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FINANCES ET COMPTES PUBLICS
LA SITUATION
ET LES PERSPECTIVES
DES FINANCES
PUBLIQUES
Synthèse
Juin 2023
2
Synthèse du rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques
g
AVERTISSEMENT
Cette synthèse est destinée à faciliter la lecture et l’utilisation du
rapport de la Cour des comptes.
Seul le rapport engage la Cour des comptes.
La réponse commune du ministre de l’économie, des finances
et de la souveraineté industrielle et numérique et du ministre
délégué chargé des comptes publics figure en annexe du rapport
.
3
Synthèse du rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques
Sommaire
Introduction
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .5
1
Un déficit toujours très élevé en 2022
7
2
En 2023, des incertitudes économiques fortes
et un déficit qui repartirait à la hausse
9
3
Ramener le déficit à moins de 3 % du PIB en 2027 :
un objectif atteignable, au prix d’un effort substantiel
sur la dépense publique
11
4
Une indispensable revue des dépenses publiques
au périmètre large, axée sur la qualité et les résultats .
13
5
Dans le cadre de sa mission d’assistance au Parlement, la Cour des comptes
publie chaque année, en application de l’article 58-3° de la loi organique relative
aux lois de finances (Lolf), un rapport sur la situation et les perspectives des
finances publiques .
Celui-ci examine d’abord les résultats de l’exercice 2022, qui aurait dû être une
année de normalisation au sortir de la crise pandémique, mais a été marquée
par un net fléchissement de la croissance et une forte inflation, conduisant
à une nouvelle salve de mesures de soutien pour atténuer les effets des prix
élevés de l’énergie sur les ménages et les entreprises . Ces mesures, ajoutées à la
dynamique générale des dépenses, expliquent que le déficit public soit resté très
élevé malgré des recettes elles aussi en forte progression (chapitre I) .
Le rapport présente également la situation et les objectifs de finances publiques
pour 2023, tels qu’ils ressortent des textes financiers de l’année et du programme
de stabilité publié par le Gouvernement le 26 avril dernier (chapitre II) . Il analyse
ensuite la trajectoire de finances publiques du programme de stabilité sur la
période 2023-2027, qui prévoit un retour du déficit sous les 3 points de PIB à
cet horizon, à la faveur d’un scénario macroéconomique que la Cour estime
optimiste et d’un effort inédit de maîtrise de la dépense publique pendant
quatre années (chapitre III) .
La Cour propose enfin une contribution transversale à l’exercice des revues de
dépense mis en place par le Gouvernement pour soutenir cet effort . Centrée sur
la qualité de la dépense, cette contribution propose une grille d’analyse illustrée
par de nombreux travaux récents des juridictions financières et débouche sur
plusieurs orientations opérationnelles (chapitre IV) . En complément de ce
chapitre, la Cour des comptes publiera, début juillet, neuf notes thématiques qui
analysent l’évolution des dépenses et leur qualité dans plusieurs champs (les
dépenses fiscales ; les aides aux entreprises en fin de crise ; la contribution de la
dépense publique à la transition écologique ; l’éducation ; les forces de sécurité
intérieures ; les relations financières entre l’État et les collectivités territoriales ;
la formation professionnelle et l’alternance ; le logement ; les soins de ville) .
Introduction
Synthèse du rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques
7
Synthèse du rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques
L’année 2022 devait marquer le retour à
la normale après la crise liée à l’épidémie
de covid 19 .Toutefois,le renchérissement
des prix de l’énergie, exacerbé par le
déclenchement de la guerre en Ukraine,
en a décidé autrement . L’inflation a
atteint des niveaux qu’elle n’avait plus
connus depuis le début des années 1980
et l’activité économique a fortement
ralenti .
1
Un déficit toujours très élevé
en 2022
Inflation totale, inflation sous-jacente et inflation énergétique (en %)
-
10
0
10
20
30
40
-
2
0
2
4
6
8
2021-01
2021-02
2021-03
2021-04
2021-05
2021-06
2021-07
2021-08
2021-09
2021-10
2021-11
2021-12
2022-01
2022-02
2022-03
2022-04
2022-05
2022-06
2022-07
2022-08
2022-09
2022-10
2022-11
2022-12
2023-01
2023-02
2023-03
2023-04
Inflation totale
Inflation sous-jacente
Inflation énergie (échelle de droite)
Source : Insee
Pour atténuer les effets négatifs du
renchérissement des prix de l’énergie
sur les ménages et les entreprises, le
Gouvernement a mis en place plusieurs
mesures, comme les boucliers tarifaires
et la « prime à la pompe », qui ont pesé
fortement sur le déficit . Celui-ci est
resté en 2022 à un niveau très élevé, à
4,7 points de produit intérieur brut (PIB) .
Les finances publiques ont pourtant
bénéficié en 2022 de deux facteurs
favorables
:
d’une
part,
le
repli
marqué des mesures de soutien et de
relance, de près de 50 Md€ ; d’autre
part, comme en 2021, un dynamisme
spontané exceptionnel des recettes
publiques, qui a porté le taux de
prélèvements obligatoires à son plus
haut niveau historique alors même
que, sur les cinq dernières années, les
diverses mesures de baisse d’impôts
ont représenté plus de 50 Md€ .
8
Synthèse du rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques
Un déficit toujours très élevé en 2022
30
32
34
36
38
40
42
44
46
1959
1962
1965
1968
1971
1974
1977
1980
1983
1986
1989
1992
1995
1998
2001
2004
2007
2010
2013
2016
2019
2022
Évolution du taux de prélèvements obligatoires
de 1959 à 2022 (en points de PIB)
Source : Insee
La plus grande partie du déficit, à
hauteur de 4 points de PIB, est de
nature structurelle et ne se résorbera
pas du seul fait du redressement de
l’économie . Sa diminution nécessitera
un effort de maîtrise de la dépense
d’autant plus important que l’année
2022 a marqué un retournement
probablement durable des charges
d’intérêts, qui ont augmenté de près
de 15 Md€, en lien avec l’inflation .
Conséquence
du
déficit
élevé,
la
dette publique, à 111,8 points de PIB,
reste très supérieure à son niveau
de 2019, à hauteur de 14,4 points
de
PIB
supplémentaires,
passant
de 2 375 Md€ en 2019 à 2 950 Md€
en 2022, soit une augmentation de
575 Md€ en trois ans .
9
Synthèse du rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques
Malgré un hiver qui s’est déroulé sans
difficulté d’approvisionnement en gaz,
et alors que les prix de l’énergie ont
fortement diminué en début d’année,
2023 reste marquée par de nombreuses
incertitudes tant du point de vue
géopolitique que sur le front de l’énergie,
voire du système bancaire après les
difficultés rencontrées aux États-Unis
et en Suisse . Dans cet environnement,
selon le programme de stabilité, la
croissance atteindrait 1 % en 2023 et
l’inflation resterait proche de 5 % .
Les
recettes
publiques
devraient
bénéficier de la forte croissance en
valeur de l’activité même si elles
devraient
progresser
moins
vite
que celle-ci, avec des progressions
de respectivement 4,3 et 6,5 % .
Les
mesures
discrétionnaires
de
baisse d’impôt, dont la suppression
de la dernière tranche de la taxe
d’habitation et la première étape de
celle de la CVAE, devraient toutefois
en diminuer le montant .
La dépense publique progresserait
moins vite que l’inflation en raison
du repli des dépenses liées à la crise
sanitaire et de relance et malgré
des
mesures
de
soutien
liées
à
l’énergie
toujours
conséquentes .
En
la
corrigeant
des
mesures
exceptionnelles, elle serait quasiment
stable en volume (+ 0,1 %) .
En 2023, des incertitudes
économiques fortes et un déficit
qui repartirait à la hausse
2
Ratio de la dépense publique sur le PIB (en %)
50 %
52 %
54 %
56 %
58 %
60 %
62 %
2010
2011
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
2023
Moyenne 2010-2019
Source : Insee
10
Synthèse du rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques
En 2023, des incertitudes économiques fortes
et un déficit qui repartirait à la hausse
Au total, le déficit attendrait 4,9
points de PIB après 4,7 en 2022 .
Le
déficit
structurel
demeurerait
inchangé à 4 points de PIB et la dette
représenterait 109,6 points de PIB .
- 10
- 9
- 8
- 7
- 6
- 5
- 4
- 3
- 2
- 1
0
2019
2020
2021
2022
2023
Solde effectif
Solde structurel
Soldes effectif et structurel (en points de PIB)
Source : ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique
Les réformes structurelles de l’année
2023,
déjà
engagées
comme
les
réformes de retraite et de l’assurance
chômage ou programmées comme
celle du revenu de solidarité active
(RSA) et de Pôle emploi, n’auraient
donc
qu’un
impact
marginal
sur
l’exercice et verraient leurs effets sur
le déficit et la dette se matérialiser
seulement à moyen terme .
11
Synthèse du rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques
Après la crise sanitaire en 2020 et 2021
et celle des prix de l’énergie en 2022
qui ont propulsé la dette publique a
des niveaux historiques, la période qui
s’ouvre à partir de 2023 doit être mise
à profit pour retrouver des marges de
manœuvre budgétaires et redresser
nos finances publiques .
À cet égard, la trajectoire tracée par
le programme de stabilité 2023-2027
est moins ambitieuse que celle de nos
principaux partenaires de la zone euro,
accentuant la divergence française .
Elle
repose
de
surcroît
sur
des
hypothèses macroéconomiques que la
Cour estime optimistes . Comme pour
le projet de loi de programmation des
finances publiques (PLPFP) présenté à
l’automne dernier, la Cour réitère son
alerte selon laquelle des hypothèses
macroéconomiques trop favorables
conduisent
à
sous-évaluer
l’effort
nécessaire à l’atteinte des objectifs de
finances publiques . Elle appelle donc à
ce que le prochain PLPFP soit construit
sur des hypothèses économiques plus
prudentes, notamment en termes de
croissance potentielle .
Ramener le déficit à moins de 3 %
du PIB en 2027 : un objectif
atteignable, au prix d’un effort
substantiel sur la dépense publique
3
Solde public de huit des principaux pays de la zone euro en 2026
(en points de PIB)
- 3,5
- 3,0
- 2,5
- 2,0
- 1,5
- 1,0
- 0,5
0
France
Belgique
Pays-Bas
Italie
Espagne
Autriche
Allemagne
Portugal
Source : programme de stabilité des différents pays européens
*Le Portugal a un objectif de déficit nul pour 2026.
12
Synthèse du rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques
Ramener le déficit à moins de 3 % du PIB
en 2027 : un objectif atteignable, au prix
d’un effort substantiel sur la dépense publique
L’objectif
inédit
de
maîtrise
de
la
dépense
publique,
avec
une
progression en volume contenue à
0,4 % en moyenne chaque année sur
la période hors charges d’intérêts,
sera d’autant plus difficile à respecter
que
de
nouvelles
dépenses
sont
engagées et qu’il faudra garantir
le
financement
d’investissements
écologiques .
Taux de croissance en volume* de la dépense primaire hors crédits d’impôts
et hors mesures de soutien et de relance (en %)
-1 %
0 %
1 %
2 %
3 %
4 %
5 %
6 %
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
2023
2024
2025
2026
2027
Données passées 1990-2022
Prévision 2023-2027
Moyenne 2023-2027
Moyenne 2010-2019
Moyenne 2000-2009
2,3 %
1,2 %
0,4 %
Source : Insee et ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté
industrielle et numérique
* En utilisant le déflateur du PIB.
La revue de dépenses annoncée par
le Gouvernement peut en constituer
un levier majeur à condition qu’elle
produise des résultats tangibles dès
ses premières éditions en 2023 et
2024 .
13
Synthèse du rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques
De nombreux pays organisent des
revues de dépenses et leur accordent
une place centrale dans la gouvernance
de leurs finances publiques .
En France, la revue des dépenses
mise en place par le Gouvernement
au premier semestre 2023 succède
à quatre générations de démarches
comparables depuis vingt ans  : les
audits de modernisation de l’État sur la
période 2005-2007, la révision générale
des politiques publiques (RGPP) sur les
années 2007-2011, la modernisation
de l’action publique (MAP) de 2012
à 2016 et, en 2017-2018, « Action
publique 2022 » (AP 2022) .
Ces démarches, qui ont à chaque
fois porté sur des périmètres trop
étroits,
limités
pour
l’essentiel
aux dépenses de fonctionnement
courant
de
l’État,
n’ont
abouti
qu’à des résultats modestes . Elles
n’ont pas enrayé la dynamique de
la dépense publique, celle-ci ayant
continûment progressé en France
depuis
cinquante
ans
quel
que
soit l’indicateur utilisé (en valeur,
en volume, en proportion du PIB,
par habitant) . Tous les autres pays
européens, même ceux présentant
des modèles largement socialisés
(Suède,
Danemark,
Finlande,
Allemagne), ont connu des périodes
de reflux de la dépense publique en
phase de croissance de l’activité, ce
qui n’a jamais été durablement le
cas en France .
Une indispensable revue
des dépenses publiques
au périmètre large, axée
sur la qualité et les résultats
4
14
Synthèse du rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques
Une indispensable revue des dépenses
publiques au périmètre large, axée
sur la qualité et les résultats
La nouvelle génération de revues de
dépenses doit en tirer les leçons et
être conçue, dès l’origine, comme un
exercice beaucoup plus ambitieux . En
particulier, elle doit responsabiliser
l’ensemble
des
administrations
publiques,
État,
sécurité
sociale,
collectivités territoriales et opérateurs
publics,
et
porter
sur
l’ensemble
des
dépenses,
quelle
qu’en
soit
la
nature .
Tant
l’investissement
que
le
fonctionnement,
tant
les
dépenses sociales que les dépenses
régaliennes
sont
soumises
à
des
exigences similaires de qualité et de
soutenabilité .
En réponse au paradoxe qui voit la
satisfaction
des
citoyens
vis-à-vis
des services publics fléchir depuis le
début des années 2000 parallèlement
à la croissance de la dépense, la Cour
des comptes a placé la question de la
qualité de cette dernière au cœur de la
présente contribution .
Pour cela, elle a identifié une vingtaine
de
caractéristiques
attachées
aux
trois
étapes
de
conception,
de
déploiement
et
d’évaluation
de
la
dépense –
caractéristiques
qui
peuvent être auditées et faire l’objet
d’une
appréciation
objective .
Ces
caractéristiques sont des exigences
pour toute dépense nouvelle, mais
elles doivent aussi jouer un rôle de
crible vis-à-vis des dépenses existantes
pour
identifier
celles
qui
doivent
être prioritairement supprimées ou
réformées du fait de leur insuffisante
qualité .
Évolution du ratio de dépenses publiques,
en points de PIB
30
35
40
45
50
55
60
65
1959
1961
1963
1965
1967
1969
1971
1973
1975
1977
1979
1981
1983
1985
1987
1989
1991
1993
1995
1997
1999
2001
2003
2005
2007
2009
2011
2013
2015
2017
2019
2021
Moyenne 1964-1974
39,8 pts de PIB
Moyenne 1975-1979
44,9 pts de PIB
Moyenne 1982-1991
51,0 pts de PIB
Moyenne 1992-2008
53,3 pts de PIB
Moyenne 2009-2019
56,6 pts de PIB
Source : Insee, retraitements Cour des comptes
15
Synthèse du rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques
Une indispensable revue des dépenses
publiques au périmètre large, axée
sur la qualité et les résultats
Les exigences de qualité de la dépense
Conception
Identification du problème à résoudre et de la valeur ajoutée d’une réponse publique
Choix étayé du bon levier d’intervention publique (outil règlementaire, régulation
sectorielle, dépense publique etc.)
Existence d’objectifs clairs, hiérarchisés et quantifiés pour tout dispositif générant
une dépense publique
Cohérence avec d’autres outils publics préexistants
Compatibilité avec d’autres politiques publiques, notamment l’impératif climatique
Association des parties prenantes
Qualité et exhaustivité des études d’impact et des évaluations préalables
Déploiement
Rapidité, simplicité, fluidité et traçabilité de la gestion des dépenses, de la décision
au paiement
Clarté et acceptabilité de l’allocation des moyens à leurs bénéficiaires finaux
Rapport entre le coût et l’efficacité du dispositif ou de la dépense
Existence d’un contrôle du paiement à bon droit et le cas échéant de dispositifs de lutte
contre la fraude
Évaluation
Efficacité et efficience, relevant pour partie dans le cas de l’État du volet Performance
des projets de lois de finances
Existence d’une évaluation indépendante de la dépense obéissant à certaines normes et
démarches de prise en compte de ses résultats et recommandations
Bornage dans le temps, clauses de sortie ou de réversibilité, par exemple sous la forme
de l’expérimentation préalable
Source : Cour des comptes
16
Synthèse du rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques
Une indispensable revue des dépenses
publiques au périmètre large, axée
sur la qualité et les résultats
Au titre de la conception des dispositifs
de
dépense,
il
est
aujourd’hui
nécessaire de mieux étayer leur utilité
ou leur valeur ajoutée – à travers
notamment un ciblage plus pertinent –
et
de
leur
assigner
des
objectifs
clairs
et
hiérarchisés 
;
de
veiller
systématiquement à leur cohérence
avec les dispositifs existant au sein
de la société civile, dans les secteurs
économiques ou mis en place par les
collectivités territoriales  ; d’associer
davantage les parties prenantes à leur
préparation, en amont des décisions et
de veiller à leur compatibilité avec les
enjeux et engagements climatiques .
Sous diverses formes, ces prescriptions
sont déjà celles qui s’imposent aux
études d’impact depuis 2009, mais
outre que celles-ci ne s’appliquent
pas à la totalité des textes, elles n’ont
ni enrayé la dynamique des dépenses
publiques, ni sensiblement contribué
à leur qualité . C’est donc une véritable
montée
en
gamme
des
études
d’impact et des évaluations préalables
qui est proposée, avec notamment
une
contre-expertise
indépendante
systématique de ces travaux .
Le déploiement des dispositifs de
dépense, quant à lui, montre que
l’administration
est
capable
de
dépenser rapidement lorsque cela
est
nécessaire,
en
s’appuyant
sur
plusieurs outils de simplification issus
de la révolution digitale . Pour autant,
l’équilibre
doit
être
trouvé
entre
rapidité et contrôle du paiement à bon
droit et lutte contre la fraude . La Cour
estime que ces revues de dépenses
doivent intégrer ces deux dimensions
et être l’occasion d’en moderniser
les mécanismes à travers différentes
avancées concrètes .
Par ailleurs, une fois les crédits votés
par le Parlement, les systèmes de
répartition des moyens entre services,
territoires ou opérateurs (par exemple
entre universités, entre tribunaux, entre
collectivités territoriales) constituent
un enjeu majeur . Ces systèmes ont
trop
souvent
pour
caractéristiques
communes une grande inertie qui
privilégie les dotations historiques et
d’être peu corrélés aux coûts réellement
exposés par leurs bénéficiaires . Là
encore, les revues de dépenses sont
une
opportunité
de
moderniser
ces systèmes en les rendant plus
transparents et davantage orientés
vers la qualité des services et les gains
d’efficience .
Enfin, la Cour observe que le volet
«  performance  » de la loi organique
relative aux lois de finances (Lolf), qui
a favorisé le développement du suivi
des résultats de la dépense, pour utile
qu’il soit, procède d’une vision datée .
Il est nécessaire de franchir une étape
audacieuse
et
d’ouvrir
largement
les
données
publiques,
y
compris
budgétaires, pour que la société civile
(associations, journalistes, laboratoires,
etc .) produise ses propres analyses
de l’efficacité et de l’efficience des
dispositifs publics .
L’évaluation,
en
bout
de
chaîne,
constitue une priorité . Des programmes
pluriannuels d’évaluation portant sur
les principaux blocs de dépenses sont
impératifs, notamment en mobilisant
davantage le monde académique . Il
devrait être désormais systématique
d’inclure dans le dispositif juridique
des nouveaux dispositifs de dépense
une clause d’évaluation, associée à
leur limitation dans le temps, leur
prolongation se faisant sous condition
d’une analyse de leurs résultats .
17
Synthèse du rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques
Une indispensable revue des dépenses
publiques au périmètre large, axée
sur la qualité et les résultats
La grille d’analyse de la «  qualité  »
proposée par la Cour permet de
constater certains progrès accomplis
depuis une quinzaine d’années . Elle
signale aussi de nombreuses voies
d’amélioration, qui exigent parfois
de rompre avec des pratiques très
ancrées . Si elles portent sur l’ensemble
des dépenses, sans exclusion
a priori
, si
elles responsabilisent tous les niveaux
d’administration
publique,
si
elles
s’inscrivent dans la durée et sont sous-
tendues par une volonté politique
forte, les revues de dépenses peuvent
être un levier majeur de l’amélioration
de la qualité de la dépense publique et
de sa soutenabilité .
Plusieurs pays européens accordent
aux revues de dépenses une place
centrale
dans
leur
stratégie
de
finances publiques . Le fait que les
expériences antérieures, en France,
aient abouti à des résultats modestes
ne doit pas retarder le déploiement
d’un tel exercice, en tirant les leçons
du
passé
et
en
l’adaptant
aux
caractéristiques de notre modèle . Il
doit pour cela s’inscrire dans la durée,
devenir chaque année un moment
clé de la gouvernance des finances
publiques, inspirer effectivement les
stratégies budgétaires .
L’exercice des revues de dépenses doit
identifier, accompagner, compléter des
réformes structurelles dans les champs
de l’action publique caractérisés par
une forte dynamique de dépense ou
par une dégradation de l’efficacité
des dispositifs publics  ; il doit aussi
être coordonné avec les programmes
d’investissement
indispensables
pour faire face aux grands défis déjà
présents, à commencer par celui du
changement climatique .
Les conditions de l’ambition tiennent au
champ retenu, qui doit être le plus large
possible . Les grands blocs de dépenses
et les grandes politiques publiques
doivent y être incluses sans exception,
qu’ils relèvent de l’État, du champ social
ou des collectivités territoriales . Tous
les niveaux d’administration publique
doivent être les acteurs et les objets de
cet exercice, tous étant concernés par
les enjeux nationaux de soutenabilité
des finances publiques et de qualité de
leurs actions .
De même, il convient de ne pas en
exclure par principe telle ou telle
catégorie de dépense selon qu’elle
relève
du
fonctionnement
ou
de
l’investissement,
d’un
secteur
ou
d’un autre, de dépenses budgétaires
ou de dépenses fiscales . Un usage
restreint des revues de dépenses qui
ne ferait par exemple porter l’effort
que
sur
l’administration
courante,
méconnaîtrait le fait que des dépenses
de fonctionnement peuvent préparer
l’avenir tout autant que des dépenses
d’investissement, ou que ces dernières
doivent être soumises aux mêmes
exigences
d’utilité,
de
ciblage
ou
d’évaluation .
La maîtrise et l’amélioration de la
qualité de la dépense passent par
des mesures spécifiques à chaque
dispositif
mais
également
par
la
mobilisation
d’outils
transversaux .
La
présente
contribution,
sans
prétention à l’exhaustivité, en identifie
une vingtaine, dont certains rompent
avec des pratiques très ancrées ou
explorent
des voies
nouvelles
(la
contre-expertise
indépendante
des
études d’impact ou la publication
généralisée en open data des données
budgétaires par exemples) .
18
Synthèse du rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques
Une revue des dépenses audacieuses
est la contrepartie du haut niveau
de
redistribution
de
la
richesse
nationale qui caractérise la France  ;
elle
doit
accompagner
l’impératif
de
soutenabilité
de
nos
finances
publiques .
Afin de doter les revues de dépenses
à venir d’une grille d’analyse de la
qualité de la dépense, les orientations
proposées tout au long du présent
rapport sont récapitulées ci-dessous .
Au titre de la conception
des dispositifs publics :
Mieux étayer la nécessité et la valeur
ajoutée des mesures nouvelles de
dépense, en accordant une priorité
au ciblage de celles-ci, en réalisant
des
analyses
coûts  –
bénéfices
plus complètes et en élargissant
aux
dispositifs
d’intervention
économique et sociale l’évaluation
socioéconomique
déjà
prescrite
pour les investissements ;
Veiller
systématiquement
à
la
cohérence
des
dispositifs
de
dépense avec ceux déjà mis en
place ou envisagés par les autres
administrations publiques, sécurité
sociale et collectivités territoriales ;
Assigner aux dispositifs des objectifs
hiérarchisés, clairs, assortis de cibles
chiffrées lorsque cela est pertinent,
en privilégiant l’impact économique
et
social
sur
le
seul
affichage
d’objectifs d’activité ;
Démontrer
la
compatibilité
des
dispositifs avec les engagements
climatiques de la France et procéder
à l’évaluation du coût climatique,
exprimé en émissions de gaz à effet
de serre, des nouvelles dépenses ;
Associer
davantage
les
parties
prenantes
à
la
conception
des
dispositifs,
en
privilégiant
la
concertation en amont des décisions
et en relançant, par exemple, la
démarche des livres blancs ;
Redonner
toute
leur
place
aux
études d’impact en améliorant leur
qualité d’ensemble, en élargissant
leur
champ
aux
amendements
gouvernementaux et aux décrets
d’un montant significatif, et en les
soumettant à une contre-expertise
indépendante
en
s’appuyant
davantage sur le monde académique .
Au titre du déploiement
des dispositifs de dépense :
Encourager la création de guichets
uniques
pour
la
gestion
des
dispositifs, et non pour la seule
délivrance d’informations sur ces
derniers, en facilitant pour ce faire
les délégations de gestion entre
administrations ;
Relancer la démarche des contrats
d’objectifs, de performance et de
moyens avec les opérateurs et
conditionner
l’engagement
sur
les moyens à des engagements
d’efficience et de qualité ;
Développer les outils de ciblage
territorial et de géolocalisation de la
dépense, en identifiant les moyens
« de droit commun » mobilisés et
les moyens relevant de dispositifs
spécifiques aux territoires ;
Engager
la
modernisation
des
systèmes
d’allocation
ou
de
répartition
de
moyens
entre
Une indispensable revue des dépenses
publiques au périmètre large, axée
sur la qualité et les résultats
19
Synthèse du rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques
collectivités, services et opérateurs,
notamment à l’occasion des lois
de programmation, en privilégiant
les critères fondés sur les coûts
réellement
exposés
par
les
bénéficiaires
de
préférence
à
des
montants
forfaitaires,
et
en y réservant des mécanismes
favorisant les gains d’efficience ;
Organiser la publication en masse des
données relatives au fonctionnement
et aux résultats de l’administration,
y compris des données budgétaires,
permettant aux acteurs de la société
civile de s’en saisir et d’étayer leur
propre analyse des effets de la
dépense publique ;
Évaluer régulièrement le montant
présumé de la fraude aux principaux
impôts, dispositifs sociaux et de
subvention ;
Étendre
le
champ
des
données
faisant l’objet d’un partage entre
administrations
et
organismes
publics, notamment en matière de
résidence, et organiser la vérification
automatique
des
données
déclarées en amont de la dépense,
notamment, dans le champ social,
en
généralisant
le
dispositif
de
ressources mensuelles (DRM) ;
Structurer
et
généraliser
les
mutualisations technologiques (lacs
de données, systèmes de requêtages,
méthodes d’intelligence artificielle,
etc .) et les échanges de bonnes
pratiques
entre
administrations
en matière de contrôles et de lutte
contre la fraude .
Au titre de l’évaluation des dépenses
et des suites à y donner :
Relancer vigoureusement des pro-
grammes pluriannuels d’évaluation
des principaux dispositifs de dépense,
notamment de dépenses fiscales,
en mobilisant davantage le monde
académique pour leur réalisation et
en intégrant aux revues de dépenses
des années 2024 à 2027 un examen
formalisé de leurs résultats et des
suites à leur donner ;
Encourager les assemblées et les
institutions publiques de contrôle
et de régulation à formaliser le suivi
des recommandations formulées
dans leurs avis et rapports ;
Borner dans le temps et intégrer
systématiquement
à
la
base
juridique des nouveaux dispositifs
de dépense une clause d’évaluation
assortie d’un point de rendez-vous
destiné à statuer sur ses conclusions
et recommandations ainsi que sur
une
éventuelle
prolongation
du
dispositif .
Une indispensable revue des dépenses
publiques au périmètre large, axée
sur la qualité et les résultats