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LES DIFFÉRENCES
D’IMPOSITION
SUR
LES BÉNÉFICES ENTRE PME ET
GRANDES ENTREPRISES
Juin 2023
Conseil des prélèvements obligatoires
Les différences d'imposition sur les bénéfices entre PME et grandes entreprises - juin 2023
LA TVA, UN IMPOT A RECENTRER SUR SON OBJECTIF DE RENDEMENT
III
Le Conseil des prélèvements obligatoires,
une institution associée à la Cour des comptes
Le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) est «
chargé d
apprécier l
’évolution et
l’
impact économique, social et budgétaire de
l’
ensemble des prélèvements obligatoires,
ainsi que de formuler des recommandations sur toute question relative aux prélèvements
obligatoires
» (articles L.411-1 et suivants du code des juridictions financières (CJF)).
Placé auprès de la Cour des comptes et présidé par le Premier Président de la Cour des
comptes, le collège du CPO comporte seize membres, huit magistrats et hauts
fonctionnaires et huit personnalités qualifiées choisies, à raison de leur expérience
professionnelle, par les Présidents de l
Assemblée nationale, du Sénat et du Conseil
économique, social et environnemental, ainsi que par les ministres chargés de
l
économie et des finances, des affaires sociales et de l
intérieur (articles L. 411-4 et
L. 411-5 du CJF).
Le président du CPO peut désigner, pour une durée d'un an, au plus quatre personnalités
qualifiées, afin d'éclairer les délibérations du Conseil. Ces personnalités qualifiées
assistent aux réunions du conseil mais n'ont pas voix délibérative (article L. 411-8
du CJF).
Situé, comme la Cour des comptes, à équidistance du Gouvernement et du Parlement, le
CPO est un organisme pluridisciplinaire et prospectif qui contribue à l
élaboration de
la doctrine et de l
expertise fiscale, grâce à l
indépendance de ses membres et à la
qualité de ses travaux.
Le CPO peut être chargé, à la demande du Premier ministre ou des commissions de
l’
Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances et des affaires sociales, de
réaliser des études relatives à toute question relevant de sa compétence. Il peut
également être saisi pour avis, dans les mêmes conditions, en vue d'apprécier les
incidences économiques, sociales, budgétaires et financières de toute modification de la
législation ou de la réglementation en matière d'impositions de toutes natures ou de
cotisations sociales. (article L. 411-3 du CJF).
L
organisation des travaux
du Conseil des prélèvements obligatoires
Le CPO est
indépendant
. A cette fin, les membres du Conseil jouissent d
un mandat qui
a été porté de deux à trois ans par la loi du 6 décembre 2021 portant diverses
dispositions relatives au Haut Conseil des finances publiques et à l'information du
Parlement sur les finances publiques, mandat qui est renouvelable une fois. Ils «
ne
peuvent solliciter ou recevoir aucune instruction du Gouvernement ou de toute autre
personne publique ou privée
». Le secret professionnel s
impose à eux (article L.411-12
du CJF).
Le CPO est
pluridisciplinair
e dans sa composition et
collégia
l dans son mode de
délibération. Il entend en audition des représentants de la société civile et du monde
économique.
Afin d’assurer l’information du CPO,
le directeur général du Trésor, le directeur de la
législation fiscale, le directeur du budget, le directeur général des collectivités locales,
le directeur de la sécurité sociale, le directeur général des entreprises et le directeur
général de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale assistent, à la demande
de son président, à ses réunions et s’y expriment, sans voix délibérative, ou s’y font
représenter.
Conseil des prélèvements obligatoires
Les différences d'imposition sur les bénéfices entre PME et grandes entreprises - juin 2023
IV
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
Les rapports du Conseil des prélèvements obligatoires
Février 2023
Février 2022
La TVA, un impôt à recentrer sur son objectif de
rendement pour les finances publiques
Redistribution, innovation, lutte contre le changement
climatique : trois enjeux fiscaux majeurs en sortie de
crise sanitaire
Septembre 2019
La fiscalité environnementale au défi de l
urgence
climatique
Janvier 2018
Les prélèvements obligatoires sur le capital des
ménages
Janvier 2017
Adapter l
impôt sur les sociétés à une économie
ouverte
Décembre 2016
Adapter l’impôt sur les sociétés à une économie
ouverte
Décembre 2015
La taxe sur la valeur ajoutée
Février 2015
Impôt sur le revenu, CSG, quelles réformes ?
Mai 2014
Fiscalité locale et entreprises
Juillet 2013
La fiscalité affectée : constats, enjeux et réformes
Janvier 2013
Les prélèvements obligatoires et les entreprises du
secteur financier
Février 2012
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu
Novembre 2011
L
activité du Conseil des prélèvements obligatoires
pour les années 2006 à 2011
Mai 2011
Prélèvements
obligatoires
sur
les
ménages :
progressivité et effets redistributifs
Conseil des prélèvements obligatoires
Les différences d'imposition sur les bénéfices entre PME et grandes entreprises - juin 2023
LA TVA, UN IMPOT A RECENTRER SUR SON OBJECTIF DE RENDEMENT
V
Octobre 2010
Entreprises et "niches" fiscales et sociales
Des
dispositifs dérogatoires nombreux
Mai 2010
La fiscalité locale
Octobre 2009
Les prélèvements obligatoires des entreprises dans
une économie globalisée
Mars 2009
Le patrimoine des ménages
Novembre 2008
La répartition des prélèvements obligatoires entre
générations
et
la
question
de
l
équité
intergénérationnelle
Mars 2008
Sens et limites de la comparaison des prélèvements
obligatoires entre pays développés
Mars 2008
Les prélèvements obligatoires des indépendants
Mars 2007
La fraude aux prélèvements obligatoires et son
contrôle
Les études et avis à la demande du Parlement
Octobre 2022
La fiscalité locale dans la perspective du Zéro
artificialisation nette (ZAN)
Septembre 2020
Adapter la fiscalité des entreprises à une économie
mondiale numérisée
Juillet 2018
Les taxes affectées : des instruments à mieux encadrer
Les notes du
Conseil des prélèvements obligatoires
Juin 2023
Note n°4
les enjeux de la TVA à l’ère du numérique
Février 2022
Note n°3 Baromètre des prélèvements obligatoires
en France
Première édition 2021
Conseil des prélèvements obligatoires
Les différences d'imposition sur les bénéfices entre PME et grandes entreprises - juin 2023
VI
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
Juillet 2021
Note
n°2
Les
enjeux
pour
la
France
des
négociations à l’OCDE sur la taxation des bénéfices
des multinationales
Juillet 2021
Note n°1 Quel taux
pour l’impôt sur les sociétés en
France ?
Les rapports du Conseil des impôts
2005
2004
2003
La fiscalité dérogatoire
La concurrence fiscale et l’entreprise
La fiscalité dérogatoire
pour un réexamen des
dépenses fiscales
2002
Les
relations
entre
les
contribuables
et
l’administration fiscale
2001
La taxe à la valeur ajoutée
2000
L’imposition des revenus
1999
La fiscalité des revenus de l’épargne
1998
L’imposition du patrimoine
1997
La taxe professionnelle
1995
La contribution sociale généralisée
1994
Fiscalité et vie des entreprises
1992
L
a fiscalité de l’immobilier urbain
Conseil des prélèvements obligatoires
Les différences d'imposition sur les bénéfices entre PME et grandes entreprises - juin 2023
LA TVA, UN IMPOT A RECENTRER SUR SON OBJECTIF DE RENDEMENT
VII
1990
L’impôt sur le revenu
1989
La fiscalité locale
1987
La fiscalité des entreprises
1986
L’imposition du capital
1984
L’impôts sur le revenu
1983
La taxe sur la valeur ajoutée
1980
1979
1977
1974
1974
1972
L’imposition des bénéfices agricole
s
L’impôt sur le revenu
L’imposition des bénéfices industriels et commerciaux
L’impôt sur le
revenu
Application de l’article 5 de la loi d’orientation du
commerce et de l’artisanat
L’impôt sur le revenu
Conseil des prélèvements obligatoires
Les différences d'imposition sur les bénéfices entre PME et grandes entreprises - juin 2023
VIII
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
Le
Conseil
des
prélèvements
obligatoires
est
présidé
par
M. Pierre MOSCOVICI, Premier président de la Cour des comptes.
Il comprend :
M. Patrick LEFAS, président de chambre maintenu à la Cour des comptes,
suppléant le Premier président de la Cour des comptes.
En sont membres :
-
M. Dominique BAERT, maire de Wattrelos et conseiller maître en service
extraordinaire à la Cour des comptes
-
M. Alain CHRÉTIEN, maire de Vesoul et président d
agglomération
-
M. Samy BENOUDIZ, maire d
Aigremont et dirigeant de sociétés
-
M. Pierre COLLIN, conseiller d
État
-
M. Patrick WYON, conseiller à la Cour de cassation
-
M
me
Mathilde LIGNOT-LELOUP, conseillère maître à la Cour des comptes
-
M
me
Selma MAHFOUZ, inspectrice générale des finances
-
M
me
Cécilia BERTHAUD, inspectrice générale des finances
-
M. Pierre-Louis BRAS, inspecteur général des affaires sociales
-
M. Alain BAYET, inspecteur général de l
institut national de la statistique et des
études économiques
-
M. Pierre BOYER, professeur d
économie à l
École Polytechnique
-
M. Frédéric DOUET, professeur de droit à l
université Rouen
Normandie
-
M
me
Lise PATUREAU, professeure d
économie à l
université Paris Dauphine
-
M. Rémi PELLET, professeur de droit à l
université de Paris Cité et de Sciences
Po Paris
-
M
me
Nathalie MOGNETTI, directrice fiscale de TotalEnergies
-
M. Jacques CREYSSEL, délégué national de la fédération des entreprises du
commerce et de la distribution
En est membre, sans voix délibérative, M
me
Elisabeth ASHWORTH, associée chez
CMS Francis Lefebvre.
Le
secrétariat du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) est assuré par
M. Guilhem BLONDY, conseiller maître à la Cour des comptes, secrétaire général
du CPO.
Les travaux de secrétariat du conseil sont réalisés par M
me
Jacqueline SELLAM,
chargée de mission.
Le rapport, présenté par M. Guilhem BLONDY, conseiller maître à la Cour des
comptes, secrétaire général du CPO, a été délibéré et arrêté au cours de la séance
du 22 juin 2023.
Conseil des prélèvements obligatoires
Les différences d'imposition sur les bénéfices entre PME et grandes entreprises - juin 2023
SOMMAIRE
1
Sommaire
SOMMAIRE
.........................................................................................................................
1
SYNTHESE DE L’ETUDE
.................................................................................................
3
SYNTHESE DES CONSTATS
...........................................................................................
5
INTRODUCTION
................................................................................................................
7
CHAPITRE I
DES DIFFERENCES DE PROFITABILITE PLUS MARQUEES
ENTRE SECTEURS D’ACTIVITE QU’ENTRE CATEGORIES D’ENTREPRISES
. 9
I - Un tissu économique national constitué majoritairement par des entreprises de
taille petite, moyenne et intermédiaire
............................................................................
9
II - Une marge plus faible mais une rentabilité financière plus élevée pour les PME
...........................................................................................................................................
10
A -
Un taux de marge médian plus faible pour les PME (hors microentreprises)
10
B -
Une rentabilité financière plus élevée pour les PME
11
C -
Une proportion
d’entreprises bénéficiaires supérieure chez les grandes entreprises
13
III - Des taux de marge et de profit très variables en fonc
tion des secteurs d’activité
...........................................................................................................................................
13
CHAPITRE II
DES ECARTS DE TAXATION BRUTE ENTRE CATEGORIES
D’ENTREPRISES EN VOI
E DE REDUCTION DANS LA PERIODE RECENTE ... 15
I -
Une contribution des PME à l’IS brut proche de leur part dans la valeur ajoutée
...........................................................................................................................................
15
II - Un taux statutaire inférieur pour les PME
.............................................................
16
III -
Un taux effectif d’imposition moyen
des grandes entreprises françaises désormais
proche de la moyenne de la zone euro, mais trop instable sur longue période
..........
18
A -
U
n taux effectif moyen d’imposition des bénéfices désormais voisin de ceux de
l’Allemagne et de l’Italie
20
B -
Un taux effectif d’
imposition trop instable sur longue période
20
IV -
Un resserrement des écarts de taux implicite d’imposition des bénéfices entre
PME et grandes entreprises
............................................................................................
22
A -
Une baisse importante du taux d’imposition implicite des PME entre 2007 et 2019
23
B -
Un rôle explicatif majeur du contexte financier et un effet significatif de certaines
mesures fiscales
25
V -
Un recours important des grandes entreprises aux crédits d’impôt, notamment en
matière de recherche et d’innovation
............................................................................
28
A -
Une utilisation plus systématique des crédits d’impôt par les grandes entreprises
28
B -
Une efficacité plus forte du crédit impôt recherche dans les PME
29
CHAPITRE III
- UNE EVOLUTION DU CADRE INTERNATIONAL ET
EUROPEEN
AUX
EFFETS
INCERTAINS
SUR
LES
DIFFERENCES
DE
TAXATION ENTRE PME ET GRANDES ENTREPRISES
........................................
33
I - La taxation des bénéfices excédentaires : des mesures européennes temporaires
ciblées sur la correction des rentes sectorielles
.............................................................
33
A -
Le plafonnement du prix de l’électricité
: un rendement significatif, mais un effet
négatif sur le bénéfice fiscal des entreprises productrices
34
B -
La contribution de solidarité des entreprises des secteurs des énergies fossiles et du
raffinage : un rendement limité en France
34
Conseil des prélèvements obligatoires
Les différences d'imposition sur les bénéfices entre PME et grandes entreprises - juin 2023
2
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
C -
Des dispositifs à vocation sectorielle et temporaire
36
II -
L’accord BEPS 2
: des conséquences difficiles à évaluer sur le rendement de l’IS
en France
..........................................................................................................................
36
A -
Le Pilier Un : un impact budgétaire faible pour la France
37
B -
Le Pilier Deux : des chiffrages fragiles
38
III - Un agenda fiscal communautaire chargé : de DEBRA à BEFIT
........................
40
ANNEXES
...........................................................................................................................
43
Annexe n° 1
: saisine du président de la commission des finances de l’Assemblée
nationale
...........................................................................................................................
44
Annexe n° 2
: prises de position antérieures du CPO sur le taux réduit d’IS pour les
PME
..................................................................................................................................
45
Rapport du CPO : «
Adapter l’impôt sur les sociétés à une économie ouverte
»,
décembre 2016
.................................................................................................................
45
Note du CPO : «
Quel taux pour l’impôt sur les sociétés en France
? », février 2021
...........................................................................................................................................
51
Annexe n° 3
: prise de position antérieure du CPO sur le crédit d’impôt recherche
53
Rapport du CPO : « Redistribution, innovation, lutte contre le changement
climatique : trois enjeux fiscaux majeurs en sortie de crise sanitaire », février 2022 53
En présence de défaillances de marché, la fiscalité permet de favoriser l’innovation
par plusieurs canaux
53
Le CIR est un instrument perfectible
54
Plusieurs scénarios d’évolution du CIR sont de nature à améliorer son efficience
59
Conseil des prélèvements obligatoires
Les différences d'imposition sur les bénéfices entre PME et grandes entreprises - juin 2023
LES DIFFERENCES D’IM
POSITION SUR LES BÉNÉFICES ENTRE PME ET GRANDES ENTREPRISES
3
Synthèse d
e l’étude
Les PME (hors microentreprises) et les entreprises de taille intermédiaire (ETI)
représentent une part majoritaire de l’emploi salarié et de la valeur ajoutée en
France
dans les secteurs principalement marchands non agricoles et non financiers.
La commission des finances de l’Assemblée nationale
a saisi le CPO, sur le
fondement de l’article
L. 411-3 du code des juridictions financières,
d’une étude relative
aux
écarts d’imposition sur les bénéfices en fonction de la taille des entreprises
dans le
cadre des travaux de la mission d’information qu’elle a constituée sur les différentiels de
fiscalité entre entreprises.
Cette étude concerne l’
impôt sur les sociétés (IS) et la contribution sociale sur les
bénéfices (CSB). L’
impôt sur le revenu dont sont redevables de nombreux micro-
entrepreneurs
n’a pas été étudié. Par ailleurs, il convient de rappeler que la taxation des
bénéfices (IS, CSB et IR) représente moins de la moitié de la fiscalité pesant sur les
entreprises en France.
Des différences de profitabilité plus marquées entre secteurs d’activité qu’entre
catégories d’entreprises
L
es écarts d’imposition entre entreprises sont d’abord déterminés par la rentabilité
financière de celles-ci. Les PME, malgré une marge inférieure à celle des grandes
entreprises et des ETI, présentent en moyenne une rentabilité financière supérieure. Ces
différences de marges et de rentabilité en fonction de la taille des entreprises sont
cependant
moins marquées que celles observées entre secteurs d’activité.
Des écarts de taxation brute entre catégories d’entreprises
en voie de réduction
dans la période récente
Le poids relatif de l’imposition des bénéfices des
entreprises peut être appréhendé
par différents indicateurs.
L
a répartition de l’IS brut entre catégories d’entreprises en 20
19 était proche de
celle de la valeur ajoutée. Ce ratio, utile dans une approch
e macroéconomique, n’est
cependant pas pertinent au niveau de l’entreprise don
t les décisions sont influencées par
le taux statutaire de l’IS (inscrit dans la loi) mais aussi par diverses mesures concernant
son assiette.
Entre 2018 et 2022, la France a ramené le taux normal de l’IS de 33 à 25% des
bénéfices. Cette diminution a permis de rapprocher fortement le taux statutaire et le taux
effectif d’imposition des grandes entreprises de
ceux pratiqués dans les autres pays de la
zone euro, selon les données de la Commission européenne. Seule une stabilisation du
taux français sur longue période permettra néanmoins
d’ancrer dans la durée les
anticipations des entreprises et d’influencer
leurs décisions d’investissement.
La baisse du taux normal de l’IS a
été obtenue en maintenant un taux réduit de
15% pour le
s PME. Cette pratique d’un tau
x statutaire différent en fonction de la taille
des entreprises est minoritaire au sein de l’Union européenne
. Elle est aussi critiquée par
une partie de la littérature économique car elle favorise des distorsions dans l’allocation
du capital et peut créer des effets de seuil de nature à freiner la croissance des entreprises.
Au-
delà de l’existence de taux statutaires différents en fonction de la taille de
l’entreprise, le taux implicite d’imposition qui rapporte l’impôt payé par l’entreprise à
Conseil des prélèvements obligatoires
Les différences d'imposition sur les bénéfices entre PME et grandes entreprises - juin 2023
4
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
une assiett
e économique, l’excédent net d’exploitation, permet d’apprécier
les effets
différenciés des règles de l’IS
en fonction de la taille des entreprises. Son analyse sur
longue période permet de constater que l
es écarts entre les catégories d’entreprises se
sont fortement resserrés entre 2007 et 2019, en raison notamment de la limitation des
avantages tirés par les grandes entreprises de la déductibilité des charges financières et
des premières étapes de la baisse du taux normal de l’IS
, centrées sur les PME et les ETI
en 2018 et 2019.
La baisse du taux normal d’IS
pour les grandes entreprises entre 2020 et 2022 et
la remontée des taux d’intérêt en 2022
et 2023 devraient néanmoins réintroduire un écart
avec
le taux d’imposition implicite
des PME, même si celles-ci ont bénéficié à nouveau
de mesures favorables dans les lois de finances 2021 et 2023.
Par ailleurs, les grandes entreprises perçoivent une fraction
des crédits d’impôt
supérieure à leur poids dans l’IS brut
.
S’agissant du crédit impôt recherche,
son
utilisation importante par les grands groupes correspond toutefois à la part de ces firmes
dans la dépense intérieure de recherche, d’innovation et de développement.
Une évolution du cadre international et européen aux effets incertains sur les
différences de taxation entre PME et grandes entreprises
Dans les prochaines années, les différences d’imposition entre entreprises seront
notamment affectées par les évolutions du cadre international et européen.
À court terme, la taxation des bénéfices excédentaires (dits aussi « superprofits »
ou « profits exceptionnels
») mise en place par l’Union européenne vient atténuer des
différences de rentabilité temporaires entre secteurs. Elle n’a cependant pas vocation à
devenir un instrument de correction de différ
ences structurelles d’imposition entre
catégories d’entreprises.
À
moyen terme, la mise en œuvre des deux piliers de l’accord BEPS 2 doit
permettre d’atténuer l’érosion des bases fiscales par la concurrence fiscale agressive de
certains États et réduire les transferts de profits. Le PLF 2024 inclura des dispositions
transposant la directive GLoBE qui décline le deuxième pilier de l’accord BEPS 2 au
niveau européen.
Son impact sur les recettes de l’IS et sur le taux implicite d’imposition
des grandes entreprises en France reste toutefois incertain.
À plus long terme, le projet de directive DEBRA qui visait à corriger le biais en
faveur de l’endettement qui persiste dans l’imposition des bénéfices dans la plupart des
pays européens a été repoussé par le Consei
l de l’Union européenne en décembre 2022
.
La question de l’harmonisation des assiettes d’impôts sur les sociétés a été néanmoins
rouverte et peut offrir des opportunités de mettre fin à la concurrence fiscale au sein de
l’Union européenne. Après une large
consultation, la Commission européenne annonce
pour le troisième trimestre 2023 une proposition de directive « BEFIT » (
Business in
Europe Framework for Income Taxation
), qui a vocation à définir un corpus
réglementaire unique en matière d’impôt sur les sociétés, reposant sur une assiette
commune et une méthode de répartition forfaitaire des résultats, et à se substituer à la
proposition précédente « ACCIS » (
Assiette Commune Consolidée d’Impôt su
r les
Sociétés
), qui n’a jamais pu recueillir l’unanimité des États membres
.
D’éventuelles évolutions futures du cadre national de l’IS devr
ont donc être
articulées avec les propositions de la Commission.
Conseil des prélèvements obligatoires
Les différences d'imposition sur les bénéfices entre PME et grandes entreprises - juin 2023
LES DIFFERENCES D’IM
POSITION SUR LES BÉNÉFICES ENTRE PME ET GRANDES ENTREPRISES
5
Synthèse des constats
Constat n° 1 : Les PME (hors microentreprises) et les entreprises de taille intermédiaire
représentent une part majoritaire de l’emploi salarié et de la valeur ajoutée en France
dans les secteurs principalement marchands non agricoles et non financiers.
Constat n° 2 : Les PME (hors microentreprises) présentent sur longue période une marge
inférieure mais une rentabilité financière supérieure aux grandes entreprises.
Constat n° 3 : La marge des entreprises varie plus fortement en fonction de leur secteur
d’activité qu’e
n fonction de leur taille.
Constat n° 4 :
La contribution des PME à l’IS brut est proche de leur part dans la valeur
ajoutée.
Constat n° 5
: Un quart des Etats membres de l’Union européenne, dont la France,
possède un taux réduit d’IS.
Constat n° 6 : Le t
aux effectif d’imposition moyen des bénéfices des grandes entreprises
françaises s’est rapproché de la moyenne de la zone euro dans la période récente
.
Constat n° 7
: Sur longue période, le cadre français de l’imposition des bénéfices se
caractérise par une instabilité plus forte que celle observée chez ses principaux voisins
de l’Union européenne
.
Constat n° 8 : Les écarts de taux implicite brut entre les catégories
d’entreprises se sont
fortement resserrés entre 2007 et 2019, en raison d’une limitation des avantages tirés par
les grandes entreprises de la déductibilité des charges financières et de mesures fiscales
favorables aux PME.
Constat n° 9 : La poursuite de
la baisse du taux normal d’IS entre 2020 et 2022 et la
remontée des taux d’intérêt en 2022
et 2023 réduisent plus fortement le taux implicite
d’imposition des grandes entreprises, et
pourraient en conséquence réintroduire un écart
avec celui des PME.
Constat n° 10 : Les grandes entreprises reçoivent
une part des crédits d’impôt
supérieure
à leur poids dans l’IS brut
.
Constat n° 11 : Les mesures européennes de taxation des bénéfices excédentaires,
temporaires et sectorielles, ne sont pas des instruments pertinents pour réduire
durablement l’écart de taxation implicite entre PME et grandes entreprises.
Constat n° 12 : Le niveau de taxation sur les bénéfices des grandes entreprises en France
devrait être accru par la mise en œuvre des deux piliers de l’accord BEPS 2 dans des
proportions qui restent incertaines.
Constat n° 13 :
D’éventuelles évolutions futures du cadre national de l’IS devront
prendre en compte la prochaine proposition de directive BEFIT de la Commission
européenne
attendue à l’automne 2023
.
Conseil des prélèvements obligatoires
Les différences d'imposition sur les bénéfices entre PME et grandes entreprises - juin 2023
6
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
Conseil des prélèvements obligatoires
Les différences d'imposition sur les bénéfices entre PME et grandes entreprises - juin 2023
LES DIFFERENCES D’IM
POSITION SUR LES BÉNÉFICES ENTRE PME ET GRANDES ENTREPRISES
7
Introduction
Par une lettre du 1
er
mars 2023, le président de la commission des finances de
l’Assemblée nationale a saisi le président du Conseil des prélèvement obligatoires
(CPO)
d’une demande d’étude
sur
les taux d’imposition implicite
s des entreprises
. Celle-ci vise
à
nourrir les travaux actuellement menés par la
mission d’information constituée par la
commission des finances portant sur les différentiels de fiscalité entre entreprises.
La commission ayant entre temps reçu, comme le CPO, un chiffrage actualisé
pour
l’année 2019 des taux implicites d’imposition
des bénéfices par catégories
d’entreprises réalisé par la direction générale du
T
résor du ministère de l’économie et
des finances, la présente étude vise à mettre en perspective ces simulations :
-
en rappelant les caractéristiques du tissu économique français en termes de
taille, de profitabilité des entreprises
et de répartition de l’
impôt sur les sociétés
(IS);
-
en recensant les différentes mesures possibles de la taxation des bénéfices et
leurs précautions d’emploi
qui leur sont attachées
avant d’a
nalyser sur longue
période (2007-2019) les évolutions de
s taux implicites d’imposition
des
bénéfices
par catégories d’entreprises
;
-
en mettant en évidence les évolutions du cadre international et européen qui
pourraient infléchir ces taux implicites en 2023 et dans les prochaines années.
Cette étude cherche ainsi à établir certains constats
relatifs à l’
IS pour éclairer
le travail de la mission d’information.
Ces constats ne portent pas sur l’ensemble de la fiscalité assise sur les
entreprises. L’IS et la contribution
sociale des bénéfices, qui forment l’objet de cette
étude, représentaient 62,4 Md€ en 2021 en comptabilité nationale, soit 46% de la fiscalité
assise sur les entreprises (hors cotisations sociales) et 86% de l’imposition de leurs
bénéfices (le solde étant
taxé au travers de l’impôt sur le revenu des personnes
physiques).
Conseil des prélèvements obligatoires
Les différences d'imposition sur les bénéfices entre PME et grandes entreprises - juin 2023
8
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
Graphique n° 1 :
La fiscalité assise sur les entreprises en France (2021)
Source : CPO (données : INSEE, comptes nationaux, et DGFIP)
.
*
*
*
Conseil des prélèvements obligatoires
Les différences d'imposition sur les bénéfices entre PME et grandes entreprises - juin 2023
LES DIFFERENCES D’IM
POSITION SUR LES BÉNÉFICES ENTRE PME ET GRANDES ENTREPRISES
9
Chapitre I
Des différences de profitabilité
plus marquées entre secteurs d’activité
qu’entre catégories d’entreprises
I - Un tissu économique national constitué majoritairement
par des entreprises de taille petite, moyenne et intermédiaire
En 2019
1
, selon l
’INSEE,
3,32
millions d’entreprises
2
composaient les secteurs
principalement marchands non agricoles et non financiers
3
.
L
’article 51 de la
loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie,
et son décret d’application
n°2008-1354 du 18 décembre 2008, ont introduit, pour les
besoins de l’analyse statistique, une définition de l’entreprise
et de sa taille à partir de
critères économiques.
La catégorie des microentreprises (MIC) est constituée des entreprises qui d'une
part occupent moins de 10 personnes, d'autre part ont un chiffre d'affaires annuel ou un
total de bilan n'excédant pas 2 millions d'euros. En 2019, dans les secteurs précités,
3,17 millions de microentreprises employaient 2,33 millions de salariés (en équivalents
temps plein ou ETP), soit 19 % du total et généraient 16 % de la valeur ajoutée.
La catégorie des petites et moyennes entreprises (PME) est constituée des
entreprises qui, d'une part, occupent moins de 250 personnes, d'autre part ont un chiffre
d'affaires annuel n'excédant pas 50 millions d'euros ou un total de bilan n'excédant pas
43 millions d'euros. En 2019, 143 618 PME hors MIC employaient 29 % des salariés
(ETP) et généraient 24 % de la valeur ajoutée.
La catégorie des entreprises de taille intermédiaire (ETI) est constituée des
entreprises qui n'appartiennent pas à la catégorie des PME et qui d'une part occupent
moins de 5 000 personnes, d'autre part ont un chiffre d'affaires annuel n'excédant pas
1 500 millions d'euros ou un total de bilan n'excédant pas 2 000 millions d'euros. En
2019, 5 530 ETI employaient 24 % des salariés (ETP) et généraient 26 % de la valeur
ajoutée.
La catégorie des grandes entreprises (GE) est constituée des entreprises qui ne
sont pas classées dans les catégories précédentes.
En 2019, 263 GE employaient
3,43 millions de salariés en équivalent temps plein (ETP), soit 28 % du total, et
contribuaient à 34 % de la valeur ajoutée.
1
Cette étude prend l’année 2019 comme référence. La dernière année disponible pour les données de
l’enquête de l’INSEE sur les entreprises Ésane est 2020, mais celle
-ci présente des valeurs atypiques
en raison de la crise sanitaire.
2
Une entreprise au sens économique correspond à la plus peti
te combinaison d’unités légales
qui
constitue une unité organisationnelle jouissant d
une certaine autonomie de décision. Dans cette
approche, toutes les sociétés dont le capital est détenu à plus de 50 % par une même société sont
« agrégées » pour être analysée comme une seule entreprise au sens économique.
3
INSEE, Esane 2019. Cet agrégat exclut l’éducation, la santé humaine et l’action sociale.
Conseil des prélèvements obligatoires
Les différences d'imposition sur les bénéfices entre PME et grandes entreprises - juin 2023
10
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
Constat n° 1 : Les PME (hors microentreprises) et les entreprises de taille
intermédiaire
représentent une part majoritaire de l’e
mploi salarié et de la valeur
ajoutée en France dans les secteurs principalement marchands non agricoles et non
financiers.
II - Une marge plus faible mais une rentabilité financière plus
élevée pour les PME
Le taux de marge est le rapport entre l’excédent brut d’exploitation (EBE) et la
valeur ajoutée d’une entreprise.
Dans le partage de la valeur ajoutée, il mesure ce qui
reste à disposition des entreprises pour rémunérer le capital et investir, une fois déduites
l
es charges d’exploitation et notamment
les rémunérations
.
La rentabilité économique
rapporte l’
EBE
au capital économique, c’est
-à-dire à
la somme des immobilisations corporelles et incorporelles brutes et du besoin de fonds
de roulement.
La rentabilité financière rapporte pour sa part le résultat net comptable aux
capitaux propres. Elle mesure la capacité des capitaux investis par les actionnaires à
dégager un certain niveau de profit.
Enfin, la profitabilité est le rapport entre le résultat net comptable et le chiffre
d’affaires hors taxes. Elle retrace la part de la production de l’entreprise qui reste à sa
disposition pour rémunérer ses actionnaires et payer l’impôt sur les sociétés.
La rentabilité financière et la profitabilité avant impôts sont des indicateurs de la
capacité contributive d’une entreprise à l’IS
.
A -
Un taux de marge médian plus faible pour les PME (hors
microentreprises)
En 2019, le taux de marge était de 27,1 % pour les entreprises des secteurs
principalement marchands non agricoles et non financiers.
Cette moyenne est cependant tirée vers le haut par les entreprises sans salarié,
notamment les sociétés civiles immobilières (SCI). Le taux de marge médian des
entreprises employeuses était de 19,2%.
Par catégorie d’entreprises employeuses, ce taux médian était plus élevé pour les
ETI (22,3%), suivi des microentreprises (19,8%), des grandes entreprises (19%) et enfin
des PME hors microentreprises (15,8%).
Conseil des prélèvements obligatoires
Les différences d'imposition sur les bénéfices entre PME et grandes entreprises - juin 2023
LES DIFFERENCES D’IM
POSITION SUR LES BÉNÉFICES ENTRE PME ET GRANDES ENTREPRISES 11
Graphique n° 2 :
Taux de mar
ge par catégories d’entreprises
employeuses en
2019 (en % de la valeur ajoutée)
Note : le taux de marge n'est ici calculé que pour les entreprises ayant déclaré une valeur ajoutée au
coût des facteurs strictement positive.
Champ : France, entreprises employeuses des secteurs principalement marchands non agricoles et non
financiers, hors micro-entrepreneurs et micro-entreprises au sens fiscal.
Source : CPO (données : INSEE, Esane 2019)
B -
Une rentabilité financière plus élevée pour les PME
Un taux de marge important peut être cependant compatible avec une rentabilité
économique ou financière faible,
si le capital d’exploitation est élevé et nécessite des
investissements réguliers et donc des capitaux propres importants pour assurer le
maintien de l’appareil
de production.
Malgré des taux de marge plus élevés, les grandes entreprises et les ETI, plus
capitalisées, ont ainsi une rentabilité financière significativement plus faible que les
PME.
Leur rentabilité financière s’établissait à 9% en 2019, contre 6,5%
pour les ETI et
8% pour les grandes entreprises. Cette situation
s’observe
depuis les années 2010, à
l’exception de 2015.
Conseil des prélèvements obligatoires
Les différences d'imposition sur les bénéfices entre PME et grandes entreprises - juin 2023
12
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
Graphique n° 3 :
Taux de marge et rentabilité financière par catégorie
d’entreprises (
2006-2020)
a)
Taux de marge
b)
Rentabilité financière
Source : Banque de France, base FIBEN, octobre 2021
Conseil des prélèvements obligatoires
Les différences d'imposition sur les bénéfices entre PME et grandes entreprises - juin 2023
LES DIFFERENCES D’IM
POSITION SUR LES BÉNÉFICES ENTRE PME ET GRANDES ENTREPRISES 13
Constat n° 2 : Les PME (hors microentreprises) présentent sur longue période une
marge inférieure mais une rentabilité financière supérieure aux grandes
entreprises.
C -
Une proportion d’entreprises bénéficia
ires supérieure chez les
grandes entreprises
Le nombre de redevables à l’IS (2 millions en 20
19, selon la DGFIP) est
sensiblement inférieur à celui des entreprises recensées par l’INSEE
(qui inclut des
entreprises individuelles imposées à l’IR)
et même à celui des entreprises assujetties à
l’IS
(2,1
millions). Le régime de l’intégration fiscale permet en effet à 36
000 groupes
fiscaux
4
de déclarer un résultat commun dès lors qu’une société mère imposable en
France détient directement ou indirectement 95% au moins du capital des filiales. Les
redevables à l’IS (y compris secteurs agricole et financier) se répartissaient ainsi en 20
19
entre 300 grandes entreprises, 7 000 ETI, 194 900 PME hors microentreprises et 1,81
million de microentreprises.
Au sein de ces redevables, seules les entreprises bénéficiaires acquittent l’IS.
En
2019, la proportion d’entreprises bénéficiaires était la plus élevée chez les
grandes entreprises (76,2%), suivies à distance par les ETI (69,1%) et les PME hors
microentreprises (65,2%), enfin par les microentreprises (48,2%).
Dans un contexte marqué par la crise sanitaire, la proportion d’entreprises
bénéficiaires a fortement chuté en 2020 parmi les grandes entreprises (-11,7 points), les
microentreprises et les ETI (respectivement
4,7 et -4,6 points), et dans une moindre
mesure chez les PME hors microentreprises (-2 points).
III - Des taux de marge et de profit très variables en fonction
des secteurs d’activité
La variabilité des taux de marge est plus importante entre secteu
rs d’activité
que
d’une catégorie d’entreprises à l’autre
. En 2019, le taux de marge moyen était de 65%
dans l’immobilier, 30
% dans l
’industrie, 28% dans les services
, 24% dans les services
(hors immobilier) et le transport et seulement 21% dans la construction.
Cette variabilité des taux de marge entre secteurs se reflète également au niveau
des taux de profit avant impôt,
supérieurs à 15% en 2019 dans l’immobilier,
proches de
9% dans les services (hors immobilier)
, mais de seulement 6,9% dans l’industrie,
5,5%
dans la construction, 3,4% dans le transport et 2,7% dans le commerce.
4
Un groupe fiscal est constitué de plusieurs sociétés détenues à plus de 95 % par une autre société dite
tête de groupe. Cette dernière est alors redevable de l’impôt sur les sociétés pour l’ensemble des sociétés
du groupe fiscalement intégré. L
es redevables de l’impôt sur les sociétés sont pour près de 98
% des
sociétés indépendantes
; l
es autres sont des têtes de groupe fiscalement intégré (
Source : INSEE, Les
entreprises en France, édition 2021
).
Conseil des prélèvements obligatoires
Les différences d'imposition sur les bénéfices entre PME et grandes entreprises - juin 2023
14
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
Tableau n° 1 :
Taux de marge et taux de profit par secteur d’activité (20
19)
Source : CPO (données : INSEE, Esane 2019, secteurs principalement marchands non agricoles non
financiers)
Le croisement de la profitabilité des entreprises par secteur et par catégorie permet
de mettre en évidence des situations très hétérogènes :
-
dans l’industrie et les services (hors immobilier), la profitabilité des grandes
entreprises et des ETI est nettement supérieure à celle des PME et des
microentreprises ;
-
la situation est inversée dans la construction, les transports et l’immobilier
;
-
dans le commerce, la profitabilité est peu liée à la taille de l’entreprise.
Graphique n° 4 :
Taux de profit avant impôt par secteur et par catégorie
d’entreprises (en %, 2019)
Source : CPO (données : INSEE, Esane 2019, secteurs principalement marchands non agricoles non
financiers)
Constat n° 3 : La marge et la profitabilité des entreprises varient plus fortement en
fonction de leur secte
ur d’activité qu’en fonction de leur taille
.
Conseil des prélèvements obligatoires
Les différences d'imposition sur les bénéfices entre PME et grandes entreprises - juin 2023
LES DIFFERENCES D’IM
POSITION SUR LES BÉNÉFICES ENTRE PME ET GRANDES ENTREPRISES 15
Chapitre II
Des écarts de taxation brute entre
catégories d’entreprises
en voie de réduction
dans la période récente
Au niveau d’un
e économie
, d’un secteur d’activité ou d’une catégorie
d’entreprises, le poids de la
taxation des bénéfices peut être retracé en rapportant celle-
ci à la valeur ajoutée.
Ce ratio n’est cependant pas pertinent au niveau de l’entreprise
dont les décisions seront influencées par le taux statutaire de l’IS mais aussi par diverses
mesures concernant son assiette. Des indicateurs comme les taux effectifs ou les taux
implicites permettent de capturer l’effet de ces mesures d’assiette. Ils doivent néanmoins
être interprétés avec prudence, car leur calcul repose en partie sur des conventions. Par
ailleurs, aucune de ces mesures ne permet de réintégrer des profits qui seraient
abusivement localisés hors de France.
I - Une contribution des PME à
l’IS brut proche de
leur part
dans la valeur ajoutée
Des
ratios rapportant l’IS au PIB ou à la valeur ajoutée
sont couramment
utilisés pour comparer le poids de la fiscalité sur les bénéfices entre pays, secteurs
d’activité ou catégories d’entreprises.
Graphique n° 5 :
Répartition de l’IS brut
et de la valeur ajoutée entre catégories
d’entreprises (20
19)
Source : CPO (données : DGFIP)
Les grandes entreprises étaient redevables, en 2019, de 38
% de l’IS
brut, les ETI
de 21%, les PME de 25% et les microentreprises 16%.
Conseil des prélèvements obligatoires
Les différences d'imposition sur les bénéfices entre PME et grandes entreprises - juin 2023
16
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
La part des PME et des microentreprises dans l’IS brut était donc proche de leur
contribution à la valeur ajoutée.
Constat n° 4 : La
contribution des PME à l’IS brut est proche de leur part dans la
valeur ajoutée.
Les grandes entreprises étaient en revanche redevables en 2019
d’
une
proportion de l’IS
brut supérieure à leur part dans la valeur ajoutée
, à l’inverse des ETI.
Cela reflétait notamment la plus forte proportion de grandes entreprises bénéficiaires (cf.
supra
chapitre I
II. C.)
5
.
Par ailleurs, le rapport IS/ valeur ajoutée reflète globalement les écarts de marges
entre secteurs. Hors activ
ités financières et d’assurance, le secteur immobilier affichait
ainsi en 2019 le ratio le plus élevé.
Tableau n° 2 :
R
atio IS/ valeur ajoutée par secteur d’activité (20
19)
Source : CPO (données : Insee, Esane 2019, secteurs principalement marchands non agricoles non
financiers)
Ces indicateurs sont pertinents mais ne reflètent pas le poids de l’imposition du
point de vue de l’entreprise,
car la variable utilisée au dénominateur (valeur ajoutée) est
une mesure de l’activité économique mais pas du profit de l’entreprise.
II - Un taux statutaire inférieur pour les PME
La comparaison des
taux statutaires
(taux prévu par les lois et règlements en
vigueur) ne permet pas de prendre en compte les effets des différences d’assiette sur
l’imposition des bénéfices des entre
prises. Pour autant, elle doit être le point de départ
de toute réflexion sur les différences de taxation du point de vue des entreprises.
Information plus facile à obtenir et à analyser que les taux implicites ou effectifs, elle
joue un effet de signal important pour les investisseurs.
Au 1
er
janvier 2023, le
taux normal de l’IS en France est de 25%.
En outre, les
entreprises réalisant un chiffre d’affaires d’au moins 7,63
M
€ et dont l’IS dépasse
763 000
€ sont également redevables de la contribution socia
le sur les bénéfices (CSB)
qui représente 3,3
% de l’IS dû
.
5
La réduction de la proportion de grandes entreprises bénéficiaires, en 2020, à un niveau proche de
celui des ETI, s’est aussi traduite par un resserrement de cet écart. La part des grandes entreprises dans
l’IS brut est tombée à 30% en 2020, tandis que celle de
s ETI remontait à 23%.
Conseil des prélèvements obligatoires
Les différences d'imposition sur les bénéfices entre PME et grandes entreprises - juin 2023
LES DIFFERENCES D’IM
POSITION SUR LES BÉNÉFICES ENTRE PME ET GRANDES ENTREPRISES 17
Un taux réduit de 15% s’applique aux PME, détenues à au moins 75% par des
personnes physiques et ayant un chiffre d’affaires inférieur à 10 M€, pour la fraction du
bénéfice inférieure ou égale à 42
500 €. Ce taux réduit, créé en 2001, n’est p
lus considéré
comme une dépense fiscale depuis 2006
et rentre de ce fait dans le calcul de l’impôt
. Son
coût était estimé à 2,2 Md€ en 2019 pour 760
000 entreprises bénéficiaires
6
.
Au sein de l’Union européenne
, six autres États membres appliquent, comme la
France, un taux réduit d’IS. Le Portugal est le seul pays possédant un IS progressif avec
cinq taux marginaux différents, entre 17 et 30% en fonction du montant du bénéfice,
auquel s’ajoute dans certaines
municipalités un impôt local de 1,5%.
Tableau n° 3 :
Taux réduits d’IS dans l’Union européenne
(2021)
État membre
Taux
normal
Taux
réduit
Conditions
Belgique
25%
20%
Sur la part du bénéfice
100
000 €
France
28,4%
15%
CA
≤ 10 M€,
sur la part du bénéfice
38
120 €
(42
500 € à partir de
2023)
Lituanie
15%
5%
Employés
10, si bénéfice
300
000 €
Luxembourg
24,9%
22,8%
Si bénéfice
175
000 €
Pays-Bas
25%
15%
Sur la part du bénéfice
245
000 €
Pologne
19%
9%
Si produits
2 M€
Portugal
Hors Madère et Açores, cinq taux compris entre 17% (PME au
sens européen, sur la part du bénéfice < 25
000 €) et 30% (sur la
part du bénéfice
35 M€), impôt local additionnel de 1,5%
République
slovaque
21%
15%
Si produits
49
790 €
Source : CPO (données : OCDE, 2021)
Constat n° 4 : Un quart des Etats membres
de l’Union européenne
, dont la France,
possède un taux réduit d’IS
.
La littérature économique porte une appréciation en majorité critique sur les taux
réduits d’IS pour les PME
7
.
6
Projet de loi de finances 2019, fascicule « Voies et moyens », tome II.
7
Pour une revue récente de la littérature économique sur le sujet : Marchese, ILO Working Paper 33,
Preferential tax regimes for MSEMs : operational aspects, impact evidence and policy implications
,
2021.
Conseil des prélèvements obligatoires
Les différences d'imposition sur les bénéfices entre PME et grandes entreprises - juin 2023
18
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
Les principales justifications avancées en leur faveur sont les coûts fixes du
respect des obligations fiscales, qui rendent celui-ci proportionnellement plus onéreux
pour les PME, et les plus grandes possibilités d’optimisation fiscale dont bénéficie
raient
les grandes entreprises.
En revanche, contrairement aux régimes micro-fiscaux, les taux réduits ne sont en
général pas considérés comme efficaces pour réduire la part de l’économie informelle.
De même, l’argument parfois tiré d’une moindre profitabilité des PME
est à relativiser
en France, au regard des éléments produits en première partie.
Les difficultés d’accès au
financement des PME peuvent, quant à elles, être plus directement atténuées par des
politiques financières spécifiques plutôt que par un avantage fiscal identique, quel que
soit la structure financière de la PME.
Surtout, ces taux réduits peuvent encourager une allocation non optimale des
ressources et freiner la croissance des PME en créant des effets de seuil. Comme tout
élément compliquant l’administration de l’imp
ôt, ils favorisent aussi des comportements
abusifs.
Après analyse de ses avantages et inconvénients, le CPO avait recommandé en
2016 de supprimer progressivement le taux réduit pour les PME afin de contribuer au
financement d’une baisse d
u taux normal de
l’IS pour l’ensemble des entreprises
8
. Cette
baisse du taux normal a pu finalement être menée à son terme entre 2018 et 2022, sans
remise en cause du taux réduit pour les PME. Dans le contexte de la sortie de la crise
sanitaire, une note du CPO de juillet 2021 recommandait de
privilégier les mesures
d’aides ciblées en faveur de l’investissement et de la capitalisation [des PME]
9
de
préférence à une extension du taux réduit.
Celui-ci a néanmoins connu deux élargissements de son champ dans la période
récen
te. L’article 18 de la
loi de finances pour 2021 (LFI 2021)
a porté de 7,63 à 10 M€
le seuil de chiffre d’affaires au bénéfice du taux réduit. L’article 37 de la
loi de finances
pour 2023 (LFI 2023) a par ailleurs entériné un relèvement du plafond de bénéfices
auquel ce taux est applicable de 38 200 à 42
500 €.
Les prises de positions antérieures du CPO sur le taux réduit d’IS pour les PME
sont reproduites en annexe 2.
III - Un taux effectif
d’imposition
moyen des grandes
entreprises françaises désormais proche de la moyenne de la
zone euro, mais trop instable sur longue période
Le taux effectif d’imposition
moyen (TEIM) mesure la différence entre la valeur
actualisée nette d’un investissement rentable en l’absence d’imposition et la valeur
actualisée nette du même investissement taxé selon la législation en vigueur.
Il correspond au calcul effectué par les entreprises lors des décisions
d’investissement, mais
est dépendant de
l’investissement
considéré et des conditions
économiques dans lesquelles il est réalisé. Son
calcul à l’échelle d’un pays, d’un secteur
8
CPO,
Adapter l’impôt sur les sociétés à une économie ouverte,
décembre 2017
9
CPO,
Quel taux d’impôt sur les sociétés en France
?
, juillet 2021
Conseil des prélèvements obligatoires
Les différences d'imposition sur les bénéfices entre PME et grandes entreprises - juin 2023
LES DIFFERENCES D’IM
POSITION SUR LES BÉNÉFICES ENTRE PME ET GRANDES ENTREPRISES 19
ou d’une catégorie d’entreprises
, repose donc sur des hypothèses en partie
conventionnelles.
La méthodologie utilisée par la Commission européenne et son prestataire ZEW
(
Zentrum für europäische Wirtschatfsforschung
)
pour calculer les TEIM des États de
l’Union européenne
es
t résumée dans l’encadré 1.
La législation de référence utilisée
est celle applicable aux grandes entreprises du secteur non financier. Les écarts entre les
taux statutaires et les T
EIM reflètent notamment les régimes d’amortissement accéléré
et d’autres règles d’assiette.
Encadré 1 : les taux effectifs
d’imposition
publiés par la Commission
européenne
10
La méthodologie utilisée par ZEW pour le compte de la Commission
européenne
pour calculer les taux effectifs d’imposition des bénéfices dans l’Union
européenne est basée sur les travaux de Devereux et Griffith (1999, 2003)
11
.
L’approche proposée consiste à considérer l’investissement
d’une société dans
un pays. Pour un taux de rendement réel minimal après impôt donné demandé par
l’actionnaire de la société, on calcule le taux de rendement réel avant impôt nécessaire,
soit le coût du capital. La différence entre le coût du capital et le taux de rendement réel
après impôt est le taux
effectif d’imposition marginal.
Le taux effectif d’imposition
moyen est la différence entre la valeur actualisée
nette d’un investissement rentable en l’absence d’imposition et la valeur actualisée nette
du même investissement taxé selon la législation en vigueur.
Dans les deux cas, on considère
que les règles d’imposition restent identiques
pendant la durée de l’investissement et de son amortissement.
Le calcul implique de faire des hypothèses sur
l’investissement
(coût initial, mode
de financement, compo
sition et durée d’amortissement, taux de rendement attendu
) et
les conditions économiques dans lesquelles il est réalisé (
inflation, taux d’intérêt
). Dans
la méthode appliquée par la Commission européenne, l’investissement est constitué à
parts égales d’ac
tifs incorporels, immobiliers, corporels (hors immobilier), financiers et
de stocks. L’investissement
est autofinancé à 55%,
le solde étant apporté par l’emprunt
(35%) et une augmentation de capital (10%).
L’inflation et les taux d’intérêt sont
supposés id
entiques dans tous les pays de l’Union européenne afin de mettre en évidence
les seuls écarts liées à la législation fiscale.
La législation fiscale retenue est celle qui s’applique aux grandes entreprises
dans
(c’est
-à-dire, pour la France, hors taux réduit et y compris CSB) dans le secteur non
financier.
10
Pour une présentation plus détaillée de la méthodologie : Commission européenne,
Effective Levels
of Company Taxation within an Enlarged EU
, 2008
11
M. P. Devereux et R. Griffith,
The Taxation of Discrete Investment Choices
, 1999, IFS Working
Paper W98/16 & M. P. Devereux et
R. Griffith (2003
), Evaluating Tax Policy for Location Decisions
,
2003, International Tax and Public Finance, Vol. 10, No. 2
Conseil des prélèvements obligatoires
Les différences d'imposition sur les bénéfices entre PME et grandes entreprises - juin 2023
20
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
A -
Un taux effectif moyen d’imposition des bénéfices désormais voisin
de ceux de l’Allemagne et de l’Italie
La baisse du taux statutaire engagée en 2018 se retrouve dans l’évolution du TEIM
français qui a diminué, selon la Commission européenne, de 33,4 à 26% entre 2017 et
2022. Il est passé sous celui de l’Allemagne en 2021. L’écart avec la moyenne de la zone
euro a été divisé par deux en cinq ans.
Cette évolution est cohérente avec la
recommandation 2 du rapport du CPO de décembre 2016 (
faire converger le taux d’IS
vers la moyenne des grandes économies européennes
) et la recommandation 1 de la note
du CPO de juillet 2021 (
poursuivre la stratégie visant à rapprocher le taux nominal de
l’IS français de la moyenne de nos grands partenaires de l’UE et de l’OCDE, en tenant
compte du contexte des finances publiques
) déjà cités.
Graphique n° 6 :
Taux effectif d’imposition moyen des bénéfices d
ans la zone
euro pour les grandes entreprises non financières, en % (2009-2022)
Source : CPO (données : Commission européenne). Moyenne non pondérée pour la zone euro.
Constat n° 6
: Le taux effectif d’imposition moyen des bénéfices des grandes
entreprises françaises s’est rapproché de la moyenne de la zone euro dans la période
récente.
B -
Un taux
effectif d’imposition
trop instable sur longue période
La comparaison internationale met aussi en évidence l’instabilité de l’imposition
des bénéfices en France. Celle-ci est susceptible de conduire les entreprises à introduire
une prime de risque dans leurs décisions d’investissement, par comparaison à des pays
plus stables.
Conseil des prélèvements obligatoires
Les différences d'imposition sur les bénéfices entre PME et grandes entreprises - juin 2023
LES DIFFERENCES D’IM
POSITION SUR LES BÉNÉFICES ENTRE PME ET GRANDES ENTREPRISES 21
Une enquête réalisée en 2016 par l
European Tax policy Forum
et l’Université
d’Oxford pour l’OCDE
et le FMI dans le cadre des travaux du G20
12
montrait que
l’incertitude concernant le taux d’imposition effectif des bénéfices était le premier
facteur explicatif fiscal des décisions d’investissement et de leurs choix de localisation
pour les grandes entreprises
, devançant même le niveau de ce taux d’imposition effectif
(avec des notes respectives de 3,9 et 3,7/5).
Graphique n° 7 :
Écart entre le taux minimal et le taux maximal d’imposition
effectif des bénéfices entre 2009 et 2022 (en points d’imposition)
Source : CPO (données :
Commission européenne).
Or, entre 2009 et 2022, l’amplitude de variation du taux effectif d’imposition
moyen des grandes entreprises représente 12,4 points en France. La moyenne non
pondérée de la zone euro s’établit à 4,9 points. Seule la G
rèce a connu une instabilité
plus forte. Au cours de la même période, l’écart entre le taux minimal et le taux maximal
a été inférieur à deux points en Allemagne, en Autriche, en Croatie, en Irlande et aux
Pays-Bas.
Depuis la fin 2008, l
’article 219 du Cod
e général des impôts (CGI) qui définit la
législation applicable à l’IS
a été modifié à 26 reprises
. Il n’y a pas eu d’année sans
changement et le nombre de modifications au cours d
’une même année a pu aller jusqu’à
quatre (2011).
Cette instabilité juridique
s’accompagne d’une
insuffisante prise en compte des
situations économiques en cours. Nos partenaires disposent dans ce domaine
d’outils
rarement utilisés en France:
12
FMI/OCDE,
Tax certainty,
mars 2017. L’enquête été réalisée auprès de
724 firmes multinationales
dont les sièges sociaux se répartissent entre 62 pays, représentant
un chiffre d’affaires de 17
000 Md$.
Conseil des prélèvements obligatoires
Les différences d'imposition sur les bénéfices entre PME et grandes entreprises - juin 2023
22
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
-
les clauses dites « de grand-père » permettant de maintenir le régime fiscal existant
pour les situations en cours, soit de manière définitive, soit pour une durée
déterminée ;
-
l’
application des dispositions nouvelles limitée aux opérations (et non aux faits
générateurs d’imposition) intervenues à compter d’une certaine date
;
-
l’
application différée des modifications du régime fiscal de manière à laisser aux
acteurs économiques la possibilité de
s’adapter à ces modifications.
La France dispose néanmoins d’un atout qui pourrait être davantage valorisé dans
les années à venir : sa procédure de rescrit apparaît sûre au plan juridique.
Constat n° 7
: Sur longue période, le cadre français de l’imposition des bénéfices se
caractérise par une instabilité plus forte que celle observée chez ses principaux
voisins de la zone euro.
IV - Un resserrement des écarts de taux implicite
d’imposition
des bénéfices entre PME et grandes entreprises
Le taux implicite d’imposition rapporte les recettes d’impôt sur les sociétés à
l’excédent net d’exploitation
(ENE), calculé à partir de la comptabilité nationale (« taux
macroéconomique
») ou des déclarations d’impôts («
taux microéconomique »).
L’
ENE
correspond à l’
EBE après déduction des dotations aux amortissements et provisions
nettes des reprises.
L’ENE
est considéré comme l’assiette économique de
l’IS
pour les sociétés non
financières. En effet, le résultat financier de ces sociétés est principalement constitué de
dividendes de filiales qui sont en grande partie exonérés, car ils ont été déjà été imposés
au niveau de l’entreprise qui les verse
Pour les sociétés financières, le résultat financier
(constitué notamment d’intérêts et pas seulement de dividendes) constitue
au contraire
en général l’essentiel du bénéfice fiscal.
Le
taux implicite d’imposition n’est
donc pas
adapté pour l’analyse du secteur financier ni pour les activités pour lesquelles l’
ENE
n’approche que très partiellement les profits des entreprises
(immobilier, notamment).
Le taux implicite présente plusieurs variantes, selon qu’il est calculé pour les
seules entreprises bénéficiaires ou pour toutes les entreprises, que ces entreprises sont
prises en compte isolément,
c’est
-à-dire par unité légale, par entreprise économique ou
au niveau du groupe fiscal
13
, et que les recettes prises en compte incluent ou non les
crédits d’impôt
.
La direction générale du Trésor calcule un taux implicite microéconomique pour
l’IS des sociétés non financières
, au niveau des redevables fiscaux, dans ses différentes
variantes. Les simulations sont notamment disponibles pour les années 2007
14
, 2013
15
, et
13
Cf. chapitre I, notes 1 et 3 pour les définitions d’une entreprise économique et d’un groupe fiscal.
14
H. Partouche, M. Olivier,
Le taux de taxation implicite des bénéfices en France
, Trésor-éco n°88,
juin 2011
15
CPO,
Adapter l’impôt sur les sociétés à une économie ouverte,
rapport particulier n°3 :
N. Le Ru
,
Toutes les entreprises ont-
elles le même taux implicite d’impôt sur les sociétés
?
, janvier 2017
Conseil des prélèvements obligatoires
Les différences d'imposition sur les bénéfices entre PME et grandes entreprises - juin 2023
LES DIFFERENCES D’IM
POSITION SUR LES BÉNÉFICES ENTRE PME ET GRANDES ENTREPRISES 23
2019
16
. L’IPP a également publié une étude sur l’évolution des taux implicites
d’imposition des profits entre 2005 et 2015
17
.
Comme le rappelait le rapport du CPO de décembre 2016
sur l’impôt sur les
sociétés
18
,
retenir toutes les entreprises, même
[celles qui sont]
déficitaires, convient à
une étude macroéconomique, générale ou sectorielle, de la charge représentée par l’IS.
En revanche, s’il s’agit de mettre en lumière d’éventuels déséquilibres des taux
d’imposition effectivement payé
s par les entreprises qui diffèrent par leur taille,
l’analyse doit se rapprocher de «
cas type ».
Il convient donc alors de privilégier le taux
implicite calculé pour les seules entreprises bénéficiaires.
L’impôt considéré au
numérateur est alors pris en compte hors mécanisme de report
19
, dans un souci de
cohérence temporelle. Cet indicateur présente en outre
l’avantage d’être moins sensible
à la
conjoncture et aux cessations d’activité d’entreprises.
La notion d’entreprise bénéficiaire peut être
cependant interprétée comme se
référant aux entreprises qui ont un résultat fiscal positif ou à celles qui ont un ENE
positif. Dans les calculs ci-dessous, les entreprises bénéficiaires sont celles qui ont un
ENE positif.
La direction générale du Trésor estime, en outre, que l
’analyse
du taux implicite
hors crédits d’impôt doit être privilégié
e, car ceux-ci sont plutôt assimilables à des
subventions qu’à des baisses de fiscalité sur le capital
20
.
Le choix effectué par le CPO dans ce rapport est de présenter séparément, au V
de ce chapitre, les différences d’utilisation des crédits d’impôts en fonction de la taille
des entreprises.
A -
Une baisse importante du taux d’imposition implicite des PME
entre 2007 et 2019
Le taux implicite d’imposition
des sociétés non financières bénéficiaires
s’établissait en France à 26% en 2019.
Les grandes entreprises, les ETI et les PME
présentaient des taux implicites voisins (respectivement 26, 25,9 et 27,5%). Seules les
MIC étaient soumises à un taux significativement plus faible (22,6%), reflétant l’impact
du taux réduit pour les PME (- 4,6 points). Le taux implicite des MIC mais aussi des
16
Direction générale du trésor,
résultats détaillés des calculs d
e taux implicites d’impôt sur les sociétés,
selon la taille d’entreprise, pour les sociétés non financières (exercice social 2019)
, mars 2023
17
L. Bach, A. Bozio, C. Malgouyres, IPP, rapport n° 21,
L’hétérogénéité des taux d’imposition
implicites des profits en France : constats et facteurs explicatifs
18
CPO, janvier 2017, op. cit.
19
Comme le CPO l’a montré dans ses rapports précédents, les données disponibles dans les déclarations
fiscales ne permettent pas d’analyser facilement les niveaux d’impositi
on brute avant report, brute après
reports ou nette. Ces deux premiers indicateurs doivent être estimés à partir des différents bénéfices
réalisés par les entreprises et en leur appliquant les différents taux d’imposition en vigueur. Le niveau
d’imposition
nette est quant à lui approché par la déclaration du montant « impôts et bénéfices » dans
les déclarations.
20
En comptabilité nationale et depuis le passage au système européen de comptes de 2010, les crédits
d’impôts sont des dépenses publiques (subventions) alors qu’ils étaient auparavant déduits du montant
des recettes publiques, même s’ils donnaient lieu à remboursement.
L’Insee, contrairement à Eurostat
et à l’OCDE, a cependant choisi de déduire le montant total des crédits d’impôt (parts imputées et
remboursées) de celui des prélèvements obligatoires de façon à faire apparaître la charge effective de
ces prélèvements pour les contribuables (l’OCDE n’en déduit que la part imputée). Le montant pris en
compte pour opérer cette déduction est le coût budgé
taire des crédits d’impôt et non leur coût en droits
constatés.
Conseil des prélèvements obligatoires
Les différences d'imposition sur les bénéfices entre PME et grandes entreprises - juin 2023
24
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
PME bénéficiait en outre de la réduction du taux d’IS à 28% pour les bénéfices
n
’excédant pas 500
000 € (respectivement,
-3,2 et -3,5 points).
Toutes entreprises confondues, après prise en compte des déficits reportés et avant
crédits d’impôts
, les grandes entreprises bénéficiai
ent d’un taux d’imposition implicite
plus favorable (28,7% contre 36,8% pour les PME) qui reflétait une proportion
supérieure d’entreprises bénéficiaires en 2019 (cf.
supra
chapitre I-II-C). Comme évoqué
précédemment, cette mesure paraît cependant moins pertinente dans le cadre d’une
analyse qui se place du po
int de vue de l’entreprise.
Tableau n° 4 :
Taux implicites d’IS par catégories
de redevables en 2019
résultats détaillés
Source : direction générale du Trésor
Quel que soit l’indicateur retenu, l
es différences de taxation entre catégories
d’entreprises
sont en nette réduction par rapport à celles constatées en 2007. Pour le taux
implicite calculé sur les seules entreprises bénéficiaires, l
’écart
de taux implicite entre
les PME hors MIC et les GE représentait ainsi 1,6 point en 2019, contre 9,9 en 2007.
Conseil des prélèvements obligatoires
Les différences d'imposition sur les bénéfices entre PME et grandes entreprises - juin 2023
LES DIFFERENCES D’IM
POSITION SUR LES BÉNÉFICES ENTRE PME ET GRANDES ENTREPRISES 25
Graphique n° 8 :
Taux implicites d’IS pour les redevables bénéficiaires (2007,
2013 et 2019)
Source : CPO (données : direction générale du Trésor)
B -
Un rôle explicatif majeur du contexte financier et un effet
significatif de certaines mesures fiscales
1 -
Un impact désormais plus limité de la déductibilité des charges financières sur le
taux implicite d’imposition des grandes entreprises
Entre 2007 et 2019, le taux implicite d’IS des grandes entreprises a
légèrement augmenté, de 23,4 à 25,9% (+2,4 points).
Cette évolution s’explique principalement par
un effet plus faible de la
déductibilité des intérêts d’emprunt sur le taux implicite qu’il réduit de 9,4 points en
2019 contre 13,9 en 2007. Ceci est dû à la fois à la baisse des taux, continue de 2012
à 2019, et à des mesures qui ont limité la déductibilité des intérêts
21
. La LFI pour
2013 plafonnait la déductibilité des charges financières à 75% de leur montant au-
delà de 3 M€
. Depuis la LFI pour 2019, transposant la directive ATAD (
Anti Tax
Avoidance
)
22
, les i
ntérêts d’emprunt
ne sont plus déductibles que dans la limite du
montant le plus élevé entre 30 % du résultat avant impôts, intérêts, provisions et
amortissements et 3
M€
. Ces mesures
s’inscrivent dans un effort plus global
d’élargissement de l’assiette de
l’IS.
21
Dans son étude déjà citée, l’IPP notait un effet similaire sur la période 2005
-
2015 et l’attribuait aux
mêmes causes.
22
Directive (UE) 2016/1164 du Conseil du 12 juillet 2016 établissant des règles pour lutter contre les
pratiques d'évasion fiscale qui ont une incidence directe sur le fonctionnement du marché intérieur.
Conseil des prélèvements obligatoires
Les différences d'imposition sur les bénéfices entre PME et grandes entreprises - juin 2023
26
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
Encadré n° 2
: L’élargissement de l’assiette de l’IS depuis 2007
La déductibilité des charges financières a été plafonnée.
Le report des déficits sur les exercices suivants a été limité à 50 % des déficits constatés, au-
delà du premier million. En
cas de cession de l’entreprise, le droit au report est perdu. Le
report en arrière a été notablement limité.
Les conditions d’exonération des plus
-values de cession ont été durcies.
Les avantages du régime d’intégration fiscale se sont réduits sous l’effet
de décisions de la
C
our de justice de l’Union européenne (CJUE).
En particulier les dividendes versés entre les
entreprises du groupe ne sont plus intégralement déductibles.
Graphique n° 9 :
Évolution du taux implicite d’IS des grandes entreprises entre
2007 et 2019
Source : CPO (données : direction générale du Trésor)
Note de lecture : la baisse des taux et le durcissement des règles concernant la déductibilité des charges
d’intérêt ont augmenté le taux implicite d’imposition des bénéfices des grandes entreprises de
4,5 points
entre 2007 et 2019.
La baisse du taux normal de l’IS avait
, en revanche, en 2019 encore un effet
marginal pour les grandes entreprises car elle ne concernait en 2018 et 2019 que la
tranche de bénéfice fiscal inférieure à 500
000 €.
2 -
Des mesures fiscales favorables aux PME
Parallèlement
, entre 2007 et 2019, les PME ont bénéficié d’une forte réduction
de leur taux implicite (-5,8 points).
Conseil des prélèvements obligatoires
Les différences d'imposition sur les bénéfices entre PME et grandes entreprises - juin 2023
LES DIFFERENCES D’IM
POSITION SUR LES BÉNÉFICES ENTRE PME ET GRANDES ENTREPRISES 27
Moins endettées, elles ont subi de façon beaucoup plus atténuée les effets de la
baisse des taux et du durcissement des règles de déductibilité des charges financières sur
le taux implicite (+2 points).
En revanche, elles ont bénéficié pleinement de la suppression de l’
imposition
forfaitaire annuelle ou IFA (-2,7 points), effective en 2014, et, depuis 2018, de la
réduction du taux normal de l’IS pour l
es premiers 500
000 €
de bénéfice fiscal (-3,5
points).
En sens inverse, la non revalorisation du
seuil de chiffre d’affaires et du
plafond
de bénéfice de leur taux réduit pendant la période analysée avait progressivement limité
l’avantage qu’il procurait avec une réduction du taux implicite de 0,7 point seulement
pour les PME hors microentreprises en 2019 (contre 2 points en 2007).
Graphique n° 10 :
Évolution du taux d’imposition implicite des PME
entre 2007
et 2019
Source : CPO (données : direction générale du Trésor)
Note de lecture
: la suppression de l’IFA a diminué le taux implicite d’imposition des PME de 2,7 points
entre 2007 et 2019.
Constat n° 8 :
Les écarts de taux implicite brut entre les catégories d’entrepri
ses se
sont fortement resserrés entre 2007 et 2019, en raison d’une limitation des
avantages tirés par les grandes entreprises de la déductibilité des charges
financières et de mesures fiscales favorables aux PME.
3 -
Un arrêt du resserrement prévisible entre 2020 et 2022, dans un contexte de baisse
générale des taux implicites
La poursuite de la baisse du taux normal de l’IS entre 2020 et 2022 va
amplifier
la réduction du taux implicite, cette fois-
ci pour toutes les catégories d’entreprises.
Conseil des prélèvements obligatoires
Les différences d'imposition sur les bénéfices entre PME et grandes entreprises - juin 2023
28
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
Paradoxalement, elle devrait toutefois faire diverger à nouveau les taux implicites
d’imposition
entre catégories, dès lors que la baisse est concentrée entre 2020 et 2022
s
ur les grandes entreprises alors qu’elle a e
n grande partie eu lieu pour les PME en 2018
et 2019. À
cet effet s’ajoute en 2022
et 2023
la remontée des taux d’intérêt qui augmente
les charges financières déductibles, principalement pour les grandes entreprises qui sont
plus endettées. Le dispositif mentionné plus haut de plafonnement de la déductibilité des
charges financières prévu par la loi de finances pour 2019 limitera toutefois cet impact
de la remontée des taux en comparaison des périodes précédentes de taux élevés.
Ce
s facteurs qui pourraient contribuer à écarter à nouveau les taux d’imposition à
partir de 2020 sont contrebalancés en partie par la poursuite de mesures en faveur des
PME. L'article 18 de la LFI 2021 prévoit que le taux réduit de 15 % bénéficie aux
entrep
rises qui réalisent un chiffre d'affaires n'excédant pas 10 M€ (contre 7,63 M€
antérieurement). L'article 37 de la LFI 2023 dispose
qu’il s'applique désormais à la
fraction du bénéfice des PME inférieure à 42 500 € (au lieu de 38 120 € précédemment)
.
Constat n° 9 : La poursuite de
la baisse du taux normal d’IS entre 2020 et 2022
et
la remontée des taux d’intérêt en 2022
et 2023 réduisent plus fortement le taux
implicite d’imposition des grandes entreprises,
et pourraient en conséquence
réintroduire un écart avec celui des PME.
V - Un recours important des grandes entreprises aux crédits
d’impôt, notamment en matière de recherche et d’innovation
A -
Une utilisation plus systématique des
crédits d’impôt par les
grandes entreprises
Les taux impli
cites d’imposition
, tel que définis ci-dessus, ne prennent pas en
compte les crédits d’impôts. Or
les grandes entreprises recevaient 42% des crédits
d’impôt en 2019, alors qu’elles n’étaient redevables que de 38% de l’IS brut. La
proportion des crédits d’i
mpôt dont bénéficiaient les ETI et les PME hors
microentreprises étaient proches de leur contribution à l’IS. En revanche, les
microentreprises qui étaient redevables de 16% de l’IS brut ne recevaient que 9% des
crédits d’impôt.
Cette utilisation plus imp
ortante des crédits d’impôt par les
grandes entreprises
est encore plus manifeste quand on analyse le nombre de bénéficiaires. Les grandes
entreprises redevables à l’IS bénéficiaient
toutes
en 2019 d’au moins un crédit d’impôt
contre 61% des ETI, 30 % des PME et seulement 8% des microentreprises
23
.
23
Les microentreprises assujetties à l’IR bénéficient en revanche du régime micro
-fiscal lorsque leur
CA HT est inférieur à 77
700 € (188
700 € pour le commerce et la fourniture de logement).
Conseil des prélèvements obligatoires
Les différences d'imposition sur les bénéfices entre PME et grandes entreprises - juin 2023
LES DIFFERENCES D’IM
POSITION SUR LES BÉNÉFICES ENTRE PME ET GRANDES ENTREPRISES 29
Graphique n° 11 :
Répartition des crédits d’impôt entre catégories d’entreprises
(2019)
Source : CPO (données : DGFIP)
Constat n° 10
: Les grandes entreprises reçoivent une part des crédits d’impôt
supérieure à leur poids dans
l’IS brut
.
B -
Une efficacité plus forte du crédit impôt recherche dans les PME
Depuis la suppression du crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) au 1
er
janvier 2019 compensée en
loi de financement de la sécurité sociale par un allègement
supplémentaire des cotisations sociales patronales à compter de la même date
, les
principaux crédits d’impôt qui viennent réduire le rendement de l’IS sont les crédits
d’impôt en faveur de la recherche
(CIR)
et de l’innovation
(CII).
Les créances du CIR (IS et IR)
représentaient 6,8 Md€ en 2019. Les grandes
entreprises en captaient 45%, les ETI et les PME respectivement 27 et 28%. Cette
répartition montre néanmoins un léger ciblage du CIR sur les PME puisque les grandes
entreprises représentaient la même année 52% d
es dépenses de recherche, d’innovation
et de développement expérimental des entreprises (DIRDE). En effet, depuis 2008, les
dépenses de recherche sont éligibles au CIR à un taux de 30% jusqu’à un plafond annuel
de 100
M€ et à un taux de 5%
seulement au-delà.
Conseil des prélèvements obligatoires
Les différences d'imposition sur les bénéfices entre PME et grandes entreprises - juin 2023
30
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
Graphique n° 12 :
Dépenses de recherche,
d’innovation et de développement
des
entreprises, dépenses déclarées et CIR
Source : CPO (données : INSEE et MESR) Seules les dépenses de recherche et la créance afférente
pour 2019 sont représentées ici.
Conseil des prélèvements obligatoires
Les différences d'imposition sur les bénéfices entre PME et grandes entreprises - juin 2023
LES DIFFERENCES D’IM
POSITION SUR LES BÉNÉFICES ENTRE PME ET GRANDES ENTREPRISES 31
Ce ciblage relatif
va dans le sens des études de l’OCDE sur les incitations
fiscales en faveur de la R&D
24
. Selon ces travaux, l’effet d’entra
înement des crédits
d’impôt en faveur de la dépense de R&D serait de 0,4 pour les grandes entreprises, de 1
pour les moyennes entreprises et de 1,4 pour les petites entreprises. Ces résultats sont en
ligne avec ceux obtenus par l’IPP dans le cadre des évaluations du CIR menés par la
Commission nationale d’évaluation des politiques de l’innovation (CNEPI) qui
concluent que les eff
ets positifs de la réforme du CIR de 2008 sur l’innovation (emploi
d‘ingénieurs, dépôts de brevets) et l’activité (investissements incorporels des entreprises)
ne sont significatifs que pour les PME
25
.
Ces éléments ont conduit le CPO, dans son rapport de février 2022
26
, à souligner
que des avantages fiscaux en faveur de la R&D des entreprises étaient pertinents mais
que le CIR comportait des éléments d’inefficience qui pouvaient justifier soit de réduire
progressivement son plafond, soit de rationaliser certaines dépenses prises en compte
dans l’assiette. Ces analyses sont rappelées en annexe
3.
La direction générale du Trésor considère, pour sa part, que la stabilité de la
législation fiscale devrait être privilégiée à court terme,
au vu de l’importance de ce
crédit d’impôt pour l’attractivité du territoire. Elle estime que la réforme de 2008 a eu
un effet macroéconomique favorable à l’horizon 202
3
à la fois sur l’activité (+0,5 point
de PIB) et l’emploi (+30
000 emplois)
27
.
24
OCDE,
Qu’en est
-
il de l’efficacité des incitations fiscales en faveur de la R&D ? Nouveaux éléments
issus du projet microBeRD de l’OCDE
, 2020
25
L. Bach, A. Bozio, A. Guillouzouic, C. Malgouyres, N. Serrano-Velarde,
Les impacts du crédit impôt
recherche sur la performance économique des entreprises
, mai 2021
26
CPO,
Redistribution, innovation, lutte contre le changement climatique : trois enjeux fiscaux majeurs
en sortie de crise sanitaire
, février 2022.
27
C. Le Gall, W. Meignan, G. Roulleau,
Évaluation de la réforme de 2008 du crédit impôt recherche,
Trésor-éco n° 290
, septembre 2021
Conseil des prélèvements obligatoires
Les différences d'imposition sur les bénéfices entre PME et grandes entreprises - juin 2023
32
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
Conseil des prélèvements obligatoires
Les différences d'imposition sur les bénéfices entre PME et grandes entreprises - juin 2023
LES DIFFERENCES D’IM
POSITION SUR LES BÉNÉFICES ENTRE PME ET GRANDES ENTREPRISES 33
Chapitre III
- Une évolution du cadre
international et européen aux effets incertains
sur les différences de taxation entre PME et
grandes entreprises
Au-
delà des effets de la baisse du taux normal de l’IS entre 2020 et 2022 et de la
remontée des taux à partir de 2022 qui pourraient recréer un écar
t d’imposition
au
détriment des
PME, les différences d’imposition entre entreprises seront affectées en
2023 et les années suivantes par les évolutions du cadre international et européen.
I - La taxation des bénéfices excédentaires : des mesures
européennes temporaires ciblées sur la correction des rentes
sectorielles
L’invasion de l’Ukraine
par la Russie le 22 février 2022 a entraîné une forte
hausse des prix d
es hydrocarbures et de l’électricité
28
en Europe
qui s’est ensuite
répercutée sur les biens et services dont la production est intensive en énergie (produits
alimentaires et services de transport, notamment).
Cette augmentation des prix a engendré une hausse importante de la rentabilité
des compagnies pétrolières, gazières et, dans une moindre mesure, électriques. Hors
dépréciations des activités en Russie, le résultat net consolidé des cinq plus importantes
compagnies productrices d’hydrocarbures mondiales s’est élevé à 199 Md$ en 2022, en
hausse de 125 % par rapport à 2021
29
.
Cette situation a conduit à la création de deux nouveaux prélèvements obligatoires
par le Conseil de l’Union européenne en octobre 2022
30
portant respectivement sur le
chiffre d’affaires des producteurs d’électricité et
sur les bénéfices excédentaires (dits
aussi « superprofits » ou « profits exceptionnels »)
31
du secteur des hydrocarbures pour
les années 2022 et 2023.
28
S’agissant de l’électricité, cette hausse a été accélérée par l’indisponibilité de nombreuses ce
ntrales
nucléaires en 2022.
29
Source :
Energy Monitor
, février 2023
30
Règlement (UE) 2022/1854 du Conseil du 6 octobre 2022 sur une intervention d’urgence pour faire
face aux prix élevés de l’énergie
31
Ce rapport utilise le terme « bénéfices excédentaires » (
surplus profits
) qui est celui retenu dans le
règlement communautaire. Le terme « superprofits » (
excess profits
) s’est imposé dans la
communication publique en France, tandis que les médias de langue anglaise parlent le plus souvent de
« bénéfices exceptionnels » (
windfall profits
).
Conseil des prélèvements obligatoires
Les différences d'imposition sur les bénéfices entre PME et grandes entreprises - juin 2023
34
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
A -
Le plafonnement du prix de l’électricité
: un rendement significatif,
mais un effet négatif sur le bénéfice fiscal des entreprises productrices
Les recettes de
s producteurs d’électricité
ont été plafonnées par le Conseil de
l’Union européenne
entre le 1
er
juillet 2022 et le 31 décembre 2023 à un prix qui ne peut
pas dépasser
180 €/MWh
. Les recettes excédentaires sont intégralement imposées (avec
une option offerte aux É
tats membres de limiter l’imposition à 90% des recettes
excédentaires) et affectées aux clients finals d’électricité
. Le prix-plafond peut être
différencié selon la technologie de production utilisée. Lors de la présentation du projet
de règlement, la Commission estimait à 117 Md€
sur dix-huit mois le rendement du
plafonnement du prix au niveau de l’ensemble de l’Union européenne.
Ce chiffrage est
très dépendant des hypothès
es faites sur le prix de l’électricité
et des choix des États
membres de fixer ou non un plafond plus exigeant que celui du règlement.
La France a choisi
, aux termes de l’article 54 de la LFI pour 2023
,
d’appliquer
l’abattement de 10% sur les recettes excé
dentaires, et de différencier fortement le prix-
plafond selon la technologie
: 90 MWh pour l’électricité nucléaire, 100
€/MWh pour
l’éolien et 175
€/MWh pour le biogaz (LFI 2023, article 54).
Lors de sa présentation au
Parlement, en octobre 2022, le rendem
ent de ce mécanisme était estimé entre 5 à 7 Md€
par le Gouvernement.
L
e plafonnement s’assimile toutefois à une taxe sur le chiffre d’affaires et non à
un impôt sur les bénéfices. Il n’affecte donc pas en tant que tel le taux d’imposition des
bénéfices des entreprises concernées, mais réduit leur rentabilité et le bénéfice taxable.
B -
La contribution de solidarité des entreprises des secteurs des
énergies fossiles et du raffinage : un rendement limité en France
L’Union européenne demande également aux
États membres de mettre en place
une contribution de solidarité temporaire des entreprises des secteurs du pétrole brut, du
gaz naturel, du charbon et du raffinage. E
lle est appliquée, à un taux fixé par l’
État
membre qui ne peut être inférieur à 33%, sur la part des bénéfices imposables de 2022
(puis 2023) qui excède de plus de 20 % la moyenne des bénéfices imposables des
exercices fiscaux 2018 à 2021
32
. Lors de la présentation du projet de règlement, la
Commission estimait à 25 Md€ sur deux ans le rendement de l
a contribution de solidarité
pour l’ensemble de l’Union européenne
Comme une majorité d’
États membres, la France a fait le choix de transposer le
règlement au taux de 33% (LFI 2023, art. 40).
32
Si la moyenne des bénéfices imposables de ces quatre exercices fiscaux est négative, les bénéfices
imposables moyens sont égaux à zéro aux fins du calcul de la contribution de solidarité temporaire.
Conseil des prélèvements obligatoires
Les différences d'imposition sur les bénéfices entre PME et grandes entreprises - juin 2023
LES DIFFERENCES D’IM
POSITION SUR LES BÉNÉFICES ENTRE PME ET GRANDES ENTREPRISES 35
Tableau n° 5 :
Contribution de solidarité
modalités (fin 2022)
Taux de 33%
Taux
supérieur
Régime
équivalent
Information
non
disponible
Exemption
Allemagne,
Belgique,
Bulgarie,
Croatie,
Chypre,
Danemark,
Finlande,
France,
Germany,
Lituanie,
Pays-Bas,
Portugal,
Slovénie,
Suède
Autriche,
Grèce,
Hongrie,
Irlande, Italie,
Pologne
(projet),
Roumanie,
Slovaquie,
République
tchèque
Espagne
(1,2%
du
chiffre
d’affaires)
,
Estonie,
Lettonie,
Luxembourg
Malte
Source : CPO (données : Nicolay, Steinbrenner, Woelfing et Spix, 2023)
Lors de sa présentation au Parlement, en octobre 2022, le Gouvernement estimait
à seulement 200 M€ le rendement de la contribution de solidarité pour la France en 2023
(calculée sur les bénéfices 2022). Cette estimation est nettement inférieure à celles
produites par une étude réalisée pour le Parlement européen
33
(2,
5 Md€)
,
par l’IPP
34
(entre 2,4 et 3,9
Md€)
et par Deloitte
35
(
entre 1 et 1,9 Md€
). Ces estimations présentaient
le défaut commun d’être fondées sur les bénéfices 2021 (Parlement européen) ou sur une
extrapolation des bénéfices 2022 à partir des premiers trim
estres de l’année
(Gouvernement, IPP et Deloitte). Les estimations du Parlement européen
, de l’IPP
et de
Deloitte négligent par ailleurs
les effets de l’intégration fiscale
et les différences entre le
bénéfice fiscal et le résultat comptable avant impôts.
Depuis ces chiffrages, TotalÉnergies a communiqué sur un montant de
contribution de solidarité d’environ
0,9
Md€
36
sur les bénéfices de 2022
à l’échelle de
l’Union européenne, principalement concentré sur l’Allemagne et la Belgique.
L’impôt
dû en France serait très faible. Compte tenu du poids de cette entreprise dans ce secteur,
ces montants accréditent l’estimation présentée par le Gouvernement.
33
K. Nicolay, D. Steinbrenner, N. Woelfing et J. Spix,
The effectiveness and distributional
consequences of excess profit taxes in light of the Commission’s recommendation to Member States
,
mars 2023
34
L. Bach, A. Guillouzouic, C. Malgouyres, P. Dutronc-Postel,
Exposition à la crise énergétique et
profits exceptionnels des entreprises,
décembre 2022
35
J. Pellefigue, G. Papeians,
Analyse économique de la contribution de solidarité des énergéticiens
,
décembre 2022
36
TotalÉnergies, comptes financiers consolidés 2022, note 11
Conseil des prélèvements obligatoires
Les différences d'imposition sur les bénéfices entre PME et grandes entreprises - juin 2023
36
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
C -
Des dispositifs à vocation sectorielle et temporaire
Les mesures prises par l’Union eu
ropéenne ont été adoptées à la majorité qualifiée
car elles ont été considérées comme des dispositifs d’urgence et non une législation
communautaire en matière de fiscalité directe. Ce fondement et la procédure suivie ont
d’ailleurs
été évoqués par les fil
iales allemande et néerlandaise d’Exxon Mobil pour
motiver le recours qu’elles ont déposé
auprès de
la Cour de justice de l’Union
européenne contre l’inst
auration de la contribution de solidarité (auquel ne se sont pas
associées les autres entreprises du secteur).
Ce fondement impose de garder un caractère proportionné à ces mesures en les
limitant dans le temps (2022 et 2023) et dans leur champ (production d‘électricité pour
la première ; énergies fossiles et raffinage pour la seconde).
Par ailleurs, dans
un contexte de retour à des prix de l’énergie plus conformes aux
moyennes historiques, la pérennisation de ces dispositifs, même si elle était possible d’un
point de vue juridique, n’entraînerait pas de recette supplémentaire, faute de base
imposable.
Adaptées pour limiter la rente temporaire procurée par la situation géopolitique à
deux secteurs d’activité,
ils ne constituent donc pas une solution pérenne aux écarts de
taxation implicite résiduels qui étaient observés en 2019 entre grandes entreprises et
PME, tous secteurs confondus.
Constat n° 11 : Les mesures européennes de taxation des bénéfices excédentaires,
temporaires et sectorielles, ne sont pas des instruments pertinents pour réduire
durablement
l’écart de taxation implicite entre PME et grandes e
ntreprises.
II -
L’accord BEPS 2
: des conséquences difficiles à évaluer
sur
le rendement de l’IS en France
Une source d’iné
galité
entre entreprises face à l’impôt sur les sociétés provient,
indépendamment de leur taille, de la capacité de certaines entreprises transnationales de
transférer des bénéfices d’un
État où ils seraient plus lourdement imposés vers d
’autres
où ils le seraient moins.
Deux
estimations,
réalisées
en
2018
et
2019
à
partir
de
données
macroéconomiques 2015, concluaient que les transferts de bénéfices depuis la France
conduisaient à une perte annuelle de recettes fiscales d’environ 10 Md€
37
. Une autre
étude macroéc
onomique plus récente aboutit à une estimation de pertes d’IS de 10,6
Md€
en 2019, soit 22% de l’IS collecté
38
. Une évaluation
réalisée par le Conseil d’analyse
économique (CAE) en 2019
39
sur les données administratives des entreprises de plus de
37
T. Tørsløv, L. Wier et G. Zucman,
The Missing Profits of Nations
, NBER Working Paper n° 24701,
2018, et V. Vicard,
The Exorbitant Privilege of High Tax Countries
, CEPII Working Paper, n° 2019-
06, mars 2019.
38
L. Wier, G. Zucman,
Global Profit Shifting
1975-2019, décembre 2022.
39
C. Fouest, M. Parenti et F. Toubal,
Fiscalité internationale des entreprises : quelles réformes pour
quels effets ?,
note du CAE n° 54, novembre 2019
Conseil des prélèvements obligatoires
Les différences d'imposition sur les bénéfices entre PME et grandes entreprises - juin 2023
LES DIFFERENCES D’IM
POSITION SUR LES BÉNÉFICES ENTRE PME ET GRANDES ENTREPRISES 37
10 salariés et possédant au moins une filiale dans un paradis fiscal
40
, aboutit à des
montants plus faibles mais conséquents, de l’ordre de 4,6 Md€
par an en moyenne sur la
période 2009-2016.
En novembre 2012, les ministres des finances du G20 ont chargé l’OCDE de
l
’élaboration d’un plan d’action relatif à l’érosion de la base d’imposition et du transfert
des bénéfices (
Base Erosion and Profit Shifting-BEPS)
. Ces négociations se déroulent
dans un cadre inclusif couvrant 139 pays et juridictions.
Une première convention multilatérale, signée à Paris en 2017, visait à lutter
contre les dispositifs hybrides et l’utilisation abusive des conventions fiscales
bilatérales
et à améliorer l’efficacité des procédures amiables. Elle modernisait aussi la définition
de l’établissement stable, sur laquelle est fondée la territorialité de l’impôt, mais certains
États parties à
la convention, comme l’Irlande dans l’Union européenne, ont choisi de
ne pas appliquer cette disposition de la convention (article 12).
Le 8 octobre 2021, 137 des 139 parties du cadre inclusif ont signé une Déclaration
sur une solution reposant sur deux piliers pour résoudre les défis fiscaux soulevés par la
numérisation de l’économie.
Cet accord,
dont la mise en œuvre est en cours et soulève
des difficultés techniques importantes, devrait aboutir à une augmentation importante
des recettes fiscales des É
tats ayant aujourd’hui les impositions les plus faibles,
notamment dans les pays à revenus bas ou intermédiaires. Son impact sur l’imposition
des grandes entreprises en France est plus incertain.
A -
Le Pilier Un : un impact budgétaire faible pour la France
Le Pilier Un
porte sur la répartition des droits d’imposition entre les «
États
sièges », où se situent les sièges sociaux des entreprises et les « États de marché » où ces
entreprises effectuent effectivement leur activité économique.
Il permet de réattribuer des droits d’imposition sur une fraction des bénéfices des
multinationales (Montant A) aux pays et juridictions de marché où elles exercent des
activités co
mmerciales, qu’elles y aient ou non une présence physique. Seules les
entreprises multinationales dont le chiffre d’affaires mondial dépasse 20
Md
et dont la
rentabilité est supérieure à 10 %, hors industries extractives et secteur financier, seront
assuj
etties aux nouvelles règles, soit une centaine d’entreprises dans le monde
(entre
2017 et 2021, entre 82 et 108, en fonction de
l’année considérée, selon l’OCD
E) et moins
de dix en France. 25 % des bénéfices au-
delà d’un seuil de
profitabilité de 10 %
(« bénéfice résiduel ») seront réattribués aux pays et juridictions de marché.
Le Pilier Un instaure également une approche simplifiée et rationalisée pour
l’application du principe de pleine concurrence
41
aux prix de transfert (Montant B).
40
La liste des paradis fiscaux prise en compte est plus longue que celle retenue par la Commission
européenne. Elle inclut Hong Kong, Singapour et des pays européens comme l’Irlande, le Luxembourg,
les Pays-Bas et la Suisse.
41
Ce principe signifie que le prix pratiqué entre entreprises dépendantes doit être le même que celui
qui aurait été attribué entre entreprises indépendantes ;
Conseil des prélèvements obligatoires
Les différences d'imposition sur les bénéfices entre PME et grandes entreprises - juin 2023
38
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
En contrepartie, les É
tats parties s’engagent à renoncer aux taxes existantes sur
les services numériques (basées sur le chiffre d’affaires).
La mise en œuvre d
u Pilier Un devrait p
rendre la forme d’une convention
multilatérale, adoptée dans le cadre inclusif de l’OCDE
en 2023, prévoyant des règles-
types à introduire en droit national avant le 1
er
janvier 2024.
L
’OCDE
42
estime le bénéfice résiduel taxable (montant A) des multinationales
concernées à 132 Md$ en moyenne annuelle entre 2017 et 2021 (soit 116
Md€ en
utilisant le taux moyen EUR-USD sur la période). Les revenus fiscaux additionnels pour
l’ensemble des
États seraient compris entre 12 et 25 Md$, principalement pour des pays
à revenus faibles et intermédiaires, dans lesquels une grande partie de la production est
réalisée par des filiales de groupes étrangers.
Ces résultats sont supérieurs à ceux
d’une publication récente de l’
EU Tax
Observatory
43
qui estime sur des données 2020 le montant A à 94 Md€ et les revenus
fiscaux additionnels à 15,6 Md€ pour 69 groupes co
ncernés. Pour la France, les revenus
bruts additionnels sont estimés par cette même étude
à 664 M€ et les pertes liées à la
réallocation vers d’autres
É
tats d’impôts dus par des multinationales ayant leur siège en
France à 93 M€.
Ni les estimations de l’OCDE ni celles de l’
EU Tax Observatory
ne prennent
cependant en compte la suppression des taxes numériques nationales. Or la taxe sur les
services numériques françaises a eu un rendement de 591 M€ en 2022.
Le
s dernières estimations disponibles laissent donc penser que l’impact du Pilier
Un en France sur l
’IS serait faible
, après prise en compte de la suppression de la taxe sur
les services numériques. Le CPO concluait déjà dans une note de juillet 2021 sur la
solution à deux piliers que
l’intérêt du Pilier Un ne réside pas, pour un pays comme la
France, dans son impact budgétaire
44
.
B -
Le Pilier Deux : des chiffrages fragiles
Le Pilier Deux établit une taxation minimale de 15% sur les résultats des
entreprises multinationales.
Il concerne les groupes réalisant un chiffre d’affaires
consolidé d’au moins 750 M€. Une cinquantaine de groupes fiscaux sont concernés en
France. Les groupes concernés bénéficient toutefois d’une
déduction (
carve-out
) du
profit taxable au t
itre de l’imposition minimale dans chaque pays, à hauteur de 8% du
montant des actifs corporels et de 10% de la masse salariale dans ce pays (critères dits
de substance économique). Cette déduction doit progressivement décroître sur dix ans
pour atteindre 5% en régime de croisière.
L’imposition minimale est établie en deux étapes.
42
OCDE,
Economic impact assessment of the two-pillar solution,
2023
43
M. Barake, E. Le Pouhaër.
Tax Revenue from Pillar One Amount A: Country-by-Country Estimates
,
2023
44
CPO,
Les enjeux pour la France des
négociations à l’OCDE sur la taxation des bénéfices des
multinationales
, juillet 2021
Conseil des prélèvements obligatoires
Les différences d'imposition sur les bénéfices entre PME et grandes entreprises - juin 2023
LES DIFFERENCES D’IM
POSITION SUR LES BÉNÉFICES ENTRE PME ET GRANDES ENTREPRISES 39
La règle d’inclusion du revenu (RDIR) rend la société mère redevable dans l’
État
de siège d’un impôt complémentaire sur les bénéfices
des sociétés affiliées situées dans
des territoires où les taux d’imposition effectifs sont inférieurs au taux d’imposition
effectif minimum (15%).
Un filet de sécurité est néanmoins
nécessaire pour faire en sorte que l’impôt
minimum soit payé, même lorsq
ue l’entité au bénéfice faiblement imposé est détenue au
travers d’une chaîne de propriété qui a pour effet que ce bénéfice échappe à la règle
d’inclusion des revenus.
La règle relative aux paiements insuffisamment imposés (RPII)
permet dans ce cas à un État de refuser
, pour toute entité d’un groupe assujetti,
la
déduction
d’un paiement à une partie liée si ce paiement n’est pas assujetti à l’impôt au
taux minimum.
Le Conseil de l’Union européenne a adopté en décembre 2022 une directive dite
GloBE qui reprend les règles-
types proposées par l’OCDE
. Les règles de la directive
sont applicables
à compter de l’exercice fiscal 2024, ce qui implique une transposition
courant 2023. Les États membres comptant au plus douze entités-mères de groupes ayant
un chiff
re d’affaires d’au moins 750 M€ sur leur territoire
peuvent toutefois différer
l’application
des règles GloBE pendant six ans.
La France a choisi d’inclure la
transposition dans le projet de loi de finances pour 2024.
L’OCDE a réévalué à la hausse en janvi
er 2023 les recettes fiscales
supplémentaires attendues du Pilier 2 au niveau mondial. Elle les estime, dans un
scénario central, à 220 Md$ sur des données 2018 contre 150 Md$ sur des données 2017
en octobre 2021.
Sur la base de données 2017, l’
EU Tax Observatory
45
évaluait à
232 Md€
2021
les
recettes fiscales supplémentaires engendrées par le Pilier Deux pour 46 pays avant prise
en compte des déductions mais seulement à
203 Md€
2021
, une fois les déductions du
régime de croisière prises en compte
(185 Md€
2021
en appliquant la déduction prévue la
première année). Pour la France, les gains sont estimés respectivement à
3,9 Md€
2021
avant déduction, 3,3 en régime de croisière et 3,5 la première année. Un des points de
fragilité du chiffrage, reconnu par les auteurs, est le risque de double compte des
dividendes intra-groupe. Les données disponibles pour le Royaume-Uni, les Pays-Bas et
la Suède suggèrent que ces dividendes peuvent représenter pour 2017 entre 16 % (Pays-
Bas) et 52 % (Suède) des bénéfices (41 % pour le Royaume-Uni).
Par ailleurs, le chiffrage de l’
EU Tax Observatory
est statique et ne tient pas
compte des effets dynamiques de l’impôt national domestique entrant en vigueur avec le
taux minimal à 15 % : relocalisation des bénéfices vers les États de siège à partir des
paradis fiscaux ; mais, en sens inverse, alignement des paradis fiscaux sur la taxation
minimale.
Le CAE a modélisé ces effets comportementaux dans un chiffrage réalisé en
2021
46
. À
partir d’une estimation de l’effet taux
, voisin
e de celle de l’
EU Tax
Observatory
(4
Md€, sans effet des déductions), il estimait un effet d’assiette positif à
court terme (+2
Md€) mais négatif à long terme. Les recettes additionnelles d’IS
engendrées par le Pilier Deux, tous effets confondus, se rédui
raient ainsi à 2 Md€.
Les
45
M. Barake, T. Neef, P.-E. Chouc, G. Zucman,
Revenue effects of the Global Minimum Tax,
octobre
2021.
46
S. Laffite, J. Martin, M. Parenti, B. Souillard, F. Toubal,
Taxation minimale des multinationales :
contours et qualification,
Focus CAE, n° 064-2021, juin 2021
Conseil des prélèvements obligatoires
Les différences d'imposition sur les bénéfices entre PME et grandes entreprises - juin 2023
40
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
annonces effectuées par certains États font supposer une adaptation rapide des paradis
fiscaux et assimilés au pilier Deux, ce qui pourrait ramener plus rapidement les recettes
additionnelles vers cette prévision à long terme.
Plu
s complet que celui de l’
EU Tax Observatory
dans la modélisation des effets
dynamiques du nouveau régime, ce chiffrage ne retraite pas non plus les dividendes intra-
groupe et ne tient pas compte des déductions pour substance économique.
Ces deux estimations ne permettent donc pas à ce jour de conclure sur le quantum
de recettes attendues pour la France de la mise en œuvre du Pilier Deux.
Constat n° 12 : L
’impact des deux piliers de l’accord BEPS 2 sur l
e niveau de
taxation des bénéfices des grandes entreprises en France reste incertain.
III - Un agenda fiscal communautaire chargé : de DEBRA à
BEFIT
La déductibilité des charges financières, bien que fortement réduite entre 2007 et
2019, reste le principal facteur explicatif des différence
s de taux d’imposition implicite
des bénéfices entre les grandes entreprises et les PME (cf. partie II, tableau n° 4). La
forte augmentation des taux d’intérêt survenue en 2022 pourrait venir
creuser à nouveau
cet écart.
Or la pertinence de la déductibilité des charges financières est remise en cause
notamment par le FMI
47
qui met en évidence les distorsions créées par le « biais en faveur
de l’endettement
» de la fiscalité sur les bénéfices. Cette déductibilité incite les
entreprises à privilégier le
financement par l’emprunt à la levée de capitaux propres,
accroissant les risques sur la stabilité financière, en contradiction avec les politiques
mises en œuvre depuis la crise financière pour réduire l’effet de levier (ratio
dette/capitaux propres)
48
.
L
es effets indésirables de la déductibilité à l’IS des charges financières ont conduit
à sa limitation dans la période récente dans de nombreux pays, y compris en France (LFI
2013, puis 2019, dans le cadre de la transposition de la directive communautaire ATAD).
L’endettement
des entreprises françaises
a néanmoins continué de s’accroître
,
notamment en raison de la crise sanitaire, et atteignait 82,8% du PIB fin 2021, un
montant sensiblement plus élevé que la moyenne de la zone euro (63,6%).
La Commission européenne estime que le biais en faveur de l’endettement du
système fiscal
reste élevé dans de nombreux pays européens. En France, l’écart
entre le
taux d’imposition effectif moyen d’un investissement autofi
n
ancé et d’un investissement
financé par emprunt était ainsi
d’environ 10 points
en 2021 pour une grande entreprise.
47
FMI, Staff report,
Tax Policy, Leverage and Macroeconomic Stability
, octobre 2016
48
Ce biais peut être amplifié ou réduit par les modalités d’imposition des dividendes, des plus
-values
et des intérêts à l’IR. Le prélèvement forfaitaire unique (PFU) présente l’avantage de la neutralité, mais
il n’a pas remis en cause les exonérations existant pour certaines formes d’intérêts (livrets réglementés).
Conseil des prélèvements obligatoires
Les différences d'imposition sur les bénéfices entre PME et grandes entreprises - juin 2023
LES DIFFERENCES D’IM
POSITION SUR LES BÉNÉFICES ENTRE PME ET GRANDES ENTREPRISES 41
Graphique n° 13 :
Écart entre l
e taux effectif moyen d’imposition d’un
investissement autofinancé et d’un investissement financé par emprunt en 2021
(en points d’imposition)
Source : CPO (données : Commission européenne et ZEW)
Plusieurs États membres (Belgique, Chypre, Italie, Malte, Pologne, Portugal) ont
réduit ce biais fiscal en faveur de l’endettement
en introduisant dans leur législation des
dispositions permettant la déductibilité d
’intérêts notionnels sur les capitaux propres des
entreprises.
La Commission européenne souhaitait
généraliser ce dispositif, ce qui l’a
vait
conduit à présenter une proposition de directive en mai 2022 dite DEBRA (
Debt Equity
Bias Reduction Allowance
). Celle-ci proposait de permettre, sous certaines conditions,
aux sociétés non financières de déduire
des intérêts notionnels sur l’augmentation des
fonds propres, mais également de limiter, pour ces mêmes sociétés, la déductibilité
fiscale des surcoûts
d’emprunt
au-delà de ces intérêts notionnels.
Cette proposition avait un coût budgétaire élevé. À
l’échelle de l’Union
européenne, son coût était
estimé par la Commission entre 11 et 22 Md€
49
. Le
durcissement de la déductibilité des charges d’intérêt susci
tait en outre de fortes
réticences de la part des entreprises, dans un contexte de remontée des taux d’intérêt.
La
France n’a pas soutenu
la proposition DEBRA. La direction de la législation
fiscale (DLF) considère que le risque de surendettement des entreprises et d'atteinte à la
stabilité du système financier lié à l'existence d'un biais fiscal n'est pas avéré. La
diminution de l’effet de levier depuis la crise financière de 2010
-2012 conduit
effectivement à relativiser le risque lié à l’augmentation du taux d’endettement (en % du
PIB) des entreprises françaises.
49
Commission européenne, étude d’impact accompagnant le projet de directive DEBRA, 2022.
Conseil des prélèvements obligatoires
Les différences d'imposition sur les bénéfices entre PME et grandes entreprises - juin 2023
42
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
Graphique n° 14 :
L’endettement des sociétés non financières en France
Source :
Banque de France
En décembre 2022, le Conseil qui doit se prononcer
à l’unanimité en matière de
fiscalité directe a décidé de suspendre la négociation de la directive DEBRA, dans le
contexte des autres réformes en cours de la fiscalité des entreprises : transposition et mise
en œuvre de la directive GloBE
et proposition de directive BEFIT (
Business in Europe :
Framework for Income Taxation
), visant à harmoniser l’assiette de l’imposition des
bénéfices des États membres, annoncé pour le troisième trimestre 2023.
L
’initiative
BEFIT a été annoncée, pour la première fois en 2021, dans le cadre
de la communication de la Commission sur la fiscalité des entreprises pour le 21
ème
siècle
pour promouvoir un cadre solide, efficace et équitable en matière d’impôt sur les sociétés
au sein de l’UE. L’objectif déclaré de la Commission est de fournir un nouveau cadre
pour l’impôt sur le
s bénéfices des entreprises afin de stimuler la compétitivité du marché
unique, de réduire les coûts de mise en conformité et de soutenir les investissements dans
l’UE.
Une consultation publique a été organisée et s’est achevée le 23 janvier
2023. La
proposition de directive
BEFIT s’appuiera sur les travaux menés
dans le cadre des
précédentes initiatives de l’UE qui ont échoué –
l’assiette commune consolidée pour
l’impôt sur les sociétés (ACCIS) de 2011 et les deux propositions relatives à l’assiette
commune pour l’imp
ôt sur les sociétés (ACCIS et ACIS) de 2016. En outre, il est prévu
que la proposition de directive BEFIT soit compatible avec les principes qui sous-tendent
l’approche à deux piliers adoptée par l’O
CDE
et, si possible, s’appuie sur ceux
-ci.
Le contexte fiscal particulièrement mouvant aux plans international et
communautaire incite ainsi
à une certaine retenue dans les évolutions de l’IS
d’initiative nationale jusqu’à la publication d
e la proposition de directive BEFIT
de la Commission européenne.
Constat n° 13
: D’éventuelles évolutions futures du cadre national de l’IS devront
prendre en compte la proposition de directive BEFIT de la Commission européenne
attendue à l’automne 2023
.
***
Conseil des prélèvements obligatoires
Les différences d'imposition sur les bénéfices entre PME et grandes entreprises - juin 2023
LES DIFFERENCES D’IM
POSITION SUR LES BÉNÉFICES ENTRE PME ET GRANDES ENTREPRISES 43
Annexes
Conseil des prélèvements obligatoires
Les différences d'imposition sur les bénéfices entre PME et grandes entreprises - juin 2023
44
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
Annexe n° 1 : saisine du président de la commission des
fin
ances de l’Assemblée nationale
Conseil des prélèvements obligatoires
Les différences d'imposition sur les bénéfices entre PME et grandes entreprises - juin 2023
LES DIFFERENCES D’IM
POSITION SUR LES BÉNÉFICES ENTRE PME ET GRANDES ENTREPRISES 45
Annexe n° 2 : prises de position antérieures du CPO sur le
taux réduit d’IS pour les PME
Rapport du CPO : «
Adapter l’impôt sur les sociétés à une
économie ouverte », décembre 2016
En 2014, 670 000 petites et moyennes entreprises bénéficiaient du taux réduit de
15 %, pour un coût global de 2,6
Md€
50
. Si plusieurs pays ont adopté des régimes
comparables d’imposition réduite pour les petites et moyennes entreprises (Belgique,
Pays-Bas, États-
Unis, Japon), d’autres grands partenaires économiques comme
l’Allemagne ont choisi de ne pas instaurer
une telle distinction, ou de la supprimer
comme dans le cadre des réformes de l’IS conduites au Royaume
-Uni ou en Espagne.
En 2015, moins d’un tiers des pays membres de l’OCDE (10 pays sur 34) disposait d’un
régime de taux réduit pour les PME
51
.
Tableau n° 1 :
Existence d’un taux r
éduit pour les petites entreprises dans les
principaux pays de l’OCDE
Pays
Taux réduit pour les petites et moyennes
entreprises (en %)
Taux normal d'IS
(en %)
Allemagne
Pas de taux réduit PME
30,2
Belgique
24,3
34,0
Corée du Sud
10,0
24,2
Espagne
Pas de taux réduit PME
25,0
États-Unis
15,0
38,9
France
15,0
34,4
Grèce
Pas de taux réduit PME
29,0
Irlande
12,5
Israël
25,0
Italie
27,5
Japon
15,0
30,0
Norvège
Pas de taux réduit PME
25,0
Pays-Bas
20,0
25,0
Portugal
Pas de taux réduit PME
28,0
Royaume-Uni
20,0
Suède
22,0
Source
: CPO, d’après OCDE Corporate
Tax Database.
La pertinence d’une différence d’imposition fondée sur la taille des entreprises est
discutable, alors même qu’à la différence de l’imposition des ménages, la recherche d’un
objectif de redistribution entre ces acteurs économiques ne va pas de soi. Les arguments
généralement avancés en faveur d’un taux réduit pour les PME apparaissent aujourd’hui
datés :
50
Source : Voies et moyens Tome II
Annexe au projet de loi de finances pour 2016.
51
Source : Fonds monétaire international FMI-Fiscal monitor 2016.
Conseil des prélèvements obligatoires
Les différences d'imposition sur les bénéfices entre PME et grandes entreprises - juin 2023
46
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
soutenir le financement parfois difficile de ces entreprises en renforçant leurs
fonds propres
:
C’était en tout cas l’objectif affiché par le législateur français lors de
l’instauration, dans la loi de finances pour 2001
52
, de ce dispositif
53
. La baisse de l’IS est
en effet une façon de réduire le coût des capitaux propres, les bénéfices réinvestis dans
l'entreprise n’étant pas, contrairement aux intérêts de la dette, déductibles du bénéfice
imposable
54
.
Toutefois, le recours à
l’outil fiscal n’apparaît pas le plus adapté pour soutenir
l’accès au financement des entreprises
dans la mesure où il ne permet pas une action
ciblée contrairement à des dispositifs de
soutien direct
comme les apports en capitaux,
prêts et garanties désormais offerts par Bpifrance
55
. Par ailleurs,
le contexte a changé
depuis l’introduction de cette mesure e
n 2001 : la situation actuelle se caractérise par une
abondance des capitaux disponibles
56
. Enfin, comme le montrent les études disponibles,
le régime de taux réduit a certes permis de réduire le montant d’IS payé par un nombre
important d’entreprises de petite taille, mais n’a pas favoris
é
l’émergence d’entreprises
de taille intermédiaire capables de se développer internationalement
57
.
«
prendre en compte la capacité contributive particulière et les charges des plus
petites entreprises
»
:
C’est l’argument
avancé dans les annexes au projet de loi de finances pour 2016
pour justifier le maintien d’un taux réduit pour une fraction des bénéfices des PME.
Le postulat d’une moindre rentabilité des petites entreprises n’est pas fondé
.
D’une part, le taux de marge
58
des petites entreprises employant des salariés (hors
microentreprises) est comparable, en 2012 et 2013, à celui des entreprises employant
plus de 250 salariés, voire supérieur pour les entreprises employant entre un et neuf
salariés (cf. graphique ci-dessous).
52
Article 7 de la loi n°2000-1352 du 30 décembre 2000 de finances pour 2001.
53
Cf. exposé des motifs du projet de loi.
54
Le taux réduit d'impôt sur les sociétés pour les PME, Trésor-Eco, novembre 2007 : «
le taux réduit
d'IS doit permettre [aux TPE et PME] d'améliorer leurs capitaux propres et de consolider leur structure
de bilan, et donc de leur faciliter in fine l'accès au crédit bancaire
».
55
Les investissements en capital de Bpifrance représentaient 1,4
Md€ en 2014, et le montant des crédits
bancaires garantis s’élevait à 7,8
Md€ la même année. Source
: rapport annuel de Bpifrance, 2015.
56
Activité du capital-investissement en 2015
, association française des investisseurs pour la croissance :
«
En 2015, les acteurs du capital-
investissement français ont investi 10,7 Md€ dans l'accompagnement
et l'accélération d’entreprises […]
. Un fort rebond de +23% par rapport à 2014, un niveau au plus
haut depuis 8 ans. C’est une nouvelle fois plus de 1
600 (1
645) entreprises qui ont été accompagnées
par les membres de l’AFIC. Il s’agit en majorité de PME (PME 61%, ETI 21%, TPE 17%, grandes
entreprises 1%) et pour la plupart françaises (85%).
»
57
Sources :
Le taux réduit d'impôt sur les sociétés pour les PME
, S. Raspiller, 2007, Lettre Trésor-Éco
n° 23 ; « Entreprises et « niches » fiscales et sociales, CPO, 2010.
58
R
apport entre l’excédent brut d’exploitation et la valeur ajoutée
.
Conseil des prélèvements obligatoires
Les différences d'imposition sur les bénéfices entre PME et grandes entreprises - juin 2023
LES DIFFERENCES D’IM
POSITION SUR LES BÉNÉFICES ENTRE PME ET GRANDES ENTREPRISES 47
Graphique n° 1 :
Taux de marge des entreprises (hors agriculture et services
financiers) employeuses entre 2012 et 2013
Source : INSEE, Les entreprises en France, édition 2015
.
D’autre part, la rentabilité financière nette
59
des entreprises non financières, telle
que mesurée par la Banque de France, est plus élevée dans le cas des PME que pour les
ETI et les grandes entreprises depuis 2007 (cf. graphique ci-dessous).
Graphique n° 2 :
Évolution de la rentabilité financière nette par catégorie
d’entreprises entre 2003 et 2014
*Les données comptables pour les petites entreprises du fichier bancaire des entreprises (Fiben) ne
concernent que les PME affichant un chiffre d’affaires supérieur à 750
k€.
Source : Banque de France,
base FIBEN, décembre 2015
.
Quand bien même il existerait un différentiel patent de profitabilité entre
entreprises selon leur taille,
l’invocation de différences de «
capacité contributive »
pour fonder l’application de taux différenciés
apparaît peu pertinente
dans la mesure
où la matière imposée, le bénéfice, qui résulte de la
différence entre les produits et les
charges
,
intègre déjà cette notion
. La situation est différente pour l’imposition sur le
revenu des personnes physiques, qui porte sur le revenu glob
al et n’intègre que
partiellement les charges supportées, ce qui peut justifier une différenciation des taux
applicables.
59
R
apport entre la capacité nette d’autofinancement et les capitaux propres
.
Conseil des prélèvements obligatoires
Les différences d'imposition sur les bénéfices entre PME et grandes entreprises - juin 2023
48
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
Aucun raisonnement économique ne justifie par ailleurs une plus faible
imposition des entreprises les moins bénéficiaires
. Au contrai
re, l’existence d’un taux
réduit peut générer des distorsions néfastes, en « subventionnant » des entreprises moins
efficaces que celles imposées au taux normal.
Pour l’OCDE, ceci conduirait à la
survie artificielle d’entreprises peu
performantes
, nuisant à la croissance des autres en les concurrençant avec le soutien de
financements publics implicites
60
, alors que les entreprises en phase de développement
et d’amélioration de leur productivité resteraient pénalisées par un IS élevé
61
.
Toujours selon l’OCDE
62
, «
des taux réduits d’impôts sur les sociétés pour les
petites entreprises ne semblent [donc] pas favoriser la croissance
». À l’inverse, «
une
baisse de l’imposition sur les sociétés profiterait dès lors aux entreprises les plus
dynamiques et les plus innovantes
»
63
.
Le Fonds monétaire international, dans son bilan annuel des politiques fiscales
pour 2016, a également plaidé pour que les incitations fiscales ne soient plus dirigées
vers l’ensemble des petites entreprises sur le seul critère de la taille mai
s soient ciblées
sur les entreprises susceptibles de créer des externalités positives, en particulier
l’innovation. La France dispose déjà d’un dispositif de la sorte à travers le statut de jeune
entreprise innovante qui, outre des exonérations de cotisations patronales pour les
personnels participant à la recherche, comporte une exonération totale d'impôt sur les
bénéfices (à l'impôt sur le revenu ou à l'IS) pour les résultats du premier exercice ou de
la première période d'imposition bénéficiaire, et un abattement de 50 % au titre de
l'exercice bénéficiaire suivant.
différencier le traitement fiscal des PME, qui ne disposeraient pas des mêmes
possibilités d’optimisation que les grands groupes
:
Cet argument renvoie à l’idée selon laquelle, à taux faciaux équivalents, les
groupes multinationaux bénéficieraient de possibilités bien plus nombreuses de réduire
leur charge fiscale par divers schémas d’optimisation, de sorte qu’ils supporteraient
in
fine
une charge réelle bien inférieure à celle des PME en proportion de leur capacité
contributive
mesurée par le résultat d’exploitation (cf.
I-B-3-c).
Les méthodes actuellement disponibles de construction d’un taux implicite
d’imposition des entreprises pe
rmettant de répondre à cette question, de nature
microéconomique, présentent de nombreuses limites qui commandent de les analyser
avec prudence.
Sous ces réserves, les analyses conduites par le passé concluaient à une hiérarchie
des taux implicites en fonction de la taille des entreprises. Dans son rapport de 2009
64
,
le CPO avait mis en évidence une corrélation négative entre le taux implicite
d’imposition sur les bénéfices des sociétés et leur taille sur données 2007 : malgré
l’existence du taux réduit PME,
les grandes entreprises apparaissaient moins fortement
imposées sur leurs bénéfices que ne l’étaient les PME. Pour la même année 2007, la note
de la Direction générale du Trésor publiée en 2011 mettait également en avant une forte
disparité d’imposition selon la taille des entreprises, et l’expliquait p
our moitié par les
60
OCDE,
Taxation of SMEs in OECD and G20 Countries
(septembre 2015).
61
Notamment car la croissance de ces entreprises repose en grande partie sur le réinvestissement des
profits réalisés.
62
OCDE,
Taxation and Economic Growth
(juillet 2008), A Johansson, C Heady, J Arnold, B Brys et L
Vartia.
63
OCDE, 2010,
Tax Policy Studies Tax Policy Reform and Economic Growth
.
64
«
Les prélèvements obligatoires des entreprises dans une économie globalisée
».
Conseil des prélèvements obligatoires
Les différences d'imposition sur les bénéfices entre PME et grandes entreprises - juin 2023
LES DIFFERENCES D’IM
POSITION SUR LES BÉNÉFICES ENTRE PME ET GRANDES ENTREPRISES 49
règles d’assiette (essentiellement par un plus fort recours à la déduction des intérêts
d’emprunt par les grandes entreprises) et pour l’autre moitié par la démographie (les
PME ayant un risque plus élevé de disparition suite à une situation déficitaire, elles ont
moins la possibilité de bénéficier du report des déficits sur les bénéfices futurs que les
grandes entreprises).
L’actualisation de ces estimations montre que l’écart de taux impl
icite
d’imposition des PME et des grandes entreprises s’est en grande partie résorbé, à
méthode de calcul constante.
Tableau n° 2 :
Évolution du taux d’imposition implicite (IS
avant report des
déficits / résultat d’exploitation) par catégorie de taille d’entreprise
Catégorie
d’entreprise
Périmètre note Trésor 2011 (entreprises à résultat
d’exploitation positif)
2007
2011
2014
Microentreprises
24,2%
25,7%
22,5%
PME
30,5%
30,5%
27,8%
ETI
25,6%
24,0%
24,6%
Grandes entreprises
22,3%
20,6%
23,5%
Source : Direction générale du Trésor, calculs réalisés pour le CPO
65
Ces taux implicites rapportent cependant le montant d’IS payé à une partie
seulement de son assiette (cf. I-B-3-c), ce qui fragilise les conclusions tirées sur cette
base.
Il est par ailleurs utile
d’observer la distribution du taux implicite d’imposition au
sein de chacune des catégories d’entreprises. Il en ressort que l’écart de taux d’imposition
implicite entre plusieurs entreprises d’une même catégorie est notablement plus
important que l’écart du taux d’imposition moyen de ces catégories. Ce constat s’observe
pour l’année 2014 mais aussi pour l’année 2011, où l’écart de taux implicite d’imposition
moyen entre les PME et les grandes entreprises est important quelle que soit la méthode
de calcul retenue.
65
Ces chiffres diffèrent de ceux présentés au I-B-3-c bien que la méthode de calcul du taux implicite
soit la même, car les périmètres considérés diffèrent quelque peu (France entière ou métropole, secteurs
d’activités exclus …).
Conseil des prélèvements obligatoires
Les différences d'imposition sur les bénéfices entre PME et grandes entreprises - juin 2023
50
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
Graphique n° 3 :
Distribution du rapport IS avant reports des déficits / résultat
d’exploitation pour les entreprises bénéficiaires en 2014 (au sens de
: résultat
d’exploitation > 0)
Graphique n° 4 :
Distribution du rapport IS avant reports des déficits / résultat
d’exploitatio
n pour les entreprises bénéficiaires en 2011 (au sens de : résultat
d’exploitation > 0)
Source : CPO, données des liasses fiscales, calculs réalisés dans le cadre du rapport particulier
n°3, sur le champ des entreprises hors activités agricoles, financiè
res, d’assurances et
immobilières, France métropolitaine
Les causes de ces écarts au sein de chaque catégorie d’entreprises n’ont pu être
explicitées. Le taux étant calculé à partir de l’impôt avant report des déficits, la cyclicité
de l’activité des entre
prises ne peut toutefois en être la source.
Le constat d’une différence de taux d’imposition entre PME et grandes entreprises
ne paraît donc pas établi, et en tout état de cause il ne semble pas que la taille de
l’entreprise exerce une influence déterminante sur son niveau d’imposition. Des travaux
académiques complémentaires pour fournir un taux d’imposition implicite robuste
méritent cependant d’être entrepris (cf.
I-B-3-c).
Ces conclusions ne portent évidem
ment que sur la part d’activité économ
ique
rattachée à la France. Il ne peut être exclu que des entreprises multinationales ne
localisent artificiellement leurs profits dans d’autres territoires, ce qui relève davantage
des outils de lutte contre l’évasion fiscale et l’optimisation agressive que de l’application
d’un taux d’imposition différencié justifié par une présomption irréfragable d’évasion.
Conseil des prélèvements obligatoires
Les différences d'imposition sur les bénéfices entre PME et grandes entreprises - juin 2023
LES DIFFERENCES D’IM
POSITION SUR LES BÉNÉFICES ENTRE PME ET GRANDES ENTREPRISES 51
En revanche,
l’existence d’un taux réduit incite à des stratégies d’évitement
de l’impôt
: le graphique ci-dessous met en évidence un effet de seuil très visible dans
la distribution des entreprises selon le montant de leur bénéfice, au niveau du taux réduit
d’imposition pour les PME. Ceci suggère de façon manifeste l’existence de pratiques de
« pilotage
» du résultat imposable, voire d’organisation d
e groupes en entités de petite
taille pouvant afficher un chiffre d’affaires et un bénéfice inférieurs au seuil d’imposition
à 15
%. Par ailleurs, l’existence d’un taux réduit peut influer sur l’arbitrage entre
imposition sur le revenu et imposition sur les sociétés pour les petits entrepreneurs.
Graphique n° 5 :
Distorsion de la distribution du résultat imposable induite par le
taux réduit d'imposition
Source : Fichiers LIFI 2012 et Esane 2012 (fichiers amont de FARE), Insee. Montants en milliers
d’euros.
Champ :
Unités légales ou groupes fiscaux intégrés redevables de l’IS, dont le chiffre d'affaires est
inférieur à 7,63 million d'euros, non contrôlées par une personne morale (ces critères sont proches des
critères d'éligibilité au taux réduit d'IS).
Note du CPO : «
Quel taux pour l’impôt sur les sociétés en
France ? », février 2021
En 2014, 670 000 petites et moyennes entreprises bénéficiaient du taux réduit de 15 %),
pour un coût global de 2,6
Md€
66
.
Les arguments généralement avancés en faveur d’un
taux réduit pour les PME sont essentiellement les suivants :
-
soutenir le financement parfois difficile de ces entreprises en renforçant leurs
fonds propres
: c’était l’objectif affiché par le législateur français lors de
66
Source : Voies et moyens Tome II
Annexe au projet de loi de finances pour 2016.
0
10
20
30
40
IS versé
0
5000
10000
15000
20
38
60
80
100
120
140
Résultat comptable avant impôt
Nombre de redevables
IS versé (médiane)
Conseil des prélèvements obligatoires
Les différences d'imposition sur les bénéfices entre PME et grandes entreprises - juin 2023
52
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
l’instauration, dans la loi de finances pour 20
01
67
, de ce dispositif
68
. La baisse
de l’IS est en effet une façon de réduire le coût des capitaux propres, les
bénéfices réinvestis dans l'entreprise n’étant pas, contrairement aux intérêts de
la dette, déductibles du bénéfice imposable
69
. Toutefois, le reco
urs à l’outil
fiscal n’apparaît pas le plus adapté pour soutenir l’accès au financement des
entreprises dans la mesure où il ne permet pas une action ciblée contrairement à
des dispositifs de soutien direct comme les apports en capitaux, prêts et garanties
désormais offerts par Bpifrance
70
. Par ailleurs, comme le montrent les études
disponibles, le régime de taux réduit a certes permis de réduire le montant d’IS
payé par un nombre important d’entreprises de petite taille, mais n’a pas favorisé
l’émergence d’
entreprises de taille intermédiaire capables de se développer
internationalement
71
;
-
prendre en compte la capacité contributive particulière et les charges des plus
petites entreprises
. C’est l’argument avancé dans les annexes au projet de loi de
finances p
our 2016 pour justifier le maintien d’un taux réduit pour une fraction
des bénéfices des PME. Or le postulat d’une moindre rentabilité des petites
entreprises n’est pas fondé. Quand bien même il existerait un différentiel de
profitabilité entre entreprises
selon leur taille, l’invocation de différences de
« capacité contributive
» pour fonder l’application de taux différenciés apparaît
peu pertinente dans la mesure où la matière imposée, le bénéfice, qui résulte de
la différence entre les produits et les charges, intègre déjà cette notion. La
situation est différente pour l’imposition sur le revenu des personnes physiques,
qui porte sur le revenu global et n’intègre que partiellement les charges
supportées, ce qui peut justifier une différenciation des taux applicables.
Aucun argument ne plaide donc aujourd’hui pour une augmentation de l’écart de taxation
des bénéfices entre les PME et les autres entreprises.
En définitive, le CPO recommande de poursuivre la stratégie visant à rapprocher
le taux nominal
français de la moyenne de l’OCDE ou de la zone euro, qui
s’établissent aujourd’hui à un niveau proche de 25%. Pour les PME, il ne paraît
pas souhaitable d’augmenter l’écart de taux de taxation des bénéfices avec les
autres entreprises, mais il conviendrait
d’encourager d’autres dispositifs plus
efficaces -
fonds d’investissement en fonds propres ou en prêts gérés pour le compte
de l’État par Bpifrance notamment
- pour aider ces dernières à investir ou à
renforcer leurs fonds propres.
67
Article 7 de la loi n°2000-1352 du 30 décembre 2000 de finances pour 2001.
68
Cf. exposé des motifs du projet de loi
69
Le taux réduit d'impôt sur les sociétés pour les PME, Trésor-Eco, novembre 2007 : « le taux réduit
d'IS doit permettre [aux TPE et PME] d'améliorer leurs capitaux propres et de consolider leur structure
de bilan, et donc de leur faciliter in fine l'accès au crédit bancaire ».
70
Les investissements en capital de Bpifrance représentaient 1,4
Md€ en 2014, et le montant des crédits
ban
caires garantis s’élevait à 7,8
Md€ la même année. Source
: rapport annuel de Bpifrance, 2015.
71
Sources :
Le taux réduit d'impôt sur les sociétés pour les PME
, S. Raspiller, 2007, Lettre Trésor-Éco
n° 23 ; « Entreprises et « niches » fiscales et sociales, CPO, 2010.
Conseil des prélèvements obligatoires
Les différences d'imposition sur les bénéfices entre PME et grandes entreprises - juin 2023
LES DIFFERENCES D’IM
POSITION SUR LES BÉNÉFICES ENTRE PME ET GRANDES ENTREPRISES 53
Annexe n° 3 : prise de position antérieure du CPO sur le crédit
d’impôt recherche
Rapport du CPO : « Redistribution, innovation, lutte contre le
changement climatique : trois enjeux fiscaux majeurs en sortie
de crise sanitaire », février 2022
En présence de défaillances de marché, la fiscalité permet de favoriser
l’innovation
par plusieurs canaux
L’intervention publique en faveur de l’innovation est justifiée par l’existence
d’externalités
qui correspondent à des défaillances de marché
. À titre d’exemple, la
protection intellec
tuelle qui est nécessaire pour inciter à l’innovation retarde
la pleine
appropriation des rendements de l
innovation
72
. Ce mécanisme conduit certaines
entreprises à adopter un comportement de « passager clandestin » et à innover en imitant
leurs concurrents au lieu d
investir elles-mêmes dans des activités innovantes. Par
ailleurs, des asymétries d’information peuvent entraîner un rationnement des
financements de l’innovation. L
es activités de recherche, développement et innovation
privées sont en général procycliques, faisant partie des dépenses les plus affectées dans
les phases de récession, sans pour autant rebondir dans les mêmes proportions en phase
de reprise
73
. Enfin certaines défaillances sont de nature systémique, liées à des défauts
d’interaction entre les acteurs du système d’innovation.
Les aides à l’innovation sont habituellement classées en deux catégories, les
aides directes telles que les subventions et les aides indirectes telles que les incitations
fiscales. Le principal avantage des incitations fiscales réside dans leur plus grande
« neutralité
», laissant aux entreprises le soin d’allouer elles
-mêmes les fonds aux projets
qui leur semblent les plus appropriés. Elles présentent aussi des inconvénients,
notamment
l’absence de pilotage, la diff
iculté de ciblage,
le risque d’effet d’aubaine et
de « re-labellisation » de dépenses de
R&D. Il n’existe pas
a priori
de répartition
optimale entre aides directes et indirectes en faveur de l’innovation
. L
es pays de l’OCDE
présentent ainsi des profils variés.
On peut schématiquement distinguer six canaux principaux à travers lesquels se
transmettent les effets des incitations fiscales en faveur de l’innovation
74
:
-
la quantité et la qualité d’innovation
c’est le cas pour le CIR
qui vise à
accroître les dépenses de R&D des entreprises ;
-
la localisation géographique des activités d’innovation, au plan international
comme national
c’était le cas pour les exonérations prévues en faveur des
entreprises des pôles de compétitivité ;
72
P. Romer, 1990, «
Endogenous technological change
», Journal of Political Economy ; P. Aghion
et
al.
, 1992, «
A Model of Growth Through Creative Destruction
», Econometrica.
73
Gadi Barlevy, 2007, «
On the Cyclicality of Research and Development
», American Economic
Review, vol. 97-4.
74
Ufuk Akcigit et Stefanie Stantcheva, 2020, « Taxation and innovation, what do we know? », National
bureau of economic research, Working paper 27109.
Conseil des prélèvements obligatoires
Les différences d'imposition sur les bénéfices entre PME et grandes entreprises - juin 2023
54
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
-
la prise en compte du cycle
de vie et de l’âge des entreprises
c’est le cas du
dispositif Jeunes entreprises innovantes (JEI)
, ouvert aux entreprises jusqu’à
huit ans après leur création ;
-
le niveau de formation
par exemple le volet « Jeunes docteurs » du CIR ;
-
le financement de l’innovation –
c’est le cas du volet
« désintermédié » de
l’avantage fiscal IR
-
PME pour l’investissement via les fonds communs de
placement pour l’innovation (FCPI)
;
-
la répartition entre recherche fondamentale et appliquée et l’orientati
on
sectorielle de la recherche.
A cet égard
, les travaux de l’OCDE
75
indiquent que dans l’ensemble, les
incitations fiscales en faveur de la R&D sont mieux à même de favoriser les activités de
développement expérimental des entreprises, tandis que le financement public direct
semble mieux stimuler la recherche fondamentale qui, bien qu’orientée vers des
applications ultimes, reste malgré tout plus éloignée du marché
76
.
Le CIR est un instrument perfectible
Une efficacité limitée en termes de développement de la R&D privée
Les évaluations du CIR menées sous l’égide de la Commission nationale
d’évaluation des politiques de l’innovation (CNEPI) concluent à une efficacité globale
limitée du dispositif.
Elles soulignent
77
tout
d’abord
certains effets positifs du dispositif. Ainsi, le CIR
conduit les entreprises à accroître leur niveau de dépenses de R&D d’un montant à peu
près équivalent à la dépense fiscale additionnelle, soit un effet d’entraînement autour
de
1. Cependant, les études empiriques menées par l’OCDE p
récisent que cet effet
d’entra
înement serait plus important pour les petites et moyennes entreprises (PME) que
pour les grands groupes
78
.
Selon ces mêmes évaluations
79
, la réforme de 2008 du CIR a eu des effets
positifs sur les variables d’innovation (comme
l’emploi d’ingénieurs et le dépôt de
brevets) et les variables d’activité (comme la croissance de l’investissement ou du chiffre
d’affaires) qui ne concernent que les PME.
En revanche, les données disponibles montrent que les effets du CIR n’ont pas
été suffisants pour inverser
la perte d’attractivité du territoire français
concernant la
localisation de la R&D des multinationales étrangères
80
.
75
OCDE, septembre 2020, Note sur les politiques STI, «
Qu’en
est-
il de l’efficacité des incitations
fiscales en faveur de la R&D ? ».
76
OCDE, 2020, «
The effects of R&D tax incentives and their role in the innovation policy mix:
Findings from the OECD microBeRD project, 2016-19
».
77
CNEPI, 2019, «
L’impact du crédit
impôt recherche ».
78
OCDE, 2020, « Qu’en est
-
il de l’efficacité des incitations fiscales en faveur de la R&D ? Nouveaux
éléments issus du projet microBeRD de l’OCDE »
: l’effet d’entrainement des crédits d’impôt en faveur
de la dépense de R&D est de 0,4 pour les grandes entreprises, de 1 pour les moyennes entreprises et de
1,4 pour les petites entreprises.
79
L. Bach et al., 2021, « Les impacts du crédit d’impôt recherche sur la performance économique des
entreprises », Rapport IPP n° 33.
80
S. Lhuillery et al. (2021) « La R&D des groupes français et le CIR », Document de travail NEOMA
BS.
Conseil des prélèvements obligatoires
Les différences d'imposition sur les bénéfices entre PME et grandes entreprises - juin 2023
LES DIFFERENCES D’IM
POSITION SUR LES BÉNÉFICES ENTRE PME ET GRANDES ENTREPRISES 55
Graphique n° 6 :
R&D réalisée à l’étranger par les filiales étrangères des groupes
américains, par région et par pays sélectionnés (en millions de dollars américains
2010)
Source : EU Industrial R&D Investment Scoreboard, étude NEOMA-BS 2021.
Sur la période 2000-2016, on observe que le poids des groupes étrangers dans
la R&D des entreprises en France a baissé de 2 points, tendance appuyées par le fait que
la hausse de la R&D des entreprises étrangères en France est plus faible que dans le reste
du monde pour ces mêmes groupes. Le renforcement du CIR en 2008 ne semble donc
pas avoir empêché la perte d
attractivité de la France en termes de localisation de la R&D
des groupes étrangers. Les groupes américains ont par exemple bien davantage investi
en R&D dans d
autres pays européens, notamment en Allemagne, où les coûts de la R&D
sont pourtant plus élevés. Le derni
er exemple en date est l’implantation de l’usine Tesla
de batteries à Berlin, les arguments clés ayant été la souplesse des procédures
d’implantation et la qualité de l’ingénierie allemande.
De même, si les entreprises multinationales françaises ont accru leurs dépenses
de R&D au cours des deux dernières décennies, elles l’ont fait à un rythme moins soutenu
que celles des principaux pays de l’OCDE.
Conseil des prélèvements obligatoires
Les différences d'imposition sur les bénéfices entre PME et grandes entreprises - juin 2023
56
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
Graphique n° 7 :
Evolution des montants de R&D dépensés par les groupes qui
investissent le plus en R&D, par pays (base 100 en 2005)
Source : EU Industrial R&D Investment Scoreboard, étude NEOMA-BS 2021.
L’effet d’entraînement des incitations fiscales à la R&D s’avère plus fort pour
les PME que pour les entreprises de plus grande taille
81
. Ainsi, selon l’OCDE, pour
c
haque euro d’aide fiscale reçue, les petites entreprises (moins de 50
salariés)
investissent plus de 1,4
€ dans la R&D, les moyennes entreprises (5 à 249
salariés) 1
et les grandes entreprises (250 salariés ou plus) seulement 0,4
€, ce qui, selon l’étude
,
met en évidence le fait que les plus petites entreprises réalisent en moyenne moins de
R&D
82
. Ces résultats expliquent pourquoi plusieurs pays ont mis en place des
mécanismes de plafonnement pour limiter la générosité des dispositifs.
Selon cette étude de l
’OCDE
,
la France affiche le ratio d’apport différentiel le plus
faible (0.34), ce qui s’explique, du moins en partie, par le niveau relativement élevé des
dépenses de R&D d’une entreprise moyenne dans l’échantillon utilisé pour l’estimation.
Pour les aux
entreprises affichant un faible niveau initial d’investissement dans la R
-D
(moitié inférieure de la distribution de la R-D), on obtient un ratio proche de 1. Au total,
en France, les aides fiscales à la R&D se traduisent par un surcroît de dépenses de R&D
relativement plus faible que pour les pays de taille comparable, dans lesquels l’aide
fiscale est moins généreuse et ciblée en général sur les entreprises de taille modeste.
(cf. graphique 18
)
.
81
Castellacci and Lie, 2015, « Do the effects of R&D tax credits vary across industries? A meta-
regression analysis » ; Dechezleprêtre
et al.
, 2016, « Do tax incentives for research increase firm
innovation? An RD design for R&D » ; OCDE 2020.
82
OCDE, 2020. L’étude précise que «
ces disparités disparaissent dès lors que les dépenses initiales de
R&D réalisées par chaque entreprise sont prises en compte dans l’analyse. Il y a
lieu d’en conclure que
si les incitations fiscales à la R-
D stimulent l’activité de R
-
D des petites entreprises, ce n’est pas
seulement en raison de leur taille, mais aussi parce qu’elles sont généralement moins actives dans ce
domaine.
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Les différences d'imposition sur les bénéfices entre PME et grandes entreprises - juin 2023
LES DIFFERENCES D’IM
POSITION SUR LES BÉNÉFICES ENTRE PME ET GRANDES ENTREPRISES 57
Graphique n° 8 :
Capacité des incitations fiscales en faveur de la R&D et des aides
directes à stimuler la R&D des entreprises
Source : OCDE, 2020, « The effects of R&D tax incentives and their role in the innovation policy
mix: Findings from the OCD microBeRD project, 2016-19 ».
L’OCDE indique également que les incitations fi
scales à la dépense de R&D sont
plus efficaces sur les entreprises qui effectuent peu de R&D que sur celles qui en
effectuent beaucoup. Elle recommande, en conséquence, de plafonner les dispositifs tels
que les crédits d’impôt
83
.
Ces études appellent toutefois des analyses complémentaires, parfois rendues
difficiles par l’absence ou l’imprécision des données disponibles
:
-
e
lles assimilent fréquemment recherche et innovation, alors qu’il s’agit
d’activités distinctes, même si elles sont complémentaires
;
-
l’étude sur l’efficacité comparée entre grandes et petites entreprises ne se fonde
que sur les effets multiplicateurs et ne comporte pas d’analyse relative à
l’efficacité des innovations et recherches financées
;
-
dans une économie de plus en plus tournée vers les services, la notion
d’innovation évolue, avec notamment le poids croissant du digital.
Un dispositif qui demeure complexe malgré des améliorations récentes
Certaines modalités du périmètre et de l’assiette du CIR
apparaissent complexes
et ne sont pas toujours efficaces :
83
ODE, 2020, ibid : «
l’analyse transnationale conclut à un effet d’entraînement limité parmi les
entreprises des secteurs à forte intensité de R&D (industrie pharmaceutique, fabrication d’ordinateurs,
R&D scientifique, secteurs associés à un ratio d’apport différentiel de
0.3) par comparaison avec les
secteurs à moindre intensité de R&D (ratio d’apport différentiel de 1.1). Il y a donc tout lieu de penser
que l’effet d’entraînement des incitations fiscales en faveur de la R&D sera plus important si elles
plafonnent le monta
nt des dépenses de R&D ou réduisent le taux du crédit ou de l’allègement d’impôt
sur la R&D dès qu’un certain seuil est atteint
»
.
Conseil des prélèvements obligatoires
Les différences d'imposition sur les bénéfices entre PME et grandes entreprises - juin 2023
58
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
-
l’inclusion dans l’assiette du CIR des dépenses relatives aux brevets, à la veille
technologique et à la normalisation est redondante avec l’existence de
dispositifs budgétaires aux objectifs équivalents ciblés sur les PME ;
-
le doubleme
nt de l’assiette des dépenses relatives à l’embauche de jeunes
docteurs, outre qu’il aboutit à ce que le montant du crédit d’impôt excède la
rémunération du docteur, n’incite pas à l’embauche de doctorants selon une
évaluation récente menée par la CNEPI
84
;
-
l’inclusion d’un forfait pour les dépenses de fonctionnement
a suscité des
interrogations sur sa conformité au droit européen, motif qui a conduit à la
suppression à compter de 2022 du doublement de l’assiette pour la sous
-
traitance à un organisme de recherche public.
Le contrôle fiscal du CIR est quant à lui en voie d’amélioration. Le taux de
couverture des contrôles apparaît suffisant et le suivi des contrôles sera plus fin avec le
déploiement du système d’information PILAT.
L’amélioration du suivi des
contrôles par la DGFIP
L
application Alpage,
système d’information (SI)
utilisé par l
administration fiscale, ne
permet pas aujourd
hui de quantifier le nombre de contrôles comportant l
examen du
CIR. La mise en place du SI PILAT va permettre de suivre les motifs de contrôle
jusqu
au recouvrement des droits et pénalités.
Le module PILOT-CF sera accessible à compter de mai 2022. Il sera ensuite
progressivement
enrichi
et
reprendra
complètement
Alpage
à
compter
de
décembre 2023.
Le CIR est désormais un élément de programmation des contrôles pour
l’administration fiscale, compte tenu de son impact budgétaire important et de la
constatation de fraudes significatives liées à certaines situations récurrentes. La
coordination des contrôles entre la DGFiP et les experts du MESRI va être révisée pour
les rendre plus cohérents.
L’évaluation du crédit d’impôt innovation (CII)
85
fait, quant à elle, ressortir des
effets positifs pour les entreprises bénéficiaires, sans toutefois qu’un lien de causalité
puisse être attribué
au dispositif. Enfin, l’intégration du crédit d’impôt collection
(CIC)
au sein du CIR ne possède pas de justification économique ou fiscale, les dépenses
d’élaboration d’une nouvelle collection ne présentant pas d’externalité positive et le
ciblage d’un seul secteur d’activité allant à l’encontre de la logique générale du CIR.
En définitive, les résultats nuancés du CIR plaident pour une réflexion sur la
place qu’il occupe dans la politique française de soutien à l’innovation.
84
B. Bernela, L. Bonnal, C. Bonnard, J. Calmand, J.F. Giret (resp. scientifique), 2018, « Une évaluation
des effets du dispositif Jeunes Docteurs sur l’accès aux emplois de R&D ».
85
INSEE, Simon Bunel et Benjamin Hadjibeyli, 2019, « Évaluation du crédit d’impôt innovation »,
documents de travail.
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LES DIFFERENCES D’IM
POSITION SUR LES BÉNÉFICES ENTRE PME ET GRANDES ENTREPRISES 59
Plusieurs scénarios
d’évolution du CIR sont de nature à améliorer son
efficience
Trois scénarios d’évolution du CIR
Principal instrument du système d’aides fiscales à l’innovation, le CIR est aussi celui
dont la réforme est la plus discutée, pour des raisons à la fois économiques (le CIR est
un dispositif favorisant la compétitivité fiscale de la France dans un contexte
d’imposition élevée des entreprises) et budgétaires (le coût du CIR apparaît élevé,
notamment au regard des crédits accordés à la recherche publique). Parmi les solutions
les plus souvent évoquées, on peut distinguer deux familles de scénarios qui s’appuient
sur les résultats des différentes évaluations :
-
un premier scénario
consisterait à recentrer le CIR sur les PME et les entreprises de
taille intermédiaire (ETI), afin de concentrer la créance fiscale là où les évaluations
soulignent qu’elle est la plus efficace
.
La mise en œuvre de ce scénario peut se décliner
sous la forme de plusieurs options,
en fonction de l’objectif
principal recherché
(cf. tableau n° 7).
Tableau n° 1 : M
odalités de mise en œuvre d’un CIR davantage centré sur les PME et
les ETI
Modalités
Observations
Option (a)
Suppression du taux de 5 % et
abaissement du plafond de
dépenses de 100
M€ à 20
M€,
avec un taux à 30 % inchangé
Ce scénario entraîne une recette fiscale
supplémentaire de l’ordre de 1,6
Md€, qui
pourrait être, en partie réorientée vers le
financement des aides directes à l’innovation
ou vers la recherche publique
Option (b)
Suppression du taux de 5 % et
abaissement du plafond de
dépenses de 100
M€ à 20
M€,
avec un taux augmenté à 40 %
Ce scénario permet de renforcer l’aide fiscale
accordée aux PME à coût inchangé
Option (c)
Suppression du plafond de
100
M€ et du taux de 5
% et
introduction de trois taux :
40 % pour les PME
25 % pour les ETI
10
%
pour
les
grandes
entreprises.
Ce scénario permet de renforcer l’aide fiscale
accordée aux PME à coût inchangé mais risque
d’entra
î
ner des effets de seuil, lorsqu’une PME
devient une ETI par exemple.
Source : CPO
Ces variantes entraînent des variations différentes de la créance de CIR et de la
répartition de cette créance par catégorie d’entreprises, comme l’illustre le tableau
n° 7.
Les options (a) et (b) ne différencient pas l’accès au dispositif en fonction de la taille de
l’entreprise, à la différence de l’option
(c), dont il faut toutefois souligner
qu’elle est
fragilisée par sa compatibilité problématique avec le droit européen ;
-
un deuxième scénario
maintiendrait la configuration actuelle du CIR et se contenterait
de proposer une rationalisation des éléments les moins efficients de son assiette :
suppression du doublement de l’assiette pour les jeunes docteurs
; exclusion des
dépenses de veille technologique, gestion des brevets et normalisation ; suppression des
dépenses de fonctionnement
; suppression du crédit d’impôt collection
;
-
un troisième scénario
serait celui d’un «
CIR vert », incitant aux dépenses de
recherche dans le domaine de l’environnement. Si l’innovation est essentielle à la
transition écologique, la mise en pl
ace d’un «
CIR vert » devrait surmonter au préalable
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60
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
trois difficultés : la définition de ce qui relève de la R&D verte, même si la taxonomie
européenne des activités vertes ou durables facilitera les arbitrages ; la vérification de la
compatibilité de cet
instrument avec le droit européen des aides d’État
; l’adaptation du
contrôle fiscal afin d’intégrer cette dimension nouvelle.
Il s’y ajoute des obstacles
propres au poids des investissements antérieurs dans la R&D « grise »86 et aux effets
d’apprentissage
et de réseaux.
Ces obstacles soulignés par la théorie économique expliquent la faible croissance
de la R&D « verte
» en France. Selon les chiffres de l’enquête annuelle R&D réalisée
par le MESRI
87
, qui la définit comme la recherche sur « la protection de
l’air ambiant et
du climat, la protection de l’eau, la gestion des déchets, la protection des sols et des eaux
souterraines, la réduction du bruit et des vibrations, la protection des espèces et des
habitats et la protection contre les rayonnements »
88
, elle ne représentait que 11 % de la
dépense intérieure de recherche en France en 2018, en faible progression depuis 2005
(5 %) et 2014 (8 %).
En définitive, même si la mise en œuvre d’un «
CIR vert » apparaît difficile à
court terme, il apparaît souhaitable
d’en analyser la faisabilité.
Un impact budgétaire variable en fonction des options retenues
Les développements ci-dessus montrent que seuls les deux premiers scénarios
(plafonnement plus strict du CIR et rationalisation des dépenses éligibles) sont
praticables à court-moyen terme, et que la faisabilité du troisième (CIR vert) devrait être
analysée.
L’impact budgétaire
de ces deux scénarios est résumé dans les tableaux n° 8 et
n° 9.
Tableau n° 2 :
Impact budgétaire des différentes modalités de mise en œuvre du
scénario
par rapport à la référence (en M€)
Référence
Option a
Option b
Option c
Créance totale
6 410
4 820
6 420
6 400
Créance pour les PME
2 110
2 070
2 740
2 810
Créance pour les ETI
2 130
1 650
2 200
2 000
Créance
pour
les
grandes
entreprises
(calcul de la créance au niveau des
groupes économiques)
2 170
1 100
1 470
1 590
Source : CPO
86
Cf. Aghion et al., 2012, « Crise et croissance : une stratégie pour la France
». C’est ce qu’on appelle
le phénomène de dépendance au sentier selon lequel les conditions initiales et les antécédents
historiques influencent les décisions immédiates et futures.
87
L’enquête
demande aux entreprises de ventiler leurs dépenses en R&D entre plusieurs postes :
l’informatique et développement de logiciels, les biotechnologies, la protection de l’environnement, les
nouveaux matériaux et les sciences humaines et sociales (SHS).
88
En sont exclues les activités qui ont trait à la gestion des ressources naturelles.
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Tableau n° 3 : Impact budgétaire des pistes de rationalisation du CIR
Modifications
Économie
budgétaire
Calcul au niveau du groupe plutôt qu’au niveau des filiales, avec comme critère
95 %
de détention
470
M€
Calcul au niveau du groupe plutôt qu’au niveau des filiales, avec comme critère 50%
de détention
960 M€
Suppression de la sous-traitance privée
-50
M€
Suppression du doublement de l’assiette pour les jeunes docteurs
90
M€
Exclusion des dépenses de veille technologique, gestion des brevets et normalisation
250
M€
Suppression des dépenses de fonctionnement, sans compensation
1 670
M€
Suppression des dépenses de fonctionnement, compensée avec un taux à 40 %
110M€
Suppression du crédit d’impôt collection
40
M€
Source : CPO
S’agissant du premier scénario (tableau n° 8), seule l’option (a) entraînerait une
baisse du coût du dispositif (-
1,6 Md€), centrée sur les grandes entreprises qui
contribueraient à cette baisse
pour près d’1 Md€. Le scénario de rationalisation, quant à
lui, pourrait conduire, selon les modalités retenues, à une réduction du coût du CIR
pouvant aller jusqu’à 3 Md€, même si la faisabilité de cette rationalisation apparaît
sujette à caution, tant les éléments concernés par une éventuelle suppression sont
susceptibles de déséquilibrer certaines situations faisant l’objet d’une attention soutenue,
comme l’embauche des jeunes docteurs ou les dépenses de veille technologique ou de
gestion des brevets.
E
n définitive, la piste d’un plafonnement
progressif plus strict du CIR est
privilégiée par le CPO, pour les raisons suivantes :
-
le contexte de baisse du taux nominal de l’IS qui réduit d’ores et déjà l’intensité
de cette incitation fiscale ;
-
le fait que to
us les pays de l’OCDE ayant mis en place un CIR aient opté pour
un plafonnement nettement plus faible que celui en vigueur dans notre pays (4
M€ en Allemagne, par exemple)
;
-
le souci de privilégier la stabilité des incitations et de ne pas dénaturer un
dis
positif qui reste, malgré son efficacité limitée, un élément d’attractivité
fiscale pour notre pays.
Ce scénario devrait s’accompagner d’une adaptation des règles relatives aux aides d’Etat,
notamment le règlement UE n° 1407-2013 dit
de minimis
89
, afin de permettre à
l’ensemble des acteurs de participer à l’effort de recherche et d’innovation.
89
Ce règlement européen plafonne à 200.000 € sur une période de 3 ans les aides publiques versées aux
entreprises et non soumises à une autorisation préalable de la Commission européenne. Il est en vigueur
jusqu’au 31 décembre 2023.
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