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NOTES THÉMATIQUES
CONTRIBUTION À LA REVUE
DES DÉPENSES PUBLIQUES
JUILLET 2023
ASSURER
LA COHÉRENCE
DE LA POLITIQUE
DU LOGEMENT FACE
À SES NOUVEAUX DÉFIS
2
ASSURER LACOHÉRENCE DE LA POLITIQUE DU LOGEMENT FACE À SES NOUVEAUX DÉFIS
SOMMAIRE
3
AVERTISSEMENT
4
SYNTHÈSE
6
INTRODUCTION
8
1 - Une politique dont les objectifs ambitieux
et hétérogènes sont difficilement atteignables
8
A - Des objectifs multiples difficiles à atteindre
12
B - Une panoplie d’instruments poursuivant
des objectifs hétérogènes
16
2 - Les leviers d’action pour assurer la cohérence
de la politique du logement
16
A - Améliorer la qualité de la dépense publique
enfaveur du logement
18
B - Rationaliser et renforcer la cohérence
territoriale de la politique du logement
19
C - Accentuer l’approche qualitative pour prendre
en compte les nouvelles priorités sociales
et environnementales
26
CONCLUSION
28
RÉFÉRENCES AUX TRAVAUX DE LA COUR DES COMPTES
COUR DES COMPTES
3
La présente note fait partie d’un ensemble de travaux destinés à contribuer
à la revue des dépenses initiée par le Gouvernement dans la perspective
des projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour
2024.
Cet ensemble de notes thématiques vise à éclairer le débat et à capitaliser
sur les nombreux travaux récents réalisés par les chambres de la Cour des
comptes. Les neuf thèmes choisis correspondent à des politiques publiques
pour lesquelles les questions de l’efficacité et de l’efficience de l’action
publique se posent avec une acuité particulière. Il a semblé utile à la Cour de
contribuer à évaluer la qualité de la dépense publique, dans sa conception,
sa mise en œuvre et son suivi, et à formuler des leviers d’action pour la
renforcer.
La publication de ces notes intervient parallèlement à celle du rapport sur
la situation et les perspectives des finances publiques 2023, qui propose
une vision consolidée de la qualité de la dépense à tous les niveaux
d’administration publique et une grille d’analyse, susceptible de déboucher
sur des dispositifs plus économes, plus efficaces et plus équitables.
Comme pour les notes structurelles qu’elle a publiées au dernier trimestre
2021, conformément à sa mission constitutionnelle d’information des
citoyens, la Cour a souhaité développer une approche nouvelle, qui se
différencie de ses travaux habituels, pour apporter, par cette série de notes
volontairement très synthétiques et ciblées, sa contribution au débat
public tout en veillant à laisser ouvertes les différentes voies de réformes
envisageables.
La présente note a été délibérée par la cinquième chambre le 14 juin 2023
et approuvée par le comité du rapport public et des programmes de la
Cour des comptes le 27 juin 2023.
Les publications de la Cour des comptes sont accessibles en ligne sur le site
internet de la Cour et des chambres régionales et territoriales des comptes :
www.ccomptes.fr
.
AVERTISSEMENT
4
ASSURER LACOHÉRENCE DE LA POLITIQUE DU LOGEMENT FACE À SES NOUVEAUX DÉFIS
SYNTHÈSE
Les fondamentaux de la politique du logement, élaborés il y a plus de cinquante ans,
ne correspondent plus aux réalités et aux besoins humains de la France de 2023. En
constante évolution, cette politique peine à atteindre des objectifs de plus en plus
nombreux, notamment dans sa dimension sociale. Les multiples lois et réformes
qu’elle a connues au cours des dernières années mobilisent des fonds publics plus
élevés que dans les pays comparables, sans pour autant garantir une plus grande
efficacité, notamment pour loger les ménages les plus modestes.
Dans un contexte de dégradation des finances publiques, les enjeux apparaissent
nombreux : nécessité d’un meilleur ciblage des diverses aides et des bénéficiaires
du parc de logements sociaux, réponse aux évolutions des besoins des ménages sur
le territoire (développement du télétravail, transports rapides, attractivité de villes
moyennes, etc.), adaptation de l’habitat au vieillissement de la population, à une
décohabitation croissante et au changement climatique.
Pour assurer la cohérence de la politique du logement, trois leviers d’action sont
susceptibles d’être mobilisés. Le premier vise à améliorer la performance de la
dépense publique en faveur du logement : une meilleure évaluation des dépenses,
notamment fiscales, un recentrage de l’effort vers les publics les plus défavorisés
et une meilleure coordination de l’action des multiples intervenants publics. Le
deuxième axe repose sur un rééquilibrage des responsabilités entre l’État et les
collectivités locales, au profit de ces dernières, pour mieux répondre aux besoins
territoriaux. La troisième piste conduit à privilégier une approche plus qualitative
pour prendre en compte les nouvelles priorités sociales et environnementales.
Quelles que soient les options retenues, le logement obéit à des cycles longs
supposant une stabilité des dispositifs et une prévisibilité des opérations. La
conduite de sa politique nécessite une vision et des choix de long terme aujourd’hui
insuffisamment affirmés.
Chiffres clés :
37,4 millions
de logements en 2021 pour
67 millions
d’habitants ;
57,7 %
des ménages
propriétaires
de leur résidence principale en
2021 ;
En 2019, la taille moyenne des ménages
par résidence principale
:
2,19 personnes
(contre 3,08 en 1968) ;
COUR DES COMPTES
5
38,2 Md€
de moyens publics consacrés au logement en 2021,
soit
1,5 %
du PIB, dont
13,7 Md€
de dépenses fiscales ;
6 millions
de ménages bénéficiaires d’aides au logement ;
5,3 millions
de ménages disposant d’un logement social ;
2 millions
de demandes de logement social fin 2021 (dont
750 000 formulées par des demandeurs déjà locataires du parc social) pour
environ 450 000 attributions annuelles ;
Moins de
8 %
de rotation annuelle des occupants du parc social en 2020,
contre plus de
10 %
en 2011 ;
17 %
des résidences principales en 2021 classées F et G (identifiées comme
« passoires thermiques »).
Améliorer la performance
de la dépense publique en
faveur du logement
ASSURER LA COHÉRENCE DE LA POLITIQUE
DU LOGEMENT FACE À SES NOUVEAUX DÉFIS
Accentuer l’approche
qualitative pour prendre
en compte les nouvelles
priorités sociales
et environnementales
Réequilibrer le rôle des acteurs publics
pour renforcer la cohérence territoriale
de la politique du logement
6
ASSURER LACOHÉRENCE DE LA POLITIQUE DU LOGEMENT FACE À SES NOUVEAUX DÉFIS
INTRODUCTION
Au regard des 38,2 Md€ de moyens publics qui étaient consacrés au logement
en 2021, le contraste est fort entre une politique dont la conception et les
moyens restent encore marqués par les années 1970, autour de priorités comme
la reconstruction et la résorption de l’habitat insalubre, et les réalités de la
France d’aujourd’hui, qui ont largement évolué. Notre pays se caractérise par
l’accroissement de la fluidité sociologique, professionnelle et géographique de
ses 30 millions de ménages, par la redéfinition des conditions de leur ancrage
territorial (télétravail, transports rapides, villes moyennes, etc.), dans un contexte
de dégradation des finances publiques, d’inflation et de concurrence pour
le financement des systèmes socio-économiques nationaux. Ces mutations
doivent, en outre, tenir compte de la nécessité d’adapter le parc de logements
au vieillissement de ses occupants, dans un contexte de recherche du maintien
à domicile des personnes âgées, et à une décohabitation croissante liée à la
diminution de 28 % du nombre de personnes par ménages (passé de 3,08 en 1968
à 2,19 aujourd’hui). À ces besoins nouveaux s’ajoute le défi climatique, qui impose
de construire et de rénover l’habitat dans des conditions qui préservent ou ne
dégradent pas l’environnement.
L’évolution constante de cette politique crée une certaine instabilité, peu en phase
avec le cycle de la construction. Fixant des objectifs parfois contradictoires, de
nombreuses lois se sont en effet succédé au cours des dernières années : loi pour
l’accès au logement et un urbanisme rénové en 2014, loi égalité et citoyenneté en
2017, loi pour l’évolution du logement, de l’aménagement et du numérique en 2018
imposant une concentration du secteur des habitations à loyer modéré (HLM), loi
de finances pour 2018 sur la réduction du loyer de solidarité (RLS), loi portant lutte
contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets
en 2021, loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et
portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale en 2022.
La succession de ces réformes, qui ont cherché à mieux maîtriser le budget public
consacré au logement, a rendu le champ de la politique du logement a
minima
plus
complexe.
COUR DES COMPTES
7
Sans méconnaître la dimension économique de la politique du logement,
la présente note, s’appuyant sur les travaux récents de la Cour, l’aborde
essentiellement dans son volet social.
Après avoir établi, à partir de ses enquêtes et contrôles, un diagnostic de la
politique du logement au cours de la décennie écoulée (I), la Cour esquisse trois
leviers d’action prioritaires (II). Ils portent sur l’amélioration de l’efficience des
financements consacrés au logement, le rééquilibrage des compétences entre les
intervenants publics et une meilleure prise en compte de la dimension qualitative
de la politique du logement.
8
ASSURER LACOHÉRENCE DE LA POLITIQUE DU LOGEMENT FACE À SES NOUVEAUX DÉFIS
1 - UNE POLITIQUE DONT LES OBJECTIFS AMBITIEUX
ET HÉTÉROGÈNES SONT DIFFICILEMENT ATTEIGNABLES
Poursuivant des objectifs pluriels, voire
contradictoires, la politique du logement vise,
entre autres, à fournir à chacun un logement
décent et abordable. À cette fin, la France
a défini dès les années 1970 une politique
à l’équilibre complexe entre soutien à
l’investissement locatif privé et au logement
social, d’une part, et aide à l’accession à la
propriété, d’autre part.
La politique du logement affronte par ailleurs,
notamment en zones tendues, des conflits
d’usage sur l’habitat, qu’il s’agisse de résidences
principales, secondaires ou occasionnelles.
Garant de cette politique, l’État intervient
traditionnellement par l’établissement de
normes et par un soutien financier significatif
sous forme de : réductions d’impôts destinées
à favoriser l’investissement locatif des
organismes d’HLM ou des particuliers ; aides
à la personne permettant aux ménages les
moins favorisés de faire face à leurs dépenses
courantes de logement ; aides à la pierre
visant à soutenir la construction de logements
sociaux et à encourager la rénovation de
logements du parc privé ou à aider les ménages
modestes à devenir propriétaires de leur
logement, comme le prêt à taux zéro (PTZ).
Ces actions ont permis au cours des décennies
passées d’améliorer sur le plan quantitatif et
qualitatif le parc de logements disponibles,
d’accroître l’offre de logements sociaux et de
soutenir l’objectif de rénovation de l’ensemble
du parc.
A - Des objectifs multiples difficiles
à atteindre
Le trop grand nombre d’objectifs qui ont été
assignés à la politique du logement ne permet
pas à celle-ci de tous les atteindre.
S’y ajoute l’idée d’un « parcours résidentiel »
- entre parc social et privé, statut de locataire
et de propriétaire - des ménages à mesure
que s’accroissent leurs ressources, devant
permettre d’augmenter le nombre de
logements offerts en en rendant le prix plus
accessible. Au total, on constate un habitat
de résidences individuelles dispersées et un
parc de logement social particulièrement
étendu (5,3 millions de logements sociaux, soit
près de 15,9 % des résidences principales en
2022), ouvert en théorie aux trois-quarts de la
population mais sans parvenir à loger la totalité
des plus défavorisés.
1 - L’accès à un logement
Les difficultés d’accès au logement tiennent
à la nature du marché immobilier français,
dont les prix peuvent être de plus en plus
déconnectés des revenus des ménages,
notamment dans les zones tendues. C’est le
cas des zones d’urbanisation continue de plus
de 50 000 habitants dans lesquelles existe
un déséquilibre marqué entre l’offre et la
demande de logements, qui se caractérisent
notamment par des loyers et des prix
d’acquisition élevés, y compris de logements
COUR DES COMPTES
9
sociaux. Pour les plus précaires, ces conditions
les conduisent à accroître la demande de
logement social. Toutefois, la quantification
de cette demande se révèle surévaluée de
l’ordre de 20 % pour des raisons tenant aux
modalités de comptabilisation des demandes
et aux imperfections du système national
d’enregistrement des demandes de logement
social.
Les règles d’attribution de logements
sociaux, instituées par la loi pour l’accès au
logement et un urbanisme rénové (Alur) de
2014 puis confortées par la loi Elan en 2018,
contribuent à favoriser l’accès au logement
des ménages aux revenus modestes mais
de manière inégale sur le territoire, même
si 73 % des ménages s’étant vu attribuer un
logement dans le parc social en 2022 sont
ainsi sous les plafonds des prêts locatifs aidés
d’intégration (PLAI). Le parc social français,
particulièrement vaste, est pourtant de moins
en moins ouvert à de nouveaux entrants, l’âge
moyen de ses occupants dépassant désormais
50 ans. L’entrée de nouveaux ménages dans ce
parc est de plus en plus difficile, notamment
pour les jeunes travailleurs modestes, même
s’ils occupent des emplois considérés comme
essentiels, comme pour les ménages précaires,
dont le profil est jugé à risque par les bailleurs.
En dépit de la demande croissante de
logement social émanant de ménages aux
revenus modestes et très modestes, l’accès au
parc social a diminué en raison de la faiblesse
du taux de rotation de ses occupants (moins
de 8 % en 2020 selon l’Union sociale pour
l’habitat). En dépit de nouvelles constructions
et de mécanismes correctifs destinés à mieux
articuler les spécificités des territoires et des
organismes de logement, cette faible rotation
des locataires du parc social s’explique par
les délais d’obtention d’un logement social
en zones tendues, qui ne favorisent pas le
déménagement d’un bénéficiaire d’un
logement social vers un autre logement social.
En outre, les difficultés d’accès au parc privé
dans les zones tendues ne facilitent pas les
sorties du logement social. Cette situation
illustre la difficulté à mettre en œuvre un
parcours résidentiel. Or, une augmentation
d’un point du taux de mobilité représenterait
une offre équivalente à la construction de
47 000 logements par an – soit près d’un tiers
des nouveaux logements agréés – sans coût
pour les finances publiques. Cette situation
appelle un renforcement des mesures pour
assurer une plus grande mobilité des locataires
et une gestion active du parc existant.
2 - L’accueil des ménages les plus
modestes
Depuis 2012, l’offre s’est orientée vers le
financement des logements les plus sociaux
par des PLAI accordés aux bailleurs, tout
particulièrement dans les zones tendues. Or, si
la part de ces prêts a progressé au cours des
dernières années, les résultats obtenus sont
inférieurs de 24 % aux objectifs affichés dans la
stratégie logement de septembre 2017 : 30 576
ont été agréés en 2022 pour un besoin estimé
de 40 000.
Cette orientation prioritaire a pourtant été
renforcée avec l’adoption en mars 2018 du
plan quinquennal pour «
le logement d’abord 
»,
qui fixait pour 2022 des objectifs nationaux
ambitieux en matière de construction de
logements destinés aux ménages aux revenus
les plus faibles. Toutefois, les premiers résultats
du plan,
qui montrent une dynamique
favorable, avec un accroissement des accès
10
ASSURER LACOHÉRENCE DE LA POLITIQUE DU LOGEMENT FACE À SES NOUVEAUX DÉFIS
au logement, restent globalement en-deçà
des besoins et des objectifs chiffrés. La
Cour recommande que soient hiérarchisés
les critères d’application des principes du
« 
Logement d’abord
».
L’enjeu serait également de s’assurer que les
attributions dans le parc social bénéficient bien
aux ménages « prioritaires » les plus modestes.
Mais, sur 419 485 attributions de logements
sociaux en 2022, seulement 5,8 % l’ont été
en faveur de ménages reconnus prioritaires
au titre du droit au logement opposable
(Dalo). Les différentes catégories de publics
prioritaires se sont en effet accumulées au
cours des dernières années, avant même que
ne s’y ajoutent les « emplois essentiels » mis en
évidence lors de la crise sanitaire.
Graphique n° 1 :
demandes de logement social et flux de logements sociaux libérés en 2019
Source : demandes de logement social non pourvues, DG Trésor, Ancols, 2022
69%
26%
5%
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
90%
100%
Demandes de logement social
selon les revenus en 2019
PLAI
PLUS
PLS
PLAI
PLUS
PLS
9%
Dont assimilé
PLAI 19%
82%
9%
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
90%
100%
Flux de logements sociaux libéré
en 2019
Ménages
très
précaires
Ménages
très
précaires
Alors que près de 70 % des demandeurs de
logement social sont éligibles aux PLAI, les
logements correspondants ne représentent
que 28 % de l’offre annuelle et le tiers de la
production annuelle.
COUR DES COMPTES
11
La maîtrise du foncier, assise sur un système
extrêmement figé, ne favorise pas l’objectif
de production d’une offre abordable. La loi
relative à la solidarité et au renouvellement
urbain (SRU) du 13 décembre 2000 impose
aux 2 000 communes les plus importantes
de disposer d’un taux minimum de 25 % de
logements sociaux. Ce dispositif a incité à la
construction de plus de 210 000 logements
sociaux entre 2017 et 2019 dans ces
communes. De grandes disparités existent
pourtant et plus de la moitié des communes
concernées se situent sous les seuils fixés.
Par ailleurs, la question de la mixité sociale
reste non résolue dans la plupart des villes
concernées. La loi « 3DS » de février 2022 a
pour ambition de prévenir la concentration
territoriale du parc social. Le contrat de mixité
sociale constitue à ce titre un élément-clé
du nouveau dispositif SRU. Elle permet
aux
communes les plus éloignées du taux minimum
d’ajuster le rythme de rattrapage. Selon la
direction de l’habitat, de l’urbanisme et des
paysages (DHUP), 466 des 1 100 communes
déficitaires recourent à cette possibilité. Il est
toutefois prématuré de tirer les enseignements
de ces adaptations de nature à atteindre une
mixité sociale, au demeurant imparfaitement
définie.
3 - Le logement à un prix abordable
En 2022, la hausse des prix des logements
neufs a poursuivi son accélération (+ 5,6 %
après + 4,7 % en 2021), tout comme celle des
logements anciens (+ 6,5 %, après + 6,7 %),
ainsi que les coûts de production dans le
bâtiment (+ 9,6 % après + 4,0 %).
En zone tendue, le prix du logement à presque
doublé entre 2000 et 2022, avec des écarts
géographiques très importants alors que le
coût de la construction n’a progressé que
de 50 %. Cette situation contraste avec celle
Graphique n° 2 :
production de logements sociaux
Source : demandes de logement social non pourvues, DG Trésor, Ancols, 2022
30 %
43 %
27 %
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
90%
100%
Production de logements
sociaux en 2019
PLAI
PLUS
PLS
PLAI
PLUS
PLS
0
20 000
40 000
60 000
80 000
100 000
120 000
140 000
2011
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
Évolution de la production de logements sociaux
par typologie entre 2011 et 2021
Ménages
très
précaires
12
ASSURER LACOHÉRENCE DE LA POLITIQUE DU LOGEMENT FACE À SES NOUVEAUX DÉFIS
de nos voisins européens. Le prix du foncier,
environ un tiers du coût d’un logement avec
une forte amplitude selon les zones, en est
la cause principale pour les logements neufs.
Le prix abordable concerne également le prix
des loyers même si certaines communes ont
la possibilité de l’encadrer. Dans son bilan
sur l’encadrement des loyers à Paris en 2020,
l’observatoire des loyers de l’agglomération
parisienne relève toutefois que cette
modération a un effet limité.
L’Insee compte en 2022 3 millions de
logements vacants en France (hors Mayotte). Si
leur part dans l’ensemble du parc de logements
s’est stabilisée depuis 2016, elle est de plus
de 8 % en décembre 2022. Expliquée, pour
une part, par l’inadéquation géographique
entre parc existant, notamment dans les
territoires de faible densité démographique qui
perdent des habitants, et les besoins globaux,
ces logements vacants constituent dans les
territoires tendus un frein à la constitution
d’une offre abordable complémentaire au
parc social. Historiquement, la lutte contre
les logements vacants s’est principalement
appuyée sur des outils coercitifs (taxe sur la
vacance, réquisition) qui ne se sont pas révélés
efficaces. Deux taxes coexistent aujourd’hui : la
taxe sur les logements vacants (TLV, nationale
et obligatoire sur les logements vacants en
zones tendues) et la taxe d’habitation sur les
logements vacants (THLV), à la discrétion
des collectivités locales dans les zones moins
tendues.
Un plan national de lutte contre les logements
vacants a par ailleurs été lancé en 2020 par le
ministère chargé du logement en partenariat
avec le réseau des collectivités concernées et
l’Agence nationale de l’habitat (Anah) pour
développer des solutions incitatives. Ce plan,
mis en œuvre sur des territoires qui couvrent
30 % de la vacance structurelle nationale (celle
de plus de deux ans), vise à réduire la vacance
de longue durée dans le parc de logements
privés. Son objectif est de doter les acteurs
locaux d’outils leur permettant de mesurer le
phénomène sur leur territoire. Trois ans après
sa mise en œuvre, ce plan mériterait d’être
évalué par l’exécutif.
Le tourisme interagit aussi sur la politique du
logement en raison de la hausse des prix ou
de la pénurie qu’il engendre. Le phénomène
des meublés de tourisme a connu un essor
sans précédent avec l’arrivée à partir de 2013
de grandes plateformes internationales de
location (au premier rang desquelles Airbnb) et
ampute l’offre de logements pour la population
permanente.
B - Une panoplie d’instruments
poursuivant des objectifs
hétérogènes
Les instruments d’intervention de la politique
du logement, plus nombreux en France que
dans la plupart des pays de l’Organisation
de coopération et de développement
économiques (OCDE), se sont multipliés selon
des logiques compartimentées.
COUR DES COMPTES
13
Alors que l’État instaure des politiques toujours
plus nombreuses et ambitieuses dans un
environnement principalement déconcentré
ou décentralisé, sa capacité à mesurer et à
répondre aux enjeux nationaux devrait l’inciter
à disposer d’une connaissance fine des données
quantitatives et qualitatives pour documenter
et orienter la politique du logement mise en
œuvre localement.
1 - Des enjeux financiers élevés malgré
des efforts engagés pour baisser la part
des aides aux logements dans le PIB
La politique du logement mobilise, toutes
administrations publiques confondues, 38,2 Md€
en 2021, soit 1,5 % du PIB, part deux fois plus
importante que la moyenne de l’UE (1,3 %
en données Eurostat 2021 en France contre
0,6 % en moyenne au sein de l’UE). Pour autant,
la dépense de logement des ménages français
demeure élevée (26,2 % de leur revenu en 2019
contre 23,5 % au sein de l’UE). En outre, sa part a
crû entre 2008 et 2020, passant de 19 % à 20,9 %
de leurs dépenses de consommation.
L’augmentation continue du parc de logements
se traduit par une croissance tendancielle des
dépenses publiques. Financées à plus de la moitié
par l’État, les dépenses se répartissent entre des
allègements d’impôt, qualifiés de dépenses
fiscales (13,7 Md€), des prestations sociales
comme les aides personnelles au logement
(20,1 Md€), des subventions (3,5 Md€) et des
avantages permettant de réduire le taux des
prêts au logement (0,9 Md€).
Tableau n° 1 :
les instruments de la politique du logement
Nature
Déclinaison
Subventions
Aides à la construction de logements sociaux
Aides à la rénovation urbaine
Aides à l’amélioration de l’habitat
Prestations
sociales
Aides personnelles (APL, ALS, ALF)
Outils fiscaux
Taxations des transactions ; de la détention immobilière ; des revenus
locatifs ; des plus-values
Dispositifs d’incitation fiscale à l’investissement locatif, à l’accession
Exonérations fiscales pour le secteur HLM
Financement
par les prêts
Prêts aux organismes de logement social et aux particuliers
Outils
juridiques
Encadrement des relations locataires-bailleurs
Règles d’urbanisme
Normes d’habitat et de construction
Source : Cour des comptes
14
ASSURER LACOHÉRENCE DE LA POLITIQUE DU LOGEMENT FACE À SES NOUVEAUX DÉFIS
Graphique n° 3 :
les grandes tendances du logement 1984 à 2020
Source : SDES (séries longues aides et parc de logements 1984/2021)
0
5
10
15
20
25
30
35
40
1984
1987
1990
1993
1996
1999
2002
2005
2008
2011
2014
2017
2020
Parc de logements (En millions)
Aides à la personne (Md€)
Aides aux producteurs logement (Md€)
Le niveau de dépenses du budget de l’État en
faveur du logement a plus que doublé entre
1995 et 2011, avant d’engager une baisse entre
2011 et 2021, tandis que la pression fiscale
sur les logements a augmenté. Bien qu’une
baisse du niveau de la dépense publique dans
le domaine du logement, tant en pourcentage
du PIB qu’en valeur, soit notable depuis 2016,
la recherche d’une meilleure efficience reste
indispensable.
2 - L’insuffisante cohérence du financement
Outre une contribution budgétaire importante,
le financement de la politique du logement
est assuré par des dépenses fiscales et par les
prélèvements effectués sur les entreprises.
Les 65 dépenses fiscales concernant le
logement représentent 13,7 Md€ de recettes
auxquelles l’État a renoncé. Faute d’arbitrage
entre les différents leviers (construction dans
les zones tendues, modération des loyers,
développement de la propriété et de la primo-
accession, ventes de logements sociaux, etc.)
et en l’absence d’une appréciation de leur
efficacité, nombre de ces dépenses fiscales
sont attribuées dans une logique de droits
acquis ou de reconduction. En outre, la part
des logements bénéficiaires de ces dépenses
fiscales est faible au regard de la production
totale de logements et aucune étude
économique n’est concluante sur l’effet de
levier qu’elles produiraient sur la construction
de logements locatifs.
Pour ce qui concerne les prélèvements sur les
entreprises, la participation des employeurs
à l’effort de construction (PEEC), instituée
en 1953, est assise sur la masse salariale.
COUR DES COMPTES
15
Le « 1 % logement » est resté dans le langage
commun, alors que le taux n’est plus que
de 0,45 % depuis 1991. Depuis 2017, le
groupe Action Logement gère une ressource
annuelle totale de près de 3 Md€ (dont 1,7
Md€ en 2021 au titre de la collecte annuelle
de la participation des employeurs à l’effort
de construction - PEEC). L’État sollicite
régulièrement ce groupe pour financer
d’autres actions, au premier rang desquelles la
rénovation urbaine.
3 - Le rôle redistributif des aides
personnelles
Les trois aides personnelles au logement -
allocation de logement familiale (ALF),
allocation de logement sociale (ALS) et aide
personnalisée au logement (APL) -, sont
versées à six millions de ménages, soit un
ménage sur cinq.
Les ménages du premier décile de niveau de
vie constituent plus de 75 % des bénéficiaires
des APL. Elles représentent plus de 40 % des
dépenses publiques pour le logement. Leur
montant, qui atteignait 18 Md€ par an entre
2015 et 2017, a été ramené à 15,7 Md€ en
2021.
Bénéficiant aussi bien aux résidents du parc
privé que social, elles demeurent un outil
majeur de redistribution de la politique du
logement. En 2017, les APL permettaient de
réduire en moyenne la part des dépenses
des ménages pour leur logement, de 41 % à
27 % de leur revenu. Même si leur ampleur
précise est difficile à évaluer, ces aides ont
vraisemblablement un effet inflationniste sur le
niveau des loyers des petits logements en zone
tendue.
Les mesures d’économie introduites entre
2015 et 2017 ont permis une maîtrise, puis une
baisse importante de cette dépense pour l’État.
Elles ont été compensées pour les bénéficiaires
du logement social par la mise en place de la
réduction du loyer de solidarité (RLS). La prise
en compte des ressources des allocataires
en temps réel a, par ailleurs, permis un calcul
plus juste et plus ciblé des APL. La perspective
annoncée en septembre 2018, et toujours
en chantier, d’une intégration des APL dans
un « revenu universel d’activité » viserait à
apporter une plus grande cohérence entre les
différentes prestations sociales.
La diversité des objectifs de la politique du
logement répond à la diversité des publics
et des territoires. Aussi, dans un contexte
budgétaire contraint, les objectifs, affichés
ou implicites, de la politique du logement
nécessitent, plus que jamais, de fixer des
priorités entre : maintien de loyers modérés
dans le parc privé et production d’une offre
locative neuve, qui nécessite des rendements
attractifs ; maximisation du nombre de
constructions neuves et concentration des
moyens publics sur les zones tendues ; offre au
plus grand nombre de ménages modestes de la
possibilité d’un logement social et mixité dans
ce parc ; ciblage des aides sur les populations
qui en ont le plus besoin et simplicité des
barèmes des aides ; lutte contre l’étalement
urbain et contre la surdensité.
16
ASSURER LACOHÉRENCE DE LA POLITIQUE DU LOGEMENT FACE À SES NOUVEAUX DÉFIS
2 - LES LEVIERS D’ACTION POUR ASSURER LA COHÉRENCE
DE LA POLITIQUE DU LOGEMENT
Ces contradictions justifieraient que la politique
du logement se dote d’objectifs crédibles, dont
les résultats seraient mesurables grâce à des
indicateurs fondés sur des données accessibles.
Pour ce faire, il apparaît indispensable de
renforcer la qualité et la fiabilité des données
relatives au logement.
Cet effort de cohérence suppose de déterminer
l’équilibre souhaité entre l’intervention de l’État
et celle des collectivités territoriales, entre le
soutien aux propriétaires et celui aux locataires,
entre l’aide à la pierre et l’aide à la personne,
entre le soutien à la construction et le soutien
à la rénovation, entre le soutien sous forme
d’aide et sous forme de prêt et enfin entre les
crédits budgétaires et les dépenses fiscales.
Quelles que soient les options retenues, le
logement obéit à des cycles longs supposant
une stabilité des dispositifs et une prévisibilité
des opérations ; la conduite de sa politique ne
peut se situer dans le court-terme.
A - Améliorer la qualité de la dépense
publique en faveur du logement
À cadre institutionnel et juridique inchangé, un
ensemble d’actions permettrait d’obtenir de
meilleurs résultats sur le plan de l’efficience, de
l’efficacité et de l’équité.
1 - Rendre plus efficientes les dépenses
fiscales
L’efficience des dépenses fiscales n’a pas été
sérieusement évaluée, en dépit de leur coût
élevé. Les adaptations récentes en 2021 - les
dispositifs Pinel et le prêt à taux zéro, évalués à
la demande du Parlement en 2019 - ne font pas
disparaître le manque d’efficience de dispositifs
comme la défiscalisation du logement social en
outre-mer ou comme les exonérations d’impôt
sur les sociétés en faveur des organismes
de logement social bénéficiaires. Il apparaît
également nécessaire de réexaminer les
conditions d’octroi du prêt à taux zéro renforcé,
ainsi que l’efficience des taux réduits de TVA.
Au demeurant, en juin 2023, le Gouvernement
a annoncé qu’il envisageait de recentrer le prêt
à taux zéro et de mettre fin au dispositif Pinel.
2 - Recentrer la politique du logement
social sur les publics les plus défavorisés
et soutenir la location abordable
Le soutien au logement doit mieux cibler les
publics prioritaires. Il faut aller plus loin en
matière de refonte des critères d’attribution des
aides à la personne et de recentrage des aides
à la pierre, même s’il n’est déjà plus possible de
subventionner les logements les moins sociaux
depuis le décret du 26 septembre 2022 et la
réforme dite de forfaitisation des aides à la
pierre.
En matière de logement social, et même si
l’Union sociale pour l’habitat réaffirme son
attachement à la vocation généraliste du
logement social, il serait utile de mieux définir
le concept de mixité sociale pour recentrer son
accès aux publics les plus défavorisés. Cette
notion ne peut se limiter aux conditions de
ressources, elle doit aussi prendre en compte
l’ensemble des facteurs qui sont à l’origine des
difficultés d’insertion économique et sociale
des populations concernées.
COUR DES COMPTES
17
Par ailleurs, l’ambition de mobiliser le foncier
public au profit du logement social a montré
ses limites. Le dispositif de décote introduit
en 2013 a été relativement peu utilisé :
trop complexe et concurrencé par d’autres
procédures de cession du foncier public, il n’a
concerné qu’une centaine d’opérations pour
moins de 10 000 logements.
En outre, afin d’agir sur le parc privé, et
développer les mises en location de biens à un
montant inférieur aux loyers du marché local
et sous conditions de ressources du locataire,
la loi de finances pour 2022 a remplacé
l’abattement sur les revenus fonciers par une
réduction d’impôts d’autant plus attractive
pour les propriétaires bailleurs (Loc’Avantages),
que les loyers pratiqués sont faibles. Les
plafonds de loyer sont directement corrélés
aux loyers de marché constatés dans chaque
commune. Récente, cette réforme nécessite
encore un accompagnement pour une prise en
compte par les collectivités territoriales dans
leur politique de l’habitat.
Pour faciliter l’accès à des logements
abordables dans les zones tendues plusieurs
leviers mériteraient d’être étudiés :
simplifier et renforcer la fiscalité sur les
logements vacants ;
réformer la fiscalité sur les plus-values de
cession de foncier pour lutter contre
la rétention immobilière et faciliter la
construction dense dans les zones tendues ;
étendre les garanties locatives immobilières
(type Visale) afin de favoriser l’accès des
publics fragiles au marché locatif privé.
3 - Mieux coordonner l’action
des intervenants publics
Les administrations de l’État (direction de
l’habitat, de l’urbanisme et des paysages
- DHUP et direction générale des Finances
publiques-DGFiP, notamment) et les autres
partenaires publics (Caisse nationale
d’allocations familiales, Caisse des dépôts et
consignations, par exemple) partagent trop
peu de données pour pouvoir prendre des
décisions en toute connaissance de cause.
Cette situation réduit inévitablement la
cohérence des actions menées et affaiblit
l’articulation entre dispositifs. Les publics
visés ne sont pas toujours bien connus
ni identifiés. L’ineffectivité d’un « parcours
résidentiel » illustre ce déficit de coordination.
L a d é b u d g ét i s at i o n p ro g re s s i ve d e s
financements a pour effet de multiplier les
centres de décision au plan national. L’État doit
mieux connaître l’efficacité de ses instruments
en les évaluant plus systématiquement et en
assurant le suivi des bénéficiaires directs et
indirects des aides.
En dépit de l’importance des dépenses
publiques au profit du logement locatif privé,
que ce soit sous forme d’aides budgétaires ou
fiscales, les prix des loyers sont mal connus
et constituent un point faible de la statistique
publique. Dans une perspective de régulation
du marché, la création par la loi Alur d’un
réseau de plus de 30 observatoires locaux des
loyers apporte une information reconnue pour
sa rigueur scientifique, mais demeure très en
deçà des objectifs affichés. Les progrès sur
la connaissance des loyers ont toutefois été
permis grâce à l’élaboration de « cartes des
loyers » disponibles sur le site du ministère
de la transition écologique et de la cohésion
des territoires à la suite d’un partenariat avec
l’agence nationale pour l’information sur le
logement et des entreprises.
Enfin, la politique du logement gagnerait à être
mise en cohérence avec d’autres politiques
nationales structurantes, comme celles de
18
ASSURER LACOHÉRENCE DE LA POLITIQUE DU LOGEMENT FACE À SES NOUVEAUX DÉFIS
l’emploi, des transports, de l’aménagement du
territoire (y compris de la rénovation urbaine).
Ainsi, en matière d’emploi, l’État pourrait
s’appuyer sur Action Logement pour s’assurer de
la prise en charge des « travailleurs essentiels ».
B - Rationaliser et renforcer
la cohérence territoriale
de la politique du logement
Selon l’OCDE, la France est un des pays où la
« fragmentation des pouvoirs administratifs »
en matière de logement est la plus forte. Avec
les lois de décentralisation, les collectivités
territoriales sont devenues des acteurs
significatifs du financement des aides à la
pierre (3 à 4 Md€ par an, principalement par
exonération de taxes locales) et de nombreux
établissements publics de coopération
intercommunale (EPCI) se sont positionnés
avec l’État pour établir localement des
stratégies communes.
Les enjeux démographiques, les difficultés
liées à l’attractivité des territoires, en zones
tendues comme dans les territoires en risque
de désertification, ainsi que les questions
sociétales (décohabitation, télétravail, qualité
de vie) incitent à prôner une approche moins
centralisée, ouverte aux expérimentations et
aux adaptations au niveau des EPCI.
La réforme de la politique du logement passe
par un rééquilibrage des responsabilités entre
les acteurs centraux et locaux.
1 - Renforcer le pilotage local
de la politique du logement adaptée
aux besoins des territoires
L’État, en conservant des compétences en
matière d’urbanisme sans disposer des moyens
humains nécessaires, ne permet pas une mise
en œuvre efficace d’une politique décentralisée
du logement.
Le pilotage local de la politique du logement
devrait être renforcé en faisant des EPCI
le cadre naturel de conception et de mise
en œuvre de politiques territorialisées.
L’implication de ces EPCI, devenus, avec la loi
Alur, les principaux auteurs des programmes
locaux de l’habitat et des plans locaux
d’urbanisme intercommunaux, n’a pas été
à la hauteur des attentes : 85 EPCI étaient
délégataires en 2016, soit 7 % d’entre eux, sans
évolution depuis.
Cette territorialisation devrait aller au-delà
de l’adaptation des politiques nationales
aux territoires, déjà largement réalisée. Elle
devrait prévoir la mise en œuvre d’outils
susceptibles de déroger aux règles nationales
si la démonstration de leur intérêt est faite
localement (comme l’illustre l’expérimentation
en cours en Bretagne du dispositif « Pinel »
modulé selon des critères locaux) et sous
réserve d’accords liant les services déconcentrés
de l’État et les EPCI volontaires.
C’est dans ce sens que la loi « 3DS » a créé
le statut d’autorité organisatrice de l’habitat
(AOH), accordé en juin 2023 à cinq des
vingt EPCI qui remplissaient les conditions
requises. Les intercommunalités intéressées
doivent être délégataires des aides à la
pierre. Certaines prérogatives leur sont alors
octroyées, notamment en matière de zonage
de l’investissement locatif et de renouvellement
urbain. Cette « labellisation » ne passe pas
uniquement par la délégation des financements
mais également par une mobilisation accrue des
intercommunalités aujourd’hui insuffisamment
impliquées sur les politiques de l’habitat. Elles
ont un rôle à jouer dans l’accompagnement
des actions pilotées par d’autres acteurs
(par exemple, accompagner l’Anah sur les aides
à la rénovation énergétique).
COUR DES COMPTES
19
La responsabilisation des acteurs en matière
de politique du logement pourrait également
inciter au partage du paiement des astreintes
en matière de Dalo qui sont le plus souvent à
la charge de l’État, alors même que les leviers
pour y répondre sont la plupart du temps
partagés entre bailleurs et collectivités.
2 - Étudier une nouvelle décentralisation
des politiques de logement
Une décentralisation plus volontariste
de la politique du logement chargerait les
EPCI d’attribuer les permis de construire et
d’agréer la construction de logements sociaux.
Ceux-ci moduleraient les aides fiscales pour
l’acquisition de certaines catégories de
logement et seraient chargés de la politique de
rénovation énergétique des bâtiments.
Ce scénario impliquerait que soient maintenus,
en les simplifiant, les dispositifs de solidarité
financière entre les territoires (dotation de
solidarité rurale, dotation d’équipement
des territoires ruraux, dotation de soutien
à l’investissement local, fonds de soutien
interdépartemental).
Les interventions de l’État seraient resserrées
autour d’objectifs stratégiques et d’interventions
lors de crises de grande ampleur : à l’État de fixer
les perspectives générales, d’assurer la solidarité
entre les territoires et d’exercer sa mission de
contrôle des collectivités territoriales ; à ces
collectivités de définir et de mettre en œuvre
ces politiques ; aux établissements publics
nationaux la charge de mise à disposition de
l’ingénierie et des financements nécessaires aux
acteurs locaux. Cette organisation permettrait,
au niveau des bassins de vie, d’améliorer
l’habitat dans des conditions plus conformes
aux besoins des populations.
C - Accentuer l’approche qualitative
pour prendre en compte les
nouvelles priorités sociales et
environnementales
Les politiques de logement doivent être
conçues et menées en cohérence avec les
nouvelles priorités sociales d’accès à un
logement digne et adapté tout en prenant en
compte les enjeux environnementaux. Cette
exigence nouvelle a deux conséquences. La
première porte sur la rénovation énergétique
des logements, qui concilie objectifs
écologiques (utiliser moins d’énergie et une
énergie décarbonée pour chauffer) et objectifs
sociaux (réduire les factures d’énergie). La
seconde est plus systémique : elle consiste à
respecter nos engagements internationaux de
limitation d’artificialisation des sols déclinés au
niveau législatif.
1 - Améliorer l’accès à un logement digne
et adapté
Ces dernières décennies, de grandes actions
de résorption de l’habitat indigne ont été
conduites dans certains territoires, parfois avec
succès, grâce à l’action conjuguée de l’État et
des collectivités territoriales. L’habitat indigne
représentait, avec 420 000 logements, moins
de 1,8 % du parc privé en 2013 (estimation
non actualisée depuis) ; la Fondation Abbé
Pierre a récemment estimé que 1,12 million
de ménages souffrirait de privation de confort
ou de surpeuplement. Pour renforcer la
lutte contre l’habitat indigne, là encore, il est
nécessaire de mieux identifier les ménages
concernés, d’optimiser la coordination des
intervenants publics et de renforcer les moyens
d’action pénale contre les propriétaires
négligents ou malveillants qui sont à l’origine
de ces situations.
20
ASSURER LACOHÉRENCE DE LA POLITIQUE DU LOGEMENT FACE À SES NOUVEAUX DÉFIS
Le vieillissement de la population a des
répercussions importantes sur les logements.
L’option du maintien à domicile des
personnes âgées implique d’adapter les
logements existants et de construire des
logements adaptés dans les parcs privé et
social. Le déploiement de « MaPrimeAdapt’»,
programmé en janvier 2024, prévoit un
doublement du nombre de logements adaptés
par an. Avec un engagement budgétaire de
1,5 Md€ sur quatre ans de 2023 à 2027, cette
aide à la pierre s’adresse aux ménages aux
revenus modestes et très modestes (ou de plus
de 70 ans). Elle permet à ceux-ci de réaliser les
travaux d’adaptation de leur logement.
2 - Poursuivre l’amélioration
de la qualité énergétique
des logements en encourageant
davantage les rénovations globales
En 2022, sur les 30 millions de résidences
principales de l’hexagone, 5,2 millions
de logements sont qualifiés de « passoires
thermiques » (17 % du parc). La précarité
énergétique concerne au moins 11,9 % des
ménages en France métropolitaine, soit
3,4 millions de ménages.
Deux instruments de rénovation énergétique
des logements ont été principalement utilisés.
Le crédit d’impôt pour la transition énergétique
(CITE) a essentiellement bénéficié aux ménages
disposant de revenus élevés. Lui a succédé, en
2021, une aide budgétaire, « MaPrimeRénov’»,
avec un champ de travaux plus large dont plus
d’1,5 million de logements ont bénéficié. Le
dispositif, administré par l’Agence nationale
de l’habitat, reflète la volonté de massifier la
rénovation énergétique et de sensibiliser le plus
grand nombre de propriétaires à ses avantages.
Cette transition d’une dépense fiscale à une
subvention des travaux s’est réalisée dans des
conditions globalement satisfaisantes, malgré
le paysage désormais complexe des aides à
la rénovation énergétique. La soutenabilité
financière du dispositif au-delà du plan de
relance n’est toutefois pas assurée.
Néanmoins, l’efficience du dispositif pourrait
être améliorée. Il repose sur des aides
principalement tournées vers les propriétaires
les plus modestes mais gagnerait à davantage
encourager des rénovations globales plus
performantes et donc à réduire au maximum
le reste à charge dans le cas de travaux lourds.
Plus de 6 Md€ ont d’ores et déjà été engagés.
L’articulation entre les certificats d’économie
d’énergie et les dispositifs d’accompagnement
de l’État et des collectivités locales devra être
revue pour simplifier les conditions de recours
par les ménages de ce type d’aides. Enfin,
« MaPrimeRénov’ » se révèle peu adaptée aux
copropriétés pour lesquelles les résultats sont
modestes.
L’équilibre est délicat entre rénovations
globales, plus performantes et plus efficientes
mais dont le coût peut être dissuasif pour
les propriétaires, même avec des dispositifs
d’aides et de financements du reste à charge
importants, et les aides par mono-gestes
plus accessibles mais avec une efficience bien
moindre.
Bien que le parc locatif social présente un état
de performance énergétique globalement
meilleur que la moyenne du parc résidentiel,
il aura à consentir des investissements
significatifs pour atteindre les standards de
la loi « climat et résilience » du 22 août 2021.
Sur les 5,2 millions de logements sociaux,
le nombre de « passoires » classées F et G
s’élèverait à environ 460 000 logements.
COUR DES COMPTES
21
À partir de premières évaluations, et en ne
visant que la résorption de ces deux catégories,
concernées par l’obligation de décence, ce
besoin en investissement a été évalué par
la DHUP entre 3,8 et 4,3 Md€ par an sur la
période 2023-2027, contre un investissement
passé estimé à 2,5 Md€ par an sur la période
2019-2021 sur le même périmètre (thermique
seul). Ces objectifs de rénovation, s’ils devaient
être validés, tout en préservant la soutenabilité
financière des bailleurs, nécessiteraient une
enveloppe de soutien au secteur de l’ordre
de 230 à 600 M€ en équivalents-subventions
par an.
Les entreprises du secteur du logement social
ont été restructurées pour pérenniser leur
activité et pour consolider leur patrimoine
social. Le bilan de la réforme de 2019 ne peut
encore être pleinement apprécié. L’optimisation
des ressources et les économies attendues
par le regroupement des bailleurs sociaux,
évaluées en 2019 à 1 Md€, peuvent être
considérées comme une ressource disponible.
Toutefois, sous l’effet de la hausse du taux du
livret A (de 3 %, en 2003, il pourrait atteindre
4 % au 1
er
août 2023, contre 0,5 % en 2022) et
la forte progression des coûts de construction,
les conditions de financement risquent de se
dégrader.
3 - Contribuer à la lutte contre
l’artificialisation des sols
Les politiques de logement butent de
manière croissante sur des objectifs de
préservation des espaces naturels. Certains
territoires présentant une forte attractivité
démographique souhaitent en effet contribuer
à la lutte contre le réchauffement climatique
par une limitation, voire une interdiction, de
toute nouvelle artificialisation des sols limitant
ainsi la construction de nouveaux logements.
Cette artificialisation emporte d’importantes
conséquences écologiques, mais aussi
socio-économiques. Elle porte atteinte à
la biodiversité, au potentiel de production
agricole et de stockage de carbone, ou
encore augmente les risques naturels par
ruissellement. L’étalement urbain et le mitage
des espaces à toutes les échelles, lorsqu’ils
ne sont pas maîtrisés, éloignent par ailleurs
les logements des services publics et de
l’emploi, augmentent les déplacements et
entretiennent une dépendance à la voiture
individuelle. Le rapport du groupe d’experts
intergouvernemental sur l’évolution du climat
(GIEC) de 2022 rappelle que de nouvelles
formes d’urbanisation constituent l’une des
solutions pour réduire les émissions, tant
vis-à-vis de l’utilisation des sols que des
consommations d’énergie induites (chauffage,
distances à parcourir, etc.).
La lutte contre l’artificialisation des sols, qui
concerne 20 000 à 30 000 hectares par an, est
devenue un objectif majeur. Près de 28 % de
cette surface relèverait d’infrastructures, 14 %
de l’activité économique, et 42 % de l’habitat.
La loi « climat et résilience » fixe un objectif
de zéro artificialisation nette des sols en 2050
et la réduction de moitié de la consommation
d’espaces à l’horizon 2031, la consommation
d’espaces étant définie comme le changement
d’usage du sol, passant d’un usage naturel,
agricole ou forestier, à un usage urbanisé. Dans
certains territoires, la compatibilité de cet
objectif avec celui visant à accroître l’offre de
logements face à la croissance de la population
devient un enjeu social et économique majeur.
Certaines métropoles à la démographie très
dynamique seront à court terme confrontées
à cet enjeu, étant rappelé que l’objectif fixé par
la loi ne concerne pas uniquement le logement.
22
ASSURER LACOHÉRENCE DE LA POLITIQUE DU LOGEMENT FACE À SES NOUVEAUX DÉFIS
Graphique n° 4 :
surface artificialisée annuellement en hectares
Source : DG Trésor, Observatoire de l’artificialisation, 2021
0
5 000
10 000
15 000
20 000
25 000
30 000
35 000
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
Objectif 2031
Objectif 2050
Aujourd’hui, le niveau d’artificialisation en
France est le plus élevé des principaux pays
européens et ne diminue pas assez rapidement
pour atteindre les objectifs fixés.
L’adaptation de la fiscalité, notamment locale,
et du droit de l’urbanisme aux impératifs de
sobriété foncière et de lutte contre l’étalement
urbain, constitue l’un des moyens d’atteindre
cet objectif.
L’adaptation territoriale entre les différents
n i v e a u x d e c o l l e c t i v i t é s d u « z é r o
artificialisation nette » (ZAN) constituerait le
moyen de parvenir à une plus grande sobriété
foncière. Sur cette question, une proposition
de loi d’initiative sénatoriale est inscrite à
l’agenda de l’Assemblée nationale en procédure
accélérée.
D’un point de vue financier, toutefois, le
différentiel de coûts est tel entre une opération
d’aménagement en recyclage et une opération
d’aménagement en étalement qu’une simple
évolution de la fiscalité ne pourrait à elle seule
suffire.
4 - Renforcer l’amélioration qualitative
de l’habitat
De nombreux acteurs publics et privés
considèrent que le soutien à la construction est
l’élément moteur de la politique du logement.
Toutefois, compte tenu des contraintes
budgétaires, les actions de rénovation et
d’entretien du patrimoine existant, telles que le
programme « action cœur de ville », ou la lutte
contre les copropriétés dégradées, doivent
être préférées à une politique de soutien de la
production, moins à même de répondre aux
exigences de qualité et de zéro artificialisation
des sols. Les objectifs de construction, dont
la quantification ne reposent sur aucune
analyse de données objectives et partagées,
n’ont finalement jamais été atteints, qu’il
COUR DES COMPTES
23
s’agisse du plan d’investissement pour le
logement de mars 2013 pour la construction
de 500 000 logements par an, dont 150 000
logements sociaux, du plan d’investissement
volontaire d’avril 2019 entre l’État et Action
logement prévoyant le financement de
110 000 logements sociaux par an, ou encore
du plan de relance de la Caisse des dépôts
de septembre 2020 prévoyant 11 Md€
d’investissement pour le logement.
Au demeurant, une évaluation chiffrée des
besoins gagnerait à être réalisée. En effet,
les projections démographiques montrent
une augmentation du nombre de ménages
dans toutes les régions, et ainsi une fourchette
des besoins sur la période 2017-2030 entre
210 000 et 325 000 logements auxquels
doivent s’ajouter les besoins liés aux situations
de mal logement (Commission pour la relance
durable de la construction de logements créée
par le Premier ministre le 31 mai 2021,
Tome I,
diagnostic et mesures phares
).
Ces objectifs de long terme
ne doivent pas
être remis en cause du fait de l’incertitude du
contexte économique actuel
: inflation récente
des coûts de construction, augmentation du
prix du foncier, croissance économique presque
nulle, hausse des taux d’intérêt et repli des
autorisations de logements à fin mars 2023.
D’avril 2022 à mars 2023, le nombre de
logements autorisés à la construction s’établit
à 441 400 logements, en baisse de 11,5 % par
rapport aux douze mois précédents et de 4,1 %
par rapport aux douze mois précédents la crise
sanitaire (mars 2019 à février 2020).
Les volumes élevés d’autorisations par rapport
aux mises en chantier sur l’année 2022
suggèrent qu’un stock élevé d’autorisations
serait en attente de mise en chantier, alors que
la durée de validité des permis de construire
n’est que de trois ans. L’application de la
nouvelle réglementation environnementale
des bâtiments neufs (RE2020) en 2022 a
conduit les promoteurs à déposer un très grand
nombre de permis fin 2021 afin de bénéficier
de la réglementation antérieure (RT2012)
moins contraignante.
24
ASSURER LACOHÉRENCE DE LA POLITIQUE DU LOGEMENT FACE À SES NOUVEAUX DÉFIS
Graphique n° 5 :
évolution du nombre de constructions neuves
Graphique n° 6 :
la construction moyenne par an entre 2011 et 2021 et les besoins
de logement par an entre 2022 et 2030
Source : SDES (données Sitadel, séries longues conjoncture logement construction – 2022 trimestre 4)
Source : DG Trésor, Insee, SDES et commission Rebsamen
466 600
487 200
393 200
370 000
250 000
300 000
350 000
400 000
450 000
500 000
550 000
600 000
650 000
1984
1986
1988
1990
1992
1994
1996
1998
2000
2002
2004
2006
2008
2010
2012
2014
2016
2018
2020
2022
Nombre de logements (en milliers)
Nombre total de logements autorisés
Nombre total de logements commencés
0
50 000
100 000
150 000
200 000
250 000
300 000
350 000
400 000
450 000
Construction
de logement
Besoin en logement
(commission Rebsamen)
Estimation basse
210 000
381 000
Estimation haute
325 000
375 000
50 000 pour
contrer le mal
logement
+
COUR DES COMPTES
25
Réduire le taux de logements vacants d’un
point de pourcentage par an permettrait
de répondre aux besoins de logement sans
constructions neuves.
Une approche qualitative ne signifie pas
renoncer à soutenir la construction de
logements lorsque son besoin est démontré.
Le retrait du marché des logements insalubres
et des passoires énergétiques bientôt interdits
à la location (logements classés G en 2025,
F en 2028 et E en 2034) représente un peu
plus de 4 millions de logements, soit 40 % du
marché locatif privé. Le zéro articficialisation
nette ne signifie pas non plus l’arrêt de toute
construction mais doit au contraire être concilié
avec la relance dans les territoires tendus de la
construction de logements abordables, de
qualité et respectueux de l’environnement.
5 - Privilégier une approche différenciée
des besoins de logement selon les
territoires
Le cadre de la politique du logement est
conçu pour garantir une égalité de traitement
entre les territoires et les personnes. Mais la
réalité des marchés et des besoins ne sont pas
juxtaposés et nécessitent la mise en œuvre
d’une politique différenciée par territoire.
Même si d’éventuels objectifs quantitatifs de
construction étaient atteints, leur répartition
territoriale ne permettrait pas de répondre
aujourd’hui à la demande de logements en
zones tendues.
Toutefois, le système des différents zonages,
utilisé pour y parvenir, peut manquer de
cohérence, ceux-ci ayant été établis à des
dates et sur des critères différents. Au fil des
évolutions, les zonages ont été utilisés à des
fins parfois éloignées des objectifs fixés et
selon des critères ayant servi à leur élaboration
qui ont vieilli. Le zonage ABC, qui mesure
la « tension immobilière », sert de base à la
plupart des dispositifs de soutien au logement.
Il devrait être actualisé afin de mieux refléter
les tensions immobilières actuelles. Exceptées
des révisions partielles en 2019 et 2022 afin
de reclasser des communes où la tension des
marchés immobiliers s’était particulièrement
accrue, ce zonage n’a pas été actualisé depuis
2014.
Même si, à ce jour, elles n’ont pas encore
permis de trouver le bon équilibre, des
expérimentations sur les possibilités de
décentralisation et de déconcentration de ces
zonages sont à mener sur le modèle de celle
conduite sur le « Pinel Bretagne ».
26
ASSURER LACOHÉRENCE DE LA POLITIQUE DU LOGEMENT FACE À SES NOUVEAUX DÉFIS
CONCLUSION
Au-delà du rôle économique que joue le logement dans notre pays en matière
de croissance et d’emplois, la politique du logement dans sa dimension sociale
devrait satisfaire à quatre exigences :
permettre à toute personne de disposer d’un logement décent ;
contribuer à la cohésion sociale ;
contribuer à l’adaptation du territoire et de ses habitants aux changements
environnementaux et sociétaux majeurs que représentent le réchauffement
climatique ou le vieillissement de la population ;
veiller à ce que l’efficacité et l’efficience des instruments de la politique
permettent de définir de la manière la plus juste le financement public qui y est
consacré.
Ces exigences appellent plusieurs choix essentiels.
Comme la Cour l’a déjà souligné, il importe, en premier lieu, de recentrer les
dispositifs de la politique du logement sur les publics les plus défavorisés et
d’optimiser l’occupation du parc social en zones tendues, en rendant plus fluides
l’accès et les mutations dans le logement social.
En deuxième lieu, quelle que soit la répartition des responsabilités entre l’État
et les collectivités territoriales, il apparaît essentiel de renforcer le pilotage local
de la politique du logement et de faire des EPCI le cadre de référence de la
conception et de la mise en œuvre des politiques de logement territorialisées.
Il importe, en troisième lieu, de simplifier les dispositifs et de réduire
significativement le nombre des intervenants publics et parapublics dans la
politique du logement.
En quatrième lieu, il apparaît nécessaire de mettre en œuvre un ciblage sur
les aides les plus efficaces. Cela suppose de mieux évaluer leurs effets et doit
conduire à programmer la mise en extinction des dépenses fiscales dont
l’efficacité et l’efficience ne sont pas démontrées.
COUR DES COMPTES
27
Il importe, enfin, de mieux coordonner les acteurs du logement et ceux
chargés de politiques connexes, notamment de l’emploi, des transports, de
l’aménagement du territoire (y compris de la rénovation urbaine) ou encore les
politiques éducatives et sociales.
Ces exigences s’imposeront dans toutes les situations, qu’il s’agisse de revoir la
répartition des responsabilités entre l’État et les autres collectivités publiques
ou d’atténuer ou de réviser la « préférence pour le logement individuel » qui
marque depuis des décennies notre pays.
28
ASSURER LACOHÉRENCE DE LA POLITIQUE DU LOGEMENT FACE À SES NOUVEAUX DÉFIS
La Cour a mené de nombreux travaux ces dernières années sur lesquels elle
s’est appuyée, en particulier les publications suivantes :
l
Le recours aux comparaisons européennes en matière de logement
, référé, avril
2023 ;
l
La décentralisation 40 ans après
, rapport public annuel, mars 2023 ;
l
La prévention des expulsions locatives
, observations définitives, décembre 2022 ;
l
La politique de rénovation énergétique des bâtiments
, observations définitives,
novembre 2022 ;
l
Le programme « Action cœur de ville »
, observations définitives, septembre
2022 ;
l
La production et l’utilisation des données utiles à la politique du logement
,
observations définitives, mai 2022 ;
l
Copropriétés dégradées : mieux répondre à l’urgence
, observations définitives,
février 2022 ;
l
Le droit au logement opposable (Dalo)
, rapport public thématique, janvier 2022 ;
l
Restaurer la cohérence de la politique du logement en l’adaptant aux nouveaux
défis
, les enjeux structurels pour la France, novembre 2021 ;
l
Action Logement : un premier bilan de la réforme
, rapport public, octobre 2021 ;
l
Le déploiement par l’Anah du dispositif « MaPrimeRénov’ » : premiers
enseignements
, audit flash, septembre 2021 ;
l
L’application de l’article 55 de la loi sur la solidarité et le renouvellement urbain
,
communication à la commission des finances du Sénat, mars 2021 ;
l
L’hébergement et le logement des personnes sans domicile pendant la crise
sanitaire du printemps 2020
, rapport public annuel, février 2021 ;
l
La politique en faveur du « Logement d’abord »
, référé, janvier 2021 ;
l
La territorialisation des politiques du logement
, référé, janvier 2021 ;
RÉFÉRENCES AUX TRAVAUX
DE LA COUR DES COMPTES
COUR DES COMPTES
29
l
L’attractivité des quartiers de la politique de la ville (évaluation de politique
publique)
, rapport public thématique, décembre 2020 ;
l
Le logement dans les départements et régions d’outre-mer
, rapport public
thématique, septembre 2020 ;
l
L’Agence nationale de rénovation urbaine (Anru) et la mise en œuvre des
programmes de renouvellement urbain
, communication à la commission des
finances du Sénat, juin 2020 ;
l
La contribution de la politique du logement à l’amélioration de la situation de
l’emploi
, référé, avril 2020 ;
l
La numérisation de la demande de logement social : une procédure simplifiée
pour les demandeurs, une gestion à fiabiliser ?
, rapport public annuel, février
2020 ;
l
Les aides personnelles au logement : des évolutions insuffisantes, une réforme à
mettre en œuvre
, rapport public annuel, février 2020 ;
l
Les aides à la pierre : retrouver la finalité des loyers modérés
, référé, août 2019 ;
l
La gestion des dépenses fiscales en matière de logement
, communication à la
commission des finances de l’Assemblée nationale, mars 2019 ;
l
La caisse de garantie du logement locatif social
, communication à la commission
des finances du Sénat, mars 2019 ;
l
Le contrôle de la conformité au droit européen des aides publiques au logement
social
, référé, février 2019 ;
l
La mise en œuvre de la politique du logement par les services déconcentrés de
l’État
, référé, janvier 2019 ;
l
Les dépenses fiscales en faveur de l’investissement locatif des ménages
, référé,
avril 2018 ;
l
Le programme « Habiter Mieux » de l’agence nationale de l’habitat (Anah)
,
communication à la commission des finances du Sénat, février 2018 ;
30
ASSURER LACOHÉRENCE DE LA POLITIQUE DU LOGEMENT FACE À SES NOUVEAUX DÉFIS
l
Le dispositif de décote du foncier public en faveur du logement social
, référé,
janvier 2018 ;
l
Les dépenses fiscales en faveur du logement social
, référé, septembre 2017 ;
l
L’hébergement des personnes sans domicile : des résultats en progrès
, une
stratégie à préciser, rapport public annuel, février 2017 ;
l
Le logement social face au défi de l’accès des publics modestes et défavorisés
(évaluation de politique publique)
, rapport public thématique, février 2017
Conseil des prélèvements obligatoires
l
La fiscalité locale dans la perspective du ZAN
, saisine de la commission des
finances du Sénat, octobre 2022 ;
l
Les prélèvements obligatoires sur le patrimoine des ménages
, janvier 2018.
Les publications de la Cour des comptes sont consultables sur le site Internet :
www. ccomptes.fr
La présente note
est disponible sur le site internet
de la Cour des comptes :
www.ccomptes.fr
CONTRIBUTION À LA REVUE
DES DÉPENSES PUBLIQUES
JUILLET 2023