTE DE LA FAMILLE DANS LA FISCALITÉ
62
fiscales. Selon ce décompte, en 2021, un peu plus de 3 500 contrôles auraient donné lieu à
redressement pour des rehaussements moyens en base d’environ 3 000
, soit des montants en
droits probablement faibles (sans doute de quelques centaines d’euros). Les redressements
après contrôle sur pièces pour irrégularité en matière de quotient familial ne représentent du
reste qu’une part extrêmement réduite (1 %) de l’ensemble des redressements consécutifs à des
contrôles sur pièces.
Il semble par ailleurs que des redressements en matière d’IR conduisant à majorer le
RFR ou à réduire le nombre de parts fiscales ne débouchent pas, ou alors rarement, sur des
redressements en matière de taxe foncière ou de CSG lorsque les nouveaux éléments
d’imposition conduisent à ne plus rendre éligible le redevable à une exonération ou à un taux
réduit, alors que ce devrait logiquement être le cas. De tels redressements devraient également
avoir des conséquences sur les prestations sociales versées sous condition de ressources lorsque
celle-ci sont attribuées sur la base d’un RFR irrégulièrement minoré.
Recommandation n° 9.
(DGFiP, DSS) : Redresser, le cas échéant, les droits éludés de
taxe foncière et de contributions sociales consécutivement à un contrôle fiscal ayant
conduit à majorer le revenu fiscal de référence ou à minorer le nombre de parts fiscales.
2.1.2.3
Des irrégularités parfois difficiles à détecter
La vérification de la déclaration des paramètres personnels d’imposition présente
parfois des difficultés. Il s’agit en effet parfois de contrôler des situations de fait, ce qui peut
nécessiter de recouper des informations pour apprécier une situation individuelle.
Par exemple, après une séparation, il est difficile de vérifier que le parent qui sollicite
les majorations de quotient familial
60
au titre des enfants du couple en assure bien la garde à
titre principal ou exclusif. En effet, il existe des possibilités d’optimisation consistant à faire
déclarer l’enfant par le parent aux plus hauts revenus qu’il est malaisé de détecter.
La vérification du fait de vivre seul avec un enfant à charge, qui permet de bénéficier
d’une demi-part fiscale supplémentaire à l’IR, nécessite de s’assurer que le déclarant ne vit pas
en concubinage avec une autre personne sous son toit. La notion de concubinage présentant un
caractère de stabilité et de continuité n’est pas évidente à caractériser. En particulier, elle n’est
pas remise en cause par une absence momentanée de cohabitation pour des motifs ponctuels
(vacances, déplacements professionnels). En revanche, la simple cohabitation de deux
personnes ne suffit pas à caractériser le concubinage. Sont ainsi réputées vivre seules des
personnes qui cohabitent mais qui, en raison de leurs liens familiaux, ne sont pas susceptibles
de contracter mariage ou autorisées à souscrire un PACS, ce qui est typiquement le cas des
frères et s
œ
urs vivant sous le même toit.
L’appréciation de cette notion de concubinage a également un impact sur l’IFI au titre
duquel deux personnes en union libre doivent souscrire une déclaration commune en agrégeant
leurs biens immobiliers. Cette règle peut conduire deux personnes, chacune non imposable, à
le devenir par agrégation de leurs patrimoines immobiliers. La démonstration de l’existence
60
En cas de garde alternée, l’avantage fiscal est partagé entre les deux parents.
LA PRISE EN COMPTE DE LA FAMILLE DANS LA FISCALITÉ
63
d’un concubinage notoire peut ainsi conduire à imposer un couple. Elle présente également un
intérêt lorsque l’un des membres du couple perçoit des revenus importants avec un faible
patrimoine tandis que le second membre détient un patrimoine important mais des revenus
faibles. En effet, dans ce cas, les deux membres étant réunis, la taxation du patrimoine n’est
plus plafonnée par un faible revenu
61
.
Dans le cas de la demi-part attribuée aux personnes vivant seules ayant élevé pendant
au moins cinq ans durant lesquels elles vivaient seules un enfant désormais majeur et non
rattaché à leur foyer fiscal
62
, la difficulté de de vérifier rétrospectivement la condition de vie
seule est renforcée par le fait que celle-ci doit avoir été respectée pendant cinq années (continues
ou non) potentiellement éloignées dans le temps. La question du décompte des cinq années a
donné lieu à des précisions de la DGFiP qui a défini les périodes à retenir (cf. encadré).
Les règles de décompte de la durée de cinq années durant lesquelles le parent isolé doit
avoir élevé un enfant en vivant seul
Dans le bulletin officiel des finances publiques du 26 mars 2014, la DGFiP a apporté des
précisions sur les conventions à retenir pour apprécier si un parent isolé a bien élevé son enfant
en vivant seul durant cinq ans.
Il s’avère que pour, un couple marié ou pacsé, la condition de vivre seule s’apprécie au
31 décembre l’année du mariage, du divorce, de la conclusion ou de la rupture de PACS. Une
personne ayant divorcé le 15 décembre de l’année N et vivant seule au 31 décembre de l’année
N est donc considérée avoir vécu seule toute l’année N
63
.
Dans le cas du concubinage, la condition de vivre seul est appréciée au 1
er
janvier. Si le
contribuable vit seul à cette date, l’année entière sera comptabilisée.
Pour illustrer son propos, la DGFiP donne l’exemple suivant qui traduit bien la complexité de
l’application de la loi. Soit un contribuable divorçant le 30 juin N, qui vit en concubinage du
1er mars N+2 au 30 juin N+4, puis se marie à compter du 1er août N+7. La durée de la période
où il a vécu seul sera décomptée comme suit :
-
du 1er janvier N au 31 décembre N+2, soit pendant 3 ans, le contribuable sera
considéré comme ayant vécu seul ;
-
du 1er janvier N+3 au 31 décembre N+4, le contribuable ne vit pas seul ;
-
du 1er janvier N+5 au 31 décembre N+6, soit pendant 2 ans, le contribuable vit de
nouveau seul.
La durée totale durant laquelle le contribuable vivait seul atteint bien cinq ans.
61
L’IFI est plafonné en fonction du montant cumulé d’impôts versés. Ainsi, l’impôt sur les revenus
(prélèvements sociaux et contribution exceptionnelle sur les hauts revenus inclus) ajoutés à l’IFI ne doit pas
dépasser 75 % des revenus perçus.
62
Ou un enfant décédé après l’âge de 16 ans ou par suite de faits de guerre.
63
La documentation précise que « Toutefois, il est admis de ne pas remettre en cause le bénéfice de la
demi-part supplémentaire pour non-respect de cette condition pour les contribuables ayant été considérés, pour
l’imposition des revenus des années antérieures à l’année 2014, comme assumant la charge effective du ou des
enfants pendant cinq années au cours desquelles ils vivaient seuls du fait d’une appréciation au 1
er
janvier de la
condition de vivre seul l’année d’un changement de situation familiale. ».
LA PRISE EN COMPTE DE LA FAMILLE DANS LA FISCALITÉ
64
L’application de cette règle pose de grande difficultés pratiques. S’agissant de périodes
discontinues, les services fiscaux n’ont pas toujours les moyens de mobiliser des informations
probantes. Les contribuables peuvent démontrer la réalité d’avoir vécu seul par la production
d’avis d’imposition mentionnant la situation de parent isolé, la production de documents
attestant qu’ils ont été bénéficiaires de majoration de prestations sociales au titre de la qualité
de parent isolé ou bien encore la copie de l’éventuel jugement de divorce démontrant que
l’enfant était à leur charge exclusive ou principale. S’agissant de documents parfois anciens, il
ne peut être reproché aux demandeurs de ne plus en disposer étant donné que la charge de la
preuve contraire appartient à l’administration, qui doit démontrer que le contribuable ne
respecte pas les conditions requises
64
.
2.2
Des progrès récents dans la détection des irrégularités grâce au
data
mining
2.2.1
La mise en place de requêtes ciblées
Traditionnellement, la programmation du contrôle fiscal était assise sur trois types
d’informations :
-
l’analyse de risque, effectuée à partir d’applications cloisonnées ;
-
l’exploitation de signalements transmis par d’autres administrations ;
-
la mobilisation d’informations de la DGFiP (notamment des services de contrôle).
Afin de cibler davantage les contrôles et d’automatiser la détection d’irrégularités, une
structure de la DGFiP, la mission requêtes et valorisation (MRV) a été créée en 2014, devenue
le bureau « Programmation des contrôles et analyse de données » (SJCF-1D). En matière
d’imposition des personnes physiques, elle a accordé la priorité de ses travaux à la détection
des irrégularités commises dans le champ de la fiscalité patrimoniale. Ont ainsi été constituées
des listes d’irrégularités suspectées sur l’ISF puis sur l’IFI, les plus-values mobilières ou les
comptes détenus à l’étranger. La constitution de requêtes permettant de détecter de potentielles
irrégularités sur la prise en compte d’éléments familiaux d’imposition est plus récente.
Trois listes ont été constituées à ce titre, recensant de potentielles anomalies. En premier
lieu (liste 1), le service a constitué une liste d’ex conjoints ayant déclaré, chacun, l’année de
leur divorce le même nombre de personnes à charge que l’année précédente où ils étaient encore
mariés ou pacsés.
64
Les difficultés de caractérisation de l’éducation seule pendant cinq ans d’un enfant avaient bien été
relevées par la ministre de l’économie lors des débats relatifs à l’introduction de cette condition (PLF 2009) :
«
dans les faits, il sera très difficile, voire impossible, d’appréhender la condition du parent ayant élevé seul un
enfant. Comment Mme Dupont – déjà évoquée le 22 octobre – pourra-t-elle prouver qu’elle a élevé seule son
enfant entre 1973 et 1978, par exemple ? En aura-t-elle conservé la preuve pendant des années ? Je n’en suis pas
certaine. À un moment où l’on souhaite renforcer la sécurité juridique et la prévisibilité pour les usagers, je crains
que cette proposition ne réponde pas à nos objectifs de sécurité et de simplicité de la preuve à apporter
».
LA PRISE EN COMPTE DE LA FAMILLE DANS LA FISCALITÉ
65
En second lieu, une liste a répertorié les cas de déclarations présentant une même
personne à charge dans au moins deux foyers fiscaux distincts. Cette liste était décomposée en
deux sous listes : la première (liste 2.1) présentait des cas de personnes déclarées en garde
alternée dans un foyer et à charge exclusive dans l’autre foyer et la seconde (liste 2.2) des
personnes à charge exclusive dans plusieurs foyers.
Enfin, une troisième liste (liste 3) a recensé les déclarations au sein desquelles les
charges déduites représentaient une part disproportionnée des revenus déclarés, les charges
déduites consistant très souvent (pour près de 80 % des dossiers) en versement de pensions
alimentaires
65
.
Sur ces listes ne figurent que les dossiers présentant un enjeu financier minimal. Elles
ont été transmises aux directions régionales de contrôle fiscal (DIRCOFI) pour être
principalement traitées par les PCRP. Des dossiers de la dernière liste ont aussi été transmis aux
pôles nationaux de contrôles à distance (PNCD), nouvellement constitués.
Les PNCD au service des contrôles de masse
Dans le cadre de la relocalisation des services publics de l’État dans les territoires, la DGFiP a
créé en 2021 le premier pôle national de contrôle à distance des particuliers à Châteaudun (Eure-et-Loir).
Comptant 39 agents en septembre 2022, il est principalement chargé de réaliser des contrôles sur pièces
(CSP) des particuliers à partir de listes constituées par le bureau SJCF-1D par le croisement de données
de masse et l’intelligence artificielle.
Comme les autres CSP conduits par la DGFiP, les contrôles réalisés par le PNCD s’appuient sur
des demandes de renseignement et aboutissent le cas échéant à des propositions de rectification. Autant
que possible et en reconnaissance du droit à l’erreur consacré par la loi Essoc
66
de 2018, le PNCD
encourage les contribuables de bonne foi à régulariser leur situation en leur faisant bénéficier d’intérêts
de retards réduits. Du fait de sa compétence nationale, les relations avec les contribuables sont réalisées
à distance que cela soit par téléphone ou de manière dématérialisée.
Il est prévu que la cible de création de cinq PNCD (Châteaudun, Béthune, Besançon, Dieppe et
Belfort) soit atteinte en septembre 2023.
L’exploitation de ces trois listes n’a pour l’heure débouché que sur des redressements
modestes (3,3 M
au total) mais les listes 2 et 3 adressées aux services respectivement en juillet
2022 et mars 2022 n’ont encore été que peu exploitées et devraient l’être durant l’année 2023.
Les redressements unitaires de quelques milliers d’euros peuvent apparaître modestes au regard
d’autres dossiers mais il est important que ce type de contrôles soit mené à bien pour des raisons
d’égalité devant l’impôt et parce que des irrégularités commises sur un nombre de parts de
quotient familial ont toute raison de se reproduire d’année en année.
65
Les autres déductions sont notamment relatives aux cotisations d’épargne retraite, aux frais d’accueil
de personnes de plus de 75 ans vivant sous le toit du contribuable.
66
Loi du 10 août 2018 pour un État au service d’une société de confiance.
LA PRISE EN COMPTE DE LA FAMILLE DANS LA FISCALITÉ
66
Tableau n° 16 :
Contrôles réalisés par
data mining
sur la composante familiale à l’IR (en novembre
2022)
Nombre de
dossiers
envoyés aux
services
% de
dossiers
ouverts*
dont % de
CSP clos
parmi les
dossiers
ayant été
ouverts
% de taxation
ou de
proposition de
CFE par
rapport au
nombre de CSP
clos
Montant
des droits
(k
)
Montant des
pénalités (k
)
Liste 1
4 375
41,0%
97,3%
42,0%
1 839,5
106,8
Liste 2.1
5 775
9,3%
13,0%
29,0%
67,6
1,4
Liste 2.2
11 012
2,6%
21,0%
65,0%
417,3
31,0
Liste 3
1 681
50,0%
35,8%
28,0%
782,1
38,3
Source : DGFiP
* Pour les listes 2.1 et 2.2, deux dossiers sont envoyés pour une même personne à charge mais un seul sera
rectifié.
2.2.2
Des perspectives de nouveaux contrôles
La DGFiP pourrait tirer profit des possibilités offertes par la création des PNCD pour
envisager la définition de nouvelles listes de potentielles anomalies relatives à la composante
familiale à l’IR. Elle pourrait s’appuyer sur des échanges plus nombreux avec les
administrations de sécurité sociale, alors que des travaux doivent débuter en 2023 pour recenser
les bases de données disponibles sur les particuliers et déterminer le cadre juridique nécessaire
à la mise en place d’un éventuel flux de données.
La mobilisation de telles données croisées pourrait par exemple conduire à détecter et
quantifier des incohérences susceptibles d’être qualifiées de fraude. Ainsi, un recoupement de
la liste des personnes sollicitant la majoration de quotient familial pour les invalides ou anciens
combattants avec des fichiers administratifs recensant les personnes éligibles à l’avantage fiscal
pourrait faire apparaître des anomalies
67
.
67
Des entretiens menés, il apparaît vraisemblable que des personnes bénéficiaires de la carte mobilité
inclusion mais ne portant pas la mention « invalidité » (il existe la CMI mention « stationnement » qui permet de
se garer gratuitement et la CMI mention « priorité » qui permet d’éviter les files d’attente ou d’avoir une place
assise), donc inéligibles à l’avantage fiscal, déclarent respecter les conditions d’attribution de la majoration de
quotient familial.
LA PRISE EN COMPTE DE LA FAMILLE DANS LA FISCALITÉ
67
2.3
Une gestion des remboursements de malus CO
2
et de taxe sur la masse
en ordre de marche sur les véhicules à mieux sécuriser
2.3.1
Une instruction par les services des DRFiP/DDFiP en charge des opérations
de l’État
Les demandes de remboursements de malus CO
2
et de TMOM sollicités par les parents
d’au moins trois enfants sont adressées au service des impôts des particuliers dont dépend le
demandeur. Celui-ci transfère le dossier au pôle en charge des opérations de l’État de la
direction régionale ou départementale des finances publiques pour instruction, liquidation et
prescription des remboursements.
Les conditions de demande du remboursement ont été définies par décret
68
. Elles
prévoient que l’usager soumet sa demande au moyen d’un formulaire administratif dédié en y
joignant notamment la copie du certificat d’immatriculation du véhicule et la justification du
nombre d’enfants à charge.
Les services doivent alors vérifier que les conditions de remboursement de la taxe sont
remplies :
-
la taxe a bien été payée : cette information apparaît sur le certificat
d’immatriculation du véhicule mais le montant de taxes sur les émissions de CO
2
et
de TMOM sont globalisées. Les services ne disposent pas du montant payé pour
chacune des deux taxes ;
-
le véhicule comporte bien au moins cinq places assises : cette information figure
également sur le certificat d’immatriculation du véhicule ;
-
le demandeur n’a pas obtenu de remboursement pour un véhicule qu’il possède
encore. S’il souscrit une nouvelle demande, il doit apporter la preuve qu’il n’est plus
en possession du véhicule pour lequel il a déjà perçu un remboursement.
Ils doivent ensuite liquider le montant des remboursements manuellement. Il n’existe
en effet pas d’application de gestion mise à disposition des services pour ces deux dispositifs.
2.3.2
Des risques d’irrégularités pouvant être mieux contrôlés
Les masses de remboursements, si elles sont restées relativement modestes en 2022 (un
peu plus de 100 000
en Eure-et-Loir et 270 000
en Seine-et-Marne) en raison d’un nombre
limité de demandes, font toutefois apparaître des remboursements unitaires pouvant atteindre
des montants très élevés (30 000
au maximum). De tels enjeux pourraient conduire certains
parents de trois enfants à se porter acquéreurs de véhicules de forte puissance, à se faire
rembourser une fraction des taxes avant de les revendre à des personnes intéressées par ces
modèles.
68
Décret n°2021-1914 du 30 décembre 2021 portant diverses mesures d’application de l’ordonnance no 2021-
1843 du 22 décembre 2021 portant partie législative du code des impositions sur les biens et services et transposant
diverses normes du droit de l’Union européenne.
LA PRISE EN COMPTE DE LA FAMILLE DANS LA FISCALITÉ
68
Tableau n° 17 :
Distribution des remboursements des malus CO2 et TMOM en Eure-et-Loir et dans
la Seine-et-Marne (nombre de remboursements)
Eure-et-Loir
Seine-et-Marne
Moins et 1 000
8
25
Entre 1000
et 3 000
7
33
Entre 3000
et 5 000
3
10
Entre 5 000
et 1 0000
4
8
Entre 10 000
et 20 000
0
5
Plus de 20 000
2
2
Total
24
83
Source : DGFiP
L’imbrication des deux taxes peut par ailleurs faire naître des situations préjudiciables
au Trésor public. Dans le cas où la TMOM est réduite pour que la somme des deux taxes ne
dépasse pas le tarif maximal dans le barème du malus CO
2
69
, un contribuable peut chercher à
optimiser ses remboursements en ne demandant une restitution qu’au titre du malus CO
2
(et non
au titre de la TMOM).
Par exemple, un contribuable avec trois enfants peut être redevable d’un malus CO
2
de
36 000
et d’un malus au poids de 20 000
. Si le tarif maximal du malus CO
2
est 40 000
, le
montant de la TMOM sera plafonné et celle-ci ne sera due qu’à hauteur de 4 000
.
Une demande de remboursement de malus CO
2
pourrait aboutir à un remboursement de
28 000
, montant que percevrait le contribuable s’il ne demandait le remboursement que de
cette seule taxe et que le service gestionnaire ne calculait pas la rétroaction de cette demande
sur la TMOM due (elle devrait être revue à la hausse).
Si le contribuable demandait également le remboursement de la TMOM, le service
devrait recalculer le montant de de cette dernière si bien qu’il ne recevrait qu’un remboursement
de 18 000
(pour une charge fiscale nette de 22 000
). Dans le cas où le service gestionnaire
omettrait de recalculer l’effet du remboursement du malus CO
2
sur la TMOM, le
remboursement serait de 32 000
(pour une charge fiscale nette de 8 000
).
Les services gestionnaires n’ont pas nécessairement conscience de la nécessité de
procéder au recalcul de la TMOM après avoir déterminé le remboursement pour le malus CO
2
.
Un service instructeur des demandes de remboursement indique notamment procéder au calcul
des montants à rembourser à partir d’un simulateur sur le site service-public.fr. Or, celui-ci ne
tient pas compte du plafonnement à 40 000
. Il est donc possible que des services remboursent
des sommes indues.
Tableau n° 18 :
Cas type de restitution de taxes (en
)
Malus
CO2
TMOM
Total
Avant plafonnement
36 000
20 000
56 000
69
L’article L421-74 du code des impositions sur les biens et services prévoit une minoration de la TMOM
de sorte que la somme des deux taxes ne peut excéder le niveau maximum du malus CO
2
.
LA PRISE EN COMPTE DE LA FAMILLE DANS LA FISCALITÉ
69
Malus
CO2
TMOM
Total
Avant
réduction pour
3 enfants
Après plafonnement (paiement effectif)
36 000
4 000
40 000
Après
réduction pour
3 enfants
Montant de la réduction
28 000
6 000
34 000
Charges fiscale
nette
Aucune restitution demandée
36 000
4 000
40 000
Si seule restitution malus CO
2
effectuée
8 000
4 000
12 000
Si seule restitution TMOM effectuée
36 000
0
36 000
Si les deux restitutions effectuées avec
recalcul plafonnement
8 000
14 000
22 000
Si les deux restitutions effectuées sans recalcul
plafonnement
8 000
0
8 000
Source : DGFiP
Par ailleurs, un contrôle ne serait pas réalisé. En effet, la loi prévoit un abattement pour
chacune des deux taxes pour les véhicules comportant huit places assises détenus par une
personne morale. Elle précise également que lorsque l’abattement pour familles d’au moins
trois enfants est également applicable, seul le plus élevé des deux est retenu. L’abattement pour
les véhicules de huit places assises détenus par une personne morale n’est pas remboursé par la
DRFiP ou la DDFiP mais en principe appliqué au moment du calcul de la taxe à payer. Or, il
semble que les services instructeurs des remboursements pour familles d’au moins trois enfants
ne connaissent pas l’existence ni le montant de cet abattement. Ils ne seraient donc pas en
mesure de faire respecter la condition que seul le plus élevé des deux abattements doit être
appliqué.
L’existence d’un applicatif de gestion intégrant certaines fonctionnalités (calcul
automatique des montants à rembourser, vérification de demandes antérieures par l’usager)
permettrait de sécuriser les remboursements et de faciliter le travail de gestion par les services
instructeurs qui ont dû développer des outils artisanaux de gestion.
Recommandation n° 10.
(DGFiP) :
Mettre
à
disposition
des
services
gestionnaires un applicatif de gestion des remboursements de malus CO
2
et de la taxe sur
la masse en ordre de marche.
CONCLUSION INTERMÉDIAIRE _______
Les règles définissant la notion de couple et de personnes à charge en matière d’impôt
sur le revenu peuvent conduire à des incompréhensions de la part des contribuables. Il est
d’ailleurs possible que la méconnaissance de certains dispositifs se traduise par des
phénomènes de non recours, privant les contribuables d’avantages dont ils pourraient pourtant
bénéficier.
LA PRISE EN COMPTE DE LA FAMILLE DANS LA FISCALITÉ
70
Traditionnellement, pas ou peu de contrôles fiscaux étaient déclenchés pour vérifier la
correcte déclaration des paramètres familiaux d’imposition à l’impôt sur le revenu. C’était à
l’occasion de contrôles diligentés pour d’autres motifs que ces éléments pouvaient être vérifiés.
Depuis quelques années, la DGFiP a développé la détection automatique de potentielles
irrégularités par l’exploitation en masse des données déclaratives. Cela a conduit à des
vérifications et des contrôles fondés sur les paramètres familiaux d’imposition, menés
notamment par les nouveaux services en charge des contrôles sur pièces, les pôles nationaux
de contrôle à distance (PNCD).
La gestion des remboursements du malus CO
2
et de la taxe sur la masse en ordre de
marche des véhicules de tourismes (TMOM) par les services de la DGFiP aux familles d’au
moins trois enfants fait apparaître des risques d’irrégularités. Les services de gestion ne
disposent pas en effet d’outils garantissant une bonne sécurisation des remboursements.
LA PRISE EN COMPTE DE LA FAMILLE DANS LA FISCALITÉ
71
3
LES EFFETS DISCUTÉS DES QUOTIENTS CONJUGAL ET
FAMILIAL
Si de nombreux dispositifs fiscaux prennent en compte la composante familiale, c’est
l’IR, au travers des quotients conjugal et familial, qui est de loin le plus important, son impact
sur les finances publiques étant estimé à près de 27,6 Md
, soit environ 97 % de l’impact de
l’ensemble des dispositifs.
Cette situation confère à l’IR, principal impôt progressif du système fiscal national, un
rôle majeur en termes de redistribution horizontale et verticale, au prix d’une relative
complexité. Même si d’autres systèmes mis en
œ
uvre dans d’autres pays sont concevables, ce
choix répond aux exigences constitutionnelles de prendre en compte les facultés contributives
dans le calcul de l’impôt et constitue un élément distinctif de la politique fiscale française. Une
remise à plat complète pourrait se heurter à des coûts de transition importants et à des effets
gagnants / perdants susceptibles d’affecter des millions de contribuables.
3.1
Une redistribution horizontale induite par le quotient conjugal et
familial qui atténue la redistribution verticale de l’impôt sur le revenu
La progressivité de l’impôt implique que le taux d’imposition augmente avec son
assiette, ce qui participe à la réduction des écarts de niveaux de vie
70
.
Les mécanismes de QC et de QF ajoutent au mécanisme de redistribution verticale, celui
d’une redistribution horizontale en fonction de la composition du ménage : en direction des
couples mariés et pacsés d’une part, en direction des familles avec enfants d’autre part. Ainsi,
deux ménages ayant des revenus différents mais des capacités contributives similaires du fait
de leur composition sont soumis au même taux d’imposition. De même, deux ménages ayant
les mêmes revenus mais de composition différente ne sont pas soumis au même taux.
L’existence même d’effets de redistribution horizontale dépend de la progressivité du barème.
Avec un impôt proportionnel, le QC et le QF seraient inopérants.
Pourtant, la neutralité fiscale, c’est-à-dire le fait que l’impôt ne doive pas modifier la
distribution des ménages selon leur niveau de vie mais en réduire les écarts, était loin d’être la
seule motivation de ces dispositifs lorsqu’ils ont été introduits en 1945. Ils relevaient largement
d’objectifs natalistes. En effet, instruments au service de la politique familiale, ils étaient
considérés comme des dépenses fiscales destinées à favoriser les familles. Ainsi, jusqu’en 1951,
la part entière accordée au conjoint était réduite à une demi-part si le couple n’avait pas eu
d’enfants au bout de trois ans. Ce n’est qu’en 1998 que le QC et le QF ont été retirés de la liste
des dépenses fiscales, à l’exception des demi parts additionnelles prenant en compte des
situations particulières évoquées précédemment, pour être considérés comme partie intégrante
du mode de calcul de l’IR au regard des capacités contributives. Celles-ci ne font cependant pas
l’objet de définitions univoques et mettent en jeu différentes conceptions.
70
Le niveau de vie est appréhendé en rapportant le revenu disponible, après redistribution socio-fiscale,
au nombre d’unités de consommation (UC) du ménage.
LA PRISE EN COMPTE DE LA FAMILLE DANS LA FISCALITÉ
72
Tout d’abord, la capacité contributive peut être définie comme le revenu après prise en
compte des besoins du ménage, étant entendu que, toutes choses égales par ailleurs, un ménage
avec enfants a davantage de besoins qu’un ménage sans enfant. Dès lors, il s’agit de tenir
compte des différences de besoins.
La prise en compte de la composante familiale peut également résulter d’un objectif
d’égalité des chances des enfants allant de pair avec celui de lutte contre la pauvreté. Le coût
relatif de l’éducation d’un enfant doit alors être pris en compte pour égaliser les niveaux de vie.
Enfin, si l’on considère que le renouvellement des générations est nécessaire à la
collectivité, celle-ci doit en supporter le coût à travers une fiscalité adaptée
71
.
Ces différents objectifs peuvent cependant être atteints par le biais des services publics
et des prestations sociales, la part revenant au système fiscal ne pouvant pas être considérée
isolément.
Ainsi, si les dispositifs de QC et QF font encore l’objet de débats aujourd’hui, c’est
qu’ils génèrent, au nom de l’équité horizontale, des effets anti-redistributifs liés à la
progressivité de l’impôt. Il y a là un paradoxe sur le fait qu’une progressivité plus forte de
l’impôt augmente la redistribution verticale mais dans le même temps, amplifie la redistribution
horizontale du QC et du QF, en particulier pour les ménages les plus aisés, ce qui limite la
redistribution verticale. En effet, le niveau d’imposition étant dépendant du RFR par part,
l’avantage retiré de l’application du QC et du QF est croissant avec le niveau de revenus (les
deux derniers déciles bénéficient de plus de la moitié du gain).
S’il y a, à la fois, des perdants et des gagnants à la familialisation et à la conjugalisation
(voir analyse dans la section 3.2), les seconds sont très largement majoritaires en nombre,
représentant près de 92 % des 14,1 millions de foyers concernés par ces dispositifs, pour un
gain global de 28,1 Md
en 2017, contre une perte globale de 0,5 Md
(très peu de ménages
sont perdants au dispositif des quotients). L’effet net du QC et du QF, de 27,7 Md
, est dû à
environ 40 % à la conjugalisation et à 60 % à la familialisation
72
.
71
Allègre, G. (2012) « Faut-il défendre le quotient familial ? »,
revue de l’OFCE
, n°122(3), p.187.
72
André et Sireyjol (2021),
op. cit.
, p.53
LA PRISE EN COMPTE DE LA FAMILLE DANS LA FISCALITÉ
73
Tableau n° 19 :
Répartition du coût du QF par décile de RFR des foyers éligibles (imposition des
revenus de 2020)
Décile de foyers
fiscaux
Borne inférieure
de RFR (en
)
Borne
supérieure de
RFR (en
)
Nombre de
foyers fiscaux
éligibles
Nombre de
foyers fiscaux
bénéficiaires
effectifs
Coût budgétaire
du QF (en M
)
73
1er décile
0
4 773
1 061 661
2 679
4
2e décile
4 773
13 035
1 061 661
1 566
1
3e décile
13 035
17 639
1 061 661
378 480
85
4e décile
17 639
22 181
1 061 661
762 693
489
5e décile
22 181
28 151
1 061 661
645 884
735
6e décile
28 151
35 025
1 061 661
917 817
1 082
7e décile
35 025
42 855
1 061 661
1 033 888
1 559
8e décile
42 855
53 694
1 061 661
1 036 627
1 727
9e décile
53 694
73 850
1 061 661
1 036 294
2 637
10e décile
73 850
1 061 655
1 033 820
3 411
Total
10 616 604
6 849 748
11 730
Source : DGFiP sur le fichier exhaustif des déclarations des revenus 2020
73
Le coût total du QF est plus faible que celui estimé par l’Insee du fait d’un périmètre retenu plus
restreint. Le périmètre retenu comporte les demi-parts attribuées au titre des enfants mineurs à charge exclusive
ou partagée, et celles au titre des enfants célibataires majeurs rattachés, y compris la majoration supplémentaire à
compter du 3ème enfant et la majoration de 0,5 part dont bénéficie le parent isolé. Il n'inclut pas la majoration de
QF au titre des personnes à charge autres que les enfants (personnes vivant sous le toit du contribuable et titulaires
d’une carte d’invalidité d’au moins 80 %). En outre, l'incidence des demi-parts plus spécifiques, notamment au
titre de l'invalidité des enfants, n'est pas prise en compte, de même que les déductions, crédits et réductions d’impôt
associés à la présence d’enfants ou de personnes à charge dans le foyer, comme par exemple le crédit d’impôt pour
frais de garde ou les réductions ou les pensions alimentaires déduites.
LA PRISE EN COMPTE DE LA FAMILLE DANS LA FISCALITÉ
74
Graphique n° 8 :
Effets de la conjugalisation et de la familialisation par décile de niveau de vie
74
Source : André et Sireyjol (2019)
75
à partir de l’ERFS
76
2015 actualisée 2017
En moyenne, le gain s’élève à 2160
par ménage gagnant tandis que la perte est de
401
par ménage perdant. Les perdants le sont essentiellement en raison de la conjugalisation
(cf. section 3.2.1) et sont concentrés sur les sixième à huitième déciles de revenu.
Assez logiquement, les gains sont concentrés sur les couples, et en particulier les couples
avec enfants qui représentent 48 % des ménages gagnants et un peu plus de 60 % des gains. En
moyenne, ce sont les couples avec trois enfants ou plus qui bénéficient le plus des dispositifs,
avec un gain moyen de 3 901
par ménage gagnant, lié notamment à la majoration de QF à
partir du troisième enfant. Ces ménages ne représentent cependant que 10% des ménages
gagnants. Avec trois enfants, l’avantage est croissant avec le revenu jusqu’à atteindre le plafond
de 6 712
(559
par mois).
74
Le niveau de vie est appréhendé en rapportant le revenu disponible, après redistribution socio-fiscale,
au nombre d’unités de consommation (UC) du ménage.
75
André, M. et Sireyjol, A. (2019) « Imposition des couples et des familles : effets budgétaires et
redistributifs
de
l’impôt
sur
le
revenu ».
Insee,
Document
de
travail
G2019/10.
.
76
Enquête revenus fiscaux et sociaux.
LA PRISE EN COMPTE DE LA FAMILLE DANS LA FISCALITÉ
75
Tableau n° 20 :
Impôt annuel, gain/perte moyen et gain/perte total, par configuration familiale
Configuration familiale
au sens de l’Insee
77
Gain
moyen
(euros)
Gain total
Perte
moyenne
(euros)
Perte totale
M
%
M
%
Célibataires
1 206
1 774
6,3
-449
-8
1,7
Fam. monoparentales
1 737
2 102
7,5
-3 314
-10
2,1
Couples sans enfant
1 765
6 912
24,6
-388
-390
85,2
Couples, 1 ou 2 enfants
2 432
12 341
43,9
-439
-49
10,7
Couples, 3 enfants ou +
3 901
4 545
16,2
-158
0
0,0
Ménages complexes
78
2 436
432
1,5
-350
n.s
n.s
Ensemble
2 160
28 106
100.0
-401
-458
100.0
Source : André et Sireyjol (2019) à partir de l’ERFS 2015 actualisée 2017
Graphique n° 9 :
Moindre impôt mensuel permis par la prise en compte des enfants dans le calcul de
l’impôt sur le revenu pour un couple.
Source : calculs DG Trésor de l’imposition sur le revenu au titre de l’année 2022, sur législation
applicable fin 2022.
77
Du fait des différences de définitions entre ménage au sens de l’Insee (cohabitant dans le même
logement) et foyer fiscal (personnes rattachées à une même déclaration fiscale), il est possible que des personnes
ne vivant pas en couple au sens de l’Insee bénéficient de ces dispositifs, car sont notamment intégrées les parts
relatives aux enfants majeurs, étudiants ou handicapés qui n’habitent pas nécessairement le même logement mais
appartiennent au même foyer fiscal. À l’inverse, certains couples cohabitants non mariés et non pacsés ne sont pas
affectés par ces mécanismes d’un point de vue fiscal mais sont des couples au sens de l’Insee.
78
Les ménages complexes, au sens statistique du terme, sont ceux qui comptent plus d'une famille ou
plusieurs personnes isolées partageant habituellement le même domicile, ou toute autre combinaison de familles
et personnes isolées.
LA PRISE EN COMPTE DE LA FAMILLE DANS LA FISCALITÉ
76
Si seulement 12,5 % des couples sans enfant sont perdants aux dispositifs, ils
représentent cependant 88,1% des perdants et concentrent 85,2% de la perte globale, la
conjugalisation leur étant défavorable en raison du mécanisme de décote.
Afin de limiter la concentration des effets gagnants du QF sur les hauts revenus, un
mécanisme de plafonnement a été instauré en 1982, fortement abaissé en 2013 et 2014 comme
il a été indiqué au 1.4. ci-dessus. L’effet est significatif puisque 86% des ménages concernés
par le plafonnement appartenaient aux 20 % les plus aisés en 2017.
3.2
Des effets complexes à appréhender en fonction de la configuration
familiale
3.2.1
Un gain non systématique au mariage ou au Pacs
Avant l’instauration du QC et du QF, la famille était prise en compte par un mécanisme
d’abattement. La grande majorité des couples étaient mono-actifs : le mari était le seul
apporteur de ressources et sa femme, comme ses enfants, étaient alors considérés comme à
charge
79
. Cependant, avec la hausse du taux d’activité des femmes, le concubinage allait
rapidement devenir plus avantageux que le mariage
80
, justifiant l’instauration de la
conjugalisation pour les couples mariés.
Cet avantage au mariage est cependant devenu de moins en moins systématique avec le
rattrapage salarial des femmes, en particulier en raison du mécanisme de décote, à l’origine
individualisé et qui n’a jamais été totalement conjugalisé. Institué pour atténuer l’effet de seuil
d’entrée dans l’impôt, le bénéfice de la décote pouvait être perdu à l’occasion du mariage. Si la
conjugalisation partielle du dispositif a permis de limiter ce phénomène, la décote continue
d’avantager certains couples en union libre. Instaurer une conjugalisation totale
81
permettrait
de rendre le dispositif neutre vis-à-vis des différentes formes de couples mais représenterait un
coût important pour les finances publiques.
L’avantage à l’union libre procuré par la décote peut être accru par d’autres plafonds de
crédits et réductions d’impôt non conjugalisés, mais aussi par l’application du quotient familial
lorsque les couples ont des enfants. En effet, alors que les couples mariés ou pacsés forment un
unique foyer fiscal auquel doivent être rattachés les enfants, les couples en union libre ont la
possibilité d’optimiser les parts fiscales de leurs enfants en choisissant de les rattacher à l’un
ou l’autre des membres du couple.
S’il existe donc des perdants à la conjugalisation, la majorité des couples mariés ou
pacsés y sont aujourd’hui gagnants. En 2017, 1,7 million de couples étaient non imposables du
79
Carbonnier (2016) Prise en compte de la famille dans l’imposition des revenus en France,
Revue
française d’économie
, XXXI(1), p.111.
80
À la création de l’IR, le seuil d’imposition était de 5 000 francs pour un célibataire contre 7 000 francs
pour un couple.
81
Cela consisterait à multiplier par deux les seuils appliqués aux célibataires, la conjugalisation partielle
consistant actuellement en une hausse des seuils de 65 % par rapport à ceux des célibataires.
LA PRISE EN COMPTE DE LA FAMILLE DANS LA FISCALITÉ
77
seul fait de la conjugalisation. Les gains liés à la conjugalisation sont d’autant plus importants
que les écarts de revenus au sein du couple sont significatifs, et ils augmentent avec le revenu
global des couples pour trois raisons : (i) la progressivité de l’impôt, (ii) le QC n’est pas soumis
à un plafond contrairement au QF
82
, et enfin (iii) le mécanisme de décote ne s’applique qu’aux
revenus modestes.
3.2.2
Une conjugalisation fondée sur une mutualisation intégrale des ressources au
sein du couple qui n’est pas conforme à la réalité
Mis en place à une époque où la grande majorité des couples mariés étaient mono-actifs,
le quotient conjugal repose sur l’hypothèse d’une mise en commun intégrale des revenus au
sein des couples. Or la structure des revenus ainsi que leur redistribution au sein des couples
ont considérablement évolué avec l’activité des femmes, en même temps que se sont
diversifiées les configurations familiales.
Bien que la majorité des couples partagent leurs revenus, ils n’en mutualisent pas
nécessairement la totalité et pas de manière inconditionnelle. Ainsi, deux couples jouissant du
même niveau de revenu global mais avec une redistribution différente des revenus en leur sein
seront traités de la même manière par le système fiscal alors que le niveau de vie de chacun des
membres sera différent.
Tableau n° 21 :
Proportion de mise en commun des ressources dans les couples dont au moins un des
membres est actif professionnellement
Mariés
Pacsés
Union
libre
Ensemble
Tous les revenus sont mis en commun, et chacun
utilise l'argent aussi bien pour les dépenses
communes que pour ses dépenses personnelles
74%
30%
37%
64%
Chacun réserve une partie de ses revenus pour les
dépenses communes, et dispose comme il l'entend du
reste de ses revenus
12%
41%
32%
18%
Les conjoints ne mettent pas du tout leurs revenus en
commun, mais se répartissent les dépenses
9%
26%
25%
14%
L'un des deux conjoints prend en charge toutes les
dépenses communes.
2%
1%
3%
2%
Le conjoint avec un revenu prend en charge toutes les
dépenses communes ou alloue un montant fixe de son
revenu à son conjoint pour les dépenses communes.
Les dépenses personnelles de son conjoint sont
couvertes également par un montant fixe du revenu
ou sur demande.
3%
3%
2%
3%
Total
100%
100%
100%
100%
Source : Unaf à partir de l’enquête Emploi du temps 2010 de l’Insee, module « Décisions dans les
couples ».
82
En fait, le gain maximum occasionné par le QC atteint environ 22 000
.
LA PRISE EN COMPTE DE LA FAMILLE DANS LA FISCALITÉ
78
Conformément à la définition du concubinage notoire qui suppose la «
mise en commun
des moyens matériels
», 69 % des couples en union libre partagent au moins partiellement leurs
revenus, soit presque autant que les couples pacsés. Dès lors, au regard de l’hypothèse de
mutualisation des ressources, il apparaît moins justifié que l’imposition commune soit réservée
aux couples mariés ou pacsés (cf. section 1.3.1). C’est d’ailleurs bien cette mise en commun
des ressources, adossée à des considérations morales
83
, qui avait motivé la suppression de la
demi-part parent isolé pour les concubins puisqu’il est supposé une solidarité familiale dans le
cadre de l’union libre vis-à-vis des charges liées aux enfants. Cette neutralité à l’égard de la
forme d’union prévaut déjà dans le champ des prestations sociales, qui s’appuient sur
l’ensemble des revenus d’un couple quel que soit sa forme.
3.2.3
Des effets redistributifs complexes entre les différentes formes de ménages
La conjugalisation et la familialisation bénéficient davantage aux ménages les plus aisés
en raison de la progressivité de l’impôt. Or la distribution des différentes configurations
familiales sur l’échelle des niveaux de vie n’est pas uniforme. Ainsi, par construction des
dispositifs, ce sont les couples qui en profitent davantage, et ce d’autant plus qu’ils disposent,
en moyenne, d’un niveau de vie plus élevé et qu’ils sont mono-actifs (cf. section 3.1).
Tableau n° 22 :
Revenu disponible, niveau de vie et pauvreté selon la configuration familiale en 2018
Revenu disponible
moyen du ménage (en
euros)
Niveau de vie des individus du
ménages (en euros)
Part (en %)
Taux de
pauvreté (en
%)
Moyenne
Médiane
Personne seule
22 290
22 290
18 940
12,1
20,2
Famille
monoparentale
28 420
16 930
15 140
13,0
35,3
Couple sans enfant
46 130
30 750
26 470
15,6
7,1
Couple avec
enfants
55 920
25 080
21 900
55,1
13,1
Autre type de
ménages
42 600
20 650
18 100
4,1
25,3
Ensemble
40 070
24 390
21 070
100,0
16,4
Source : Insee Références – Édition 2021 – Fiche 1.13 – Niveau de vie et pauvreté selon la configuration familiale,
retraité Cour des comptes
Lecture : en 2018, les couples sans enfant vivant dans un ménage dont la personne de référence a moins de 65 ans
ont en moyenne un revenu disponible annuel de 46 130 euros. 7,1 % des personnes vivant en couple sans enfant
sont pauvres, soit 549 000 personnes.
83
Amendement « de Courson » au projet de loi de finances pour 1996.
LA PRISE EN COMPTE DE LA FAMILLE DANS LA FISCALITÉ
79
Par ailleurs, si l’un des membres d’un couple est considéré comme inactif, il exerce
cependant souvent un travail domestique dont la valeur n’est pas prise en compte et qui peut
conduire à mésestimer le niveau de vie du couple, en particulier en présence d’enfants. Par
exemple, alors qu’un couple bi-actif avec des enfants en bas âge doit généralement recourir à
des modes de garde à l’extérieur du foyer, cette dépense est évitée dans un couple mono-actif
si la garde est assurée par le parent inactif.
La concentration des effets du QC et QF sur les hauts revenus, et plus spécifiquement
sur les couples mono-actifs, est cependant atténuée par le fait que le nombre de couples mariés
ou pacsés diminue relativement au nombre de couples vivant en concubinage et que le nombre
de couples bi-actifs est aujourd’hui largement majoritaire. En 2015, dans 83 % des couples, les
deux conjoints étaient en emploi contre 69 % en 1996
84
, et en 2017, 20 % des couples vivaient
en concubinage
85
.
3.3
Un impact incertain du quotient conjugal sur l’égalité femmes-hommes
3.3.1
Un effet désincitatif au travail dont l’ampleur n’est pas démontrée
Un argument très répandu à l’encontre de l’imposition commune est qu’elle
représenterait une désincitation au travail du second apporteur de ressources, généralement les
femmes.
Dans le cas de ménages imposables caractérisés par un écart de revenus important au
sein du couple, et en faisant abstraction du degré plus ou moins poussé de partage des ressources
au sein du couple, l’imposition commune avec un taux progressif associée à un mécanisme de
QC a pour effet mécanique de diminuer le taux marginal d’imposition du premier apporteur de
ressources et d’augmenter celui du second
86
par rapport à une situation où chacun des membres
serait imposé individuellement. Il y a donc un avantage fiscal à la spécialisation domestique :
le membre du couple ayant le plus haut revenu aurait un intérêt à travailler davantage,
contrairement à son conjoint. En effet, comme illustré par le tableau 23, pour les couples mono-
actifs, le QC permet de diminuer significativement le taux d’imposition du premier apporteur
de revenus par rapport à l’imposition individuelle, et cet avantage est croissant avec le revenu.
En revanche, dès lors que le conjoint entre sur le marché du travail, l’avantage diminue, pour
disparaître lorsque les deux membres du couple perçoivent un revenu équivalent : le premier
apporteur de revenus ayant bénéficié du taux réduit par la conjugalisation, le second apporteur
de revenus entre sur le marché du travail avec un salaire imposé à un taux immédiatement plus
élevé.
84
Grégoire-Marchand P. et N. Frémeaux (2018) Le couple contribue-t-il encore à réduire les inégalités ?,
La note d’analyse
, n°71, France stratégie.
85
HCFEA, Conseil de la famille, rapport « Panorama des familles d’aujourd’hui », 2021.
86
Le premier apporteur de ressources est celui qui perçoit les revenus du travail les plus importants et est
le moins enclin à interrompre sa vie professionnelle pour privilégier sa vie familiale.
LA PRISE EN COMPTE DE LA FAMILLE DANS LA FISCALITÉ
80
L’avantage fiscal de la spécialisation domestique est donc maximal pour les couples
mono-actifs, bien qu’il puisse être atténué, pour les couples avec enfants, par l’existence de
dépenses fiscales favorisant des modes de garde non parentaux.
Tableau n° 23 :
Cas types d’imposition des couples à partir du barème sur les revenus de 2022
Revenus au
barème (en euros)
Imposition (en euros)
Taux d’imposition sur le
revenu au barème (en %)
Type
d’imposition
Séparée
Commune
Gain
Séparée
Commune*
Apporteur
de
revenus
1
2
1
2
Couple
Couple
1
2
1
2
Cas 1
25 000
0
1 564
0
378
1 186
6,3
0
1,5
Cas 2
25 000
25 000
1 564
1 564
3 128
0
6,3
6,3
1,5
11,0
Cas 3
50 000
0
8 593
0
3 128
5 465
17,2
0
6,3
Cas 4
50 000
25 000
8 593
1 564
9 686
471
17,2
6,3
6,3
26,2
Source : Cour des comptes. Mise à jour Carbonnier (2021)
87
* Dans le cas d’une imposition commune, le taux d’imposition du premier apporteur de ressources est
celui dont il bénéficierait grâce au taux réduit si son conjoint ne travaillait pas (dans le cas 2, on a donc
378/25000=1,5%), tandis que le taux d’imposition du second apporteur de ressources correspond au supplément
d’impôt lié à son entrée en emploi rapporté à son salaire (dans le cas 2, on a donc (3128-378)/25000=11%).
S’il est incontestable que l’imposition commune réduit l’avantage financier du retour à
l’emploi du deuxième apporteur de ressources, la question se pose de son impact réel sur le
travail des femmes. Bien que les inégalités de revenus au sein des couples diminuent, les
femmes contribuent encore moins que les hommes aux revenus du couple, du fait notamment
d’un taux d’activité inférieur des femmes à celui des hommes. Il ne s’agit pas là d’une
particularité française et certains chercheurs ont étudié l’impact du mode d’imposition sur le
travail des femmes
88
afin de déterminer s’il existe une relation de cause à effet.
87
Carbonnier C. (2021). Imposition jointe des revenus et emploi des femmes mariées : estimation à partir
du cas français,
Revue économique
, vol. 72(2), pages 215-244.
88
Par exemple, Jaumotte, F. (2003) Les femmes sur le marché du travail : évidence empirique sur le rôle
des politiques économiques et autres déterminants dans les pays de l’OCDE.
Revue économique de l’OCDE
, 2,
57–123 ; LaLumia S. (2008) The Effects of Joint Taxation of Married Couples on Labor Supply and Non-Wage
Income,
Journal of Public Economics
, 92 (7), p. 1698-1719 ; Selin (2014) The Rise in Female Employment and
the Role of Tax Incentives : An Empirical Analysis of the Swedish Individual Tax Reform of 1971,
International
Tax and Public Finance
, 21 (5), p. 894-922 ; Kaliskova (2014) Labor Supply Consequences of Family Taxation :
Evidence from the Czech Republic»,
Labour Economics
, 30 (C), p. 234-244. Bick et Fuchs-Schündeln (2018).
LA PRISE EN COMPTE DE LA FAMILLE DANS LA FISCALITÉ
81
Graphique n° 10 :
Second apporteur de ressources par sexe dans les pays de l’Union Européenne en
2011
Source : Thomas A. et P. O’Reilly (2016) The impact of Tax and Benefit systems on the Workforce Participation
Incentives of Women, Documents de travail de l'OCDE sur la fiscalité, n° 29, Éditions OCDE, Paris,
https://doi.org/10.1787/d950acfc-en
.
Graphique n° 11 :
Taux d’activité par sexe des personnes de 15 à 64 ans en 2021
Source : Statistiques de l'OCDE sur l'emploi et le marché du travail
0
10
20
30
40
50
60
70
80
90
100
Islande
Suède
Pays-Bas
Suisse
Norvège
Nouvelle-Zélande
Finlande
Estonie
Danemark
Canada
Australie
Royaume-Uni
Allemagne
Portugal
Japon
Autriche
Slovenie
Hongrie
Espagne
République slovaque
France
Luxembourg
Irlande
République tchèque
Israel
États-Unis
Pologne
Belgique
Corée
Grèce
Italie
Chili
Mexique
Türkiye
Hommes
Femmes