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Les notes du CPO
N° 5 - Juillet 2023
La fiscalité nutritionnelle
Cette note a été préparée par Capucine Grégoire et Pierre Prady, inspecteurs des finances, et validée par le
Conseil des prélèvements obligatoires dans sa séance du 13 juillet 2023. Elle fait suite au rapport du CPO de
février 2023 sur la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qui a écarté la modulation des taux comme instrument
de santé publique (p. 59 du rapport
1
).
Dès 2004, la stratégie mondiale pour l’alimentation, l’exercice physique et la santé, publiée par
l’Organisation mondiale de la santé (OMS), invitai
t les États à «
influencer les prix moyennant des taxes,
des subventions ou la fixation directe des prix de façon à promouvoir une alimentation saine
». En effet, la
forte consommation d’aliments très caloriques, mais pauvres en nutriments et riches en gra
isses, en sucre
et en sel, constitue un déterminant principal, avec un exercice physique insuffisant et la consommation
de tabac, des maladies non transmissibles comme le surpoids et l’obésité
2
, les maladies cardio-
vasculaires et le diabète de type II, mai
s aussi certaines formes de cancer. Cet objectif s’incrit dans le
cadre de la stratégie nationale pour l'alimentation, la nutrition et le climat
3
qui a pris acte de l’imbrication
des enjeux de protection de l’environnement et de la santé humaine.
En Franc
e, l’amélioration de la qualité de l’alimentation des citoyens repose sur des outils
complémentaires de politiques publiques (information des consommateurs, réglementation du contenu
des aliments, soutien financier aux ménages précaires, fiscalité, etc.) inscrits dans le programme national
pour l’alimentation et le programme national nutrition santé
(cf. tableau 1).
Tableau 1 : Panorama des outils
d’amélioration
de la qualité de
l’alimentation
des citoyens
Source : CPO.
1
En appui du rapport général, le rapport particulier n° 5 intitulé « la TVA face aux défis socioéconomiques » détaille le
raisonnement ayant conduit à écarter la modulation des taux de TVA comme réponse aux enjeux de santé publique.
2
Cf. Communication de la Cour à la commission des affaires sociales de
l’Assemblée
nationale
–
novembre 2019
–
La prévention
et la prise en charge de
l’obésité
: «
Aujourd’hui,
un Français sur deux est en surpoids et un sur six est obèse ; si le taux de prévalence
de
l’obésité
en France (17 % pour les adultes) est inférieur à la moyenne des pays de
l’OCDE
(23,3 %), il est supérieur à celui de
l’Italie
(9,8 %) et à celui de la Suède, de la Suisse ou encore de la Norvège » .
3
Prévue par
l’article
265 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021, elle détermine les orientations de la politique de l'alimentation
durable, moins émettrice de gaz à effet de serre, respectueuse de la santé humaine, davantage protectrice de la biodiversité,
favorisant la résilience des systèmes agricoles et des systèmes alimentaires territoriaux et garante de la souveraineté
alimentaire.
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2
Même si elle constitue la principale taxe sur la consommation, l
’idée selon laquelle
la TVA pourrait être
modulée
en fonction de l’impact nutritionnel d’un aliment ou d’une boisson
est en pratique inopérante.
Conçu selon un raisonnement par grandes catégories de biens et services, le cadre de la TVA ne
permettrait pas une taxation suffisamment fine. Ainsi, il ne serait pas possible de taxer différemment
deux produits en apparence similaires (deux tablettes de chocolat, par exemple) mais ayant des
caractéristiques nutritionnelles différentes.
En revanche, d’autres taxes visant spéci
fiquement à améliorer la qualité nutritive des aliments et
boissons consommés constituent un levier pertinent de fiscalité comportementale, au contraire de la
TVA. Cette fiscalité nutritionnelle se limite, en France comme dans de nombreux autres pays, à la fiscalité
sur les boissons sucrées et sur les boissons édulcorées dont les produits sont affectés au financement de
l’assurance maladie. Elle entre dans le champ plus large de la fiscalité alimentaire qui comprend aussi la
taxation des boissons alcoolisées.
Dans ce contexte, la présente note a pour objectifs :
-
de dresser un panorama de la fiscalité indirecte applicable spécifiquement aux consommations en
boissons et aliments (fiscalité nutritionnelle et fiscalité sur l’alcool, hors TVA)
;
-
d’examiner, en particulier, l’efficacité de la
fiscalité nutritionnelle, soit en France les contributions
sur les boissons sucrées et édulcorées ;
-
d’étudier des pistes d’amélioration et d’extension de la fiscalité nutritionnelle.
Le CPO initie ainsi une réflexion relative à la fiscalité
comme levier
d’évolution
des comportements et
outil de prévention des risques en santé et des pratiques addictives, sur laquelle il reviendra
ultérieurement.
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1.
La
fiscalité
sur
les
produits
alimentaires présente peu de cohérence
en matière de santé publique
La principale fiscalité sur les produits
alimentaires est la TVA. Trois taux de TVA
s’appliquent
:
5,5 %
sur
un
produit
conditionné
dans
des
contenants
en
permettant la conservation, 10 % sur un
produit vendu pour une consommation
immédiate
et
20 %
sur
les
boissons
alcoolisées quel
qu’en
soit le type de
consommation. Le CPO reviendra dans une
prochaine note sur les taux réduits de TVA.
Les préoccupations de santé publique sont
étrangères à la répartition des produits
alimentaires selon cette grille de taux.
A côté de la TVA
s’est
construite une fiscalité
alimentaire
spécifique
partiellement
motivée par des préoccupations de santé
publique.
1.1.
Affectée à
l’assurance
maladie, la
fiscalité alimentaire est circonscrite aux
boissons
En
France,
l’application
d’une
taxation
indirecte sur certains produits alimentaires
est très ancienne.
La gabelle, impôt sur le sel,
était prélevé dès le XIIIème siècle. Des droits
spécifiques sur le vin sont mentionnés dès le
XIVème siècle (
cf
. de Villedeuil C., Histoire de
l’impôt sur les boissons, 1854).
Cette fiscalité n’avait cependant pas de
finalité incitative
. Historiquement, et jusqu’à la
mise en place de la taxe sur la valeur ajoutée en
1954, la fiscalité indirecte était avant tout assise
sur
des
objets
dont
la
production,
la
consommation
ou
la
circulation
étaient
facilement identifiables. Plus que l’orientation
des comportements dans un objectif de santé
publique, la fiscalité afférente (taxation des
boissons, alcooliques ou non, des farines, des
huiles, des céréales, du sel notamment) avait
davantage pour objet de procurer des recettes
budgétaires ou de pénaliser une production
importée
par
rapport
à
une
production
nationale.
4
Dont 0,1
Md€
pour les droits de circulation.
Ces choix historiques expliquent pour partie
la
typologie
de
la
fiscalité
spécifique
française. Ainsi, deux familles de produits
alimentaires néfastes pour la santé publique
font l’objet d’une fiscalité spécifique
dont le
produit est affecté à l’assurance
-maladie :
-
les boissons alcoolisées sont assujetties à
des accises différentes, encadrées par la
Directive (UE) 2020/1151, selon le type de
produit et, pour certains d’entre eux, leur
titrage alcoométrique. Ces impôts ont
généré 4,3
Md€ de recettes en
2022 ;
-
les
boissons
non-alcoolisées
sont
soumises à la contribution sur les boissons
sucrées, la contribution sur les boissons
édulcorées et aux droits de circulation sur
les boissons non alcoolisées, qui ont
rapporté 0,6
Md€ en 2022
4
.
Les boissons sont donc les seuls produits
alimentaires faisant l’objet de taxes ayant un
objectif de santé publique.
1.2.
La fiscalité applicable aux boissons
alcoolisées ne présente pas de cohérence
au regard des enjeux de santé publique
En dehors de la TVA, la comparaison des
montants des taxes spécifiques applicables aux
différents types de boissons met en évidence des
différences de traitement importantes, sans
cohérence
en
termes
de
santé
publique
(
cf
. annexe 1).
À titre d’exemple, l’écart de fiscalité entre les
spiritueux (à 45°) et le
vin tranquille est d’un
facteur
270,
alors
que
l’écart
de
titre
alcoométrique
est
d’environ
3,5.
Le
vin
représentant environ 60 % de la consommation
d’alcool (en litres d’alcool pur) en métropole, les
choix en matière de fiscalité préservent la
consommation majoritaire.
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Un rapport public thématique de la Cour des
Comptes de 2016
5
mettait en lumière l’absence
de cohérence de la fiscalité sur les boissons
alcoolisées et préconisait le relèvement des
droits d’accise afin de contribuer à réduire les
consommations à risque
6
. Le CPO y reviendra
dans ultérieurement compte tenu des enjeux
multiples de ces produits.
1.3.
Cible
privilégiée
de
la
fiscalité
nutritionnelle, les taxes sur les boissons
sucrées existent dans une quarantaine de
pays dont dix en Europe
En
dépit
des
recommandations
internationales, la mise en place d’une
fiscalité
nutritionnelle
se
limite
pour
l’essentiel à la taxation des boissons sucrées.
La
fiscalité
nutritionnelle
fait
l’objet
de
recommandations
des
institutions
internationales (Banque mondiale
7
, OMS
8
) et
françaises (rapports parlementaires
9
, Haut
conseil de la santé publique
10
), qui ne se limitent
pas uniquement au champ des boissons sucrées
et édulcorées.
En 2020, il existait des taxes sur les boissons
sucrées dans plus de 40 pays, au niveau national
ou local, dont 11
11
en Europe, avec des ambitions
toutefois variables en termes de barème et
d’assiette (
cf
. annexe 2). Plusieurs de ces pays
–
parmi lesquels la France, la Finlande, la Norvège
et l’Estonie –
ont en outre introduit des taxes sur
les boissons édulcorées pour limiter les effets de
déport se traduisant par une hausse de la
consommation d’édulcorants au regard de leurs
potentiels effets nocifs sur la santé
12
.
5
« Les politiques de luttes contre les consommations
nocives
d’alcool
», Rapport public thématique
de juin 2016.
6
Buveurs réguliers excessifs, consommations entraînant
des complications, dépendance, alcoolisation ponctuelle
importante ou binge drinking.
7
Banque mondiale, 2020, « Obesity : Health and Economic
Consequences of an Impending Global Challenge ».
8
OMS, Stratégie mondiale pour l'alimentation, l'exercice
physique et la santé, mai 2004.
9
Rapport
d’information
du
Sénat
sur
la
fiscalité
comportementale (2014) ; rapport des députés Louwagie,
Hammadi sur la taxation des produits agroalimentaires
(2016) ; rapport
d’information
du Sénat « Surpoids et
obésité,
l’autre
pandémie » (juin 2022).
10
Rapport du Haut Conseil de la santé publique « Pour une
politique nationale nutrition santé en France » (2017).
11
Belgique, Royaume-Uni, Irlande, France, Espagne (pour
la Catalogne uniquement), Portugal, Norvège, Finlande,
Estonie, Lettonie, Hongrie.
Peu d’initiatives existent en dehors du
champ des boissons sucrées qui demeurent
l’assiette
privilégiée
pour
la
fiscalité
nutritionnelle.
Deux raisons contribuent à
expliquer ce choix : (i) le sucre a des effets
néfastes
documentés sur
la
santé ;
(ii)
la
consommation d'une boisson n'a pas d'impact
sur
les
apports
en
nutriments
liés
à
l’alimentation, et la substitution des boissons
sucrées est plus aisée (cf. encadré 1).
Encadré 1 : Les effets néfastes sur la santé de la
consommation de boissons sucrées
Plusieurs
publications
ont
montré
les
effets
néfastes sur la santé des boissons sucrées :
▪
une revue de 30 publications de 1996 à 2005 a
montré
une
association
positive
entre
la
consommation plus importante de boissons
sucrées
(en
particulier
de
soda)
et
le
surpoids/obésité chez les enfants et les adultes
(Malik et Hu 2015
13
) ;
▪
une autre méta-analyse portant sur 88 études a
révélé
que
la
consommation
de
boissons
sucrées est également liée à une consommation
moindre de lait et de calcium, ainsi qu’à un
risque accru de problèmes de santé au premier
rang desquels se trouve le diabète (Vartanian,
Schwartz et Brownell 2007
14
) ;
▪
une série d'études sur les impacts sur la santé
de la taxe mexicaine sur les boissons sucrées ont
estimé
qu'elle
permettrait
d’éviter
environ 189 300 cas de diabète de type 2,
20 400 accidents
vasculaires
cérébraux
et
infarctus
du
myocarde
et 18 900
décès
survenus entre 2013 et 2022 (Sánchez- Romero
et al. 2016
15
).
Source : banque mondiale
12
Les résultats
d’un
récent travail de chercheurs et
chercheuses
de
l’Inserm,
de
INRAE,
de
l’Université
Sorbonne Paris Nord et du Cnam, suggèrent une association
entre la consommation
d’édulcorants
et un risque accru de
cancer. Ils font
l’objet
d’une
publication dans la revue PLOS
Medicine.
13
Malik V, Hu F, et al. Fructose and Cardiometabolic
Health. J Am Coll Cardiol. 2015 Oct, 66 (14) 1615
–
1624.
14
Vartanian LR, Schwartz MB, Brownell KD. Effects of soft
drink consumption on nutrition and health: a systematic
review and meta-analysis. Am J Public Health. 2007
Apr;97(4):667-75.
15
Sánchez-Romero LM, Penko J, Coxson PG, Fernández A,
Mason A, Moran AE, Ávila-Burgos L, Odden M, Barquera S,
Bibbins-Domingo K. Projected Impact of Mexico's Sugar-
Sweetened
Beverage
Tax
Policy
on
Diabetes
and
Cardiovascular Disease: A Modeling Study. PLoS Med. 2016
Nov
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Au-delà des boissons, les taxes ciblant des
aliments à faible qualité nutritionnelle n’existent
que ponctuellement, notamment en Hongrie
(taxe sur certains produits sucrés et salés
16
) et
au
Danemark
(taxe
sur
certains
produits
sucrés
17
en plus des boissons). La tentative à, la
fin de
2011 d’instaurer une taxe sur les graisses
saturées au Danemark a, quant à elle, échoué à
peine plus d’un an après sa création (cf.
encadré
2). De telles taxes soulèvent des difficultés de
mise en œuvre opérationnelle et peuvent se
révéler impopulaires en raison de leur effet
haussier sur le prix des aliments concernés.
Encadré 2 :
L’échec
de la mise en
œuvre
d’une
taxe sur les graisses saturées au Danemark
Le Danemark a procédé, en octobre 2011, à une
réforme fiscale de grande ampleur consistant
notamment à introduire une taxe de 16 couronnes
(1,37 euros
18
) par kilo sur les aliments contenant
plus de 2,3 % de graisses saturées (applicable à la
viande, aux graisses animales et végétales, aux
huiles, etc.).
À peine plus d'un an après sa création, la taxe sur les
graisses saturées a toutefois été supprimée par les
autorités nationales qui ont invoqué les contraintes
administratives pour les entreprises (en particulier
pour les producteurs d'aliments naturellement
riches en graisses saturées) et favorisant les achats
transfrontaliers, en Allemagne ou en Suède.
Aucune évaluation officielle de ses conséquences
sur les habitudes alimentaires, les comportements
d'achat et la santé des Danois, n'a été établie. Une
étude a toutefois mis en évidence, au cours des trois
premiers mois, une forte hausse du prix des
produits taxés et une diminution de 10 à 20 % de la
consommation de produits tels que le beurre et les
margarines
19
.
Source
: Rapport d’information du Sénat «
Fiscalité et santé
publique : état des lieux des taxes comportementales » de
février 2014.
16
Tels que les chips, les produits chocolatés, les confiseries,
les biscuits, les glaces, certaines confitures, les boissons
sucrées, les boissons énergisantes et les prémix.
17
Dont les bonbons, le chocolat et les crèmes glacées.
18
Conversion réalisée au 18 juin 2023.
En France, la fiscalité nutritionnelle se limite
aux contributions sur les boissons sucrées
(article 1613
ter
du CGI) et sur les boissons
édulcorées (article 1613
quater
du CGI)
,
toutes deux créées en 2012.
Ces contributions
sont
à
l’origine
de
recettes
budgétaires
respectivement de 456
M€ et
41
M€ en
2022.
L’assiette de la contribution sur les boissons
sucrées comprend toutes les boissons sucrées
non alcoolique
20
à l’exception des laits infantiles,
des boissons à base de soja ou encore des sirops.
Ces
contributions
ont
été
instaurées
par
l’article
27 de la loi de finances initiale (LFI)
pour 2012 sous forme de taxes proportionnelles
à la quantité de boissons contenant des sucres
ajoutés ou des édulcorants de synthèse, quelle
que
soit
la
quantité de
ceux-ci.
La
visée
comportementale de la contribution sur les
boissons sucrées a été ultérieurement renforcée
via
une refonte de son barème par l’article 19 de
la loi de financement pour la sécurité sociale
pour 2018 en indexant son montant sur la
teneur en sucre de la boisson (
cf
. graphique 1).
Graphique 1 : Comparaison des taxes sur les
boissons sucrées française (initiale et post-
réforme) et britannique selon leur taux par
quantité de sucres ajoutés
Source : CPO (données : Articles 1613 ter et 1613 quater du
code général des impôts).
Note de lecture 1 : Depuis la réforme de 2018, en France, au-
delà de quinze kilogrammes de sucres ajoutés par hectolitre
de
boisson,
le
tarif
applicable
par
kilogramme
supplémentaire est fixé à 2,1
0 € par hectolitre de boisson.
Note de lecture 2 : Le barème de la taxe britannique a été
converti en euros en appliquant le taux de change
du 19 juin 2023 (1 livre = 1,17 euros).
19
Jensen et Smed (2012) The Danish tax on saturated fat :
Short run effects on consumption and consumer prices of
fats, Institute of Food and resource economics, University
of Copenhagen.
20
Dont le titre alcoométrique n'excède pas 1,2 % vol. ou,
dans le cas des bières au sens de l'article 520 A, 0,5 % vol.
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Ainsi, plus une boisson contient une teneur
élevée en sucres ajoutés, plus le montant de la
taxe est important selon un barème en escalier
relativement lisse (i.e. paliers tous les 10g par
litre). En dépit de cette réforme, la taxe française
demeure
moins
incitative
que
le
barème
britannique présenté ci-dessus :
-
pour
une
boisson
de
cola
classique
contenant 10,6 g de sucres/100 ml, la taxe
française représente 16 centimes par litre
contre 21 centimes par litre au Royaume-
Uni ;
-
les paliers moins marqués de la taxe
française incitent à une baisse de la teneur
en sucre indépendamment du niveau de
départ, mais pourraient être moins lisibles
et incitatifs pour les industriels.
La contribution sur les boissons édulcorées n’a
quant à elle pas été réformée, et équivaut à un
montant forfaire minime (3,17
€ par hectolitre,
soit un peu plus de 3,2 centimes par litre). Son
effet
sur
la
consommation
de
boissons
édulcorées n’a jamais été évalué, mais devrait
être faible compte tenu de son montant.
À ce stade, seule la contribution sur les boissons
sucrées dans sa version initiale de 2012 a fait
l’objet
de
travaux
empiriques
d’évaluation
montrant une efficacité limitée (cf. encadré 3).
Ce résultat apparaît cohérent avec le montant
minime de la taxe dans son format initial.
Conformément
au
programme
national
nutrition
santé
2019-2023,
l’évaluation
empirique de
l’impact
de la réforme de 2018 sur
la diversification de
l’offre,
sur les ventes et les
choix des consommateurs est en cours, avec des
conclusions prévues pour
l’automne
2023
21
.
21
Cette évaluation, prévue par
l’action
3 de
l’objectif
1 du
programme national nutrition santé, est pilotée par la
direction générale de la santé en lien notamment avec
l’Anses,
l’Inra
et le HCSP.
22
Etilé F, Lecocq S, Boizot-Szantai C., (2018), « The
incidence of soft-drink taxes on consumer prices and
welfare: evidence from the French
“soda
tax”
».
23
Capacci S, Allais O, Bonnet C, Mazzocchi M., (2019), « The
impact of the French soda tax on prices and purchases. an
ex post evaluation ».
24
La répercussion serait plus partielle pour les jus de fruits
par rapport aux sodas, en raison
d’une
hausse anticipée des
prix par les industriel avant
l’entrée
en vigueur de la taxe.
Encadré 3 : Résultats des évaluations du barème
de 2012 de la taxe française
Les évaluations de la contribution dans son format
initial mettent en évidence :
▪
la transmission dans les prix estimée entre 39 %
après un an (Etilé et al, 2018
22
) et plus de 100 %
après cinq ans (Capacci et al, 2019
23
) avec des
différences importantes selon la nature des
boissons
24
et des marchés
25
;
▪
une faible diminution de la consommation des
boissons taxées (de l’ordre de
0,5 litre par
personne et par an) en cohérence avec le
montant minime de la taxe (avec une élasticité
de -1 selon Capacci et al). Cette baisse est plus
importante pour les grands consommateurs de
sodas (6,8 à 11,4 litres par an).
Source
: CPO, d’après les différentes études empiriques citées.
2.
Sous
réserve
d’un
ciblage
pertinent,
la
fiscalité
nutritionnelle
constitue
un
outil
efficace
pour
améliorer la qualité de
l’alimentation
des citoyens
2.1.
La taxation des produits à faible
qualité nutritionnelle peut orienter de
manière
vertueuse
les
choix
des
consommateurs et des industriels
L’efficacité de la fiscalité nutritionnelle tient à
ses effets :
-
sur les choix de consommation
, en
incitant les consommateurs à modifier
leurs
choix
selon
une
logique
pigouvienne
26
.
Ces effets sont fonction,
d’abord, de la transmission de la taxe dans
les prix
27
et, ensuite, de l’élasticité de la
demande au prix de l’aliment taxé
28
, celle-
ci tendant à être plus importante lorsqu’il
existe des biens substituables ;
25
Un moindre degré de transmission de la taxe dans les prix
est observé dans les zones plus riches, en raison du niveau
de revenus plus élevés des consommateurs.
26
A. Pigou, « The economics of Welfare », 1920.La taxe doit
être égale au montant de
l’externalité
négative de sorte que
le coût pour la société
d’une
décision soit pris en charge par
le consommateur ou le producteur à
l’origine
de celle-ci.
27
Certains industriels font aussi le choix de répercuter la
hausse de fiscalité sur le prix de vente des boissons en
réduisant la taille des bouteilles.
28
Plus
l’élasticité
est élevée, plus le changement de
comportement devrait être important.
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7
-
sur
la
qualité
nutritionnelle
des
aliments taxés
, du fait des décisions de
reformulation des produits prises par les
industriels et du renouvellement de l'offre
avec l'arrivée sur le marché de nouveaux
produits alimentaires.
À partir de l’analyse des résultats de
62 études
empiriques sur des données de plus de 10 pays
différents, une récente revue de littérature
montre que la fiscalité sur les boissons à base de
sucres ajoutés conduit à une augmentation des
prix des boissons ciblées et à une diminution des
ventes (Andreyeva
et al.
, 2022
29
).
En termes de ciblage, plusieurs études, y
compris sur données françaises, montrent un
effet plus important sur la consommation parmi
les personnes en surpoids ou en situation
d’obésité (Bonnet et Réquillart, 2021)
30
.
Les résultats des études menées au sein des deux
pays précurseurs que sont le Royaume-Uni et le
Mexique sont présentés en détails dans le
tableau 2
.
Tableau 2 : Résultats de la fiscalité nutritionnelle au Royaume-Uni et au Mexique
29
Andreyeva, T., Marple, K., Marinello, S., Moore, T. E., &
Powell, L. M. (2022). « Outcomes following taxation of
sugar-sweetened beverages: a systematic review and meta-
analysis ».
JAMA Network Open
.
30
Céline Bonnet et Vincent Réquillart, « The
effects
of
taxation on the individual consumption of sugar-sweetened
beverages », TSE
Working
Paper, n° 16-638, avril
2016, révision juin 2021.
31
Bandy, L.K., Scarborough, P., Harrington, R.A. et al.
Reductions in sugar sales from soft drinks in the UK from
2015
to
2018.
BMC
Med
18,
20
(2020).
https://doi.org/10.1186/s12916-019-1477-4
32
Dubois, Pierre, Rachel Griffith, and Martin O'Connell.
2020. "How Well Targeted Are Soda Taxes?" American
Economic Review, 110 (11): 3661-3704.
33
P.
Scarborough,
V.
Adhikari,
R.A.
Harrington,
A.
Elhussein, A. Briggs, et al ., « Impact of the announcement
and implementation of the UK Soft Drinks Industry Levy on
sugar content, price, product size and number of available
Pays
Fiscalité applicable
Résultats des études empiriques
Royaume-
Uni
▪
taxe de 18 pence par litre sur les boissons
sucrées contenant entre 5 et 8 g pour 100
ml, et de 24 pence par litre sur celles
contenant plus de 8 g de sucre pour 100
ml ;
▪
taxe annoncée en 2016 et mise en place
mi- 2018.
▪
effet sur la demande : les ventes de
boissons sucrées taxées (i.e. teneur en
sucre supérieure à 5g/100mL) ont chuté
de 50 % entre 2015 et 2018, alors que
celles des boisons peu sucrées (i.e. teneur
inférieure
à 5g/100mL)
ont
augmenté
de 40 % (Bandy et al, 2020
31
). Sur le
segment
des
sodas
à
emporter,
la
diminution est plus prononcée que la
moyenne
parmi
les
jeunes
consommateurs, mais moins prononcée
parmi
les
plus
grands
consommateurs (Dubois et al, 2020
32
) ;
▪
effet sur l’offre
: la part des boissons
sucrées dépassant le seuil de 5 g pour
100 ml, à partir duquel les boissons sont
frappées de la taxe, a chuté de 49 %
en 2015 à 15 % en 2019 (Scarborough
et al, 2020
33
).
Mexique
▪
taxe d’un peso par litre de boisson sucrée
;
▪
taxe
de 8
%
sur
les
aliments
« non
essentiels » (i.e. malbouffe) de densité
énergétique supérieures à 275kcal par
100g ;
▪
ces deux taxes ont été mises en place
en 2014.
▪
effet sur la demande : les ventes de
boissons sucrées ont diminué de 6 % à la
fin de la première année et de 10 % après
deux ans (Colchero, Rivera, Dommarco
Note du CPO n
o
5, juillet 2023
|
8
Source
: CPO d’après les différentes études empiriques citées.
2.2.
Le caractère régressif de la fiscalité
nutritionnelle est contrebalancé par des
bénéfices en santé plus importants pour
les plus modestes
À l’instar de la fiscalité sur la consommation, les
taxes nutritionnelles ont une incidence plus
forte sur les catégories socioprofessionnelles les
plus modestes. Ces dernières consacrent en effet
à l'alimentation une part plus importante de
leurs
revenus
36
,
ce
qui
tend
à
limiter
l’acceptabilité de la fiscalité nutritionnelle,
a
fortiori
en contexte d
’inflation qui se traduit par
une augmentation des prix de l’alimentation.
La
fiscalité nutritionnelle ne pèse toutefois sur le
budget des ménages que s’ils ne peuvent pas
modifier leur panier de consommation.
soft drinks in the UK, 2015-19 : A controlled interrupted
time series analysis », PLOS Medicine , 17, 2020.
34
Colchero MA, Rivera-Dommarco J, Popkin BM, Ng SW. In
Mexico
(2017),
« Evidence
Of
Sustained
Consumer
Response
Two
Years
After
Implementing
A
Sugar-
Sweetened Beverage Tax ». Health Affairs; 36(3) : 564
–
571.
35
Taillie, L. S., J. A. Rivera, B. M. Popkin, and C. Batis. 2017.
“Do
High vs. Low Purchasers Respond Differently to a
Nonessential
Energy-Dense
Food
Tax?
Two-Year
Evaluation of
Mexico’s
8% Nonessential Food
Tax.”
Preventive Medicine 105 (Supplement): S37
–
S42.
36
D’après
l’INSEE,
en
2017,
la
part
moyenne
de
l’alimentation
(hors alcool) dans la consommation totale
des 20 % des ménages les plus aisés est inférieure de
3,9 points à celle des 20 % des ménages les plus modestes.
37
Sharma A, Hauck K, Hollingsworth B, Siciliani L. The
effects
of
taxing
sugar-sweetened
beverages
across
different
income
groups.
Health
Econ.
2014
Pour
autant
qu’elles
soient
efficaces
et
correctement calibrées, les taxes nutritionnelles
sont néanmoins progressives sur le plan des
impacts en santé. En réduisant davantage leur
consommation de produits peu sains, ce sont les
plus modestes qui voient la qualité de leur
alimentation s’améliorer dava
ntage avec des
effets positifs sur leur état de santé (par
exemple, une perte de poids plus importante
–
cf
.
Sharma et al, 2014)
37
.
La réduction de
l’externalité négative liée à une mauvaise
alimentation présente des effets positifs pour
l’individu (état de santé) ainsi que pour
l’ensemble de la société (coûts évités).
Ce type de fiscalité contribue ainsi à corriger des
inégalités sociales en santé très marquées en
France
38
, tel qu’en atteste l’augmentation des
hospitalisations et de la mortalité pour certaines
maladies cardio-neuro-vasculaires lorsque le
niveau socio-économique des patients diminue
(Lecoffre et al, 2016
39
) ou la moindre chance de
survie après un cancer pour les personnes vivant
dans les zones les plus défavorisées (Tron et al,
2021
40
).
Sep;23(9):1159-84. doi: 10.1002/hec.3070. Epub 2014 Jun
4. PMID: 24895084.
38
Selon Santé publique France, en France,
l’état
de santé de
la population est marqué par un paradoxe : un bon état de
santé en moyenne, mais des inégalités de santé importantes
dès
l’enfance
et tout au long de la vie.
39
Lecoffre C,
Decool E,
Olié V.
Hospitalisations
pour
maladies cardio-neuro-vasculaires et désavantage social en
France en 2013. Bull Epidémiol Hebd. 2016;(20-21):359-
66.
40
Tron
Laure,
Belot
Aurélien,
Fauvernier
Mathieu,
Remontet Laurent, Bossard Nadine, Launay Ludivine,
Bryere Joséphine, Monnereau Alain, Dejardin Olivier,
Launoy Guy Bulletin épidémiologique hebdomadaire, 2021,
n°. 5, p. 81-93
et al. 2017
34
). Les ventes d’aliments non
essentiels ont diminué de 5 % à la fin de la
première année et de 7 % après deux ans
(Taillie et al. 2017
35
). Une diminution plus
importante a été observée pour les plus
grands
consommateurs
de
boissons
sucrées et de « malbouffe ».
Note du CPO n
o
5, juillet 2023
|
9
2.3.
L’efficacité
d’une
taxe nutritionnelle
sur les comportements dépend de son
ciblage, et peut être amoindrie par des
comportements
d’évit
ement
Une taxe nutritionnelle insuffisamment ou
mal ciblée est susceptible d’avoir des effets
limités,
voire
adverses,
en
raison
des
substitutions
parfois
difficilement
prévisibles opérées par les consommateurs.
L’efficacité d’une taxe nutritionnelle dépe
nd dès
lors du choix de l’assiette taxable, qui ne doit
être :
-
ni trop restreinte
, au risque d’induire des
déports
de
consommation
vers
des
produits substituables à faible qualité
nutritionnelle
ou
ayant
des
effets
également néfastes en termes de santé
publique. Une taxe sur les boissons à base
de sucres ajoutés, plus forte qu’une taxe
sur
les
boissons
contenant
des
édulcorants de synthèse, peut conduire à
un déport de la consommation vers les
secondes ou vers des produits contenant
des sucres naturels, comme certains jus de
fruits ;
-
ni trop large
, au risque de réduire les
apports en nutriments essentiels. D’après
une étude de 2010 sur des données
françaises,
une
taxe
ciblant
indistinctement
tous
les
produits
à
l’intérieur de grandes familles d’aliments
(ex :
toutes
les
viandes)
aurait
une
efficacité
limitée,
voire
des
effets
potentiellement adverses liés à une baisse
des apports en nutriments essentiels en
raison des substitutions entre familles
d’aliments (llais et al, 2010
41
).
41
llais O, Bertail P, and Nichèle V. (2010), « The Effects of a
Fat Tax on French
Households’
Purchases: A Nutritional
Approach ». American Journal of Agricultural Economics.
92 (1): 228-245.
42
Il découle
d’une
jurisprudence constante de la Cour de
justice de
l’Union
européenne (CJUE) que le principe de
neutralité fiscale
s’oppose
à ce que des biens ou des
prestations de services semblables, qui se trouvent en
concurrence les uns avec les autres, soient traités de
manière différente du point de vue de la TVA. La CJUE a
illustré cette règle dans une décision relative à une
législation polonaise qui avait limité le taux réduit de TVA
aux seules pâtisseries et viennoiseries fraîches dont la
Encadré 4 : Écueils liés à la modulation de la TVA
à des fins nutritionnelles
Plusieurs
arguments
conduisent
à
écarter
la
modulation
de
taux
de
TVA
comme
outil
d’orientation des comportements alimentaires. La
TVA offre, en effet, des possibilités de ciblage
nutritionnel limitées :
▪
la plupart des produits alimentaires se voient
déjà appliquer un taux réduit de 5,5 % ;
▪
les possibilités de modulation de taux de TVA
sont limitées, à la hausse comme à la baisse (i.e.
quatre taux réduits dont celui à 5,5 %, aucun
taux au-dessus du taux normal) ;
▪
la modulation des taux de TVA entre produits
d’une même catégorie juridique, tel que défini
par la directive 2022/542, est encadrée par le
principe de neutralité fiscale. Aussi, l’application
de taux de TVA différents à des produits
alimentaires semblables (par exemple, deux
tablettes de chocolat) doit être motivée par une
différence que le consommateur moyen prend
en compte dans sa décision d’achat
42
.
Source : CPO.
Outre les mauvais choix de ciblage, les
comportements
d’évitement
des
consommateurs sont susceptibles d’atténuer
l’efficacité
de
la fiscalité
nutritionnelle.
L’éphémère taxe sur les matières grasses au
Danemark
a,
par
exemple,
conduit
les
consommateurs danois à acheter des produits
non taxés de l'autre côté de la frontière, en
Allemagne ou en Suède (Smed et al, 2016
43
). La
fixation des taux d'imposition nécessite donc
une compréhension du comportement d'achat
des consommateurs et des taux d'imposition
dans les pays voisins.
durée de conservation est inférieure à 45 jours (CJUE 9
novembre 2017,
AZ
, C
‑
499/16, points 33 et 34).
Pour ce qui est de
l’appréciation
du caractère semblable des
biens ou des prestations de services, qui relève
in fine
au
juge national, il ressort de la jurisprudence de la CJUE
qu’il
convient de tenir essentiellement compte du point de vue
du consommateur moyen.
43
Smed, S., P. Scarborough, M. Rayner, and J. D. Jensen.
2016.
“The
Effects of the Danish Saturated Fat Tax on Food
and Nutrient Intake and Modelled Health Outcomes: An
Econometric
and
Comparative
Risk
Assessment
Evaluation.”
European Journal of Clinical Nutrition 70 (6):
681.
Note du CPO n
o
5, juillet 2023
|
10
3.
Plusieurs pistes de renforcement
de la fiscalité nutritionnelle peuvent être
envisagées,
en
complément
d’autres
leviers de politiques publiques
Des ajustements de la fiscalité nutritionnelle
pourraient permettre, à court et moyen termes,
de réduire la consommation des produits les
plus gras ou sucrés et ainsi contribuer à
l’amélioration générale de l’état de santé des
populations.
L’efficacité de tels ajustements
implique
aussi
de
mobiliser
des
outils
complémentaires de politiques publiques
afin de (i) faire accepter de manière réaliste une
telle fiscalité et (ii) améliorer l’efficacité de la
mesure elle-même. Ces outils doivent être
cohérents avec la fiscalité mise en œuvre, de
manière à :
-
ne
pas
faire
reposer
la
contrainte
uniquement sur le consommateur, par
exemple en jouant sur la réglementation
du contenu des aliments ;
-
renforcer l’information sur la nocivité des
produits les plus néfastes, qu’ils soient
taxés ou non, et sur les substituts possibles
aux produits entrant dans le champ de la
fiscalité nutritionnelle.
3.1.
Un ajustement des paramètres de la
fiscalité nutritionnelle existante sur les
boissons paraît souhaitable à court terme
À court terme, sur la base des résultats de
l’évaluation susmentionnée en cours, l’efficacité
de la fiscalité sur les boissons non alcooliques
pourrait être renforcée par :
-
une
augmentation
des
barèmes
des
contributions sur les boissons sucrées et
édulcorées. Celles-ci ne sauraient être
réformées séparément compte tenu des
effets de déport de consommation. Des
trajectoires
de
hausse
graduelle
pourraient
être
définies
et
rendues
publiques de manière à donner de la
visibilité aux industriels pour ajuster leurs
recettes ;
44
Sous réserve
d’une
solution pratique, qui pourrait
consister en un calcul du montant de la taxe à partir de la
teneur en sucre du mélange obtenu en appliquant les
-
une
extension
de
l’assiette
de
la
contribution sur les boissons sucrées pour
y inclure les boissons à base de soja,
jusqu’alors exclues sans justification de
santé publique, et éventuellement les
sirops
44
. Du fait de la nomenclature
douanière qui ne distingue pas les yaourts
selon leur mode de consommation, une
extension de la contribution aux produits
laitiers à boire pose, en revanche, des
difficultés
opérationnelles
difficiles
à
surmonter aujourd’hui.
Recommandation 1
. À court terme, rendre plus
efficace la fiscalité nutritionnelle existante en
tenant compte des résultats de
l’évaluation
en
cours, par exemple en augmentant les barèmes
des contributions sur les boissons sucrées et
édulcorées et en élargissant
l’assiette
aux
boissons à base de soja, voire aux sirops.
Encadré 5 : Cadre juridique de la fiscalité
comportementale
Même si la fiscalité incitative ou comportementale
ne correspond pas à une catégorie juridique
spécifiquement définie, le Conseil constitutionnel
(CC) opère un contrôle renforcé de la cohérence des
règles d’imposition retenues par le législateur au
regard
de l’objectif que la mesure fiscale est censée
poursuivre. Dès lors :
▪
le CC procède à un contrôle de l’adéquation
entre la définition de l’assiette ou du taux et
l’objet ainsi poursuivi par la loi (des exemptions
d’assiettes non justifiées au regard de l’o
bjectif
de la taxe peuvent ainsi fragiliser le dispositif) ;
▪
le CC se livre à un contrôle de proportionnalité
de la rupture d’égalité entre contribuables du
fait de la mesure avec le but poursuivi ;
▪
l’objectif revendiqué par les pouvoirs publics
doit être clairement conçu et être en adéquation
avec les mesures incitatives ou dissuasives qu’il
est censé justifier.
Sous ces réserves, la jurisprudence ne fait pas
obstacle
au
renforcement
de
la
fiscalité
nutritionnelle, voire à la création
d’une nouvelle
assiette de taxation différente de celle des
boissons sucrées
, comme cela peut être le cas pour
la taxe sur les « prémix »
45
, dont le taux élevé a
conduit à la quasi-disparition du marché concerné.
Source : CPO.
consignes
marketing
sur les quantités de sirops et
d’eau
à
verser.
45
Article 1613 bis du code général des impôts.
Note du CPO n
o
5, juillet 2023
|
11
3.2.
Plusieurs
pistes
d’extension
du
champ
de
la
fiscalité
nutritionnelle
méritent également
d’être
examinées
À moyen terme, plusieurs pistes d’élargissement
du
champ
de
la
taxation
nutritionnelle
–
exposées en détail dans l
’annexe
3
- peuvent
être examinées en fonction de leur intérêt en
santé publique, de leurs limites et de leur
faisabilité opérationnelle :
-
une taxe sur les produits dont la teneur en
sucres est élevée et qui font l’objet d’une
consommation importante, en particulier
parmi les jeunes, par exemple les céréales
pour petit déjeuner et les confiseries (cf.
liste complète dans l
’
annexe 3) ;
-
une
taxe
sur
les
produits
contenant
certains additifs nocifs pour la santé qui
entrent dans la composition des produits
ultra-transformés ;
-
une
taxe
globale
sur
la
qualité
nutritionnelle des produits à partir des
données nutritionnelles utilisées dans le
cadre du Nutri-Score.
Seules les deux premières paraissent à moyen
terme praticables pour le CPO, la troisième
nécessitant
à
la
fois
une
refonte
et
une
généralisation du Nutri-score dans le cadre
européen
,
et
la
mise
en
place
d’une
infrastructure d’administration et de contrôle
(recueil de données sur la composition des
produits,
contrôles
sur
place
chez
les
industriels)
démesurée
par
rapport
au
rendement
et
aux
effets
comportementaux
attendus de la taxe.
Recommandation 2
. À moyen terme, étudier
l’extension
du
champ
de
la
fiscalité
nutritionnelle au-delà des boissons en ciblant
les produits sucrés ou contenant des additifs
nocifs pour la santé.
Quelle que soit l’option choisie, l’élargissement
du périmètre de la fiscalité nutritionnelle est
soumis à certaines conditions :
-
l’affirmation de la fiscalité nutritionnelle
comme
outil
d’orientation
des
comportements, dont l’assiette a vocation
à
disparaître,
une
fois
les
objectifs
atteints : la taxe ne doit pas être calibrée
en fonction de son seul rendement à court
terme
mais
aussi
des
économies
de
dépenses publiques, en l’occurrence de
santé, qui peuvent résulter de l’évolution
des comportements
;
-
la
question de l’existence d’une offre de
substitution, sous la forme de produits
plus sains abordables pour les familles les
plus
modestes,
pour
faciliter
l’acceptabilité sociale dans le contexte
inflationniste actuel.
12
Annexe 1 : Comparaisons des montant des taxes applicables à certaines boissons (en
€
par litre de boisson)
Source : CPO.
0,04
0,17
0,01
0,39
0,04
0,10
1,96
3,08
1,69
7,84
10,78
0
2
4
6
8
10
12
Coca zéro
Coca-cola
Cidre (4°)
Bière (5°)
Vin tranquille
(12,5°)
Vin mousseux
(12,5°)
Produit
intermédiaire
(17°)
Produit
intermédiaire
(19°)
Rhum produit
et consommé
en outre-mer
(50°) -
Martinique
Rhum produit
en outre-mer
et consommé
en métropole
(50°)
Spiritueux
(45°)
Taxes sur les boissons non alcoolisées (contenant des sucres ajoutés ou des édulcorants)
Taxes sur les boissons non alcoolisées (contenant des sucres ajoutés ou des édulcorants)
Droit d'accise maximal décidé par la collectivité
Cotisation de sécurité sociale
13
Annexe 2 : Exemple de pays européens ayant mis en
œuvre
une taxe sur les boissons sucrées
(mise à jour au mois de mars 2019)
P
ays
Paramètres de la taxe
Belgique
Mis en place en 2016 :
▪
taxe de 0,12 € par litre sur les boissons sucrées ;
▪
taxe de 0,41 € par litre (liquides) et 0,68 € pour 100 kg (poudres)
sur les concentrés.
Catalogne, Espagne
Depuis mai 2017, taxe de :
▪
0,08 € par litre de boissons avec plus de 8 g de sucres ajoutés pour 100 mL
;
▪
0,12 € par litre de boissons avec entre 5 et 8 g de sucres ajoutés pour 100 mL.
Estonie
Depuis janvier 2018, taxe de :
▪
0,10 € par litre de boissons contenant entre 5 et
8 g de sucres pour 100 mL, ou avec
uniquement des édulcorants ;
▪
0,20 € par litre de boissons contenant entre 5 et
8 g de sucres pour 100 mL et des
édulcorants ;
▪
0,30 € par litre de boissons conten
ant plus de 8 g de sucres pour 100 mL.
Finlande
Taxe de 1940 actualisée en 2011 :
▪
0,11 € par litre de boissons sans sucres, y compris eaux minérales
;
▪
0,22 € par litre de boissons contenant des sucres.
Hongrie
Depuis 2011, taxe de :
▪
≈ 0,02 € par litre de
boissons non alcoolisées ;
▪
≈ 0,54 € par litre de sirops.
Irlande
Depuis mai 2018, taxe de :
▪
0,20 € par litre de boissons contenant entre 5 et
8 g de sucres pour 100 mL ;
▪
0,30 € par litre de boissons contenant plus de
8 g de sucres pour 100 mL.
Lettonie
Depuis 2004, taxe de
0,074 € par litre de boissons avec des sucres ajoutés, des
édulcorants ou des arômes, à l’exclusion des jus de fruits et d’eaux aromatisées
Norvège
Taxe de 1981 :
▪
≈ 0,28 € par litre de boissons contenant des sucres ou des
édulcorants ;
▪
≈ 1,73
€ par litre de sirop.
Portugal
Depuis février 2017, taxe de :
▪
0,08 € par litre de boissons contenant moins de
8 g de sucres pour 100 mL ;
▪
0,16 € par litre de boissons contenant plus de
8 g de sucres pour 100 mL.
Royaume-Uni
Depuis avril 2018, taxe de :
▪
0,18 £ par litre de boissons contenant entre 5 et 8 g de sucres pour 100 mL ;
▪
0,24 £ par litre de boissons contenant plus de 8 g de sucres pour 100 mL.
Source
: Banque mondiale, rapport sur l’obésité de 2020 (jeu de do
nnées du global food research program à mars 2019.
14
Annexe 3: Pistes
d’évolution
de la fiscalité nutritionnelle classées par ordre de faisabilité
Faisabilité
Option
Avantages
Contraintes
Prérequis opérationnel
1
Taxe sur les produits
dont la teneur en
sucres est élevée et qui
font l’objet d’une
consommation
importante, en
particulier parmi les
jeunes
Ciblage des produits consommées par
les enfants et les adolescents, pour
lesquels près du quart des apports
journaliers en sucres résulte de la
consommation de confiseries, produits
chocolatés,
pâtisseries
et
biscuits
(contre
environ
18 %
pour
les
adultes
46
).
▪
définition
d’un
critère
de
conditionnement, qui pourrait conduire
à exonérer certains produits locaux et
issus de l’artisanat (ex
: produits en
boulangerie) ;
▪
application uniquement aux produits
soumis
à
l’obligation
d’étiquetage
nutritionnel prévue par le règlement UE
N°1169/2011
pour
permettre
l’effectivité des contrôles.
▪
décision,
sur
la
base
des
données
de
consommation et de la nomenclature douanière,
d’une
liste
des
produits
sucrés
les
plus
consommés
notamment
par
les
jeunes
(exemples : céréales pour petit déjeuner et barres
céréalières, viennoiseries, pâtisseries, gâteaux et
biscuits
sucrés,
confiseries
et
produits
chocolatés).
2
Taxe sur les produits
contenant les additifs
les plus nocifs pour la
santé
Taxation des produits ultra-transformés,
de moins bonne qualité nutritionnelle en
moyenne (plus de sel, sucre, graisses,
moins de fibres, de vitamines et de
minéraux)
▪
approche partielle qui ne permet pas de
se protéger des effets de substitution
(ex : un industriel remplace un additif
par un autre pour échapper à la taxe) ;
▪
sécuriser juridiquement l’assiette fiscale
au
regard
des
exigences
constitutionnelles (cf.
▪
encadré
5
)
▪
besoin de travaux complémentaires sur les liens
entre additifs alimentaires et santé publique
(identifier
une
liste
dont
la
dangerosité
justifierait la mise en place d’une taxation,
identification de l’effet « cocktail » lié à la
présence de plusieurs additifs dans une même
recette).
3
Taxe sur la qualité
nutritionnelle des
produits à partir des
données
nutritionnelles
utilisées dans le cadre
du Nutri-Score
Prise en compte globale de la qualité
nutritionnelle des produits et de l'impact
sur la santé publique de chacun des
nutriments (sel, acides gras saturés,
sucre, etc.), permettant de limiter les
effets de substitution.
▪
difficultés de recouvrement, et risques
de
fraude
en
cas
de
déclarations
erronées sur la qualité nutritionnelle des
produits ;
▪
le barème du Nutri-
Score n’est pas
exploitable en l’état, et implique de
définir une unité comparable au sein de
chaque famille de produits ;
▪
impossible
à
date
en
l
’absence
d’obligation généralisée d’affichage du
Nutri-Score (ou équivalent), au niveau
national comme européen.
▪
application obligatoire de
scoring
alimentaire
(Nutri-Score ou autre) ;
▪
création d’un mécanisme spécifique de contrôle
et d’échanges de donnée
s entre la DGFiP et Santé
publique France afin que cette dernière puisse
contrôler les déclarations des industriels ;
▪
travaux
techniques
complémentaires
pour
élaborer un barème cohérent avec les données
utilisées pour le calcul du score alimentaire.
Source : CPO.
46
Enquête de
l’ANSES
sur les consommations et les habitudes alimentaires de la population française, INCA 3