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Monsieur le Maire de GUERLESQUIN Hôtel de Ville 29248 GUERLESQUIN
Par lettre du 23 mars 1999, j'ai porté à votre connaissance les observations provisoires de la
chambre régionale des comptes sur la gestion des exercices 1993 et suivants de votre commune,
conformément à la procédure contradictoire prévue par le code des juridictions financières.
Après avoir examiné vos réponses écrites à ces observations provisoires, la chambre a arrêté
dans sa séance du 5 juillet courant ses observations définitives.
Je vous rappelle que l'examen de la gestion a porté sur les thèmes suivants :
I
- LE SERVICE ANNEXE DE L'ASSAINISSEMENT ; II - LE SERVICE ANNEXE DE L'EAU.
Les observations retenues à titre définitif sont détaillées en huit pages jointes à cette lettre de
transmission.
J'ajoute que les contrôles de la chambre sont pratiqués par exception, et qu'ils ne visent en
aucune façon à l'exhaustivité. Des observations ponctuelles, si elles ont valeur d'exemple, ne
doivent pas conduire à des généralisations. Inversement, l'absence de critiques dans un domaine
donné ne doit pas être interprétée comme la reconnaissance implicite d'une gestion parfaite.
En application des dispositions de l'article L 241-11 du code des juridictions financières, ces
observations devront être communiquées au conseil municipal dès sa plus proche réunion. Elles
feront l'objet d'une inscription à son ordre du jour et seront jointes à la convocation adressée à
chacun de ses membres.
Par ailleurs, en application de l'article 117 du décret n° 95-945 du 23-08-1995, la présente lettre
étant communicable aux tiers dès qu'aura eu lieu la première réunion de l'assemblée délibérante
suivant sa réception, je vous saurais gré de bien vouloir m'informer de la date à laquelle se sera
tenue cette réunion.
Je précise, en outre, que conformément aux dispositions de l'article 127 du décret précité, une
copie de ces observations est transmise au préfet ainsi qu'au trésorier-payeur général du
département du Finistère.
Pour le Président, Le Président de section,
J. BASSET
___________
OBSERVATIONS DEFINITIVES DE LA CHAMBRE REGIONALE DES COMPTES DE
BRETAGNE (exercices 1993 et suivants)
S O M M A I R E
I
- LE SERVICE ANNEXE DE L'ASSAINISSEMENT ;
II - LE SERVICE ANNEXE DE L'EAU.
____________
I - Le service annexe de l'assainissement
Il existe à GUERLESQUIN un " complexe épuratoire " qui mérite d'être décrit (1). Organisé sous la
responsabilité de la commune et, à certains égards, sous celle du maire, le service public
fonctionne toutefois en négligeant les règles juridiques propres à l'assainissement communal (2).
Par ailleurs, depuis plus de quinze ans, la gestion de l'épuration proprement dite est assurée de
facto par une entreprise industrielle, dont la commune n'a pas les moyens de contrôler les
prestations (3). En outre, faute de stipulations financières et aucune redevance d'assainissement
n'ayant été instituée, il faut s'interroger sur le financement ultérieur de travaux de renouvellement,
de remise aux normes ou d'extension (4). Pour toutes les raisons exposées ci-dessus, une
solution contractuelle acceptable devrait être trouvée (5).
1. - Le complexe épuratoire
Au centre du dispositif se trouve l'importante station communale d'épuration (dite " nouvelle "), qui
reçoit :
- les effluents domestiques du bourg, soit 3 % du volume traité. Ceux-ci sont amenés à la station
par un réseau d'eaux usées affermé à la société " Suez-Lyonnaise des eaux " ;
- les effluents industriels provenant d'une usine d'abattage de volailles, soit 97 % du volume traité.
Ces derniers parviennent à la station communale après passage par une station " physico-
chimique " et un collecteur appartenant tous deux à l'entreprise.
Après traitement dans la station communale, les eaux épurées rejoignent le cours du ruisseau du
GUIC. Les boues résiduelles sont rejetées par pompage jusqu'au lieu de stockage c'est-à-dire la
première station d'épuration communale (dite " ancienne ").
2. Règles et responsabilités juridiques en matière d'assainissement
Sans avoir à entrer dans le détail de dispositions nombreuses résultant de la loi sur l'eau (a), de
celle sur les installations classées (b) ainsi que de l'article L.35-8 du code de la santé publique, la
chambre se doit de souligner certaines responsabilités propres à la collectivité et à son exécutif.
Dans l'exercice de la police administrative du service, le maire aurait dû, par arrêté, autoriser le
déversement des effluents de l'usine, et faire signer à l'industriel une " convention de déversement
". Au demeurant, la délivrance de l'autorisation aurait pu être subordonnée au paiement par
l'entreprise d'une " participation " aux dépenses de premier établissement et d'exploitation de la
station.
L'acceptation tacite par la commune des déversements de l'usine n'est pas sans conséquences,
ni pour la collectivité, ni pour le maire.
En effet, ce dernier pourrait être rendu pénalement responsable des pollutions qui peuvent
intervenir, sans préjudice de la responsabilité civile de la commune en cas de dommages aux
tiers. Dans les circonstances actuelles, il ne serait pas facile pour la commune de mettre en cause
l'industriel, en cas de pollution provenant de son fait, dès lors qu'aucune convention écrite ne fixe
les conditions dans lesquelles il exploite la station communale.
3. La gestion de la station communale sans contrat écrit
Cette gestion remonte apparemment au début des années 1980, quand le développement de
l'usine d'abattage était lié à l'existence d'une station d'épuration d'une grande capacité.
A cette époque, la collectivité a, de fait, laissé l'industriel investir dans la station communale et
entretenir et exploiter à ses frais l'installation, consacrée en quasi-totalité aux effluents de l'usine.
La commune invoque maintenant l'existence d'un " contrat d'offre de concours " formé par une
offre faite autrefois par la direction de l'usine et acceptée par la collectivité ; elle ajoute aussitôt
que ce contrat est demeuré entièrement tacite et non écrit.
La chambre considère que la " contribution en nature " de l'industriel devait être explicitement
acceptée par le conseil municipal, d'autant plus qu'elle s'est traduite par une délégation de facto
de maîtrise d'ouvrage public et par l'exploitation de facto d'un élément du service public
communal.
Comme l'indique elle-même la collectivité, cette situation doit enfin être contractuellement
encadrée, aux fins également d'intégrer au patrimoine communal les immobilisations réalisées
dans le cadre du contrat tacite.
A défaut, le conseil municipal et le maire continueraient à ne disposer d'aucun moyen pour
contrôler le fonctionnement général et les performances de l'installation classée, en dépit des
risques encourus et de leurs responsabilités en la matière.
Par ailleurs, l'ordonnateur indique que, dans le rapport particulier sur la gestion des services
publics locaux d'eau et d'assainissement publié en janvier 1997, la Cour des comptes n'avait pas
inséré une observation ponctuelle relative à l'exploitation de la station communale d'épuration de
GUERLESQUIN, et tirée des observations formulées par la chambre régionale en 1995.
La commune ne saurait interpréter cet aménagement rédactionnel comme un satisfecit qui serait à
opposer à la " sévérité " manifestée par la chambre.
Celle-ci rappelle qu'elle a seule compétence pour examiner la gestion des collectivités territoriales,
et qu'à ce titre, elle a constaté que les observations qu'elle avait formulées le 26 juin 1995
n'avaient pas été suivies d'effet, fin 1998.
4. - Les conséquences financières du système en place en ce qui concerne la station proprement
dite
Le mode de fonctionnement qui vient d'être décrit a une traduction financière : l'usine supporte les
charges de traitement de tous les effluents (dont 3 % d'effluents domestiques) ainsi que des
investissements dans des proportions non connues et en tout cas qui n'ont pas été fixées dans le
cadre d'une autorisation de déversement. En contrepartie, l'exploitant privé n'acquitte pas pour la
station d'épuration de redevance d'assainissement, cette dernière n'ayant pas été instituée ; du
même coup, les usagers domestiques en sont également exemptés (c). Enfin la commune
n'amortit pas les immobilisations, même celles qu'elle a financées.
Si le système perdurait et si par ailleurs une réglementation technique, enfin appliquée, devait
conduire à des travaux importants de modernisation et de mise aux normes, les obligations
financières respectives de la commune et de l'entreprise seraient difficilement définies. Le service
de l'assainissement ne dispose pas de ressources pour y faire face.
En régularité, mais aussi en bonne gestion, il est donc nécessaire de créer une redevance
d'assainissement (d) comportant une surtaxe revenant à la collectivité, pour permettre à celle-ci
d'assurer la couverture de ses charges d'investissement et de fonctionnement ainsi que, le cas
échéant, la constitution d'un autofinancement.
5. Vers une solution contractuelle acceptable
La commune a cherché des montages juridiques visant surtout à donner un cadre au statu-quo
existant. Elle a dû abandonner son intention première de céder l'assise foncière de la station
communale à l'entreprise pour le franc symbolique en 1996. Elle s'est ensuite orientée vers la
conclusion d'un bail emphytéotique avec la société d'abattage, avant d'envisager maintenant un
affermage étendu à l'ensemble du service.
Selon la solution de l'affermage complet, la commune confierait également la station d'épuration à
l'actuel délégataire du réseau, cette société faisant son affaire de traiter -ou plutôt de sous-traiter-
avec l'exploitant en place.
Comme l'indique elle-même la commune, cet élargissement de l'objet contractuel, qui
bouleverserait l'économie du traité initial impliquerait le respect de la procédure de publicité et de
mise en concurrence relative à l'attribution de la délégation du service public de l'assainissement
(réseau + épuration).
Quant au bail emphytéotique (d'au moins 18 ans), il consacrerait, sur le plan patrimonial, le rôle
dominant joué par l'industriel (97 % des effluents). Une convention, non détachable dudit bail,
réglerait l'exploitation de la station.
Dans sa rédaction actuelle (projet annexé à la délibération du 18 mars 1998) ce bail appelle deux
observations :
- en premier lieu, ce bail inscrirait dans la longue durée le désengagement de la commune vis-à-
vis de la station communale, alors que la collectivité devrait à l'évidence, vu ses responsabilités
propres, assumer sa qualité de " maître de l'ouvrage ", déterminer les obligations revenant à un
exploitant et contrôler le respect de celles-ci, pour s'assurer de la bonne exécution du service
public ;
- en second lieu, le bail se contente de fixer un faible loyer au preneur, de préférence à
l'établissement d'une redevance d'assainissement et d'une participation aux frais d'exploitation et
au besoin d'investissement directement imputables à l'usine.
La convention d'exploitation de la station d'épuration, qu'elle soit rattachée à un bail ou intervienne
directement, aurait a être conclue conformément aux règles du code des marchés publics.
Il faut ajouter qu'une telle solution ne serait acceptable qu'à la condition qu'aucun membre de la
municipalité ne détienne, directement ou indirectement, un intérêt dans l'opération en tant
qu'actionnaire et/ou dirigeant de la société propriétaire de l'usine, si celle-ci soumissionnait.
Enfin, la passation d'une convention d'exploitation supposerait que soient réalisées les conditions
économiques suivantes :
- une participation de l'entreprise (liée à l'autorisation de déversement) devrait couvrir les charges
spécifiques de fonctionnement et d'investissement engendrées par le traitement des effluents
industriels, éventuellement en tenant compte de façon précise des travaux déjà exécutés ;
- les usagers (domestiques et industriels) seraient enfin assujettis à une " redevance
d'assainissement " comportant une surtaxe, qui serait collectée par le fermier du service public de
l'eau (puisqu'assise sur les consommations d'eau) et reversée à la commune, pour couvrir
notamment la rémunération servie à l'exploitant de la station.
II - Le service annexe de l'eau
Les observations de la chambre portent sur les relations de la commune avec la société Suez-
Lyonnaise des eaux, à laquelle le service est actuellement affermé et en particulier :
- sur le dépôt, sur un compte spécial de la société, des produits de la surtaxe revenant à la
commune (I) ;
- sur les conséquences du système de financement, par le fermier, des travaux combinés de
distribution d'eau et d'assainissement (II).
1. Le dépôt, sur un " compte spécial " de la société, des produits de la surtaxe revenant à la
commune, résulte de l'article 31 du traité d'affermage
La chambre avait déjà demandé à la commune, dans sa lettre d'observations définitives du 26 juin
1995, de faire supprimer cette clause et de faire réintégrer les sommes déposées sur le compte
spécial dans la caisse communale.
Il n'a pas été tenu compte de cette observation. Au 31 août 1998, la société était encore débitrice
à ce titre, envers la commune, de la somme de 413.689,12 F.
La chambre rappelle pour la deuxième fois que cette pratique est contraire à la règle de dépôt des
fonds communaux au Trésor. Elle a relevé l'intention de la commune d'y mettre fin. Elle demande
à recevoir la délibération et l'avenant annulant l'article 31 du traité d'affermage ainsi qu'une
déclaration de recette attestant du versement des fonds dans la caisse communale.
2. Les conséquences du système de financement, par la société fermière, des travaux combinés
de distribution d'eau et d'assainissement
L'article 5 des traités d'affermage prévoit que " les travaux qui seraient décidés par la collectivité
(...) peuvent être financés par le fermier, après accord des parties sur la révision du prix de base
fixé à l'article 32 ".
Une telle stipulation, portant sur des équipements dont la collectivité a la maîtrise d'ouvrage en
tant que propriétaire, a plusieurs conséquences :
D'abord en droit :
Dès lors que la collectivité est propriétaire et maître d'ouvrage des équipements concernés, leur
financement doit être assuré par la surtaxe et non par la rémunération - révisée à ce motif - de
l'exploitant. En effet, aux termes de l'article L 1411-2 du code général des collectivités territoriales,
cette rémunération doit concerner les prestations objet de la convention d'affermage et non celles
qui sont étrangères à l'objet de la délégation.
Une telle clause, qui a reçu application encore en 1998, devrait donc être annulée par avenant.
Ensuite en gestion :
Ce procédé de financement, intéressant pour la collectivité (il lui permet d'éviter l'accroissement
de son endettement), présente divers inconvénients pour l'usager :
- il lui fait supporter, au travers du tarif, un coût éventuellement supérieur à celui qu'induirait la
surtaxe dans le cas d'un financement par emprunt (l'exploitant pouvant rémunérer son avance à
un taux supérieur) ;
- il peut entraîner, par l'effet cumulatif de la formule de variation de la rémunération et de
l'accroissement des consommations, une augmentation tarifaire supérieure à celle que connaîtrait
la surtaxe, et qui éventuellement viendrait bouleverser l'économie du contrat, rendant nécessaire
une nouvelle procédure de mise en concurrence ;
- et surtout, il maintient à l'issue de la période d'amortissement de l'avance consentie, un tarif qui
était affecté par l'incidence du remboursement de celle-ci.
Enfin, au regard des règles de mise en concurrence des travaux :
La tentation est grande de donner la préférence, pour l'exécution des travaux, à la société qui les
a financés. Ainsi, en 1998, deux marchés à bons de commande, chacun d'un montant maximal de
400.000 F HT, ont été attribués à la Lyonnaise des eaux pour des travaux d'eau et
d'assainissement. C'est apparemment un fractionnement délibéré des travaux qui a permis de
recourir à une procédure de marchés négociés, alors que le montant global des travaux atteignait
964.800 F TTC, ce qui impliquait le recours à une procédure d'appel d'offres ouvert.
________________________________
(a) Loi n° 92-3 du 03.01.1992. (b)Loi n° 76-663 du 19.07.1976. (c) Incidemment, il existe une
redevance sur la partie " réseau " ; mais elle ne comprend qu'une " part fermière " rémunérant la
Lyonnaise des eaux, et pas de surtaxe versée à la commune. (d) Article L.2224-12 du CGCT et
suivants et article R.372-6 ou R.372-17 du code des communes.