Montreuil, le 08 aout 2023
Mesdames, Messieurs,
En ma qualité de Président de l’Association SIDA INFO SERVICE (SIS ASSOCIATION), je souhaite vous
présenter mes réponses concernant vos observations définitives du contrôle des comptes et de la gestion
de l’association Sida info service
au titre des exercices 2017 à 2022.
1.
Propos préliminaires sur l’histoire de SIDA INFO SERVICE et sur sa vocation au service des
usagers dans le domaine de la santé sexuelle
SIDA INFO SERVICE a été créée en 1990 par la volonté conjointe de l'Agence française de lutte contre le sida
(AFLS) et de l'association AIDES. Dans ce cadre, le Ministre de la santé Claude EVIN a demandé à Monsieur
Amédée THEV
ENET (Inspecteur Général des affaires sociales de l’IGAS) de créer et de présider cette
association, lequel recruta Monsieur Pierre KNEIP en tant que Directeur.
De manière générale, SIS ASSOCIATION contribue à la lutte contre le VlH/sida et les infections sexuellement
transmissibles, procédant d'une démarche de réduction des risques et de soutien intégrant les
problématiques connexes au VlH et d'autres pathologies qui par leur prévention et leur mode de
transmission s'apparentent au VlH. Il contribue à des actions de prévention et d'éducation pour la santé en
mettant à disposition du public le savoir- faire qu'elle a acquis dans le secteur de la téléphonie santé, y
compris par internet et toutes autres technologies permettant une relation d'aide individualisée et à
distance.
Dès le début de l'épidémie, les personnes concernées par l'infection à VlH se sont mobilisées et organisées
pour apporter des réponses nouvelles à des problèmes émergents. En ce qui concerne la relation
individuelle, notamment l'aide à distance, une prise en charge par les militants épaulés par des
professionnels de la santé et de l
’
action sociale, a permis de développer un dispositif original capable
d'écouter les différentes personnes et les problèmes posés et d'apporter des éléments de réponse.
Ce dispositif n'a pu trouver sa place et son efficience qu'en relation étroite avec tous les autres intervenants
associatifs chargés, par exemple, de la ressource et de la diffusion documentaire, de l'hébergement
thérapeutique, de l'aide aux personnes atteintes, de la prévention en direction du grand public et des
communautés, de la défense du droit des personnes, des usagers de drogues etc.
L’objet social de SIS ASSOCIATION est de faire fonctionner des services de téléphonie et de
télécommunications sociales compor
tant en premier lieu des numéros d’appel (24h/24 et 7j/7) de lutte
contre le sida ainsi que des numéros d’appel dans le domaine de la santé et/ou la sexualité.
SIS ASSOCIATION exerce son activité dans le cadre d’une mission d’intérêt général et d’utilité
sociale en
tant
qu’institution
de droit privé.
Les difficultés économiques rencontrées en 2015 ayant conduit à une procédure de redressement judiciaire
en 2016, ont été aujourd
’
hui surmontées.
En effet, après une profonde restructuration juridique, économique et sociale et le redimensionnement de
son périmètre d’activité, SIS ASSOCIATION a été en mesure de présenter un plan de continuation afin de
sortir de la procédure de redressement judiciaire et par la suite de solder par anticipation le plan de
continuation adopté par le Tribunal de Grande instance de Paris malgré une diminution croissante de ses
subventions par une gestion rigoureuse de ses coûts de fonctionnement.
Enfin, SIS ASSOCIATION en vertu de son engagement militant a participé activement à la gestion des crises
sanitaires COVID 19 et MONKEYPOX en utilisant ses moyens humains et matériels au service de la santé
publique de la population.
2.
Sur le fonctionnement de la gouvernance (Partie 2.1
–
page 17)
Nous retenons au titre de votre rapport que vous reprochez à la gouvernance de notre association un
manque de diversité.
Nous tenons à vous informer que postérieurement à la clôture de la procédure collective de notre
association, nous avons fait un travail important afin
d’ouvrir son fonctionnement à l’ensemble des acteurs
différents qui partagent la même vision que SIS ASSOCIATION sur la santé sexuelle.
Toutefois nous reconnaissons le besoin de diversifier plus encore les adhérents et membres de notre conseil
d’administration afin de bénéficier d’une meilleure gouvernance de notre association.
Les démarches de diversification des administrateurs sont en cours et tiennent compte des évolutions
importantes des politiques publiques en santé et particulièrement en santé sexuelle tant au niveau des
soins que de la prévention.
3.
Sur le développement du pôle d’écoute de la Guyane
(Pages 6 et 34)
Un contexte particulier existe en Guyane avec une influence sur la santé sexuelle : une forte prévalence liée
au VIH et aux IST, une démographie importante, une forte multiculturalité (médecine traditionnelle,
différentes définitions de la santé, de la sexualité, de la parentalité, etc.), la stigmatisation vis-à-vis de la
maladie, du statut social…
Nous savons qu’un des enjeux majeurs en matière de santé publique dans un territoire comme la Guyane
vise à réduire les inégalités d’accès aux soins pour tous mais particulièrement pour les usagers isolés
géographiquement ou socialement : 20% de la population vit dans des territoires isolés.
Aujourd’hui, les outils d’aide à distance (téléphone,
numérique
,…)
constituent des vecteurs
facilitant l’accès
à l’information, la sensibilisation sur la thématique de santé sexuelle et la visibilité de l’offre de soins
permettant une amélioration de la prise en charge
. Ainsi, afin de s’inscrire dans la feuille de route de la
Stratégie Nationale de Santé sexuelle du Ministère de la Santé, nous avons souhaité mettre en place un
pôle d’écoute basé à Cayenne adapté à la situation et aux cultures locales avec des salariés recrutés
exclusivement en Guyane et parlant les langues les plus usitées.
Nous observons à la lecture de votre rapport que vous estimez qu’en raison d’un faible
nombre de
sollicitations, l’ouverture du pôle d’écoute en Guyane présente un coût très élevé.
En effet, le démarrage de cette nouvelle activité, qui est d’ailleurs en partie financée par les collectivités
locales, engendre des coûts d’installation et de mise en place qui sont fixes et qui ont vocation à s’amortir
sur l’ensemble de la période d’activité. Notre association
a
prévu d’évaluer à un horizon de 5 ans l’activité
réelle afin que l’amortissement du coût du démarrage puisse être correctement évalué.
4.
Sur le régime juridique de SIS ASSOCIATION et son statut pour l’avenir
Vous reprochez en page n°42
de votre rapport l’absence de diversité des moyens financiers de notre
association et précisez que le statu quo ne peut être envisagé. Vous estimez qu’il n’est pas souhaitable de
voir se perpétuer une situation dans laquelle Santé Publique France (SPF) reste principal financeur, sans
avoir, à travers le contrat de subvention, la capacité juridique de déterminer, ou de négocier, la nature et
le périmètre des activités correspondant aux besoins qu’il aura déterminé.
Vous dressez ensuite les deux scénarios suivants :
-
Le premier scénario consisterait en une prise en main directe des missions de SIS
ASSOCIATION par la puissance publique, à travers une intégration dans SPF ou dans un
groupement d’intérêt public à créer entre SPF, l’État et éventuellement d’autr
es membres.
-
Le second scénario consisterait à recourir à un contrat de prestation de service. Cette
alternative apporterait la garantie que soit mise en œuvre par SPF une réflexion sur ses besoins
et priorités en matière d’aide à distance dans le champ d
e la santé sexuelle, ce qui apparaît
primordial à la Cour.
Toutefois, les deux scénarios évoqués souffrent de nombreuses limites qui seront ci-après reprises.
4.1.
Scénario n°1
: sur la prise en main de l’association par la puissance publique
Vous estimez
qu’il serait possible pour l’association d’être intégrée au sein de SANTE PUBLIQUE FRANCE
afin que ses prérogatives et ses missions soient directement exercées par la puissance publique.
Toutefois, comme vous le relevez, ce scénario se révélerait non seulement couteux mais aussi très
complexe. En effet, d’un point de vue purement économique notre association ne voit pas en quoi ce
processus devrait améliorer le coût pour la puissance publique du service rendu aux usagers par notre
association.
En outre,
nous vous rappelons l’engagement militant de notre association et ses activités diverses qui ne
sont d’ailleurs pas financés par SANTE PUBLIQUE FRANCE de telle sorte qu’une telle intégration rendrait
complexe le maintien des services apportés aux usagers par notre association et serait en tout état de cause
contraire à ses engagements militants.
4.2.
Scénario n°2
: sur la mise en place d’un contrat de prestation de service
Vous estimez qu’il serait plus judicieux de mettre en place un contrat de prestation de
service au motif que
ce contrat permettrait selon vous
«
d’ajuster les ressources de manière avisée et proportionnée
».
Vous
estimez également que cette option permettrait en outre, par la publicité à donner à l’appel d’offre, de
déterminer le meilleur rapport qualité/prix.
Nous tenons à rappeler à la Cour des comptes que l’engagement de notre association au profit de la santé
sexuelle depuis plusieurs décennies et dès l’apparition du SIDA, et son expertise apportée aux usagers en
matière de prévention, ne sont pas des valeurs marchandes quantifiables économiquement et répondent
à un besoin des usagers.
Ceci exposé, l’expertise de SIS ASSOCIATION en faveur de la prévention en matière de santé sexuelle n’est
pas un simple prestataire qui pourrait faire l’objet d’une procédure d’appel d’offre dans le cadre d’un
contrat de prestation de service. En outre, il n’existe aucun autre acteur sur le territoire français qui dispose
des moyens et de la compétence de SIS ASSOCIATION, sachant que nos écoutants sont formés et que les
moyens techniques mis en œuvre par notre association n’ont aucun équivalent.
Un contrat de prestation de service viendrait à placer la santé sous l’angle de la rentabilité économique, de
telle sorte que notre association n’aurait pas vocatio
n à y répondre, celle-ci ne souhaitant pas transformer
son service d’écoute aux usagers et ses interventions en matière de prévention de santé sexuelle en acte
de commerce qui serait incompatible avec ses engagements militants.
D’ailleurs même si tel était le cas, SIS ASSOCIATION ne répondrait pas à un appel d’offre dont le coût de la
prestation serait supérieur au montant prévu par le contrat de prestation de service, car il
s’agit non pas
d’une subvention destinée à prodiguer un service gratuit et bénév
ole aux usagers, une telle prestation
impliquerait une notion de rentabilité économique pour l’association, de telle sorte que non seulement le
coût ne serait pas moindre, mais surtout cette prestation serait contraire à notre éthique.
Enfin, si un autre prestataire que SIS ASSOCIATION était retenu, cela conduirait inévitablement notre
association à la liquidation judiciaire, dont le coût social serait inacceptable d’autant plus que le coût des
licenciements serait
in fine
supporté par la puissance publique.
Nous vous rappelons que nous travaillons depuis de nombreuses années de concert avec SANTE PUBLIQUE
FRANCE pour apporter le meilleur service aux usagers tout en réduisant nos coûts de fonctionnement pour
faire face à la diminution des subventions qui nous sont accordées.
Transformer notre subvention en contrat de prestation de service n’aurait en aucun cas un effet bénéfique
sur les finances de la puissance publique puisque notre association ne fait aucun bénéfice dans la réalisation
de sa mission, celle-ci produisant donc un service à prix coutant.
Nous vous rappelons que la réglementation européenne n'impose pas, en soi, le recours à la procédure de
passation des marchés publics. La subvention peut constituer un mode de financement légal dès lors que
le pouvoir public a défini au préalable, dans son mandatement, la mission de service d'intérêt économique
général confiée à l'association.
L'exercice d'un mandat d'intérêt général et l'exigence de la compensation proportionnée ne limitent pas,
par eux-mêmes, l'autonomie et la liberté d'initiative des associations et restent compatibles avec un
financement par subvention avec pour avantages : le respect de la forme et de la spécificité associative, la
préservation de la capacité d'innovation et d'indépendance de l'association qui a l'initiative, l'association
reste propriétaire de son projet.
Notre association porte un projet dont elle est à l'initiative depuis 32 ans.
Si nous envisagions la réalisation d’une simple prestation de service la spécificit
é associative de SIS
ASSOCIATION disparaîtrait et cesserait d'être un partenaire des pouvoirs publics, un médiateur de la société
civile, un acteur du débat public.
Il y aurait alors une logique de prestation de service et non de partenariat entre pouvoir public et
l’association et un risque de détournement du projet de l'association et une démotivation des bénévoles.
En outre, il pourrait y avoir une possibilité d'incidences fiscales lorsque associations et entreprises
répondent aux marchés publics (présomption d'une activité concurrentielle), de développement de
logiques de concurrence entre associations sur un même territoire, de critères d'évaluation de l'activité de
nature quantitative et pas forcément qualitative.
Enfin, ce contrat de prestation d
e service proposé, ne pourrait engendrer une diminution des coûts qu’à la
condition de réduire la qualité du service rendu, ce qui n’est pas acceptable pour notre association, car la
lutte pour la prévention en matière de santé sexuelle est un combat qui est non seulement nécessaire aux
usagers mais qui de par sa mission de prévention est une source d’économie pour le système
de santé et
de prévention financé également par la puissance publique.
Nous vous rappelons enfin que notre association est au service du public et que sa gouvernance est
exclusivement composée de bénévoles qui travaillent gratuitement et sans relâche pour offrir le meilleur
service possible qui est à ce jour totalement gratuit et qui lui permet ainsi de s’adresser à tous sans aucune
condition de revenus.
Telles sont Madame, Monsieur, nos observations sur votre rapport définitif et restons à votre entière
disposition.
Gérard DESBORDE