ENTITÉS ET POLITIQUES PUBLIQUES
LA GESTION
PUBLIQUE
DES RISQUES
Mieux coordonner les actions,
faire émerger une vision d’ensemble
Rapport public thématique
Synthèse
Juin 2023
2
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
g
AVERTISSEMENT
Cette synthèse est destinée à faciliter la lecture et l’utilisation du
rapport de la Cour des comptes.
Seul le rapport engage la Cour des comptes.
Les réponses des administrations, des organismes et des collectivités
concernés figurent à la suite du rapport
.
3
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Sommaire
Introduction
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .5
1
Les dispositifs opérationnels de gestion des risques
nécessitent désormais une révision en profondeur,
afin d’assurer une hiérarchisation plus claire
des risques couverts
7
2
L’État doit développer une vision stratégique des risques
qu’il supporte, afin de mieux coordonner les acteurs sectoriels
et de répartir plus explicitement les moyens qu’il leur alloue .
11
3
Les dispositifs sectoriels doivent intégrer le caractère
multi-dimensionnel des risques et l’exigence de résilience
qui en découle
13
4
L’interaction entre la puissance publique et la société
en réponse aux risques doit être pensée et présentée plus
explicitement, dans une logique de partage des charges
équitable
15
Recommandations. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
5
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Introduction
La gestion publique des risques regroupe un spectre large d’enjeux, de modes
d’organisation et d’action de l’État et des collectivités publiques . Elle se distingue
de la gestion des crises, qui s’impose une fois que les risques se réalisent, par la
nécessité d’anticiper de telles catastrophes et de mettre en place des mesures
de prévention et de protection en amont de celles-ci .
Les étapes du traitement des risques
Prévention
Réduire l'occurrence des risques
Réduire la vulnérabilité des individus et des organisations
Planification
Organiser les acteurs en vue d'une crise
Planifier la gestion de crise et exercer les acteurs
Gestion de crise
Hors champ du présent rapport
Résilience
Assurer la continuité des fonctions essentielles
Réparation
Mettre en oeuvre l'indemnisation des dommages
occasionnés par la crise
Protection
Identifier et organiser les moyens à mettre en oeuvre
Détecter la réalisation des risques
Source : Cour des comptes
6
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
La puissance publique doit gérer de nombreux risques « externes », c’est-à-dire
limiter en amont leur survenance et garantir la population contre leurs effets .
La gestion de ces risques dépend avant tout de leur fréquence d’occurrence et
de la gravité de leurs conséquences : ainsi, le « risque courant » donne lieu à
l’essentiel de l’activité quotidienne des acteurs de la sécurité civile comme du
système de santé ; les risques majeurs, quant à eux (catastrophes naturelles,
risques technologiques associés à des sites industriels ou agricoles sensibles,
épidémies), requièrent une stratégie plus spécifique et une coordination
renforcée des acteurs . Les risques vitaux, enfin (pandémie, accident nucléaire
majeur, menaces terroristes ou d’agression armée) nécessitent une réaction de
niveau politique, interministérielle par essence .
La puissance publique doit par ailleurs se prémunir contre des risques
« internes », en organisant notamment la continuité de son action au bénéfice
de la population .
Introduction
7
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
1
Les dispositifs opérationnels
de gestion des risques nécessitent
désormais une révision
en profondeur, afin d’assurer
une hiérarchisation plus claire
des risques couverts
Les risques « civils », courants et
majeurs,
sont
depuis
longtemps
segmentés en grandes catégories,
selon
leur
nature .
La
gestion
publique de ces risques repose, au
niveau opérationnel, sur des filières
spécialisées formées pour l’essentiel
autour des ministères chargés de la
transition écologique, de l’intérieur et
de la santé .
Ces dispositifs ont été construits d’une
part autour de l’activité quotidienne
occasionnée par les risques courants,
et d’autre part au rythme des grandes
catastrophes que la France a vécues,
qui ont donné lieu à autant de
mesures particulières visant à éviter
leur réitération . Ils ont été amendés
au gré de l’évolution des risques et
de la découverte de risques connexes,
ou en raison des difficultés de leur
mise en œuvre . La situation qui en
résulte est celle d’un maquis de règles,
procédures et documents dont il est
malaisé de discerner la cohérence
d’ensemble, voire de comprendre la
logique d’organisation .
8
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Les dispositifs opérationnels de gestion des risques
nécessitent désormais une révision en profondeur,
afin d’assurer une hiérarchisation plus claire
des risques couverts
Organisation simplifiée des filières ministérielles de gestion des risques
Risques et menaces
relevant de la défense
et de la sécurité nationale
Risques naturels
et technologiques
Premier ministre
(SGDSN)
Plans gouvernementaux
(« Pirate », …)
Contrat de capacités
interministérielles (NRBC-E)
Dispositif relatif à la sécurité
des activités d’importance vitale
CONNAISSANCE
Défense du territoire,
concours aux missions
de sécurité :
ministère des armées
PRÉVENTION
Risques cyber :
ANSSI
VEILLE ET ALERTE
Opérateurs d’importance
vitale : énergie, transports,
communications, etc.
PROTECTION
Opérateurs : BGRM,
CEREMA, INERIS, ADEME,
Météo France,
etc.
Autorité indépendante :
ASN
Ministère de la transition
écologique (DGPR)
DREAL, DDT-M
Dossier départemental
des risques majeurs
Plans de prévention
des risques
Inspection des ICPE
Ministère de l’intérieur
(DGSCGC)
Préfets de zone de défense
et de sécurité
Contrat territorial de réponse
aux risques et aux effets
des menaces
Pactes capacitaires
SDIS (conseils départementaux)
Schéma départemental
d’analyse et de couverture
des risques
Organisation de la réponse
de sécurité civile
Préfets de département – SIDPC
Agences régionales de santé
Risques sanitaires
Opérateurs :
ANSP, ANSES,
etc.
Ministère des solidarités
et de la santé (DGS)
Caisses d’assurance-maladie
Établissements de santé
Soins de ville
Organisation
de la réponse sanitaire
Ministère de la transition
écologique
Plans nationaux
santé-environnement
Ministère de l’agriculture
et de l’alimentation (DGAL)
DDPP
Contribution DGDDI,
DGCCRF, etc.
Source : Cour des comptes
L’élargissement
progressif
du
champ géographique et thématique
des risques couverts, comme la
sédimentation
des
dispositifs
construits
pour y faire face
au
sein
de
chaque
filière,
mettent
aujourd’hui sous forte tension les
services
publics
chargés
de
les
gérer .
Il en résulte que ces services
hiérarchisent fortement les risques
qu’ils prennent en charge et, par
conséquent,
renoncent
à
traiter
un
grand
nombre
de
risques
;
cette hiérarchisation, qui n’est pas
illégitime,
n’est
cependant
pas
suffisamment explicite .
9
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Les dispositifs opérationnels de gestion des risques
nécessitent désormais une révision en profondeur,
afin d’assurer une hiérarchisation plus claire
des risques couverts
Des filières sectorielles sous tension au quotidien
La prévention du risque technologique, fortement hiérarchisée dès l’origine,
repose aujourd’hui sur un système où le « risque courant » que représentent
450 000 installations classées ne fait l’objet de presque aucun contrôle, sinon
en cas d’incident, alors que les contrôles et sanctions en cas d’infraction
présentent un caractère peu dissuasif . Pour les risques majeurs et « vitaux »,
environ 400 sites (dont les installations nucléaires) sont soumis à un corpus
réglementaire strict visant à la fois à réduire le risque à la source et à en
protéger les riverains .
La prévention des risques naturels relève avant tout de la maîtrise de
l’urbanisme et de programmes d’action visant à protéger la population ;
toutefois, le nombre particulièrement élevé de prescriptions réglementaires
à instruire conduit les préfets et les services déconcentrés à fortement
sélectionner les risques courants . En outre, la faible coordination de
l’ensemble
des
dispositifs
(réglementations
nationales
ou
locales,
programmes d’action) compromet l’indispensable vision d’ensemble du
niveau de risque réel et de la bonne articulation des mesures publiques qui
y répondent .
Risques naturels identifiés par les DDRM,
non couverts par un plan de prévention approuvé, en 2021
Type de risque
Communes
concernées
(DDRM)
Communes
couvertes
par un PPRn
Taux de
couverture
Inondation
28 734
9 492
33 %
Mouvement de terrain
dont retrait-gonflement des argiles
dont cavités
31 939
9 723
6 676
2 912
794
180
9,1 %
8,2 %
2,7 %
Avalanche
626
318
51 %
Feu de forêt
6 870
191
3 %
Séisme
20 758
169
0,8 %
Éruption volcanique
68
44
65 %
Total
Hors séismes, argiles (voir ci-après)
88 995
58 514
13 126
12 163
15 %
21 %
Source : Cour des comptes d’après données DGPR (base de données GASPAR)
10
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Les dispositifs opérationnels de gestion des risques
nécessitent désormais une révision en profondeur,
afin d’assurer une hiérarchisation plus claire
des risques couverts
La sécurité civile est organisée principalement pour gérer le risque
courant, à travers ses missions de secours d’urgence à personne et de lutte
contre l’incendie . Le caractère d’urgence de ces activités nécessite une
optimisation de tous les instants que l’accroissement des sollicitations, pas
toutes justifiées, rend de plus en plus difficile . Les services départementaux
d’incendie et de secours sont donc amenés à mutualiser fortement leurs
capacités . Par conséquent, la prise en compte des risques majeurs (grands
incendies de forêts, inondations, accidents industriels, etc .), qui nécessite des
moyens nombreux et spécialisés, combinée à la nécessité de répondre en
permanence au risque courant, ne peut se faire qu’à un niveau élevé ; c’est
à l’échelon de la zone de défense ou à l’échelon national que ces risques
sont gérés, du fait des tensions sur les moyens spécialisés voire de leur
insuffisance .
Enfin, aucune stratégie n’a pour objet de développer, maintenir et adapter
les principales capacités de la sécurité civile à moyen et long termes . Une
importante stratification documentaire départementale et zonale rend
difficile la traduction des besoins opérationnels en une programmation
d’ensemble du nombre et du type des moyens requis ; au plan national,
cette approche « capacitaire » est désormais réduite à quelques segments
spécifiques et sa mise en œuvre reste inégale .
La veille et l’alerte sanitaires sur le plan national et territorial s’effectuent
quant à elles à travers un système d’agences relevant du secteur de la
santé . Ainsi, l’agence nationale de santé publique (Santé publique France)
intervient non seulement au profit de la direction générale de la santé (DGS),
mais ses instances régionales sont aussi en liaison étroite avec les agences
régionales de santé (ARS) . S’y ajoutent les agences spécialisées dans
certaines expertises (sécurité du médicament et des produits de santé, santé
au travail, santé environnementale, etc .), ainsi que des réseaux de vigilance
reposant sur les médecins hospitaliers ou de ville, par exemple le réseau
Sentinelles
Il en résulte une approche de la veille et de l’alerte fractionnée
entre de nombreux acteurs, dont la coordination reste difficile alors même
que les signaux à surveiller ne cessent de croître en nombre et en diversité .
11
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Au-delà de l’activité opérationnelle
correspondant à chaque catégorie de
risques, et même des considérations
« capacitaires » associées à certains
départements ministériels, la gestion
des risques les plus graves comme la
bonne articulation, locale et nationale,
des
acteurs
imposent
une
vision
stratégique de la gestion publique
des risques . Cette vision stratégique
peut revêtir plusieurs aspects : la
coordination des dispositifs sectoriels,
notamment autour des préfets dans
les départements et du secrétariat
général
de
la
défense
et
de
la
sécurité nationale (SGDSN) au plan
national ; l’allocation des ressources
budgétaires . Elle reste toutefois très
imparfaite .
Au
plan
territorial,
le
préfet
de
département, garant de la coordination
des différentes actions de l’État, est
chargé à la fois de prioriser les mesures
de prévention et de préparer la gestion
des crises par le biais du dispositif
d’organisation de la réponse de sécurité
civile (Orsec) . Toutefois, la diversité
des échelons de coordination – région,
zone de défense et de sécurité, bassin
versant, etc . – multiplie les niveaux
de
coordination
entre
autorités
préfectorales,
ce
qui
complique
l’exercice de ces prérogatives . Par
ailleurs, la mise en œuvre d’une forme
de gestion collégiale est nécessaire
du fait de l’autonomie opérationnelle
des
agences
régionales
de
santé
(ARS), comme du rattachement des
services départementaux d’incendie
et de secours (Sdis) aux conseils
départementaux
;
de
même,
les
compétences dévolues aux communes,
notamment en matière d’urbanisme
ou de prévention des inondations,
contribuent
à
affaiblir
les
leviers
d’action du corps préfectoral . Enfin,
l’expertise des préfectures a pâti des
fortes réductions d’effectifs au sein de
l’administration territoriale .
Au
plan
national,
chaque
filière
sectorielle
est
souveraine
dans
l’organisation de ses dispositifs propres .
Ces filières ne partagent ni vision
d’ensemble
ni
méthode
d’analyse
et de hiérarchisation des risques . La
coordination interministérielle réalisée
L’État doit développer une vision
stratégique des risques qu’il sup-
porte, afin de mieux coordonner
les acteurs sectoriels et de répartir
plus explicitement les moyens
qu’il leur alloue
2
12
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
par le SGDSN reste cantonnée à
la
planification
gouvernementale
dont
le
champ,
réduit
par
une
interprétation
stricte
du
concept
de sécurité nationale, ne vise que
quelques risques dont le caractère
vital pourrait remettre en jeu la
continuité
de
l’État .
Pourtant,
l’existence de nombreuses structures
interministérielles
ad hoc
témoigne
de la nécessité d’une coordination
interministérielle renforcée pour faire
face aux autres risques .
Par conséquent, on peine à voir
émerger
une
véritable
mise
en
cohérence des actions locales voire,
y compris au niveau du département,
une
vision
réellement
intégrée
des aspects relevant de plusieurs
départements ministériels . De ce point
de vue, elle se démarque de la gestion
des crises, qui semble occasionner une
articulation plus fluide des différents
niveaux de décision .
Enfin, l’identification du périmètre
des risques devrait constituer un
préalable
essentiel
à
la
décision
de l’État de les couvrir ou non et
donc à toute allocation éclairée de
moyens publics . À l’absence de ce
travail de cartographie des risques se
conjuguent pourtant des ressources
budgétaires éparpillées au sein des
missions budgétaires ministérielles,
et le plus souvent mal identifiées . La
diversité des fonds, crédits d’impôts,
prélèvements
spécifiques,
etc .
qui
concourent à la gestion des risques
ne permet ainsi pas au Gouvernement
et au Parlement de disposer d’une
vision stratégique du coût de cette
gestion .
Le
dispositif
d’évaluation
des actions conduites par l’État, à
travers des indicateurs budgétaires
parsemés et disparates, est de même
insuffisant pour mesurer leur effet sur
l’occurrence et les conséquences des
risques couverts .
L’État doit développer une vision stratégique
des risques qu’il supporte, afin de mieux coordonner
les acteurs sectoriels et de répartir plus explicitement
les moyens qu’il leur alloue
13
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
De nouveaux risques émergent ou
se renforcent, de nature transverse,
susceptibles de produire des effets
en cascade et de toucher la société
de multiples manières . Il s’agit par
exemple de maîtriser le risque cyber,
au-delà de la mise en place d’une
filière spécialisée rendue nécessaire
par la technicité des menaces, ou
encore
de
limiter
sa
dépendance
envers la fourniture de services dits
d’importance
vitale
et
d’assurer
la disponibilité de biens qu’il juge
stratégiques .
Les dispositifs sectoriels
doivent intégrer le caractère
multi-dimensionnel des risques
et l’exigence de résilience qui
en découle
3
Répartition des opérateurs d’importance vitale par secteur d’activité
Alimentation
Transport
Activité militaire
Santé
Énergie
Gestion de l'eau
Finances
Activité civile de l'État
Communications
Espace et recherche
Activité judiciaire
Industrie
Source : SGDSN
14
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
L’État doit désormais en tenir compte
pour
repenser
son
action
dans
un cadre global, en élargissant la
stratégie appelée précédemment aux
enjeux de ses propres dépendances et
vulnérabilités . Dans cette perspective,
la préparation à la gestion des crises,
qui repose jusqu’ici sur la réitération
de scénarios de crises passées, doit
être
enrichie
plus
largement
des
retours
d’expérience
et
bénéficier
d’une mise à jour continuelle au fur
et à mesure que la connaissance des
risques évolue . Cela est d’autant plus
nécessaire que des tendances de fond
modifient en profondeur la nature de
certains risques et leurs modalités
d’occurrence, comme l’illustre le cas
des risques naturels dans le sillage
du dérèglement climatique . Un effort
accru de prospective et de recherche
s’impose ainsi, afin de mieux anticiper
ces tendances et d’en appréhender
toutes
les
dimensions,
dans
une
logique
raisonnée
de
prévention
étendue des risques .
Les services publics doivent également
tenir compte de ces risques dans leur
propre
fonctionnement .
Or,
leurs
dispositifs de continuité d’activité sont
mis en œuvre de façon très inégale . La
récente pandémie de covid 19 a en
outre montré leur insuffisance face
à l’accumulation et la diversification
des crises . Ils doivent être améliorés,
en tenant compte de la dépendance
de l’État vis-à-vis de ses opérateurs,
dans une approche intégrée avec eux .
À ce titre, l’émergence du concept de
résilience nationale
, qui gagnerait à
être précisé, doit être l’occasion d’une
réflexion de fond sur les moyens
de rendre les administrations plus
robustes et plus agiles . La Cour note,
au vu des premiers éléments de
la
stratégie nationale de résilience
envisagés par le Gouvernement, que
cette
stratégie
doit
être
doublée
d’une
organisation
adéquate,
aux
plans national et territorial, et qu’elle
doit en tout état de cause être
complémentaire
des
actions
plus
ciblées de prévention des risques .
Les dispositifs sectoriels doivent intégrer
le caractère multi-dimensionnel des risques
et l’exigence de résilience qui en découle
15
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
L’interaction entre la puissance
publique et la société en réponse
aux risques doit être pensée et
présentée plus explicitement,
dans une logique de partage
des charges équitable
4
Pour améliorer la gestion publique des
risques, le concours de la société est
indispensable : cette dernière exprime
de nombreuses attentes en matière
de protection, et c’est par la société
que s’effectue « le dernier kilomètre »
de nombreuses politiques publiques,
soit par la participation directe des
citoyens,
soit
par
l’intermédiaire
d’associations .
Une
diffusion
aussi
large
que
possible
de
la
culture
du
risque
et de la connaissance des risques,
un renouvellement des modes de
communication de l’État vers le public
et la recherche d’une contribution
plus étroite des populations à la mise
en œuvre des dispositifs publics de
gestion de risques constituent ainsi
des enjeux majeurs pour l’efficacité de
l’action publique .
Enfin,
l’évaluation
du
coût
des
politiques publiques de gestion des
risques fait encore trop peu appel
à
l’analyse
socio-économique .
Au-
delà des considérations budgétaires,
l’estimation des coûts et des bénéfices
des dispositifs de gestion de risques
existants ou en cours de préparation
ne
tient
pas
systématiquement
compte de la répartition des charges
et des gains attendus entre l’État, les
collectivités publiques, les acteurs
économiques et les citoyens, ou enfin
les générations futures . De ce fait, il
reste difficile d’estimer à ce jour les
coûts induits pour l’ensemble des
acteurs concernés par l’intervention
réglementaire de l’État au nom de
la réduction des risques, en réponse
à la demande sociale .
A contrario
, et
malgré les efforts poursuivis dans
ce domaine par la direction générale
de la prévention des risques (DGPR)
avec l’appui de la caisse centrale de
réassurance (CCR), il n’est pas possible
de
mettre
systématiquement
en
regard les coûts et responsabilités de
la prévention et les garanties publiques
accordées pour l’indemnisation des
dommages, en cas de réalisation des
risques . Si les principaux dispositifs
existants de garantie publique des
risques majeurs semblent aujourd’hui
pérennes, la multiplication des crises,
d’ampleur croissante, risque d’exposer
l’État de plus en plus, compte tenu de
son rôle « d’assureur ultime » .
16
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Le moment est sans doute venu
pour
l’État
de
procéder
à
la
révision de ses modèles et de ses
logiques
d’intervention
sectoriels,
pour
formaliser
une
doctrine
de
coordination et de distribution des
responsabilités et des charges de la
gestion des risques .
L’interaction entre la puissance publique et la société
en réponse aux risques doit être pensée et présentée
plus explicitement, dans une logique de partage
des charges équitable
Seuil d’intervention de la garantie de l’État (millions d’euros)
0
500
1 000
1 500
2 000
2 500
3 000
3 500
4 000
4 500
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
Risques exceptionnels et nucléaires
Risques d’attentats et d’actes de terrorisme
Catastrophes naturelles
Note : le taux de surprime d’assurance « catastrophes naturelles », hors automobiles, a
été fixé à 12 % en 2000 (il était de 9 % depuis 1983). La valeur des surprimes a ainsi connu
une augmentation presque constante, d’environ 400 M€ en 1982 à 1 800 M€ en 2021.
Source : Cour des comptes d’après Sénat
1
(reconstitution du seuil d’intervention
« catastrophes naturelles » avant 2005), annexe au compte général de l’État (données
à partir de 2005)
1 Sénat,
rapport d’information sur la gestion des risques climatiques et l’évolution de nos régimes
d’indemnisation
, n° 628, juillet 2019 .
17
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
L’ensemble des recommandations
ci-dessous
s’adressent
aussi
bien
aux départements ministériels et
organismes
chargés
de
la
mise
en œuvre d’actions relevant de la
gestion des risques (à titre principal :
ministère de l’économie, des finances
et de la souveraineté industrielle et
numérique, ministère de l’intérieur
et
des
outre-mer,
ministère
de
la transition écologique et de la
cohésion des territoires, ministère
de la santé et de la prévention ;
autorité de sûreté nucléaire, agence
nationale de santé publique) que,
plus généralement, aux services du
Premier ministre sous l’égide duquel
ces actions sectorielles doivent être
coordonnées .
Rationaliser les dispositifs
sectoriels de gestion des risques
1.
Réviser les dispositifs sectoriels
de
gestion
des
risques
et
leur
documentation, afin de les rendre
plus
efficients
et
de
mieux
les
articuler .
2.
Exploiter les données quantitatives
collectées
afin
d’adapter
les
dispositifs de gestion de risques
aux
particularités,
notamment
géographiques, de ces derniers et
de mieux évaluer leur efficacité . À
cet effet, rationaliser et ouvrir les
systèmes
d’information
sectoriels
mis en œuvre pour la collecte et
le traitement des données, afin de
rendre
possible
leur
exploitation
dans un cadre interministériel ou par
d’autres filières sectorielles .
Améliorer la vision d’ensemble
de la puissance publique
sur les risques qu’elle supporte
et sur les moyens qu’elle met en
œuvre pour les gérer
3.
Définir, mettre à jour et publier
tous les cinq ans une carte globale
des risques auxquels la Nation est
exposée, le coût de leur gestion pour
l’ensemble des acteurs impliqués et
le niveau des risques résiduels .
4.
Établir un « responsable de la
gestion des risques par l’État »
rattaché au Premier ministre, chargé
de coordonner et d’harmoniser les
dispositifs sectoriels de gestion des
risques .
Voir plus loin et plus large afin
d’organiser globalement
la résilience de la Nation
5.
Compléter
les
travaux
de
cartographie des risques par un
exercice de prospective visant à
actualiser
la
connaissance
des
risques systémiques émergents ou
de longue échéance .
6.
Recenser
et
caractériser
les
services
d’importance
vitale
et
les approvisionnements de biens
stratégiques
qui
conditionnent
l’action
des
pouvoirs
publics,
et
renforcer
les
mesures
visant
à
garantir l’accès à ces biens et services .
7.
Définir et mettre en place une
organisation nationale et territoriale
à même de mettre en œuvre la
stratégie nationale de résilience .
8.
Généraliser la sensibilisation et la
formation des agents publics aux
risques et à leur gestion .
Recommandations
18
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Expliciter et approfondir
l’interaction entre l’État
et la société, indispensable
à une meilleure gestion
publique des risques
9.
Améliorer l’efficacité des exercices
de préparation à la gestion des crises,
en y associant davantage les acteurs
publics et la population .
10.
Rendre
systématique
l’analyse
des impacts socio-économiques des
mesures réglementaires de gestion
des risques, pour l’ensemble des
parties prenantes .
11.
Développer
l’incitation
à
la
prévention des risques, en lien avec
les mécanismes d’indemnisation des
risques majeurs .
Recommandations