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QUATRIEME CHAMBRE
S2023-0733
DEUXIEME SECTION
OBSERVATIONS DÉFINITIVES
(Article R. 143-11 du code des juridictions financières)
LES CENTRES
EDUCATIFS FERMES
ET LES ETABLISSEMENTS
PENITENTIAIRES POUR MINEURS
Juillet 2023
Le présent document, qui a fait l’objet d’une contradiction avec les destinataires concernés,
a été délibéré par la Cour des comptes, le 8 juin 2023.
LES CENTRES
EDUCATIFS FERMES
ET LES ETABLISSEMENTS PENITENTIAIRES POUR MINEURS
2
SYNTHÈSE
Les centres éducatifs fermés (CEF) et les établissements pénitentiaires pour mineurs
(EPM) ont été créés par la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d’orientation et de
programmation pour la justice (LOPJ, ou loi « Perben 1 »). Ils ont été conçus comme des
alternatives à la liberté surveillée et à l’emprisonnement dans des quartiers pour mineurs. Ces
deux dispositifs sont nés d’une même volonté de concilier le travail éducatif et la contrainte,
pour des publics considérés comme difficiles. Ils ne concernent qu’une faible minorité des
mineurs délinquants. En 2021, on comptait 198 135 mineurs dans les affaires traitées par les
parquets, dont 147 763 dans des affaires poursuivables. 133 242 ont reçu une réponse pénale
1
.
Cette même année, 1 139 mineurs ont fait l’objet d’une mesure de placement en CEF et 2 800
ont été placés sous écrou, dont un sur trois a été orienté vers un EPM.
Les CEF ont été conçus comme des structures plus « contenantes »
2
que les autres
établissements pour les mineurs délinquants. Établissements de placement de la direction de la
protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ), les 54 CEF, qui peuvent accueillir une dizaine de
mineurs, sont souvent présentés comme la dernière étape avant l’incarcération.
Les EPM sont des établissements pénitentiaires accueillant uniquement des mineurs.
Certains établissements pénitentiaires pour majeurs peuvent aussi accueillir des mineurs, alors
détenus au sein de quartiers pour mineurs (QM). Les EPM sont organisés autour de l’action
éducative. Relevant de l’administration pénitentiaire, chacun des six EPM peut accueillir une
soixantaine de mineurs détenus.
La Cour a souhaité dresser un bilan de ces deux dispositifs, vingt ans après la loi qui les
a créés.
Les CEF et les EPM sont insuffisamment évalués, alors qu’ils
mobilisent des moyens importants
Dispositifs innovants et mobilisant des moyens importants, les CEF et les EPM
mériteraient que le ministère de la justice accomplisse un effort d’évaluation de leur efficacité
et de leur efficience, mesurées notamment par les taux de récidive et de réitération et le suivi
des actions de formation et d’insertion.
Or l’évaluation des politiques de prise en charge des mineurs délinquants demeure
lacunaire, malgré l’existence de données au sein des services du ministère de la justice dont
l’exploitation reste incomplète. La mise en place de Parcours, logiciel permettant le suivi des
mineurs pris en charge par la DPJJ, est en effet récente. De plus, Parcours ne couvre pas encore
1
Les affaires poursuivables mais non poursuivies sont celles classées pour inopportunité. La réponse
pénale peut être l’alternative aux poursuites, la composition pénale ou la poursuite. Données issues de Références
statistiques justice, La justice des mineurs, 2022.
2
Selon une définition figurant dans la note du 24 décembre 2015 de la directrice de la protection judiciaire
de la jeunesse relative à la prévention et la gestion des situations de violence au sein des établissements et services
de la protection judiciaire de la jeunesse, la « contenance éducative » constitue
« un cadre éducatif dont la clarté
et le sens doivent permettre de sécuriser le jeune accueilli »
.
LES CENTRES
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ET LES ETABLISSEMENTS PENITENTIAIRES POUR MINEURS
3
le champ du secteur associatif habilité (SAH). Une telle évolution, prévue pour 2024, est
nécessaire, pour éviter une différence dans le suivi des mineurs selon qu’ils sont accueillis dans
le secteur public ou dans le secteur associatif habilité. L’avancée que représente Parcours doit
également être complétée par la mise en commun de ses données avec celles des autres
applications du ministère de la justice (Genésis pour le système pénitentiaire, Cassiopée pour
la chaîne pénale). Le délai annoncé de dix ans pour atteindre ces objectifs doit impérativement
être revu. En attendant, le ministère devrait pouvoir s’appuyer sur des études de cohortes, mais
elles demeurent trop rares. Les monographies universitaires, pour intéressantes qu’elles soient,
ne sauraient suffire pour définir une politique publique.
Les CEF présentent des fragilités persistantes, qui appellent une
évaluation de l’existant et une analyse des besoins
Les 54 centres éducatifs fermés (CEF) sont portés aux deux tiers par le secteur associatif
habilité (SAH), dont la Convention nationale des associations de protection de l’enfance
(CNAPE) est la fédération la plus représentative. La protection judiciaire de la jeunesse gère
l’autre tiers des CEF.
Conçus pour être une réponse « contenante » pour les mineurs les plus difficiles, les
CEF mobilisent des moyens importants. Selon des données du ministère de la justice qui
mériteraient d’être fiabilisées, le coût effectif d’une journée en CEF s’établissait en 2019 à
705
€
hors immobilier dans le secteur public et à 571
€
, dans le secteur associatif habilité.
Les CEF ne sont utilisés en moyenne qu’aux deux tiers de leur capacité d’accueil. Ils
sont en outre confrontés à des difficultés de fonctionnement liées à celles de recrutement des
métiers des carrières sociales, dans le secteur public comme dans les associations gestionnaires
de CEF.
Engagé sans étude d’impact préalable, et justifié par une efficacité, supposée mais non
démontrée, en matière de prévention de la récidive, le plan gouvernemental de création de CEF
supplémentaires (20 initialement, porté à 22) est coûteux : chaque CEF représente un
investissement initialement évalué à 4,5 M
€
, coût porté à 6 M
€
mi-janvier 2023 d’après la
direction du budget. La faiblesse des études relatives à leur efficacité, la pénurie de main
d’
œ
uvre qualifiée pour encadrer les mineurs, les problèmes rencontrés dans leur
fonctionnement et la difficulté à optimiser l’utilisation des places disponibles justifient qu’une
pause soit observée dans la programmation de nouveaux CEF. Il est essentiel de réfléchir à la
contribution spécifique de ces établissements au dispositif général de prise en charge des
mineurs délinquants, au moment où est mis en
œ
uvre le code de la justice pénale des mineurs
(CJPM), et d’en améliorer le fonctionnement.
Dans ce contexte, il paraît indispensable, avant de lancer de nouveaux projets de CEF
au-delà de ceux déjà engagés, d’établir les besoins à satisfaire, en se fondant sur une évaluation
de l’offre existante et la réalisation de schémas régionaux tenant compte des autres dispositifs
de placement de la PJJ et intégrant les conséquences de la réforme de la justice pénale des
mineurs.
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4
Le projet spécifique des établissements pour mineurs est à
réaffirmer et un rééquilibrage à trouver avec les quartiers pour
mineurs
Comme celui des CEF, le dispositif des EPM constituait un projet ambitieux, consistant
à organiser la détention autour de l’action éducative et à engager d’importants moyens afin de
favoriser la réinsertion des mineurs détenus. Or les spécificités de ce projet, en particulier
l’importance donnée à la socialisation des mineurs et au temps passé hors cellule, sont
aujourd’hui à réaffirmer. Un cadre approprié pour cela devrait être celui des projets
d’établissement, qui doivent organiser la pluridisciplinarité et le « binômage »
3
entre
administration pénitentiaire et protection judiciaire de la jeunesse. Mais ils font défaut dans
cinq EPM sur six. Il convient aussi, aujourd’hui, de pallier l’insuffisance constatée du temps
consacré aux activités ainsi que de temps dévolu à la scolarisation. Celui-ci est largement
inférieur à l’objectif de 20 heures hebdomadaires fixé par la circulaire du garde des sceaux du
24 mai 2013 relative au régime de détention des mineurs. Les initiatives du ministère pour
mettre à jour les projets d’établissement et accroître les temps hors cellule sont à poursuivre.
L’administration doit également s’assurer que le profil des surveillants et des éducateurs
affectés aux EPM est adapté aux missions particulières de ces établissements.
Les importantes différences de moyens et de qualité de prise en charge qui distinguent
les établissements pour mineurs des quartiers pour mineurs des établissements pénitentiaires
appellent par ailleurs des évolutions. Alors que les EPM avaient vocation, «
à terme
», à
remplacer les QM, la dynamique de création de ces nouveaux établissements spécialisés a été
interrompue après la construction des premiers, de sorte que se superposent aujourd’hui deux
logiques successives. Or les moyens importants dont ont été dotés, dès l’origine, les EPM,
conduisent logiquement à des niveaux de prise en charge très différents, pour des mineurs dont
rien n’indique qu’ils présentent des profils différenciés. Un rééquilibrage est nécessaire, à deux
titres : d’une part, pour inciter à orienter prioritairement en EPM les mineurs détenus et leur
permettre de bénéficier d’une prise en charge renforcée ; d’autre part, pour réorienter une partie
des moyens humains de la protection judiciaire de la jeunesse des EPM vers les QM, afin de
réduire l’écart de prise en charge.
3
Le mot
« binôme »
, utilisé dans la circulaire du ministre de la justice du 24 mai 2013 relative au régime
de détention des mineurs, désigne l’organisation qui permet aux éducateurs et aux surveillants, en milieu carcéral,
de
« travailler de manière complémentaire »
.
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5
RECOMMANDATIONS
Recommandation n° 1.
(DPJJ) : Fiabiliser les données relatives au coût de journée des CEF
des secteurs public et associatif habilité.
Recommandation n° 2.
(secrétariat général du ministère de la justice, DAP, DPJJ)
Rassembler le potentiel d’expertise et les données des différentes directions d’administration
centrale pour produire des données de suivi et d’évaluation permettant de calculer les taux de
récidive et de réitération des jeunes sortant de CEF et d’EPM et de les comparer aux autres
dispositifs.
Recommandation n° 3.
(DPJJ, ENPJJ) Élargir les recrutements effectués en complément des
concours externes et internes et étoffer la formation théorique dispensée à leurs lauréats par
l’École nationale de la PJJ.
Recommandation n° 4.
(DAP) Achever la mise à jour de tous les projets d’établissement des
établissements pénitentiaires pour mineurs conformément au calendrier prévu (fin 2023).
Recommandation n° 5.
(DAP, DPJJ, DGESCO) Dans l’emploi du temps hebdomadaire des
mineurs détenus en établissements pénitentiaires pour mineurs, élargir les plages consacrées à
la socialisation et aux apprentissages scolaires.
Recommandation n° 6.
(DAP, DPJJ) Lors des recrutements et mutations des agents,
distinguer les postes de l’administration pénitentiaire et de la protection judiciaire de la jeunesse
alloués aux établissements pénitentiaires pour mineurs et n’y nommer que des personnes dont
le profil professionnel est adéquat.
Recommandation n° 7.
(DPJJ) Avant de lancer des projets nouveaux de CEF, établir les
besoins à satisfaire, en se fondant sur une évaluation de l’offre existante et la réalisation de
schémas régionaux tenant compte des autres dispositifs de placement de la PJJ et intégrant les
conséquences de la réforme de la justice pénale des mineurs
Recommandation n° 8.
(DAP, DPJJ, DACG) Élaborer un plan d’action, afin de privilégier
l’orientation des mineurs détenus vers les EPM.
Recommandation n° 9.
(DPJJ, DAP) Mieux répartir les effectifs de la PJJ en milieu
pénitentiaire, en redéployant des ETP des EPM vers les QM.
LES CENTRES
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ET LES ETABLISSEMENTS PENITENTIAIRES POUR MINEURS
6
TABLE DES MATIÈRES
SYNTHÈSE
......................................................................................................................
2
RECOMMANDATIONS
................................................................................................
5
TABLE DES MATIÈRES
..............................................................................................
6
INTRODUCTION
...........................................................................................................
8
1 DES DISPOSITIFS QUI MOBILISENT DES MOYENS IMPORTANTS
..........
10
1.1 CEF et EPM : des dispositifs cherchant à combiner enfermement et
éducation
..........................................................................................................
10
1.1.1 Le centre éducatif fermé : un établissement de placement devant
offrir une prise en charge renforcée
........................................................
10
1.1.2 L’établissement pénitentiaire pour mineurs : la détention organisée
autour de la prise en charge éducative.
...................................................
14
1.1.3 L’impact du nouveau code de la justice pénale des mineurs (CJPM)
.....
18
1.2 Les centres éducatifs fermés : un coût global important, des écarts
significatifs entre publics et associatifs
............................................................
19
1.2.1 Une connaissance lacunaire du coût des CEF publics
............................
19
1.2.2 Une connaissance plus précise des coûts des CEF associatifs
................
20
1.2.3 Des difficultés de comparaison entre le secteur public et le secteur
associatif habilité
.....................................................................................
23
1.3 Établissements pour mineurs : des coûts voisins de ceux centres
éducatifs fermés
................................................................................................
24
1.3.1 Des moyens du ministère de la justice plus importants pour les
EPM que pour les QM
.............................................................................
24
1.3.2 Des coûts de détention auxquels s’ajoutent les dépenses supportées
par l’éducation nationale et la santé
........................................................
26
2 DES DISPOSITIFS INSUFFISAMMENT EVALUES, MALGRE DES
CONSTATS PREOCCUPANTS
...........................................................................
28
2.1 Une évaluation entravée par les défaillances du suivi statistique des
mineurs délinquants
..........................................................................................
28
2.1.1 Une tentative tardive d’unification du suivi informatique des
mineurs pris en charge par la PJJ
............................................................
28
2.1.2 La perspective lointaine d’un interfaçage des différents systèmes
d’information du ministère de la justice
..................................................
29
2.1.3 La nécessité d’une relance des études sur les mineurs délinquants
........
31
2.2 Centres éducatifs fermés : des fragilités persistantes
.......................................
32
2.2.1 Un manque de main d’
œ
uvre qualifiée
...................................................
33
2.2.1.1
Dans le secteur public, les limites d’une approche par le statut
.............................
33
2.2.1.2
Dans le secteur privé, une logique de compagnonnage
..........................................
34
2.2.1.3
Des leviers d’action à mobiliser davantage pour la gestion du personnel de
la PJJ
.................................................................................................................
35
LES CENTRES
EDUCATIFS FERMES
ET LES ETABLISSEMENTS PENITENTIAIRES POUR MINEURS
7
2.2.2 Des coopérations à développer avec les partenaires institutionnels
........
38
2.3 Établissements pénitentiaires pour mineurs : un projet spécifique à
réaffirmer
..........................................................................................................
41
2.3.1 Une indifférenciation du régime de détention
.........................................
41
2.3.2 Le projet d’établissement, un outil pour organiser le « binômage »
entre surveillants et éducateurs
...............................................................
41
2.3.3 Une mission de socialisation des détenus à exercer pleinement
.............
42
2.3.4 L’intérêt d’un profilage des postes à pourvoir
........................................
44
3 DES CHOIX STRATEGIQUES A MIEUX FONDER
.........................................
46
3.1 Une extension trop rapide des capacités d’accueil des centres éducatifs
fermés
...............................................................................................................
46
3.1.1 Des places occupées aux deux tiers
.........................................................
46
3.1.2 La mise en
œ
uvre d’un plan volontariste d’extension des capacités
d’accueil sans analyse des besoins
..........................................................
48
3.1.3 Réaliser une évaluation de l’existant, au plus près des besoins
locaux avant tout nouveau projet de CEF
...............................................
52
3.2 Des différences significatives de prise en charge dans les établissements
pénitentiaires pour mineurs et les quartiers pour mineurs
................................
54
3.2.1 La superposition de deux logiques historiques
.......................................
54
3.2.2 Des différences de moyens humains non justifiées par des
différences de situation entre les mineurs
...............................................
55
3.2.2.1
Des différences de moyens humains et de prise en charge
.....................................
55
3.2.2.2
Des mineurs aux profils similaires
.........................................................................
58
3.2.3 Privilégier l’orientation des mineurs détenus vers les EPM
...................
59
3.2.4 Rééquilibrer les moyens humains de la PJJ entre EPM et QM
...............
61
ANNEXES
......................................................................................................................
63
Annexe n° 1.
Liste des sigles employés
......................................................
64
Annexe n° 2.
Aspects financiers de la création de nouveaux CEF publics
.......
66
Annexe n° 3.
Carte des établissements pénitentiaires pour mineurs
...........
67
Annexe n° 4.
Carte des centres éducatifs fermés et du programme de
création de nouveaux CEF
...............................................................................
68
Annexe n° 5.
Dispositif de contractualisation avec le secteur associatif
...........
69
LES CENTRES
EDUCATIFS FERMES
ET LES ETABLISSEMENTS PENITENTIAIRES POUR MINEURS
8
INTRODUCTION
Les centres éducatifs fermés (CEF) et les établissements pénitentiaires pour mineurs
(EPM) ont été créés par la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d’orientation et de
programmation pour la justice (LOPJ, ou loi « Perben 1 »). Ils ont été conçus comme des
réponses à un besoin de prise en charge renforcée de mineurs généralement récidivistes. Les
CEF constituent des structures éducatives offrant une prise en charge renforcée tandis que les
EPM doivent permettre d’améliorer les conditions de détention par rapport à celles existant
dans les quartiers pour mineurs.
Les CEF
4
font partie des établissements de placement de la protection judiciaire de la
jeunesse (PJJ), au même titre que les établissements de placement éducatif (EPE) et les
établissements de placement éducatif et d’insertion (EPEI). Présentés comme offrant une
dernière étape avant une éventuelle incarcération, ils s’en distinguent par leur régime juridique.
En effet, le non-respect des obligations auxquelles sont astreints les mineurs qui y sont
accueillis, en application des mesures ayant justifié leur placement, peut entraîner leur
incarcération. Contrairement aux autres établissements de placement, le Contrôleur général des
lieux de privation de liberté (CGLPL) est compétent pour y intervenir
5
.
À la création des CEF, le milieu des éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse
a opposé une résistance forte, considérant qu’éducation et enfermement étaient contradictoires.
Le secteur associatif, dans ce contexte, a été amplement mis à contribution pour concrétiser
l’ambition que l’État s’était donnée. Les réticences des professionnels du secteur public se sont
peu à peu apaisées et 52 CEF ont ouvert entre 2003 et 2018, un sur trois étant public et deux
sur trois associatifs.
Les CEF, conçus pour accueillir douze mineurs chacun, sont aujourd’hui au nombre de
54, dont trois ouverts en 2022 et un fermé en 2018 ; 18 établissements relèvent du secteur
public, 36 du secteur associatif habilité. Au premier semestre 2022, les CEF ont accueilli en
moyenne 417 jeunes, soit huit par centre. La durée moyenne des placements a été de 4,3 mois
en 2021. La dotation théorique en ressources humaines est de 26,5 ETP par établissement.
Les EPM relèvent, comme les quartiers pour mineurs (QM), de l’administration
pénitentiaire. Ils accueillent des prévenus et des condamnés. Alors que les QM sont insérés dans
des établissements pénitentiaires destinés principalement aux délinquants adultes, les EPM sont
autonomes et ne reçoivent que des mineurs. Au sein des EPM, la prise en charge éducative est
renforcée par rapport aux QM. Les six établissements pour mineurs ont été ouverts en 2007 et
4
En application de l’article L. 113-7 du code de la justice pénale des mineurs (CJPM),
« les centres
éducatifs fermés sont des établissements publics ou des établissements privés habilités dans des conditions prévues
par décret en Conseil d’État, dans lesquels les mineurs sont placés en application d’un contrôle judiciaire, d’un
sursis probatoire, d’un placement à l'extérieur ou à la suite d’une libération conditionnelle. Au sein de ces centres,
les mineurs font l’objet des mesures de surveillance et de contrôle permettant d’assurer un suivi éducatif et
pédagogique renforcé et adapté à leur personnalité »
.
5
La compétence du CGLPL sur les CEF est confirmée notamment par la fiche technique n° 5 annexée à
la circulaire du 10 mars 2016, prise en application de l’arrêté du 31 mars 2015 relatif aux règles d’organisation, de
fonctionnement et de prise en charge des CEF du secteur public de la PJJ, qui précise les conditions de ses visites
sur place.
LES CENTRES
EDUCATIFS FERMES
ET LES ETABLISSEMENTS PENITENTIAIRES POUR MINEURS
9
2008, chacun disposant de 55 à 60 places. 695 ETP du ministère de la justice interviennent dans
les EPM au 1
er
septembre 2022, soit 116 en moyenne par établissement
6
. Pour leur part, les
quartiers pour mineurs, plus anciens, sont au nombre de 45, chacun prenant en charge en
moyenne 8,2 mineurs.
Le 1
er
décembre 2022, on comptait 221 mineurs détenus en EPM, sur un total de 659
mineurs détenus, chiffre en nette baisse par rapport à celui atteint avant l’entrée en vigueur du
code de la justice pénale des mineurs (CJPM) à l’automne 2021.
Le placement en CEF et la détention ne concernent qu’une fraction des mineurs
délinquants, l’incarcération ne devant intervenir qu’en dernier recours
7
et le CEF étant conçu
comme la dernière alternative à celle-ci. Ainsi, on comptait 198 135 mineurs dans les affaires
traitées par les parquets en 2021, dont 147 763 dans des affaires poursuivables. Parmi celles-ci,
133 242 ont donné lieu à une réponse pénale
8
. Cette même année, 1 139 mineurs ont fait l’objet
d’une mesure de placement en CEF et 2 800 ont été placés sous écrou.
Au total, l’état des lieux effectué par la Cour des comptes montre que CEF et les EPM,
dispositifs innovants qui entendent conjuguer l’éducation et l’enfermement, mobilisent des
moyens particulièrement importants (1
ère
partie). Ces dispositifs sont insuffisamment évalués,
malgré certains constats préoccupants sur leur fonctionnement et leurs résultats (2
ème
partie).
Enfin, certains choix stratégiques méritent d’être mieux fondés, l’extension des capacités
d’accueil des CEF étant trop rapide et la différence de prise en charge entre les EPM et les QM
excessive (3
ème
partie).
6
À ces dotations en emplois s’ajoutent les mises à disposition de professeurs de l’éducation nationale et
de personnels de santé.
7
Conformément aux engagements internationaux de la France, principe rappelé à l’article L. 123-1 du
code de la justice pénale des mineurs : «
Une peine d'emprisonnement avec ou sans sursis ne peut être prononcée
par le tribunal pour enfants et la cour d’assises des mineurs qu’à la condition que cette peine soit spécialement
motivée.
»
8
Les affaires poursuivables mais non poursuivies sont celles classées pour inopportunité. La réponse
pénale peut être l’alternative aux poursuites, la composition pénale ou la poursuite. Données issues de Références
statistiques justice, La justice des mineurs, 2022.
LES CENTRES
EDUCATIFS FERMES
ET LES ETABLISSEMENTS PENITENTIAIRES POUR MINEURS
10
1
DES DISPOSITIFS QUI MOBILISENT DES MOYENS
IMPORTANTS
Les CEF et les EPM sont nés d’une même loi qui entendait apporter aux évolutions de
la délinquance des mineurs des réponses nouvelles et innovantes, en cherchant à mieux
conjuguer l’éducation et la sanction. Ce sont des dispositifs exigeants qui mobilisent au profit
de ces mineurs des moyens importants, au regard notamment des autres dispositifs de placement
de la PJJ, d’une part, et des quartiers pour mineurs, d’autre part.
1.1
CEF et EPM : des dispositifs cherchant à combiner enfermement et
éducation
Les dispositions relatives à la justice pénale des mineurs de la loi « Perben 1 » avaient
pour but d’apporter une réponse adaptée à l’évolution perçue de la délinquance des mineurs,
marquée par un rajeunissement des auteurs des faits, une désocialisation de certains mineurs
apparaissant très souvent sans repères éducatifs et une augmentation des mineurs
multirécidivistes, pour lesquels la réponse pénale apportée apparaissait souvent trop tardive. La
commission d’enquête sénatoriale de 2002 relative à la délinquance des mineurs qui a précédé
la loi constatait ainsi que «
le système français de traitement de la délinquance des mineurs est
tel qu’il faut choisir entre la contrainte et l’éducation. C’est cette logique qu’il convient de
briser pour avancer
»
9
. Il s’agissait de «
réaffirmer la valeur de la sanction tout en poursuivant
et en développant les actions de prévention et de réinsertion
»
10
, et ainsi de conjuguer
l’éducation et la sanction. Dans ce cadre, la création des CEF et des EPM visait à renforcer le
dispositif de traitement des mineurs délinquants et violents, en offrant aux juges de nouveaux
outils.
1.1.1
Le centre éducatif fermé : un établissement de placement devant offrir une
prise en charge renforcée
La création des CEF a été conçue comme la réponse au constat d’une insuffisance dans
la prise en charge éducative des mineurs en établissements de placement, notamment dans les
centres éducatifs renforcés (CER). Il a été avancé que l’institution judiciaire ne disposait pas de
moyen de contrainte, en dehors de l’incarcération, lorsque les mineurs ne respectaient pas les
conditions de placement et qu’ils faisaient échec aux mesures éducatives entreprises, ce qui
tendait à renforcer leur sentiment d’impunité.
L’objectif poursuivi par la création des CEF était d’offrir aux juridictions une possibilité
de réponse graduée et progressive à l’égard de ces mineurs et une alternative à leur
incarcération. Ainsi, ces centres doivent offrir aux jeunes un suivi éducatif et pédagogique
9
Rapport de la commission d’enquête sur la délinquance du Sénat,
Délinquance des mineurs : la
République en quête de respect
, remis le 26 juin 2002.
10
Cf. rapport annexé à la loi.
LES CENTRES
EDUCATIFS FERMES
ET LES ETABLISSEMENTS PENITENTIAIRES POUR MINEURS
11
renforcé et adapté à leur personnalité ; mais le non-respect par les mineurs des obligations qui
leur sont imposées peut entraîner leur incarcération.
Comme pour les autres établissements de la PJJ, le placement d’un mineur délinquant
dans un CEF est prononcé par un juge. Celui-ci s’appuie sur le service éducatif auprès du
tribunal (SEAT), service de la PJJ qui propose des alternatives à l’incarcération en cherchant
les places disponibles dans les établissements de placement dont le projet éducatif correspond
au profil du mineur.
Le caractère « fermé » du CEF est juridique et non matériel, même si des dispositifs de
sécurité sont prévus afin de prévenir le risque de fugue : le Conseil constitutionnel a estimé
ainsi dans sa décision du 29 août 2002 que «
la dénomination de « centres fermés » traduit
seulement le fait que la violation des obligations auxquelles est astreint le mineur, et notamment
sa sortie non autorisée du centre, est susceptible de conduire à son incarcération par
révocation du contrôle judiciaire ou du sursis avec mise à l'épreuve
»
11
. Ainsi les fugues,
relativement courantes, constituent en principe un manquement aux obligations du placement
qui peut entraîner l’incarcération du mineur (placement en détention provisoire ou mise à
exécution de la peine d’enfermement). Dans la pratique toutefois, une seule fugue de courte
durée se conclut rarement par la révocation du contrôle judiciaire. L’article L. 334-3 du CJPM
12
prévoit désormais, pour les mineurs de moins de seize ans encourant une peine correctionnelle,
la révocation du contrôle judiciaire ne peut intervenir
« qu’en cas de violation répétée ou d'une
particulière gravité de cette obligation ou si cette dernière s'accompagne de la violation d'une
autre obligation du contrôle judiciaire, et lorsque le rappel ou l'aggravation de ces obligations
n'est pas suffisant (…) ».
Par ailleurs, le placement dans un autre établissement de la protection
judiciaire de la jeunesse (PJJ) peut également être prévu dans le cadre d’un contrôle judiciaire
et révoqué en cas de non-respect des obligations de placement.
À l’origine, les CEF ont été conçus pour accueillir essentiellement des mineurs
récidivistes ou multiréitérants âgés de 13 à 18 ans. Mais les lois du 5 mars 2007 et du 10 août
2011 ont élargi les catégories d’infractions permettant de placer en CEF, dans le cadre d’un
contrôle judiciaire, des mineurs n’ayant pas d’antécédents. Par ailleurs, les mineurs âgés de 16
et 17 ans sont majoritaires : ils représentaient au 15 juin 2021 respectivement 32 % et 36 % des
mineurs placés en CEF
13
.
Les cas dans lesquels les mineurs peuvent être placés en centre éducatif fermé ont été
restreints, initialement, aux hypothèses du contrôle judiciaire ou du sursis avec mise à l’épreuve,
11
Conseil constitutionnel, n° 2002-461 DC, Loi d’orientation et de programmation de la justice, 29 août
2002.
12
Article créé par l’ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019, prise sur le fondement de la loi
n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice spécifique aux mineurs.
13
Étude sur le profil des mineurs placés en CEF au 15 juin 2021, DPJJ.
LES CENTRES
EDUCATIFS FERMES
ET LES ETABLISSEMENTS PENITENTIAIRES POUR MINEURS
12
remplacé par le sursis probatoire. Les situations permettant un placement en CEF ont été
élargies ensuite au placement extérieur
14
et à la libération conditionnelle
15
.
Les CEF se distinguent des autres établissements de placement de la PJJ, et notamment
des centres éducatifs renforcées (CER), publics ou associatifs, qui ont été créés par une note de
du 8 mars 1996 du ministère de la justice avec l’objectif spécifique de créer une rupture
temporaire avec l’environnement et le mode de vie habituels du mineur. Les CEF se distinguent
également d’autres structures d’hébergement collectif de la PJJ ou du secteur associatif habilité,
qui accueillent également 10 à 12 mineurs sous mandat judiciaire, mais qui disposent de moins
de moyens et n’appliquent pas le même régime de sortie.
En CEF, les sorties sont restreintes. Elles ne peuvent pas intervenir pendant les deux
premiers mois de placement, et doivent toujours être justifiées. Pour ces raisons, la scolarisation
en CEF est organisée à l’intérieur même du centre. Dans une unité éducative d’hébergement
collectif (UEHC) de la PJJ comme celle d’Arcueil, au contraire, les mineurs sortent le matin
pour se rendre dans des établissements scolaires ou des centres de formation. Un seul éducateur
suffit alors à assurer une présence au centre, alors qu’ils sont toujours au moins deux en CEF.
De manière plus générale, les CEF sont pensés comme plus « contenants » que les autres
dispositifs de placement. Ils sont soumis, contrairement à ces derniers et comme les EPM, au
contrôle du Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Le placement, sur six mois, est
censé comporter trois phases, débutant par une phase d’accueil et s’achevant par une phase de
préparation du projet de sortie.
Des professionnels tournés vers la prise en charge des mineurs dans le secteur public
comme dans le secteur associatif habilité
Les CEF sont des établissements appartenant soit au secteur public (PJJ), soit au secteur
associatif habilité (SAH). L’arrêté du 31 mars 2015 relatif aux règles d’organisation, de
fonctionnement et de prise en charge des CEF du secteur public, dont les conditions d’application
ont été précisées par une circulaire du 10 mars 2016, prévoit dans ses annexes les fonctions des
différentes catégories de personnels. Ce texte n’a pas d’équivalent pour le SAH.
Dans le secteur public, chaque CEF est encadré par un directeur assisté de deux chefs
d’unité éducative. L’un d’entre eux peut être directeur adjoint. Un adjoint administratif est chargé
de l’ensemble du suivi des dossiers ; il est le contributeur essentiel du logiciel Parcours (cf.
infra
).
16 personnels éducatifs prennent en charge à tour de rôle les jeunes, pour les faire participer
à des activités adaptées à leur projet de sortie, élaboré à l’issue des premiers mois du placement.
La gestion des nuits s’effectue de façon différente selon les secteurs. Dans les deux cas,
deux adultes s’assurent du calme des lieux. Toutefois, dans le secteur public, l’organisation des
14
Le placement à l’extérieur est un aménagement de peine sous écrou, comme la semi-liberté et le
placement sous surveillance électronique, qui permet à une personne condamnée de bénéficier d’un régime
particulier de détention l’autorisant à quitter l’établissement pénitentiaire afin d’exercer une activité
professionnelle, de suivre un enseignement ou une formation professionnelle, de rechercher un emploi, de
participer de manière essentielle à sa vie de famille, de subir un traitement médical ou de s’investir dans tout autre
projet d’insertion ou de réinsertion de nature à prévenir les risques de récidive.
15
Respectivement par les lois n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions
de la criminalité et n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance.
LES CENTRES
EDUCATIFS FERMES
ET LES ETABLISSEMENTS PENITENTIAIRES POUR MINEURS
13
emplois du temps des éducateurs doit tenir compte de cette contrainte, alors que les CEF du SAH
peuvent disposer de deux ou trois veilleurs de nuit qui n’exercent que cette fonction.
Un psychologue est également présent pour recueillir la parole des mineurs. La direction
de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ) dispose d’un cadre d’emploi spécifique pour les
psychologues qui interviennent dans ses structures.
Un maître de maison et un adjoint technique sont responsables du fonctionnement du centre
et de son entretien, ainsi que des menues réparations. Deux cuisiniers s’occupent des repas.
Certains CEF
16
ont ouvert la possibilité d’avoir recours à un éducateur technique pour faire
participer les jeunes à la préparation des repas.
Enfin un infirmier est présent à mi-temps. Il intervient pour l’ouverture des droits, les prises
de rendez-vous, la distribution des médicaments. La présence d’un médecin est prévue le plus
souvent sur une base conventionnelle (cf.
infra
).
Le nombre d’ETP affectés par CEF est donc de 26,5 ETP maximum pour un nombre
théorique de 12 mineurs placés, soit un ratio théorique de 2,2 adultes par mineur accueilli.
En 2021, 4 300 mineurs délinquants ont fait l’objet d’une mesure de placement
17
, dont
environ un quart en CEF. Le nombre de mineurs placés en CEF a progressé depuis leur création,
en lien avec l’augmentation du nombre de CEF. Depuis 2014 et la stabilisation du nombre de
CEF ouverts, le nombre de jeunes faisant l’objet d’une mesure de placement en CEF est compris
entre 1 100 et 1 200 par an. 54 CEF étaient ouverts début 2023 (dont trois ont ouverts en 2022).
Une carte des CEF existants et prévus dans le cadre du programme de création de nouveaux
CEF est présenté en Annexe n° 4.
16
Tel est le cas du CEF de Sainte-Menehould, qui appartient au SAH.
17
Références statistiques justice 2022, Les mineurs auteurs d’infraction pénale.
LES CENTRES
EDUCATIFS FERMES
ET LES ETABLISSEMENTS PENITENTIAIRES POUR MINEURS
14
Tableau n° 1 : Nombre de CEF au 31 décembre et de mineurs ayant fait l’objet d’une mesure de
placement en CEF dans l’année
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
CEF
9
11
16
31
36
38
40
43
44
47
Mineurs
n.d.
n.d.
261
341
561
686
814
932
1 025
1 070
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
CEF
51
51
51
51
52
51
51
51
51
54
Mineurs
1 099
1 160
1 196
1 192
1 149
1 175
1 146
1 093
1 139
1 160
Source : DPJJ. Note : la diminution du nombre de CEF entre 2017 et 2018 résulte de la fermeture définitive de
l’un d’entre eux. Par ailleurs, 14 CEF ont fait l’objet de suspensions temporaires (non retracées dans le tableau).
1.1.2
L’établissement pénitentiaire pour mineurs : la détention organisée autour de
la prise en charge éducative.
La création des EPM avait pour objectif de faire face à un nombre de places en détention
qui était alors insuffisant et d’améliorer les conditions d’incarcération des mineurs. Ces
établissements nouveaux devaient se caractériser par un fort contenu éducatif et de préparation
à la réinsertion. M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, indiquait ainsi lors
de l’inauguration du premier EPM : «
L’EPM, c’est avant tout une prison qui s’organise autour
d’une salle de classe
»
18
. L’idée figurait dans le rapport de la commission d’enquête sénatoriale
de juin 2002 : «
Des établissements spécialisés pour les mineurs devraient être créés, conçus
spécifiquement pour permettre une prise en charge intensive en vue de la réinsertion de ces
mineurs. Ces établissements devraient permettre une véritable scolarisation et l’organisation
d’activités multiples. Les mineurs accueillis ne devraient plus pouvoir passer des journées
entières à regarder la télévision en cellule comme cela arrive encore dans les quartiers pour
mineurs. Ils devraient au contraire être occupés et encadrés tout au long de la journée
».
19
Les EPM avaient également pour finalité de permettre une stricte séparation avec les
majeurs, satisfaisant ainsi aux stipulations de la convention internationale relative aux droits de
l’enfant
20
, qui sont imparfaitement respectées en QM (cf.
infra
).
18
Inauguration du 1
er
établissement pour mineurs à Lyon, discours de Pascal Clément, garde des sceaux,
19
Rapport de la commission d’enquête sur la délinquance du Sénat,
Délinquance des mineurs : la
République en quête de respect
, remis le 26 juin 2002.
20
Convention relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990. L’article 37 stipule
«
En particulier, tout enfant privé de liberté sera séparé des adultes, à moins que l’on estime préférable de ne pas
le faire dans l'intérêt supérieur de l'enfant
». Cette séparation est également conforme aux règles pénitentiaires
européennes du Conseil de l’Europe, qui stipulent : règle 11.1 «
Les mineurs de dix-huit ans ne devraient pas être
détenus dans des prisons pour adultes, mais dans des établissements spécialement conçus à cet effet
», tempérée
par la règle 11.2 «
Si des mineurs sont néanmoins exceptionnellement détenus dans ces prisons, leur situation et
leurs besoins doivent être régis par des règles spéciales
. »
LES CENTRES
EDUCATIFS FERMES
ET LES ETABLISSEMENTS PENITENTIAIRES POUR MINEURS
15
Néanmoins, aucun document ne matérialise les différences de prise en charge des
mineurs détenus selon qu’ils sont incarcérés en QM ou en EPM. La circulaire du 24 mai 2013
relative au régime de détention des mineurs s’applique indifféremment aux deux structures.
Elle rappelle le principe de l’intervention continue des services de la PJJ auprès des mineurs
incarcérés, consacré par la loi « Perben 1 », ainsi que l’intervention d’une équipe
pluridisciplinaire pour articuler les différentes administrations intervenant auprès des mineurs.
Elle affirme également le principe selon lequel l’enseignement et la formation représentent la
part la plus importante de l’emploi du temps des jeunes détenus.
En pratique, toutefois, les conditions de détention des mineurs en QM et en EPM sont
fort différentes, au regard notamment des moyens qui leur sont consacrés (cf.
infra
). Les EPM
sont des établissements de taille modeste, conçus pour accueillir au maximum une soixantaine
de détenus. Ils sont organisés en « unités de vie » regroupant une dizaine de ces mineurs, dans
lesquelles intervient le « binôme » éducateur-surveillant.
L’objectif, tel que fixé par le rapport annexé à la loi « Perben 1 », était «
à terme
(…)
de
favoriser au maximum la suppression des quartiers de mineurs au profit de ces nouveaux
établissements spécialisés
». Six des sept EPM qui avaient été initialement prévus ont été
construits et ont ouvert en 2007 et 2008, à Lavaur (Tarn), Marseille (Bouches-du-Rhône),
Orvault (Loire-Atlantique), Porcheville (Yvelines), Quiévrechain (Nord) et Meyzieu-Rhône
(Rhône). L’EPM de Meaux-Chauconin a été construit mais n’a pas ouvert aux mineurs. Il a été
transformé en « quartier nouveau concept » (cf. en Annexe n° 3, la carte des EPM). 351 places
ont ainsi été créées au total, sur un objectif fixé par la loi de 400.
Si certains QM ont été fermés parallèlement à l’ouverture des EPM, d’autres perdurent
(cf.
infra
) : 45 quartiers pour mineurs sont implantés en centre pénitentiaire, maison d’arrêt ou
centre de semi-liberté
21
. Leur taille est très variable : elle va de quelques places à 94 places pour
le centre de jeunes détenus de Fleury-Merogis. En outre, dans le cadre du programme de
création de 15 000 places de prison supplémentaires engagé par le ministère de la justice sur
une période de 10 ans, il est prévu la création de 145 places nouvelles de QM sur sept sites,
accueillant déjà des mineurs ou non, afin notamment de densifier le maillage territorial. S’il
n’est pas prévu la construction d’un nouvel EPM, l’administration pénitentiaire et la PJJ
prévoient de nouveau de consacrer les locaux construits à Meaux-Chauconin aux mineurs en
2025, en leur affectant des moyens identiques à ceux consacrés aux EPM, parallèlement à une
réduction des places mineurs à Fleury-Mérogis.
Les établissements pénitentiaires pour mineurs :
de petites structures dans lesquelles interviennent quatre administrations
Les établissements pénitentiaires pour mineurs sont destinés à accueillir au maximum une
soixantaine de détenus. Comme le rappelait un rapport parlementaire en 2011
22
, leur originalité
réside dans quatre caractéristiques :
21
Arrêté du 27 mai 2021 fixant la liste des établissements pénitentiaires spécialisés pour mineurs, des
quartiers pour mineurs au sein des établissements pénitentiaires et des unités affectées à la prise en charge des
mineures (annexe n° 1 du code de la justice pénale des mineurs), tel que modifié par l’arrêté du 4 novembre 2021.
22
Rapport d’information n° 759 de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage
universel, du Règlement et d’administration générale,
L’enfermement des mineurs délinquants : évaluation des
centres éducatifs fermés et des établissements pénitentiaires pour mineurs
», présenté par MM. Jean-Claude
Peyronnet et François Pillet, sénateurs, juillet 2011.
LES CENTRES
EDUCATIFS FERMES
ET LES ETABLISSEMENTS PENITENTIAIRES POUR MINEURS
16
-
la séparation complète d’avec les majeurs ;
-
la réduction de l’effectif détenu au sein d’une même structure ;
-
le développement des temps d’activité ;
-
l’intervention conjointe des services de l’administration pénitentiaire et de la protection
judiciaire de la jeunesse sous la forme de binômes éducateur-surveillant.
Les EPM ont été construits selon deux modèles architecturaux distincts : le modèle dit
« Dumez » ou chartreuse qui comporte des unités en épi et le modèle dit « Grosse » ou de l’agora,
organisé autour d’un espace interne sur lequel donnent toutes les structures de détention et les
bâtiments administratifs.
Modèle Dumez et modèle Grosse
Source : Agence publique pour l'immobilier de la justice (APIJ)
Les cellules sont regroupées par unités de vie d’une dizaine de places maximum (sept unités
de vie dont une pour les nouveaux arrivants). Ces unités comportent également des espaces
collectifs, notamment une salle de détente et une salle à manger. C’est au sein de ces unités de vie
qu’intervient prioritairement le « binôme » surveillant-éducateur.
Le secteur scolaire est composé de quelques salles de classe et de pause ainsi que d’ateliers
ou plateaux techniques (par exemple à l’EPM de Marseille, un espace permettant une découverte
professionnelle du secteur de la vente). Les activités socio-éducatives se déploient au sein d’un
pôle comportant des salles d’activité et une bibliothèque. L’EPM est également équipé d’un
gymnase et d’un stade.
Le service médical est constitué d’une unité sanitaire en milieu pénitentiaire qui dispose de
locaux dédiés pouvant comporter des équipements permettant de réaliser des consultations
spécialisées (par exemple dentaires).
Enfin les services administratifs, notamment de l’administration pénitentiaire et de la PJJ,
sont regroupés.
L’emploi du temps des détenus, organisé autour des temps de formation, comporte
également des activités socio-éducatives organisées par la PJJ, des échanges avec l’éducateur
référent ou encore des activités sportives.
Les EPM sont placés sous le principe de la pluridisciplinarité, qui s’incarne non seulement
dans l’intervention du binôme surveillant-éducateur, qui en constitue le c
œ
ur, et dans le lien entre
LES CENTRES
EDUCATIFS FERMES
ET LES ETABLISSEMENTS PENITENTIAIRES POUR MINEURS
17
le chef d’établissement, directeur des services pénitentiaires et le chef du service éducatif de la
PJJ, mais également dans les relations avec l’éducation nationale et le personnel de santé.
Contrairement aux EPM qui sont des établissements distincts, les quartiers pour mineurs
(QM) sont installés au sein des autres établissements pénitentiaires (maisons d’arrêts, centres de
détention, centres de semi-liberté). Si les cellules sont séparées de celles des adultes, certains
équipements sont communs (par exemple salle de sport, unité sanitaire). Parmi ces quartiers pour
mineurs, le centre de jeunes détenus de Fleury-Mérogis présente une spécificité au regard de sa
capacité (94 places), qui l’apparente à un EPM, sans toutefois qu’il bénéficie des moyens
équivalents. Enfin, contrairement aux autres QM, il est doté d’un service éducatif de la PJJ à part
entière.
Le choix du lieu et de la structure d’incarcération (EPM ou QM) relève du juge. Pour
les prévenus, qui représentent la large majorité des mineurs détenus, il doit également donner
son accord préalablement à un transfèrement dans un centre de détention autre que celui où le
mineur a été initialement incarcéré. En ce qui concerne les mineurs condamnés, l’administration
pénitentiaire peut, en revanche, décider d’un transfèrement sans l’intervention d’un magistrat.
Dans les deux cas, le projet doit recueillir l’accord de la PJJ.
Le 1
er
décembre 2022, les EPM accueillaient 221 mineurs détenus, sur un total de 659
23
,
soit 33 % des mineurs détenus, les autres étant quasi-exclusivement détenus en quartiers pour
mineurs
24
. Leur taux d’occupation était de 64 %. Contrairement aux établissements pour
majeurs, les établissements pour mineurs ne sont donc pas en situation de saturation.
Si tous peuvent en théorie accueillir des jeunes filles, seuls les EPM de Lavaur et de
Quiévrechain en accueillaient quelques-unes mi-juillet 2022 (5 sur les 24 filles mineures
incarcérées au total). La plupart des jeunes filles, en réalité, sont orientées vers les QM.
Cette répartition entre quartiers pour mineurs et établissements pour mineurs s’inscrit
dans le contexte d’une baisse du nombre de mineurs détenus sur la période récente, qui a atteint
un niveau particulièrement bas au regard de la dernière décennie. Après avoir atteint 895 au
1
er
mars 2020, l’épidémie de covid-19 a ainsi stoppé une tendance à la hausse du nombre des
mineurs détenus, qui a repris ensuite, avant de diminuer de nouveau, après l’entrée en vigueur
du CJPM à l’automne 2021.
23
Les EPM et QM comptent au total 1 147 places mineurs.
24
Dans de rares cas, les mineurs sont détenus en établissement de détention pour majeurs – maison d’arrêt
ou centre pénitentiaire.
LES CENTRES
EDUCATIFS FERMES
ET LES ETABLISSEMENTS PENITENTIAIRES POUR MINEURS
18
Tableau n° 2 :
Mineurs détenus au 1
er
janvier
Année
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
2023
Total
712
724
731
704
708
758
772
769
825
752
616
614
dont EPM
n.d.
n.d.
257
252
249
271
238
248
293
261
244
Nc
dont QM
n.d.
n.d.
474
452
459
487
531
521
511
470
369
Nc
Part des EPM
-
-
35 %
36 %
35 %
36 %
31 %
32 %
36 %
3 5%
40 %
Nc
Source : statistique mensuelle de la population écrouée et détenue en France, ministère de la justice. L’écart entre
le total des mineurs détenus en EPM et en QM et l’effectif total s’explique par les quelques mineurs détenus en
quartier majeur. À l’inverse, quelques détenus ayant atteint leur majorité en détention restent détenus en EPM ou
QM, dans la limite de six mois après leurs 18 ans, et ne sont pas comptabilisés.
1.1.3
L’impact du nouveau code de la justice pénale des mineurs (CJPM)
L’entrée en vigueur, en septembre 2021, des dispositions nouvelles du CJPM, issu de
l’ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019 portant partie législative du code de la justice
pénale des mineurs (CJPM), n’est pas sans effet sur les EPM et les CEF. Elle s’est traduite par
une diminution du nombre de mineurs en détention provisoire, majoritaires parmi les mineurs
incarcérés, et de la durée de celle-ci.
Cette ordonnance a, d’une part, codifié les dispositions relatives à la justice pénale des
mineurs qui figuraient jusque-là essentiellement dans l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945
relative à l’enfance délinquante (modifiée à plusieurs reprises), et, d’autre part, modifié ces
dispositions dans l’objectif de rendre cette justice plus lisible et efficace, sans remettre en cause
les principes généraux que sont la primauté de l’éducatif sur le répressif, la spécialisation de la
procédure et des acteurs et l’atténuation de la responsabilité en fonction de l’âge
25
.
Ainsi, le CJPM prévoit un nouveau rythme pour la procédure pénale en instaurant une
période de césure entre deux audiences distinctes (procédure applicable hors procédure
d’instruction). La première audience, qui doit intervenir dans un délai de trois mois après l’acte
de poursuite, porte sur l’établissement de la culpabilité. En cas de culpabilité, elle ouvre une
période de « mise à l’épreuve éducative » pouvant comporter un ou plusieurs modules
d’insertion, de réparation, de santé ou de placement, qui constituent un accompagnement
individualisé visant la protection du mineur, son assistance, son éducation, son insertion et son
accès aux soins. La seconde audience intervient dans un délai de six à neuf mois après la
première et a pour objet de fixer la peine appliquée au mineur.
Le CJPM limite par ailleurs la détention provisoire. Elle ne reste possible que pour les
faits les plus graves qui, par exception à la procédure de césure présentée ci-dessus, donnent
25
Cf. notamment communiqué de presse du conseil des ministres du 11 septembre 2019.
LES CENTRES
EDUCATIFS FERMES
ET LES ETABLISSEMENTS PENITENTIAIRES POUR MINEURS
19
lieu à une audience unique, celle-ci devant intervenir dans un délai d’un mois après l’acte de
poursuite. Les conditions de révocation du contrôle judiciaire sont également durcies.
Entrées en vigueur le 1
er
octobre 2021, ces dispositions nouvelles ont plusieurs effets
apparents sur les dispositifs étudiés par la Cour.
D’une part, elles conduisent à réduire le nombre total de mineurs détenus et, parmi eux,
le nombre de mineurs placés en détention provisoire. Les prévenus, qui représentaient 75 % des
mineurs détenus au 1
er
octobre 2021, n’en constituent plus que 65 % au 1
er
décembre 2022.
Parallèlement, la durée de la détention provisoire décroît. Cette durée raccourcie conduit à
s’interroger sur les modalités de la prise en charge en EPM, qui reposait jusqu’à présent sur un
projet éducatif s’inscrivant dans un temps relativement long.
D’autre part, les dispositions nouvelles du CJPM ont un effet sur la durée du placement
en CEF : ce placement intervient notamment dans le cadre d’un contrôle judiciaire prononcé
avant l’audience de culpabilité, soit pour une durée initiale de trois mois, pouvant être prolongée
pendant la phase de mise à l’épreuve éducative, soit pour une durée d’un mois avant l’audience
unique. Là aussi, cette durée plus courte constitue une évolution car les CEF ont été conçus à
l’origine pour accueillir les jeunes pendant six mois.
1.2
Les centres éducatifs fermés : un coût global important, des écarts
significatifs entre publics et associatifs
Les CEF relèvent soit du secteur public soit du secteur associatif habilité (SAH). Les
modalités d’allocation des moyens sont différentes selon que les CEF sont publics ou
associatifs. Cette distinction complique l’appréciation du coût budgétaire de cette politique
publique car les modalités de suivi diffèrent entre les deux secteurs.
Pour les CEF publics, le coût par jour est délicat à approcher sur la totalité de la période
sous revue. Ses modalités de calcul ont en effet changé à trois reprises entre 2012 et 2021 dans
les rapports annuels de performances (RAP) du programme 182 :
-
de 2012 à 2019, le calcul s’effectuait sur la base d’une moyenne des prix des CEF du
secteur public et de ceux SAH ;
-
en 2020, le coût à la journée pour les CEF publics était présenté en divisant le coût
budgétaire total (titre 2 et hors titre 2, à l’exclusion des dépenses d’investissement
immobilier) par le nombre total de journées sur une année. Il s’agit donc d’un coût par
place ;
-
à partir de 2021 le coût de journée intègre des éléments de la comptabilité analytique mise
en
œ
uvre par la DPJJ.
1.2.1
Une connaissance lacunaire du coût des CEF publics
Le coût budgétaire des CEF du secteur public pour 2022, tel qu’il figure dans le projet
annuel de performances (PAP) 2023 du programme 182 -
Protection judiciaire de la jeunesse
,
s’élève à 28,4 M
€
. Il est aussi nécessaire de prendre en compte les coûts des professeurs de
LES CENTRES
EDUCATIFS FERMES
ET LES ETABLISSEMENTS PENITENTIAIRES POUR MINEURS
20
l’éducation nationale affectés en CEF, représentant, pour l’année 2022-2023, 51 ETP, auquel
doit être ajouté un volume de 1 076 heures supplémentaires effectives (HSE). Le coût total de
l’enseignement (ETP et HSE) peut être estimé, sur la base de coûts moyens, à 2,5 M
€
.
La DPJJ a fourni des coûts journaliers des CEF du secteur public sur la période 2012 à
2019,
« recalculés sur la base des RAP »
, à la fois théoriques (rapportant le coût total au nombre
de places dans les CEF, soit le coût à la place) et réalisés (rapportant le coût total aux nombres
de journées où ces places ont effectivement été occupés). Ils progressent l’un et l’autre
d’environ 20 % sur la période, avec des variations importantes. L’écart entre coût théorique et
coût réalisé s’explique par les places non occupées.
Les données 2020 et 2021, figurant dans les RAP, sont établies selon une méthode
différente à partir de la comptabilité analytique en cours de constitution, mais elles ne
concernent que les coûts théorique (à la place) et non les coûts réels (à la place occupée). Elles
introduisent une rupture dans la série présentée dans le tableau ci-dessous.
Tableau n° 3 : Coût de journée des CEF du secteur public
En
€
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
Coût
de
journée
théorique
391
489
607
610
582
619
590
476
357
459
Coût
de
journée
réalisée
600
738
1 034
901
851
880
861
705
nc
nc
Source : DPJJ.
Note : Pour 2012 à 2019, les données ont été reconstituées par la DPJJ (les RAP ne donnaient pas d’information).
Pour 2020 et 2021, les données sont issues des RAP (mais avec un changement de méthode).
Les charges de personnel constituent la majeure partie des coûts des CEF publics : elles
s’élèvent, selon la PJJ, sur la base d’une exploitation de son fichier de paye, à 24,5 M
€
en 2021
(hors professeurs de l’éducation nationale), en hausse de 13,4 % sur la période 2017-2021 alors
que le volume en équivalents plein temps travaillé (ETPT) progressait sur la même période de
0,9 %. Le rapport annuel de performances (RAP) fait état d’un coût différent, avec un montant
de crédits de titre 2 exécutés de 29,9 M
€
en 2021 et de 31,9 M
€
en 2022. Il est nécessaire que
la différence importante entre les données fournies par la direction de la protection judiciaire
de la jeunesse et celles issues des RAP fasse l’objet d’une analyse approfondie pour produire
des données robustes sur les dépenses de titre 2.
1.2.2
Une connaissance plus précise des coûts des CEF associatifs
Le secteur associatif habilité est financé par les crédits du titre 6 du programme 182 -
Protection judiciaire de la jeunesse
. Le montant exécuté a évolué, entre 2012 et 2022, de
LES CENTRES
EDUCATIFS FERMES
ET LES ETABLISSEMENTS PENITENTIAIRES POUR MINEURS
21
63,8 M
€
à 72,5 M
€
26
, avec un pic de financement en 2018 à 69,5 M
€
et un étiage en 2013 à
61,3 M
€
, comme le montre le graphique n° 1.
Graphique n° 1 : Crédits des CEF du SAH exécutés en M
€
Source : RAP du programme 182
Contrairement au secteur public, ces dépenses comprennent les dépenses immobilières
et des dotations aux amortissements.
Les dépenses de personnels des CEF du SAH sont prises en charge par les 23
employeurs qui gèrent les 36 CEF associatifs existant en 2022. Une convention collective du
15 mars 1966 fixe les règles du droit du travail applicables dans le très large ensemble du travail
social dont les professionnels des CEF associatifs font partie.
L’allocation des financements aux CEF du secteur associatif habilité intervient à l’issue
d’un exercice annuel de tarification encadré par un décret du 26 décembre 2011
27
, qui a été pris
huit ans après la mise en place de la tarification dans le champ social
28
et n’est entré en vigueur
que pour l’exercice 2013. Les précisions sur les contrats d’objectifs et de moyens sont apportées
en Annexe n° 5. Selon ce décret, la mise en
œ
uvre de la tarification doit permettre «
d’introduire
une articulation spécifique entre le financement des charges de fonctionnement de
l’établissement et le niveau de l’activité prise en charge
».
Les crédits sont mis à disposition des établissements du SAH par les préfets, sur la base
du travail préparatoire des directions interrégionales de la PJJ. Ils financent trois natures de
26
Mais le coût budgétaire prévisionnel figurant dans le PAP 2022, calculé sur la base de l’ouverture ou
de la réouverture de 48 places supplémentaires, était évalué à 80,7 M
€
pour le SAH.
27
Décret n° 2011-1967 du 26 décembre 2011 relatif à la tarification des établissements et services
accueillant des mineurs ou des majeurs de moins de vingt et un ans, confiés par l’autorité judiciaire.
28
Décret n° 2003-1010 du 22 octobre 2003 relatif à la gestion budgétaire comptable et financière, et aux
modalités de financement et de tarification des établissements et services sociaux, médico-sociaux.
63,8
61,3
62,3
65,1
67
68,3
69,5
67,4
65,2
66,1
0
10
20
30
40
50
60
70
80
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
LES CENTRES
EDUCATIFS FERMES
ET LES ETABLISSEMENTS PENITENTIAIRES POUR MINEURS
22
dépenses, inscrites dans la nomenclature budgétaire des CEF associatifs : l’exploitation
courante (groupe 1), les dépenses de personnel (groupe 2) et les dépenses afférentes aux frais
de structure (groupe 3). Chacune représentait en 2019 respectivement 12 %, 68 % et 20 % des
dépenses des CEF du SAH
29
.
Le coût journalier, tant théorique que réalisé, est stable sur la période 2012 à 2019,
d’après les données fournies par la DPJJ. Les données fournies par les RAP sur 2012-2020
présentent en revanche une augmentation de 12,4 %. La comparaison des années 2020 et 2021
avec les années antérieures n’est pas possible, en raison d’un changement de méthode. En tout
état de cause, l’écart entre les données figurant dans les RAP et celles fournies par la DPJJ, qui
est anormal, appelle, comme cela a été fait en ce qui concerne les seules dépenses de titre 2 des
CEF publics, une fiabilisation, afin qu’une information incontestable soit fournie aux
assemblées.
Tableau n° 4 : Coût de journée des CEF du secteur associatif habilité
En
€
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
Coût
de
journée
théorique
466
434
421
436
461
454
476
457
nc
nc
Coût
de
journée
réalisée
583
542
526
545
577
568
596
571
646
643
Source : DPJJ.
Note : Pour 2012 à 2019, les données ont été reconstituées par la DPJJ pour la Cour. Elles diffèrent de celles
figurant dans les RAP. Pour 2020 et 2021, les données sont issues des RAP (mais avec un changement de méthode.
Enfin, le coût à la journée d’un CEF du SAH est très proche de celui d’un centre éducatif
renforcé, et deux fois supérieur à celui des hébergements non spécialisés.
29
PAP 2022 du programme 182, p 41.
LES CENTRES
EDUCATIFS FERMES
ET LES ETABLISSEMENTS PENITENTIAIRES POUR MINEURS
23
Tableau n° 5 : Coûts à la journée et coût budgétaire des principaux types d’hébergement du SAH et
impact budgétaire, dépenses d’investissement incluses, en 2021
Coût total (en M
€
)
Coût de journée (en
€
)
Centres éducatifs fermés
66,2
643
Centres éducatifs renforcés
44,2
648
Hébergement non spécialisé
22
323
Source : RAP 2021, programme 182.
1.2.3
Des difficultés de comparaison entre le secteur public et le secteur associatif
habilité
La comparaison des coûts de journée entre le secteur public et le SAH est malaisée. En
effet, les coûts de journée calculés pour le secteur public ne prennent pas en compte les dépenses
d’investissement, alors que les prix de journée disponibles pour le SAH les intègrent. Par
ailleurs les charges sociales ne sont pas les mêmes, compte tenu du niveau de cotisation au CAS
Pensions
applicable aux fonctionnaires employés dans les CEF publics. Enfin, la comparaison
du coût journalier théorique est compliquée par les évolutions, peu explicitées, de celui du
secteur public de la PJJ liées au changement de sa méthodologie de calcul.
Sous ces réserves, importantes, le coût des CEF du secteur associatif habilité se situe
nettement en-deçà de celui des CEF publics. Pour la dernière année où la comparaison est
possible, en 2019, ils atteignaient respectivement 571
€
et 705
€
30
. Au-delà des différences
méthodologiques, l’écart pourrait s’expliquer par des différentiels de taux d’occupation entre
les structures (cf.
infra
).
En outre le rattachement prévisionnel des charges, dans le cadre de l’exercice de
comptabilité analytique, ne permet pas
a priori
de faire converger les données budgétaires avec
ces éléments qui reflètent l’activité. Ainsi, pour 2022, on constate des différences significatives
entre les chiffres du PAP 2022 (28,4 M
€
de charges rattachées à l’exercice) et la répartition
prévisionnelle tirée de la comptabilité analytique pour les CEF publics (35,1 M
€
). Un travail
de fiabilisation et de recollement est donc indispensable. Et la démarche de comptabilité
analytique entamée en 2021 pour le secteur public devrait impérativement intégrer une logique
de comparaison entre les deux secteurs.
30
Les données relatives aux années postérieures à 2019 n’ont pas été fournies à la Cour des comptes.
LES CENTRES
EDUCATIFS FERMES
ET LES ETABLISSEMENTS PENITENTIAIRES POUR MINEURS
24
Recommandation n° 1.
(DPJJ) : Fiabiliser les données relatives au coût de journée des
CEF des secteurs public et associatif habilité.
1.3
Établissements pour mineurs : des coûts voisins de ceux centres
éducatifs fermés
Les dépenses des EPM, dont la gestion relève de l’administration pénitentiaire, sont
principalement supportées par le ministère de la justice (administration pénitentiaire et PJJ), qui
leur consacre davantage de moyens qu’aux quartiers pour mineurs. À ces moyens s’ajoutent les
dépenses engagées par les ministères de l’éducation nationale et de la santé.
1.3.1
Des moyens du ministère de la justice plus importants pour les EPM que pour
les QM
Le coût d’une journée de détention en EPM, tel que calculé par le ministère de la justice,
additionnant les dépenses de l’administration pénitentiaire et celles de la protection judiciaire
de la jeunesse, est significativement plus élevé que celui d’une journée de détention en QM :
pour 2021, il s’élève à 601
€
contre 144
€
en QM, soit plus de quatre fois plus. Le coût total des
EPM (59 M
€
) est deux fois plus important que celui des QM (31 M
€
) pour un nombre de
journées de détention plus de deux fois moindre. Ces coûts n’incluent pas les investissements
immobiliers.
Tableau n° 6 : Coût d’une journée de détention en EPM et en QM (
€
)
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
EPM
459
488
487
526
532
521
536
532
594
601
dont AP
329
347
347
378
375
362
381
381
430
437
dont PJJ
130
141
140
148
157
159
155
151
165
164
QM
nc
nc
nc
nc
nc
Nc
136
148
155
144
dont AP
83
89
90
94
89
91
89
99
123
115
dont PJJ
nc
nc
nc
nc
nc
Nc
47
49
32
28
Source : DAP. Hors EPM de Porcheville pour 2013 et 2014.
Ramenés à la journée de détention, les moyens consacrés aux EPM sont plus importants
que ceux consacrés aux QM tant en ce qui concerne l’administration pénitentiaire (près de trois
fois plus) que la protection judiciaire de la jeunesse (près de cinq fois plus). Cet écart s’explique
notamment par les dépenses de personnel et reflète des taux d’encadrement des mineurs plus
élevés (cf.
infra
). Néanmoins, s’agissant des coûts de l’administration pénitentiaire, le coût
moyen d’une journée de détention retenu pour les QM pourrait être sous-évalué : ne pouvant
isoler ces coûts au sein des établissements en l’absence de comptabilité analytique, le coût
LES CENTRES
EDUCATIFS FERMES
ET LES ETABLISSEMENTS PENITENTIAIRES POUR MINEURS
25
retenu est le coût moyen des établissements pénitentiaires pour l’ensemble des détenus (mineurs
ou non), rapporté au nombre de mineurs incarcérés en QM.
Le coût total des EPM progresse de 35 % sur la période 2012-2021, soit une
augmentation du coût par journée de détention de 31 %. Il est en hausse constante depuis 2015,
y compris depuis 2019, alors qu’est enregistrée une baisse des journées de détention. Le coût
total semble ainsi évoluer indépendamment de l’évolution du nombre de journées de détention.
L’augmentation s’explique notamment par celle des dépenses de personnel, qui représentent
environ 80 % des dépenses, en dépit d’effectifs restés constants. En ce qui concerne
l’administration pénitentiaire, la mise en
œ
uvre du protocole d’accord sur les carrières et les
rémunérations et diverses mesures de revalorisation ont poussé la masse salariale à la hausse.
Tableau n° 7 : Coût des EPM pour l’administration pénitentiaire et la PJJ
En M
€
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
Coût total
43,9
nc
nc
48,2
50,2
52,8
54,2
56,2
57,4
59,1
dont dépenses
de personnel
36,7
nc
nc
38,7
40,1
42,9
44,2
45,4
44,8
47,4
Source : Cour des comptes d’après DAP
Par établissement, les dépenses se situaient en 2021 entre 548
€
et 645
€
par journée de
détention. Le coût total était compris entre 9 M
€
et 10,4 M
€
. Les écarts s’expliquent notamment
par une différence des dépenses prises en charge par la PJJ. En particulier, l’EPM de Porcheville
présente en 2021 des dépenses PJJ significativement plus importantes que les autres
établissements.
Tableau n° 8 : Dépenses par EPM en 2021
EPM
Coût total (M
€
)
Coût par journée
de détention (
€
)
Quiévrechain
9,37
592
Meyzieu
10,26
635
Marseille
9,03
548
Porcheville
10,96
645
Orvault
9,01
596
Lavaur
10,45
589
Source : DAP
LES CENTRES
EDUCATIFS FERMES
ET LES ETABLISSEMENTS PENITENTIAIRES POUR MINEURS
26
1.3.2
Des coûts de détention auxquels s’ajoutent les dépenses supportées par
l’éducation nationale et la santé
L’administration pénitentiaire ne consolide pas l’ensemble des coûts de détention dans
le coût de journée, mais uniquement ses coûts propres et ceux de la PJJ. Outre l’administration
pénitentiaire et la protection judiciaire de la jeunesse, deux administrations contribuent pourtant
au financement des EPM et des QM : les ministères chargés de l’éducation nationale et de la
santé.
Le ministère de l’éducation nationale met à disposition les enseignants intervenant aussi
bien en établissements pénitentiaires pour mineurs qu’en quartiers pour mineurs. Les moyens
consacrés à l’enseignement en milieu pénitentiaire relèvent de la compétence des recteurs
d’académie. Les nombres de mineurs par enseignant en EPM et en QM sont très proches : 5,26
contre 5,79
31
, si l’on rapporte les mineurs détenus au 1
er
septembre 2021 aux effectifs de la
rentrée 2021-2022.
Tableau n° 9 : Personnel de l’éducation nationale affecté en EPM et en QM
Enseignants (ETP)
Emplois
de
direction
(ETP)
Heures
supplé-
mentaires
effectives
Mineurs au 1
er
septembre 2021
Mineurs par
enseignant
1
er
degré
2
nd
degré
Total
QM
66,4
17,6
84,0
6,0*
15 471
486
5,79
EPM
19,0
29,5
48,5
6,9
5 966
255
5,26
Source : DGESCO.
Note : * calculé au prorata du nombre d’enseignants suivis.
Les coûts de personnel n’étant pas connus par structure, ils ont été évalués à partir des
coûts moyens des ETP et des heures supplémentaires effectives (HSE). Ainsi, le coût total des
enseignants affectés en QM est estimé, si l’on considère que l’intégralité de leur activité
s’exerce au profit des mineurs, à 6,9 M
€
, contre 4,6 M
€
pour ceux affectés en EPM.
Les unités sanitaires en milieu pénitentiaire (USMP, ex-UCSA) assurent la prise en
charge médicale des détenus. Le ministère de la santé finance ces unités sanitaires, et
notamment le personnel soignant qui y intervient, dans le cadre de dotations « MIG » (mission
d’intérêt général). Ces financements s’élevaient en moyenne à 324 000
€
par EPM pour 2020,
soit un total d’1,9 M
€
. Des écarts importants sont constatés, la dotation étant par exemple de
207 000
€
pour l’EPM d’Orvault et de 452 000
€
pour celui de Quiévrechain. Ces données ne
31
Toutefois, pour les QM, l’effectif par enseignant est plus important dans la mesure où les enseignants
intervenant en QM sont affectés à l’établissement pénitentiaire et exercent, pour la majorité d’entre eux, à la fois
auprès du public mineur et du public majeur, contrairement aux enseignants en EPM qui par construction
n’exercent qu’auprès des mineurs.
LES CENTRES
EDUCATIFS FERMES
ET LES ETABLISSEMENTS PENITENTIAIRES POUR MINEURS
27
peuvent pas être comparées avec celles des QM. En effet, dans le cas des QM, les unités
sanitaires sont rattachées à l’établissement pénitentiaire dans son ensemble.
Au total, les EPM représentent un coût pouvant être estimé à 66 M
€
par an (64 M
€
hors
dépenses de santé), soit environ 740
€
par jour et par détenu contre 35 M
€
pour les QM, soit
260
€
par jour et par détenu.
______________________ CONCLUSION INTERMÉDIAIRE ______________________
Les CEF et les EPM sont des dispositifs hybrides qui sont nés d’une même volonté de
concilier le travail éducatif et la contrainte en vue de prendre en charge des mineurs
délinquants récidivistes ou réitérants. Les CEF ont ainsi été conçus comme des structures plus
« contenantes » que les autres établissements de placement de la PJJ pour les mineurs
délinquants. Ils s’en distinguent également par le caractère restreint des sorties, quoique le
caractère « fermé » soit avant tout entendu comme une fermeture juridique, caractérisée par
la possibilité d’une incarcération en cas de non-respect des conditions du placement. Les EPM
sont des établissements pénitentiaires accueillant un nombre restreint de mineurs détenus,
organisés autour de l’action éducative. Permettant l’intervention conjointe et renforcée de
quatre administrations, ils assurent également, contrairement aux QM, une parfaite séparation
d’avec les détenus majeurs.
Vingt ans après la loi « Perben 1 » qui les a instaurés, les critiques fortes et résistances
que ces deux dispositifs avaient suscitées, notamment au sein de la PJJ, se sont atténuées.
Ces deux dispositifs se distinguent par les moyens importants qui leur sont consacrés,
conduisant à un coût plus élevé que celui des autres dispositifs de placement, d’une part, et de
la détention en quartier pour mineurs, d’autre part.
La comparaison du coût journalier entre les deux secteurs est compliquée par les
défaillances de la comptabilité de la PJJ et des écarts qui restent inexpliqués entre ses outils
de suivi et les données qui figurent à l’appui des documents budgétaires. Sous cette réserve
importante, et pour la dernière année où elle est possible, en 2019, la comparaison du coût
d’une journée réalisée en CEF s’établissait à 705
€
dans le secteur public contre 571
€
dans le
SAH
32
. L’écart important traduit notamment un traitement non homogène des dépenses
immobilières et des différences sensibles dans les taux d’occupation.
La DPJJ n’a mis en place qu’à partir de 2021 un outil de comptabilité analytique
permettant de rattacher les dépenses de son secteur public par types de structures. Cette
démarche, qui va dans le bon sens, doit être poursuivie en vue de fiabiliser des données qui
restent, à ce jour incertaines.
Les dépenses du ministère de la justice pour les EPM s’élèvent à 601
€
par journée de
détention. Complété des dépenses réalisées par les ministères de l’éducation nationale et de la
santé, le coût par journée de détention peut être estimé à environ 740
€
. Ce coût est d’un ordre
de grandeur comparable à celui des CEF, et quatre fois supérieur au coût estimé d’une journée
de détention en QM.
32
Les données relatives aux années postérieures à 2019 n’ont pas été fournies à la Cour des comptes.
LES CENTRES
EDUCATIFS FERMES
ET LES ETABLISSEMENTS PENITENTIAIRES POUR MINEURS
28
2
DES DISPOSITIFS INSUFFISAMMENT EVALUES, MALGRE
DES CONSTATS PREOCCUPANTS
Les CEF et les EPM constituent des dispositifs innovants et ambitieux visant un public
pour lequel les outils existants étaient jugés insuffisants. Afin de justifier le volume de moyens
qui leur est consacré, notamment en termes de masse salariale, ils auraient mérité un effort
d’évaluation de la part du ministère de la justice pour apprécier leur efficacité et leur efficience,
que l’on devrait pouvoir approcher à partir des taux de récidive et de réitération, ainsi que du
suivi des actions de formation et d’insertion.
Récidive et réitération
La récidive correspond à deux notions.
Au sens strict, la récidive légale est définie comme l’occurrence de deux crimes ou délits commis dans
un délai fixé par la loi. En matière délictuelle, le second délit doit être identique au premier, ou assimilé par la
loi, et commis dans le délai de cinq ans à compter de l’expiration ou de la prescription de la précédente peine
(art. 132-10 du code pénal). La récidive est inscrite au casier judiciaire et fait encourir le double des peines
prévues.
La notion de réitération est plus large. Elle correspond à la situation suivante : une personne déjà
condamnée définitivement pour un crime ou un délit commet une nouvelle infraction qui ne répond pas aux
conditions de la récidive légale, car il ne s’agit pas de la même infraction mais d’une autre infraction.
Le diagnostic, dans ce domaine, est celui d’une faiblesse du ministère de la justice : le
suivi statistique des mineurs délinquants est défaillant, ce qui entrave l’évaluation des CEF et
des EPM, alors même que certains constats portant sur le fonctionnement de ces dispositifs sont
préoccupants.
2.1
Une évaluation entravée par les défaillances du suivi statistique des
mineurs délinquants
Le dispositif actuel de suivi statistique des mineurs souffre d’insuffisances que le
ministère de la justice a identifiées et qu’il entend corriger en mettant en place son nouveau
logiciel, Parcours. Ce projet souffre pourtant de retards et son interfaçage avec les autres
applicatifs reste une perspective lointaine. Des études plus systématiques doivent être
conduites.
2.1.1
Une tentative tardive d’unification du suivi informatique des mineurs pris en
charge par la PJJ
Jusqu’en août 2021, le suivi des mineurs placés s’effectuait à l’aide de deux logiciels,
selon que le placement se faisait au sein d’une structure publique ou associative. Le logiciel
« Gestion de l’activité et des mesures éducatives » (Game) équipait le secteur public et le
logiciel « Images », le secteur associatif habilité. Ces deux outils anciens ne s’interfaçaient pas
LES CENTRES
EDUCATIFS FERMES
ET LES ETABLISSEMENTS PENITENTIAIRES POUR MINEURS
29
et offraient des fonctionnalités réduites, ce qui constituait un facteur de complexité pour piloter
les établissements et suivre les mineurs.
La DPJJ a entrepris récemment de développer une application informatique, le logiciel
« Parcours », qui doit permettre d’une part d’unifier le suivi des mineurs pris en charge par la
PJJ, notamment les mineurs placés et détenus, et d’autre part de disposer de données suffisantes
pour assurer l’évaluation de la politique publique de la protection judiciaire de la jeunesse. Ce
nouveau logiciel, en cours de déploiement, entre dans le cadre du plan de transformation
numérique (PTN) du ministère de la justice
33
. Sa création a été confirmée par le comité
stratégique de transformation numérique le 14 décembre 2020. L’entrée en vigueur du CJPM,
initialement envisagée le 31 mars 2021, mais reportée au 30 septembre 2021, est intervenue au
même moment que cette évolution technologique importante.
La DAP, pour ce qui concerne les mineurs incarcérés, enregistre les données relatives à
leur passage en détention
34
sur l’application de « Gestion nationale des personnes écrouées pour
le suivi individualisé et la sécurité » (Genésis). Les remontées statistiques du nombre de
mineurs écroués se font de manière hebdomadaire, par direction interrégionale des services
pénitentiaires. Genésis comporte pour les mineurs des zones de saisie qui peuvent être remplies
par les agents de la PJJ présents en QM ou en EPM, le même mineur étant également pris en
charge sur Parcours.
Parcours traite du temps du placement des mineurs, ainsi que de leur suivi en milieu
ouvert. Le passage à la majorité constitue un élément de complexité complémentaire dans la
mesure où la DPJJ ne prend en charge que des mineurs
35
, ce qui crée rupture dans le suivi des
trajectoires. Genésis permet pour sa part la gestion de la période de détention.
2.1.2
La perspective lointaine d’un interfaçage des différents systèmes
d’information du ministère de la justice
Le déploiement de Parcours est une condition préalable à l’interfaçage des applications
du ministère de la justice, qui lui-même conditionne le lancement d’une véritable politique
d’évaluation.
Le déploiement de Parcours est prévu en trois étapes. La première (premier lot) est
aujourd’hui mise en
œ
uvre, mais partiellement seulement. Selon la DPJJ, un défaut
d’appropriation par les usagers
36
expliquerait le retard qu’il enregistre. Par ailleurs, le compte-
rendu du comité stratégique de la transformation numérique du ministère de la justice du 12
33
Le projet a d’ailleurs été examiné par la Cour dans le cadre de ses travaux sur le plan de transformation
numérique du ministère de la justice (« Améliorer le fonctionnement de la justice – point d’étape du plan de
transformation numérique du ministère de la justice », communication à la commission des finances du Sénat,
janvier 2022).
34
Notamment numéro d’écrou, évènements intervenus en détention. L’application permet de gérer les
conditions de détention et l’ensemble des étapes de la vie de la personne détenue en établissement pénitentiaire,
de son écrou initial jusqu’à sa levée d’écrou ou sa libération
.
35
Et par exception des mineurs suivis au-delà de leur majorité et jusqu’à 21 ans.
36
Le déploiement pendant la crise sanitaire et l’apprentissage par des séminaires à distance seraient à
l’origine de cette montée en charge progressive. L’intégration dans Parcours des données recueillies sous Excel
constitue également un facteur de complexité, dont la DPJJ prend la mesure.
LES CENTRES
EDUCATIFS FERMES
ET LES ETABLISSEMENTS PENITENTIAIRES POUR MINEURS
30
octobre 2022 prévoit la suspension pour les six mois suivants des évolutions « métiers », la
priorité de Parcours étant «
la mise en conformité à la nouvelle charte graphique des sites de
l’État
». L’infocentre de l’application, pour pouvoir requêter sur l’ensemble des données, reste
également à construire. Le secrétariat général du ministère de la justice a ainsi prévu que
l’infocentre bénéficierait d’une mutualisation des données des systèmes d’information du
ministère, dans le cadre de la mise en place un entrepôt central des données destiné à mieux
mesurer et évaluer les politiques publiques. Si ces perspectives sont utiles, elles ne s’inscrivent
en revanche pas dans un calendrier précis.
Le déploiement du deuxième lot du logiciel devrait s’effectuer jusqu’à la fin de l’année
2023. Il permettra une dématérialisation complète des écrits et rapports des éducateurs qui
jalonnent le parcours du mineur
37
. Les écrits seront ainsi plus rapidement mis à disposition des
magistrats. Il est prévu que le parcours des mineurs durant le placement (renseignements relatifs
au parcours scolaire et à la formation professionnelle ainsi que les données issues des éducateurs
sur le comportement des mineurs) soient enregistrés sur Parcours à partir de 2024, ce qui
permettra de mesurer la progression intervenue dans la période.
Le déploiement de Parcours dans les CEF du SAH demeure à organiser, tant sur le plan
technique que sur le plan de la formation des agents. 3 000 salariés du SAH seront concernés
par cette évolution. En l’état, les données relatives à l’activité du SAH doivent être ressaisies
par les agents de la PJJ sur Parcours. Il est donc nécessaire de progresser à court terme sur cette
question car, d’une part, elle mobilise des agents sur des tâches de ressaisie à faible valeur
ajoutée, et, d’autre part, ne permet pas un traitement identique des mineurs, quelle que soit la
structure de placement. L’horizon d’aboutissement de ce projet est, d’après la DPJJ, fin 2024.
L’enjeu de ce volet du projet est d’autant plus important que le SAH est l’acteur majoritaire de
la politique publique des CEF.
Enfin, un troisième et dernier lot est prévu, notamment pour permettre l’interfaçage de
Parcours avec les différents logiciels du ministère, dont le système d’information de la chaîne
pénale, Cassiopée, mis en place en 2009 pour créer et suivre le dossier pénal lié à chaque affaire.
Cet interfaçage devrait également pouvoir se concrétiser avec Genésis, qui prévoit déjà une
fonctionnalité de saisie d’information par les agents de la DPJJ, très peu utilisée dans la
pratique
38
. L’interfaçage concernera également le logiciel d’application des peines, probation
et insertion (Appi) et celui relatif aux travaux d’intérêt général (TIG 360°).
Le déploiement total de Parcours, présenté en mai 2022 lors d’un colloque du conseil
national de la statistique, a été estimé à une durée totale de dix ans
39
. Compte tenu de l’enjeu
37
Le milieu ouvert de la PJJ produit des rapports à la demande des magistrats (mesures judiciaires
d’investigation éducative) de suivi des jeunes à l’issue de leur placement. Des éducateurs auprès du tribunal sont
chargés de préparer une analyse lors du passage d’un jeune devant un juge. Les éducateurs des CEF et des EPM
rédigent régulièrement des rapports à destination des juges, lors de chacune des trois phases du placement, sur les
incidents constatés.
38
La mission de l’IGJ de 2019 rappelait que tous les éducateurs n’avaient pas accès à Genésis : et
comportait une recommandation n° 8, à l’attention de la DAP et de la DPJJ : « parachever l’accès à l’application
Genésis pour l’ensemble des personnels éducatifs intervenant dans les lieux de détention pour mineurs
(priorité 1) ».
39
Colloque du 18 mai 2022,
Panels et cohortes statistiques, quels nouveaux outils pour éclairer le débat
public ?
, intervention sur la refonte du système d’information de la DPJJ.
LES CENTRES
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ET LES ETABLISSEMENTS PENITENTIAIRES POUR MINEURS
31
de l’évaluation, qui dépasse la question des mineurs, il est indispensable de demeurer attentif à
l’objectif tout au long du projet, en s’adaptant aux évolutions rencontrées.
2.1.3
La nécessité d’une relance des études sur les mineurs délinquants
Compte tenu des difficultés de mise en cohérence des systèmes d’information du
ministère de la justice, des réponses pragmatiques doivent être apportées, même si elles restent
partielles, aux besoins d’études évaluatives permettant d’éclairer les politiques menées à l’égard
des mineurs délinquants. Car la notion de «
désistance
»
40
, fréquemment mise en avant pour
valoriser les trajectoires individuelles de sortie de la délinquance, demeure insuffisante. Une
connaissance du parcours des mineurs passés en CEF ou par le milieu carcéral est nécessaire.
Une telle approche évaluative doit permettre d’analyser l’efficacité des CEF, d’étudier le
devenir des mineurs délinquants, d’étayer le discours volontariste sur le développement du
nombre de CEF et de mesurer l’impact des moyens supplémentaires consacrés aux EPM.
Avec les outils Parcours, Genésis, Cassiopée et le fichier du casier judiciaire, le
ministère de la justice dispose des données nécessaires à des mesures d’impact des dispositifs
sur la récidive et la réitération, fondées notamment sur des études de cohortes. Mais faute
d’interfaçage et d’identifiant commun, les seules études possibles reposent encore sur des
appariements manuels
41
.
Un
« panel » de mineurs suivis en justice a été mis en place en 2008 grâce au
rapprochement de données relatives à l’activité pénale des parquets et à l’activité des tribunaux
pour enfants. Cet indicateur, reporté dans les PAP entre 2008 et 2013
42
, présentait des
imperfections liées au passage à la majorité des mineurs et à la taille limitée de l’échantillon. Il
n’a pas pu continuer à être exploité lors de la mise en place du logiciel Cassiopée. Le ministère
de la justice a affiché, dès le lancement de Cassiopée, en 2013, son intention de recréer ce panel
des mineurs. Les dispositions de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation
2018-2022 de réforme pour la justice autorisent ainsi le rapprochement entre le logiciel
Winneurs (suivi des mineurs en assistance éducative) et Cassiopée pour suivre le parcours
judiciaire des jeunes délinquants. Toutefois le panel est encore, à ce jour, en cours de mise en
place. Il est indispensable de le faire aboutir, car les publications ponctuelles du ministère de la
justice sur la récidive portent sur la population carcérale en général. Les mineurs, soit ne sont
pas isolés de manière systématique dans les résultats produits
43
, soit ne sont pas pris en
compte
44
.
40
Processus par lequel l'auteur d'une infraction sort de la délinquance ou de la criminalité.
41
La technique des appariements entre deux bases de données se trouve facilitée si des données communes
existent entre deux bases : numéro NIR par exemple. En revanche, le rapprochement sur la base de « traits
d’identité » doit être utilisé lorsqu’un rapprochement doit se construire sur des critères qui peuvent être moins
opérants, le rapprochement des noms et prénoms pouvant par exemple être problématique du fait des majuscules.
La sécurisation des données et leur anonymisation par le recours aux codes statistiques non signifiants (CSNS)
devraient faciliter la systématisation des travaux d’appariement.
42
Part des jeunes âgés de moins de 17 ans à la clôture d’une mesure pénale qui n’ont ni récidivé, ni réitéré
dans l’année qui a suivi : 86 % en 2012 et 80 % en 2013.
43
À l’exception d’études ponctuelles telles que
Mesurer et comprendre la récidive des sortants de prison
,
Infostat justice n° 183, juillet 2021.
44
Près de la moitié des sortants de prison en 2016 ont commis une nouvelle infraction dans les deux ans
,
Infos rapides justice, juillet 2022.
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ET LES ETABLISSEMENTS PENITENTIAIRES POUR MINEURS
32
D’une manière plus générale, le suivi statistique des mineurs souffre des carences bien
identifiées au sein du ministère de la justice. Dans le cadre du plan d’action annoncé le 25
novembre 2022 il conviendra d’appréhender spécifiquement la question des mineurs
délinquants.
Pour y parvenir, la DPJJ comme la DAP ne sont pas démunies et des actions sont menées
pour renforcer leurs moyens d’analyse Mais le sujet des mineurs délinquants est traité de façon
trop fragmentaire. La responsabilité transversale du secrétariat général doit s’exercer avec plus
de force et d’efficacité. La sous-direction de la statistique et des études (SDSE) doit jouer un
rôle de facilitateur et prendre en compte les évolutions, notamment celles liées au déploiement
de Parcours, pour retenir l’axe des mineurs délinquants comme un point d’attention plus
systématique de ses productions.
En complément des études produites par le ministère, des travaux scientifiques
apportent une contribution précieuse à l’éclairage des parcours de mineurs délinquants. Ils
méritent d’être encouragés. Certains de ces travaux soulignent la difficulté d’accès aux données
sur le placement d’un groupe de jeunes et leur devenir dans le temps
45
. Les chercheurs
reconstituent dans ce cas le parcours des générations de mineurs délinquants sur la période
1975-2007, pour des faits commis entre 1994 et 2017. D’autres travaux montrent que
« l’absence d’outils spécifiquement définis pour associer le travail éducatif, la fonction
contenante et les modalités de contrôle par la tutelle (évaluation, certification, etc.) limite de
fait le développement de compétences innovantes et stabilisées en CEF »
46
.
La mise en synergie des informations sur les mineurs délinquants doit constituer un
point d’attention spécifique du ministère dans le cadre de l’amélioration en cours de
l’organisation de la statistique ministérielle. Les données existent, elles doivent permettre de
mieux guider l’action du ministère, en améliorant la connaissance des parcours des mineurs
délinquants.
Recommandation n° 2.
(secrétariat général du ministère de la justice, DAP, DPJJ)
Rassembler le potentiel d’expertise et les données des différentes directions
d’administration centrale pour produire des données de suivi et d’évaluation permettant
de calculer les taux de récidive et de réitération des jeunes sortant de CEF et d’EPM et
de les comparer aux autres dispositifs.
2.2
Centres éducatifs fermés : des fragilités persistantes
Depuis leur ouverture, les CEF ont rencontré des difficultés de fonctionnement
soulignées par des rapports convergents du Contrôleur général des lieux de privation de liberté
45
Carrières délinquantes et parcours de jeunes en institutions
, sous la direction de Hélène
CHERONNET, UMR CNRS 8029, Université de Lille / ENPJJ. Mars 2022
46
Les centres éducatifs fermés, la part cachée du travail éducatif en milieu contraint
, Catherine LENZI
et Philip MILBURN, Institut régional et européen des métiers de l'intervention sociale - Rhône-Alpes, Laboratoire
Printemps, CNRS - Université de Versailles Saint-Quentin, janvier 2015.
LES CENTRES
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ET LES ETABLISSEMENTS PENITENTIAIRES POUR MINEURS
33
(CGLPL), en 2017 notamment
47
, et de la Commission nationale consultative des droits de
l’homme (CNCDH)
48
, saisie en 2018 par le garde des sceaux. D’importants phénomènes de
violences étaient pointés, qui avaient conduit à des fermetures provisoires, voire définitives, de
structures. Pendant la période 2014-2021, 14 suspensions provisoires d’activité de CEF ont dû
être décidées, dont neuf en raison d’atteintes aux droits des usagers ou de dysfonctionnements
structurels récurrents et un établissement, le CEF de Dreux, définitivement fermé.
Ces difficultés répétées traduisent des défaillances graves dans l’encadrement des
mineurs. Elles perdurent, amplifiées par une insuffisante structuration des relations avec les
partenaires institutionnels.
2.2.1
Un manque de main d’
œ
uvre qualifiée
La qualité de la relation éducative entre les jeunes accueillis et les professionnels qui les
accompagnent est le premier facteur de succès d’un CEF. Or le déficit d’attractivité des métiers
du travail social en général affecte gravement les structures d’hébergement collectif de la PJJ
et singulièrement, en leur sein, les CEF. Le recours croissant à des contrats d’intérim, coûteux
et qui assèchent le vivier, constitue un des symptômes préoccupants de cette crise déjà ancienne.
La démission, en 2022, de 20 des 170 élèves de la formation statutaire délivrée à Roubaix par
l’École nationale de la PJJ en est un autre.
2.2.1.1
Dans le secteur public, les limites d’une approche par le statut
Dans le secteur public, la part des fonctionnaires titulaires au sein des effectifs employés
en CEF est en diminution constante. En 2014, sur 515 postes, 333 accueillaient un agent
titulaire, soit un peu moins de deux tiers du total. En 2022, ce ratio dépassait à peine plus d’un
sur deux (271 sur 514 postes).
Les autres agents sont :
-
soit des contractuels ayant vocation, en application des articles L. 332-2 et L. 332-3 du
code général de la fonction publique, à occuper un emploi correspondant à un besoin
permanent de l’État (160 emplois en 2022) ;
-
soit des contractuels dits « de renfort », qui couvrent les absences momentanées d’un
fonctionnaire, pour maladie par exemple, les vacances temporaires d’emplois ou un
accroissement temporaire d’activité, en application des articles L. 332-6, L. 332-7 et
L. 332-22 du code général de la fonction publique (83 emplois en 2022).
Sur le terrain, les situations sont variées. Au CEF de Savigny, 10 des 15 éducateurs sont
des contractuels. Au CEF Les Cèdres à Marseille, l’équipe des éducateurs compte autant de
titulaires que de contractuels, et la directrice est secondée par une adjointe unique, contractuelle,
faisant office de responsable d’unité éducative.
47
Cf. rapport d’activité 2018 du CGLPL.
48
Avis sur la privation de liberté des mineurs, 27 mars 2018.
LES CENTRES
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ET LES ETABLISSEMENTS PENITENTIAIRES POUR MINEURS
34
Pour faire prévaloir le recours aux fonctionnaires, l’administration centrale de la PJJ
cherche à modérer le recours aux contractuels. Elle vérifie, pour allouer des contrats aux
directions interrégionales, le caractère infructueux des campagnes de recrutement et la tension
pouvant peser sur certains métiers. Elle signale néanmoins avoir assoupli récemment sa doctrine
sur la durée des contrats, qui était souvent infra-annuelle, ce qui ne favorisait pas un engagement
optimal des contractuels dans leurs missions professionnelles. Le caractère pérenne d’une
vacance d’emploi est désormais davantage pris en compte pour fixer la durée des contrats.
Compte tenu du rôle essentiel joué par les contractuels, cette évolution était nécessaire.
La précarité entretenue parmi ces professionnels essentiels au service public ne favorise pas, en
effet, leur implication dans des équipes fragilisées par ailleurs par la complexité des situations
de délinquance qu’elles affrontent.
2.2.1.2
Dans le secteur privé, une logique de compagnonnage
Le manque d’attractivité des « métiers de l’hébergement » et la difficulté à fidéliser les
équipes affectent également le secteur associatif habilité. Selon un responsable d’un réseau
d’établissements privés, les problèmes de recrutement se posent depuis 20 ans, mais ils se sont
aggravés depuis 2020.
La stratégie adoptée par le SAH pour surmonter ces difficultés repose sur une logique
de compagnonnage. Les entretiens précédant les recrutements visent à évaluer la solidité du
parcours professionnel antérieur, même s’il est éloigné de l’éducation spécialisée, les traits de
personnalité, les valeurs et les motivations des candidats. Un pari est fait sur leur capacité à
s’adapter à de nouvelles fonctions.
Le recours à l’École nationale de la PJJ pour former les arrivants est possible mais rare,
compte tenu du préjudice que représente leur absence lorsqu’ils sont à Roubaix. Les
coopérations avec les pôles territoriaux de formation (PTF) de l’ENPJJ sont plus fréquentes.
Un effort particulier est déployé pour accueillir les nouveaux salariés, les accompagner dans
leurs missions, leur apporter, grâce à des actions de formation continue, les connaissances
théoriques et la réflexion sur le métier qui leur manquent. Dans la Marne, par exemple,
l’association de Sauvegarde, qui gère le CEF de Sainte-Menehould, organise des actions de
formation portant sur la laïcité, la gestion des situations à risque ou encore la mise en
œ
uvre
d’un projet, qui sont destinées à conforter les salariés et à structurer leur action. À Saverne, le
CEF accomplit un travail permanent de formation professionnelle diplômante, à travers la
validation des acquis de l’expérience (VAE).
Dans certains cas, le SAH parvient à stabiliser dans la durée les professionnels
intervenant dans les centres. À Saverne, au sein du CEF géré par le groupe SOS Jeunesse, le
taux de rotation des éducateurs est très faible ; le directeur a conçu le projet éducatif et ouvert
le CEF en 2005 ; la directrice adjointe, qui exerce ces fonctions depuis 2015, était auparavant
éducatrice scolaire, puis cheffe de service ; la psychologue est présente depuis 2007. À Sainte-
Menehould, où le bassin d’emploi est moins riche qu’à Saverne, il est moins facile de fixer les
salariés. De plus, l’ouverture en janvier 2022 du CEF d’Épernay, situé dans le même
département, a conduit au départ de près de la moitié des professionnels, qui ont été remplacés,
pour beaucoup d’entre eux, par des personnels sans formation, nécessitant donc un soutien. À
l’inverse, certains membres de l’équipe sont en place depuis de nombreuses années, et l’arrivée
d’un nouveau directeur en 2018 a donné un nouvel élan à cet établissement créé en 2009. Enfin
LES CENTRES
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ET LES ETABLISSEMENTS PENITENTIAIRES POUR MINEURS
35
à Épernay, alors qu’à l’ouverture les candidatures avaient été nombreuses, le grand nombre de
démissions a créé des tensions comme dans beaucoup d’autres centres.
À Saverne, l’attractivité du CEF s’explique en grande partie par un effet de réputation,
entretenu par l’accueil de stagiaires et apprentis et une présence auprès des sortants des
formations d’éducateurs spécialisés. La réussite des équipes, qui s’explique par la qualité des
interventions des professionnels et leur solidarité active, est elle-même un atout pour attirer de
nouveaux collaborateurs quand des postes doivent être pourvus, et pour les fidéliser.
2.2.1.3
Des leviers d’action à mobiliser davantage pour la gestion du personnel de la PJJ
2.2.1.3.1
La formation initiale
La direction de la PJJ manie plusieurs leviers pour tenter d’attirer davantage
d’éducateurs titulaires dans les CEF.
Le premier est celui du recrutement initial, assuré par l’École nationale de la PJJ, qui
repose sur quatre filières : les concours externe et interne, le concours sur titres et le concours
« troisième voie ».
L’analyse des postes offerts et pourvus dans le cadre de ces quatre concours montre que
les difficultés de recrutement en CEF contrastent avec l’aisance avec laquelle les postes offerts
en EPM sont pourvus. Cette différence s’explique par l’action, en EPM, de l’administration
pénitentiaire, qui permet des conditions de travail meilleures qu’en CEF. On observe d’autre
part, depuis quatre ans, un resserrement de l’écart entre le nombre des postes offerts au choix
des candidats et l’effectif des promotions. Cette évolution, qui résulte d’une volonté de faire
davantage primer l’intérêt du service sur les v
œ
ux des agents, contribue, toutes choses égales
par ailleurs, à pourvoir les postes implantés en CEF.
Tableau n° 10 : Postes offerts et pris aux concours externe et interne d’éducateurs PJJ
Promotions
2017-2019
2018-2020
2020-2021
*
2021-2022
Postes
offerts
Postes
pourvus
Postes
offerts
Postes
pourvus
Postes
offerts
Postes
pourvus
Postes
offerts
Postes
pourvus
Total
163
109
140
114
162
135
164
142
Dont EPM
8
6
7
6
8
7
1
1
Dont CEF
28
17
25
17
19
10
44
34
CEF/Total
17%
16%
18%
15%
12%
7%
27%
24%
Source : DPJJ
Note : * une réforme ramène la durée de la formation à 18 mois à partir de 2020.
Les concours externes et internes drainent les trois quarts des effectifs des éducateurs
recrutés chaque année. Ils attirent surtout des étudiants et des professionnels versés dans le
droit, la psychologie ou la sociologie, dont l’approche du métier est au moins aussi conceptuelle
LES CENTRES
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ET LES ETABLISSEMENTS PENITENTIAIRES POUR MINEURS
36
qu’appliquée. Les fonctionnaires issus de ces voies de recrutement ont plus de facilité que les
autres à élaborer les écrits nécessaires, par exemple, pour préparer des comptes-rendus ou une
audience devant un magistrat, qui nécessitent une capacité de synthèse et de réflexion critique.
Tableau n° 11 : Postes offerts et pourvus au concours d’éducateurs PJJ sur titres
Sessions
2019
2020
2021
2022
Postes
offerts
Postes
pourvus
Postes
offerts
Postes
pourvus
Postes
offerts
Postes
pourvus
Postes
offerts
Postes
pourvus
Total
46
34
80
52
50
37
43
37
Dont EPM
2
2
4
2
2
1
-
-
Dont CEF
13
13
10
9
10
5
10
5
CEF/Total
29%
38%
12%
17%
20%
17%
23%
17%
Source : DPJJ
Tableau n° 12 : Postes offerts et pourvus au concours d’éducateurs PJJ 3
ème
voie
Sessions
2019
2020
2021
2022
Postes
offerts
Postes
pourvus
Postes
offerts
Postes
pourvus
Postes
offerts
Postes
pourvus
Postes
offerts
Postes
pourvus
Total
23
17
24
20
20
13
15
13
Dont EPM
1
1
-
-
1
0
1
1
Dont CEF
4
2
10
5
2
1
2
1
CEF/Total
17%
12%
41%
28%
10%
8%
13%
8%
Source : DPJJ
Les concours sur titres et « 3
ème
voie » se distinguent des précédents parce qu’ils
sélectionnent des profils moins classiques : le concours sur titres s’adresse essentiellement aux
éducateurs spécialisés et la « 3
ème
voie » à des salariés du secteur privé. Une autre originalité
est que les candidats qui les réussissent sont pré-affectés dès le début de leur formation et
s’engagent alors dans un parcours alterné entre leur nouveau milieu professionnel et l’école de
Roubaix. Leur trajectoire les rapproche à cet égard de leurs collègues recrutés par le secteur
associatif habilité.
Bien qu’ils ne représentent qu’un quart du recrutement, ces deux concours fournissent
un tiers du flux qui, à l’issue de la formation, rejoint les CEF publics. Ceux qui les réussissent
sont très appréciés pour leur expérience pratique et leur maturité, comme le sont, dans le secteur
associatif habilité, les professionnels qui, malgré leur absence de spécialisation, enrichissent les
équipes de leur personnalité et de leur motivation.
Il importe en revanche que la formation qu’ils reçoivent à l’école soit suffisamment
étoffée pour qu’ils acquièrent les éléments théoriques qui leur manquent. À cet égard, la période
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37
qu’ils passent en cours à Roubaix, qui occupe sept des seize semaines de leur formation
alternée, semble trop brève.
Compte tenu de la pénurie de personnel qualifié qui entrave l’action des CEF, une
double évolution devrait être encouragée : un élargissement des recrutements opérés en dehors
des concours externes et internes traditionnels, et le renforcement, pour les lauréats de ces
concours, de la formation offerte à l’École nationale de la PJJ. En ce qui concerne la première
évolution, la DPJJ estime que les recrutements externes sur titres sont très bien perçus et de
qualité, mais souligne en revanche que les recrutements par la « 3
ème
voie » donnent nettement
moins satisfaction, signalant une difficulté à saturer le nombre de postes proposés. Par ailleurs,
la révision de la formation pour les lauréats de ces deux concours a été actée par la DPJJ et
l’école en 2023.
Recommandation n° 3.
(DPJJ,
ENPJJ)
Élargir
les
recrutements
effectués
en
complément des concours externes et internes et étoffer la formation théorique dispensée
à leurs lauréats par l’École nationale de la PJJ.
2.2.1.3.2
L’accompagnement salarial et la gestion de carrière
Au sein du secteur public, les rémunérations brutes varient selon que l’on est affecté en
centre d’hébergement de la PJJ, en établissement de détention ou en milieu ouvert, les centres
d’hébergement étant considérés comme imposant davantage de sujétions que les établissements
de détention et,
a fortiori
, le milieu ouvert. Mais les différences de rémunération sont modestes,
que ce soit en début, en milieu ou en fin de carrière. Elles sont un peu supérieures à 200
€
par
mois si l’on compare l’hébergement et la détention, et un peu supérieures à 400
€
par mois si
l’on compare l’hébergement et le milieu ouvert.
Le levier indemnitaire, qui pourrait renforcer l’attractivité des CEF, est utilisé avec
parcimonie. Ainsi, pour le corps des éducateurs de la PJJ, le régime indemnitaire des
fonctionnaires de l’État (RIFSEEP) distingue trois groupes de fonctions. Les fonctions en CEF
font partie du groupe 1, qui bénéficie des montants d’indemnités les plus élevés. Mais l’écart
avec le groupe 2, qui comprend les EPM, et le groupe 3, qui inclut les QM et le milieu ouvert,
est faible.
Tableau n° 13 : Cartographie des fonctions, socles et plafonds d’IFSE
49
applicables
Groupes
Fonctions
Socle annuel
Plafond annuel
Groupe 1
Notamment : CEF
8 600
€
14 000
€
Groupe 2
Notamment : EPM
7 400
€
13 500
€
Groupe 3
Notamment : QM et milieu ouvert
6 430
€
13 000
€
Source : DPJJ.
49
IFSE : indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise (indemnité principale du RIFSEEP).
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38
Vis-à-vis du secteur associatif habilité, le secteur public se montre plus généreux,
surtout en début de carrière
50
. La première année, la rémunération brute d’un éducateur titulaire
de la fonction publique est supérieure de 580
€
par mois à ce qu’elle est dans le SAH. L’écart
diminue avec le temps. Il n’est plus que de 132
€
lorsque l’ancienneté est de 30 ans.
À l’inverse, les contractuels de la fonction publique travaillant en CEF n’ont qu’un
avantage de 165
€
par mois, la première année, sur ceux du SAH. Ensuite la différence
s’atténue, puis s’inverse, à partir de la cinquième année.
Les promotions de grade sont un autre levier permettant d’influencer le choix des postes
par les agents titulaires de la PJJ. Qu’il s’agisse des éducateurs, des directeurs de service ou des
cadres éducatifs, la diversité des parcours professionnels est valorisée Ainsi, la note PJJ/RH4
n° 26 du 10 octobre 2022, portant sur l’avancement au second grade des éducateurs de la PJJ
au titre de l’année 2022, mentionne, parmi les critères valorisés pour la promotion des agents,
« la diversité des parcours des agents au sein des différentes structures de la PJJ »
, au même
titre que la manière de servir, l’exercice de responsabilités ponctuelles ou un contexte particulier
d’exercice des fonctions et le fait d’avoir passé l’examen professionnel.
Ces dispositions ont en réalité pour premier objectif d’inciter les éducateurs à ne pas
limiter leur carrière au milieu ouvert, les structures d’hébergement collectif étant
structurellement moins recherchées. Au sein des établissements de placement en revanche,
aucun distinguo favorable au CEF n’est mis en avant.
Compte tenu des besoins particuliers des CEF et des créations récentes et prévues de
nouveaux centres, cette situation mériterait d’être revue.
2.2.2
Des coopérations à développer avec les partenaires institutionnels
Les premiers partenaires institutionnels des équipes qui animent les CEF, en dehors des
familles, sont les éducateurs du milieu ouvert, qui accompagnent le parcours du jeune avant,
pendant et après son passage dans le centre. L’intervention des éducateurs du milieu ouvert est
particulièrement importante pendant la troisième et dernière phase du séjour, lorsqu’est préparé
le projet de sortie. Pour atténuer le contraste entre l’encadrement étroit offert par le centre et la
grande autonomie retrouvée quand on le quitte, la coopération entre les équipes « du dedans »
et les équipes « du dehors » est essentielle. Une vigilance s’impose en particulier à la sortie des
CEF du SAH, où la proximité professionnelle avec les éducateurs du milieu ouvert de la PJJ est
la moins grande. Une réflexion s’impose sur l’opportunité d’un suivi des jeunes, après leur
sortie, par les éducateurs de ces CEF, en liaison avec les éducateurs PJJ du milieu ouvert.
Les autres partenaires institutionnels avec lesquels les CEF pourraient resserrer leurs
liens sont les forces de sécurité intérieure, les établissements scolaires et les services de santé.
À la différence de leurs collègues intervenant en EPM, qui inscrivent leur action dans
le contexte d’établissements pénitentiaires dotés de personnels spécialisés dans la surveillance
et la sécurité, les éducateurs exerçant en CEF ne peuvent compter que sur leurs propres
50
La convention nationale des associations de protection de l’enfant (CNAPE), qui fédère la majorité des
CEF du SAH, exprime à ce sujet une inquiétude, à la suite de l’annonce de la directrice de la PJJ le 3 octobre 2022,
aux assises du placement judiciaire, d’une revalorisation des mesures indemnitaires pour les agents titulaires et
d’une revalorisation des rémunérations des agents contractuels de l’État.
LES CENTRES
EDUCATIFS FERMES
ET LES ETABLISSEMENTS PENITENTIAIRES POUR MINEURS
39
ressources pour maîtriser les jeunes qui y sont accueillis. Lorsque des incidents se produisent,
ou lorsque des fouilles sont nécessaires, ils ont pour seul recours le commissariat de police ou
la brigade de gendarmerie situés à proximité. Il revient au directeur ou la directrice d’établir les
bonnes relations nécessaires à des interventions rapides en cas d’alerte ou à la préparation d’une
visite perçue comme inopinée par les jeunes.
L’empirisme, dans ce domaine, produit en général des résultats satisfaisants. Pourtant,
dans certains cas, l’échelon départemental des forces de sécurité intérieure mériterait d’être
davantage sensibilisé et mobilisé. À Marseille, par exemple, la préfecture de police et la
direction départementale de la sécurité publique sont insuffisamment impliquées dans la gestion
des questions de maintien de l’ordre qui se posent dans les deux CEF de la ville. Pour consolider
la coopération entre les CEF et les forces de sécurité intérieure, l’établissement de conventions
de coopération formelles, avec le concours du directeur territorial de la PJJ et l’échelon
départemental de la police ou de la gendarmerie nationales, serait opportun, conformément à ce
que prévoit la circulaire du garde des sceaux 10 mars 2016 relative aux règles d’organisation,
de fonctionnement et de prise en charge des centres éducatifs fermés du secteur public de la
protection judiciaire de la jeunesse.
De la même façon, les CEF sont dotés d’un enseignant du premier degré mis à
disposition par l’éducation nationale, qui dépend hiérarchiquement de l’inspecteur de
l’éducation nationale chargé de l'adaptation scolaire et de la scolarisation des élèves handicapés
(IEN ASH). À la différence de ses collègues intervenant en EPM, ce professeur est relativement
isolé. Il peut, en théorie, croiser des collègues du second degré intervenant ponctuellement en
heures supplémentaires, mais ces participations sont rares. Il fait équipe, certes, avec les
personnels de la PJJ, et notamment les éducateurs techniques. Aux Cèdres, à Marseille, la
professeure des écoles, qui assure des enseignements de français, de mathématiques et
d’anglais, participe à des « ateliers mixtes » avec des éducateurs, consacrés par exemple à la
rédaction d’un journal. À Sainte-Menehould, où les jeunes bénéficient au maximum de six
heures de cours par semaine, la professeure assure aussi l’enseignement moral et civique. Deux
semaines par an, les enseignants intervenant en CEF sont invités à des sessions de formation
continue par le ministère de l’éducation nationale et l’École nationale de la PJJ. Une note de la
direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO) du 14 juin 2022, faisant le constat de
cet isolement, prévoit un suivi renforcé des enseignants exerçant en CEF par les proviseurs-
directeurs des unités pédagogiques régionales (UPR), sous l’autorité fonctionnelle desquels les
enseignants en milieu pénitentiaire sont placés.
Mais, dans sa pratique quotidienne, l’enseignant en CEF n’a, dans son domaine
professionnel, que peu de contacts à l’extérieur du centre. Dans certains cas, comme à Saverne,
les collèges proches refusent de scolariser les jeunes du CEF dont le profil se prêterait pourtant
à une poursuite de scolarité dans un établissement ordinaire, invoquant les effectifs trop chargés
de leurs classes. Dans d’autres, comme à Sainte-Menehould, les jeunes du centre sont bien
accueillis par l’équipe de direction du collège. Dans tous les cas, une formalisation du cadre de
coopération des CEF avec ses partenaires de l’éducation nationale apparaît nécessaire. Il
convient à cet égard de mettre pleinement en
œ
uvre la circulaire de la DGESCO du 14 janvier
2019, qui insiste sur l’importance d’une
« démarche partenariale volontariste des acteurs
institutionnels et associatifs du territoire intervenant en matière de scolarité et d’insertion »
et
qui prévoit que
« les directions territoriales garantissent l’articulation nécessaire en la
matière ».
Il convient aussi, au-delà des établissements scolaires, de nouer des partenariats avec
les autres acteurs locaux intervenant dans le domaine de l’insertion scolaire et professionnelle,
comme les centres d’information et d’orientation (CIO) et les missions locales.
LES CENTRES
EDUCATIFS FERMES
ET LES ETABLISSEMENTS PENITENTIAIRES POUR MINEURS
40
Enfin, la prise en charge des questions sanitaires dans les CEF, quand elles dépassent
les compétences de l’infirmière de l’équipe, est trop tributaire des arrangements trouvés
localement avec les services hospitaliers et les professionnels libéraux de proximité.
Contrairement au partenariat avec les forces de sécurité intérieure et l’éducation nationale, la
coopération avec les établissements et professionnels de santé n’est pas encadrée par une
circulaire. Au ministère chargé de la santé, la direction générale de l’offre de soins est engagée
dans une collaboration avec l’administration pénitentiaire, avec l’appui des agences régionales
de santé (ARS). Les antennes des hôpitaux qui sont implantés dans les établissements
pénitentiaires sont dotées et organisées pour traiter, parallèlement à la patientèle adulte, les
mineurs incarcérés qui ont besoin de soins, que les affections dont ils souffrent soient
somatiques ou psychiques. Les CEF, en revanche, vu du ministère de la santé et des ARS, se
situent dans un angle mort s’expliquant en partie par la petite taille de ces structures. Ni la PJJ
ni le secteur associatif ne parvient à formaliser suffisamment son partenariat avec les
établissements de santé. Les difficultés d’accès à la pédopsychiatrie, en particulier, alors que
les jeunes enfermés dans les CEF sont particulièrement affectés par les troubles psychiques,
sont expliquées par la DPJJ en premier lieu par le manque de moyens du secteur, aboutissant à
des listes d’attente dans les centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP) et à l’insuffisance
des hôpitaux de jour. Elle constate toutefois une augmentation des collaborations entre les
DTPJJ et les ARS.
Sur le terrain, la situation demeure inégale, tant en ce qui concerne les soins somatiques
que psychiques. Au CEF public de Savigny-sur-Orge, qui a signé une convention avec l’Hôtel-
Dieu de Paris, la question de la prise en charge psychiatrique est complexe. La psychologue de
la PJJ travaille à inclure le CEF dans des réseaux de soins, avec l’aide du centre de soin,
d'accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA) et des associations spécialisées.
Mais les CMPP, peu nombreux à proximité, imposent de longs délais avant les possibilités de
rendez-vous, ce qui rend indispensable le recours à des psychiatres de ville. Au CEF public des
Cèdres à Marseille en revanche, l’infirmière est épaulée par un pédopsychiatre de l’hôpital de
Brest
51
, qui intervient sur place une journée toutes les deux semaines et peut être consulté à
distance les autres jours. Au CEF associatif de Sainte-Menehould, un psychiatre retraité est
disponible deux demi-journées par semaine. À Saverne, comme dans les autres CEF, qu’ils
soient publics ou privés, l’infirmière s’appuie sur les médecins libéraux de proximité. Elle a
obtenu qu’un médecin généraliste se déplace au centre en cas d’urgence, ce qui contraste avec
la situation constatée ailleurs, où les urgences sont assurées, la nuit en particulier, par le biais
du numéro d’urgence 15 (SAMU).
La formalisation d’accords avec les établissements de santé et professionnels, avec
l’appui des DTPJJ, doit être encouragée pour permettre une offre de soins adéquate dans les
CEF.
51
Cette situation résulte de la circonstance que ce professionnel reconnu, établi à Brest, se déplace
régulièrement en région marseillaise, pour des raisons personnelles.
LES CENTRES
EDUCATIFS FERMES
ET LES ETABLISSEMENTS PENITENTIAIRES POUR MINEURS
41
2.3
Établissements pénitentiaires pour mineurs : un projet spécifique à
réaffirmer
Alors que les textes, et notamment la circulaire du garde des sceaux du 24 mai 2013
relative au régime de détention des mineurs, ne distinguent pas les règles applicables aux QM
et aux EPM, les spécificités du projet EPM qui faisaient son ambition, en particulier
l’importance donnée à la socialisation des mineurs et au temps passé hors cellule, sont
aujourd’hui à réaffirmer, notamment dans le cadre de projets d’établissement ambitieux.
2.3.1
Une indifférenciation du régime de détention
La circulaire du garde des sceaux du 24 mai 2013 relative au régime de détention des
mineurs précise que, par différence avec le quartier pour mineurs,
« l’EPM doit être privilégié
[pour les prévenus] dans les cas où une détention longue est prévisible, notamment dans le
cadre des procédures criminelles, afin que les mineurs puissent bénéficier des conditions les
plus favorables en termes d’encadrement éducatif ou de préparation du projet de sortie »
; pour
les condamnés, la détention en EPM est également à privilégier
.
Malgré cette perspective
stimulante, la circulaire de 2013, en dehors de la question des publics à accueillir, présente
l’inconvénient de ne pas distinguer les situations spécifiques des EPM et des QM, au regard
notamment des moyens dont ils disposent.
Le texte détaille ensuite les missions et l’organisation de
« l’équipe pluridisciplinaire »
qui intervient auprès des mineurs détenus, en considérant les mineurs incarcérés comme une
population homogène. Il souligne que la prise en charge vise essentiellement à :
-
prévenir le « choc » de l’incarcération ;
-
restaurer ou maintenir les liens familiaux ;
-
améliorer la qualité de la prise en charge des mineurs détenus en garantissant une
dimension éducative durant la détention et en renforçant le suivi individuel ;
-
anticiper, favoriser et préparer les conditions de l’insertion du mineur lors de sa sortie ;
-
proposer des alternatives à l’incarcération et des mesures d’aménagement de peine.
2.3.2
Le projet d’établissement, un outil pour organiser le « binômage » entre
surveillants et éducateurs
Au titre des outils à mobiliser, la circulaire du 24 mai 2013 évoque en premier lieu le
projet d’établissement, élaboré conjointement, sous l’autorité du chef d’établissement, par les
membres des équipes de l’administration pénitentiaire et de la PJJ, ainsi que par les partenaires
que sont l’éducation nationale et les structures de soin. Elle décrit précisément le régime de
détention à prévoir aux différentes phases de l’incarcération. Sont passés en revue l’accueil en
détention, la répartition des mineurs au sein de l’établissement, les éléments constitutifs de la
prise en charge individuelle, les relations avec l’extérieur, l’accès aux soins, les mesures de
LES CENTRES
EDUCATIFS FERMES
ET LES ETABLISSEMENTS PENITENTIAIRES POUR MINEURS
42
sécurité, les mesures de protection individuelle et les mesures de bon ordre (MBO)
52
. La note
conjointe DAP/PJJ du 4 juillet 2014, qui fournit une aide méthodologique à l’élaboration des
projets d’établissement, ne distingue pas plus que la circulaire du 24 mai 2013 les EPM des
QM.
Il est regrettable que l’établissement de La Valentine à Marseille soit le seul EPM à
disposer d’un projet d’établissement à jour
53
. Son exemple montre pourtant que ce document,
loin d’être formel, peut fournir un cadre mobilisateur pour l’action collective, particulièrement
dans le contexte d’un EPM. À l’EPM de Porcheville, la mission de contrôle interne de la DAP
déplore à juste titre, dans son rapport d’audit d’avril 2022, l’absence de projet d’établissement.
Elle qualifie cet instrument managérial de
« pierre angulaire du modus vivendi des différentes
institutions »
représentées dans l’équipe pluridisciplinaire de l’établissement, où elle constate
un mauvais fonctionnement de la dyarchie composée de la cheffe d’établissement et la
directrice du service éducatif. Le rapport d’information du Sénat de 2018
54
recommande à bon
escient de veiller à ce que chaque EPM et chaque QM soit doté d’un projet d’établissement
«
mobilisateur
» devant «
permettre de fédérer les énergies et d’avancer dans une même
direction, avec une orientation claire sur le rôle de chacun
».
La DAP, consciente de cette difficulté, a élaboré des outils et fixé un calendrier afin que
la mise au point des projets d’établissement des EPM aboutisse en décembre 2023. Son
directeur a insisté, lors d’une réunion des chefs d’établissement accueillant des mineurs
organisée en décembre 2022, sur l’importance de ces projets, considérés comme des documents
cadres permettant aux institutions partenaires de définir les moyens d’exercer leurs missions et
d’organiser un dialogue constant. Leur mise à jour a été affirmée comme une priorité pour 2023,
tant pour la DAP que pour la DPJJ.
Il importe que cette dynamique se traduise effectivement dans les délais prévus.
2.3.3
Une mission de socialisation des détenus à exercer pleinement
L’une des premières missions des EPM, où les moyens humains sont conséquents, est
d’encourager la socialisation des détenus, en leur apprenant à se respecter les uns les autres et
à coopérer. Les repas, à cet égard, sont des moments privilégiés. Les EPM ont été conçus pour
qu’ils soient pris en commun, par unité de vie, c’est-à-dire au maximum par dix détenus, sous
le regard vigilant des adultes, indispensable compte tenu de l’agressivité dont font preuve
beaucoup de jeunes.
Or à l’EPM de Porcheville, fin 2022, l’obligation de prendre son repas en cellule
qu’avait imposée l’épidémie de Covid-19 continuait à prévaloir, sauf une seule fois par
52
Encadrées par une note conjointe DAP/DPJJ du 19 mars 2012, les mesures de bon ordre sont des
mesures décidées conjointement par le personnel de surveillance et le personnel de la PJJ, en dehors des poursuites
disciplinaires, pour apporter une réponse rapide à des actes transgressifs de faible gravité pour lesquels le seul
entretien visant un rappel à l’ordre n’est pas suffisant.
53
Selon la DAP,
« sur les 37 projets d’établissements d’EPM et de QM reçus [à la date du contrôle],
seuls six datent de moins de trois ans. »
54
Rapport d’information,
La réinsertion des mineurs enfermés
, présenté par Mme Catherine Troendlé et
M. Michel Amiel, sénateurs, septembre 2018.
LES CENTRES
EDUCATIFS FERMES
ET LES ETABLISSEMENTS PENITENTIAIRES POUR MINEURS
43
semaine. À l’EPM de Marseille, les repas n’étaient partagés, dans le meilleur des cas, qu’une
fois par jour, par demi-unité de vie. Ces constats ne sont pas satisfaisants.
Il convient de veiller, d’autre part, à ce que le temps hebdomadaire moyen de
scolarisation des détenus, qui est à Porcheville de douze heures (Cf.
infra
), se rapproche de
l’objectif de 20 heures fixé par la circulaire du 24 mai 2013 et rappelé par la convention des
ministères de la justice et de l’éducation nationale du 15 octobre 2019. Dans son rapport d’audit
d’avril 2022, la mission de contrôle interne de la DAP soulignait l’insuffisance de la prise en
charge scolaire, constatant qu’elle concourrait à allonger le temps d’enfermement en cellule.
À Porcheville, il importe, d’une manière plus générale, que les 34 éducateurs affectés à
l’EPM, pour une population moyenne de 47 détenus en 2021 et de 38,6 en 2022, soient le plus
disponibles possible hors de la zone administrative où ils ont leur bureau. En 2019, l’inspection
générale de la justice (IGJ) avait à cet égard constaté que, dans les EPM, «
des éducateurs
s’éloignent des locaux de détention, privilégiant un exercice professionnel cantonné à
l’accomplissement de démarches de milieu ouvert
», en ajoutant que «
ce relatif retrait constaté
dans certains EPM pose question quant à une meilleure utilisation de ces emplois
»
55
.
À l’EPM de Marseille, le service éducatif avait, à l’occasion du dialogue de gestion de
mars 2022, étudié l’emploi du temps de plusieurs mineurs. Il avait constaté des temps
hebdomadaires hors de cellule, en scolarité ou promenade par exemple, relativement restreints,
notamment le week-end. Pour trois détenus, le temps passé chaque semaine hors cellule n’était
que de 15 heures 30, 16 heures et 17 heures 30. Dans un quatrième cas, il était de 37 heures 45,
mais il s’agissait d’un mineur affecté à l’unité bénéficiant d’un régime de détention moins strict.
Le déficit d’activité des détenus en EPM a été relevé à plusieurs reprises par le
Contrôleur général des lieux de privation de liberté lors de ses visites. Ainsi, en 2019, il
rapportait au sujet de l’EPM de Quiévrechain que «
les activités proposées aux mineurs sont
apparues insuffisantes, notamment pendant les périodes de week-end
» et de celui de Lavaur
que «
de nombreux jeunes ne bénéficient que de peu d’activités
», notamment ceux en unité
fermée et le week-end. Enfin, la défenseure des droits, en 2021, faisait également le constat de
la faiblesse des activités culturelles et sportives et du déficit d’enseignement, notamment pour
les mineures détenues et en outre-mer
56
.
Le ministère de la justice confirme qu’au sortir de la crise sanitaire, les personnels ont
éprouvé des difficultés «
notables
» à renouer avec le principe du temps collectif devant guider
la prise en charge des mineurs en EPM. Il a engagé au printemps 2022 une démarche de
remobilisation pour obtenir la réalisation de diagnostics et de plans d’action visant à
« accroître
significativement le volume horaire d’enseignement et de formation »
et à limiter le temps
d’encellulement individuel. Il souligne toutefois la nécessité, pour y parvenir,
« d’une
implication de tous les acteurs et de leur bonne articulation au quotidien »
.
Cette démarche générale, qui est bienvenue, doit être suivie par les administrations
intervenant dans les établissements pénitentiaires pour mineurs. Un suivi de son déploiement et
de sa mise en
œ
uvre doit être organisé afin de veiller à ce que les temps de socialisation des
mineurs progressent effectivement, conformément aux objectifs fixés.
55
Mission thématique sur l’orientation et la prise en charge des mineurs dans les lieux de détention,
Inspection générale de la justice, octobre 2019.
56
Avis de la défenseure des droits n° 21-13 sur les dysfonctionnements et manquements de la politique
pénitentiaire française, 30 septembre 2021.
LES CENTRES
EDUCATIFS FERMES
ET LES ETABLISSEMENTS PENITENTIAIRES POUR MINEURS
44
2.3.4
L’intérêt d’un profilage des postes à pourvoir
Dans la gestion des ressources humaines, les missions spécifiques des EPM sont
insuffisamment affirmées. Ainsi, les procédures d’affection des agents ne permettent pas de
vérifier l’adéquation des profils et des motivations des candidats aux exigences particulières
des postes à pourvoir. Il s’agit d’un recul par rapport à la situation prévalant à l’ouverture des
EPM et d’une différence par rapport à ce qui se pratique pour les éducateurs en CEF.
À l’origine, l’affectation des personnels de surveillance en EPM se faisait après
sélection par un jury de validation. Aujourd’hui, pour les surveillants comme les éducateurs de
la PJJ, les postes vacants dans les EPM sont offerts au mouvement général. Les affectations se
font en application de règles établies dans le cadre du dialogue social, et principalement de
l’ancienneté
57
. Un tel mécanisme, s’il permet de pourvoir les postes offerts, ne garantit ni
l’adhésion des agents au modèle original que constitue l’EPM, ni l’adéquation de leur profil
aux besoins particuliers de ces établissements, tant au sein du système pénitentiaire que dans
les services de la PJJ. Il contraste avec le choix fait par la DAP de profiler certains postes dans
ses établissements pour majeurs, dans les unités pour détenus violents ou les modules
« respect » par exemple. La mission réalisée par l’IGJ en 2019 recommandait à juste titre de
profiler les postes des surveillants nommés en EPM et en QM. Cette recommandation mériterait
d’être étendue aux éducateurs.
Le ministère de la justice ne conteste pas le constat de la Cour, mais souligne l’attention
qui est portée aux formations d’adaptation à la prise de fonctions en EPM. Il remarque qu’en
dehors de quelques postes à Porcheville, aucune affectation en EPM n’est proposée à la sortie
de l’école. Il indique que
« le recrutement des surveillants sur profil aboutira à revoir le
dispositif de mobilité après concertation auprès des organisations syndicales ».
La direction de
la protection judiciaire de la jeunesse se déclare par ailleurs
« favorable à un profilage des
postes d’éducateurs »
.
Recommandation n° 4.
(DAP) Achever la mise à jour de tous les projets
d’établissement des établissements pénitentiaires pour mineurs conformément au
calendrier prévu (fin 2023).
Recommandation n° 5.
(DAP, DPJJ, DGESCO) Dans l’emploi du temps hebdomadaire
des mineurs détenus en établissements pénitentiaires pour mineurs, élargir les plages
consacrées à la socialisation et aux apprentissages scolaires.
Recommandation n° 6.
(DAP, DPJJ) Lors des recrutements et mutations des agents,
distinguer les postes de l’administration pénitentiaire et de la protection judiciaire de la
57
En QM, il demeure possible d’appliquer une forme de « profilage », dans la mesure où le personnel est
choisi parmi l’ensemble du personnel affecté à l’établissement pénitentiaire par le chef d’établissement.
LES CENTRES
EDUCATIFS FERMES
ET LES ETABLISSEMENTS PENITENTIAIRES POUR MINEURS
45
jeunesse alloués aux établissements pénitentiaires pour mineurs et n’y nommer que des
personnes dont le profil professionnel est adéquat.
______________________ CONCLUSION INTERMÉDIAIRE ______________________
Malgré les moyens conséquents qui leur sont consacrés, les CEF et les EPM ne font
l’objet de quasiment aucune évaluation de leur impact sur les trajectoires des mineurs,
notamment en termes de récidive et réitération. Les données disponibles au sein des différents
systèmes d’information du ministère de la justice permettraient pourtant de telles études, mais
leur interfaçage fait défaut : sans appariement, elles ne permettent pas de connaître le parcours
des mineurs. Le déploiement du logiciel Parcours permettra d’unifier le suivi des mineurs
placés, qu’ils soient dans une structure du secteur public, du secteur associatif ou incarcérés.
La mise en place du logiciel se fera en trois temps et permettra de mieux suivre les mineurs et
de mieux documenter leur évolution à l’issue des périodes de placement ou d’incarcération. Le
ministère, en optimisant l’utilisation des nombreuses données dont il dispose, sera ainsi en
capacité de mieux connaitre les processus de délinquance et de réitération et de mieux évaluer
les résultats de cette politique publique. L’échéance du déploiement complet de l’outil est
néanmoins trop lointaine.
D’autres constats, en dehors de la problématique des coûts, renforcent le besoin d’une
évaluation des CEF et des EPM.
Les centres éducatifs fermés sont affectés par un manque de main d’
œ
uvre qualifiée, qui
s’observe dans l’ensemble du travail social. Dans le secteur public, cela se traduit notamment
par une augmentation de la part des éducateurs contractuels. Le SAH a quant à lui adopté une
stratégie fondée sur une logique de « compagnonnage » pour tenter de fidéliser ses recrues.
Plusieurs leviers d’action semblent devoir être davantage mobilisés : l’élargissement
des recrutements effectués en complément des concours externes et internes ; le renforcement
de la formation théorique offerte aux lauréats de ces concours ; l’accompagnement salarial,
en prenant compte des besoins particuliers des CEF.
Par ailleurs, l’efficacité de l’action des CEF repose en partie sur leur capacité à nouer
des accords avec les partenaires institutionnels locaux que sont les forces de sécurité intérieure,
les établissements scolaires et les services de santé. Les CEF présentent à cet égard des
situations contrastées. Des conventions de coopération formalisant leurs relations
fonctionnelles avec ces partenaires institutionnels devraient être mises en place plus
systématiquement.
L’ambition initiale des établissements pénitentiaires pour mineurs est à réaffirmer, pour
que les importants moyens qui leur sont consacrés trouvent leur justification. Les postes à
pourvoir par l’administration pénitentiaire et la protection judiciaire de la jeunesse en EPM
ne faisant pas l’objet d’un traitement spécifique lors des opérations de recrutement et de
mutation, l’adéquation aux besoins des profils professionnels des surveillants et éducateurs qui
y sont affectés n’est pas assurée.
Il convient enfin de pallier le déficit de temps d’activité, relevé par plusieurs acteurs,
ainsi que celui du temps de scolarisation, nettement inférieur à l’objectif de 20 heures fixé par
la circulaire du 24 mai 2013. Enfin, il est regrettable qu’un seul des six EPM dispose d’un
projet d’établissement à jour, alors qu’il d’agit d’un outil susceptible constituer un cadre
LES CENTRES
EDUCATIFS FERMES
ET LES ETABLISSEMENTS PENITENTIAIRES POUR MINEURS
46
mobilisateur pour l’action collective. Il importe que les initiatives de l’administration
pénitentiaire pour augmenter les temps collectifs et mettre à jour les projets d’établissement
des EPM aboutissent.
3
DES CHOIX STRATEGIQUES A MIEUX FONDER
Les CEF comme les EPM constituent des dispositifs innovants reposant sur une prise en
charge exigeante, mais insuffisamment évalués et donnant lieu à certains constats préoccupants.
Certains choix stratégiques, tout particulièrement le programme de création de nouveaux CEF,
auraient dû être fondés sur un diagnostic préalable des besoins. Quant aux différences
excessives entre EPM et QM, elles appellent un rééquilibrage.
3.1
Une extension trop rapide des capacités d’accueil des centres éducatifs
fermés
Alors que les CEF sont depuis 2020 sous-occupés, le gouvernement met en
œ
uvre un
plan de création de nouveaux CEF (20 initialement, porté à 22), qui a été annoncé en 2018 sans
analyse préalable des besoins. Il serait pourtant opportun, avant de lancer des projets nouveaux,
d’évaluer l’existant et d’analyser les besoins à satisfaire, en élaborant des schémas régionaux.
3.1.1
Des places occupées aux deux tiers
Compte tenu des moyens importants consacrés à la prise en charge d’un jeune en centre
éducatif fermé, la bonne mobilisation des capacités d’accueil nécessite une vigilance
particulière. À cet égard, pour l’indicateur « taux d’occupation des centres éducatifs fermés
(CEF) secteurs publics et associatifs », le projet annuel de performances du programme 182 –
Protection judiciaire de la jeunesse
fixe un objectif de 85 %. Cette cible est identique à celle
assignée aux établissements de placement éducatif EPE-UEHC du secteur public, et plus basse
que celle des centres éducatifs renforcés (CER), qui est de 90 %. L’écart traduit la spécificité
de ces derniers qui fonctionnent comme des « séjours de rupture » et non une prise en charge
continue.
Les statistiques montrent que, depuis 2020, le taux réel d’occupation des places
disponibles en CEF est inférieur à la cible de près de 20 points.
LES CENTRES
EDUCATIFS FERMES
ET LES ETABLISSEMENTS PENITENTIAIRES POUR MINEURS
47
Graphique n° 2 : Évolution du taux moyen d’occupation des CEF
Source : DPJJ. Note : SP : service public.
Globalement, le taux d’occupation des CEF, qui était compris entre 75 et 80 % de 2002
à 2007, a diminué tendanciellement ensuite, pour atteindre 66,9 % au premier semestre 2022.
Il est supérieur dans le secteur associatif habilité à ce qu’il est dans le secteur public.
Dans le secteur public, le taux augmente de cinq points entre 2012 et 2017, passant de
65,2 % à 70,3 %, puis perd huit points jusqu’en 2022, année où il s’établit, au premier semestre,
à 62,4 %. Dans le secteur associatif habilité, le taux d’occupation moyen, plutôt stable sur la
période 2012-2017, baisse de dix points entre 2017 et 2022, passant de 78,7 % à 68,9 %.
Au premier semestre 2022, 19 CEF, soit plus d’un tiers des centres, présentaient un taux
moyen inférieur à 60 %, dont six un taux moyen inférieur à 50 %.
La direction de la PJJ explique ces constats par les difficultés structurelles rencontrées
par ces établissements, qui accueillent et prennent en charge un public particulièrement difficile,
ce qui occasionne notamment des atteintes aux personnes et aux biens. Selon la même source,
les CEF
« sont confrontés à un fort taux de rotation des équipes éducatives et à des difficultés
de recrutement, tant des éducateurs que des cadres (directeurs, responsables d’unité, chefs de
service), pouvant entraîner d’importants problèmes d’organisation et de fonctionnement »
.
La première explication fournie mérite d’être nuancée, dans la mesure où ce sont bien
les caractéristiques particulières du public accueilli qui justifient que 26,5 ETP soient prévus
dans chaque CEF pour l’encadrement de douze jeunes, et que ces emplois soient destinés à
accueillir des professionnels intervenant dans des champs disciplinaires complémentaires.
La deuxième explication, qui fait état d’une difficulté, sur les emplois disponibles, à
attirer des professionnels expérimentés et à stabiliser les équipes, est davantage recevable. Elle
est d’ailleurs confirmée par les constats de la Cour qui illustrent la situation parfois difficile de
certains centres où de nombreux contractuels interviennent pour des durées parfois brèves. La
fragilisation du fonctionnement des CEF qui en résulte peut contribuer à dissuader d’y affecter
l’effectif prévu de jeunes.
65,2%
66,2%
58,7%
67,7%
68,3%
70,3%
68,5%
67,4%
57,6%
55,1%
62,4%
80,2%
78,1%
75,9%
75,4%
76,6%
78,7%
75,6%
76,8%
71,3%
72,6%
68,9%
77,2%
74,9%
70,0%
73,0%
73,9%
76,0%
73,4%
73,8%
66,9%
66,9%
66,9%
50,0%
55,0%
60,0%
65,0%
70,0%
75,0%
80,0%
85,0%
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
1er sem. 2022
SP
SAH
SP + SAH
LES CENTRES
EDUCATIFS FERMES
ET LES ETABLISSEMENTS PENITENTIAIRES POUR MINEURS
48
Les délais d’obtention d’une mainlevée en cas de fugue ou de non-présentation d’un
jeune fournit une troisième explication, au moins partielle, de la sous-occupation des places. La
CNAPE relevait ainsi que les délais étaient «
majoritairement trop longs, pouvant aller parfois
jusqu’à un mois et demi après l’alerte donnée par la structure au magistrat
». Elle indiquait
qu’elle serait vigilante à la bonne application de l’article L. 133-7 du CJPM, qui dispose que
«
lorsque la place occupée par un mineur suite à une décision de placement reste vacante
pendant une durée excédant sept jours, l'établissement accueillant le mineur concerné saisit
d'une demande de mainlevée spécialement motivée le magistrat chargé de l'exécution de cette
décision, qui statue sans délai
»
58
.
Enfin, les acteurs de terrain déplorent l’absence d’un outil de connaissance en temps
réel des places disponibles. Les SEAT cherchent les possibilités de placement en prenant
contact, pour chaque nouveau cas, avec les directeurs de CEF. Il serait utile de rendre disponible
au niveau de l’interrégion de la PJJ, en partage avec les autres maillons de la chaîne judiciaire,
l’état des places effectivement disponibles. Outre qu’elle faciliterait le travail des SEAT, cette
évolution participerait à optimiser le remplissage des CEF.
L’impact de ces différents éléments sur un taux d’occupation des CEF inférieur à la
cible mériterait d’être évalué. Sans cette analyse, et sans prise en compte des besoins à satisfaire
au plan local, il est impossible de porter un diagnostic sur le caractère suffisant ou non de la
capacité de prise en charge aujourd’hui déployée.
En dépit de cette incertitude, la difficulté à remplir les places disponibles n’a pas fait
obstacle à la décision prise en 2018 d’étendre les capacités d’accueil en CEF.
3.1.2
La mise en
œ
uvre d’un plan volontariste d’extension des capacités d’accueil
sans analyse des besoins
Le 27 septembre 2018, la garde des sceaux, ministre de la justice, a présenté un
programme de création de 20 nouveaux CEF, appelés à compléter les 51 CEF existant alors.
La mise en
œ
uvre du programme national de création de nouveaux CEF
Le 27 septembre 2018, la garde des sceaux annonçait la création de 20 nouveaux CEF, dont
cinq dans le secteur public et 15 dans le secteur associatif (cf. Annexe n° 4). Ce nombre a depuis
été porté à 22. Chaque création représente un budget d’investissement initialement évalué à de
4,5 M
€
. D’après la direction du budget, ce montant a été porté à 6 M
€
compte tenu d’une
conjoncture inflationniste et d’une réhausse des taux d’intérêt pour le financement sur le marché
privé.
Si le calibrage du nombre de ces nouvelles structures n’a pas été précédée d’une analyse
des besoins, la carte de leur implantation émane d’un travail de la direction de la protection
judiciaire de la jeunesse
59
privilégiant pour les nouvelles implantations les critères suivants :
-
l’adéquation du choix d’implantation avec les besoins territoriaux repérés ;
58
Contribution de la CNAPE :
Réforme de la justice pénale des mineurs, quel bilan dans le SAH ?
,
octobre 2022.
59
Note de cadrage du 25 octobre 2017.
LES CENTRES
EDUCATIFS FERMES
ET LES ETABLISSEMENTS PENITENTIAIRES POUR MINEURS
49
-
le diagnostic des ressources existantes en matière de partenariat (scolarité, insertion, santé
notamment) ;
-
l’accessibilité des secteurs identifiés et leur proximité aux bassins d’emploi pour faciliter
les recrutements de qualité ;
-
le positionnement des autorités locales et la qualité du dialogue social :
-
les contraintes immobilières.
Les nouveaux CEF appliquent un programme architectural et technique nouveau. Les
innovations portent sur la création systématique d’un espace parental
60
et le renforcement des
dispositifs de protection et de sécurité. La robustesse des matériaux mis en
œ
uvre constitue par
ailleurs une orientation forte.
La DPJJ considère que ces CEF « nouvelle génération » seront plus efficaces dans la
réinsertion des jeunes placés. Elle compte sur leur implantation à proximité des centres urbains et
économiques et sur une évolution architecturale dégageant davantage d’espace et permettant
l’hébergement des familles en visite. Le caractère fermé des CEF sera physiquement renforcé. Des
déplacements faits par la Cour sur le terrain, il ressort toutefois que certains des CEF actuels
fonctionnent bien malgré une petite taille ou une implantation en zone rurale, et que leur réussite
repose pour l’essentiel sur le professionnalisme et la cohésion de l’équipe éducative.
Selon le compte rendu du comité de pilotage des CEF du 13 décembre 2018, «
à l’issue de
l’instruction de 27 propositions, 22 dossiers ont fait l’objet d’un avis favorable de la DPJJ (17
SAH et 5 SP) et d’une validation par le cabinet GDS le 16/04/2018. Un 23
ème
projet SAH a été
validé par la Garde des sceaux le 26 septembre 2018
». (cf. Annexe n° 2)
Le programme a évolué, le nombre total de CEF à créer ayant été porté à 22. Trois d’entre
eux ont vu le jour en 2022.
La Cour a procédé à l’analyse des marchés publics relatifs à la création des CEF de
Bergerac et Épernay. Aucune anomalie significative n’a été détectée.
Un document de communication a été publié à cette occasion, qui figure toujours sur le
site du ministère de la justice. Selon ce document, le but du programme est de
« renforcer l’offre
d’alternatives à l’incarcération, dans un contexte d’augmentation sensible du nombre de
mineurs détenus ».
Pour justifier ce choix, il est affirmé, à propos des CEF, que
« leur pertinence
en matière de prévention de la récidive a été soulignée par de nombreux rapports ».
Ces deux arguments interrogent au regard des constats dressés par la Cour.
S’agissant en premier lieu du besoin de places additionnelles, il est loin d’être avéré
compte tenu de la sous-occupation actuelle du réseau des CEF. L’écart est de 20 points entre la
cible que se fixe le ministère de la justice dans son RAP et la réalité. Il risque de surcroît de
s’accentuer, l’entrée en vigueur du nouveau CJPM se traduisant déjà par une baisse significative
du nombre de jeunes prévenus qui constituaient l’un des publics importants des CEF.
S’agissant en second lieu de la pertinence des CEF en tant qu’outil de prévention de la
récidive, l’enquête de la Cour des comptes a révélé que les défaillances du dispositif de suivi
60
Cet appartement situé dans l’enceinte du CEF mais indépendant permet l’accueil des familles des
mineurs le temps d’un week-end et de consolider ou de recréer ainsi les liens familiaux. Le dispositif existait
ponctuellement, comme à Sainte-Menehould, et se voit ainsi étendu.
LES CENTRES
EDUCATIFS FERMES
ET LES ETABLISSEMENTS PENITENTIAIRES POUR MINEURS
50
statistique du ministère de la justice et l’insuffisance des évaluations empêchent de disposer de
données fiables en la matière.
Interrogée par la Cour, la DPJJ n’a pas été en mesure d’identifier les rapports évoqués
dans le document de présentation du programme de création des nouveaux CEF. Elle a répondu
que
« les constats portés par la DPJJ sont une autoréférence à une circulaire de la DPJJ du 13
novembre 2008 ».
Cette circulaire affirmait que
« la mise en place des CEF a d’ores et déjà
permis d’obtenir des résultats très encourageants, plus de 61 % des mineurs passés en CEF ne
sont plus impliqués dans une affaire pénale dans l’année qui suit la fin de leur placement ».
Selon la DPJJ elle-même, «
la source de cette évaluation est incertaine, de sorte que le chiffre
peut légitimement appeler des réserves ».
Regrettable en soi, cette incertitude est d’autant plus préoccupante que c’est en
s’appuyant sur cette source « incertaine » que le ministère de la justice a pris la décision de
lancer un programme de création d’envergure. Alors que 51 CEF étaient en activité, le plan
prévoit d’en ouvrir 22 autres soit une augmentation de capacité de plus de 40 %.
L’insuffisante analyse des besoins est d’autant plus grave que la contribution des CEF
à la prévention de la récidive fait l’objet d’interrogations de longue date.
Dans leur rapport d’information de juillet 2011 sur les CEF et les EPM
61
, les sénateurs
Jean-Claude Peyronnet et François Pillet considéraient déjà qu’elle
« ne repose sur aucune
étude scientifique établie ».
Ils regrettaient l’insuffisante évaluation des CEF, soulignant
« un
manque de données objectives ».
L’absence de données fiables sur le devenir des jeunes qui
placées en CEF étaient également soulignée dans les articles spécialisés portant sur le sujet
62
.
La DPJJ a mené une enquête sur la réitération des mineurs placés en CEF entre 2003 et
2006, dont le principal enseignement est que plus la durée du séjour en CEF est longue, moins
le taux de réitération à la sortie est élevé. Cette étude ne démontre pas, en revanche, la
pertinence du dispositif CEF en tant qu’il conduirait à des niveaux de réitération inférieurs à
ceux de jeunes délinquants qui ne sont pas passés par les CEF. Elle indique que 44 % des
mineurs de l’échantillon retenu ont été condamnés à une peine de prison ferme après le séjour
en CEF.
Après le lancement du programme immobilier, d’autres analyses ont été menées. Une
autre étude de la DPJJ, portant sur les jeunes sortis de CEF en 2016 et 2017, corrobore ainsi la
précédente. Elle conclut que 31 % de ces jeunes ont été incarcérés au 31 décembre de l’année
2018 et 2019 respectivement, et que cette proportion varie selon la durée du placement, les
durées courtes aboutissant à des taux d’incarcération supérieurs aux durées longues. Mais pas
plus que la précédente, cette étude ne compare les parcours des jeunes qui ont été hébergés en
CEF avec ceux des autres jeunes délinquants.
Enfin, un travail récent de la DPJJ sur le profil des mineurs placés en CEF le 15 juin
2021 montre que, six mois après leur sortie, 86 % des jeunes n’ont pas commis de nouveau délit
ou crime et que 39 % des jeunes mettent en
œ
uvre le projet éducatif élaboré au CEF. Le délai
61
Rapport d’information n° 759 de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage
universel, du Règlement et d’administration générale,
L’enfermement des mineurs délinquants : évaluation des
centres éducatifs fermés et des établissements pénitentiaires pour mineurs
», présenté par MM. Jean-Claude
Peyronnet et François Pillet, sénateurs, juillet 2011.
62
Notamment :
« Centres éducatifs fermés : quels bilans »
, Jean-Luc Rougé, Journal du droit des jeunes,
n° 330, décembre 2013.
LES CENTRES
EDUCATIFS FERMES
ET LES ETABLISSEMENTS PENITENTIAIRES POUR MINEURS
51
de six mois étant trop bref pour que des enseignements complets puissent être tirés, cette étude
se poursuit.
Pour justifier la création de 20 CEF supplémentaires (nombre porté depuis à 22), le
document de communication qui accompagne l’annonce du 27 septembre 2018 met en avant
un troisième argument. Il indique que les CEF
« complètent un dispositif de placement
diversifié, composé de modalités d’hébergement variées ».
Les spécificités du CEF, qui le
distinguent des autres établissements de placement, sont clairement présentées, mais aucune
explication n’est fournie sur le choix d’investir dans cette catégorie d’établissements plutôt que
dans les autres.
La note de service adressée aux directeurs interrégionaux de la PJJ le 25 octobre 2017
indique seulement que
« cette évolution du dispositif CEF s’inscrit dans une démarche globale
d’amélioration de la prise en charge des mineurs afin de prévenir durablement la persistance
des comportements délinquants »
. Elle ajoute que
« le développement du programme des CEF
s’inscrit dans une recherche d’équilibre des équipements et de complémentarité »
.
En revanche, les alertes lancées en 2017 et 2018 par le CGLPL et la CNCDH quant aux
dysfonctionnements et limites des CEF paraissent ne pas avoir été prises en compte, pas plus
que les difficultés en termes de ressources humaines des structures qui conditionnent pourtant
leur bon fonctionnement. Les réserves d’acteurs clefs intervenant dans le champ de la
délinquance des mineurs ne semblent pas non plus avoir été prises en considération. Sans nier
l’intérêt des CEF, ils soulignent la pertinence d’une diversité de formules de placement et
regrettent le choix de réserver aux seuls CEF les investissements en faveur de places
d’hébergement supplémentaires.
Des positions critiques convergentes
Certains acteurs clefs de la prise en charge des mineurs délinquants ont exprimé des
réserves sur le lancement et le dimensionnement du plan de création de nouveaux CEF.
C’est le cas notamment de l’Association française des magistrats de la jeunesse et de la
famille (AFMJF), pour qui
« le placement en CEF intervient souvent en raison de l’absence de
places disponibles dans d’autres établissements de placement ».
L’association constate
« une
insuffisance des lieux de placement de la PJJ (UEHC, CER), sur tout le territoire ».
Elle
souligne l’importance
« de disposer d’une diversité de lieux de placement disponibles, pour
conserver au magistrat le choix de la structure et de l’accompagnement les plus adaptés »
63
.
Elle remarque que le risque d’incarcération en cas de non-respect du contrôle judiciaire n’existe
pas qu’en CEF, mais également dans d’autres structures, où la mesure de placement peut
également être associée à un contrôle judiciaire.
La CNAPE a également, dans le cadre des états généraux du placement organisés en
2021 et 2022, appelé à «
continuer à disposer d’une palette de réponses la plus large possible,
avec une offre diversifiée de placement (lieux de vie, familles d’accueil dans le champ pénal,
CER, CEF, etc.), et rappeler que toute demande d’admission doit être formulée parce qu’ayant
du sens pour le projet formulé pour le jeune
».
63
Suites de l’entretien du 12 décembre 2022 avec la présidente de l’AFMJF.
LES CENTRES
EDUCATIFS FERMES
ET LES ETABLISSEMENTS PENITENTIAIRES POUR MINEURS
52
Dans un rapport de 2021 intitulé
« Les droits fondamentaux des mineurs enfermés »
, le
CGLPL estime que
« les justifications à l’ouverture de vingt nouveaux CEF sont peu lisibles
au regard d’une part des données statistiques sur la délinquance des mineurs et d’autre part
de l’absence d’une évaluation sérieuse du dispositif malgré le constat partagé des nombreuses
difficultés rencontrées par les CEF »
. Il recommande en conséquence
« le report du projet de
création de vingt CEF supplémentaires dans l’attente d’une correction dûment évaluée des
fragilités du dispositif et en raison du caractère exceptionnel que doit conserver le placement
en CEF »
.
Le rapport d’information du Sénat de septembre 2022 sur la délinquance des mineurs
64
,
dans une sous-partie intitulée
« le succès inégal des centres éducatifs fermés »,
regrette
l’absence d’évaluation globale. Il constate que
« si certains centres permettent à la fois d’éviter
l’incarcération et de permettre la réinsertion, la concentration de moyens nécessaires à leur
bon fonctionnement s’avère de plus en plus difficile à réunir et s’effectue au détriment d’autres
formes de prises en charge »
. Il conclut à la nécessité d’un
« arrêt de la création de nouveaux
centres »
et adresse la recommandation suivante au ministère de la justice :
« réorienter les
moyens destinés à la création de nouveaux centres éducatifs fermés vers le financement de la
mise en
œ
uvre des mesures existantes ».
Enfin, le nombre des CEF supplémentaires à construire lui-même ne semble pas non
plus avoir reposé sur une analyse étayée des besoins. En effet, si le document du 6 juin 2017
avance le chiffre de 20, une autre version de la
« feuille de route »
, datée du 28 juin 2017
65
,
propose de créer 50 nouveaux CEF, en limitant la capacité d’accueil de chacun à 8 places. Cette
hypothèse n’a pas été retenue. Mais le flou qui a présidé à la définition initiale de l’objectif est
significatif d’une absence d’analyse préalable des besoins à couvrir.
3.1.3
Réaliser une évaluation de l’existant, au plus près des besoins locaux avant
tout nouveau projet de CEF
Un plan d’envergure a été lancé pour augmenter les capacités des CEF alors que celles
des structures existantes sont loin d’être saturées et que les raisons de cette situation n’ont pas
été expertisées. Or le contexte de 2023 n’est plus celui de 2018. L’annonce de la création de 20
nouveaux CEF était une réponse à une augmentation du nombre de détenus mineurs. Mais cette
statistique, depuis l’entrée en vigueur du CJPM, évolue à la baisse.
À ce changement de contexte s’ajoutent des incertitudes graves sur la pertinence même
du choix fait de privilégier les CEF en tant qu’outil de prise en charge des mineurs délinquants.
L’enquête de la Cour des comptes a mis en évidence la faiblesse des études portant sur leur
efficacité, la pénurie de main d’
œ
uvre qualifiée pour les encadrer et les problèmes récurrents
rencontrés dans leur fonctionnement.
64
Rapport n° 885 présenté par Mme Céline Boulay-Espéronnier, M. Bernard Fialaire, Mmes Laurence
Harribey et Muriel Jourda, au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication et de la
commission des lois constitutionnelles, de la législation du suffrage universel et du Règlement et d’administration
générale, septembre 2022.
65
Le statut de cette autre version n’est pas clair non plus.
LES CENTRES
EDUCATIFS FERMES
ET LES ETABLISSEMENTS PENITENTIAIRES POUR MINEURS
53
Ces constats et l’évolution du contexte lié à l’entrée en vigueur du CJPM justifient
qu’une pause soit observée dans la conduite du programme de création de nouveaux CEF.
Sur l’ensemble de la programmation envisagée, dix projets de nouveaux CEF n’ont pas
encore donné lieu à acquisition de terrain ou obtention des autorisations administratives à la
date du contrôle. Il ne s’agit ni d’interrompre les douze projets en cours ou ayant donné lieu à
une ouverture, ni de remettre en cause l’opportunité des CEF, mais de prendre le temps de
procéder à une évaluation, tant globale qu’établissement par établissement, et de mesurer plus
finement qu’aujourd’hui, en volume et géographiquement, les besoins de nouveaux CEF.
Il s’agirait également d’expertiser les raisons de l’écart conséquent entre le taux de
prescription de placement en CEF par les magistrats et leur taux d’occupation. Une telle remise
à plat permettrait aussi de remettre à jour les schémas d’organisation du placement judiciaire
afin d’en rappeler les différentes composantes, y compris hors CEF, qui contribuent à mettre à
la disposition des tribunaux pour enfants une palette diversifiée de solutions pour les jeunes
délinquants, et de faciliter l’orientation des jeunes par les magistrats.
Cette période d’évaluation et d’étude serait également mise à profit pour tirer les
conséquences de l’évolution des durées de placement en CEF résultant de l’application des
dispositions nouvelles du code de la justice pénale des mineurs. Celles-ci ont en effet conduit à
une forte progression du nombre de mineurs placés pendant une période de quelques mois au
maximum, dans l’attente de l’audience sur la culpabilité ou de l’audience unique, qui doivent
se tenir dans un délai de trois mois. Si le placement peut être prolongé à l’issue de ces audiences,
l’incertitude sur leur issue produit en tout état de cause une difficulté pour le mineur à s’inscrire
dans un projet. Or, le projet CEF a été conçu autour de plusieurs modules qui se succèdent sur
une durée de six mois. La CNAPE relevait ainsi que «
la nouvelle temporalité du procès pénal
se heurte à celle du travail éducatif. Ce dernier s’inscrit par essence dans un temps plus long,
de quatre à six mois en moyenne
» et notait des difficultés dans l’exercice des missions des
CEF, la prise en charge d’un jeune sur un temps court s’apparentant davantage à de l’accueil
d’urgence et ne permettant pas la conduite d’un projet global. Il est nécessaire que la DPJJ
s’empare de ce sujet et puisse fournir des orientations sur le travail éducatif à réaliser auprès de
ces mineurs au regard de la nouvelle temporalité du placement. Si un mineur doit être placé
avant son audience de culpabilité ou son audience unique, elle pourrait aussi privilégier d’autres
lieux de placement de la PJJ, voire recréer des centres de placement immédiat.
Le ministère de la justice n’est pas favorable à l’orientation proposée par la Cour, qui
contreviendrait à un plan d’action présenté par le garde des sceaux le 5 janvier 2023 dans le
cadre des états généraux de la justice. En effet, selon lui,
« les CEF « nouvelle génération »
apportent une réelle plus-value éducative au dispositif de placement »
et ils
« n’entrent pas en
concurrence avec les autres établissements de placement ».
Sans méconnaître ces éléments, la Cour estime néanmoins que le lancement de projets
nouveaux de CEF devrait être conditionnée à une analyse précise du besoin associant les acteurs
locaux, à un diagnostic complet sur l’offre existante et à la prise en compte des effets du cadre
nouveau que constitue le code de la justice pénale des mineurs.
Recommandation n° 7.
(DPJJ) Avant de lancer des projets nouveaux de CEF, établir les
besoins à satisfaire, en se fondant sur une évaluation de l’offre existante et la réalisation
LES CENTRES
EDUCATIFS FERMES
ET LES ETABLISSEMENTS PENITENTIAIRES POUR MINEURS
54
de schémas régionaux tenant compte des autres dispositifs de placement de la PJJ et
intégrant les conséquences de la réforme de la justice pénale des mineurs
3.2
Des différences significatives de prise en charge dans les établissements
pénitentiaires pour mineurs et les quartiers pour mineurs
Conséquence de l’arrêt de la création des EPM après la première vague ouverte en 2007
et 2008, coexistent aujourd’hui deux dispositifs d’incarcération des mineurs : les QM, d’une
part, les EPM, d’autre part. Ces structures offrent une qualité de prise en charge très différente,
alors même que rien n’indique que les profils des mineurs qui y sont incarcérés sont différents.
Cette situation, ainsi que les importants moyens consacrés aux EPM, appellent des
rééquilibrages.
3.2.1
La superposition de deux logiques historiques
Historiquement, les EPM avaient vocation à remplacer les QM, afin que les mineurs
détenus soient accueillis non plus dans l’enceinte de prisons pour adultes, mais dans des
établissements spécialisés où ils bénéficieraient d’un encadrement éducatif renforcé, ainsi que
d’un accès aux activités socio-éducatives, culturelles, sportives et aux soins. Le rapport annexé
à la loi « Perben 1 » indiquait ainsi : «
L’objectif, à terme, est de favoriser au maximum la
suppression des quartiers de mineurs au profit de ces nouveaux établissements spécialisés
».
Cette orientation permettait de respecter la convention internationale des droits de l’enfant du
20 novembre 1989, qui prévoit une séparation, parmi les personnes détenues, entre les majeurs
et les mineurs
66
.
Dans les faits, la dynamique de création de ces établissements d’un nouveau type s’est
interrompue dès la fin 2008. Le coût d’investissement et de fonctionnement des EPM a agi
comme un frein. Mais c’est surtout la question du maillage territorial qui explique cet arrêt. Les
EPM, dont la capacité d’accueil est en moyenne cinq ou six fois supérieure à celle des QM, ne
permettent pas en effet le même degré de proximité avec les familles et les éducateurs du milieu
ouvert. Le choix s’est donc imposé, plutôt que de continuer à construire des établissements
spécifiques, d’assurer une étanchéité des quartiers pour mineurs au sein des établissements
pénitentiaires généralistes.
Deux logiques historiques se superposent ainsi.
Les QM, au nombre de 45, sont de petites unités, occupées en moyenne par huit jeunes,
insérées dans des établissements qui comptent plusieurs centaines de détenus majeurs. Bien
qu’hébergés dans un même établissement pénitentiaire, les adultes et les jeunes sont séparés :
leurs cellules occupent des ailes distinctes et les mouvements de détenus cherchent à préserver
l’étanchéité des deux populations, sans toutefois parfaitement y parvenir. Mais le contexte
demeure celui de l’univers carcéral classique. L’administration pénitentiaire est omniprésente.
66
Article 37 alinéa c) :
« Tout enfant privé de liberté sera séparé des adultes, à moins que l‘on estime
préférable de ne pas le faire, dans l’intérêt supérieur de l’enfant. »
LES CENTRES
EDUCATIFS FERMES
ET LES ETABLISSEMENTS PENITENTIAIRES POUR MINEURS
55
Les éducateurs de la PJJ et les professeurs de l’éducation nationale occupent,
institutionnellement et numériquement, une place marginale. Les éducateurs de la PJJ
appartiennent à un service de milieu ouvert qui les affecte en QM.
Chacun des six EPM créés en 2007 et 2008 est un petit établissement pénitentiaire
autonome de 60 places au maximum, où ne sont incarcérés que des mineurs. La PJJ y est
massivement présente, aux côtés de l’administration pénitentiaire, avec laquelle elle doit
travailler en « binôme ». Ainsi la directrice ou le directeur de l’établissement, qui appartient à
l’administration pénitentiaire, doit travailler avec le directeur ou la directrice du service éducatif
de l’EPM, qui relève de la PJJ et exerce une responsabilité étendue. La coopération effective
entre les équipes de l’administration pénitentiaire et de la PJJ, complémentaires mais éloignées
en termes de sociologie professionnelle, nécessite une vigilance constante de part et d’autre.
Aux côtés de ces deux équipes, la composante enseignement et la composante santé, aux
effectifs beaucoup plus modestes, contribuent à assurer la nécessaire pluridisciplinarité des
prises en charge.
3.2.2
Des différences de moyens humains non justifiées par des différences de
situation entre les mineurs
3.2.2.1
Des différences de moyens humains et de prise en charge
La circulaire du 24 mai 2013 relative au régime de détention des mineurs prévoit des
dispositions s’appliquant indifféremment aux mineurs détenus en EPM et en QM. Son
élaboration avait pour objet de limiter les disparités et d’homogénéiser les prises en charge des
mineurs en EPM et en QM
67
. À propos de la prise en charge individuelle, elle rappelle que
«
l’AP et la PJJ, en lien avec les services de l’éducation nationale et de la santé, sont garants
des moyens donnés au mineur pour que l’incarcération prenne sens pour lui. Le service éducatif
de la PJJ est garant de l’élaboration et de la mise en
œ
uvre d’un projet de sortie prenant en
compte les propositions de l’équipe pluridisciplinaire
». L’enseignement et la formation
doivent représenter la part la plus importante de l’emploi du temps, et l’accès des mineurs à
cette instruction et formation requiert l’engagement de l’ensemble des personnels concernés,
qu’ils appartiennent à l’administration pénitentiaire, à la PJJ ou à l’éducation nationale. Les
activités d’enseignement ne peuvent pas être inférieures à 12 heures et doivent atteindre de
préférence 20 heures. La PJJ met en
œ
uvre au profit des mineurs des activités socio-éducatives.
Pour autant, les moyens, notamment humains consacrés aux EPM, d’une part, et aux
QM, d’autre part, sont très éloignés lorsqu’on les rapporte au nombre de mineurs détenus. Cette
disparité peut expliquer des temps d’activité en dehors des cellules très différents.
Les EPM ont en effet été dotés dès leur ouverture de moyens importants. 117 personnels
du ministère de la justice sont prévus dans chaque établissement. L’effectif prévu pour
l’administration pénitentiaire est de 72 ETP, dont 67 personnels de surveillance et deux
personnels de direction. Le service éducatif de la PJJ dispose, quant à lui, d’une allocation de
67
Cf. Rapport de l’enquête conjointe DAP/DPJJ sur les mineurs détenus au 1
er
juin 2015.
LES CENTRES
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ET LES ETABLISSEMENTS PENITENTIAIRES POUR MINEURS
56
45 ETP, dont 36 éducateurs, trois responsables d’unité éducative et un psychologue. À la
rentrée 2021, les EPM comptaient, en outre, 8 ETP d’enseignants en moyenne. Enfin, en 2020,
ils disposaient en moyenne de 2,43 ETP pour les soins somatiques et de 2,1 ETP pour les soins
psychiatriques
68
.
Il résulte de ces données un taux d’encadrement des mineurs sensiblement plus élevé en
EPM qu’en QM.
En ce qui concerne le personnel de surveillance, le nombre de personnels de surveillance
en exercice par mineur détenu est près de 4,7 fois supérieur en EPM à ce qu’il est dans
les grands QM, la différence étant moindre avec les petits QM
69
. Ce ratio s’explique notamment
par l’organisation des EPM en petites unités de vie d’une dizaine de mineurs.
La formation d’adaptation à l’emploi offerte aux surveillants prenant des fonctions
auprès des mineurs est également différente. En QM, ils suivent une formation de dix jours, qui
s’adresse uniquement au personnel pénitentiaire. En EPM, la formation est de 15 jours ;
destinée à un public mixte administration pénitentiaire/PJJ, elle comprend notamment cinq
jours de stage en immersion.
En ce qui concerne les éducateurs de la PJJ, la différence de dotation théorique est
également très importante : les ratios sont de cinq mineurs détenus pour un éducateur en QM,
contre 1,7 mineurs détenus pour un éducateur en EPM
70
. Cette différence s’explique en partie
par l’amplitude horaire de l’intervention des éducateurs en EPM, et, comme dans le cas des
surveillants pénitentiaires, par la configuration des EPM en unités d’hébergement. Les écarts
se confirment en pratique, avec 1,2 mineur par éducateur en EPM contre 3,9 en moyenne dans
les QM.
Graphique n° 3 : Nombre de mineurs par éducateur en EPM et en QM
68
Pour les soins psychiatriques : moyenne calculée hors EPM de Meyzieu (données non connues).
69
Rapport relatif à la prise en charge des mineurs détenus réalisé par la DAP et la DPJJ, 2022.
70
Ibidem.
LES CENTRES
EDUCATIFS FERMES
ET LES ETABLISSEMENTS PENITENTIAIRES POUR MINEURS
57
Source : Rapport relatif à la prise en charge des mineurs détenus réalisé par la DAP et la DPJJ, 2022.
Tous les EPM disposent en outre d’une présence continue des psychologues de la PJJ,
tandis que cette intervention n’est assurée que dans un tiers des QM, souvent sur une
demi-journée dans les QM de petite et moyenne capacité.
Les éducateurs intervenant en QM sont par ailleurs des éducateurs relevant des services
de milieu ouvert, affectés à temps complet ou partiel sur les QM. Alors que les services
éducatifs en EPM disposent de trois responsables d’unité éducative, la DPJJ ne prévoit pas
d’ETP de responsable d’unité éducative (RUE) pour assurer l’encadrement des éducateurs en
QM, sauf dans quelques gros QM. L’encadrement est ainsi pris en charge par les RUE des
services de milieu ouvert, dont l’implication est disparate selon les territoires.
Les activités offertes par la PJJ sont, logiquement, plus importantes en EPM qu’en QM :
ainsi en 2018, le temps hebdomadaire moyen de prise en charge des mineurs par la PJJ était de
11,5 heures en EPM alors qu’il était de 9,6 heures en QM
71
.
Des différences sont observées également dans les activités d’enseignement. La
convention entre le ministère de la justice et le ministère de l’éducation nationale et de la
jeunesse du 15 octobre 2019 officialise une différence entre les deux situations, contrairement
à la circulaire du 24 mai 2013, en prévoyant que «
les temps hebdomadaires de scolarisation
ont vocation à atteindre 12 heures en quartier mineurs et 20 heures en établissements
pénitentiaires pour mineurs
». Si le temps de scolarisation n’atteint dans aucune des structures
les 20 heures hebdomadaires prévues, il était proche de douze heures par semaine en EPM et
de sept heures en QM en moyenne pendant l’année 2019-2020
72
.
L’année scolaire, par ailleurs, s’organise sur la base de 40 semaines en EPM ; elle est
comprise entre 36 et 40 semaines en QM, selon le volontariat des équipes. En outre, les EPM
comptent tous dans leurs effectifs un psychologue de l’éducation nationale, alors que cette
catégorie de personnel est quasiment absente des QM. L’offre de formation adressée aux
mineurs est davantage diversifiée dans les établissements spécialisés, où les relations sont
régulières entre les enseignants et les éducateurs. Enfin, chaque EPM compte un proviseur
adjoint de l’unité pédagogique régionale, cadre de l’éducation nationale, qui assure les
fonctions de directeur des enseignements et à ce titre a notamment pour mission d’encadrer les
enseignants du site.
Au total, la qualité de la prise en charge éducative des mineurs est ainsi plus élevée en
EPM qu’en QM, avec notamment des activités d’enseignement, socio-éducatives et sportives
plus soutenues en EPM et des temps collectifs plus nombreux.
71
Mission thématique sur l’orientation et la prise en charge des mineurs dans les lieux de détention,
Inspection générale de la justice, octobre 2019.
72
Compte rendu du regroupement des chefs d’établissement des lieux de détention pour mineurs, 23 juin
2022.
LES CENTRES
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58
3.2.2.2
Des mineurs aux profils similaires
La circulaire du 24 mai 2013 relative au régime de détention des mineurs énonce certains
principes s’agissant de l’orientation des mineurs, prévenus ou condamnés (cf. § 2.3.1
supra).
Mais en pratique, ainsi que le relevait la mission sur l’orientation et la prise en charge des
mineurs dans les lieux de détention réalisée par l’IGJ en 2019, «
la répartition est le plus
souvent empirique en fonction de l’implantation géographique des EPM
[proximité avec le lieu
de vie habituel et avec la juridiction en charge du dossier]
et de l’effectif des mineurs détenus
dans chaque établissement
»
73
.
Les données disponibles ne suggèrent pas que les mineurs incarcérés dans l’une ou
l’autre des structures présentent des profils significativement différents. Les durées moyennes
d’incarcération observées depuis 2017, d’environ trois mois (2,6 en 2022), sont similaires. En
outre, si l’on comptait le 1
er
janvier 2020 une proportion plus importante de mineurs de 13-16
ans en EPM (14 % contre 8 % en QM), cette proportion était, le 1
er
janvier 2022, quasiment
identique (10 % en EPM contre 9 % en QM, 41 % des mineurs étant détenus en EPM)
74
. Les
mineurs détenus en EPM sont un peu plus concernés par les infractions relatives aux stupéfiants,
tandis que les mineurs détenus en QM sont davantage concernés par des infractions relatives
aux vols. D’autre part, alors que les QM accueillaient jusque-là une part plus importante de
mineurs condamnés que les EPM, la proportion s’établit pour les deux structures à 35 % le
1
er
janvier 2022, parallèlement à la diminution du nombre de mineurs prévenus. Reste que 61 %
des condamnés demeurent, à cette date, détenus en QM
75
.
73
Mission thématique sur l’orientation et la prise en charge des mineurs dans les lieux de détention, op.
cit.
74
Au 1
er
janvier 2022, au total, 91 % de mineurs détenus sont âgés d’au moins 16 ans. La détention de
mineurs de moins de 13 ans n’est pas possible.
75
A la même date, deux mineurs détenus sur trois sont prévenus (65 %).
LES CENTRES
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59
Tableau n° 14 :
Durée moyenne d’incarcération (en mois)
2017
2018
2019
2020
2021
2022
EPM Lavaur
2,2
2,4
2,9
2,8
2,9
2,1
EPM Marseille
3,2
3,6
3,7
3,1
3,2
2,3
EPM Orvault
2,2
2,4
2,5
2,7
2,1
2,6
EPM Porcheville
3
3
3,3
3,9
3,5
2,7
EPM Quiévrechain
2,2
2,2
2,2
2,6
2,7
2,8
EPM Meyzieu
2,2
2,7
2,7
3,1
2,6
2,5
QM
2,8
3
3
3
3
2,6
France entière
2,7
2,9
3
3
3
2,6
Source : DAP
Le ministère de la justice ne dispose pas de données à jour sur la part des mineurs primo-
incarcérés, ceux incarcérés dans le cadre d’une procédure criminelle ou encore ceux suivis
antérieurement par la PJJ, qui pourraient éventuellement permettre de distinguer les mineurs
incarcérés en EPM de ceux détenus en QM.
En revanche, on peut noter une particularité en ce qui concerne les jeunes filles, qui ne
représentent qu’une minorité des mineurs détenus (4 % au 1
er
janvier 2022). Elles sont
majoritairement incarcérées en QM, dans une proportion plus importante que celle des garçons :
le 1
er
janvier 2022, elles représentaient 2,9 % des détenus en EPM, contre 4,5 % en QM. Ce
constat s’explique notamment par le fait que seuls trois EPM sur les six existants sont ouverts
à l’accueil des filles (Lavaur, Quiévrechain et Meyzieu).
3.2.3
Privilégier l’orientation des mineurs détenus vers les EPM
Alors que les EPM avaient connu une forte augmentation de leur taux d’occupation en
2018 et 2019, conduisant dans certains cas à une saturation ou quasi-saturation, parallèlement
à l’augmentation du nombre total de mineurs détenus, la baisse du nombre de mineurs
incarcérés depuis l’automne 2021 a conduit à une diminution des taux d’occupation.
Tableau n° 15 : Capacité et taux d’occupation des EPM
Capacité
maximale
Taux d'occupation au 1
er
septembre 2022
Taux d'occupation au 1
er
décembre 2022
EPM Quiévrechain
59
67,8%
62,7%
LES CENTRES
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60
Capacité
maximale
Taux d'occupation au 1
er
septembre 2022
Taux d'occupation au 1
er
décembre 2022
EPM Meyzieu
59
69,5%
57,6%
EPM Marseille
59
69,5%
54,2%
EPM Porcheville
54
70,4%
75,9%
EPM Orvault
55
65,5%
56,4%
EPM Lavaur
58
67,2%
77,6%
Source : DAP
Sur le territoire d’Aix-Marseille fin 2022, alors que le quartier pour mineurs proche,
situé à Aix-Luynes, connait un taux d’occupation important (84,6 % au 1
er
décembre 2022),
justifiant de fréquentes et lourdes opérations de transfèrement, l’EPM de Marseille-La
Valentine est à moitié vide.
Compte tenu des moyens importants qui leur sont consacrés, qui permettent notamment
une offre d’activités plus importante au bénéfice des mineurs qui y sont incarcérés, il apparaît
nécessaire d’optimiser l’occupation des EPM. L’objectif, conformément aux instructions
ministérielles, doit être d’y orienter une part plus importante des mineurs incarcérés, et
notamment les plus jeunes et les primo-incarcérés, davantage sensibles au « choc de
l’incarcération », ainsi que ceux dont la durée d’incarcération est susceptible d’être la plus
longue. Cette orientation doit être combinée avec une limitation de l’éloignement des mineurs
de leur lieu de vie et du service de milieu ouvert assurant leur suivi, les contraintes liées aux
exigences judiciaires (besoin de proximité de la juridiction pour faciliter les extractions par
exemple) et des contraintes disciplinaires.
Elle pourrait s’appuyer sur la mise en place de schémas territoriaux, dont l’exemple de
l’interrégion de Provence-Alpes-Côte d’Azur-Corse montre qu’une mise à jour régulière est
toutefois nécessaire
76
. La mission d’inspection de l’IGJ de 2019 estimait à cet égard que :
«
Cette bonne pratique mérite néanmoins d’être étendue à l’initiative des administrations
centrales afin de définir des critères d’orientation des mineurs détenus au plus près des besoins
des juridictions
». Elle faisait de ce constat une recommandation. Une autre piste, suggérée par
le ministère de la justice, consisterait à élaborer un outil partagé d’orientation et de suivi des
mineurs incarcérés.
76
Datant de 2016, le « schéma territorial » nécessite une réécriture, que la DIRPJJ à entreprise, en
concertation avec les autres acteurs.
LES CENTRES
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61
Recommandation n° 8.
(DAP, DPJJ, DACG) Élaborer un plan d’action, afin de
privilégier l’orientation des mineurs détenus vers les EPM.
3.2.4
Rééquilibrer les moyens humains de la PJJ entre EPM et QM
La différence d’allocation des moyens en éducateurs en EPM et en QM ne paraît pas
justifiée dans la proportion aujourd’hui observée, alors que, dans les deux cas, le principe est
celui de l’intervention continue de la protection judiciaire de la jeunesse.
Dans le territoire de l’interrégion Sud-Est, le directeur interrégional de la PJJ, dans une
note à l’administration centrale, constatait une insuffisance des moyens humains affectés en
QM. Rappelant la sous-occupation de l’EPM de Marseille, il estimait utile de mesurer la
plus-value éducative engendrée par l’encadrement en EPM d’un éducateur pour deux mineurs
en journée. Il proposait de réaffecter un poste de responsable d’unité éducative et six ETP
d’éducateur de l’EPM au profit des QM (et d’un gain d’ETP).
D’ores et déjà, des éducateurs de l’EPM ont pu ponctuellement et sur la base du
volontariat être missionnés en « renfort » dans des QM. De façon plus générale, le rapport relatif
à la prise en charge des mineurs détenus produit par l’AP et la PJJ indiquait que «
de
nombreuses directions interrégionales de la PJJ considèrent que les moyens alloués aux
services éducatifs en EPM doivent être réévalués
»
77
. Il constatait que dans les QM, notamment
les plus petits, la PJJ est confrontée à des difficultés en ressources humaines (touchant tant les
responsables d’unité éducative que les éducateurs) pour garantir la qualité de la prise en charge.
Aussi semble-t-il nécessaire de redéployer une partie des importants moyens humains
de la PJJ affectés en EPM au profit des QM, avec pour objectif de rapprocher
l’accompagnement des mineurs détenus dans l’un ou l’autre des types d’établissement. Ce
redéploiement pourrait en outre permettre d’envisager, dans les QM les plus importants, de
créer des postes de responsables d’unité éducative consacrés à la détention, ce qui n’est
aujourd’hui le cas qu’à Fleury-Mérogis et à Villepinte. Cette recommandation rejoint celle
formulée par des sénateurs en 2018, qui proposaient de remplacer à terme les QM par de
nouveaux EPM ou «
à tout le moins
», de «
rapproch[er] les conditions détention en QM de
celles observées en EPM
» en renforçant les effectifs en charge de l’encadrement des détenus
78
.
En tout état de cause, l’option de la création de nouveaux EPM semble devoir être écartée,
compte tenu de l’évolution de la démographie des mineurs incarcérés et au regard de leur coût
tant en investissement qu’en fonctionnement.
77
Rapport relatif à la prise en charge des mineurs détenus, administration pénitentiaire / protection
judiciaire de la jeunesse, 2023.
78
La réinsertion des mineurs enfermés,
rapport d’information présenté par Mme Catherine Troendlé et
M. Michel Amiel, sénateurs, septembre 2018.
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62
Recommandation n° 9.
(DPJJ, DAP) Mieux répartir les effectifs de la PJJ en milieu
pénitentiaire, en redéployant des ETP des EPM vers les QM.
______________________ CONCLUSION INTERMÉDIAIRE ______________________
Certains choix stratégiques doivent être mieux fondés. L’extension des capacités
d’accueil des CEF est trop rapide et peu justifiée par une évaluation des avantages attendus.
Par ailleurs la différence de prise en charge entre les EPM et les QM apparaît excessive.
Une pause doit être envisagée dans la création de nouveaux CEF, afin de préciser les
besoins et de consolider les autres dispositifs d’accueil au pénal de la PJJ. En effet, les places
de CEF sont actuellement sous-occupées, et le plan de création de 22 nouveaux CEF a été
engagé sans qu’une analyse des besoins ait été réalisée. Par ailleurs, les difficultés liées aux
ressources humaines, de même que les dysfonctionnements affectant certains centres,
nécessitent un examen approfondi pour y remédier. Cette pause permettrait de procéder à une
évaluation, tant globale qu’établissement par établissement, et de mesurer plus finement
qu’aujourd’hui les besoins de nouveaux CEF. Elle s’impose d’autant plus que l’entrée en
vigueur du nouveau code de la justice pénale des mineurs modifie le contexte d’intervention
des CEF en limitant le nombre de jeunes prévenus qui y sont affectés et en réduisant les durées
de prise en charge.
Les importantes différences de moyens et de qualité de prise en charge en EPM et en
QM appellent par ailleurs à des évolutions. Alors que les EPM avaient vocation à remplacer
les QM, la dynamique de création de ces nouveaux établissements spécialisés a été stoppée
après la construction des premiers EPM annoncés, de sorte que se superposent aujourd’hui
deux logiques historiques. Or les moyens importants dont ont été dotés les EPM, dès l’origine,
conduisent logiquement à des niveaux de prise en charge très inégaux, pour des mineurs dont
rien n’indique qu’ils présentent des profils différents. Il paraît dès lors nécessaire de privilégier
l’orientation des mineurs détenus vers les EPM, afin qu’ils bénéficient de la prise en charge
éducative renforcée que ces établissements offrent. Par ailleurs, l’importante dotation des EPM
autorise le redéploiement d’une partie des moyens humains de la DPJJ vers les QM, afin de
réduire les différences de prise en charge.
LES CENTRES
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63
ANNEXES
Annexe n° 1.
Liste des sigles employés
..................................................................
64
Annexe n° 2.
Aspects financiers de la construction de nouveaux CEF publics
......
66
Annexe n° 3.
Carte des établissements pénitentiaires pour mineurs
.......................
67
Annexe n° 4.
Carte des centres éducatifs fermés et du programme de création
de nouveaux CEF
.......................................................................................
68
Annexe n° 5.
Dispositif de contractualisation avec le secteur associatif
................
69
LES CENTRES
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64
Annexe n° 1. Liste des sigles employés
AFMJF : association française des magistrats de la jeunesse et de la famille
ARS : agence régionale de santé
CEF : centre éducatif fermé
CER : centre éducatif renforcé
CGLPL : Contrôleur général des lieux de privation de liberté
CJPM : code de la justice pénale des mineurs
CMPP : centre médico-psycho-pédagogique
CNAPE : Convention nationale des associations de protection de l’enfant
CPOM : contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens
CSAPA : centre de soin, d'accompagnement et de prévention en addictologie
DAP : direction de l’administration pénitentiaire
DGESCO : direction générale de l’enseignement scolaire
DIRPJJ : direction interrégionale de la protection judiciaire de la jeunesse
DPJJ : direction de la protection judiciaire de la jeunesse
DPU : document de programmation unique
EHPAD : établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes
ENPJJ : École nationale de la protection judiciaire de la jeunesse
EPE : établissement de placement éducatif
EPEI : établissement de placement éducatif et d’insertion
EPM : établissement pénitentiaire pour mineurs
ESSMS : établissements et services sociaux et médico-sociaux
ETP : équivalent temps plein
ETPT : équivalent temps plein travaillé
GDS : garde des sceaux
HSE : heure supplémentaire effective
IEN ASH : inspecteur de l’éducation nationale chargé de l'adaptation scolaire et de la
scolarisation des élèves handicapés
IGJ : Inspection générale de la justice
MBO : mesure de bon ordre
MIG : mission d’intérêt général
PAP : projet annuel de performances
PJJ : protection judiciaire de la jeunesse
PTF : pôles territoriaux de formation
LES CENTRES
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65
PTN : plan de transformation numérique
QM : quartier pour mineurs
RAP : rapport annuel de performances
RIFSEEP : régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de
l'expertise et de l'engagement professionnel
RUE : responsable d’unité éducative
SAH : secteur associatif habilité
SDSE : sous-direction de la statistique et des études
SEAT : service éducatif auprès du tribunal
UCSA : unité de consultations et de soins ambulatoires
UEHC : unité éducative d’hébergement collectif
UPR : unité pédagogique régionale
USMP : unité sanitaire en milieu pénitentiaire
VAE : validation des acquis de l’expérience
LES CENTRES
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66
Annexe n° 2. Aspects financiers de la création de nouveaux CEF publics
La loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques
2018-2022 comprenait une mesure nouvelle consacrée à l’ouverture de cinq nouveaux centres
éducatifs fermés
79
(CEF) relevant du secteur public de la DPJJ, auxquels s’ajoute un programme
de 15 nouveaux CEF relevant du secteur associatif habilité.
Les crédits correspondants à la réalisation des opérations du secteur public ont été
ouverts à hauteur de 22,5 M
€
(13,5 M
€
en AE en LFI 2019 et 9 M
€
en AE en LFI 2020), en
vue de l’acquisition foncière et la construction neuve de ces CEF, soit un coût estimé
initialement à 4,5 M
€
par CEF, qui serait toutefois passé à 6 M
€
en janvier 2023. La
programmation se présentait initialement comme suit, le reliquat des CP étant exécutés sur le
quinquennal suivant :
Tableau n° 16 : Financements de la LPFP dévolus à la création des CEF publics
LPFP
2018
2019
2020
2021
2022
Total
AE
0
13,5
9
0
0
22,5
CP
0
1,8
4,3
4,8
4,2
15,1
Source : DPJJ
La DPJJ indique que la recherche d’emprises foncières constitue une contrainte forte
nécessitant la réactualisation de la trajectoire budgétaire chaque année. Ainsi, la ressource
ouverte en LFI 2019 et 2020 a en partie été réaffectée, au sein du BOP immobilier, à d’autres
opérations de réhabilitation, de gros entretien et de rénovation du patrimoine immobilier de la
DPJJ.
Le SAH portera l’essentiel du programme avec 15 CEF dont celui déjà livré de Saint-
Nazaire. Les DIRPJJ organisent des appels à projets pour sélectionner les associations habilitées
susceptibles de porter les projets de nouveaux CEF. La sélection opérée tient compte du respect
du programme cadre immobilier et de la capacité de l’association à mettre en
œ
uvre une
opération de cette nature. Si l’instruction du dossier dans ses diverses étapes se fait par la
DIRPJJ, l’appui du bureau de l’immobilier de la DPJJ est requis aux phases d’études, d’esquisse
et d’avant-projet. Un coût final estimé est produit par l’association qui s’engage en qualité de
maître d’ouvrage et constitue le point d’attention financier pour l’ensemble de l’opération.
79
CEF de Bergerac, de Rochefort, de Lure et de Saint-Omer, ainsi qu’un CEF envisagé dans le
département de l’Hérault ou du Tarn-et-Garonne.
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67
Annexe n° 3. Carte des établissements pénitentiaires pour mineurs
L’EPM de Chauconin-Neufmontiers n’a initialement pas ouvert, le bâtiment accueillant
un « quartier nouveau concept » au sein du centre pénitentiaire. Il est toutefois de nouveau
prévu qu’il accueille des mineurs.
Source/note : APIJ -
13.plaquette.apij_epm.web.pdf (justice.fr)
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68
Annexe n° 4. Carte des centres éducatifs fermés
et du programme de création de nouveaux CEF
La carte ci-dessous présente la carte des CEF ainsi que le programme de nouveaux CEF
actualité en septembre 2020. Il a légèrement évolué, l’objectif étant désormais l’ouverture de
22 CEF, dont l’un situé à Mayotte, et certaines implantations ayant évolué.
Trois des CEF prévus ont ouvert en 2022, à Épernay, Bergerac et Saint-Nazaire.
Source : ministère de la justice.
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69
Annexe n° 5. Dispositif de contractualisation avec le secteur associatif
Selon le décret, la mise en
œ
uvre de la tarification doit permettre «
d’introduire une
articulation spécifique entre le financement des charges de fonctionnement de l’établissement
et le niveau de l’activité prise en charge
».
Le décret relatif à la tarification instaure un tableau de bord composé de 13 indicateurs,
qui sont fondés sur les résultats de l’année antérieure, analysés à partir de la médiane et du
résultat moyen
80
. La mise en
œ
uvre effective s’est faite à partir de l’exercice 2015. Pour l’année
2021, compte tenu de la crise sanitaire, les indicateurs de l’année 2020 ont été reconduits.
Afin de garantir un financement pluriannuel à certains CEF associatifs, et pour
mutualiser les coûts au sein des dispositifs portés par les associations tête de réseau, la DPJJ
expérimente depuis 2018 la mise en place de contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens
(CPOM). Les éléments de mutualisation peuvent porter sur les personnels, mais aussi sur les
fonctions support, de façon à développer davantage l’intervention de l’association auprès de
son public et à lisser les dépenses d’investissement. Ce type de contrats, créé par la loi du 2
janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale, constitue la principale modalité de
financement des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS), que sont les
CEF, ou des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD).
La situation des établissements de la protection judiciaire de la jeunesse constitue une
singularité
81
au regard de la mise en
œ
uvre tardive de cette modalité de financement. Seuls deux
contrats ont à ce jour été conclus, dans une logique expérimentale. La DPJJ explique cette
frilosité par une crainte de s’engager dans des dispositions pluriannuelles budgétairement trop
importantes pour ses directions interrégionales. En outre, certaines associations du secteur
peuvent être de petite taille, ce qui est de nature à limiter l’intérêt du dispositif de
contractualisation du fait de leur possible fragilité. Enfin, la confiance entre les associations et
la DPJJ est un facteur clé du développement de la contractualisation pour que des directions
interrégionales autres que la direction interrégionale Grand Est mettent en place des contrats.
L’expérimentation des CPOM au sein des structures de la PJJ
dans l’interrégion PJJ Grand Est
Deux CPOM ont été mis en
œ
uvre au sein de l’interrégion Grand Est de la PJJ sur la période
2018-2022
82
. Ils permettent de fixer des objectifs qualitatifs et éducatifs aux deux CEF concernés
afin de mieux les intégrer à leur territoire. Les associations y voient une opportunité de sécuriser
leur budget pendant la durée du contrat.
80
Taux d'occupation théorique, taux d'occupation opérationnelle, taux de réalisation de prescription, prix
de revient par journée réalisée, prix de revient théorique sur l’objectif plancher, dépenses d’exploitation courantes,
montant des dépenses de personnels HT et charges par place théorique, pourcentage de travailleurs sociaux
spécialisés dans l’équipe budgétée au titre des crédits de groupe II, taux d’absentéisme, taux de remplacement,
expérience des salariés socio-éducatifs en années, coût des locaux par place en capacité théorique.
81
Indication de la convention nationale des associations de protection de l’enfant (CNAPE), dans sa
réponse écrite du 9 novembre 2022.
82
En Meurthe-et-Moselle, avec l’association Réalise qui regroupe un CEF (Tonnoy), un service
d’investigation éducative (SIE) et un SRP, et dans la Meuse, avec l’association AMSEA, regroupant un CEF et
deux CER.
LES CENTRES
EDUCATIFS FERMES
ET LES ETABLISSEMENTS PENITENTIAIRES POUR MINEURS
70
Les contrats se réfèrent à une approche stratégique, partagée avec la PJJ, assortie d’une
prévision de montée en charge. Pour le contrat conclu avec l’association Réalise, le volet relatif au
CEF de Tonnoy prévoit notamment «
l’amélioration du cadre de vie des mineurs et des conditions
de travail des personnels
». La stabilisation de l’équipe de direction et de l’équipe éducative
constituait l’objectif saillant du contrat.
Ce type d’outil permet d’appuyer des objectifs tels que le renforcement de la mobilisation
durant la prise en charge. Il est également l’occasion de proposer des évolutions, en lien avec les
éducateurs de milieu ouvert de la DIRPJJ. Il est indiqué par exemple que
« l’implication des
éducateurs dans la construction et la mise en
œ
uvre du projet de sortie participe d’un objectif de
renforcement de l’accompagnement à la sortie ».
Les montants attribués pour les dotations des deux CEF sont identiques. Ainsi, le CEF de
Tonnoy et celui de Thierville ont bénéficié d’un montant de 1,99 M
€
pour l’année 2018, les autres
années ayant fait l’objet d’un avenant.
La PJJ insiste, dans le cadre de l’évaluation
83
, sur la nécessité d’un état des lieux partagé
avec chaque association à la signature du contrat. Pour la suite, des comités de pilotage présidés
par le directeur territorial ont suivi les indicateurs, qu’ils ont pu faire évoluer en fonction du
contexte et des éléments nouveaux.
Les éléments de bilan font apparaître des améliorations nécessaires, notamment pour les
personnels
« qui demeurent trop peu diplômés et avec un fort turn over »
84
.
De même,
« la
formalisation de la prise en charge individualisé de chaque mineur »
est signalée comme devant
être suivie avec attention.
La DPJJ estime que la question de la qualité de service et de son maintien constitue un
élément central dans les points d’évaluation. À cet effet, et pour développer le processus de
contractualisation, la DPJJ indique mettre en place durant l’année 2023 un dispositif de formation
spécifique à l’attention de ses délégations interrégionales sur la tarification et son pilotage.
À terme, la mise en
œ
uvre des CPOM doit permettre la mise en place d’un contrôle sur la
qualité des prestations.
83
« Bilan du CPOM DIRPJJ / réalisé 2018-2022 ».
84
Ibid
, note n° 10.