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ENTITÉS ET POLITIQUES PUBLIQUES
LA GESTION
QUANTITATIVE
DE L’EAU EN PÉRIODE
DE CHANGEMENT
CLIMATIQUE
Cahier territorial n° 5
Grand Est
Rapport public thématique
Juillet 2023
La gestion quantitative de l'eau en période de changement climatique - juillet 2023
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
La gestion quantitative de l'eau en période de changement climatique - juillet 2023
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Sommaire
Synthèse
.........................................................................................................
5
Introduction
...................................................................................................
7
Chapitre I
La situation de la ressource en eau dans le Grand Est
et le niveau des prélèvements
.......................................................................
9
I -
La disponibilité et la qualité de l’eau
.........................................................
9
A -
Des cours d’eau majoritairement en bon état chimique et peu exposés
à la pression de l’irrigation
.....................................................................................
9
B - Des nappes souterraines en bon état quantitatif mais exposées
aux pollutions d’origine agricole
..........................................................................
10
C - Des pollutions récemment mises à jour, un risque supplémentaire
pour la qualité de la ressource
...............................................................................
11
II -
La répartition des prélèvements et les conflits d’usage
............................
12
A - Des prélèvements
pour l’alimentation en eau potable stables
et une ressource souterraine accessible
.................................................................
12
B - Des prélèvements industriels en diminution mais des conflits
d’usage persistants
................................................................................................
13
C -
Le recours croissant à l’irrigation
...................................................................
13
III -
L’évaluation des risques liés au changement climatique
........................
14
A -
Les plans d’atténuation et d’adaptation au changement climatique
................
14
B - Le diagnostic régional des risques quantitatifs associés au changement
climatique
.............................................................................................................
14
Chapitre II
La planification de la gestion des eaux
face au changement climatique
...................................................................
17
I - La représentation des différentes parties prenantes
dans la gouvernance
.......................................................................................
17
A -
La coordination de l’État et des agences de l’eau à l’échelle régionale
..........
17
B -
Les limites de la gestion du grand cycle de l’eau à l’échelle
des groupements de communes
............................................................................
18
C -
Les limites de la gestion du grand cycle de l’eau à l’échelle
du bassin versant
...................................................................................................
19
D -
L’organi
sation inachevée de la gouvernance locale
........................................
19
E - Le rôle de facilitateur de la région Grand Est
..................................................
20
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COUR DES COMPTES
4
II - La couverture territoriale et la cohérence des schémas
d’aménagement et de gestion des eaux et de leur déclinaison
opérationnelle
.................................................................................................
21
A -
L’enjeu quantitatif insuffisamment pris en compte dans les schémas
d’aménagement et de gestion des eaux
.................................................................
21
B -
L’absence de planification dans des territoires exposés à des tensions
quantitatives
..........................................................................................................
23
C - Des documents de planification parfois obsolètes
..........................................
24
D -
Une mise en œuvre incomplète des plans d’action
.........................................
25
III - La cohérence entre les documents de planification de la gestion
de l’eau et les autres documents de planification territoriale
..............................
25
A - Une articulation imparfaite avec les schémas de cohérence territoriale
..........
25
B - Une articulation
imparfaite avec les plans locaux d’urbanisme
......................
26
Chapitre III
Les mesures visant à réduire les prélèvements d’eau
et à mieux partager la ressource
.................................................................
27
I -
Les mesures d’urgence
: la réduction de la consommation
en période de crise
.........................................................................................
27
A - Une organisation de la gestion des épisodes de sécheresse différenciée
selon les départements
..........................................................................................
27
B - Des interrogations sur la qualité des données : le cas du Haut-Rhin
...............
28
II - Les mesures de court terme : la délivrance et le contrôle
des autorisations de prélèvements
..................................................................
29
A -
Des synergies à rechercher entre services de l’État
........................................
29
B -
Un exercice des missions de police de l’eau à réexaminer
.............................
29
III - Les mesures de long terme visant à réduire les prélèvements
sur la ressource en eau
...................................................................................
30
A - La résorption des fuites
..................................................................................
30
B - La diminution des prélèvements
.....................................................................
31
Chapitre IV
La sécurisation de la couverture des besoins en eau
et la préservation des milieux aquatiques
..................................................
33
I -
La préservation des milieux aquatiques et l’utilisation de solutions
fondées sur la nature
......................................................................................
33
A - La « désimperméabilisation » des sols
...........................................................
33
B - La renaturation des milieux aquatiques
...........................................................
34
II - Les infrastructures de stockage et les stratégies alternatives
....................
34
A - Une solution écartée
: l’augmentation de la capacité des infrastructures
de stockage
...........................................................................................................
34
B - Élargir la ressource utilisable
: la réutilisation d’eaux usées
...........................
35
Liste des abréviations
..................................................................................
37
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Synthèse
Ce
cahier territorial s’inscrit dans le cadre de l’enquête nationale sur
la gestion quantitative de l’eau en période de changement climatique
conduite par une formation commune à la Cour des comptes et aux
chambres régionales et territoriales des comptes.
La ressource en eau demeure à ce jour abondante dans la région
Grand Est. Deux masses d’eau souterraine sont toutefois identifiées comme
présentant un déséquilibre quantitatif. La ressource en eau est également
exposée à des pollutions d’origine industrielle
et agricole qui sont à
l’origine de conflits d’usage localisés et suscitent des tensions quantitatives
lors des épisodes de sécheresse qui se multiplient.
Á l’horizon 2050, malgré une stabilité anticipée du volume annuel
total des précipitations, la modification du régime hydrologique menacerait
durablement l’équilibre quantitatif
dans
treize territoires jusqu’à présent
concernés par des pressions ponctuelles.
Á ce jour, l’organisation de
la
gouvernance locale de l’eau ne permet
pas de faire face à ces enjeux. En dépit du rôle de facilitateur assuré par la
région Grand Est, les compétences locales ne sont, le plus souvent, pas
structurées à l’échelle pertinente du bassin versant
. Les territoires exposés
à des tensions quantitatives ne font pas systématiqueme
nt l'objet d’un
e
planification des opérations de gestion. Quand les plans existent, ils sont
parfois obsolètes ou inappliqués et leur bonne articulation avec les autres
documents de planification
n’est pas toujours assurée.
Á court terme, pour faire face aux sécheresses, les synergies entre
services de l’État peuvent être améliorées et l’exercice des missions de
police de l’eau doit être réexaminé.
Pour sécuriser l’approvisionnement en eau potable à plus long
terme, les agences de l’eau aident à la réducti
on des prélèvements
industriels et incitent les gestionnaires d’eau potable à engager des plans
d’investissement.
L’amélioration de la qualité des eaux dans les nappes les
plus vulnérables est également nécessaire. L’adaptation au changement
climatique sup
pose enfin d’améliorer la gestion des eaux de pluie et repose
de manière plus générale sur des solutions préventives fondées sur la nature
davantage que sur des stratégies alternatives (stockage et réutilisation).
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Introduction
La région Grand Est recouvre le périmètre de l’agence de l’eau
Rhin-
Meuse et partiellement ceux des agences de l’eau Seine
-Normandie
et Rhône-Méditerranée-Corse. Le Rhin, la Moselle et la Meuse sont des
cours d’eau dont la gestion est
planifiée par des organisations
internationales qui
n’entre
nt
pas dans le cadre de l’enquête.
Carte n° 1 :
districts hydrographiques de la région Grand Est
Source
: CRC Grand Est, d’après
DREAL Grand Est et agences de l’eau
, © IGN, BD topo®
Le cahier territorial
s’appuie sur les contrôles de la région
Grand
Est, du département des Vosges, du syndicat départemental des eaux de
l'Aube, du
syndicat des eaux et de l’assainissement Alsace Moselle
, de
l’établissement public d’aménagement et de gestion de l’eau du bassin de
la Largue, de la communauté de communes Sundgau, des directions
départementales des territoires du Haut-Rhin et des Vosges, de la direction
régionale de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement Grand
Est et d
es agences de l’
eau Rhin-Meuse et Seine-Normandie.
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Chapitre I
La situation de la ressource en eau
dans le Grand Est et le niveau
des prélèvements
I -
La disponibilité et la qualité de l’eau
A -
D
es cours d’eau majoritairement en bon état
chimique et peu exposés à la pression de l’irrigation
Selon les états des lieux
réalisés en 2019 par les agences de l’eau
Rhin-Meuse, Seine-Normandie et Rhône-Méditerranée Corse en vue de
l’adoption des schémas directeurs d’aménagement et de gestion de l’eau
(Sdage) pour la période 2022-2027, 29
% des 1 171 masses d’eau de
surface de la région étaient en bon état chimique au sens de la
directive-cadre
sur l’eau (DCE).
Les cours d’eau qui ne sont pas en bon état sont majoritairement
soumis à des pressions d’origine agricole (nitrates et pesticides) et urbaines
(rejets ponctuels et diffus de systèmes d’assainissement).
La Meurthe et la
Moselle subissent u
ne pollution spécifique d’origine industrielle provenant
des rejets de chlorures de calcium des soudières du bassin salifère lorrain.
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10
Les prélèvements dans les eaux de surface ont diminué de 32 %
entre 2012 et 2017 dans les bassins Rhin et Meuse. Cette diminution est
essentiellement due à la baisse des prélèvements pour le refroidissement
énergétique et pour la navigation. Les prélèvements ne constituent un
facteur de risque de non atteinte du bon état en 2027 que pour une faible
part des cours d’eau de l
a région, qui ne compte aucune zone de répartition
des eaux pour les eaux superficielles. Pour ces cours d’eau cependant, des
déséquilibres
quantitatifs
liés
aux
prélèvements
pour
l’irrigation
apparaissent dès à présent en période d’étiage.
B -
Des nappes souterraines en bon état quantitatif
mais exposées aux pollutions d’origine agricole
Sur les 53 masses d’eau souterraine de la région, 51 sont en bon état
quantitatif et 27 en bon état chimique au sens de la DCE.
Les deux masses d’eau souterraine identifiées comme présentant un
déséquilibre quantitatif sont les nappes de la Craie de Champagne sud et
centre, seul aquifère identifié en mauvais état quantitatif et qualitatif, et la
nappe des Grès du trias inférieur (GTI) au sud de la faille de Vittel, qui fait
l’objet de la seule
zone de répartition des eaux souterraines de la région
1
.
1
La nappe profonde de l’Albien
-Néocomien,
qui s’étend jusqu’aux département de
l’Aube et de la Marne et
fait l’objet d’une zone de répartition des eaux, n’est pas
exploitée dans la région Grand Est.
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LA GESTION QUANTITAT
IVE DE L’EAU EN PÉRI
ODE DE CHANGEMENT
CLIMATIQUE
CAHIER TERRITORIAL DE GRAND EST
11
Carte n° 2 :
état quantitatif des eaux souterraines
de la région Grand Est selon les états des lieux 2019 des Sdage
Source
: CRC Grand Est, d’après DREAL Grand Est et agences de l’eau © IGN, BD topo®
Les aquifères en bon état au sens de la DCE apparaissent en vert et ceux qui ne le sont pas en rouge.
Les
pollutions diffuses d’origine agricole (nitrates, pesticides)
sont
la cause principale de non atteinte du bon état chimique. Les nappes de la
Craie de Champagne et du Senonais, du plateau lorrain dans le bassin
versant du Rhin et de la plaine
d’Alsace sont concernées par des
dépassements du seuil pour la teneur en nitrates et pour la teneur en
pesticides. Les activités industrielles présentes ou passées ont également
des conséquences importantes sur la qualité des eaux souterraines. Les
bassins ferrifères et houillers subissent une pollution liée aux activités
minières passées.
C -
Des pollutions récemment mises à jour, un risque
supplémentaire pour la qualité de la ressource
Les eaux de surface de la région sont également exposées aux
pollutions liées aux substances dites « ubiquistes ». Ces dernières
présentent un caractère persistant et demeurent dans les milieux aquatiques
à des concentrations supérieures aux normes de qualité environnementale.
Elles ne sont pas prises en compte pour l’évaluation de l’état chimique de
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12
l’eau en l’absence de levier d’action pour les réduire
. Mais certaines sont
néanmoins identifiées dans les états des lieux des Sdage. En les prenant en
considération, la majorité des eaux de surface de la région serait considérée
comme en mauvais état.
Concernant les eaux souterraines, de nouvelles sources de pollution
non mentionnées dans les états des lieux ont été mises en évidence dans le
cadre du projet ERMES
2
(résidus médicamenteux, produits plastifiants,
édulcorants, etc.). En période d’étiage, la concentration des substances
polluantes non identifiées dans les états des lieux des Sdage mais
surveillées pour évaluer la qualité sanitaire de l’eau s’accroît
. Localement,
le dépassement des seuils affecte la disponibilité de la ressource. Ainsi,
depuis 2017, une dizaine de communes de la communauté de communes
Sundgau ont connu pe
ndant l’été une rupture de l’alimentation en eau
potable qui a nécessité son acheminement par camions citernes.
II -
La répartition des prélèvements
et les conflits d’usage
En ne tenant pas compte de ceux effectués pour refroidir les unités
de production d’énergie, produire de l’hydroélectricité et alimenter les
canaux, et restitués immédiatement sans altération chimique au milieu
naturel, les prélèvements d’eau dans la région sont stables entre 2016 et
2019 (- 0,2 % et 1,2 M m
3
en 2019).
A -
Des prélèvements pour
l’alimentation en eau
potable stables et une ressource souterraine accessible
En 2019, les prélèvements pour l’alimentation en eau potable
représentent 36 % du total. Ils sont stables par rapport à 2016. Prélevée à
90
% dans les ressources souterraines, l’
eau destinée à la consommation
humaine est accessible et son traitement moins coûteux que l’eau prélevée
en surface. Néanmoins, du fait du caractère rural de la plus grande partie
du réseau de distribution, son prix moyen est équivalent au prix moyen
national (2,05
€ TTC
et 2,06
€ TTC en 2019).
2
Le projet
« évolution de la ressource et monitoring des eaux souterraines du Rhin
supérieur »,
porté à l’échelle transfrontalière par l’association pour la protection de la
nappe d’Alsace (APRONA) sur la période 2007 –
2016
puis élargi à l’ensemble de la
région Grand Est.
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IVE DE L’EAU EN PÉRI
ODE DE CHANGEMENT
CLIMATIQUE
CAHIER TERRITORIAL DE GRAND EST
13
B -
Des prélèvements industriels en diminution
mais des conflits d’usage persistants
En 2019, les prélèvements industriels constituent la part la plus
élevée du total régional
3
(52 %), mais diminuent depuis 2016 (- 4 %). Les
volumes d’exhaure
4
du bassin houiller ont augmenté. Mais ils résultent de
mesures de gestion assurées par l’État ou imposées aux industriels pour
atténuer la remontée de la nappe consécutive à l’arrêt de l’activité minière.
Malgré la très forte pression de prélèvement dans ce secteur, les niveaux
des eaux souterraines présentent une tendance à la hausse.
Alors que les réservoirs miniers ennoyés représentent plusieurs
centaines de millions de mètres cube d’eau, le bassin ferrifère où l’exhaure
a ce
ssé doit quant à lui faire l’objet de mesures quantitatives préventives
.
Il s’agit de
sécuriser l’alimentation en eau potable en raison du caractère
impropre à la consommation de cette ressource pendant encore plusieurs
dizaines d’années.
Dans le sud-ouest du département des Vosges, les prélèvements
effectués par
Nestlé Waters Supply
Est
pour l’embouteillage d’eaux
minérales et par
la fromagerie de l’Ermitage
contribuent à déséquilibrer la
recharge de la nappe des grès du Trais inférieur (GTI). Si les prélèvements
industriels ont décru
d’un tiers depuis une dizaine d’années
,
l’équilibre
conditionnant la recharge de la nappe
des GTI n’est pas encore atteint.
L’autorisation
de prélèvement dont bénéficie
Nestlé Waters Supply Est
, qui
s’élevait à
1 M m
3
annuels en 2001, est actuellement limitée à 500 000 m
3
.
Au mois d’avril 2022, l’entreprise
a demandé un abaissement de cette
autorisation à 200 000 m
3
suite à
l’arrêt de la commercialisation de sa
production en Allemagne.
C -
Le
recours croissant à l’irrigation
L’irri
gation ne représente en 2019 que 12 % du volume total prélevé
hors énergie et alimentation des canaux, mais il augmente de 21 % par
rapport à 2016. Les deux
principales zones d’irrigation agricole
sont les
nappes des Craies
de Champagne dans la Marne et l’Aube et
la nappe
d’Alsace. Elles ne font pas l’objet d’une répartition des volumes
prélevables par un organisme unique de gestion collective.
3
Hors usag
es liés à la production d’énergie et l’alimentation des canaux
.
4
Eau provenant du pompage d'une fouille ou d'un ouvrage souterrain.
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14
Des conflits d’usage apparaissent localement en été du fait de
l’incompatibilité
du volume prélevé à cette fin avec le bon fonctionnement
écologique du milieu aquatique. Depuis 2015, la multiplication des
épisodes de sécheresse accroît la fréquence de l’assèchement des cours
d’eau «
phréatiques »
du Grand Ried en plaine d’Alsace. L’étu
de
«
GES’Eau’R
»
5
conduite par le bureau de recherches géologiques et
minières à l’initiative de la région Grand Est a permis d’établir que cette
situation était imputable à l’irrigation. Concernant la nappe des Craies de
Champagne, une étude visant à déterminer les volumes prélevables est en
cours de réalisation.
III -
L’évaluation des risques liés
au changement climatique
A -
Les
plans d’atténuation et d’adaptation
au changement climatique
Les états de lieux des Sdage
tiennent compte de l’évolution du
climat. Mais
l’horizon temporel proche de 2027 et les
défis attachés à la
qualité de la ressource déterminés par la directive-cad
re sur l’eau ont pour
conséquence que l’anticipation du changement climatique ne constitue pas
l’enjeu principal des programmes de mesures associés dans un contexte où
la ressource demeure abondante dans la région. Pour répondre à ces
objectifs, les agence
s de l’eau ont
adopté des documents de planification
complémentaires.
La stratégie d'adaptation au changement climatique du
bassin Seine-Normandie a été adoptée le 8 décembre 2016 et le plan
d’atténuation et d’adaptation au changement climatique
du bassin
Rhin-Meuse adopté le 23 février 2018.
Le plan de bassin d’adaptation au
changement climatique de l’agence de l’eau Rhône
-Méditerranée Corse,
adopté en 2014, est en cours de révision.
B -
Le diagnostic régional des risques quantitatifs
associés au changement climatique
En lien avec les agences de l’eau, la région Grand Est a initié la
réalisation d’une étude visant à caractériser l’état quantitatif des ressources
en eau du territoire à horizon 2030, 2050 et 2100. Le rapport intermédiaire
approuvé par le conseil régional le 14 octobre 2021 identifie les territoires
et les activités les plus exposés à l’attrition anticipée de la ressource.
5
Appui à la Gestion quantitative des Eaux souterraines du grand Ried.
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LA GESTION QUANTITAT
IVE DE L’EAU EN PÉRI
ODE DE CHANGEMENT
CLIMATIQUE
CAHIER TERRITORIAL DE GRAND EST
15
Les deux scénarios d’évolution du climat sur lesquels repose l’étude,
convergent vers le constat d’une stabilité du volume an
nuel total des
précipitations à l’horizon 2050
. Ils prévoient un léger excédent au
printemps et en hiver
ainsi qu’
un léger déficit en été et en automne par
rapport à la situation actuelle. L’augmentation des températures induirait
une augmentation de
l’évaporation et une modification du régime des
pluies efficaces.
L’hypothèse retenue d’une augmentation de l’irrigation impliquerait
un accroissement global des prélèvements de 13
% sur l’ensemble du
territoire régional, quel que soit le scénario climatique. L
’étude conclut à
l’absence de tension généralisée sur la ressource en eau souterraine
jusqu’en 2050
, sauf pour les nappes déjà identifiées en mauvais état
quantitatif par les Sdage en vigueur. Les tensions sur les ressources
superficielles de la fin d
e l’été au début de l’automne pourraient toutefois
se généraliser à l’horizon 2050.
Sur la base de ce constat, l’étude établit un diagnostic territorial sur
35 territoires et en identifie 13 comme plus exposés à l’avenir au risque de
tension quantitative
6
et ne faisant encore pas l’objet d’une planification de
ces enjeux.
La ressource en eau demeure abondante dans la région Grand Est.
Elle est néanmoins exposée à une pollution d’origine industrielle et
agricole. Les prélèvements industriels et l’activité agricole sont à l’origine
de
conflits
d’usage
qui
suscitent
localement
des
tensions
sur
l’approvisionnement en eau potable.
Pour tenir compte des enjeux associés au réchauffement climatique,
la région Grand Est a entrepris en lien avec les agences de l’eau
la
réalisation d’un diagnostic qui fait apparaître qu’à l’horizon 2050, malgré
une stabilité anticipée du volume annuel total des précipitations,
l’accélération du cycle de l’eau menacerait l’équilibre quantitatif dans
treize territoires jusqu’à présent co
ncernés par des pressions seulement
ponctuelles.
6
Les zones de la plaine d’Alsace, Marne amont, Blai
se, Aube amont, Saulx et Ornain,
Moselle amont, Meurthe, Bruche, Moselle aval, Meuse aval, Ill amont, Haute Meuse et
Aisne amont.
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Chapitre II
La planification de la gestion des eaux
face au changement climatique
I -
La représentation des différentes parties
prenantes dans la gouvernance
A -
L
a coordination de l’État et des agences de l’eau
à l’échelle régionale
Pour coordonner les interventions des services de l’État et des
agences de l’eau, dont le périmètre ne correspond pas à celui de la région,
un pôle « eau » régional a été créé le 2 novembre 2020
à l’initiative
de la
préfète de région
. Il associe la direction régionale de l’environnement, de
l’aménagement et du logement (DREAL), les directions départementales
des territoires (DDT), la direction régionale de l
’alimentation, de
l’agriculture et des forêts, l’office français de la biodiversité (OFB) et les
agences
de
l’eau
Rhin
-Meuse,
Seine-Normandie
et
Rhône-Méditerranée-Corse. La gestion quantitative de la ressource
constitue le premier axe de travail du pôle.
Une commission « Économie et Partage de la Ressource en Eau » a
été instituée en 2021 auprès du comité de bassin Rhin Meuse. Elle est
chargée de coordonner les actions des parties prenantes en lien avec la
gestion quantitative de la ressource en eau, déclinées dans les programmes
de mesures et les p
lans d’action opérationnels
territorialisés des missions
i
nterservices de l’
eau et de la nature (MISEN).
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B -
L
es limites de la gestion du grand cycle de l’eau
à l’échelle des groupements de communes
Depuis l’entrée e
n vigueur de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014
de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des
métropoles (MATPAM), la gestion des milieux aquatiques et la prévention
des inondations (Gemapi) est attribuée de manière exclusive au bloc
communal
, également compétent pour le petit cycle de l’eau.
La prévention des inondations constitue
l’enjeu principal
de la
Gemapi et la gestion des milieux aquatiques en constitue le corollaire dans
la mesure où
les opérations qui s’y rattachent
peuvent permettre de faciliter
l’écoulement naturel des eaux
et de préserver
des zones d’expansion des
crues. Dans ce cadre, les obligations qui pèsent sur les établissements
publics locaux de coopération intercommunale (EPCI) concernent
exclusivement la d
éfinition, l’entretien et l’exploitation des systèmes
d’endiguement. La prise en compte des enjeux liés à la gestion quantitative
de l’eau demeure partagée entre tous les niveaux de collectivités
territoriales.
L
a sécurisation de l’approvisionnement en eau
potable de la
population, la préservation de l’activité économique et la protection de
l’environnement conduisent les EPCI les plus exposés à mener une
politique active de gestion quantitative de la ressource, notamment dans le
cadre de contrats de territoires eau et climat (CTEC)
conclus avec l’agence
de l’eau Rhin Meuse
.
L’exercice en commun de la
Gemapi au sein de syndicats mixtes
permet aux EPCI de mutualiser les coûts associés, de bénéficier de la
qualité d’un service spécialisé et de la mettre en œuvre à l’échelle
pertinente pour la préservation de la ressource en eau du bassin versant.
P
our le syndicat de l’eau et de l’assainissement Alsace Moselle (SDEA
Alsace Moselle), compétent en matière de Gemapi pour la quasi-totalité du
département du Bas-Rhin et le bassin de la Sarre dans le département de la
Moselle, la gestion des milieux aquatiques constitue un champ
d’intervention autonome par rapport à la prévention des inondations.
Également compétent en matière d’eau potable et d’assainissement, il met
en œuvre une politique active de protection de la ressource qui intègre
l’ensemble des enjeux associés à la gestion de l’eau.
La gestion quantitative de l'eau en période de changement climatique - juillet 2023
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LA GESTION QUANTITAT
IVE DE L’EAU EN PÉRI
ODE DE CHANGEMENT
CLIMATIQUE
CAHIER TERRITORIAL DE GRAND EST
19
C -
Les
limites de la gestion du grand cycle de l’eau
à l’échelle du bassin versant
S’il satisfait aux conditions prévues par l’articl
e L. 213-12 du code
de l’environnement, un syndicat mixte compétent en matière de
Gemapi
peut être constitué sous la forme d’un établissement public territorial de
bassin (EPTB) ou d’établissement public d’aménagement et de gestion de
l’eau (EPAGE) à l’éch
elle de plusieurs sous-
bassins versants et doit l’être
quand le Sdage applicable le prévoit.
Sur le territoire de la région Grand Est, il existe à ce jour cinq EPTB
et quatre EPAGE. Le SDEA Alsace-Moselle et le syndicat mixte Moselle
Aval exercent ces missions dans des conditions équivalentes et sont en
cours de transformation en EPAGE, en EPTB ou les deux
7
. Leur périmètre
d’intervention ne recouvre pas cependant la totalité des territoires de la
région présentant des enjeux en matière de gestion de l’eau.
Le Sdage Rhin-Meuse 2016-
2021 recommandait la création d’un
nouvel EPTB sur le bassin de l’Ill. En l’absence de proposition
consensuelle des collectivités concernées, le préfet coordonnateur de
bassin n’a toutefois pas engagé d’office la création de cet ét
ablissement
public en application des dispositions de l’article
L. 213-12 du code de
l’environnement
. Le Sdage 2022-2027 maintient la recommandation
relative à la création d’un EPTB.
En outre, en raison des compétences qui leur ont été transférées,
l’activ
ité des EPTB existants est centrée sur la prévention des inondations.
Elle
ne s’étend pas à la gestion quantitative de la ressource.
Le département
des Vosges a ainsi
annoncé sa volonté de ne plus assurer l’animation du
Sage de la nappe des GTI quand il aura été approuvé. Les EPTB Meuse et
Meurthe-Madon dont le périmètre recouvre partiellement ce territoire ne
disposent pas à ce jour des compétences leur permettant de s’y substituer.
D -
L’organisation
inachevée de la gouvernance locale
En
application de l’arrêté du 20 janvier 2016 modifiant l’arrêté du
17 mars 2006 relatif au contenu des schémas d’aménagement et de gestion
des eaux, les recommandations du comité de bassin en matière de
7
Dans ce dernier cas en application de l’article
213-
12 du code de l’environnement
tel
que modifié par la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la
décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de
l'action publique locale.
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gouvernance du cycle de l’eau sont précisées par une stratégie
d’organisation des compétences locales de l’eau (SOCLE) qui accompagne
le Sdage
. En tant qu’annexe, elle ne revêt toutefois pas le caractère
opposable aux décisions administratives du Sdage.
Les SOCLE annexées aux Sdage 2016-2021 avaient néanmoins
pour objectif de faciliter la prise en compte des enjeux liés à la gestion de
l’eau –
création de la Gemapi et transfert des compétences eau potable et
assainissement aux EPCI -
dans l’élaboration des schémas départementaux
de coopération intercommunale (SDCI) prévus par l’a
rticle L. 5210-1-1 du
CGCT, notamment en vue de « la rationalisation des structures
compétentes en matière d'aménagement de l'espace, de protection de
l'environnement et de respect des principes du développement durable ».
La prise en compte des orientatio
ns des SOCLE dans l’élaboration
des SDCI de la région est cependant inégale et généralement limitée à leurs
dispositions relatives au petit cycle de l’eau. Le SDCI
, arrêté le 25 mars
2016 pour le département de l’Aube
et prévoyan
t de rationaliser l’exercic
e
des compétences dans le domaine du grand cycle de l’eau autour du
SDDEA et sa transformation en EPAGE, fait figure d’exception.
S’agissant du petit cycle de l’eau, le report à 2026 du transfert
automatique des compétences eau et assainissement aux EPCI contribue à
la complexité de la gouvernance locale de l’eau dont l’organisation
demeure à ce jour inachevée.
Ainsi, sur le secteur
du schéma d’aménagement et de gestion des
eaux (Sage) de la nappe des GTI, outre la présence de 71 entités localement
compétentes pour l’alimentation en eau potable et de trois
EPTB (Saône-
Doubs, Meurthe-Madon et Meuse), le périmètre du SAGE est positionné
sur deux bassins hydrographiques (Rhin-Meuse et Rhône-Méditerranée). Il
relève par conséquent de deux comités de bassin et deux agences de l’eau.
E -
Le rôle de facilitateur de la région Grand Est
La région Grand Est a signé avec les agences de l’eau Rhin
-Meuse,
Seine-Normandie et Rhône-Méditerranée-Corse un accord-cadre pour la
période 2017-2021, en cours de renouvellement pour la période 2022-2027.
Il vise à assurer la bonne articulation des documents de planification, à
élaborer des stratégies communes et à organiser le cofinancement de
projets répondant à leurs objectifs communs.
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CLIMATIQUE
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21
L
a région Grand Est s’est saisie de toutes les compétences partagées
en matière de gestion de l’eau
prévues par l’article L. 211
-7 du code de
l’environnement et soutient financièrement, à ce titre, les maîtres
d’ouvrage
.
L’exercice de la mission d’animation et de concertation dans le
domaine de la gestion de l’eau prévue
par cet article lui a permis d
’asseoir
son positionnement comme acteur de la gouvernance des bassins de son
territoire.
La région Grand Est participe à l
’amélioration de la connaissance du
fonctionnement hydrologique du territoire. Elle adhère à la plupart des
EPTB de la région, anime conjointement avec les agences de l’eau un
réseau des Sage et exerce la fonction de structure porteuse des Sage
Ill-nappe Rhin ainsi que des Sage des bassins ferrifère et houiller, en raison
de la défection des collectivités qui assuraient ce rôle jusqu’à leur
approbation dans ces deux derniers cas.
II -
La couverture territoriale et la cohérence
des schémas d’aménagement et de gestion
des eaux et de leur déclinaison opérationnelle
Les articles L. 212-3 à L. 212-
11 du code de l’environnement
prévoient que des schémas d'aménagement et de gestion des eaux sont
institués sur le périmètre d’un bassin versant ou d’un système aquifère pour
satisfaire aux principes de gestion équilibrée et durable de la ressource en
eau. Leur périmètre est déterminé par le Sdage applicable et à défaut par le
préfet de département sur initiative des collectivités territoriales qui en sont
à l’origine. Á défaut d’un
Sage
, d’autres documents contractuels comme
les projets de territoire pour la gestion de l’eau (PTGE) peuvent constituer
un cadre de planification de opérations de gestion quantitative de la
ressource.
A -
L’
enjeu quantitatif insuffisamment pris en compte
dans les schémas d’aménagement et de gestion des
eaux
Au 1
er
janvier 2022, la région Grand Est compte quinze Sage
approuvés ou en phase d’élaboration. Le
Sage Bassée-Voulzie et le Sage de
la nappe des GTI, en cours d’élaboration, sont les seuls dont l’élaboration est
prescrite par un Sdage applicable pour la période 2022-2027 dans la région
Grand Est. Le SDAE Seine-Normandie propose également la création de
Sage
pour la nappe des Craies de Champagne et l’Aube.
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Le Sage de la nappe GTI
en cours d’élaboration vise uniquement à
répondre à un enjeu de gestion quantitative de la ressource. La principale
disposition du projet de règlement fixe des plafonds de prélèvement par
type d’usage et par secteur, afin de les maintenir à un niveau inférieur à la
capacité de recharge annuelle de la nappe et de permettre sa reconstitution.
Le projet de règlement prévoit également un objectif de rendement
des réseaux imposé aux gestionnaires de la distribution d’eau potable sur
le secteur du Sage à hauteur de 90 %. Le seuil de 85
% fixé par l’article
D. 213-48-14-
1 du code de l’environnement resterait applicable en cas de
non-viabilité économique de la mesure. L
es gains en termes d’économie
d’eau attendus par l’amélioration des taux de rendement sont faibles au
regard du coût des travaux engendrés. Ces derniers
constituent l’essentiel
des dépenses prévues par le projet de Sage.
D’autres
Sage
prennent en considération l’enjeu de gestion
quantitative de l’eau. Dans le contexte spécifique de l’indisponibilité d’une
ressource pourtant abondante du fait des pollutions liées à l’activité
minière, le Sage du bassin ferrifère comporte un volet relatif à la
sécurisation de la ressource en eau potable. Le Sage Giessen-Lièpvrette
prévoit la définition de priorités d’usage
entre irrigation et alimentation en
eau potable en période d’étiage mais cette action n’a pas été mise en œuvre.
Le Sage Largue, focalisé sur la préservation des milieux aquatiques et la
reconquête du fonctionnement des cours d’eau
dans sa version initiale,
comprend depuis sa révision en 2016 des orientations plus larges intégrant
la préservation de la qualité des eaux de la Largue et de ses affluents et la
gestion quantitative des eaux.
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Carte n° 3 :
Sage de la région Grand Est au 1
er
janvier 2022
Source
: CRC Grand Est, d’après Gest’Eau, © IGN,
BD topo®
Néanmoins les Sage
existants n’intègrent pas tous un volet
quantitatif. Aucun ne comporte, à ce jour, de règle contraignante de
répartition des volumes prélevables. En outre, tous les territoires identifiés
par le Sdage comme exposés à des tension
s quantitatives ne font pas l’objet
d’une prescription d’élaboration d’un
Sage. Ainsi, la partie amont
de l’Ill
,
dont la source se situe
dans le Sundgau, pâtit d’une
qualité médiocre des
eaux et de déficits quantitatifs ponctuels qui pourraient justifier la mise en
place d’un
Sage.
B -
L
’absence de planification dans des territoires
exposés à des tensions quantitatives
Á défaut de Sage ou de leur volet quantitatif quand ils existent,
d’autres outils contractuels sont mis en œuvre pour répondre aux enjeux de
gestion quantitative de la ressource.
La préfète coordonnatrice de bassin a ainsi validé l’engagement
d’un PTGE pour répondre aux enjeux liés à la multiplication des assecs des
cours d’eau du grand Ried le 17 mai 2021. Instauré dans le cadre de
l’instruction
du Gouvernement du 7 mai 2019 qui vise à lutter contre la
sécheresse et les effets du changement climatique, il a pour objectif
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d’identifier des zones d’infiltration pour faciliter la recharge de la nappe et
d’établir un programme de restauration des cours d’eau pour améliorer
leurs fonctionnalités naturelles.
Á défaut de document de planification associant l’ensemble des
parties prenantes à l’échelle d’un bassin versant ou d’un aquifère ou de
manière complémentaire quand ils existent, les agences de l’eau
proposent
aux collectivités et à leurs groupements des conventions bilatérales.
L’établissement public d’aménagement et de gestion des eaux du bassin de
la Largue (EPAGE Largue) ainsi que trois de ses membres (Mulhouse
Alsace Agglomération, les communautés de communes Sundgau et Alsace
Largue) ont signé un contrat de territoire eau et climat (CTEC) avec
l’agence de l’eau
.
Malgré ces initiatives, les territoires à enjeux ne font pas encore tous
l’objet d’une planification contractuelle des opérations à mener pour
préserver la ressource à l’échelle adéquate.
C -
Des documents de planification parfois obsolètes
Les Sage
sont élaborés sur la base d’un
état des lieux de la ressource
en eau et du milieu aquatique qui recense les différents usages qui en sont
faits
et comportent un plan d’aménagement et de gestion durable (PAGD)
et un règlement édictant des règles de gestion de la ressource opposables
aux tiers.
L’article R. 212
-44-
1 du code de l’environnement prévoit que
la
commission locale de l'eau (Cle) délibère sur l'opportunité de les réviser
tous les six ans.
L
a durée d’élaboration d’un SAGE peut être très longue. Le
Sage de
la nappe des GTI, prescrit par le SDAGE Rhin-Meuse 2009-2016 et pour
lequel la Cle en charge de son élaboration a été instaurée en 2010 devrait être
définitivement établi par arrêté préfectoral en mars 2023. Si cet objectif est
atteint, la durée d’élaboration du
Sage aura été de plus de 13 ans.
Quand ils sont approuvés, les Sage peuvent reposer sur des états des
lieux datés et leur PAGD faire référence à des documents obsolètes sans
que les Cle
aient délibéré sur l’opportunité de les réviser pour les mettre à
jour. Par exemple, les Cle des Sage Ill-nappe Rhin et du Sage du bassin
ferrifère n’ont pas délibéré pour réviser les PAGD alors qu’ils ont été
arrêtés respectivement en 2014 et en 2015.
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25
D -
Une
mise en œuvre incomplète des plans d’action
Les Cle des Sage
dont la chambre a contrôlé la mise en œuvre sont
régulièrement constituées. Le taux de participation de leurs membres est
satisfaisant, même si les réunions n’ont pas touj
ours lieu à la fréquence au
moins annuelle prévue par le code de l’environnement.
Les PAGD ne font toutefois pas l’objet d’un tableau de bord
permettant de suivre la réalisation des actions qu’ils prévoient. Le bilan de
ces actions montre qu’elles ne sont
pas toujours intégralement mises en
œuvre.
S
i les actions devant permettre la sécurisation de l’alimentation en
eau potable du bassin ferrifère identifiées par le PAGD comme prioritaires
ont été réalisées, les opérations programmées relatives aux fonctionnalités
écologiques des cours d’eau ne l’ont pas été.
III -
La cohérence entre les documents
de planification de la gestion de l’eau
et les autres documents de planification territoriale
A -
Une articulation imparfaite avec les schémas
de cohérence territoriale
En application
de l’article L. 212
-
1 du code de l’environnement
, le
schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité
des territoires (SRADDET) adopté par la région Grand Est le 22 novembre
2019 précise les conditions de son articulation avec les Sdage applicables
et
les
agences
de
l’eau
Rhin
-Meuse,
Seine-Normandie
et
Rhône-Méditerranée Corse ont été associées à sa rédaction. La règle 11 du
SRADDET, «
réduire les prélèvements d’eau
», traduit notamment sa
bonne articulation avec les orientations des Sdage en matière de gestion
quantitative.
Cependant, de
puis l’adoption du SRADDET, la région
Grand Est a
rendu quatre avis provisoires ou définitifs sur des schémas de cohérences
territoriale (SCoT)
en cours d’adoption ou de révision
. Malgré la taille
restreinte de l’
échantillon, il ressort de ces avis que la règle n°11, « réduire
les prélèvements d’eau
»,
n’est pas reprise dans les SCoT
.
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26
B -
Une articulation imparfaite
avec les plans locaux d’u
rbanisme
La compatibilité d
es documents d’urbanisme
avec les documents de
planification de la gestion de l’eau
est vérifiée par les DDT. La DDT des
Vosges
n’a observé
aucune incompatibilité depuis 2016
bien qu’une
attention particulière soit désormais portée à la mise en place de plans
locaux d’urbanisme intercommunaux (PLUi)
. Ces derniers ont vocation à
terme à recouvrir l’ensemble du territoire départemental.
La DDT du Haut-
Rhin constate que l
es rapports de présentation des documents d’urbanisme
examinés se réfèrent au Sdage ou aux Sage mais que, dans neuf cas sur dix,
ces documents restent laconiques sur la ressource en eau.
Pour sa part, l
’EPAGE
Largue déplore ne pas être associé
d’emblée
à l’élaboration ou la révision des PLU et des PLUi.
Même si certains
gestionnaires l’associent à ces démarches, l’EPAGE doit veiller à être
présent
auprès des porteurs de projets pour faire valoir les enjeux de l’eau
dans ces documents.
La gestion du grand cycle de l’eau est une compétence partagée
entre l’État et
ses établissements publics,
d’une part
, et les collectivités
territoriales,
d’autre part. Lorsque les collectivités s’en saisissent, elle est
exercée à l’échelle pertinente si elle est transférée à un EPTB ou à un
EPAGE. Dans la région Grand Est, leur pér
imètre ne s’étend pas à tous les
territoires présentant des enjeux et leur intervention en matière de gestion
quantitative est limitée.
En dépit du rôle de facilitateur exercé par région Grand Est, les
territoires
exposés
à
des
tensions
quantitatives
ne
font
pas
systématiquement l'objet d’une planification de la gestion de l’eau. Quand
les plans existent, ils sont parfois obsolètes ou inappliqués. Leur
articulation avec les autres documents de planification territoriale n’est pas
toujours assurée.
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Chapitre III
Les mesures visant à réduire
les prélèvements d’eau et à mieux
partager la ressource
I -
Les mesures d’
urgence : la réduction
de la consommation en période de crise
Les épisodes de sécheresse sont plus de plus nombreux ces dernières
années. Avant la période de crise que la région a connu comme l’ensemble
de la France à l’été 2022, les préfets de départem
ent ont, depuis 2017, réuni
à de nombreuses reprises les comités départementaux de la ressource en
eau
8
pour adopter des mesures de restriction de la consommation d’eau.
Hormis 2021, 24 à 35 réunions par an se sont ainsi tenues.
A -
Une organisation de la gestion des épisodes
de sécheresse différenciée selon les départements
T
rois arrêtés déterminant les conditions de mise en œuvre des
mesures de restriction de la consommation en période de sécheresse
relevant du préfet coordonnateur de bassin sont en vigueur dans la région
Grand Est. Les arrêtés du 5 janvier 2022 de la préfète coordinatrice des
8
Ces comités ont remplacé les « comités sécheresse » à partir de 2021.
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28
bassins Rhin-Meuse et du 22 février 2022 du préfet coordonnateur du
bassin Seine-Normandie identifient les sous-bassins nécessitant une
coordination interdépartementale
renforcée mais n’intègrent pas la mise en
œuvre d’arrêtés cadres interdépartementaux. Pour le sud du département
des Vosges inscrit dans la zone
d’alerte Saône amont par l’arrêté cadre
interdépartemental du 20 mai 2022, l’arrêté du 23 juillet 2021 du préfet
coordonnateur du bassin Rhône-Méditerranée, détermine les mesures à
adopter en période de sécheresse.
En vue d’harmoniser les mesures de restriction prises au niveau
départemental, une doctrine régionale a été définie par la DREAL Grand Est.
Depuis 2018, elle publie durant la période d’étiage du 1er ma
i au 31 octobre
un bulletin de suivi des étiages pour permettre aux préfets de département de
respecter les délais fixés de 6 jours maximum entre le franchissement du seuil
d’alerte et la prise de mesures pour les bassins Seine
-Normandie et Rhin-
Meuse et de 8 jours maximum pour le bassin Rhône-
Méditerranée. L’arrêté
cadre inter-préfectoral du 26 juillet 2012 maintient néanmoins un dispositif
particulier pour les départements alsaciens.
B -
Des interrogations sur la qualité des données :
le cas du Haut-Rhin
Dans le Haut-Rhin, les points de mesures définissant les seuils
d’alerte des arrêtés sécheresse sont questionnés par de nombreux acteurs.
L’intervention
de
l’EPAGE
Largue
permet
d’améliorer
la
connaissance encore très parcellaire du territoire par la réalisat
ion d’études
sur la filière herbe, sur les débits minimums biologiques ou par des
campagnes de mesure de débit des affluents non équipés de station de mesure
lors des périodes d’étiage. L’EPAGE Largue prévoit également d’instaurer
un suivi continu sur la nappe des cailloutis du Sundgau avec un captage
équipé d’un piézomètre, et de constituer une instance regroupant les
représentants des syndicats d’eau du territoire afin de partager et valoriser les
données relatives à cette nappe à l’instar de l’observatoire de l’APRONA.
Outre celle du nombre de points de référence qui peut paraître limité,
la question de la pertinence de l’emplacement des stations de mesure est
également soulevée. Par exemple, sur le bassin versant de l’Ill, le point de
référence suivi par la DREAL Grand Est est le piézomètre de Sundhoffen,
alors que sur le site de son emplacement le débit de l’Ill est soutenu par le
Rhin. De ce fait, des cours d’eau connaissent des situations d’étiage sévère
avant que l’alerte sécheresse ne soit déclenchée
.
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Dans le cadre de la révision de l’arrêté
-cadre interdépartemental
pour les départements alsaciens, une nouvelle zone d’alerte sera créée pour
surveiller spécifiquement la zone du Grand Ried en tirant les conséquences
de l’étude
«
GES’Eau’R
».
II -
Les mesures de court terme : la délivrance
et le contrôle des autorisations de prélèvements
A -
Des synergies à rechercher entre services d
e l’État
Une MISEN est constituée dans chaque département afin de faciliter
la collaboration des différents services de l’État charg
és de la police de
l’environnement dont
font partie
la direction départementale de l’emploi,
du travail, des solidarités et de la protection des populations, la DREAL,
l’agence régionale de santé
et
l’
OFB.
Dans le département des Vosges, la MISEN est animée par la DDT.
Son comité stratégique se réunit une à deux fois par an sous la coprésidence
du Préfet et du procureur de la République. Il a pour objet de faire le bilan
des contrôles passés et de renouveler les principales orientations des plans
de contrôle afin de vérifier l’atteinte des objectifs fixés par la directive
cadre sur l’eau. Afin d’améliorer le partage de l’information entre les
services concernés, la DDT des Vosges a mis en place une plateforme
d’échanges de données.
B -
Un
exercice des missions de police de l’eau
à réexaminer
Dans le département des Vosges, les ressources de la DDT sont
principalement affectées à l’instruction des demandes d’autori
sation de
prélèvement. Les instructions sont le plus souvent réalisées sur pièces. Une
expertise externe peut être requise pour les demandes les plus complexes
portant sur les prélèvements en nappe d’eau souterraine, dont le
fonctionnement est difficilement modélisable. La majeure partie du temps
de travail des agents chargés
de la police de l’eau n’est plus consacrée au
contrôle mais aux mesures de prévention envers les différents acteurs.
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La situation dans le Haut-Rhin est analogue. Une part importante du
travail des inspecteurs de la DDT relève du conseil aux pétitionnaires, en
particulier aux collectivités qui ne disposent pas de compétence interne. De
2016 à 2021, le service « eau » de la DDT a traité 211 déclarations et
3 autorisations au titre des installations, ouvrages, travaux et activités ayant
un impact sur l’environnement
et
n’a
effectué que 9 contrôles. Les moyens
dédiés à la police de l’eau sont compris, sur l’ensemble de la pér
iode, entre
sept et huit équivalents temps plein, et à moins d’un équivalent temps plein
(entre 0,35 et 0,5) pour le contrôle des prélèvements.
Sans compenser l’insuffisance des contrôles, l’EPAGE Largue
assure, au titre de ses missions, la surveillance quotidienne du bassin
versant (surveillance de terrains et relevés) et intervient en concertation
avec les services de police de l’eau
et de
l’office français de la biodiversité
(OFB), à qui il peut transmettre tout document. Il exerce un rôle de
«
lanceur d’alerte
» et contribue ainsi à la protection des secteurs
particulièrement fragiles.
III -
Les mesures de long terme visant à réduire
les prélèvements sur la ressource en eau
Les états des lieux des Sdage
applicables montrent que l’amélioration
de la disponibilité de la ressource dans la région Grand Est implique aussi
celle de l’état chimique et écologique des nappes et des cours d’eau. Outre la
reconquête
du bon état de l’eau, des mesures de gestion quantitative sont
poursuivies pour réduire les tensions présentes et anticipées.
A -
La résorption des fuites
Depuis 2010, en application de l’article
L. 2224-7-1 du CGCT, les
autorités gestionnaires d’un service d’eau potable dont le taux de perte
s'avère supérieur à un taux fixé par décret doivent adopter un schéma de
distribution de l’eau potable, intégrant un plan de résorption des fuites.
Depuis 2021, ce schéma doit désormais « tenir compte de l'évolution de la
population et des ressources en eau disponibles ».
Il apparaît toutefois que l’adoption de ces schémas, qui doit
intervenir au plus tard le 31 décembre 2024, n’est pas encore généralisée
et que les groupements spécialisés respectent davantage cette obligation
que les établissements publics de coopération intercommunales ou les
communes encore compétentes.
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31
Ainsi, la communauté de communes Sundgau qui exploite en régie
directe le réseau d’eau potable de son territoire, n’est pas encore dotée d’un
tel schéma, tandis que le SDDEA et le SDEA Alsace-Moselle en disposent.
Le schéma du SDEA Alsace-Moselle intègre notamment des travaux
d’interconnexions nécessaires à la sécurisation des secteurs déficitaires au
vu des projections de consommation et de production.
Dans le département des Vosges, la DDT a engagé une démarche
visant à améliorer la performance des réseaux des gestionnaires et à assurer
leur conformité aux obligations réglementaires relatives à la réduction des
pertes du réseau de distribution d’eau potable.
Les collectivités concernées
ont été destinataires d’
un courrier leur rappelant leurs obligations en la
matière et la possibilité de faire appel aux financements disponibles auprès
de l’agence de l’eau et du
département des Vosges.
B -
La diminution des prélèvements
Les agences de l’eau accompagnent les entrepri
ses pour réduire les
prélèvements industriels. L’agence de l’eau Rhin Meuse accorde aux
industriels des subventions en vue d’une adaptation des
procédés
permettant de réduire les besoins en eau. Des contrats industriels eau et
climat (CIEC) ont été signés avec des industriels concernés sur les
territoires à enjeux, comme la brasserie industrielle de la Licorne à Saverne
pour diminuer le volume d’eau nécessaire à la production de bière.
Un
CIEC
est également en préparation avec la fromagerie l’Ermitage
concernée par le Sage de la nappe GTI.
Les enjeux de gestion quantitative ne font
pas l’objet d’interventions
contractualisées entre les agences de l’eau et la chambre régionale
d’agriculture Grand Est, mais la question de l’irrigation et de la sobriété
des cultures est traitée en partenariat avec les chambres départementales,
en particulier avec la chambre
interdépartementale d’Alsace
Bien qu’elle n’incite pas à la réduction des prélèvements, la
tarification dégressive de l’eau est encore communément pratiquée dans les
territoires ruraux.
Alors que les épisodes de sécheresse se multipl
ient, l’organisation
de la gestion des situations de crise demeure différenciée selon les
départements. Á court terme, des synergies à rechercher entre services de
l’État peuvent améliorer la réponse apportée et le renforcement du contrôle
des prélèvements, contribuer à un meilleur partage de la ressource.
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Á plus long terme, les schémas de distribution de l’eau doivent
permettre de réduire les pertes des réseaux d’eau potable. Les agences de
l’eau aident les industriels à réduire leurs prélèvements, mais
cette question
n’est pas abordée avec les représentants des professions agricoles et le
recours à l’irrigation devrait continuer à croître.
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Chapitre IV
La sécurisation de la couverture
des besoins en eau et la préservation
des milieux aquatiques
I -
La préservation des milieux aquatiques
et l
’utilisation de solutions fondées sur la nature
A -
La « désimperméabilisation » des sols
Les scénarios d’anticipation des effets du ch
angement climatique
dans la région Grand Est retiennent l’hypothèse d’un maintien du niveau
annuel des précipitations accompagné d’une modification du régime des
pluies efficaces pour la recharge des aquifères. Dans ce contexte, la gestion
des eaux pluviales constitue une des priorités des programmes
d’intervention des agences de l’eau.
L
agence
de l’eau Rhin
-Meuse
soutient dans le cadre de contrat territorial Eau et Climat (CTEC) les
programmes de désimperméabilisation
de l’
espace public portés par les
grandes collectivités urbaines du bassin (Eurométropole de Strasbourg,
métropole
du
Grand
Nancy,
Metz
métropole,
communauté
d’agglomération d’
Épinal).
En
lien avec les agences de l’eau, la région Grand Est a adopté en
avril 2022 un nouveau dispositif d’aide i
ntitulé « Changement climatique
et impact sur les ressources en eau et les milieux naturels - Anticiper le
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34
manque d'eau et les sècheresses ». Il prévoit de soutenir tous projets
innovants ou structurants permettant de préserver les ressources en eau,
restaurer les milieux naturels pour atténuer les impacts du changement
climatique et sécuriser l’accès à la ressource sur le territoire de la région.
La majorité des projets subventionnés visent à mettre en œuvre des
systèmes de récupération des eaux pluviales.
B -
La renaturation des milieux aquatiques
La stratégie des agences de l’eau et de la région Grand Est met en
avant la fonction d’«
infrastructure verte » des milieux naturels qui rendent
de manière pérenne et durable de multiples services d’intérêt gén
éral
(autoépuration, biodiversité, régulation des inondations et des étiages, etc.)
et permettent la préservation de la disponibilité de la ressource. Sont
notamment soutenues dans le cadre du dispositif « Restauration des cours
d'eau et des milieux aquatiques » de la région Grand Est des travaux de
restauration de la fonctionnalité des milieux aquatiques comme les
opérations de reméandrage, de renaturation de la rive, de reconnexion de
bras morts, de création de mares et de frayères et de suppression
d’amé
nagements transversaux (passage à gué, buses).
II -
Les infrastructures de stockage
et les stratégies alternatives
A -
Une solution écartée : l
’augmentation de la capacité
des infrastructures de stockage
L'EPTB Seine Grands Lacs a pour mission d’assurer le soutien
d'étiage de la Seine et de ses affluents et de prévenir les inondations et
exploite à cette fin des ouvrages de stockage situés en amont du bassin sur
le territoire de la région Grand Est (le lac du Der sur la Marne, les lacs du
Temple et d’Amance sur l’Aube et le lac d’Orient sur la Seine). Ces
réservoirs permettent également d’assurer l’alimentation en eau potable de
l’Île
-de-
France, d’alimenter
la centrale de Nogent-sur-Seine et de faciliter
le
recours à l’irrigation des agriculteurs du territoire.
Deux autres infrastructures de stockage permettent de sécuriser
l’alimentation en eau potable du territoire, le lac de Madine dans la Meuse
pour l’agglomération messine et la retenue de Michelbach pou
r
l’agglomération mulhousienne.
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LA GESTION QUANTITAT
IVE DE L’EAU EN PÉRI
ODE DE CHANGEMENT
CLIMATIQUE
CAHIER TERRITORIAL DE GRAND EST
35
Si
l’augmentation de volume des ouvrages actuels n’est pas exclue
,
il n’existe aucun projet majeur de nouvelle infrastructure de stockage d’eau
à des fins d’alimentation en eau potable ou d’irrigation
dans la région
Grand Es
t. Les masses d’eau stockées dans les mines ennoyées du bassin
ferrifère
sont
toutefois
considérées
comme
des
réservoirs
dont
l’exploitation sera possible dans quelques années quand les pollutions liées
au passé minier auront diminué.
B -
Élargir la ressource utilisable :
la réutilisation d’eaux usées
L’apparition de tensions quantitatives dans le bassin Rhin
-Meuse
étant récente, les stratégies alternatives et en particulier la réutilisation des
eaux usées sont peu développées à ce jour. Dans le bassin Seine-
Normandie, les eaux de lavage et de process
de l’industrie betteravière sont
utilisées pour l’irrigation.
Dans le secteur du Sage des GTI, des expérimentations sont
envisagées par les industriels afin de diminuer leurs prélèvements dans la
nappe. C’est le ca
s de
Nestlé Water Supply Est
, qui a déposé une demande
en ce sens auprès de la DREAL Grand Est, mais également de la fromagerie
de l’Ermitage qui souhaiterait réutiliser des eaux pour des usages autres
que la production agroalimentaire.
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Liste des abréviations
APRONA
......
Association pour la protection de la nappe d’Alsace
CGCT
............
Code général des collectivités territoriales
CIEC
.............
Contrat industriel eau et climat
CLE
...............
Commission locale de l’eau
CTEC
............
Contrat de territoire eau et climat
DCE
...............
Directive-
cadre sur l’eau
DDT
..............
Direction départementale des territoires
DREAL
.........
Direction régionale de
l’environnement,
de l’aménagement
et du logement
EPAGE
..........
Établissement public d’aménagement et de gestion des eaux
EPCI
..............
Établissement public de coopération intercommunale
EPTB
.............
Établissement public territorial de bassin
ERMES
.........
Évolution de la ressource et
monitoring
des eaux souterraines
du Rhin supérieur
GEMAPI
.......
Gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations
GTI
................
Grès du trias inférieur
MISEN
..........
Mission interservices de l’eau et de la nature
OFB
...............
Agence française de la biodiversité
PAGD
............
Plan d’aména
gement et de gestion durable
PDM
..............
Programme de mesures
PLU(i)
...........
Plan local d’urbanisme
(intercommunal)
PTGE
.............
Projet de territoire pour la gestion de l’eau
SAGE
............
Schéma d’aménagement et de gestion de l’eau
SCoT
.............
Schémas de cohérence territoriale
SDAGE
.........
Schéma dire
cteur d’aménagement et de gestion des eaux
SDCI
.............
Schéma départemental de coopération intercommunale
SDDEA
.........
Syndicat départemental des eaux de l'Aube
SDEA
............
Syndicat des eaux et de l’assainissement d’Alsace
-Moselle
SOCLE
..........
Stratégie d’organisation des compétences
locales de l’eau
SRADDET
....
Schéma régional d'aménagement, de développement durable
et d'égalité des territoires
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