Sort by *
Monsieur le Directeur
du Centre hospitalier
de FOUGERES
35300 FOUGERES
Par lettre du 21 janvier 1998, j'ai porté à votre connaissance
les observations provisoires de la chambre régionale des comptes sur la
gestion de votre établissement, conformément à la procédure
contradictoire prévue par le code des juridictions financières.
Après avoir examiné les réponses écrites apportées à ces
observations provisoires, la chambre a arrêté dans sa séance du 29 mai
1998 ses observations définitives.
Je vous rappelle que l'examen de la gestion a porté sur les
points suivants :
I. L'ACTIVITE DES SERVICES DE COURT SEJOUR
II. LA PLACE DU CENTRE HOSPITALIER DANS L'ORGANISATION SANITAIRE
III. LA SITUATION BUDGETAIRE ET FINANCIERE
IV. LES TRAVAUX D'ECONOMIE D'ENERGIE
Les observations retenues à titre définitif sont détaillées en
six pages jointes à cette lettre de transmission.
En application de l'article L. 241-11 du code des juridictions
financières, ces observations devront être communiquées au conseil
d'administration dès sa plus proche réunion. Elles feront l'objet d'une
inscription à l'ordre du jour et seront jointes à la convocation
adressée à chacun de ses membres.
Par ailleurs, en application de l'article 117 du décret n° 95-945
du 23 août 1995, la présente lettre étant communicable aux tiers dès
qu'aura eu lieu la première réunion de l'assemblée délibérante suivant
sa réception, je vous saurais gré de bien vouloir m'informer de la date
à laquelle se sera tenue cette réunion.
Je précise, en outre, que conformément aux dispositions de
l'article 127 du décret précité, une copie de ces observations est
transmise au préfet ainsi qu'au trésorier-payeur général du département
d'Ille-et-Vilaine.
Roger COMBEL
OBSERVATIONS DEFINITIVES DE LA
CHAMBRE REGIONALE DES COMPTES DE BRETAGNE
(exercices 1992
et suivants)
SOMMAIRE
I. L'ACTIVITE DES SERVICES DE COURT SEJOUR
II. LA PLACE DU CENTRE HOSPITALIER DANS L'ORGANISATION SANITAIRE
III. LA SITUATION BUDGETAIRE ET FINANCIERE
IV. LES TRAVAUX D'ECONOMIE D'ENERGIE
------------------------
I - L'ACTIVITE DES SERVICES DE COURT SEJOUR
Entre 1992 et 1996, l'activité de court séjour (MCO) évolue
favorablement. Le nombre des entrées progresse globalement de 9%, la
durée moyenne de séjour s'établit à 6,85 jours en fin de période,
l'établissement présente un taux d'occupation de 82,98%. Cependant,
l'activité du service de chirurgie viscérale, créé à la suite du
regroupement des unités de chirurgie A (orientation urologie) et B
(orientation digestive et vasculaire) reste faible au regard des
taux-cibles. En dépit de l'apport de compétences médicales nouvelles
(nomination d'un chirurgien temps plein à titre provisoire), le taux
d'occupation pour la seule hospitalisation complète (73,15%) reste
en-deçà du taux-cible de 85%. Il demeure également
quelques
interrogations sur l'orientation de ce service ; le projet de création
d'un temps médical de trois demi-journées dans le cadre d'un réseau
urologie mis en oeuvre en coopération avec le CHR de Rennes
(délibération du 21 juin 1996) ayant été abandonné.
II - LA PLACE DU CENTRE HOSPITALIER DANS L'ORGANISATION SANITAIRE
A - Le projet médical, pierre angulaire du projet d'établissement,
a fait l'objet d'une réflexion approfondie, mais celle-ci apparaît
cependant souvent en décalage par rapport aux décisions prises en
matière de planification sanitaire.
a - Une mission concernant le plan directeur avait été confiée en
1991 à un cabinet spécialisé. En l'absence d'indications sur l'évolution
de la carte sanitaire, cette démarche pouvait être considérée comme
largement prématurée, d'autant que le projet d'établissement n'avait
jamais été formalisé.
b - En 1994, à l'occasion de la mise en oeuvre du schéma régional
d'organisation sanitaire (arrêté préfectoral du 17 octobre 1994), les
établissements sanitaires de FOUGERES et VITRE ont été classés pôle
d'équilibre à titre provisoire. L'annexe au schéma précise toutefois que
ce classement ne deviendra définitif qu'après la mise en oeuvre
d'actions de complémentarité entre les deux sites.
En fait, sans attendre les décisions des autorités sanitaires, le
centre hospitalier de FOUGERES a confié le 21 février 1994 à une société
spécialisée une convention d'assistance technique pour l'élaboration du
projet d'établissement et du programme capacitaire. L'exécution de cette
commande publique a été perturbée par la liquidation judiciaire de
ladite société et sa reprise par une autre société qui a produit le
rapport final.
Nonobstant ces éléments de contexte, l'utilité opérationnelle de
cette étude d'un coût de 139.757F reste à démontrer. Outre le fait que
l'analyse de l'activité a été menée à partir d'informations que
détenaient vraisemblablement les autorités compétentes (DDASS,
Inspection de la santé, CRAM et contrôle médical) et qu'elle reformule,
sans innovation notable, les points forts et les points faibles de
l'établissement, cette étude n'évoque pas les voies possibles d'une
coopération avec les établissements voisins.
c - En avril 1996, l'établissement a fait l'objet d'une mission
d'enquête diligentée par le préfet d'Ille-et-Vilaine. A cette occasion
les services de l'Inspection départementale de la santé et du contrôle
médical ont porté une attention particulière sur la gestion médicale et
l'organisation des soins.
Cette même année, les établissements de FOUGERES et VITRE ont
confié à un cabinet d'audit la mission de définir un projet médical
commun. Cette mission, d'un coût de 238.305F pour le seul hôpital de
FOUGERES a débouché sur quelques préconisations de portée générale
(acquisition d'un scanner mobile, organisation d'une filière de
rééducation commune, intégration du pôle VITRE-FOUGERES dans un réseau
de soins orienté vers le secteur de RENNES).
Sans méconnaître les retombées positives de la démarche (renouer
le dialogue entre les équipes médicales et soignantes des deux
établissements), la chambre s'interroge également sur l'intérêt
stratégique d'une telle étude alors que les orientations en matière de
planification de l'offre de soins n'avaient pas encore été arrêtées par
les autorités sanitaires. Or, la recherche de l'efficacité et la bonne
utilisation des fonds publics supposent que le projet d'établissement,
relevant de la compétence de l'établissement, soit en cohérence avec les
objectifs définis par les autorités sanitaires.
B - En définitive, trois ans après la mise en oeuvre du premier
schéma régional d'organisation sanitaire (SROS), la chambre ne peut que
constater le retard avec lequel l'offre de soins se réorganise.
Alors que la complémentarité entre les établissements de
FOUGERES et VITRE constituait une dimension essentielle de la
planification sanitaire, les réalisations apparaissent très modestes et
limitées à l'informatique médicale et à la cardiologie. Récemment,
certains dossiers semblent avoir connu une évolution positive (partage
d'un temps de pédiatre, complémentarités à l'étude en ce qui concerne le
domaine biomédical, le laboratoire, la mise en oeuvre d'une astreinte
commune de gastro-entérologie).
Comme vous l'a souligné le directeur au cours du contrôle, les
ambitions initiales se sont heurtées à des contraintes externes
difficilement maîtrisables (autonomie juridique des établissements,
habitudes culturelles des populations, refus de coopérer de la
clinique).
III -LA SITUATION BUDGETAIRE ET FINANCIERE
L'examen des comptes administratifs les plus récents fait
apparaître une situation budgétaire en voie d'assainissement
(amélioration des résultats, réduction des déficits à incorporer). Ce
constat doit être cependant nuancé en raison du caractère récurrent de
reports de charges qui affectent la sincérité des comptes présentés et
hypothèquent l'avenir.
A -En raison de difficultés budgétaires, l'établissement a été
conduit à suspendre le mandatement de la taxe sur les salaires à compter
de l'exercice 1994.
Depuis lors, la situation a évolué ; l'établissement est parvenu
à mandater, sur les crédits de l'exercice 1996, la taxe de l'année 1996
et la dette résiduelle d'un montant de 12MF a fait l'objet d'un début
d'apurement. En effet, l'établissement a bénéficié en 1996 et 1997 d'une
dotation non reconductible afin de lui permettre de respecter
l'échéancier de cinq ans fixé par la trésorerie générale. Il est
toutefois surprenant que les versements effectués (2,5MF par an) ne
correspondent pas aux dotations accordées (3MF en 1996, 3,5MF en 1997)
pour faire face au remboursement de cette dette. Les crédits résiduels
ont été affectés à un compte de provision pour risques et charges.
Cette situation n'est pas satisfaisante sur le plan comptable. Il
appartient à l'établissement de constater intégralement la dépense
concernant le solde de la taxe non versée à ce jour, soit 7,1MF,
le
déficit en résultant faisant l'objet ensuite d'une reprise selon la
réglementation en vigueur. Il reviendra ensuite au centre hospitalier de
dégager les moyens correspondants afin de respecter les délais de
paiement octroyés.
B - La situation budgétaire est également affectée par
l'insuffisance du rattachement de la prime de service à l'exercice
concerné.
Au fil du temps, cette anomalie tend cependant à s'estomper.
Ainsi en 1996, la part de prime non rattachée n'est plus que de 23%
contre 96% en 1993. Selon les propres estimations de l'établissement
recueillies pendant le contrôle, le report constaté (prime 1996 réglée
au compte 6728 de 1997) était de 997.120F (188.160F pour le budget
principal, 353.652F pour le budget long séjour, 455.308F pour le budget
maison de retraite).
IV - LES TRAVAUX D'ECONOMIE D'ENERGIE
A -La proposition de la société BERRY est assise sur un diagnostic
contestable.
En 1990, l'établissement a procédé à la construction d'une
nouvelle maison de retraite et il est apparu que les groupes
électrogènes existants manquaient de puissance, en cas de panne du
secteur,
pour alimenter en électricité les constructions nouvelles. Dès
lors, une réflexion d'ensemble sur la gestion de l'énergie s'est
imposée, préparée par un audit énergétique réalisé par la société BERRY
INGENIERIE. Cet audit a conclu à l'exigence d'acquérir de nouveaux
groupes électrogènes et de réaliser des travaux d'économies d'énergie
avec la mise en oeuvre d'une gestion technique centralisée (GTC). Les
travaux ainsi définis, d'un montant de 5,2MF, devaient se traduire par
une économie d'énergie annuelle de 630KF soit une période
d'amortissement de 8,4 ans. Ils ont été financés par un crédit bail pour
un coût cumulé de 9,7MF sur 15 ans.
Afin d'obtenir un avis sur un projet engageant l'hôpital de
manière importante, une mission a été confiée à une société spécialisée
en avril 1993. Force est de consater que les conclusions formulées par
cette société divergent significativement de celles avancées par l'audit
BERRY (...absence d'indication sur la réelle utilité de la GTC, absence
des paramètres qui permettront de générer des économies, calcul des
économies réalisables sur le poste électricité pour une version
tarifaire qui n'est plus d'actualité...). Cette mission est cependant
intervenue alors que l'hôpital se trouvait déjà engagé à l'égard de la
société BERRY (convention de réalisation du 13 février 1991) et du
crédit-bailleur (contrat du 26 juin 1991).
B - Le dispositif juridique retenu appelle des remarques sur les
points suivants :
a -Le conseil d'administration n'a été saisi du dossier que le 19
avril 1991 c'est à dire postérieurement à la signature de la convention
de réalisation signée avec la société BERRY. De plus, la délibération se
limite à une présentation générale du projet sans indications précises
ni sur les conséquences budgétaires, ni sur les modalités de choix de
l'opérateur.
b - La mission confiée à
la société BERRY n'est pas clairement
définie dans les documents contractuels.
En effet, le montage financier mis en place est à l'origine de
l'incertitude juridique qui pèse sur cette opération : l'organisme de
crédit a en effet versé la totalité des sommes contractuelles à la
société BERRY, désigné dans le contrat de crédit-bail comme l'unique
fournisseur de l'opération. Cette société apparaît donc comme un
"ensemblier", ce qui explique que les versements aient été effectués à
son compte. Mais dans cette hypothèse, le contrat aurait dû être
attribué après appel d'offres public ce qui n'a pas été le cas.
Si, au contraire, la société BERRY n'a été que le maître d'oeuvre
de l'opération, et a donc agi comme simple mandataire de
l'établissement, les travaux auraient dû être dévolus après appel
d'offres, ce qui n'a pas été non plus le cas. Les travaux (fourniture et
installation des groupes électrogènes, installations électriques, GTC et
chauffage) ont en effet été réalisés par cinq entreprises choisies sans
mise en compétition.
L'absence de liens contractuels entre l'hôpital et ces
entreprises a favorisé certaines incompréhensions. Ainsi, le fournisseur
des groupes électrogènes a prétendu qu'il pouvait disposer des anciens
groupes. L'établissement est parvenu, non sans difficultés, à récupérer
auprès de ladite société une somme de 355KF correspondant au prix de
reprise de ces matériels.
c - Les dispositions juridiques du contrat de crédit-bail ont
conduit l'organisme public à assumer indûment un risque financier.
La convention de réalisation signée avec la société BERRY est
adossée à un contrat de crédit-bail conclu au terme d'un appel d'offre
publié le 31 mai 1991. Cette consultation peut être critiquée sur deux
points. D'une part, la procédure d'urgence a été utilisée de manière
abusive, la convention de réalisation ayant été acceptée par
l'ordonnateur le 18 mars 1991. D'autre part, les propositions des trois
organismes de crédit ne mentionnent pas le prix effectif consenti
(rapport du coût effectif de l'emprunt avec le capital emprunté) qui
aurait permis à l'hôpital notamment de comparer le coût réel du
crédit-bail avec celui d'un emprunt classique pour le même volume à
financer.
Dans cette opération, le centre hospitalier a supporté tous les
risques d'une éventuelle défaillance du fournisseur principal. Le
contrat de crédit-bail précise que, dans le cas où la réception n'aura
pas été prononcée, la personne publique s'engage à rembourser les
acomptes déjà versés par l'organisme financier au fournisseur. Or, la
société BERRY (article XII de la convention de réalisation) a été payée
par le crédit-bailleur selon un échéancier sans aucun lien avec la
réalisation des travaux (90% du montant devaient être réglées avant la
réception de l'installation). Fort heureusement, s'agissant de cette
opération menée en 1991, l'établissement n'a pas eu à connaître la
défaillance de la société BERRY qui est intervenue plus tardivement
(réglement judiciaire du 13 juin 1995). Pour autant,
les conditions
étaient réunies à l'époque pour que le centre hospitalier de FOUGERES
connaisse un sinistre financier analogue à celui d'autres hôpitaux
français.
C - L'obligation de résultat à laquelle était soumise la société
BERRY en matière d'économie d'énergie apparaît largement formelle.
a - Si la société BERRY s'engage sur les résultats en matière
d'économie d'énergie (pendant le temps de retour sur investissement) par
contrat d'assurance, les conditions de la mise en oeuvre de cette
garantie sont telles qu'elles rendent impossible tout recours contre le
fournisseur. Ainsi, chaque modification postérieure des installations
hospitalières doit être notifiée au fournisseur, ce qui entraîne un
nouveau calcul d'économies d'énergie. Dans un environnement
nécessairement évolutif, cette disposition rend complexe tout suivi de
consommations. Il n'est pas non plus acquis que l'établissement ait
informé complètement la société BERRY de toutes les opérations liées à
la restructructuration (notamment, l'installation du laboratoire). Il
s'est ainsi privé en 1993, alors qu'il était destinataire d'un rapport
mettant en doute la pertinence du dispositif retenu, de la possiblité de
mettre en oeuvre la clause de garantie.
b - La procédure de garantie à laquelle était soumise la société
BERRY INGENIERIE impliquait l'obligation pour l'établissement de signer
une convention d'assistance avec la société BERRY ASSISTANCE chargée de
restituer les résultats. D'une part, cette convention relative à un
marché signée le 17 janvier 1992 aurait dû être transmise à l'autorité
de tutelle en application de l'article L. 714-10 du code de la santé
publique. L'absence de transmission de cet acte lui fait perdre son
caractère exécutoire et entraîne l'irrégularité des paiements d'un
montant total de 130.001,44F. D'autre part, est critiquable le procédé
qui consiste à confier à une société du groupe BERRY l'évaluation des
économies alors que cet opérateur est tenu à une garantie de résultat.
Cette confusion des rôles est contraire au principe du contrôle interne,
elle interdisait à l'hôpital de mettre en concurrence ces prestations
d'assistance dont au surplus, l'utilité reste à démontrer.
c - En définitive, alors que le centre hospitalier est engagé
financièrement par le contrat de crédit-bail jusqu'en 2006 (loyer annuel
de 645.102F), il est très difficile de dresser un bilan afin notamment
de valider les économies d'énergie qui devaient compenser le coût des
travaux. Entre 1990 et 1996, selon les informations recueillies pendant
le contrôle, il peut seulement être constaté une économie annuelle de
144.858F des dépenses de gaz et d'électricité. Il est vrai cependant
que, pendant cette période, l'environnement hospitalier a beaucoup
changé et ne permet pas des comparaisons homogènes de consommation. Si
l'établissement a vraisemblablement dégagé des économies d'énergie, cela
tient à la combinaison de différents éléments (installation de nouveaux
groupes électrogènes, GTC et surtout négociation d'un contrat EJP plus
avantageux avec EDF). Dès lors, la chambre est conduite à s'interroger
sur le bien-fondé du recours au dispositif proposé par la société BERRY,
inapplicable en raison de la complexité des procédures et
potentiellement risqué pour les finances de l'établissement.