13, rue Cambon
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75100 PARIS CEDEX 01
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T +33 1 42 98 95 00
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www.ccomptes.fr
PREMIERE CHAMBRE
S 2023-0494-1
DEUXIEME SECTION
RAPPORT PORTANT SUR UNE ENTREPRISE
PUBLIQUE
(Article R. 143-11 du code des juridictions financières)
BPIFRANCE
Exercices 2016 à 2021
Le présent document
, qui a fait l’objet d’une contradiction avec les destinataires concernés,
a été délibéré par la Cour des comptes, le 30 mars 2023.
En application de l’article L. 143
-6 du code des juridictions financières, la communication de
ces observations est une prérogative de la Cour des comptes, qui a seule compétence pour
arrêter la liste des destinataires.
BPIFRANCE
3
TABLE DES MATIÈRES
RECOMMANDATIONS
............................................................................................
10
INTRODUCTION
...................................................................................................
11
1
UN OPÉRATEUR CENTRAL DU SOUTIEN AUX ENTREPRISES, QUE LA
PUISSANCE PUBLIQUE PEINE À ENCADRER
.............................................
12
Un opérateur plus intégré et mieux capitalisé, dont l’organisation reste
complexe
........................................................................................................
12
L’intégration progressive de la plupart des guichets en faveur de la création et
du développement des entreprises
...................................................................
12
Des missions définies de manière large, des actionnaires soucieux de centrer
l’action de Bpifrance sur les carences de marché
.................................................
12
De nouveaux transferts d’activité à Bpifrance renforçant son rôle de guichet
unique pour les entreprises
...................................................................................
13
Une fusion-
absorption qui permet de financer par l’emprunt de nouveaux
investissements en fonds propres
....................................................................
14
Des résultats plus difficiles à appréhender dans la nouvelle organisation
......
16
Une séparation entre compte propre et compte État parfois ambiguë, un
développement significatif des activités pour compte de tiers
........................
16
Une gouvernance complexe en raison de la multiplicité des intervenants
.....
20
Un organisme intermédiaire, l’EPIC Bpifrance
..............................................
20
Un actionnariat conjoint État-
CDC, une représentation de l’Etat éclatée
.......
21
Des débats sur les orientations stratégiques de Bpifrance
...............................
22
Une relation avec les régions à améliorer
.......................................................
23
Des progrès de gestion interne, des fragilités persistantes en matière de
ressources humaines et d’informatique
..........................................................
25
Une gestion délicate des ressources humaines
................................................
25
Des collaborateurs de plus en plus nombreux et de plus en plus jeunes
...............
25
Des rémunérations qui diffèrent selon les métiers et entités
................................
26
Un recours aux prestataires extérieurs qui a plus que doublé en cinq ans
............
27
Une communication offensive, une notoriété indiscutable, des méthodes
d’évaluation à diversifier
.................................................................................
27
Une communication considérée comme un levier d’action sur les en
treprises
....
27
Une action connue et favorablement perçue par les entreprises
...........................
28
L’intérêt de réaliser des évaluations intermédiaires
.............................................
29
Les difficultés de l’informatique
.....................................................................
30
Une dépendance aux prestataires extérieurs
.........................................................
30
Des difficultés opérationnelles
.............................................................................
31
Le respect du règlement général sur la protection des données (RGPD) : un
chantier à achever
.................................................................................................
32
Une amélioration de la gestion des risques à poursuivre
................................
32
Des risques de nature variée, proches de ceux des autres établissements bancaires
.......................................................................................................................
32
Un cadre de gestion des risques en progrès mais à affiner et peu contraignant
....
34
2
UNE CONTRIBUTION UTILE AU FINANCEMENT DES PME ET DES TPE,
DONT LE CARACTÈRE SUBSIDIAIRE DOIT ÊTRE CONSERVÉ
...............
39
La garantie des crédits bancaires, une procédure utile pour le développement
des TPE et PME, reposant sur des dotations publiques
.................................
39
BPIFRANCE
4
Une procédure utile, mais un dynamisme profitant essentiellement aux
garanties internes dirigées vers les prêts de Bpifrance
....................................
40
Un dispositif assurantiel équilibré par des dotations publiques
......................
42
Une volonté de la tutelle de Bpifrance de limiter la consommation de fonds
publics en sortie de crise
......................................................................................
43
Une contribution limitée des redéploiements de crédits et des financements
européens
..............................................................................................................
43
Un pilotage complexe, recouvrant des enjeux financiers importants
..............
44
Un encours de prêts directs de Bpifrance en forte progression sur son volet
moyen et long terme
.......................................................................................
46
Des segments d’activité inégalement dynamiques
..........................................
46
Un encours croissant, une production annuelle impactée par la crise
..................
46
La participation de Bpifrance à la distribution de prêts garantis par l’État
..........
48
Les prêts sans garantie, un produit spécifique à Bpifrance
...................................
50
Un principe de cofinancement qui ne règle pas complètement la question du
positionnement de Bpifrance vis-à-vis des banques de marché
......................
51
Un principe de cofinancement à mieux documenter
............................................
51
Une exposition globalement plus risquée que celle des acteurs de la place
.........
52
Une part de marché modeste en matière de crédit aux PME, plus forte sur le
crédit-bail immobilier
...........................................................................................
54
Des risques à apprécier dans leur globalité, tant pour les actionnaires que pour
les fonds publics
..............................................................................................
54
Un soutien à l’innovation éclaté entre les métiers du financement et
d’investissement en fonds propres
.................................................................
56
Une direction en principe unique pour les entreprises innovantes
..................
56
Des mécanismes de prêts et de garanties pour l’innovation très largement
subventionnels
.................................................................................................
57
Une croissance des investissements en fonds propres soutenue par les
activités de gestion pour compte de tiers
.......................................................
58
Des prestations d’accompagnement des entreprises qui contribuent à la
notoriété de Bpifrance
....................................................................................
59
Des programmes d’accompagnement destinés aux dirigeants d’entreprises, de
la start-
up à l’ETI
............................................................................................
59
La reprise des programmes de soutien à la création d’entreprises
..................
60
3
UN RÉSULTAT VARIABLE ET UN BILAN EN CROISSANCE REPOSANT
EN PARTIE SUR DES RESSOURCES PUBLIQUES
.......................................
62
Une documentation financière parfois difficile à exploiter
............................
62
Une transparence insuffisante des flux financiers entre l’État et Bpifrance
..63
De Bpifrance vers l’État
: un reversement partiel des dividendes
...................
63
Une cartographie des dotations budgétaires insuffisante
................................
65
Les apports en capitaux propres nécessaires à la construction du groupe
............
65
Des ressources publiques dont le suivi pourrait être amélioré
..............................
65
Des rémunérations de Bpifrance au titre de la gestion des dispositifs publics qui
ont doublé depuis 2016
.........................................................................................
67
Le recyclage des ressources : une pratique à rendre plus transparente
...........
68
Des performances financières irrégulières
.....................................................
70
Un PNB volatil, dépendant
des activités d’investissement
.............................
70
Des charges en progression constante et dont le pilotage pourrait être affiné 72
Des charges d’exploitation qui augmentent fortement
.........................................
72
Un suivi des charges par métier qui pourrait être amélioré
..................................
73
BPIFRANCE
5
Un résultat fluctuant, une rentabilité qui pourrait continuer de baisser
...........
74
Un résultat et une création de valeur majoritairement non monétaires
................
74
Une rentabilité sur capitaux propres limitée et portée par les participations en
fonds propres
........................................................................................................
75
Un endettement en hausse, une stratégie de moyen terme à définir
..............
78
Une augmentation continue de la taille de bilan depuis 2016
.........................
78
Un endettement à surveiller
.............................................................................
79
Des volumes d’endettement croissants
.................................................................
79
Un a
ccès aux marchés financiers facilité par la garantie octroyée par l’EPIC et
l’État
.....................................................................................................................
80
Des ratios prudentiels favorables mais qui pourraient baisser
........................
81
Un besoin de capitaux et de liquidités toujours plus important
.......................
84
Une stratégie de croissance à définir au regard des moyens financiers
disponibles
.......................................................................................................
85
BPIFRANCE
6
SYNTHÈSE
Créée par la loi du 31 décembre 2012,
la banque publique d’investissement
, Bpifrance,
a regroupé
les activités d’OSEO, de CDC Entreprises et du Fonds Stratégique d’Investissement
au service du financement et du développement des entreprises. Le présent rapport est consacré
à l’organisation et à la gouvernance du groupe Bpifrance, à l’analyse de ses résultats et à la
traçabilité des ressources publiques destinées à financer son activité. Il consacre des
développements à l’analyse de l’activité de financement de la banque publique, notamment
l’octroi de prêts et de garanties particulièrement en direction des PME. Un second volet du
contrôle de la Cour complète cette analyse en examin
ant l’activité d’investissement de
Bpifrance, destinée au renforcement des fonds propres des entreprises, dans une perspective de
soutien à l’innovation et à la croissance. Il fait l’objet d’un rapport
1
publié simultanément. La
contribution de Bpifrance au
soutien public à l’innovation et à l’exportation a fait l’objet de
deux autres publications récentes
2
.
La banque publique : un guichet unique dédié au financement des PME,
une action utile et bien identifiée par les entreprises
Plus de 10 ans après sa création, Bpifrance
bénéficie d’une excellente notoriété auprès
des entreprises, qui apprécient la simplification du paysage institutionnel opéré par ce guichet
unique.
Depuis une réorganisation interne opérée en 2020, qui a eu pour effet connexe de
permettre le renforcement par l’endettement de
s
a capacité d’investissement en fonds propres,
le groupe est constitué d’une entité faîtière ayant le statut d’établissement bancaire, Bpifrance,
de laquelle dépendent quatre filiales de premier rang.
L’établissement bancaire regroupe les
métiers du financement et de la garantie, les aides à l’innovation et le soutien aux entreprises
en création. Les filiales viennent compléter les métiers de la banque publique, les principales
d’
entre elles étant Bpifrance Participations, qui porte les prises de participations en fonds
propres directes ou via des fonds et des fonds de fonds, et Bpifrance Assurance Export qui agit
au nom et pour le compte de l’État dans son domaine.
Sur les différ
ents segments d’activité sur le
squels elle intervient, Bpifrance a une utilité
reconnue pour le financement des phases les plus risquées de la vie et du développement des
PME, notamment innovantes, en facilitant l’octroi de prêts, en prêtant elle
-même directement,
en investissant dans les entreprises ou dans des fonds de capital-risque et en gérant les
investissements réalisés pour le compte de tiers, dont le PIA.
Des débats récurrents sur les orientations stratégiques
Le groupe Bpifrance est détenu par deux actionnaires principaux, dont le poids en
termes de détention est équivalent
: l’
État,
via
l’EPIC Bpifrance, d’une part, et la Caisse des
Dépôts et Consignations d’autre part.
Les procédures de gouvernance sont respectées, mais le
1
Cour des comptes,
«
Les activités d’investissement de Bpifrance
»,
2023.
2
Cour des comptes,
« Les aides publiques à l'innovation des entreprises »,
2021 et
« Les dispositifs de
soutien à l’exportation
»,
2022.
BPIFRANCE
7
contrôle de la banque publique, assuré conjointement par les deux actionnaires, est, au sein de
l’État,
réalisé par plusieurs administrations dont les priorités peuvent différer.
Les objectifs et les missions de Bpifrance sont définis de manière large par ses textes
fondateur
s et ont été précisés par sa doctrine d’intervention. Ces textes,
qui définissent et
encadrent
l’intervention de Bpifrance, n’empêch
ent pas des débats récurrents entre les
directions et services des ministères chargés
de l’Économie
et des Finances et la direction de la
banque publique
, qu’il s’agisse du positionnement de Bpifrance comme «
banque du climat »
ou de son intervention en matière de souveraineté économique.
De fait, les activités de la banque publique se sont largement diversifiées ces dernières
années, que ce soit par la reprise d’activités jusque
-là assurées
par d’autres entités (activité de
soutien à la création
d’entreprises assurée jusqu’en 2019
par la Caisse des Dépôts et l'Agence
France Entrepreneurs par exemple), par la mise en place de nouvelles activités
(accompagnement des entrepreneurs, digital, etc.) ou par le développement de nouveaux outils
au sein des activités existantes. Sur ce dernier point, la mise en place des fonds Lac 1 de soutien
aux entreprises stratégiques ou BE1 et BE2 (tranches de fonds de capital-risque destinées à des
particuliers) a soulevé des débats avec les actionnaires, car pouvant être considérés à la frontière
des missions de Bpifrance.
Une organisation complexe, des efforts de gestion interne à poursuivre
Certaines activités de Bpifrance sont réalisées pour compte propre, les risques financiers
y afférents
étant portés par la banque publique, d’autres pour le compte de l’État, d’autres enfin
pour le compte de tiers non étatiques, notamment du côté des prises de participations en fonds
propres. Les activités de la banque publique s’appréhendent donc selon trois niveaux (entités
juridiques, lignes métiers et compte propre, État ou de tiers) dont les périmètres ne sont pas
superposables, ce qui rend
l’organisation du groupe difficilement lisible.
Bpifrance, ayant une vision large des missions qui lui sont dévolues, a renforcé son
organisation interne pour être en mesure d’y
faire face : des directions ont été créées pour
structurer les nouveaux métiers (accompagnement par exemple), le cadre de risques a été
renforcé. Pour autant,
d’autres pans de gestion rencontrent encore des difficultés. En matière de
ressources humaines, la banque publique fait face à des difficultés de recrutement et de
fidélisation de ses employés dans certains domaines (prises de participations en fonds propres
notamment). Elle doit poursuivre l’effort de mise à niveau informatique entrepris
récemment car des difficultés opérationnelles perdurent (respect du règlement général de
protection des données par exemple). Enfin, si le cadre de gestion des risques s’est largement
amélioré ces dernières années, notamment à la demande du superviseur qu’est la Banque
Centrale Européenne, il reste à
l’
affiner et à le
rendre contraignant, à l’
image de ce qui se
pratique dans les grandes banques.
Une montée en puissance des activités de Bpifrance favorisée par la crise
et la relance
Les différents métiers de Bpifrance ont connu une progression notable de leur activité
depuis 2016, entraînant
une croissance de 47 % de l’encours de prêts (44,3 Md€ fin 2021) et
une montée en puissance des prêts directs sans garantie adossés à des fonds de garantie internes
(+110 % avec les financements de crise), l’encours atteignant
, fin 2021,
15,6 Md€. Dans le
même temps, les sommes mobilisées sur le soutien à l’innovation ont été multipliées par trois
BPIFRANCE
8
depuis 2016
, qu’il s’agisse de l’encours des prêts sans garantie à l’innovation (2,5 Md€
d’encours fin 2021), des aides accordées pour le compte du PIA 4 et de Fr
ance Relance ou
portées par le bilan de Bpifrance, qui atteignent
4,4 Md€ fin 2021. Les activités
d’investissement se sont montrées également dynamiques, avec un encours sous gestion passé
de 27,4 Md€ fin 2016 à 44,3 Md€ fin 2021, soit une progression de 6
2%.
Bpifrance a continué de mettre l’accent sur ses activités d’accompagnement des chefs
d’entreprises, dont les enjeux financiers sont en comparaison modestes, mais qui sont
appréciées des PME et
dont l’impact positif sur l
eur trajectoire de croissance a été confirmée
par plusieurs enquêtes universitaires.
Pendant la crise sanitaire, Bpifrance a pris sa part dans la distribution des prêts garantis
par l’
État après avoir commercialisé des prêts sans garantie aux caractéristiques assez proches.
Elle a su mobiliser les facilités du plan de relance pour donner un nouvel essor au soutien à
l’innovation et aux prêts sans garantie, dont les différentes variantes permettent notamment de
financer les projets industriels et l’adaptation des entreprises à la transiti
on énergétique.
Une vigilance nécessaire sur le provisionnement des risques et sur
l’absence d’effet d’éviction des
acteurs de marché
Cette montée en puissance des différents métiers a été favorisée par la mise en place
d’un soutien public pour aider les entreprises pendant la crise sanitaire et relancer l’économie,
qui s’est traduit par
de nouveaux instruments comme les prêts Atout, et
l’octroi de
moyens
complémentaires,
pour le soutien à l’
innovation par exemple. Cet essor rend nécessaire un
pilotage robuste des différents dispositifs de soutien aux PME gérés par la banque publique.
S’agissant de la garantie des crédits aux PME, la politique volontariste promue par
Bpifrance ne doit pas conduire à une moindre vigilance sur le provisionnement des risques et,
dans le cas de nouveaux produits tels que la garantie des
contrats d’approvisionnement en
électricité, sur leur caractère assurable.
Les instruments déployés par Bpifrance pour soutenir les entreprises durant la crise
sanitaire, puis en sortie de crise
dans un objectif de relance et d’adaptation à la transition
énergétique,
ont renforcé son rôle de prêteur à moyen terme. De manière à ne pas créer d’effet
d’éviction à l’égard
des banques commerciales, Bpifrance devrait suivre de façon plus précise
les cofinancements accompagnant ses prêts, et diminuer ses interventions quand le marché peut
prendre le relais.
Il serait enfin nécessaire de procéder à une nouvelle évaluation des prêts sans garantie,
dont le nombre a cru depuis le rapport de la Cour de 2015, et qui posent à la fois des problèmes
de risque (ces prêts sont traditionnellement affectés d’un taux de sinistre plus important que les
prêts classiques avec sûreté) et de positionnement face aux produits offerts par les banques
commerciales.
Une documentation financière qui pourrait être améliorée, une traçabilité
insuffisante des flux financiers publics
Des améliorations sont souhaitables en matière d’information financière à l’égard des
actionnaires. La réorganisation interne de 2020 crée une cassure dans la lecture des états
financiers consolidés de la banque publique, ce qui ne permet pas de dresser un historique de la
situation financière de Bpifrance. De leur côté, les actionnaires reçoivent des documents, très
BPIFRANCE
9
denses et souvent envoyés tardivement, qui ne présentent pas les informations de façon
harmonisée et ne sont que très rarement assortis de mise en perspective historique.
Avant la mise en place d’un jaune budgétaire consacré à Bpifrance en 2022, les flux
financiers de l’État vers Bpifrance n’é
taient pas retracés dans un document spécifique. Le
document, s’il a le mérite d’exister, peut encore être largement amélioré, en reprenant une
perspective historique,
en différenciant les flux à destination de l’EPIC de ceux à destination
de Bpifrance, et en dissociant les activités gérées pour compte propre et celles gérées pour
compte de tiers. Cet effort de documentation est d’autant plus important que les montants en
jeu sont élevés : les ressources publiques à destination des fonds de garantie atteignent près
de 1,3
Md€ en cumulé de 2016 à 2021
, incluant un peu moins de
500 M€ de dotations
budgétaires, le résiduel consistant notamment en des réallocations de dividendes (près de
450
M€
)
que l’
État aurait dû percevoir ou
l’abandon d’une avance d’actionna
ire en 2020. Les
montants réellement disponibles pour de nouvelles prises en garantie ne sont pas publics, et le
circuit d’alimentation des fonds de garantie par des ressources publiques demeure
particulièrement complexe : plus de 1,1
Md€
de dotations antérieures ont ainsi été réaffectées
aux nouvelles capacités de prises en garantie sur la même période.
Des résultats financiers irréguliers, un bilan en croissance, une stratégie à
encadrer
À
l’exception
de
l’année
2020, Bpifrance dégage un résultat positif mais volatil, car
principalement
porté par l’activité d’investissement.
Hors année de crise sanitaire (résultat net
de -121
M€), il varie entre 723 et 1829 M€ entre 2016 et 2021.
Malgré des charges en
augmentation continue (+60% sur les exercices considérés,
870 M€ en 2021)
, la rentabilité de
Bpifrance reste conforme aux attentes des actionnaires (les 4 % attendus par la Caisse des
dépôts et consignations ont été dépassés la plupart des années, hors crise sanitaire).
Le bilan de Bpifrance
a fortement augmenté depuis 2016, passant de 68 à 100 Md€,
l’essor de la gestion pour compte de tiers venant s’ajouter à ce chiffre. Dans ses projections
stratégiques, la banque publique envisage de porter son bilan à 108 Md€ en 2025
et de
développer plus avant les activités pour compte de tiers.
L’expansion de Bpifrance a été
financée par les ressources publiques pour l’activité de garanties et d’innovation, par les
capitaux propres
financés par la dette pour l’activité d’investissement
à la suite de la
réorganisation juridique de 2020,
et par un recours croissant à l’endettement pour l’activité de
financement.
Or, cette croissance est consommatrice de liquidités. En effet, aucune des activités
principales, que ce soit le financement ou l’investissement,
ne génère de flux de trésorerie
suffisant pour que son développement devienne progressivement auto-financé. Il en résulte un
décalage entre les ambitions stratégiques de la banque publique, sa capacité à générer des
ressources et les moyens qu’acceptent de
lui fournir ses actionnaires. Ce décalage pourrait être
résolu par la mise en place d’un
plan stratégique et financier de moyen terme (ou « feuille de
route ») établi
avec ses actionnaires, fixant les objectifs d’intervention de la banque publique
en fonction des moyens dont elle dispose
et qu’elle est capable
de dégager.
BPIFRANCE
10
RECOMMANDATIONS
Stratégie et gouvernance
Recommandation n°8 (Bpifrance, A
gence des Participations de l’État
, Direction générale
du Trésor, Caisse des dépôts et consignations, Direction du Budget)
: Définir une feuille de
route stratégique et financière cohérente avec les ressources que Bpifrance est capable de
dégager.
Recommandation n°6 (Direction du Budget, Direction générale du Trésor)
:
Indiquer
chaque année dans le jaune budgétaire consacré à Bpifrance :
-
les fonds publics alloués par métier, en séparant les activités menées pour compte
propre, pour compte de tiers et pour compte de l’État ;
-
les montants des dividendes recyclés ;
-
le solde réellement disponible pour les nouvelles prises en garantie.
Recommandation n°7 (Bpifrance)
: Présenter annuellement au conseil d’administration
l’évolution passée et à venir des charges établies au niveau consolidé et détaillées selon les
principaux postes, à périmètre constant.
Fonctionnement
Recommandation n°2 (Bpifrance)
:
Adopter d’ici fin 2023 un calendrier de mise à niveau des
systèmes informatiques et accélérer le mouvement d’internalisation des équipes informatiques.
Recommandation n°3 (Bpifrance)
: Achever en 2023 la mise en place des dispositions
relatives au respect du règlement général sur la protection des données.
Recommandation n°4 (Bpifrance)
: Documenter les montants des concours apportés par les
banques de marché dans les cas de cofinancement.
Recommandation n°5 (Bpifrance)
: Procéder d’ici fin 2024 à une évaluation des prêts sans
garantie.
Comptes de l’État
Recommandation n°1 (Direction générale du Trésor)
: Inscrire dans les comptes de l’État la
garantie accordée à Bpifrance.
BPIFRANCE
11
INTRODUCTION
Le 6 juin 2012, le m
inistre de l’Économie
a annoncé la création de la Banque publique
d’
investissement (Bpifrance)
, afin de soutenir, en l’amplifiant, le financement des entreprises
tout en rationalisant un paysage institutionnel fragmenté. En effet, de nombreux canaux de
financement des entreprises coexistaient sur des segments parfois proches, voire identiques,
posant des difficultés d’articulation de l’action publique et de lisibilité pour les entreprises.
La
nouvelle entité est une banque publique de développement, telle que définie en 2015 par un
règlement du Parlement européen et du Conseil
3
.
L’actionnariat de
Bpifrance se répartit de manière égale et pour sa quasi-totalité entre
l’État, actionnaire
via
l’EPIC Bpifrance, et la Caisse des dépôts et consignations (CDC). La
structure du groupe a été modifiée en 2020, la société anonyme de tête, Bpifrance SA, ayant été
absorbée par sa filiale Bpifrance Financement.
Dans un rapport public thématique publié en 2016
4
, la Cour avait estimé réussie la mise
en place de cette entité aux capacités d’action démultipliées par rapport aux structures dont elle
était issue, tout en appelant à la maîtrise de ses charges et à la stabilisation de son activité. Six
ans plus tard, la dynamique
d’expansion
de Bpifrance est toujours à l’œuvre, rendant
la banque
publique de plus en plus centrale dans le soutien aux entreprises.
La première partie de ce rapport est consacrée à l
’organisatio
n et à la gouvernance de
Bpifrance, dont le pilotage par la puissance publique est délicat
, ainsi qu’à sa gestion interne,
dont la robustesse s’améliore.
La deuxième partie traite
l’évolution des métiers exercés au sein d
e Bpifrance
Financement avant la fusion de 2020
5
. Ces métiers regroupent la procédure publique de garantie
des crédits aux PME, dont une part sécurise des prêts directs de Bpifrance développés par la
crise puis par le plan de relance, les prêts à court, moyen et long terme de Bpifrance, ainsi que
le financement de l’innovation. La croissance de ces activités
, globalement appréciées des
PME, pose la question de
s risques liés à l’octroi de
garanties de crédit, ainsi que celle de la
complémentarité entre les interventions de Bpifrance et celles des acteurs de marché.
La troisième partie est consacrée à la traçabilité des ressources publiques dirigées vers
Bpifrance
pour lui permettre de mener à bien ses missions, ainsi qu’aux
résultats, aux flux de
liquidité et aux équilibres financiers de Bpifrance. La banque publique finance en effet ses
activités par différentes sources, qu’il s’agisse de l’endettement pour le métier de prêts, des
ressources publiques pour les fonds de garantie ou des apports en fonds propres pour
l’investissement,
l’ensemble étant placé au service d’u
ne dynamique de croissance fortement
consommatrice de capital.
6
3
Règlement 2015/1017 du Parlement européen et du Conseil du 25 juin 2015 : une banque nationale de
développement est une entité juridique « exerçant des activités financières à titre professionnel, auxquelles un État
membre
(…)
confère le mandat de mener des activités publiques de développement ou de promotion ».
4
Cour des comptes,
« Bpifrance, Une mise en place réussie, un développement à stabiliser, des
perspectives financières à consolider »,
2016.
5
Les métiers de l’investissement sont traités dans
«
Les activités d’investissement de
Bpifrance »,
Cour
des comptes, 2023.
6
Bpifrance Courtage et Bpifrance Assurance export sont exclues du champ du présent rapport.
BPIFRANCE
12
1
UN OPÉRATEUR CENTRAL DU SOUTIEN AUX
ENTREPRISES, QUE LA PUISSANCE PUBLIQUE PEINE À
ENCADRER
Un opérateur plus intégré et mieux capitalisé
, dont l’organisation
reste
complexe
Le modèle économique de Bpifrance présente de nombreuses caractéristiques qui en
font un établissement bancaire à part : une activité de crédit entièrement refinancée sur les
ma
rchés en raison de l’absence d’activité de dépôts
; la gestion de plusieurs procédures
publiques de soutien aux entreprises, répercutées ou non sur son bilan ; une activité
d’investissements en fonds propres
dont la contribution au résultat est prédominante.
Cet acteur bancaire d’un type particulier, au capital presque entièrement détenu par
l’État et la Caisse des dépôts
, dont les missions de soutien aux entreprises sont définies de
manière large, a vu son architecture juridique modifiée en 2020 par une opération qui a eu pour
effet d’accroître ses capacités d’intervention
et de simplifier le pilotage du groupe.
L’
organisation interne résultant de la fusion
n’a
cependant pas gagné en simplicité, dans la
mesure où la structure faîtière Bpifrance exerce plusieurs métiers bien distincts et où les
activités réalisées pour compte propre ou pour compte de tiers ne sont pas toujours
distinctement présentées.
L’i
ntégration progressive de la plupart des guichets en faveur de la création et
du développement des entreprises
Des missions définies de manière large, des actionnaires soucieux de
centrer l’action de Bpifrance sur les carences de marché
Le rapport public de la Cour de 2015 rappelait l’historique de la création de Bpifrance,
née en 2012 de la fusion de plusieurs entités publiques
chargées de soutenir l’innovation et le
financement des PME. La loi du 31 décembre 2012 sur la création de Bpifrance
7
dispose que la
banque publique est
« un groupe public au service du financement et du développement des
entreprises,
agissant en appui des politiques publiques conduites par l’État et conduites par les
régions »
intervenant sur l’ensemble du cycle de vie d’une entreprise, de la création à la
transmission
via
deux modes de financements principaux : les prêts et les investissements en
fonds propres
8
. Les cibles prioritaires de son intervention sont constituées par les très petites
entreprises (TPE), les petites et moyennes entreprises (PME) et les entreprises de taille
intermédiaire (ETI), en particulier celles du secteur industriel.
7
Loi n° 2012-1559 du 31 décembre 2012 relative à la création de la Banque publique d'investissement,
modifiant l’ordonnance
n° 2005-722 du 29 juin 2005.
8
« Elle favorise l'innovation, l'amorçage, le développement, l'internationalisation, la mutation et la
transmission des entreprises, en contribuant à leur financement en prêts et en fonds propres ».
BPIFRANCE
13
Les missions de Bpifrance
ont été d’emblée
définies de manière très large, puisque
qu’
au-
delà des missions de soutien à l’innovation et d’aide à la création, au développement et
au financement des PME, qui étaient jusque-là dévolues aux entités auxquelles Bpifrance
s’est
substituée, la nouvelle banque publique est notamment censée « participer au développement
des secteurs d’avenir, de la conversion numérique et de l’économie sociale et solidaire
»,
«
apporter son soutien à la mise en œuvre de l
a transition écologique et énergétique », et
«
stabiliser l’actionnariat de grandes entreprises porteuses de croissance et de compétitivité
pour l’économie française
».
Les modalités d’action de
Bpifrance sont encadrées par une
doctrine d’intervention
adop
tée par son conseil d’administration
après présentation
à l’Assemblée nationale et au Sénat
le 15 mai 2013. Cette doctrine précise notamment que Bpifrance
« a vocation à intervenir sur
les segments de marché ou dans les entreprises pour lesquels les autres acteurs financiers ne
sont pas, ou pas assez, présents
». Ceci revient à positionner Bpifrance sur les failles de marché
sachant que la banque publique doit néanmoins dégager une rentabilité lui permettant de
supporter une partie des coûts liés à ces miss
ions d’intérêt général
9
.
Plus récemment, la lettre de mission adressée au directeur général de Bpifrance par ses
deux actionnaires pour la période 2018-2023 insistait sur le renforcement de la sélectivité des
interventions de Bpifrance
dont il convenait d’
assurer la
« pleine additionnalité »
vis-à-vis des
acteurs de marché. Les deux actionnaires manifestaient leur souhait de voir la banque publique
porter une attention particulière aux secteurs peu ou pas couverts par les acteurs privés, sans
effet d’évicti
on de ces derniers.
Cette tension entre un champ d’intervention défini de manière large et la volonté de
ne
pas laisser un acteur public se substituer aux acteurs de marché est toujours présente, alors que
Bpifrance
affirme
ses
ambitions
tant
en
matière
de
transition
énergétique
que
d’accompagnement des entreprises innovantes sur les marchés financiers
10
et de défense des
entreprises présentant un intérêt stratégique.
De nouveaux transferts d’activité
à Bpifrance renforçant son rôle de
guichet unique pour les entreprises
À compter du 1
er
janvier 2017, l'activité des garanties publiques à l'exportation a été
transférée de la Coface à Bpifrance. Depuis cette date, Bpifrance Assurance Export, filiale de
Bpifrance, assure la gestion des garanties publiques à l'exportation au nom, pour le compte et
sous le contrôle de l'État.
Bpifrance offre dans le même temps des financements à l’exportation
dont le montant est plafo
nné à 25 M€ par opération en l’absence de cofinanceur,
et à
75 M€
dans le cadre d’un cofinancement.
À compter du 1
er
janvier 2019, Bpifrance a repris l'Agence France Entrepreneur (AFE)
ainsi que
l’ensemble des missions de
la Caisse des Dépôts (CDC) en faveur de la création
d’entreprises
. La même année, Bpifrance a repris les activités de développement de relations
9
«
L’ensemble des interve
ntions de Bpifrance, notamment celles qui lui sont confiées par les pouvoirs
publics, doivent être financièrement soutenables » et Bpifrance « investit de manière avisée pour financer des
projets de long terme » (loi du 31 décembre 2012 précitée).
10
Suite à la publication du rapport Lagarde-Bourdillon en 2021, qui soulignait les difficultés des
« licornes » françaises
(entreprises privées non cotées, valorisées plus de 1 Md€)
dans leur accès aux marchés de
capitaux, Bpifrance a souhaité contribuer à la cons
titution d’un «
écosystème » plus favorable.
BPIFRANCE
14
partenariales de long terme avec des fonds souverains étrangers, précédemment dévolues à
CDC International Capital.
Le regroupement de ces différentes activités
sous l’égide de la banque publique
d’investissement renforce son statut de guichet unique en matière de soutien aux entreprises.
Opérateur du
prêt garanti par l’
État puis des plans France Relance et France 2030, capable
d’outiller l’État po
ur soutenir
l’économie au plus fort de la crise sanitaire, Bpifrance
constitue
désormais un acteur central du soutien public aux entreprises.
Une fusion-absorption qui permet de financer
par l’emprunt
de nouveaux
investissements en fonds propres
Jusqu’en 2020, le groupe Bpifrance était organisé autour d’une
holding
, Bpifrance SA,
détenue à parts égales par l’État
(
via l’EPIC Bpifrance
) et par la CDC. Cette holding, classée
dans la catégorie des administrations publiques (APU)
11
, était détentrice des entités suivantes :
-
Bpifrance Financement (détenue à 91% par la holding), dotée du statut
d’établissement de crédit et d’une capacité d’endettement de marché
, dont les fonds
propres atteignaient 3,9 Md
€
au 31/12/2019 ;
-
Bpifrance Participations, classée
par l’INSEE dans la catégorie des
ODAC
(organisme divers d’administration centr
ale) comme son prédécesseur le FSI, son
activité principale étant de porter les participations en fond propres du groupe
Bpifrance. Ce statut lui interdisant
de s’endetter à plu
s de 12 mois, la capacité
d’investissement
de Bpifrance Participations était limitée par le montant de ses fonds
propres, qui atteignaient 20,3 Md
€
à fin 2019 ;
-
Bpifrance Assurance Export, également dotée du
statut d’administration publique.
En tant que holding publique, Bpifrance SA était elle-même classée parmi les ODAC,
et le niveau de ses fonds propres (
0,9 Md€ au 31/12/2019
) ne lui permettait pas de procéder à
une augmentation de capital de Bpifrance Participations.
Dans le même temps, Bpifrance Financement était confrontée à un durcissement des
contraintes prudentielles pesant sur son activité, en raison notamment du refus du régulateur
européen d’admettre
en tant que fonds propres les fonds de garantie publics venant sécuriser la
délivrance de garanties aux banques de la place pour leurs crédits aux PME.
La restructuration du groupe Bpifrance réalisée en 2020 avait pour objectif de simplifier
sa gouvernance grâce à la suppression de
l’intermédiation de la holding,
et
d’optimiser
son
capital grâce à la remontée des fonds propres de Bpifrance Participations au niveau de la
nouvelle entité faîtière. Elle s’est traduite par
l'absorption de Bpifrance SA par sa filiale,
Bpifrance Financement
12
.
Dans l’opération,
Bpifrance Financement (renommée Bpifrance) a
conservé son statut
d’établissement de crédit
et a fait disparaître en l’absorbant Bpifrance
SA,
11
Dans la classification de l’INSEE, le secteur des administrations publiques est l’ensemble des unités
institutionnelles dont la fonction principale est de produire des biens et services non marchands ou d'effectuer des
opérations de redistribution du revenu et des richesses nationales et dont les ressources proviennent
majoritairement de contributions obligatoires versées par des unités appartenant à d’autres secteurs institutionnels.
12
Ordonnance n° 2020-739 du 17 juin 2020 portant réorganisation de la Banque publique
d'investissement. La fusion est effective depuis le 18 décembre 2020
. L’EPIC et la CDC possèdent chacun 49,18%
du capital de Bpifrance, des actionnaires privés 1,35% et le reste des actions (0,29%) est autodétenu par Bpifrance.
BPIFRANCE
15
réduisant mécaniquement le périmètre des APU et remontant
d’un cran la capacité
d’end
ettement.
En effet, alors que l’appartenance de la filiale Bpifrance P
articipations à la
catégorie des ODAC (organisme divers d’administration centrale) lui interdit d’emprunter à
plus d’un an,
Bpifrance, entité de tête, a pu financer par la dette une augmentation de capital de
3 Md
€
de cette filiale. Du fait de la fusion, les capitaux propres de l'entité de financement sont
passés de moins de 4 Md
€
à 25 Md
€
13
.
Cette
recapitalisation par l’emprunt réalisée à l’occasion de la restructuration juridique
du groupe
n’a
pas mis
un terme à sa recherche de nouvelles ressources, comme l’atteste la levée
de fonds auprès d’investisseurs étrangers effectuée depuis lors par Bpifrance
Investissement
14
.
Schéma n° 1 :
Structure capitalistique de Bpifrance après la fusion interne
Source : Bpifrance, rapport annuel 2020
Désormais établissement de crédit, la société de tête du groupe, Bpifrance, est soumise
à la réglementation bancaire
15
qui lui impose certaines obligations, comme celles
d’opérer aux
conditions de marché ou
de disposer d’un système de
gestion des risques suffisamment robuste.
Sa filiale
Bpifrance Participations est la société de portefeuille qui détient l’ensemble des actifs
gérés pour compte propre, Bpifrance Investissement, filiale à 100% de Bpifrance Participations,
étant la société de gestion de portefeuille
16
agréée par l’Autorité des Marchés Financiers (AMF).
13
L’opération a également permis le redéploiement de 400 M€ au bénéfice de l’activité de garantie, du
fait de l’abaissement du seuil de redéploiement des fonds de garantie a été abaissé. La base de fonds propres et de
résultats du groupe fusionné étant plus large que celle de Bpifrance Financement, l’impact de cette mesure sur la
solvabilité du groupe a été jugée non significative.
14
Cf. rapport sur l’activité d’investissement de Bpifrance.
15
Arrêté du 3 novembre 2014 relatif au contrôle interne des entreprises du secteur de la banque, des
services de paiement et des services d’investissement soumises au contrôle de l’A
CPR.
16
Telle que définie à l’article L532
-9 du code monétaire et financier.
BPIFRANCE
16
Des résultats plus difficiles à appréhender dans la nouvelle organisation
Sur le plan opérationnel, Bpifrance est gérée par grandes lignes de métiers, dont le
découpage, qui repose sur les différents besoins des entreprises,
ne reproduit qu’en partie son
organisation juridique.
Quatre d’entre eux (financement
- prêts, garantie, innovation et création), positionnés
depuis la création de Bpifrance (ou depuis leur transfert à Bpifrance
) dans l’établissement de
crédit Bpifrance Financement relèvent depuis la fusion de la nouvelle entité faîtière. En ce qui
concerne le métier d’innovation, il relève à la fois du financement (subventions et prêts),
organisé dans l’établissement de crédit, et de l’investissement direct en fonds propres, organisé
au sein de la filiale Bpifrance Investissement.
Le métier d’accompagnement des entreprises,
plus récent, est logé dans Bpifrance Participations car il est partiellement financé par le résultat
de cette entité
17
.
Les fonctions transverses
de l’ensemble des métiers
(finances, stratégie, systèmes
d’informations, ressources humaines, inspection et risques, etc.) sont
pour leur part directement
rattachées à la direction générale.
Cette dualité entre structure juridique et métier
ne facilite pas l’appréhension
des
activités et des résultats du groupe car à une seule structure juridique peuvent correspondre
plusieurs métiers et vice-versa. Ainsi, si la correspondance entre un métier et une entité
jurid
ique est relativement traçable dans certains cas (financement ou investissement), elle l’est
moins pour d’autres (innovation, parfois séparée dans les documents entre innovation
-
financement et innovation-investissement, accompagnement, création
18
).
Du fait de la fusion-absorption réalisée en 2020, le pôle financement, qui regroupe
notamment les activités de prêts et de garantie, ne
relève plus d’un
e filiale spécifique
bénéficiant d’une comptabilité qui lui est propre mais est intégré
dans les comptes, plus larges,
de l’entité faîtière
. Les résultats de cette dernière sont de plus déterminés à titre principal par la
valorisation de l’activité d’investissement portée par Bpi
france Participations, qui influe
également sur le volume de ses capitaux propres (cf. infra).
Cette réorganisation
n’a pas contribué à accroître la lisibilité des résultats de Bpifrance,
dont l’interprétation est rendu
e
particulièrement complexe par l’existence de plusieurs
modalités de mise en œuvre d
es missions
qu’elle réalise
selon les cas pour son « compte
propre », qui est en réalité indirectement celui de ses actionnaires publics, pour le compte de
l’État ou
pour le compte de tiers.
Une séparation entre compte propre et compte État parfois ambiguë, un
développement significatif des activités pour compte de tiers
Dans son rapport universel et financier 2021, Bpifrance présente son activité en deux
grandes catégories
, selon qu’elles sont exercées pour compte propre ou pour compte de l’État
:
17
La direction de l’innovation propose des services d’accompagnement ciblant spécifiquement les start
-
ups, en lien avec la direction de l’accompagnement.
18
Les activités d’assurance et de crédit export ont été examinées par la Cour dans son
« Les dispositifs de
soutien à l’exportat
ion »,
2022.
BPIFRANCE
17
Schéma n° 2 :
Activités pour compte propre et pour compte de l’État
Source : Bpifrance
La frontière tracée dans ce schéma entre une activité de « crédit » pour compte propre
et une activité de « garantie » pour
compte de l’État ne tient pas compte de l’existence d’une
catégorie intermédiaire de crédits de Bpifrance adossés à des fonds de garantie « internes »,
alimentés par des ressources budgétaires.
Les fonds de garantie de Bpifrance
Les fonds de garantie sont des fonds sans personnalité juridique, dotés par une entité
externe, le plus souvent l’État (89
% des montants garantis en 2021) mais également la Caisse
des Dépôts et Consignations (5,4 %), les régions (3,8 %), ou
l’Union européenne
.
Les fonds de garantie de niveau national soutenant la garantie de crédits bancaire par
Bpifrance se répartissent en deux catégories :
•
les fonds de garantie dits « de place »
permettant à Bpifrance d’apporter
sa garantie
aux crédits accordés par les établissements bancaires de la place pour financer les phases les
plus risquées
du cycle de vie d’une entreprise (création, développement) ;
Les dotations accordées sont destinées à provisionner ex ante le risque de non-
remboursement
du crédit, moyennant le versement d’une commission par la banque.
Le
solde
de ces dotations apparaît au bilan de la banque publique (cf. partie 3).
•
les fonds de garantie dits « internes »
.
Dotés de la même manière que les fonds de place, les fonds de garantie interne
bénéficient à des prêts accordés par Bpifrance à ses clients.
À l’appui de ces prêts de long terme
servant à financer des projets d’investissement, Bpifrance ne demande pas de garantie sur les
actifs des entreprises ou le patrimoine des
dirigeants, d’où leur dénomination de «
prêts sans
garantie ».
Ces prêts font l’objet d’une garantie apportée en interne par
les fonds de garantie à
Bpifrance. La part du risque couverte par le fonds de garantie (dite « quotité garantie
») n’est
pas répercutée sur le compte de résultat de Bpifrance, qui paye une commission aux fonds de
garantie à l’instar de ce qui se pratique pour les fonds de place
. Les prêts sans garantie
comprennent notamment les prêts tourisme (dotations Caisse des Dépôts et Consignations), les
BPIFRANCE
18
anciens contrats de développement participatif, les prêts Atout distribués pendant la crise
sanitaire, les prêts croissance et les prêts verts (dotations État).
Cette répartition ne fait pas davantage ressortir la gestion pour compte de tiers, qui
constitue une des modalités d’intervention de
Bpifrance
19
. Ces opérations, qui ne sont pas
inscrites au bilan de la banque publique, sont néanmoins détaillées dans les annexes de ses
comptes consolidés et sociaux. En sus des investissements réalisés à partir de ressources
confiées par des investisseurs extérieurs, en croissance depuis quelques années, cette gestion
pour compte de tiers vise
notamment plusieurs fonds du PIA dirigés vers l’aide à l’innovation,
le fonds d’i
nvestissement industriel (FII), le dispositif des PGE ainsi que celui des prêts
étudiants.
Une meilleure identification
des modalités d’intervention
de Bpifrance serait d’autant
plus nécessaire qu’e
n termes de communication, la banque publique, se positionnant comme
l’interlocuteur unique des entreprises,
fait
figurer son label sur tous les financements qu’
elle
met en place,
qu’il s’agisse ou non de ses ressources et de son risque propre
.
Cette présentation pourrait consister à distinguer les trois catégories suivantes : les
activités pour compte propre, intégralement reflétées dans les comptes de Bpifrance, qui porte
la totalité des risques qui leur sont attachés
; les activités exercées pour le compte de l’État
, qui
bénéficient de ressources publiques (alimentation des fonds de garantie) et sont partiellement
répercutées sur le bilan de la banque publique (inscription d’une ligne au passif pour les fonds
de garantie), Bpifrance étant défrayée pour
l’ensemble de ces
prestations ; enfin, la gestion pour
com
pte de tiers (dont l’État, notamment au titre du PGE et du PIA
20
), qui donne lieu à une
rémunération de Bpifrance
21
, sans impact sur ses risques et sur son bilan. Même si les activités
pour compte de tiers, publics ou privés, ont des logiques semblables, il pourrait être utile de
mieux les distinguer compte tenu de la différence de nature de leurs commanditaires.
19
L’article 6 de l’ordonnance de 2005
modifiée relative à Bpifrance précise que «
l'État, par acte
unilatéral ou par convention, les collectivités territoriales ainsi que leurs établissements publics, par convention,
peuvent confier à l'établissement des missions d'intérêt général compatibles avec son objet. ».
20
L’assurance des crédits à l’exportation, gérée par Bpifrance au nom et pour le compte de l’État, a
également les caractéristiques d’une gestion pour compte de tiers.
21
Si le principe du défraiement a été clairement posé pour les PGE, l’État ayant exigé de Bpifrance qu’elle
produise des justificatifs pour les frais engagés, il n’en est pas de même pour les autres interventions pour compte
de tiers, pour lesquelles Bpifrance perçoit souvent une rémunération établie par référence aux pratiques de marché
(commissions de gestion par exemple pour les fonds d’investissement).
BPIFRANCE
19
Schéma n° 3 :
Organisation des activités
Source : Cour des comptes,
*C
es dispositifs peuvent aussi valoir à Bpifrance une mobilisation de son capital en cas d’
épuisement des
dispositifs de soutien de l’État.
En dehors de l’intervention très spécifique de Bpifrance dans la gestion du PGE
22
(97
Md€ d’encours porté par l’État à fin 2021) et plus marginalement dans celle des prêts
étudiants (266 M€ à fin 2021), l’activité pour compte de tiers n’existe pas du côté du
financement
et de l’octroi des garanties de crédit
. En effet, ces activités sont portées au bilan de
Bpifrance qui assume tout ou partie du risque associé
23
. En revanche, la gestion pour compte
de tiers connaît une montée en puissance très significative
en matière de soutien à l’innovation,
réalisé en grande partie sur les ressources
de l’État (
PIA, France Relance et France 2030). Enfin,
si elle reste minoritaire en
matière d’investissement en fonds propres
(22,5% des actifs sous
gestion à fin 2021), la gestion pour compte de tiers a crû de 163% depuis 2016 (passant de près
de 4 Md
€
à 10 Md
€
d’actifs sous gestion
), tandis que
l’activité pour compte propre
augmentait
de 62%, passant de 21 à 34,4 Md
€
d’actifs
sous gestion.
Graphique n° 1 :
Évolution des actifs sous gestion (Md
€
)
Source : Bpifrance, Plans à moyen terme et rapport annuel de Bpifrance Investissement pour les chiffres de 2016
22
« Les prêts garantis par État, une réponse efficace à la crise, un suivi nécessaire »
, Cour des comptes,
2022.
23
Bpifrance supporte sur son bilan la totalité du risque de crédit associé aux prêts qu’elle distribue (en
dehors des « prêts sans garantie » adossés à des fonds de garantie), et le risque résiduel dans le cas où la sinistralité
des prêts couverts par les fonds de garantie dépasserait la capacité de couverture de ces fonds.
BPIFRANCE
20
Les perspectives de croissance de la gestion pour compte de tiers dans le domaine de
l’investissement
sont régulièrement présentées à la gouvernance dans le cadre des plans à
moyen terme réalisés tous les ans par Bpifrance. Toutefois,
il n’existe pas de document de
doctrine concernant spécifiquement cette gestion, et, surtout, les évolutions respectives des
activités pour compte propre et pour compte de tiers (État ou autre financeur) ne sont pas
retracées sur une période suffisamment longue alors que les ressources tierces sont plus
fortement sollicitées
qu’auparavant pour financer l’investissement (fonds LAC, fonds à
destination des particuliers).
Une gouvernance complexe en raison de la multiplicité des
intervenants
Un organisme intermédiaire, l’EPIC Bpifrance
Les actions Bpifrance sont portées, côté État, par un établissement public créé en août
2005 sous la dénomination EPIC OSEO, renommé en 2012 EPIC Bpifrance.
Cet EPIC
24
joue un rôle dans la gestion des fonds du PIA confiés à Bpifrance : il porte
ces fonds dans son bilan et les délègue à la SA Bpifrance au fur et à mesure de leur utilisation,
conformément aux conventions tripartites signées entre l’État, l’EPIC Bpifrance et le groupe
Bpifrance.
L’intermédiation de l’EPIC
s’est
révélée utile lors de la crise sanitaire de 2020 quand
s
on conseil d’administration a ajust
é de façon réactive
les plafonds de garanties d’émissions de
Bpifrance.
Enfin, l
es séances du conseil d’administration de l’EPIC
semblent permettre une
coordination des administrations intéressées par les missions confiées à la banque publique,
notamment celles qui ne sont pas représentées au CA de Bpifrance.
L’EPIC joue par ailleurs un rôle en matière de garantie des activités de Bpifrance.
Dans
le cadre des diligences menées dans le cadre de sa
mission de certification des comptes de l’État,
la Cour a noté comme anomalie significative le fait que la garantie accordée à Bpifrance ne soit
pas inscrite
dans les comptes de l’
État
, en engagements hors bilan. En effet, l’
État est
cosignataire de la convention tripartite mettant en place la garantie (avec l’EPIC et Bpifrance)
et cette dernière est signalée dans les différents prospectus d’émission des titres de Bpifrance.
Recommandation n°1 (Direction générale du Trésor) : Inscrire dans les comptes de
l’
État la garantie accordée à Bpifrance.
24
L’EPIC est doté d’un PDG, mandataire social, et d’un secrétaire général. Son coût de fonctionnement
(272
000 € par an en 2015,
1,3 M€ en 2021) est modeste.
BPIFRANCE
21
Un actionnariat conjoint État-CDC, une
représentation de l’Etat
éclatée
Les relations entre Bpifrance et ses deux actionnaires principaux sont régies par les
statuts et le règlement intérieur des différentes entités du groupe ainsi que par les dispositions
du pacte d’actionnaires
.
Ce pacte d’actionnaires est destiné
à éviter des désaccords qui pourraient naître des
intérêts respectifs de l’État et de la CDC
.
-
La Caisse des dépôts est naturellement intéressée par la valorisation patrimoniale de sa
filiale et par l’évolution de son modèle d’affaires.
Elle suit avec attention le développement
de la gestion pour compte de tiers
, qui n’offre pas les mêmes possibilités de participation
aux plus-values que la gestion pour compte propre du côté du métier investisseur. La CDC
est par ailleurs très soucieuse de protéger le capital de Bpifrance face aux risques liés à un
éventuel déséquilibre des fonds de garantie publics
25
.
-
L
es intérêts de l’État sont multiples, comme en témoigne le grand nombre de
directions du
ministère de
l’économie et des finances
représentées dans les instances de gouvernance, le
ministère de la transition écologique étant en outre présent dans le CA de la SA Bpifrance.
L’équilibre des procédures publiques est surveillé par la DGT et la DB, la
DGT étant en
outre attentive au positionnement de Bpifrance vis-à-vis des intervenants de marché. La
valorisation patrimoniale de Bpifrance et la gestion par la banque publique des grandes
participations héritées du FSI
sont les sujets de prédilection de l’APE
. Les orientations
sectorielles du soutien aux entreprises intéressent davantage la DGE, représentée au CA
de l’EPIC et de Bpifrance Participations
.
Si les ordres du jour des CA de Bpifrance permettent aux administrateurs
d’être tenus
informés des travaux des différents comités internes, les délais de transmission et la précision
de l’information donnée pourraient être améliorés.
La multiplicité des intervenants côté État et les préoccupations plus exclusivement
financières de la Caisse des dépôts vis-à-
vis d’une
filiale qui impacte directement son bilan ne
facilitent pas toujours
l’expression d’un discours actionnarial structuré vis
-à-vis de la direction
de la banque publique. Les administrateurs se concertent certes systématiquement avant les
réunions des instances de gouvernance mais, faute de consultations suffisantes avec Bpifrance,
ils ne sont pas toujours
en capacité d’
influer sur la trajectoire financière présentée chaque année
par la banque publique dans le cadre de son plan à moyen terme (PMT). Sur les procédures
publiques, et sur les investissements les plus stratégiques, les décisions importantes, préparées
par les services ministériels, sont souvent arbitrées à un niveau politique.
25
La Caisse des
dépôts a demandé l’inscription dans le dernier pacte d’actionnaire d’une clause d’alerte
en cas de diminution des coussins de sécurité constitués au passif de Bpifrance sous forme de fonds de
mutualisation et de fonds de réserve. En cas de franchissement de ce seuil (imputable à un déséquilibre des fonds
qui ne serait pas compensé par des dotations budgétaires supplémentaires), la CDC se voit reconnaître le droit
d’être associée à la gestion des garanties publiques.
BPIFRANCE
22
Des débats sur les orientations stratégiques de Bpifrance
Dotée d’un actionnariat quasi exclusivement public, Bpifrance
constitue le bras armé de
l’État en matière de soutien aux entreprises
. Les différents textes encadrant
l’intervention de
Bpifrance n’empêch
ent pas les désaccords entre la direction de Bpifrance et des membres de sa
gouvernance, ou au sein de la gouvernance
26
. Ces discordances amènent parfois Bpifrance à
solliciter directement les cabinets ministériels. Il arrive également à Bpifrance, comme le font
d’autres entreprises
, de diffuser au plus haut niveau sa conception des priorités stratégiques de
la banque publique. Ainsi, au printemps 2022, une note blanche intitulée
« Esquisses de
réflexion stratégique pour 2022-2025 »
a été élaborée par le COMEX de Bpifrance dans la
perspective de la nomination d’un nouveau gouvernement à la suite des élections
présidentielles. Cette note a circulé dans les cabinets présidentiel et ministériels (Premier
Ministre, ministères économiques et financiers, ministère de la transition écologique et de la
cohésion des territoires)
avant d’être soumise à la gouvernance de
Bpifrance.
Cette attitude peut entraîner un alignement stratégique imparfait entre les ministères et
Bpifrance. Un premier exemple de ce décalage concerne la posture offensive adoptée par
Bpifrance sur la transition énergétique, la conduisant à se proclamer « la Banque du Climat » à
la fin de premier semestre 2020, alors que s’esquissaien
t les contours du plan de relance. Si la
décarbonation est un enjeu prioritaire de politique publique, le rôle prééminent revendiqué par
Bpifrance mériterait une concertation approfondie avec sa tutelle sur
l’association éventuelle
d’autres acteurs et
les moyens destinés à soutenir cette ambition.
L’exemple d’une relation ambivalente
: Bpifrance et l’A
DEME
27
L’ADEME participe à la construction des politiques nationales et locales de transition
écologique et,
à ce titre, s’articule avec Bpifrance pour les actions relevant de la transition
écologique.
Ce partenariat, qualifié par l’ADEME d’«
utile et constructif
», a permis l’élaboration
et surtout la distribution massive de divers dispositifs afin d’aider les entreprises dans leurs
efforts de transition écologique. Le « diagnostic éco flux », outil de diagnostic de sobriété
énergétique des e
ntreprises élaboré au départ par l’ADEME, a par exemple connu un essor très
important à partir du moment où Bpifrance a été chargée de sa distribution (multiplication par
six du nombre de diagnostics effectués en quelques mois).
Une note commune a été élab
orée par Bpifrance et l’ADEME proposant
la création
«
d’un continuum de financement et d’accompagnement
» à destination des entreprises en
matière de financement de la transition écologique. Selon cette
note, l’outil pourrait être
un
« Programme Commun pour la Transition des PME et ETI »
cogéré par Bpifrance et l’ADEME
sur deux volets, l’accompagnement de 20
000 entreprises et
l’octroi
de 2000 subventions
spécifiques (dites subventions « premiers pas ») par an.
Or, la note d’esquisse stratégique de
Bpifrance mentionnée plus haut va plus loin, recommandant un « rapprochement fort » entre
Bpifrance et l’ADEME
et indiquant que «
l’ADEME pourrait confier à Bpifrance le
déploiement de l’ensemble de ses budgets prévus à destination des PME/ETI ».
L
’écart
entre
les deux documents est significatif, le prisme des deux entités
étant d’ailleurs
assez différent :
26
À titre d’exemple, sur la convention d
e gestion des PGE.
27
Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie
. Elle compte environ 1000 salariés pour un
budget annuel de l’ordre de 850 M€
.
BPIFRANCE
23
en dehors de l’innovation, pour laquelle l’approche subventionnelle de la banque publique peut
se rapprocher de celle de l’ADEME,
Bpifrance a une activité bancaire principalement évaluée
sur des critères financiers, alors que les activités de l’ADEME sont
dans leur ensemble
subventionnelles. Or, l’efficacité d’une subvention ne s’évalue pas sur sa rentabilité financière
mis sur l’atteinte de son objectif.
Par ailleurs,
si la banque publique s’appuie sur son réseau pour atteindre les
entrepreneurs,
l’ADEME possède
les experts techniques de la transition écologique ayant les
compétences nécessaires pour évaluer les efforts des entreprises en matière de transition
é
cologique. C’est à ce titre que l’ADEME a été nommée responsable du volet relatif à la
décarbonation de l’industrie (5 Md€) du plan France 2030, dont elle est l’un des quatre
opérateurs aux côtés notamment de Bpifrance.
Un autre exemple porte sur la vol
onté de Bpifrance de se doter d’un outil
d’investissement permettant de défendre des enjeux de souve
raineté. Le ministère chargé de
l’économie
a mené une réflexion sur ce sujet dès 2019
n’excluant pas une ouverture d’un fonds
d’intervention à des investisseurs extérieurs voire une recomposition de l’actionnariat de
Bpifrance Participations.
Désireux de disposer d’une
force de frappe de plusieurs milliards
d’euros
notamment destinée à stabiliser le capital de grandes entreprises, Bpifrance a finalement
fait appel à des investisseurs tiers
extérieurs à l’Union européenne
28
avec le soutien du MINEFI
pour créer LAC 1.
Des débats ont également eu lieu avec la gouvernance sur la démocratisation du capital
risque promue par la direction générale de Bpifrance à travers les fonds Bpifrance Entreprises
1 et 2
29
.
Une relation avec les régions à améliorer
La place à accorder aux spécificités régionales dans la définition de l’offre de soutien
aux entreprises avai
t été fortement débattue avant l’adoption de la loi décembre
2012 instaurant
Bpifrance
. La solution mise en œuvre par la loi a consisté
en la mise en place de comités
régionaux d’orientation (CRO)
30
« chargés de formuler un avis sur les modalités d'exercice
par la société anonyme BPI-Groupe et ses filiales de ses missions au niveau régional et sur la
cohérence de ses orientations stratégiques avec la stratégie régionale de développement
économique
».
En dehors de la région Centre Val de Loire, les CRO ne se sont quasiment pas réunis
depuis 2017
31
, alors qu’ils
le faisaient
régulièrement jusqu’
à la réforme territoriale de 2015.
Plusieurs régions n'ont pas été en mesure de désigner les nouveaux membres des CRO à la suite
de la réforme territoriale, faute de pouvoir concilier les exigences de parité et
d’
équilibre
géographique, tout en respectant les règles de désignation des différentes catégories de
membres fixées en 2013.
28
«
L’activité d’investissement de Bpifrance
»
, Cour des comptes 2023.
29
Idem.
30
Constitués de rep
résentants de l’État, de la région concernée, de la direction régionale de la Caisse des
dépôts, des syndicats, du CESE régional, de la CCI et de la CMA de la région.
31
Ils ont pu se tenir épisodiquement dans certaines régions qui n’ont pas fusionné, Breta
gne, Pays de la
Loire ou DOM par exemple.
BPIFRANCE
24
Un essai de dialogue a été entrepris récemment (2020-
2021) sous la forme d’un groupe
de travail conjoint entre les régions, représentées par l’Association des régions de France, et
Bpifrance. L’objectif était de progresser dans le sens d’une meilleure pris
e en compte par
Bpifrance des demandes d’adaptation de son offre aux spécificités locales. Devant l’absence
d’avancée des discussions, qui butaient notamment sur le
fait que le périmètre des adaptations
envisagées dépassait les prérogatives des participants
, ce groupe de travail ne s’est plus réuni
et a laissé place à des échanges informels.
Pour autant, la communication de Bpifrance souligne l’empreinte locale de la banque
publique, dotée d’un réseau opérant au plus près des PME dans les territoires. Il e
st ainsi rappelé
que 90 % des décisions sont prises localement dans les quelques 50 antennes régionales
(sachant néanmoins que tous les dossiers présentant des difficultés ou des enjeux financiers
significatifs remontent en direction centrale
32
, et qu’en mo
ntant les décisions sont centralisées
à près des deux tiers).
Plus fondamentalement, une coopération existe autour
d’outils gérés par Bpifrance
et
Bpifrance Régions, filiale de Bpifrance dédiée à la garantie
33
(certains outils permettent
également aux entre
prises régionales d’accéder plus facilement aux garanties FEDER). Ces
outils, dont les caractéristiques (ciblage sectoriel, géographique, quotité garantie etc.), propres
à chaque région, sont définies par le biais de conventions, visent notamment le financement de
l’innovation (fonds régionaux d’innovation)
et le crédit (fonds régionaux de garantie et prêts de
développement territoriaux). Bpifrance accompagne ces interventions en mobilisant pour
chaque opération ses propres dotations pour un montant en principe équivalent. Ces dispositifs
d’ingénierie financière permettent un levier important sur la ressource publique
, renforçant
l’efficience des dispositifs mis en place par les
régions avec Bpifrance.
Durant la crise sanitaire, les régions ont abondé des fonds pour lesquels la quotité
garantie maximale a été portée à 80% (contre 70 % pour les co-garanties Bpifrance-Bpifrance
Régions hors crise, et 50 % lorsque les fonds nationaux interviennent seuls hors crise). Leurs
concours ont notamment permis de mettre en
œuvre
les prêts « Rebond » distribués localement
aux entreprises. En
2021, l’encours moyen s’établissait à 931 M€ pour les garanties régionales
(contre 646 M€ en 2016), et l’encours de prêts Rebond
34
atteignait en fin d’année 1
020 M€.
En complément de ces dispositifs gérés par Bpifrance, les régions entretiennent avec la
banque publique des partenariats étroits dans le champ de la création d’entreprises (réseaux
d’accompagnement et dispositifs de prêts d’honneur) et
de
l’accès aux fonds propres (fonds
régionaux ou interrégionaux d’investissement).
L
es problèmes de gouvernance régionale n’interdisent pas le travail en commun pour
soutenir les entreprises, mais
ils fragilisent l’image de partenaire local sur laquelle communique
Bpifrance. Des efforts devraient donc être faits pour faire fonctionner les instances de
concertation prévues par la loi de 2012, dont notamment le c
omité national d’orientation
.
32
La compétence décisionnelle des délégations régionales est limitée à 5 M
€
pour les prêts et 1 M
€
pour
les investissements en fonds propres.
33
Le capital de Bpifrance Régions est réparti entre Bpifrance (à hauteur de 99,98%), et les régions et
autres collectivités territoriales et actionnaires (1 action/collectivité).
34
Ces prêts de Bpifrance sont sécurisés par des garanties régionales.
BPIFRANCE
25
Des progrès de gestion interne, des fragilités persistantes en matière de
ressources humaines et d’inf
ormatique
Une gestion délicate des ressources humaines
Des collaborateurs de plus en plus nombreux et de plus en plus jeunes
Les effectifs du groupe Bpifrance ont augmenté de près de 50% depuis 2016, passant de
2468 personnes en 2016 à 3682 fin 2021. Les employés sont très majoritairement recrutés en
contrats à durée indéterminée (CDI) (entre 95 et 93 % des effectifs pour la période sous revue),
les autres étant en
contrat d’apprentissage
ou de professionnalisation. Le recours aux contrats à
durée déterminée hors alternance est quasi inexistant.
Graphique n° 2 :
Évolution des effectifs totaux
Source : Bpifrance. Au total, à fin 2021, 3 414 personnes sont en CDI, à Bpifrance (2574 personnes), Bpifrance Investissements
(598 personnes), Bpifrance AE (241 personnes) et Courtage (1 personne).
La moyenne d’âge des salariés
est passée de 42,2 ans en 2016 à 38,9 ans en 2021. Ce
rajeunissement
s’explique par
le turnover des personnels et les difficultés de recrutement de
Bpifrance, qui la contraignent
à s’orienter vers des profils de plus en plus juniors.
Les personnes
de moins de quarante ans représentant 55 % des salariés du groupe.
En tenant compte des démissions, des départs à la retraite et des licenciements, la
rotation des équipes fluctue entre 8 et 10% au niveau du groupe entre 2016 et 2021, soit des
chiffres proches de ceux du secteur bancaire français.
La jeunesse des collaborateurs recrutés s’explique principalement par le niveau des
salaires proposés par Bpifrance, qui, s’ils son
t relativement élevés par rapport à la sphère
publique, ne sont pas alignés sur le secteur privé, notamment dans le métier de l’investissement
en fonds propres.
BPIFRANCE
26
Des rémunérations qui diffèrent selon les métiers et entités
La masse salariale a augmenté légèrement moins rapidement que le nombre de salariés,
passant de 149,9 M
€
en 2016 à 233,7 M
€
fin 2021 (+ 41%). Le total des dix rémunérations les
plus élevées du groupe est passé de 3,3 M
€
en 2016 à 3,6 M
€
en 2021, soit une augmentation
de 7,60 % (primes sur objectif incluses). Bpifrance Investissement regroupe 58 % de ce total et
six des dix rémunérations les plus élevées.
La rémunération des cadres dirigeants n’appelle pas
d’observation
s particulières
et n’est assortie d’aucune rémunération
spécifique
(« carried
interest »,
etc.)
Deux systèmes de rémunérations variables sur objectifs
, exclusifs l’un de l’autre,
sont
appliqués par Bpifrance. La prime variable sur objectifs (PVO) est fondée sur des objectifs
personnels de production et de marges, lesquels intègrent des critères de respect des budgets.
La « Prime réseau » est un dispositif collectif destiné à reconnaître, pour chacune des directions
du réseau, les performances collectives des équipes
par rapport aux objectifs d’activité de
l’année. Il n’existe pas de système de rémunération directement lié à des prises de risque
financier ou associant les personnels au capital, ni de rémunération variable garantie.
La rémunération moyenne totale de Bpifrance Investissement est supérieure de plus de
36 % à celle de Bpifrance, le salaire fixe étant au départ plus élevé, bien que les salariés de
Bpifrance Investissement ne bénéficient pas de la prime « réseau ». Ce différentiel reflète les
tensions sur le marché des métiers
de l’investissement en fonds propres
, Bpifrance peinant à
recruter et à retenir les profils expérimentés dans ce domaine.
Tableau n° 1 :
Rémunérations fixes et variables par entité (en
€)
Chiffres à fin 2020
Bpifrance
Investissement
AE
FIXE
Versé en N
Salaire annuel moyen
52 742
81 727
55 365
Salaire annuel médian
47 100
69 350
52 191
VARIABLE
Versé en N+1
Moyenne Prime réseau
3 963
N/A
3 294
Nombre de personnes éligibles
1 462
-
57
Moyenne PVO
20 448
17 738
10 066
Nombre de personnes éligibles
180
563
35
Intéressement et participations moyens
6 030
13 806
5 079
Source : Bpifrance
Note : le périmètre des collaborateurs éligibles aux PVO et prime réseau varie selon les entités, un collaborateur
de Bpifrance ne pouvant percevoir à la fois une PVO et une prime réseau.
Ces rémunérations sont complétées par divers avantages, qui se montent en 2021 à
18,8 M
€
pour les abondements de retraite et 2,6 M
€ pour les autres avantages en nature
.
Un cadre déontologique clair
À son arrivée chez Bpifrance, chaque collaborateur prend connaissance de différents
documents de cadrage déontologique (règlement intérieur, code de déontologie, politique de
lutte contre la corruption, obligation de déclaration en matière de transactions personnelles).
BPIFRANCE
27
Un ensemble de contrôles de deuxième niveau est ensuite réalisé par la direction de la
conformité et du contrôle permanent (cohérence des déclarations avec ce qui peut être trouvé
en extérieur par exemple sur LinkedIn).
Une fois en poste, le collaborateur atteste annuellement à la direction de la conformité
et du contrôle permanent
qu’il a respecté un ensemble de règles comme
la déclaration dans un
outil dédié de tout cadeau reçu, le
refus de tout cadeau d’une valeur supérieure à 50
€
ou encore
les invitations reçues, qui
doivent faire l’objet d’une information ou d’une validation de
l’autorité hiérarchique en fonction de la nature de l’invitation reçue
. S
’agissa
nt des repas
d’affaires (invitation reçue ou donnée), une déclaration doit également être faite à la
direction
de la conformité et éthique
via
un outil dédié à partir de 50
€/personne (70
€ pour un diner en
région parisienne ou à l’étranger)
, et dès le pre
mier euro lorsque l’invitation concerne
un élu ou
un membre de la fonction publique.
Une procédure découlant du code de déontologie décrit les règles en matière de gestion
des conflits d’intérêts. En cas d’identification d’un conflit, potentiel ou avéré,
ou en cas de
doute sur la présence d’une situation de conflit d’intérêts ou dès lors que la situation rencontrée
sort du cadre habituel de Bpifrance, les collaborateurs doivent saisir la direction de la
conformité et é
thique pour concevoir l’encadrement ap
proprié.
En revanche, aucune
procédure spécifique n’encadre le départ des collaborateurs de
Bpifrance en dehors des dispositions du droit du travail et des règles de droit commun.
Un recours aux prestataires extérieurs qui a plus que doublé en cinq ans
Le développement des activités de
Bpifrance s’est accompagné d’une augmentation des
honoraires versés à des prestataires extérieurs sur des métiers variés, incluant par exemple
l’informatique
et le conseil juridique. De 78,5 M
€
en 2016 pour
l’ensemble du gro
upe, ces
prestations extérieures ont plus que doublé en cinq ans, passant à 168,1 M
€
en 2021. Cette
hausse s’explique dans sa majeure partie par le recours croissant aux prestataires informatiques,
puisque Bpifrance passe dans ce domaine de 564 collaborateurs extérieurs fournis par des
prestataires en 2016 à 1 058 en 2021 (+88% en cinq ans).
Concernant Bpifrance Participations, les montants des conseils extérieurs sollicités pour
les opérations d’investissement sont passés de 21,7 à 25,3 M€ (+
16%) de 2016 à 2021. Les
conseils liés aux opérations de fusions-acquisitions et aux vérifications nécessaires lors des
transactions (
due diligence
) représentent 38% du montant total en 2021
(soit 9,5 M€)
, les
conseils de nature juridique 36%
(9,15 M€)
et les conseils de stratégie 13%
(3,26 M€)
.
Une communication offensive, une notoriété indiscutable, des méthodes
d’évaluation
à diversifier
Une communication considérée comme un levier d’action sur les
entreprises
La communication est considérée par la direction générale de Bpifrance comme un
métier à part entière, central dans le fonctionnement de l’établissement, le but affiché étant
BPIFRANCE
28
d’encourager les initiatives entrepreneuriales. La direction de la communication
regroupe ainsi
une cinquantaine de personnes et fait appel à des agences extérieures, référencées à la suite de
consultations pour une durée de trois ans et que Bpifrance peut ensuite mandater pour les
différents projets. Les missions de la direction de la communication recouvrent la gestion de la
marque, les médias, les événements (le « Big tour », Big signifiant « Bpifrance Inno
Generation ») ou encore la mise en réseau (Bpifrance Excellence qui regroupe 6000 entreprises
de croissance).
La communication a permis à Bpifrance de se construire une réelle image de marque,
jugée positive, attractive et dynamique, associée à une entreprise « pragmatique » selon des
associations d’entreprises.
La présence forte de Bpifrance en matière de communication
peut s’ef
fectuer au
détriment d’autres acteurs publics ne bénéficiant pas d’un budget de communication aussi
important, alors que ceux-ci peuvent être les principaux pourvoyeurs réels des fonds en jeu
(SGPI, ministères économiques et financiers, régions). Bpifrance compare volontiers son
budget de publicité et communication, passé de 10 à 25 M
€
de 2016 à 2021, à celui des autres
banques de la place parisienne en en soulignant le faible montant, mais les comparaisons avec
les autres entités publiques sont plus rares. À titre indicatif, le budget annuel moyen de
communication du
ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté numérique est
de 5,5 M€
35
. Alors que les charges de la banque publique augmentent fortement depuis 2016
(cf. partie III), le développement du budget de communication
mérite d’être contrôlé
.
Une action connue et favorablement perçue par les entreprises
Bpifrance mène annuellement une étude de satisfaction auprès des entreprises, sans se
limiter à sa seule clientèle. En 2021, 2 420 entre
prises ont répondu à l’enquête
, qui a débouché
sur un
Net Promoter Score
de 42 points, qui peut être considéré comme très satisfaisant
36
. La
satisfaction des entreprises est notamment liée à la bonne relation entre Bpifrance et ces
dernières, et ceci sur l’ensemble des métiers exercés par la banque publique.
L’enquête
de 2021 a fait un focus particulier
sur les activités d’accompagnement.
Il en
ressort que près des trois-
quarts des dispositifs d’accompagnement sont connus par au moins
50 % des entreprises (sur près de 2000 entreprises ayant répondu sur ces questions), dont 20 %
utilisent ces prestations.
Les associations professionnelles soulignent toutefois que
la lisibilité de l’offre
devrait
être améliorée. Il existe en effet parfois des dispositifs très proches, dont les intitulés sont
voisins (prêts croissance, prêts croissance industrie, prêts croissance relance et prêts industrie
PME
par exemple) et avec des conditions d’octroi légèrement variables. Le plus souvent, ces
différences d’appellation reflètent la différence d’
origine des
fonds pour un même type d’aides
.
Cependant, la banque publique cherche à limiter l’impact de la multipl
icité des offres, liée à la
pluralité des ressources utilisées par Bpifrance, sur son client qu’est l’entrepreneur
: des
35
En dehors de certaines années, des campagnes de communication exceptionnelles comme le
prélèvement à la source ou encore l’information sur les aides aux entreprises lors du Covid.
36
Les entreprises cotent entre 0 (peu satisfaite) et 10 (très satisfaite). Les « détracteurs » sont les entités
ayant attribué une note de 0 à 6 ; les « passifs » une note de 7 à 8 et les « promoteurs » de 9 et 10. Pour obtenir le
NPS, on soustrait le pourcentage de détracteurs du pourcentage de promoteurs. Cette même enquête fait ressortir
pour les banques un
Net Promoter Score
moyen de 11 points.
BPIFRANCE
29
améliorations de présentation ont été faites sur le site internet (« parcours client en ligne ») et,
dans le réseau, les chargés d’affaire sont chargés d’orienter l’entrepreneur
.
L’intérêt
de réaliser des évaluations intermédiaires
Des évaluations économétriques précises, fondées sur des comparaisons avec des
contrefactuels, sont réalisées et apportent des enseignements utiles. Plusieurs travaux ont été
entrepris par les équipes de Bpifrance (le pôle « évaluations » compte six personnes) ou en lien
avec des partenaires extérieurs. En plus de celle sur l’accompagnement
(encadré infra), on peut
citer l’évaluation des soutiens aux «
projets collaboratifs
» réalisée par l’INSEE et la DGE en
janvier 2021, l’évaluation des soutiens à l’innovation
faite par le cabinet Roland Berger en
2018, un rapport sur l'investissement dans l'immatériel pour l'industrie réalisé par un laboratoire
dépendant d
’HEC sous pilotage
conjoint de Bpifrance
, de l’Observatoire de l’immatériel, du
Ministère de l’économie et des finances
37
ou encore une étude de France Stratégie sur les aides
à l'innovation pour les entreprises publiée à l’automne 2022.
Ces études demandent à la fois du
recul (pour disposer d’un volume d’informations utiles) et du temps.
Un «
livret d’impact
» est réalisé annuellement et mis en ligne pour compléter ces
études. Ses indicateurs couvrent la plupart des 300 à 400 dispositifs et mesure l
’impact que ces
derniers génèrent en termes d’emplois, d’activités et d’export. Ils sont déclinés annuellement à
l’échelle régionale et transmis aux régions, pour alimenter le cas échéant les travaux des CRO.
En dehors des évaluations portant sur les dispositifs PIA dans le cadre du plan de
relance
38
, il manque un volet intermédiaire entre les études complexes, robustes mais longues
et menées sur quelques dispositifs seulement (entre une et six études par an), et le livret
d’impact.
Des évaluations plus rapides pourraient permettre de couvrir chaque année une part
plus significative des dispositifs.
L’exemple récent d’une étude universitaire sur l’accompagnement
: résultat
positif mais difficultés pratiques
Une étude menée par le laboratoire Théorie et Évaluation des Politiques Publiques
(TEPP), affilié au CNRS, s’est
focalisée sur les accélérateurs de Bpifrance
39
.
Elle a étudié l’utilité de ce dispositif d’accompagnement de Bpifrance en suivant
142 entreprises en trois cohortes réparties sur les exercices 2015, 2016 et 2017, et en comparant
les groupes étudiés avec des groupes témoins.
Sur la cohorte de 2015, la probabilité pour une PME de devenir une ETI est augmentée de
sept points par l’accélérateur par rapport au groupe témoin
; cet impact positif se retrouve sur
les cohortes 2016 et 2017. L’effet du programme en 2017 sur la progression annuelle du chiffre
d’affaire
s est de 10 points, 14 points sur la progression de la valeur ajoutée
, l’impact étant
également notable
sur l’investissement.
37
Avec la participation de la Fabrique de l’Industrie et de l’Institut CDC pour la recherche.
38
Portant sur les prêts Verts, Prêts Robotiques, prêts numériques, French Fab.
39
« Accélérer les entreprises ! Une évaluation ex post »,
Fabrice Gilles, Yannick L’Horty et Ferhat
Milhoubi, décembre 2020.
BPIFRANCE
30
Ce résultat positif est à prendre avec précaution à cause des difficultés pratiques inhérentes
à ce type d’évaluations
: faible nombre d’entreprises, difficulté de créer un groupe témoin
pertinent. Un travail sur série longue permettra aussi d’obtenir des chiffres p
lus robustes.
Les difficultés de l’informatique
La direction des systèmes d’information, qui gère près de 430 applicatifs, fait face à des
enjeux de différentes natures, à la fois humains et opérationnels.
Les systèmes d’information
font l’objet d’une revue stratégique incluant une projection des actions à mener à horizon 2025
mais le schéma cible n’est pas précisément défini.
Une dépendance aux prestataires extérieurs
Les effectifs internes de la direction des systèmes d’informations ont été presque
multipliés par deux depuis 2016 pour répondre au développement continu de la digitalisation
des métiers de Bpifrance. Le fait que les compétences soient très demandées sur un marché du
travail restreint et que Bpifrance ne bénéficie pas d’une image «
tech » ancienne ou
particulièrement forte a engendré des difficultés de recrutement.
Tableau n° 2 :
Effectifs internes de la DSI de 2016 à 2022
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
Effectifs
internes
134
150
164
169
190
223
241
Source : Bpifrance, questionnaire DSI.
Ces effectifs internes, malgré leur augmentation, ne représentent que 20 % des
ressources humaines de la DSI, qui recourt fortement à des prestataires externes, dont les
effectifs sont passés de 564 en 2016 à 1058 en 2022 (+88 %). La situation de Bpifrance dans
ce domaine diffère de celle des autres banques de la place parisienne qui ont choisi
d’internaliser massivement ces fonctions stratégiques
40
.
Ce recours massif aux prestataires extérieurs constitue une vulnérabilité identifiée par
l’inspection générale de Bpifrance
. La nécessité de stabiliser la liste des fournisseurs a conduit
à mener un référencement de masse courant 2021, conduisant à passer de 150 à 60 fournisseurs
pour les trois à cinq années à venir. Si la formation des consultants relève de la responsabilité
de leur employeur et non du client qu’est Bpifrance, l
a banque publique a mis en place des jeux
de tests techniques permettant de s’assurer des profils recrutés
. La baisse du taux
d’externalisation passe par un plan de recrutement
qui a accru
l’effectif interne de la direction
des systèmes d’information
, passé de 134 à 231 ETP entre 2016 et 2021. Cet effort est appelé
à se poursuivre avec le recrutement prévu de 54 ETP en 2023. Il sera nécessaire de suivre ce
processus
d’internalisation de la ressource
dans la durée.
40
Les banques françaises ont internalisé en moyenne 76% de leurs effectifs des SI.
BPIFRANCE
31
Des difficultés opérationnelles
Bpifrance doit faire face à un enjeu réel de robustesse informatique et a, en conséquence,
engagé un plan de transformation en 2018. Trois à quatre attaques extérieures sont menées par
semaine
à l’encontre de
Bpifrance. L’établissement utilise au total
14 fournisseurs de
«
clouds
», français ou étrangers, avec pour objectif
d’établir un cloud hybride combinant
public et privé, et maintenant des capacités de stockage physique des données en fonction de
leur degré de confidentialité ou de sensibilité.
Les données sont actuellement sauvegardées à
trois niveaux. Il existe un plan de continuité informatique et un site de secours, notamment pour
la salle des marchés. Ce dernier est régulièrement testé en repartant des données sauvegardées
automatiquement et ces tests ont donné des résultats satisfaisants.
Par ailleurs, la DSI doit composer avec des écarts importants entre les différents SI
métiers. Certains métiers historiques, comme
l’activité de
crédit-bail, ont des systèmes
d’information anciens
;
d’autres
, comme les crédits digitaux
41
, sont beaucoup plus récents. En
2020, l’inspection générale avait souligné, dans trois missions distinctes, que
«
l’obsolescence
du SI demeure préoccupante et reste un risque significatif pour l’ensemble du groupe
».
Les difficultés informatiques ont été observées pendant le déploiement des prêts garantis
par l’État. Bpifrance avait envoyé aux banques participantes des fichiers dits «
gabarits » à
remplir pour bénéficier de la garantie mais les SI des banques et de Bpifrance ont eu des
difficultés à la fois à générer les fichiers (banques) et à intégrer les fichiers gabarits retournés
remplis (Bpifrance).
Ces difficultés d’intégration ont été notamment liées au volume
exceptionnel de dossiers reçus (plus de 600 000 dossiers en trois mois). Il en a résulté des temps
de latence entre le moment où les banques avaient accordé le prêt et le moment où la garantie
était effectivement octroyée, mettant les banques prêteuses en risque sur ce laps de temps
42
.
Des failles de contrôle interne et de robustesse des SI ont été mises à jour par les
commissaires aux comptes ou l’inspection générale de Bpifrance
43
: les comptes utilisateurs ne
sont pas systématiquement désactivés suite au départ d’un collaborateur ou d’un prestataire,
la
date de dernière connexion n’est pas toujours tracée dans les outils, les demandes d’accès à
certaines applications ne font pas systématiquem
ent l’objet d’une demande formalisée, la
traçabilité des demandes d’accès aux données n’est pas systématiquement assurée.
Enfin,
aucune revue des comptes et droits d’accès n’a été effectuée au cours de l’exercice 2021
pour certaines applications.
Recommandation n°2 (Bpifrance)
: Adopter d’ici fin 2023 un calendrier de mise à
niveau des
systèmes informatiques et accélérer le mouvement d’internalisation des
équipes informatiques.
41
Capacité à obtenir un crédit en ne passant que par une plateforme informatique.
42
Il n’est pas exclu que des difficultés perdurent sur l’enregistrement des PGE restructurés.
43
« la gestion des licences informatiques apparaît fluctuante et expose Bpifrance à des risques de
conformité et de sécurité »
-
bilan d’activité 2020 de l’inspection générale, 23 février 2021
.
BPIFRANCE
32
Le respect du règlement général sur la protection des données (RGPD) :
un chantier à achever
Le RGPD a été adopté en 2016 par la Commission européenne et est entré en vigueur le
25 mai 2018.
Les enjeux relatifs à son application n’ont été pris en compte que relativement
tardivement par les différents métiers de Bpifrance et les m
oyens pour sa mise en œuvre
se sont
mis en place très progressivement. Les dates initialement prévues pour la mise en place
intégrale des exigences du RGDP n’ont pas
été tenues.
Fin 2021, face au peu de ressources qualifiées en interne pour mener ce chantier à bien
et aux difficultés à recruter, il a été décidé de recourir à un cabinet de conseil externe.
L’ensemble des volets du RGPD
a été travaillé avec ce prestataire avec un objectif de mise en
place en fin d’exercice 2022. D’après le suivi trimestriel, quelques travaux qualifiés de
« résiduels » étaient encore anticipés
pour le début d’année 2023.
Le coût de cette mission est de l’ordre de 500
000
€
, le nombre de consultants externes
mobilisés varie selon les phases et les étapes.
Recommandation n° 3 (Bpifrance) : Achever en 2023 la mise en place des dispositions
relatives au respect du règlement général sur la protection des données.
Une amélioration de la gestion des risques à poursuivre
En tant qu’établissement de crédit, Bpifrance est soumis à la réglementation bancaire
44
qui lui impose des obligations, comme celle de séparer les métiers de financement et
d’investissement, les fonctions opérationnelles et de contrô
le, ou encore de
disposer d’un
système de gestion des risques.
Des risques de nature variée, proches de ceux des autres établissements
bancaires
Les risques portés par un établissement comme Bpifrance sont variés, la supervision de
l’établissement et l’évaluation des risques y afférant relevant de la Banque centrale européenne
(cf. Partie 3).
D
’
une part, Bpifrance est exposée au risque de crédit des entreprises auxquelles elle a
notamment accordé une garantie ou un crédit. Son exposition totale à ce risque est de 87,2 Md
€
à fin 2021. Bpifrance est assez exposée à des secteurs considérés comme vulnérables à la suite
44
Arrêté du 3 novembre 2014 relatif au contrôle interne des entreprises du secteur de la banque, des
services de paiement et des services d’investissement soumises au contrôle de l’Autorit
é de contrôle prudentiel et
de résolution.
BPIFRANCE
33
de la crise du Covid. Selon la BCE, une attention spécifique doit notamment être portée sur la
prise en compte précoce des risques liés aux prêts accordés en cours de restructuration.
D’autre part, Bpifrance est, comme les autres banques, exposée aux risques liés aux
marchés financiers, qui recouvrent :
•
le risque de liquidité
45
, Bpifrance possédant à ce jour des ratios de liquidités
satisfaisants, puisque son ratio de liquidité à 30 jours calendaires (
Liquidity coverage
ratio
–
LCR
46
, voir Partie 3) était de 425 % en décembre 2021 contre une limite
réglementaire à 100
% et un seul d’alerte à 107,5
% ;
•
le risque d’évolut
ion défavorable des marchés financiers pouvant affecter le résultat de
Bpifrance Participations ;
•
le risque d’évolution des taux, l’impact d’un choc de +200 points de base sur le bilan
de Bpifrance étant mesuré par la direction financière à -228 M
€
;
•
le risque de change, marginal car les expositions en devises (dollar américain et livre
sterling) sont faibles et partiellement couvertes.
Les risques opérationnels rassemblent à la fois les risques informatiques évoqués plus
haut, incluant le risque de cyber
criminalité, et l’ensemble des risques de non
-conformité.
Plusieurs incidents informatiques sont survenus en 2021, le superviseur jugeant que
l’exposition au risque opérationnel de Bpifrance a été accru pendant la crise.
Par ailleurs,
Bpifrance Financement avait été mise
en demeure par l’APCR en 2019,
du fait des insuffisances
constatées en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme,
à la fois dans les diligences menées par Bpifrance pour identifier et connaître les clients
personnes morales et leurs bénéficiaires effectifs et dans le dispositif de surveillance continue
des opérations. À la suite de cette mise en demeure,
l’ACPR avait émis des recommandations
qui ont toutes été mises en œuvre dans les délais définis par le régulateur. L’ensemble des plans
d’actions mis en place par Bpifrance
a
fait l’objet d’un suivi au plus haut niveau du groupe
. La
bonne mise en œuvre des
recommandations a été confirmée par un cabinet de conseil
indépendant avant la clôture
par l’ACPR
de cette mise en demeure
, qui n’a
finalement entraîné
aucune sanction pour la banque publique.
Les risques climatiques sont considérés comme des risques émergents à prendre en
compte, ce d’autant que la BCE mène actuellement des campagnes de «
stress tests » visant à
mesurer les impacts dans le bilan des banques de son périmètre des évolutions de ces risques.
Bpifrance est en train de mettre en place une notation des entreprises dans ce domaine pour
tenir compte de la transition énergétique dans les décisions de crédit et d’investissement
47
. Ces
risques climatiques ont été intégrés pour la première fois en 2022 dans la cartographie des
risques. Leur recensement
et leurs modalités d’évaluation sont en cours.
Enfin, les risques liés à l’environnement macroéconomique pèseront sur l’activité de
Bpifrance. Si l’impact direct de la guerre en Ukraine et l’exposition à l’économie russe sont
45
Ne pas pouvoir faire face à ses engagements ou ne pas pouvoir clôturer une position dans un délai et
avec un coût raisonnable en fonction de conditions de financement et de marché.
46
Ratio entre les actifs qualifiés réglementairement « de liquides et de très haute qualité » détenus par la
banque et ses sorties nettes de trésorerie prévues sous 30 jours.
47
Par exemple, une entreprise en retard dans sa transition et qui devrait faire face à des investissements
mas
sifs dans ce domaine sera moins bien notée qu’une entreprise ayant déjà largement entamé son processus. Il
s’agit de prendre en compte les risques directs susceptibles d’émerger sur certains secteurs d’activité mais aussi
les risques indirects pouvant se concrétiser au travers des participations par exemple.
BPIFRANCE
34
limités, les difficultés économiques ressenties en France auront une influence sur le
remboursement des crédits par les entreprises ou sur l’évolution de leur valorisation.
La mise en œuvre du Plan Climat cosigné avec la CDC
En septembre 2020, Bpifrance et la Banque des Territoires ont lancé un plan climat
commun
de près de 40 Md€
couvrant la période 2020-2024. Il vise simultanément des projets
de transition verte des entreprises (volet Bpifrance, comprenant des diagnostics et des
cofinancements) et des acteurs publics des territoires (volet Banque des Territoires). Le volet
Bpifrance, initialement de 19,8 Md
€
a été porté à plus de 29 Md
€
grâce à l’abondement du plan
de relance et le rajout progressif d’autres volets (dont le volet export).
Aujourd’hui organisé en 17 chantiers ou gr
oupes de travail, ayant abouti à une trentaine
de recrutements spécifiques, le Plan Climat de Bpifrance a été déployé à hauteur de plus de
14 Md
€
depuis son lancement
48
. Il ambitionne notamment d’a
ccélérer la transition écologique
des entreprises et de financer fortement les énergies renouvelables. Sur 2022, première année
complète de déploiement, les réalisations rattachées par Bpifrance à son Plan climat sont
nombreuses : 2300 entreprises ont été soutenues dans leur transition, 1000 projets « green
techs » ont été accompagnés, 1 Md
€
de prêts verts financés par France relance
49
ont été accordés
à près de 900 entreprises, 700 diagnostics « Ecoflux
» en partenariat avec l’ADEME ont été
signés, 586 M
€
de financement ont été octroyés à des green techs.
Le Plan Climat se traduit également par différents objectifs de fonctionnement interne
de Bpifrance (baisse des consommations d’énergie par collaborateur de 20% à horizon 2025 et
40% à 2030, zéro plastique à usage unique d’ici 2023, baisse de 50% de la consomm
ation de
papier par collaborateur à horizon 2025) mais le niveau initial et les modalités de suivi de ces
indicateurs, établis majoritairement en juillet 2021, ne sont pas détaillés. De plus, il est difficile
de faire la part des choses sur les dernières a
nnées entre l’effort intrinsèque de Bpifrance et les
conséquences de la crise sanitaire. Par exemple, les émissions liées aux déplacements
professionnels ont baissé de 37 % en 2020 par rapport à 2019, en lien avec les confinements
successifs. Elles avaient en revanche augmenté de 7 % entre 2018 et 2019.
Un comité Climat a également été mis en place en 2020. Il formule des avis consultatifs
sur les orientations stratégiques, la doctrine d’intervention ou la mise en œuvre de la transition
écologique et énergétique.
Un cadre de gestion des risques en progrès mais à affiner et peu
contraignant
De nombreux outils ont été déployés pour placer Bpifrance dans les standards de place
en matière de détection et de suivi des risques. Un comité des risques est trimestriellement
50
tenu au niveau du groupe et au niveau de Bpifrance Participations
51
.
48
3,4 Md
€
en 2020, 4 Md
€
en 2021 et 6,8 Md
€
en 2022.
49
Abondement des fonds de garantie Prêts Verts et Prêt verts 2, dont les soldes au 31/12/2021 sont
respectivement de 50 et près de 30 M
€
.
50
Au mini
mum. Il s’est réuni huit fois en 2021.
51
Des comités opérationnels de suivi des risques évaluent et prennent les décisions en matière de risque
pour chaque métier du groupe.
BPIFRANCE
35
La cartographie des risques du groupe est élaborée par la direction exécutive des risques,
conjointement avec les différents métiers. Cette cartographie a pour but d’identifier l’ensemble
des risques inhérents à l’activité de Bpifrance, d’évaluer leur probabilité d’occurrence et leur
sévérité potentielle. Une cartographie spécifique des risques opérationnels a été mise en place
en lien avec les métiers en 2021, à
la suite d’
une mission de la BCE démarrée en 2019 qui avait
émis 54 recommandations sur ce sujet en 2021
. Un vaste plan d’action
a été mis en place ;
seules deux recommandations
n’étant pas encore totalement mises en œuvre en
2022.
Pour l’exercice en cours de cartographie des risques 2023, Bpifrance améliore le
dispositif sur plusieurs points, en ligne avec les recommandations de la BCE, en mettant en
place :
•
une méthodologie d’identification et d’analyse des risques émergents pouvant
affecter les activités, afin d’anticiper l’apparition d’un risque non intégré dans la
cartographie ;
•
une appréciation globale du risque résiduel, une fois mis en place les différents
dispositifs d’at
ténuation des risques ;
•
une identification des principaux facteurs de risque pouvant aggraver la sévérité
des risques courants et affecter l’efficacité des dispositifs d’atténuation en place.
Dans la continuité de la cartographie, la politique de gestion des risques groupe (PGRG)
trace les lignes directrices de la gestion des risques de l’ensemble des activités.
Elle définit
annuellement les encours maximaux par secteur économique, ces encours étant pondérés par le
risque qu’ils portent (
risk weighted assets
–
RWA), la sinistralité historique de chaque secteur
étant donc prise en compte dans la définition de sa limite. La limite globale de risque est
inférieure à la somme des limites sectorielles, afin de pouvoir, si besoin, arbitrer entre les
différents secteurs.
Enfin, en plus des missions externes des commissaires aux comptes, une inspection
générale a été mise en place, sur le modèle des autres établissements bancaires, pour mener des
contrôles en interne
. Son rôle s’insc
rit dans la charte de contrôle interne de Bpifrance, établie
en application de l’arrêté du 3 novembre 2014 relatif au contrôle interne du secteur de la banque,
des services de paiement et des services d’investissements.
Une charte spécifique, établie en
2015, a été mise à jour en 2021,
l’indépendance de l’inspection par rapport aux métiers
étant
assurée par son rattachement direct au directeur général de Bpifrance.
L’objectif de l’inspection générale est de couvrir l’ensemble des activités tous les trois
ans.
L’inspection générale a mis en place en 2021 des indicateurs de suivi de l’effectivité de
cette couverture, avec une cible de 30% par an. Si le taux de couverture est apparu en retrait la
première année (autour de 25%), son utilisation permet de réajuster les priorités pour les années
suivantes. Une seule fois, en 2021, une recommandation a été refusée par les audités et a donné
lieu à une notification spécifique à la gouvernance.
Les missions font l’objet d’une cotation à leur clôture (satisfaisant, a
cceptable,
perfectible, insatisfaisant). Les résultats des missions ne sont pas toujours bons, quoi qu’en
amélioration.
BPIFRANCE
36
Graphique n° 3 :
Part des différentes cotations dans les missions clôturées et cotées
Source : Bpifrance
Exemple de rapport 2021 avec une cotation perfectible : Accompagnement
–
services de conseils.
Ce rapport d’audit comprend 8 recommandations dont 3 qualifiées de «
majeures ».
Deux retiennent l’attention
:
- «
L’absence de suivi trimestriel du résultat de l’activité ne permet pas à la Direction
de
l’Accompagnement de disposer des outils nécessaires au pilotage de son compte de résultat
et à la maitrise de son risque de dérive budgétaire. L’écart significatif du PNB attendu et réalisé
en 2020 n’a ainsi été constaté qu’en début d’année 2021
» [30,8 M
€
estimé vs 20,3 réalisés].
En parallèle de cette mission d’audit, il convient de noter que la structuration de l’activité
d’accompagne
me
nt est récente et sera renforcée par l’arrivée courant 2023 d’un directeur
financier spécifique pour cette activité.
- «
Absence de procédure opérationnelle KYC
52
- LCB-
FT pour l’activité conseils de
l’Accompagnement […]. Les tests réalisés révèlent l’absence de KYC à jour pour les 6 clients
vérifiés. Absence de diligences KYC sur les partenaires financiers non publics/institutionnels
»
Dans les deux cas, un plan d’action est réalisé avec une direction responsable et une
échéance. Les risques visés par ces recommandations (dérive budgétaire et connaissance
suffisante du client au regard de la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme)
montrent l’utilité de tels audits.
Le cadre de risque pourrait encore être affiné. Malgré la possibilité de réaliser des études
ponctuelles transversales
53
, les secteurs utilisés sont très larges et se recoupent parfois. Sur
l’activité de financement,
les limites ne sont pas détaillées par maturité des prêts
54
. Or, des prêts
douteux de long terme affectent plus le profil de risque de la banque que des prêts sains de court
terme.
Le dispositif de limites associées au dispositif
de risques n’est que très rarement activé
et lorsqu’il l’est, l’ajustement réalisé peut conduire à remettre en cause l’évaluation des risques
52
KYC -
« Know Your Customer »
: ensemble du protocole de vérification de l'identité du client, d'une
personne physique ou d'une personne morale.
53
Le tourisme a par exemple fait l’objet d’une étude spécifique pour que la gouvernance ait une vision
transverse par rapport aux catégories habituellement utilisées.
54
Les prêts jugés sains sont classés dans la poche de niveau 1, les prêts douteux, dits en surveillance sont
en niveau 2, les prêts jugés non performants
en
3. Les niveaux
sont définis en lien avec le superviseur, font l’objet
d’une surveillance continue et définissent l
e niveau de provisionnement dans les comptes.
BPIFRANCE
37
telle qu’elle ressort de la carte des risques. Par exemple, à l’été 2018, la direction des risques
s’était ape
rçue que, si la production de crédit continuait au rythme de la première partie de
l’année, elle allait atteindre et dépasser la limite sectorielle. Après une analyse interne, le comité
des risques a considéré qu’il s’agissait de «
bons risques » et recommandé non pas de limiter la
production mais de relever la limite, ce qu’a approuvé ensuite le conseil d’administration.
Le
cadre de limites n’
apparait pas fortement contraignant et a pu
être adapté au fil de l’eau
, ce qui
diffère des pratiques de place.
BPIFRANCE
38
______________________ CONCLUSION INTERMÉDIAIRE ______________________
La modification de l’architecture juridique du groupe Bpifrance en 2020 a permis
d’
accroître s
es capacités d’intervention en fonds propres
à travers un endettement
supplémentaire, tout en faisant de fait disparaître l’entité soci
ale dédiée aux métiers du
financement des entreprises. Cette opération a permis d’optimiser l’utilisation du capital du
groupe et d’accroître ses capacités d’action en remontant vers l’entité faîtière la capacité
d’endettement. L’organisation fonctionnelle
de la banque publique, par métier, demeure
complexe et n’est pas entièrement superposable avec les entités juridiques
: le métier de soutien
à l’innovation émarge par exemple à deux entités juridiques. La montée en puissance des
activités exercées pour compte de tiers constitue une spécificité supplémentaire, conduisant à
affiner la distinction jusqu’à présent effectuée entre activités pour compte propre et activités
pour compte de l’État.
Bpifrance est détenue en quasi-totalité par deux actionnaires princ
ipaux, l’État via
l’EPIC d’une part et la Caisse des Dépôts et Consignations d’autre part. Au sein de l’État,
plusieurs administrations interviennent dans la gouvernance de la banque publique, à des
niveaux et sur des thèmes différents. Il en résulte des débats récurrents entre Bpifrance et ses
actionnaires sur certaines orientations stratégiques, l’efficacité du dispositif pâtissant de cette
tutelle de fait éclatée.
Bpifrance communique largement sur son ancrage local et coopère activement avec les
régions pour animer le dispositif des fonds de garantie régionaux dont il assure la gestion. La
gouvernance régionale prévue par ses textes fondateurs en lien avec les présidents de conseils
régionaux est en revanche en sommeil depuis plusieurs années ; il serait souhaitable de la faire
de nouveau fonctionner.
La construction de Bpifrance et le développement de ses activités sont allés de pair avec
des choix de gestion visant à construire l’image de Bpifrance et à renforcer sa robustesse
interne. Un cadre de risques été mis en place sous le contrôle du superviseur européen.
Certains chantiers restent à consolider : Bpifrance rencontre des difficultés de recrutement et
de rétention de ses cadres, notamment dans les métiers de l’investissement et de l’informatique,
l’amélioration en cours des systèmes d’information n’est pas encore aboutie, le cadre de
risques pourrait encore être affiné et renforcé. La croissance des différents métiers, passées et
à venir, nécessite en effet de pouvoir s’appuyer sur une structure so
lide.
BPIFRANCE
39
2
UNE CONTRIBUTION UTILE AU FINANCEMENT DES PME
ET DES TPE, DONT LE CARACTÈRE SUBSIDIAIRE DOIT
ÊTRE CONSERVÉ
Bpifrance regroupe ses activités selon plusieurs lignes de métier, d’importance
financière inégale. Les métiers du financement (octroi de prêts directs) et de la garantie
(garantie de crédits bancaires) sont mis en œuvre au sein de la société faîtière Bpifrance
SA,
qui héberge également l’activité
de soutien au réseaux associatifs d’aide à la création
d’entreprises. Les métiers d’
investissement en fonds propres sont exercés par la filiale
Bpifrance Investissement, qui gère notamment les actifs portés par Bpifrance Participations,
cette dernière finançant
par ailleurs les prestations d’accompagnement des entreprises.
Le
soutien à l’
innovation
dépend d’une
direction fonctionnelle de l’innovation dont les services
sont éclatés entre la société faîtière Bpifrance SA (prestations de financement
telles que l’octroi
de subventions
et d’
avances remboursables) et Bpifrance Investissement (participations dans
des entreprises innovantes).
S’ajoute
nt le financement des exportations et les activités de
courtage, prises en charge par des filiales, qui ne sont pas examinés dans ce rapport.
Les activités
d’investissement se sont montrées
particulièrement dynamiques (avec un
encours sous gestion passé de 27,4
Md€ fin 2016 à 44
,3
Md€ fin 202
1, soit une progression de
62 %), comme les métiers du financement par prêts directs et de garantie de crédits bancaires,
avec une
croissance de l’encour
s de
prêts de 30 Md€ fin 201
6
à 44,3 Md€ fin 2021 (+47 %)
,
une montée en puissance des prêts de Bpifrance adossés à des fonds de garantie dits « internes »,
tandis que l’
encours de garanties de place
55
demeurait
stable aux alentours de 10 Md€.
Les
activités
de soutien à l’innovation ont vu
leur volume financier renforcé par des financements
s’inscrivant dans le cadre d
u plan de relance. Bpifrance a poursuivi par ailleurs son activité
d’accompagnement des entrepreneurs.
Les développements suivants précisent les évolutions propres à chaque métier de
Bpifrance ainsi que les problématiques auxquels ces métiers sont exposés
56
.
La garantie des crédits bancaires, une procédure utile pour le
développement des TPE et PME, reposant sur des dotations publiques
La garantie de crédits bancaires destinés à financer les besoins des TPE et PME
difficilement couverts par le marché -
phase de création, de transmission d’entreprise, d
e
croissance accompagnée d’une augmentation d
u besoin en fonds de roulement - est assurée par
Bpifrance à partir de ressources publiques. Ce métier traditionnel de Bpifrance, qui joue un rôle
utile dans le financement des TPE et PME, voit son modèle se modifier progressivement avec
la montée en puissance des garanties « internes » dirigées vers les prêts aux entreprises financés
55
Les garanties « de place » sont les garanties de crédits distribués par les acteurs de la place bancaire,
par opposition aux garanties « internes », auxquels sont adossés des prêts directs de Bpifrance.
56
Compte tenu des publications récentes de la Cour sur
« Les aides publiques à l'innovation des
entreprises »,
2021,
«
Les dispositifs de soutien à l’exportation
»,
2022 et
«
Les activités d’investissement de
Bpifrance »,
2023, ces dispositifs ne sont que brièvement évoqués.
BPIFRANCE
40
par Bpifrance et u
ne volonté des actionnaires de promouvoir une forme d’autofinancement de
la garantie.
Une procédure utile, mais un dynamisme profitant essentiellement aux
garanties internes dirigées vers les prêts de Bpifrance
Bpifrance garantit pour le compte de l’
État
et d’autres acteurs publics
57
des crédits
octroyés par les banques aux TPE et PME, dont le risque apparaît trop élevé pour un portage
bancaire classique. Ce dispositif est structurellement déséquilibré sur le plan financier, les
commissions payées par les banques et répercutées sur les entreprises ne compensant pas la
somme des sinistres. Pour cette raison, les « fonds de garantie » inscrits au bilan de Bpifrance
afin de porter ces engagements sont alimentés à intervalles réguliers par des dotations
publiques.
Graphique n° 4 :
Évolution
de l’encours moyen de garanties depuis 2012
(M
€
)
Source : Bpifrance
L’encours moyen de garanties a été multiplié par 1,6 en 9 ans, pour atteindre 18,7 Md€
en 2021. Cette progression est principalement imputable aux fonds de garantie internes, dont
l’encours a été multiplié par 4,4
. L
’encours des
garanties régionales, qui ne représentaient que
5% du total en 2021, a été multiplié par 1,7. Les garanties nationales offertes aux banques de la
place demeurent stables autour de 10 Md€, leur progression ne dépassant pas 5 % depuis la
création de Bpifrance.
Les fonds les plus importants par leur encours visent des risques que les banques sont
réticentes à assumer seules lorsqu’elles octroient des
crédits à des PME
, qu’il s’agisse de la
création ou de la transmission d’entreprises, ou encore de leur développement.
Les évaluations
réalisées en 2018 par Bpifrance sur des garanties octroyées de 2013 à 2016 avaient montré que
sans ces concours, les PME étaient souvent contraintes d
’autofinancer
ce type de besoin, ce qui
constituait un frein à leur développement.
57
La CDC (notamment Fonds tourisme), les régions et certaines organisations professionnelles.
BPIFRANCE
41
Tableau n° 3 :
Encours et activité 2021 des fonds de garantie de place (M
€
)
Encours moyens 2021
Autorisations 2021
Création d’entreprise
4 432
43%
1 609
52%
Transmission
2 206
22%
622
20%
Développement
1 933
19%
438
14%
Renforcement de la trésorerie
615
6%
416
13%
Autres
1 012
10%
Total
10 198
100%
3 085
100%
Source : Bpifrance
En termes
d’autorisation
s annuelles
, l’activité des garanties
de place porte
majoritairement sur
les crédits à la création d’entreprise
. Ceux-ci représentent plus de la moitié
des autorisations en 2021, après une année 2020 où la garantie des crédits bancaires, toutes
thématiques confondues, a fortement fléchi (autorisations inférieures de 30 % à la production
2019) du fait de la concurrence exercée par le PGE, qui a largement pourvu les entreprises en
liquidités.
Pour accroître
l’activité de garantie de crédits banc
aires, entre autres pénalisée par un
niveau de commissions (de l’ordre de
140 points de base) qui apparaissait élevé (en termes
relatifs)
en période de bas taux d’intérêt, les conditions consenties aux banques ont été
améliorées en 2020. Grâce aux financements dirigés sur les fonds de garantie dans le cadre du
plan de relance, les quotités garanties par les fonds de garantie de place ont été relevées (la part
de risque assumée en propre par les banques est passée de 50 % à 30 %) et les commissions ont
vu leur niveau
baisser. D’autres améliorations sont envisagées, consistant notamment à
simplifier le calcul des commissions, accélérer les indemnisations et développer l’octroi de
garanties en ligne
58
.
L
’appréciation portée sur cet outil par l
es partenaires de Bpifrance est positive : 67 %
des sondés
dans le cadre d’une enquête
en 2021
considèrent que la garantie est l’outil le plus
efficace de Bpifrance dans le cadre de la reprise économique post Covid, 60 % estiment que
l’activité de garantie devrait être
renforcée et
38 % qu’elle devrait être maintenue
.
Au contraire des garanties de place, les fonds de garantie internes venant adosser des
prêts directs de Bpifrance aux entreprises, également dénommés « prêts sans garantie » en
raison de l’absence de sûreté
exigée du débiteur, ont connu un nouvel essor pendant la crise
sanitaire
(+ 2 Md€ d’encours de 2019 à 2021)
, et ont profité à plein des efforts financiers
consentis par l’État dans le cadre du plan de relance.
58
Bpifrance a une longue pratique de la délégation de l’octroi de garantie aux banques dans le cadre de
« contrats de garantie », qui portent sur des montants unitaires faibles et qui représentent en montant plus du tiers
des autorisations délivrées en 2021.
BPIFRANCE
42
Tableau n° 4 :
Évolution de l’e
ncours moyen des garanties internes durant la crise sanitaire (M
€
)
2019
2020
2021
Renforcement haut de bilan
4 208
4 077
3 917
PSG Innovation
522
564
632
Autres fonds
434
408
497
Plan de soutien Covid (Prêt Atout)
0
1 550
2 087
Prêt vert (Plan Climat et prêts antérieurs)
245
191
338
Encours total des garanties internes
5 409
6 790
7 471
Source : Bpifrance
Les prêts de Bpifrance adossés à des garanties internes constituent
l’élément le plus
dynamique des financements octroyés en direct par la banque publique aux PME au cours des
dernières années
, en dehors de la distribution d’aides à l’innovation. Leur profil et leur évolution
sont examinés plus loin, dans la sous-partie consacrée au métier du financement.
Un dispositif assurantiel équilibré par des dotations publiques
Le dispositif géré par Bpifrance
est assis sur des fonds de garantie dotés par l’État et
d’autres acteurs publics, destinés à sécuriser les engagements de garantie de crédit donnés aux
banques et à indemniser ces dernières en cas de sinistre. Les actifs disponibles sur ces fonds
déterminent le montant des couvertures offertes chaque année
à l’aide de coefficients
multiplicateurs, eux-mêmes fonction de la sinistralité anticipée sur les opérations prises en
garantie et des commissions payées par les banques. Un fonds de mutualisation et un fonds de
réserve, dotés respectivement de
262 M€ et 618 M€
, servent de matelas de sécurité
supplémentaire dans l’hypothèse où un ou plusieurs fonds se révèleraient défaillants.
Contrairement au financement de l’innov
ation, dont le caractère subventionnel est
pleinement assumé, la garantie des crédits octroyés aux PME est destinée à couvrir des risques
mal couverts par les banques françaises, mais qui ne sont pas réputés par construction
inassurables
59
. La récurrence des déficits de ces fonds
60
met cependant à mal le principe d’une
gestion à l’équilibre de ce dispositif hors période de crise.
Tableau n° 5 :
Résultats annuels des fonds de garantie (M
€
)
2016
2017
2018
2019
2020
2021
Cumulé
Résultat
-93
-99
-50
-81
-159
-78
-560
Source : Bpifrance
59
Pour les projets présentant des perspectives fortes de retour sur investissement, le financement peut
passer par un apport en capital, autre métier de Bpifrance examiné dans le rapport sur
« Les activités
d’investissement de Bpifrance
».
60
Les fonds de garantie font l’objet d’une comptabilité annexe tenue par Bpifrance.
BPIFRANCE
43
Dans ce cadre, la poursuite de l’activité de prise en garantie n’est possible que grâce à
un abondement des fonds de garantie par de nouvelles dotations.
Une volonté de la tutelle de Bpifrance de limiter la consommation de
fonds publics en sortie de crise
Pour les promoteurs de la réorganisation juridique du groupe Bpifrance opérée en 2020,
la fusion des entités financement et participations devait entraîner une hausse du résultat
consolidé qui permettrait de diriger des r
essources supplémentaires vers l’activité de garantie.
La forme d’auto
-portance de la garantie qui aurait pu en découler supposait cependant un
recyclage du résultat, déjà pratiqué du côté de l’État, mais que l’actionnaire CDC n’était pas
prêt à envisager,
ainsi qu’une hausse effective des liquidités remontées vers les actionnaires,
qui n’a pas été constatée en 2021.
Plus sceptique sur les capacités d’autofinancement du dispositif
, le ministère en charge
de l’économie
a tenté à plusieurs reprises de limiter la consommation de ressources publiques
par les fonds de garantie,
la DGT s’inquiéta
nt notamment de la trajectoire financière associée
au « Plan Climat », dont elle soulignait début 2020
le caractère ambitieux (4 Md€ de
cofinancements à l’horizon 2023, pour moins de 2 Md€ de cofinancements dirigés vers la
transition écologique des entreprises et les énergies renouvelables en 2020). La DGT a tenté de
la même manière de tempérer les demandes de dotations budgétaires présentées par Bpifrance
pour rendre le mécanisme de garantie plus attractif dans le cadre du plan de relance. Celui-ci
s’est traduit par
des mesures visant à limiter le coût des garanties pour les banques et les
entreprises (hausse des quotités garanties, diminution des commissions). Le dispositif demeure
sous contrôle grâce au provisionnement ex ante des risques liés aux garanties, mais le caractère
très technique de son pilotage exige une forte vigilance de la part de la tutelle de Bpifrance.
Une contribution limitée des redéploiements de crédits et des
financements européens
Pour limiter l’impact budgétaire du
« Plan Climat »,
l’idée d’un
redéploiement des
financements
dirigés sur les projets d’énergie renouvelable vers les prêts destinés à la
décarbonation des entreprises (Prêts verts) a été avancée.
Elle s’appuyait sur
un rapport de 2017
de
l’IGF
61
selon lequel ces financements bénéficiaient surtout à des entreprises déjà matures du
secteur,
qui n’étaient pas la cible
de Bpifrance. Outre les réticences de Bpifrance à se retirer
d’un segment de marché
fortement rémunérateur, u
ne telle solution se heurtait au fait qu’un
retrait des énergies renouvelables
n’aurait pas eu d’impact
sur les fonds de garanties sécurisant
les Prêts Verts
62
.
La DGT a par ailleurs tenté de rendre la procédure de garantie moins déficitaire en
procédant en 2019 à un relèvement des commissions facturées par Bpifrance, qui a été mal
perçu par les banques
en période de bas taux d’intérêt, et dont les effets n’ont pu être pleinement
appréciés en raison de la survenance de la crise sanitaire. Au nom de la lutte contre les effets
61
« Pour une stratégie française de la finance verte », IGF et CGEDD, 2017.
62
Bpifrance cofinance des projets d’énergie renouvelable en s’appuyant sur les sûretés intégrées dans le
montage du projet. Ces financements ne sont pas sécurisés en interne par des fonds de garantie publics.
BPIFRANCE
44
de la crise puis de la relance de
l’économie
, un mouvement de diminution des taux de
commission et de hausse des quotités garanties, portées
à 70 % voire 80 % en cas d’aide
régionale contre 45 % en moyenne avant la crise, a en effet été enclenché en 2020, accompagné
d’une bonification de taux d’intérêt
sur certains prêts directs (Prêts verts). A sinistralité
équivalente, ces produits plus attractifs sont plus consommateurs de dotations publiques que ne
l’étaient les garanties distribuées avant la crise.
Bpifrance est enfin incité par
l’État
à solliciter le concours de bailleurs extérieurs,
notamment les fonds européens, pour soutenir la délivrance de garanties de crédit.
L’intervention
du FEDER est ainsi proposée aux régions sur différents dispositifs (fonds de
garantie FEDER, prêt FEDER Innovation), alimentés à hauteur de
200 M€ en 2021
par ces
facilités européennes. S’agissant des garanties nationales,
la contre-garantie du Fonds européen
de garantie (FEG) a été recherchée
à l’initiative de Bpifrance
pour les fonds création et
transmission, pour accentuer le levier sur les dotations de ces instruments. Le dispositif
envisagé début 2021 consistait en une contre-
garantie d’1 Md€, permettant de soutenir 3,7 Md€
de crédits bancaires. Le projet a finalement été abandonné car les nombreuses contraintes du
programme auraient pénalisé le développement de l’offre.
Un pilotage complexe, recouvrant des enjeux financiers importants
Le mécanisme des fonds de garantie est en lui-
même vertueux, puisqu’il revient à
provisionner dans les comptes de l’opérateur public une somme suffisante pour couvrir les
dépenses entraînées par la mise en jeu de la garantie. La démarche de provisionnement est
prudente :
en sus des provisions passées sur l’encours de garantie, qui sont conformes aux
exigences des IFRS 9, le solde disponible sur le bilan de Bpifrance
(4,3 Md€ dans les comptes
consolidés 2021
63
)
est dimensionné de manière à sécuriser le dispositif en cas d’aggravation de
la sinistralité (il doit c
ouvrir les engagements dans 80 % des cas modélisés par l’opérateur)
. Il
doit de plus permettre l’octroi de nouvelles garanties, dont le montant est cali
bré par les
coefficients multiplicateurs propres à chaque fonds.
Cet édifice repose sur la prise en compte de plusieurs paramètres techniques suivis par
l’opérateur, qui en commente l’évolution lors des séances des comités
de garantie (sinistralité
constat
ée, sinistralité prévisible, coefficients multiplicateurs, seuil de soutenabilité d’un fonds,
seuil de redéploiement permettant d’affecter une partie des disponibilités des fonds à de
nouvelles garanties).
Un déplacement des curseurs utilisés pour définir ces paramètres peut avoir des
incidences fortes sur l’effet de levier des fonds de garantie (une augmentation des coefficients
multiplicateurs accroît par exemple le montant des garanties octroyées, à montant de fonds de
garantie inchangé) et sur les risques du dispositif.
Une vigilance très forte s’impose tant de la
part de la tutelle que de l’opérateur pour éviter une éventuelle dérive, l’expertise nécessaire
63
Le bilan consolidé de Bpifrance comporte à son passif une ligne « fonds de garantie publics »,
subdivisée en une ligne « fonds de garantie affectés aux engagements », correspondant à la valeur actuelle des
engagements pris pour garantir le remboursement de prêts des banques commerciales ou de prêts de Bpifrance, et
une ligne « fonds de garantie non affectés
», correspondant au cumul depuis l’origine des dotations budgétaires,
du recyclage de dividendes de Bpifrance, minoré des résultats annuels des fonds de garantie ainsi que des montants
affectés a
ux engagements de garantie. Dans les comptes consolidés 2021, ces montants s’élevaient respectivement
à 6,7 Md€, 2,4 Md€ et 4,3 Md€.
BPIFRANCE
45
pour apprécier l’effet de ces curseurs étant logée chez Bpifrance. Compte tenu des montants
disponibles sur les fonds de garantie
(4,3 Md€ de solde qualifié de «
non affecté »), la tentation
peut être grande d’utiliser une part significative de ce solde pour garantir de nouvelles
opérations au-delà de ce que la politique de provisionnement actuelle autorise.
Dans la période sous revue, un assouplissement du mode de gestion des garanties a été
opéré en 2021, à travers
l’abaissement du seuil de redéploiement des résidus
disponibles
64
sur
les fonds, qui a permis de libérer
400 M€
pour de nouvelles garanties
. Aujourd’hui,
il est
envisagé d’instaurer
un nouveau mode de calcul des coefficients multiplicateurs qui aurait pour
effet, à disponibilités sur les fonds inchangées
, d’augmenter de 15 % les capacités d’octroi de
garantie
65
. Les analyses effectuées par l
a direction des risques de Bpifrance montrent qu’à
l’issue de ces réformes
les engagements de garantie
continueraient d’être sécurisés
au-delà des
exigences des IFRS9. Sur des questions aussi complexes, recouvrant des enjeux financiers aussi
forts, il serait souhaitable que la tutelle fasse réaliser dans certains cas des contre-expertises des
positions tenues par l’opérateur
66
. Si le professionnalisme
de ce dernier n’est pas en cause, il
n’est pas sain qu’il dispose dans ces débats du monopole de l’expertise
technique.
La couverture d’opérations risquées par des garanties publiques constitue
par ailleurs
un outil puissant pouvant être mis à profit dans d’autres domaines que celui de la garantie des
crédits bancaires aux PME. Les fonds gérés par Bpifrance comportent ainsi quelques produits
hybrides entre endettement et fonds propres, tels le fonds intitulé « garantie des fonds propres
relance » (dotation de 150 M
€
), qui vise les investissements en fonds propres et quasi-fonds
propres des fonds de capital-risque et de capital développement dans des PME françaises. Bien
que comptabilisé parmi les fonds de garantie, cet instrument se rapproche des fonds et fonds de
fonds par la participation aux plus-values générées par les opérations couvertes.
L’expertise acquise par Bpifrance en matière d’ingénierie assurantielle peut la conduire
à concevoir des montages atypiques, à son initiative ou à la demande de sa tutelle. Le dernier
montage en date concerne l
a création d’un fonds de garantie pour les con
trats
d’approvisionnement en électricité renouvelable souscrits par des industriels auprès de
producteurs
67
. Ce dispositif, qui répond à une demande conjointe des ministère
s de l’économie
et
de la transition énergétique, s’écarte sous de nombreux aspects
des risques habituellement
garantis par Bpifrance.
Bpifrance est suivie par une équipe de supervision commune (
Joint supervisory team
–
JST) qui regroupe des contrôleurs de la BCE et de l’ACPR, les décisions finales étant
prises
par la BCE (cf. partie 3). Face aux produits les plus nouveaux, qui sortent du domaine
d’intervention traditionnel des fonds de garantie de Bpifrance
68
, il importe de respecter le cadre
de gouvernance de la banque publique et de soumettre ces projets aux comités compétents, avec
64
L’enveloppe de crédits disponible pour de nouvelles garanties était calculée de manière à ce que la
modélisation des risques donne au fonds une assurance à 90 % de ne pas se retrouver en perte. Ce seuil de
redéploiement des résidus disponible a été abaissé à 80 %.
65
Les coefficients multiplicateurs sont calculés de manière à
assurer un fonctionnement à l’équilibre avec
une probabilité modélisée de 65 %. Il est envisagé de les calculer désormais de manière à assurer au fonds un
résultat de 2 % avec une probabilité modélisée de 60 %.
66
Certains aspects sont analysés par la BCE dans sa supervision et par les commissaires aux comptes.
67
La création de ce nouveau fonds de garantie a été annoncée par le ministre de l’Économie en novembre
2022.
68
La garantie des contrats d’approvisionnement
en électricité constitue un instrument très éloigné de ceux
mentionnés dans la doctrine d’intervention de Bpifrance, et son caractère assurable n’est pas établi.
BPIFRANCE
46
une contre-expertise extérieure dans le cas de risques
qui n’ont encore jamais été appréhendés
par la banque publique.
Un encours de prêts directs de Bpifrance en forte progression sur son
volet moyen et long terme
Des segments d’activité inégalement dynamique
s
Un encours croissant, une production annuelle impactée par la crise
L’encours de crédits directs de Bpifrance
a progressé de près de 50 % de 2016 à 2021,
dépassant 44 Md€ en fin de période, tous types de prêts confondus. Si la production annuelle
est restée relativement stable (
de 14 à 17 Md€
de nouveaux engagements par an, avec une
production 2021 proche de celle de 2016), la montée en puissance de son compartiment moyen
et long terme a eu pour effet mécanique de faire croître l’encours, tandis que l’act
ivité court
terme
se contractait sous l’effet de la mise en extinction du crédit d’impôt pour la compétitivité
et l’emploi (
CICE)
69
.
Le profil de cet encours se caractérise fin 2021 par un segment court terme inférieur
désormais à 7 % du total (16 % en 2016), par des engagements de crédit-bail stables aux
alentours de 6 Md€, par
une forte progression de la poche moyen et long terme « classique »
(crédits sécurisés par des sûretés exigées du débiteur), particulièrement marquée pour les crédits
finançant les p
rojets d’ENR (encours multiplié par près de 3 en 6 ans), et enfin par une
progression de 60 % des encours de prêts sans garantie (PSG), qui atteint 110 % en tenant
compte des
facilités distribuées par Bpifrance à l’occasion de la crise sanitaire.
69
Bpifrance réalisait une avance de trésorerie
dans l’attente du paiement par l’État du
CICE.
BPIFRANCE
47
Graphique n° 5 :
Évolution
de l’encours des prêts de Bpifrance
(M
€
)
Source : Bpifrance
L’examen de la production annuelle de prêts
donne une vision plus précise des
phénomènes à l’œuvre dans cette recomposition. En dehors du creux enregistré en 2020, les
octrois de crédits à moyen terme « classiques »
70
sont stables hors ENR aux alentours de
3,5
Md€.
2021 marque une diminution
sur les projets d’énergies renouvelables
, à 1,3
Md€ par
rapport au point culminant
des engagements annuels à 1,9 Md€ en 2019
71
. Le seul segment
véritablement dynamique est constitué par les prêts sans garantie (PSG) adossés à des fonds de
garantie internes de Bpifrance
, dont la production atteint 5,4 Md€ en 2020, composés à 68 %
de produits « Covid »
, auxquels s’adjoignent des fa
cilités « relance » à partir de 2021. Cette
production de PSG
représente 54 % de l’activité de prêts à moyen et long terme de Bpifrance
en 2020 et 45 % en 2021.
Tableau n° 6 :
Prêts accordés annuellement (M
€
)
2016
2017
2018
2019
2020
2021
Prêts MLT avec garantie (PAG)
4 337
4 610
5 272
5 771
4 593
4 740
dont hors ENR
3 477
3 466
3 874
3 909
2 897
3 450
dont ENR
860
1 144
1 398
1 862
1 696
1 290
Prêts sans garantie (PSG)
2 422
2 542
2 501
2 330
5 406
3 886
Hors Covid et Relance
2 422
2 542
2 051
2 330
1 695
1 617
COVID
3 711
682
Relance
1 587
70
Dont le crédit-bail immobilier et mobilier (notamment équipements).
71
Génératrice de fortes commissions, l’activité de financement des ENR a été perturbée par le
réaménagement par la puissance publique de clauses concernant des contrats existants (diminution des tarifs de
rachat de l’électricité) et par les retards enregist
rés sur de nombreux projets éoliens.
BPIFRANCE
48
2016
2017
2018
2019
2020
2021
Total crédits moyen et long termes
6 759
7 152
7 773
8 101
9 999
8 626
Engagements de court terme
7 691
8 486
9 133
8 065
6 739
5 558
TOTAL
14 450
15 638
16 906
16 166
16 738
14 184
Source : Bpifrance (La catégorie Covid regroupe par exemple les prêts Atout ou Rebond).
Les prêts sans garantie se sont notamment développés dans le cadre du plan Climat de
Bpifrance, avec la mobilisation des prêts verts qui financent des investissements de transition
écologique et énergétique. La banque publique met en avant sa capacité à accélérer
l’adaptation
des entreprises à la transition énergétique grâce au financement de diagnostics énergétiques et
environnementaux
72
et à la distribution de « Prêts verts » adossés à des fonds de garantie
interne, rendus plus attractifs grâce à la mobilisation de crédits du plan de relance
73
. La montée
en puissance de ces crédits est rapide,
728 M€ de «
prêts verts » ayant déjà été accordés en
2021. Alors que le budget 2022 de la banque publique tablait sur une diminution sensible de la
délivrance de PSG, qui devait revenir à 3 Md€ sur l’année (contre 3,8 Md€ en 2021), ce montant
était déjà dépassé fin août 2022, attestant de la dynamique de la distribution de ces produits par
le réseau de Bpifrance et de leur adéquation aux demandes des entreprises.
La participation de Bpifrance à la distribution de
prêts garantis par l’État
Si
Bpifrance a assuré la mise en place opérationnelle des prêts garantis par l’État (PGE)
,
il
n’a pris qu’assez tardivement
sa part dans la distribution de ce produit. Il a commercialisé dès
mars 2020 un produit aux caractéristiques proches de celles du PGE, le prêt Atout, conçu au
début de la crise sanitaire, et
qu’
il a notamment distribué auprès de sa cli
entèle d’ETI
74
.
Cet engagement tardif de Bpifrance a été critiqué par les autres banques et par la DGT,
qui mentionne plusieurs refus de Bpifrance de participer à des montages syndiqués de PGE
jusqu’en avril 2020.
Bpifrance a commencé à distribuer ses propres PGE en mai 2020, alors
que ces produits avaient été définis par voies législative et réglementaire dès mars 2020, et le
montant des prêts qu’elle a octroyés est finalement inférieur à celui de ses
prêts Atout, plus
onéreux que le PGE mais commercialisés en avance de phase.
72
700 « Diag Eco-Flux
» ont été réalisés en 2021 en partenariat avec l’ADEME.
73
Les prêts verts ont une maturité pouvant aller jusqu’à 10 ans et une quotité garantie de 80 % (donc un
risque résiduel pour Bpifrance de 20 %).
74
En 2021, l’encours de prêts Atout se décompose en 73% de prêts Atout ETI et 27 % de prêts Atout
PME.
BPIFRANCE
49
Graphique n° 6 :
Volumes cumulés de distribution des PGE et des prêts Atout (M
€
)
Source : Bpifrance, données de mars 2020 à mai 2021
De mars 2020 à mai 2021, Bpifrance a distribué 976 M
€
de PGE, soit environ 0,98 %
de son bilan à fin 2021
, ce ratio étant inférieur à celui constaté pour d’autres banques de la
place
75
. Les entreprises auxquelles les prêts Atout et PGE Bpifrance ont été accordés sont de
solidité financière moins élevée que la
moyenne des entreprises ayant bénéficié d’un PGE.
Tableau n° 7 :
Cotation des PGE, prêts Atout et PGE Bpifrance
Cotes
Répartition sur le total des PGE 2020
Prêts Atout
PGE Bpifrance
1 à 4+
44%
33%
13%
4 à 6-
26%
56%
80%
Plus de 7
0%
0%
1%
Non coté
30%
11%
5%
Source
: Bpifrance, Cour des comptes, rapport sur les prêts garantis par l’État, juillet 2022
Après quelques mois d’hésitation,
Bpifrance a finalement pris sa part dans le dispositif
conçu par l’État pour préserver la liquidité des entreprises françaises d
urant la crise sanitaire,
dispositif dont il
a par ailleurs assuré le fonctionnement opérationnel grâce à l’expertise dont
il
disposait en matière de garantie des crédits bancaires. Les documents internes de pilotage du
métier de garantie attestent cependant de la crainte de cannibalisation de ce métier par le PGE,
qui a
couvert les besoins en liquidité d’entreprises auparavant demandeuses de garanties et de
prêts directs de Bpifrance.
Bpifrance a accompagné les régions désireuses de prendre part à la lutte contre la crise
via des « Prêts Rebond
76
» aux TPE et PME. Les montants distribués par Bpifrance au titre de
ce dispositif
ont atteint 552 M€ en 2020 et
250
M€
en 2021
, l’encours des
prêts de Bpifrance
adossés à des garanties de crédit régionales dépassa
nt de ce fait 1 Md€ à la fin 2021 (contre
218
M€ avant la crise).
75
En 2020, le groupe Société Générale a accordé 19
Md€ de PGE
, soit 1,3% de son total de bilan. Le
Crédit Agricole en a financé 30 Md€ sur l’ensemb
le de la crise, soit 1,45% de son total de bilan.
76
Prêt sans frais de dossier et sans sûretés, de
10 à 300 K€ selon les régions, sur une durée de 7 ans avec
2 ans de différé. Certaines régions ont mobilisé des financements européens.
BPIFRANCE
50
Les prêts sans garantie, un produit spécifique à Bpifrance
Les prêts sans garantie (PSG) sont destinés à répondre à des besoins des entreprises mal
couverts par les acteurs de marché, correspondant au financement de dépenses immatérielles
77
et au renforcement de la trésorerie (financement du besoin en fonds de roulement). Les PSG
sont accordés sans prise de sûretés
78
sur les actifs des entreprises ou de leurs dirigeants, ce qui
permet au bénéficiaire du prêt de mobiliser le cas échéant les sûretés dont il dispose pour obtenir
d’autres financements de la part des banques.
Ils sont en revanche adossés à des fonds de
garantie « interne
», abondés principalement par l’État, mais également par la CDC (prêt
Tourisme).
L’encours actuel de prêts sans garantie
regroupe à la fois les dispositifs de PSG
« classiques »
79
, des prêts d’urgence et les nouveaux instruments de relance,
dont notamment
les prêts Verts, le financement pour le tourisme et les prêts Croissance Relance pour le
développement industriel.
Le dispositif est ouvert aux PME et ETI indépendantes de plus de 3 ans, affichant une
bonne situation économique et financière (cotation de la Banque de France comprise entre 3++
et 5
80
), la clientèle des PSG présentant en moyenne un risque de contrepartie plus faible que
celui des autres bénéficiaires de prêts, le risque lié à chaque projet étant potentiellement plus
élevé dans la mesure où il est assis sur des actifs immatériels qui ne peuvent être gagés. Tous
les secteurs d’activité sont éligibles à l’exclusion de certaines activités très spécifiques
(promotion et location immobilière, intermédiation financière, petites entreprises agricoles).
Les PSG classiques sont plus chers que les prêts avec garantie, avec un écart entre 100
et 200 points de base (1 à 2 %). Bpifrance répercute en effet sur les entreprises la part de la
sinistralité qui n’est pas imputée sur les fonds de gar
antie, la sinistralité nette étant plus forte
que pour les prêts avec sûretés, qui offrent des possibilités de récupération sur les avoirs du
débiteur. La demande des entreprises pour les PSG est soutenue, quand bien même ces
entreprises sont de solidité financière suffisante et donc ont normalement un accès fluide au
crédit bancaire classique. Le succès rencontré par ce produit relativement coûteux pour les
entreprises tend à attester de l’insuffisance du marché de crédit classique pour financer les
dépenses immatérielles.
La montée en puissance récente de ce produit, devenu un des principaux vecteurs de la
lutte de Bpifrance contre la crise et
de sa participation à l’effort de relance et à la transition
énergétique, n’est pas sans soulever certaines questi
ons.
La première concerne les risques attachés à ces produits, plus générateurs de sinistres
que les produits avec sûreté, et qui impactent non seulement le résultat du métier financement
mais également celui du métier de garantie.
La deuxième tient à l’objet même de ces prêts,
car
le besoin identifié (formation du personnel, décarbonation d’un procédé de production ou mise
aux normes d’un bâtiment) n’entraîne pas nécessairement un
modèle économique viable de
77
L’immatériel compor
te des aspects juridiques (propriété intellectuelle), commerciaux (image de
marque, fichiers clients), techniques (capacité d’innovation) et humains (formation). Selon une étude réalisée en
2020 par Bpifrance, les PSG servent à 61% au financement de l’imma
tériel.
78
En cas de défaut de l’entreprise, Bpifrance ne peut être remboursée du prêt qu’après les autres banques
ayant financé l’entreprise, compte tenu de l’absence de sûreté.
79
« Contrats de développement participatif
» pour le financement de l’immatéri
el, prêts Croissance et
prêts Croissance International par exemple.
80
Les cotations Banque de France, dites notations FIBEN, notent la solidité financière d’une entreprise
sur une échelle allant de 9 (mauvaise solidité financière) à 3++ (entreprise très solide).
BPIFRANCE
51
l’investissement projet
é. La troisième tient à la faible profondeur historique dont dispose
Bpifrance pour définir les coefficients multiplicateurs pour les produits les plus
récents (notamment les Prêts Verts), cette difficulté étant contournée par le choix de réserver
les PSG aux entreprises bien notées. La dernière, conséquence de la précédente, tient au ciblage
des entreprises : si celui-ci vise en priorité les
entreprises dotées d’une bonne signature
et d’un
projet solide (quand bien même celui-ci serait immatériel), il est possible que le marché puisse
prendre le relais en offrant aux entreprises des crédits classiques.
Le succès des PSG de crise puis de relance repose en grande part sur le dynamisme
commercial des équipes des délégations régionales de Bpifrance, qui ont très largement
distribué ces produits auprès des PME. Les banques ont été moins actives dans la
commercialisation de produits destinés à couvrir le même type de besoin (dont les « garanties
vertes »), moyennant la prise de sûretés auprès des débiteurs. La moindre agilité des banques
dans la distribution d’un nouveau produit, nécessitant une adaptation de leur système
informatique et une formation de leurs chargés de clientèles, explique en grande partie l’avance
prise par Bpifrance. Après avoir joué un rôle d
’éclaireur en sortie de crise, l
a banque publique
devra réduire progressivement ses interventions pour faire place aux acteurs de marché.
Un principe de cofinancement qui ne règle pas complètement la question du
positionnement de Bpifrance vis-à-vis des banques de marché
Commune aux activités de financement et d’investissement, la doctrine d’intervention
de Bpifrance lui donne vocation à intervenir sur les failles de marché, en particulier vis-à-vis
des PME du secteur industriel, tout en portant attention à
l’équilibre financier de son
intervention.
Cette complémentarité avec le marché passe en premier lieu par un principe de
cofinancement, qui conduit Bpifrance à refuser certaines opérations de crédit si aucune banque
commerciale n’accepte de s’engager
à ses côtés. Au-delà du respect de ce principe, qui
gagnerait à être mieux documenté, l’examen
du portefeuille de clientèle de Bpifrance, de sa
part de marché dans le crédit aux PME et de son exposition sectorielle doit permettre de mieux
apprécier le positionnement de la banque publique vis-à-vis des acteurs de marché.
Un principe de cofinancement à mieux documenter
Bpifrance affirme ne jamais apporter
plus de la moitié du financement d’une opération,
et réduire sa participation en présence de plusieurs c
ofinanceurs. Ce mode d’intervention
permet aux concours
de Bpifrance d’exercer un effet de levier sur les financements
octroyés
aux entreprises, tout en prévenant
le risque d’une mise en cause au titre des aides d’État
. Le
principe du cofinancement
ne s’applique pas dans le domaine de l’
innovation, où la banque
publique peut agir sans partenaires privés. Il est appliqué avec souplesse pour les PSG, pour
lesquels le cofinancement d’un acteur de marché peut prendre la forme d’un apport en fonds
propres plutôt
que d’un crédit.
BPIFRANCE
52
Quelques exceptions au cofinancement
Dans son instruction n°2017/0045 du 29 mai 2017, Bpifrance définit le périmètre exact
du cofinancement. Le principe du cofinancement
l’activité de financement
souffre de quelques
exceptions, qui restent mineures au niveau du groupe :
- Bpifrance peut réaliser sans cofinancement des c
rédits Export jusqu’à 25M€.
À partir
de 10 M
€
, un cofinancement doit systématiquement être recherché.
-
Sur les Prêts Innovation, qui financent le lancement industriel et commercial d’une
innovation (phase mal financée par la sphère privée car en amont du cycle d’exploitation), un
cofinancement est systématiquement recherché par Bpifrance mais n’est pas ob
ligatoire.
Bpifrance ne peut pas en mesure de
communiquer la proportion des prêts à l’innovation
effectivement cofinancés, faute d’un suivi des
cofinancements sur ces prêts, dont la production
a atteint 548 M€ en 2021 et l’encours 2,5 Md€.
- Les prêts de
crise Atout et Rebond ne sont pas conditionnés par la présence d’un autre
financeur, même si la documentation de Bpifrance indique une préférence pour un adossement
sur un financement bancaire.
D’autres
exceptions existent pour des PSG de montant modeste,
comme le Prêt Croissance International quand il est inférieur à 150
000 € ou encore le prêt éco
-
énergie, dont le montant maximal est 100 000
€
.
Si la banque publique est capable d’estimer l’effet de levier de ses financements, les
concours de ses partenaires ne sont pas connus avec précision. Compte tenu de la croissance
des prêts sans garantie, qui s’accommodent d’une mise en œuvre assez souple du
cofinancement, il serait utile de documenter plus précisément les montants des crédits octroyés
par les acteurs de marché aux côtés de Bpifrance.
Recommandation n°4 (Bpifrance) : Documenter les montants des concours apportés
par les banques de marché dans les cas de cofinancement.
Une exposition globalement plus risquée que celle des acteurs de la place
S’il est utile, le principe du cofinancement ne garantit pas à lui
-seul la subsidiarité de
l’action de Bpifrance par rapport aux acteurs de marché.
Une des difficultés à laquelle est
confrontée Bpifrance tient à la nécessité d’équilibrer des interventions
assez peu rentables -ce
qui semble être le cas des opérations classiques de prêts avec garantie- par des opérations
permettant de facturer des frais non négligeables, ce qui est le cas des ENR. Pour cette raison,
Bpifrance encourage ses équipes à développer les financements structurés (dont les projets
ENR), pourvoyeurs de produits annexes significatifs.
Les autres paramètres permettant d’apprécier le positionnement de Bpifrance par
rapport aux acteurs de la place sont le profil des entreprises destinataires de ses crédits, la
répartition sectorielle de l’encours et la part de marché détenue par la banque publique
.
BPIFRANCE
53
2.2.2.2.1
Une clientèle composée en majorité de PME présentant un profil de risque
relativement élevé
L
es PME sont ciblées en priorité, avec l’ambition de favoriser l’accroissement du
nombre des ETI capables d’affronter la concurrence internationale
, les grandes entreprises
n’étant présentes parmi la clientèle de la banque qu’en raison du portefeuille de grandes
participations hérité du FSI. Les entreprises de plus de 250 salariés, qui ne répondent donc pas
à la classification européenne des petites et moyennes entreprises
81
, représentent cependant plus
de 20 % des encours de crédits du financement.
Les encours de crédits accordés par Bpifrance ne se répartissent pas exactement de la
même façon que l’ensemble des entreprises notées par la Banque de
France. Le positionnement
sur des entreprises légèrement plus fragiles que la moyenne va dans le sens d’un positionnement
complémentaire de celui des acteurs privés, les notations moyennes de Bpifrance étant de plus
tirées à la hausse par les PSG
, pour lesquels l’entreprise doit afficher une note comprise entre
3++ et 5. Les notations des PSG sont plutôt meilleures que les notations moyennes des encours
Bpifrance, tém
oignant d’un risque
de contrepartie moins élevé sur cette catégorie de produits.
Graphique n° 7 :
Répartition moyenne des entreprises notées par la Banque de France et des encours
de financement octroyés par Bpifrance, fin 2021
Source : Banque de France, direction des entreprises, pour le
nombre d’entreprises, et Bpifrance, pôle
financement, pour les encours de crédits. Les notations vont de 9 (mauvaise solidité financière) à 3++ (entreprise
très solide).
2.2.2.2.2
Une répartition sectorielle diversifiée, une part industrielle limitée
Plutôt qu’un ciblage sectoriel, la doctrine de Bpifrance énonce un certain nombre
d’exclusions, tout en mentionnant la nécessité de financer l’industrie. L’accent mis sur les
nouvelles technologies et les secteurs dits d’avenir, et plus récemment sur
le digital, dessine
dans la stratégie de Bpifrance un domaine privilégié d’intervention dans le numérique et le
commerce en ligne, avec une volonté de la direction générale de la banque publique de
promouvoir également les créations d’entreprise dans le s
ecteur industriel.
81
Recommandation de la Commission du 6 mai 2003 (2003/361/CE) concernant la définition des micro,
petites et moyennes entreprises
. Le chiffre de 20% s’entend hors des encours pour lesquels la taille de l’entreprise
n’est pas renseignée (9,4 Md€
sur plus de 58 Md
€
d’encours)
BPIFRANCE
54
D’une manière non surprenante, compte tenu de l’activité des entités qui ont précédé
Bpifrance (dont celle spécialisée dans le crédit-
bail immobilier) et du poids de l’industrie dans
le PNB (12,5 %), les secteurs non industriels bénéficient de la majorité des encours. Le cumul
des prêts accordés au secteur commercial (détail et gros), à l’immobilier, à l’information et
communication, au tourisme, loisirs et services professionnels dépasse 55% des encours, la part
de l’industrie se limit
ant à 25 % (hors ENR).
Une part de marché modeste en matière de crédit aux PME, plus forte sur
le crédit-bail immobilier
Le poids des financements directs accordés par Bpifrance par rapport à l’ensemble des
crédits accordés aux PME
82
serait de l’ordre de 3,5
% en 2021. La proportion de Bpifrance dans
ces nouveaux crédits rejoint celle des encours : la Banque de France estime la part de Bpifrance
dans les encours totaux des crédits accordés aux PME en France à 3,6 % en mars 2022, ce
pourcentage ayant peu varié depuis 2018.
Pour le crédit-bail immobilier, la part de marché de Bpifrance serait en revanche de
14 % en 2021, contre 10 % en 2019
83
, après un creux à 8 % enregistré en 2020.
Indépendamment des considérations liées au poids de Bpifrance par rapport aux autres
intervenants du secteur, cette présence significative dans l’immobilier peut être un facteur de
vulnérabilité en cas de retournement de ce marché.
Ces différents éléments font ressortir une intervention globalement conforme à la
doctrine, avec un positionnement sur des PME risquées, majoritairement non industrielles
84
.
Des risques à apprécier dans leur globalité, tant pour les actionnaires que
pour les fonds publics
Bpifrance évalue le « coût du risque » des métiers du financement à partir des provisions
passées chaque année dans ses comptes. Ce coût du risque correspond à celui qui affecte le
résultat des activités de financement pour les actionnaires de Bpifrance.
Dans son rapport de 2016, la Cour préconisait d’élargir aux sinistres sur les garanties
cette vision du risque, afin de
mesurer le coût du risque non seulement pour l’actionnaire mais
également pour les finances publiques. Bpifrance s’est livré à cet exercice, qui fait ressortir,
pour la période sous revue, un taux de risque avéré
85
sur encours de 22 points de base en
moyenne sur les prêts, et de 71 points de base en faisant la somme des prêts et des garanties.
82
Montant de crédits inférieur à 1 M
€
.
83
La Cour estimait dans son rapport de 2015 qu’une part de marché de 10 % sur le crédit
-bail immobilier
était déjà excessive, mais nous manquons d’éléments pour apprécier le fonctionnement
de ce marché.
84
La part de l’industrie dans les PME soutenues (25%) est supérieure à la part de l’industrie dans le PIB
(autour de 13%).
85
Le coût des risques avérés correspond à la troisième catégorie de risques identifiés par les IFRS 9. La
catégorie 1 c
orrespond aux risques calculés ex ante sur les échéances de l’année, sans facteur d’aggravation du
risque et la catégorie 2 aux risques calculés sur toute la durée du crédit en cas de détérioration de la situation du
débiteur mais sans défaut de sa part, ces deux catégories correspondant aux risques attendus.
BPIFRANCE
55
Tableau n° 8 :
Coût du risque sur les activités de prêts et de garanties
2016
2017
2018
2019
2020
2021
Moyenne
Coût du risque
avéré (M€)
crédits
43
55
58
68
133
171
88
garanties
263
265
219
249
309
248
259
crédits + garanties
306
320
277
317
442
419
347
Coût du risque
attendu (M€)
crédits
-37
-19
-21
15
328
-96
28
garanties
-202
-99
477
7
312
68
94
crédits + garanties
-239
-118
456
22
640
-28
122
Coût du risque avéré/encours prêts
14 pb
16 pb
16 pb
17 pb
31 pb
38 pb
22 pb
Coût risque avéré/encours prêts + garanties
76 pb
72 pb
58 pb
62 pb
82 pb
74 pb
71 pb
Source : Bpifrance
Le coût global des risques avérés
, de 347 M€ en moyenne
annuelle sur la période, est
composé à 25 % de provisions passées sur les prêts dans les comptes de Bpifrance, et à 75 %
de provisions passées dans la comptabilité des fonds de garantie. Les proportions entre prêts et
garanties sont
proches pour le coût global des risques attendus, qui s’él
ève en moyenne à
122
M€, s’expliquant par les reprises de provisions réalisées en 2021 après le fort
provisionnement opéré en 2020 en lien avec la crise sanitaire
(640 M€).
Si Bpifrance considère l’
évolution du risque comme maîtrisée, on note néanmoins que
pour les risques avérés sur les prêts (notion la plus proche de celle de sinistres sur prêts), le coût
du risque rapporté aux encours a connu une progression significative au cours de la période,
passant de 14 points de base en 2016 à 38 points de base en 2021
86
. Cette évolution est à mettre
en relation avec la croissance des PSG, dont le taux de sinistralité annuelle est trois fois plus
élevé que celui des autres prêts, et dont la part non prise en charge par les fonds de garantie
interne est répercutée sur le
compte d’exploitation
de Bpifrance.
Tableau n° 9 :
Taux de sinistralité annuelle depuis 2016 par rapport aux prêts classiques
2016
2017
2018
2019
2020
2021
PSG
3,66 %
3,51 %
3,66 %
2,91 %
3,26 %
3,78 %
Autres prêts
1,60 %
1,26 %
1,73 %
1,30 %
1,35 %
1,39 %
Source : Bpifrance
Rapporté aux encours de prêts et de garanties, le coût du risque avéré est en revanche
assez stable sur la période (76 points de base en 2016, 74 pb en 2021, en passant par un pic de
84 pb en 2020), corroborant le constat porté par Bpifrance
d’une sinistralité globale
qui demeure
contenue, avec en fin de période un impact positif du PGE sur la santé financière des entreprises.
Les chiffres transmis par Bpifrance n’isolent pas la part des PSG dans la sinistralité des
garanties. La part des PSG dans les risques du métier prêt est en revanche identifiée dans les
documents présentés aux comités
d’audit
: en 2021, les PSG représentent la moitié, soit
75 M€,
du coût du risque avéré du métier financement, cette proportion étant plus forte en 2020 (63 %)
et 2019 (83 %). Faute de tenir compte des provisions passées sur les fonds de garantie au titre
des PSG
, le résultat d’exploitation du
métier financement renseigne uniquement sur le résultat
86
Ces chiffres incluent les PGE, dont le profil est particulièrement risqué.
BPIFRANCE
56
des prêts pour la banque publique, mais pas sur le coût des prêts de la banque publique pour
l
’État
. De la même manière, le ROE des prêts sans garantie, évalué par Bpifrance à 2,4 %, serait
nettement
inférieur s’il intégrait les provisions passées sur les fonds de garantie
87
.
Les instruments déployés par Bpifrance pour soutenir les entreprises durant la crise
sanitaire, puis en sortie de crise dans un objectif de relance
et d’
adaptation à la transition
énergétique ont renforcé son rôle de prêteur à moyen terme. Ce renforcement repose sur le
développement d’un instrument, le
PSG.
La direction de l’évaluation de Bpifrance a réalisé en
2020 une évaluation d’une première génération de PSG, correspondant à de
s prêts attribués de
2013 à 2016 : les conclusions ont été plutôt positives. Depuis, les PSG ont poursuivi leur
croissance et leur diversification : ils comprennent désormais des sous-poches sectorielles
(Tourisme, Relance Industrie), thématiques (Prêts Verts), en plus de la catégorie plus générique
de la couverture des besoins de trésorerie (à laquelle se rattache le Prêt Atout). Compte tenu
des risques qui leur sont associés, de la difficulté d’apprécier leurs résultats, répercutés pour
partie sur Bpifrance et pour partie sur les fonds de garantie internes, il apparait indispensable
de réaliser une nouvelle évaluation, sans attendre l’amortissement complet des prêts attribués.
Recommandation n°5 (Bpifrance) : Procéder
d’ici fin 2024
à une évaluation des prêts
sans garantie.
Un soutien à l’innovation
éclaté entre les métiers du financement et
d’investissement en fonds propres
Les textes fondateurs de Bpifrance prévoient un traitement de
l’activité de soutien à
l’innovation distinct de
celui de ses autres activités
, comme c’était déjà le cas pour les entités
(notamment OSEO) auxquelles s’est substituée en 2013 la banque publique d’investissement.
Ce principe
s’est
traduit sur le plan organisationnel par l’existence d’une direction
métier, la direction innovation, regroupant en son sein des activités de financements (prêts et
subventions) et des activités d’investissement
(participations en fonds propres). Le caractère
hybride de cette activité se double d’une gestion pour compte de tiers importante, y compris
sur
le volet financement de l’innovation (alors qu’il n’y avait pas d’intervention pour compte de
tiers sur les autres métiers du financement avant le déploiement du PGE et plus récemment des
prêts étudiants).
Une direction en principe unique pour les entreprises innovantes
Le caractère innovant d’une entreprise
, justifiant une prise en charge spécifique, peut
renvoyer à différentes thématiques : procédé, organisation, produit/service/usage, marketing et
commercialisation, innovation sociale, modèle d’affa
ire ou technologique. La spécificité de la
prise en charge par Bpifrance tient à la possibilité de mobiliser des financements subventionnels
87
141 M€ de provision pour risque avéré sur les fonds de garantie interne en 2021, à ajouter aux 65,5 M€
de provision pour
risques avérés sur les PSG, soit au total 206,5 M€, plus du triple du montant utilisé pour calculer
le ROE de 2,4%.
BPIFRANCE
57
ou
de participer à des tours de tables d’actionnaires prêts à prendre des risques importants sur
des entreprises ou
des procédés qui n’ont pas encore fait leurs preuves. L’existence d’une
direction unique permettrait d’offrir à ce type d’entreprise, plus fragile, un
« continuum »
de
prise en charge considéré comme précieux.
Le traitement spécifique
prévu par l’ordonnan
ce fondatrice de 2005 avait en outre pour
finalité d’éviter une dérivation de ressources subventionnelles vers des entreprises non
novatrices qui bénéficieraient d’avantages injustifiés face à la concurrence.
Le cantonnement comptable du soutien à
l’innov
ation
, prenant la forme d’une présence
au bilan de Bpifrance de «
fonds d’intervention d’innovation
», répond bien aux exigences
posées par l
’ordonnance
de 2005. Le rattachement dans une même direction des deux pans de
l’activité de soutien à l’innovation
(
financement de l’innovation et investissement dans les
entreprises innovantes)
n’est pas pleinement convaincant
même si l
es équipes d’investissement
affirment limiter leurs contacts avec les chargés d’affaire financement,
compte tenu de la
séparation imposée dans les banques entre octroi de crédits et participation en capital pour éviter
les conflits d’intérêt.
Cette activité
nécessite d’actionner plusieurs métiers, plusieurs types d’instruments
avec
des modalités de mesures de performance différentes. La distinction entre activité pour compte
propre et activité pour compte de tiers
(pour l’essentiel le PIA)
rend également plus complexe
l’appréhension de l’activité globale de Bpifrance en matière d’innovation.
Des mécanismes de prêts et de garanties
pour l’
innovation très largement
subventionnels
Du côté du financement, les aides à l’innovation regroupent un ensemble
varié
d’opérations (subventions, avances remboursables, bourses, etc.) pour environ 1,3 Md€
, et des
PSG adossés à des fonds de garantie internes (Amorçage, Innovation) pour 581
M€ en 2021.
Une des caractéristiques de la période sous revue est la multiplication par trois des PSG
Innovation, dont l’encours est passé de 745 M€ en 2016 à 2
532 M€ en 2021. Ces prêts, réservés
aux entreprises innovantes, présentent un taux de sinistralité plus élevé que celui des
instruments rattachés au métier financement
88
.
Tableau n° 10 :
Évolution des PSG Innovation (M
€
)
2016
2017
2018
2019
2020
2021
Encours moyens PSG Innovation
745
989
1 254
1 509
1 983
2 532
Source : Bpifrance
Le
financement de l’innovation
a été multiplié par plus de trois entre 2019 et 2021,
passant de 1,3 à 4,4 Md
€, sous l’effet conjugué de la mise en place du PIA 4 et de France
Relance pour lesquels Bpifrance est un des opérateurs. L
’activité d’innovation réalisée pour le
88
Alors que le taux de provisionnement annuel moyen (taux dit normatif) des PSG hors innovation est de
0,71%, celui des PSG Innovation (comprenant également les PSG « amorçage ») est de 1,11%.
BPIFRANCE
58
compte de ces deux dispositifs est passée de près de 450 M
€
en 2016 à plus de 3 Md
€
en 2021
89
.
En parallèle, les activités de soutien à l’innovation portées au bilan de Bpifrance passent de
850 M
€
en 2016 à 1 310 M
€
en 2021, cette progression étant portée à proportion quasiment
équivalente par les prêts sans garantie et les aides à l’innovation
90
.
L’importance de la gestion pour compte de tiers dans le métier «
financement-
innovation » se mesure dans la composition de son produit net bancaire, et plus particulièrement
dans celui des «
aides à l’innovation
», qui agrège les frais de gestion perçus dans ce cadre par
Bpifrance :
sur les 36 M€ enregistrés en 2021 au titre des aides à l’innovation, 23 M€
correspondent à de
s frais de gestion pour compte de tiers (10,1 M€ en 2019), dont 10,5 M€ au
titre du seul Plan de Relance.
Tableau n° 11 :
Évolution du PNB du métier Innovation Financement
(M€)
2016
2017
2018
2019
2020
2021
Aides à l'innovation
15
16
17
17
28
36
PSG
17
23
24
29
46
57
PNB innovation
32
39
41
46
74
93
Source : Bpifrance
Les prêts sans garantie Innovation, qui représentaient déjà plus de la moitié des produits
perçus par le métier Innovation Financement en 2016, pèsent désormais pour 61 % de ce PNB.
L’investissement en
fonds propres dans les entreprises innovantes est également
dynamique avec des investissements annuels passés de 137 à 726 M
€
entre 2014 et 2022
91
.
Une croissance des investissements en fonds propres soutenue par les
activités de gestion pour compte de tiers
L
e modèle de Bpifrance s’appuie sur la présence très forte d’une activité
d’investissements en fonds propres, effectuée par sa filiale Bpifrance Participations.
Bpifrance
est une banque de développement centrée sur les entreprises avec lesquelles elle entretient des
relations de proximité et auxquelles elle propose une offre de produits et de services complète.
En Allemagne, la
Kreditanstalt für Wiederaufbau
(KfW) suit un autre modèle, celui
d’
une
banque de développement pour l’ensemble de l’économie
incluant le financement des
infrastructures, des territoires et de l’aide publique au développement (ces dernières activités
sont plutôt celles exercées, en France, par la CDC et l’AFD). Intervenant essentiellement sous
forme de prêts, KfW a une activité d
’investissement direct et indirect qui reste émergente
; les
prises de participations de la KfW sont de montant proportionnellement moins élevé que chez
Bpifrance.
89
Les prêts innovation mobilisent également des ressources européennes.
90
Les activités de Bpifrance dans le cadre de France 2030 devraient renforcer cette tendance.
91
Cour des comptes,
« Les
activités d’investissement de Bpifrance
»,
2023.
BPIFRANCE
59
Par ses interventions en fonds propres, Bpifrance finance le développement et la
croissance des TPE et des PME dans la continuité du programme FSI France Investissement
2020, porte les participations logées auparavant dans le fonds stratégique d’investissements
(FSI) et vise à l’émergence, la consolidation et la multiplication des ETI.
L’activité de prise de participations en fonds propres a augmenté de plus de 77
% en six
ans, passant de près de 25 à 44,4 Md
€
d’actifs sous gestion depuis 2016. Cette activité ne
bénéficiant pas du même effet de levier que le métier du financement, elle est la plus
consommatrice de fonds propres à l’échelle consolidée
, même si son développement récent
s’est accompagné d’une croissance de la gestion pour compte de tiers
(cf. partie 3).
Des prestations d’accompagnement des entreprises qui contribuent à
la notoriété de Bpifrance
Bpifrance mène des actions visant la
création d’un écosystème favorable à la création
et au développement d’entreprises performantes
qui prennent la forme du conseil, de la
formation et de la mise en relation des
responsables d’entreprises
. Ces actions, auxquelles peut
être rattachée une partie de
l’aide aux réseaux associatifs soutenant la création d’entreprise,
est
utilisée comme une vitrine des interventions de Bpifrance, au même titre que les actions de
communication.
Des programmes d’accompagnement destinés aux dirigeants d’entreprises, de
la start-
up à l’ETI
Axe essentiel de la communication de la banque et métier à part entière au sein de la
banque,
l’activité d’accompagnement est
prévue par
l’ordonnance de
2005
92
. Son
développement est cependant intervenu plus tardivement, les crises financières puis de dette
souveraine ayant concentré l’attention sur la solidité financière des entreprises.
Le premier axe de cette activité est celui des missions de conseil, développé depuis 2015
à partir du constat que moins du tiers des PME avait recours à des consultants extérieurs, et que
ce recours était majoritairement effectué de façon ponctuelle. Bpifrance propose une gamme de
prestations de conseil complète, s’appuyan
t sur des consultants et experts externes et structurée
en trois types de produits : (i) des missions de conseil, sur des thématiques de développement
de l’entreprise (
stratégie, organisation par exemple), déployées par environ 360 consultants
encadrés par des salariés de Bpifrance ; (ii) des diagnostics visant à résoudre des problématiques
opérationnelles ou techniques précises (décarbonation par exemple), déployées par environ
400
bureaux d’études partenaires et (iii) des
diagnostics visant à résoudre une problématique
d’innovation technologique ou stratégique (
données et intelligences artificielle par exemple),
déployées par près de 250 experts externes. Pour éviter toute dépendance des cabinets de
conseils à
l’égard
de Bpifrance, celle-ci ne doit pas dépasser 30
% du chiffre d’affaire
s de
92
[La banque publique]
« développe une offre de service et d'accompagnement des entreprises depuis
leur création et tout au long de leur développement »
BPIFRANCE
60
chaque cabinet du vivier. Le second axe est la formation des dirigeants mise en place en 2013
sous forme de prestations gratuites pour certaines entreprises.
Bpifrance a également développé un dispositif intitulé « accélérateurs » qui, depuis
2014, consiste à constituer des promotions de vingt à soixante dirigeants
d’entreprises sur des
sessions de 12 à 24 mois, à raison
d’un à
deux jours de formation par trimestre
ainsi qu’un
parcours de conseil complet (16 à 39 jours de conseil en moyenne) sur les problématiques
principales que les dirigeants rencontrent
. Plusieurs programmes d’accélération sont
concomitants, pouvant être de nature sectorielle (aéronautique, bois, chimie, automobile),
thématiques (entreprises familiales), nationaux ou régionaux. Ils ont concerné 911 entreprises
en 2021, pour un coût facturé à l’entreprise entre 8
000 et 57 000
€
(HT).
Les entreprises concernées par les mesures d’accompagnement sont en majorité des
entreprises de petite taille, avec un
chiffre d’affaire
s
inférieur à 50 M€ (91,2% des entreprises
accompagnés en 2021), et le secteur industriel, manufacturier et agro-alimentaire représente
plus de 40% des entreprises aidées.
Bpifrance met fortement en avant ce métier car il constitue une de ses spécificités,
présentée comme une mission d’intérêt général qu’il finance en partie sur ses résultats.
La reprise des programmes de soutien à la création
d’entreprises
Le 1
er
janvier 2019, Bpifrance a repris, à la demande des actionnaires, les activités de
soutien à la création d'entreprise précédemment exercées par la Caisse des Dépôts et l'Agence
France Entrepreneurs, que la Cour avait recommandé de restructurer en 2013. L’action de
Bpifrance porte sur deux volets principaux.
Le premier est le soutien, y compris financier, apporté par Bpifrance à une trentaine de
réseaux (France Active, Initiative France, Adie, Réseau Entreprendre, etc.) regroupant au total
près de 300 associations.
Le second consiste dans le déploie
ment d’
une offre financière spécifique à la création
d’entreprises. Ainsi, en 2021,
dans le cadre du Plan de Relance, Bpifrance a lancé un dispositif
de p
rêts d’
honneur, distribués par le canal digital, en partenariat avec les réseaux
d'accompagnement. Ces prêts à taux zéro peuvent constituer des fonds propres pour
l’entrepreneur et favoriser l’octroi de financement bancaires complémentaires. Ces prêts sont
de plus systématiquement associés à un accompagnement du porteur de projet. Environ
8000
prêts d’honneur ont
été distribués, pour un montant total de 5,1 M
€
en 2020, 51,8 M
€
en
2021 et 108 M
€
en 2022 (pour 15
700 créateurs d’entreprises)
. En complément, la mobilisation
du Fonds de cohésion sociale, géré par Bpifrance pour le compte de l’État, a permis de garanti
r
plus de 36 000 micro-crédits professionnels. Le métier création intègre enfin une dimension
territoriale avec des expérimentations dans certains territoires dits « prioritaires » (quartiers
prioritaires de la ville
–
QPV - par exemple).
BPIFRANCE
61
______________________ CONCLUSION INTERMÉDIAIRE ______________________
Les différents métiers de Bpifrance ont connu une progression notable de leur activité
depuis 2016, entraînant une croissance de 47 % de l’encours de prêts (44,3 Md€ fin 2021) et
une montée en puissance des prêts directs sans garantie adossés à des fonds de garantie
internes (+110 % avec les financements de crise), l’encours atteignant
, fin 2021,
15,6 Md€.
Dans le même temps, les sommes mobilisées sur le soutien à l’innovation ont été multipliées
par trois, qu’il s’agisse de l’encours des prêts sans garantie à l’innovation (2,5 Md€ d’encours
fin 2021), des aides accordées pour le compte du PIA 4 et de France Relance ou portées par le
bilan de Bpifrance, pour un montant total
de 4,4 Md€ fin 2021. Les activités d’investissement
se sont montrées é
galement dynamiques, avec un encours sous gestion passé de 27,4 Md€ fin
2016 à 44,3 Md€ fin 2021, soit une progression de 62%.
Bpifrance a continué de mettre l’accent sur ses activités d’accompagnement des chefs
d’entreprises, dont les enjeux financiers s
ont en comparaison modestes, mais qui sont
appréciées des PME et qui concourent au renforcement de sa notoriété.
Alors qu’il jouait le rôle de cheville ouvrière dans le dispositif de PGE
conçu
par l’État
durant la crise sanitaire, Bpifrance a pris sa part dans la distribution de ce produit après avoir
commercialisé des prêts sans garantie aux caractéristiques assez proches. Il a su mobiliser les
facilités du plan de relance pour donner un nouvel essor au soutien à l’innovation et aux prêts
sans garantie, dont les différentes variantes permettent notamment de financer les projets
industriels et l’adaptation des entreprises à la transition énergétique.
Cette montée en puissance des différents métiers, favorisée par les dispositifs de crise
et par la politique de relance, accroit la nécessité d
’un
pilotage renforcé.
S’agissant de la garantie des crédits aux PME, la politique volontariste promue par la
banque publique ne doit pas conduire à une moindre vigilance sur le provisionnement des
risques et, dans le cas
de nouveaux produits tels que les contrats d’approvisionnement en
électricité, sur leur caractère assurable.
Les instruments déployés par Bpifrance pour soutenir les entreprises durant la crise
sanitaire puis en sortie de crise dans un objectif de relance et d’adaptation à la transition
énergétique ont renforcé son rôle de prêteur à moyen terme. De manière à ne p
as créer d’effet
d’éviction à l’égard
des banques commerciales, Bpifrance devrait suivre avec attention les
cofinancements accompagnant ses prêts, et diminuer ses interventions quand le marché pourra
prendre le relais sur certains segments de son offre.
Il serait enfin nécessaire de procéder à une nouvelle évaluation des prêts sans garantie,
catégorie de prêts qui a poursuivi sa croissance depuis le rapport de la Cour de 2015, et qui
posent à la fois des problèmes de risque et de positionnement face aux produits offerts par les
banques commerciales.
BPIFRANCE
62
3
UN RÉSULTAT VARIABLE ET UN BILAN EN CROISSANCE
REPOSANT EN PARTIE SUR DES RESSOURCES PUBLIQUES
Bpifrance a été construite grâce aux apports financiers des actionnaires publics,
permettant la construction des capitaux propres de l’établissement bancaire. L’activité s’est
développée à partir principalement des
capitaux propres pour le métier d’investissement, de
l’endettement de marché pour le métier du financement et de dotation
s budgétaires pour les
métiers de garantie, d’innovation et d’accompagnement.
Les documents annuels retracent les performances financières résultant de l’utilisation
par Bpifrance de ces trois leviers pour le développement de ses activités. Le poids pris par le
métier d’investissement est prépondérant dans les résultats annuels de l’entreprise. Le métier
du financement, qui s’appuie sur l’endettement de marché a contribué à l’expansion de la taille
du
bilan. Enfin, les métiers de garanties, d’innovation et
d’accompagnent ont pu croitre grâce à
des dotations publiques
, notamment de l’État, mais la traçabilité de ces dernières est
insuffisante, malgré des efforts récents de transparence.
Une documentation financière parfois difficile à exploiter
Dans la présentation de ses comptes, Bpifrance a effectué des choix qui ne permettent
pas d’apprécier
aisément
l’évolution de l’activité d’un exercice à l’autre.
Lors de la fusion de décembre 2020, la filiale Bpifrance Financement a absorbé la
société mère Bpifrance SA. La norme IFRS 9 laissait le choix de prendre la mère (Bpifrance
SA) ou la fille (Bpifrance Financement) pour présenter les états financiers de 2020. La seconde
option (affichage des comptes de Bpifrance Financement en consolidé 2020) a été choisie par
crainte d’une volatilité forte du résultat de Bpifrance Participations dans le contexte du
Covid.
En conséquence, dans le document universel 2021, le PNB 2020 (848 M
€
), pourtant censé être
le résultat du groupe Bpifrance consolidé, est en fait le résultat de Bpifrance Financement, alors
que le PNB 2021 (2 916 M
€
)
est bien celui de l’ensemble du groupe. Il aura
it été plus logique
d’avoir
des données 2020 regroupant les activités consolidées de Bpifrance, permettant avoir
des périmètres comparables pour 2020 et 2021. Les informations données pour relier les
périmètres existent mais ne sont pas facilement abordables ; dans le document universel 2020,
un compte de résultat pro forma est présenté 160 pages après le compte de résultat censé être le
compte de résultat consolidé.
Le document universel 2020 présente un bilan ayant fortement augmenté, de 59 Md
€
à
94 Md
€, car il reflète l’intégration de Bpifrance Participations, mais il part du bilan de Bpifrance
Financement (59 Md
€
) et non de Bpifrance SA (79 Md
€
). Le comparatif est donc réalisé entre
la nouvelle entité et Bpifrance Financement (bilan de 59 Md
€
) et non Bpifrance SA (79 Md
€
).
Cette présentation des documents de référence est conforme aux exigences de l’AMF et
a été présenté
e au comité d’audit.
Toutefois, elle
permet difficilement d’avoir, à partir de
l’information publique, une traçabilité de l’activité et de la structure financière de Bpifrance
dans une période marquée par d’importantes réorganisations de la banque publique
.
BPIFRANCE
63
La Cour des comptes a détaillé ces difficultés méthodologiques dans un précédent
rapport
93
et recommandé à Bpifrance de
« veiller à la clarté et à la cohérence des périmètres
dans les communications financières relatives aux comptes du groupe [Bpifrance] et de ses
filiales et à délivrer une information plus détaillée sur les changements notables de méthode ou
d’estimation intervenues au cours de l’exercice
».
Au-delà de cette opération spécifique
, d’autres aspects de la
communication financière
de Bpifrance pourraient être améliorés.
Dans
la communication publique de Bpifrance sur ses comptes et l’évolution de son
activité, la distinction entre compte propre et compte État devrait être plus précise et
systématique et
s’articule mal
avec la notion plus large de gestion pour compte de tiers
94
, qui
comporte une composante publique (fonds du PIA et de France Relance) et une composante
privée (investisseurs français et étrangers, endettement pour LAC 1). Une information faisant
clairement apparaître ces
différents modes d’intervention serait souhaitable
.
Enfin, les documents de gestion financière
d’ordre interne
pâtissent
d’un manque
d’uniformisation
: la même information peut être présentée dans différents documents en
considérant, sous une même appellation, des périmètres différents, aboutissant à des chiffres
discordants.
Par exemple, la notion d’encours des produits de financement aboutit à des chiffres
variables selon qu’on considère différentes revues d’affaires (
Business reviews
). Celle de mars
2019 donne un montant total de 38,2 Md
€
d’encours pour 2018, celle de mars 2021 donne le
chiffre de 36,7 Md
€
pour la même année et, en apparence, le même périmètre. Le même type
d’écart s’observe sur les encours de financement tels que donnés par la revue d’a
ffaire 2022 et
par le document de la direction financière pour le plan à moyen terme présenté lors du conseil
d’administration du 18 mars 2022
95
.
Une transparence insuffisante des flux financiers entre l
’État
et
Bpifrance
Les documents financiers et notamment le jaune budgétaire donnent une vision
insuffisamment claire des flux financiers entre Bpifrance et les entités publiques, flux qui sont
de nature multiple et de montants variables.
De Bpifrance vers l’État
: un reversement partiel des dividendes
Bpifrance verse des dividendes à l’EPIC
Bpifrance, détenu par l’État.
Le pacte
d’actionnaire liant Bpifrance à
ses actionnaires
prévoit le versement d’un
dividende au moins
égal à 35 % du résultat net part du groupe (RNPG).
93
Cour des comptes,
« La gestion des participations
financières de l’Etat durant la crise sanitaire
»,
février 2022.
94
L
e compte de tiers n’a pas d’impact direct dans les comptes en dehors des commissions reçues et des
charges y afférant
, tandis que les activités gérées pour le compte de l’État se traduisen
t également par une
inscription au passif de Bpifrance (la garantie des crédits à l’exportation faisant exception).
95
Dans la revue d’affaire de mars 2022, sous l’appellation encours commerciaux, les chiffres sont de
37,8 Md
€
en 2019, 40,1 Md
€
en 2020 et 41,8 Md
€
en 2021. Dans le document du PMT à destination des
actionnaires, les chiffres sont de 39,47 Md
€
à fin 2019, 43,5 Md
€
à fin 2020 et 45,2 Md
€
à fin 2021.
BPIFRANCE
64
Le graphique n°8
retrace l’ense
mble des dividendes dus et versés aux actionnaires de
2015 à 2021. Par exemple, au titre de 2018, 457 M
€
de dividendes étaient dus par Bpifrance ;
160 M
€
ont été versés dès 2018 sous forme d’acompte et 297 l’ont été en solde en 2019. En
2019, 417 M
€
ont été effectivement versés
: il s’agit des 297 M€
du solde de 2018 et de 120 M
€
d’acompte au titre de l’exercice en cours. En 2020, sur demande de la BCE, aucun dividende
n’a été versé, le solde de 2019 l’ayant été en
pour partie en 2021 (inclus dans la partie orange).
Le total des dividendes dus par Bpifrance sur la période 2016-
2021 s’élève à 2,
459
Md€
,
à rapporter aux 5,818
Md€ de résultat
sur la même période.
Graphique n° 8 :
Dividendes dus et versés par Bpifrance (M
€
)
Source : Bpifrance.
Note : les dividendes 2019 ont été pour partie versés en 2021 et non en 2020, de façon exceptionnelle du fait de la
crise, à la demande de la BCE. Cette partie est incluse dans la partie orange de 2021.
L’EPIC Bpifrance perçoit la moitié de ces montants.
Entre 2016 et 2021, l
’EPIC a reçu
près de 943 M
€
de dividendes
96
. L’État n’en
perçoit
qu’une partie,
aucune disposition
législative ou réglementaire ne prévoyant une égalité de montant entre le versement du
dividende de Bpifrance à l’EPIC et de l’EPIC à l’Etat.
L’
État a perçu 438 M
€
en cumulé depuis
2016, le reste étant recyclé ou conservé au niveau de
l’EPIC
.
Tableau n° 12 :
Montants perçus par l’EPIC par an au titre des dividendes de Bpifrance
(M
€
)
M€
2016
2017
2018
2019
2020
2021
Total
Total des dividendes perçus par
l’EPIC
117,7
126,5
280
208,5
0
210,7
943
Dividendes versés de l’EPIC à
l’État
57,7
0
0
165
0
215
438
Source
: rapports annuels de l’EPIC
, DG Trésor
97
.
96
Le jeu des acomptes et des reports de versements sur 2015 et 2021 explique l’écart avec la moi
tié des
2,964 Md
€
mentionnés plus haut.
97
Chaque année rassemble les sommes effectivement perçues, qu’il s’agisse d’acomptes sur dividendes
ou de dividendes versés au titre des exercices antérieurs.
BPIFRANCE
65
Une cartographie des dotations budgétaires insuffisante
En sens inverse, Bpifrance bénéficie de flux financiers publics de nature variée,
regroupant à la fois les apports en capital, les dotations budgétaires destinées aux métiers de
garantie et d’innovation et les commissions payées sur les différents dispositifs.
Les apports en capitaux propres nécessaires à la construction du groupe
Lors de la constitution de Bpifrance, les entités regroupées avaient chacune fait l’objet
d’une valorisation, sur laquelle les actionnaires, l’État et la Caisse des dépôts, s’étaient a
ccordés
au terme d’un processus de vérifications (
due diligence
) croisées. La valorisation des apports
de chacun des actionnaires avait été estimée à 8 957 M
€
, la CDC ayant dû compléter sa
contribution
d’un apport en numéraire de 232 M€
.
In fine
, l’entité
Bpifrance en construction a
été dotée de capitaux propres composés de titres valorisés à 17,915 Md
€
.
En 2013,
une augmentation de capital à part égale entre la CDC et l’EPIC (alors EPIC
-
Bpi Groupe) avait été décidée pour un total de 3 066 M
€
, soit 1 533 M
€
par actionnaire.
L’ensemble a été apporté en numéraire
et libéré avant 2018
98
.
L
’augmentation de capital de Bpifrance Participations en 2021, qui était l’un des
objectifs de la fusion interne de 2020, s’est faite par recours à l’endettement, aucun apport
en
capital n’ayant été
effectué à cette occasion à Bpifrance par ses actionnaires.
Des ressources publiques dont le suivi pourrait être amélioré
Le second type de flux de l’État et autres entités publiques vers Bpifrance consiste en
l’ensemble des
ressources publiques venant des actionnaires pour alimenter deux des activités
de Bpifrance,
les fonds de garanties et l’innovation.
Les ressources publiques destinées aux fonds de garanties représentent un total cumulé
de près de 1,3 Md
€
depuis 2016, dont un peu moins de 500 M
€
sont des dotations budgétaires
votées en lois de finances,
260 M€ des dotations de la CDC,
le reste provenant du recyclage
des dividendes
. Elles sont complétées par d’autres ressources (90
% des produits financiers
issus du placement des liquidités, environ 50 % des commissions de garanties reçues).
Ces dotations, qui sont consommables, sont enregistrées comme une dette de Bpifrance
vis-à-vis
de l’
État ou de la CDC, la restitution de cette dette étant subordonnée aux pertes qui
se matérialiseront sur le dispositif
99
. Les dotations qui abondent les fonds de garantie restent la
propriété
des
bailleurs
100
.
Elles
proviennent
essentiellement
des
programmes
134
98
À l’exception de 530 M€
non libérés qui ont donné lieu à une réduction de capital en 2018, soit au délai
légal de 5 ans après une augmentation de capital si ce dernier n’a pas été libéré.
99
Les fonds de garantie sont évalués à leur juste valeur dans le bilan de Bpifrance, tenant compte
notamment des produits et pertes futures actualisées. Cette valeur est enregistrée au passif de Bpifrance, comme
une dette de Bpifrance envers les différents bailleurs
, et équilibrée à l’actif par les liquidités affectées aux fonds
de garantie.
100
À ce titre, elles ne sont pas considérées comme des fonds propres en matière prudentielle dans la
mesure où les fonds propres doivent être la propriété de l’établissement et fongibles entre eux.
BPIFRANCE
66
« Développement des entreprises et régulation » et 363 « Compétitivité » de la mission Plan de
relance pour les garanties gérées par Bpifrance
101
.
Le résultat des fonds de garantie, négatif de 560 M
€
en cumulé entre 2016 et 2021,
n’apparaît pas au compte de résultat de Bpifrance
. Il est enregistré au passif du bilan via les
évolutions des soldes des fonds de garantie et ne vient donc pas diminuer le résultat de
Bpifrance mais la dette de Bpifrance auprès des bailleurs. La trésorerie disponible des fonds
apparaît à l’actif du bilan de la banque publique.
Tableau n° 13 :
Résultats des fonds de garantie et ressources publiques (M
€
)
Source : Bpifrance
L’activité des fonds de garantie, qu’il s’agisse des fonds de place, internes ou
d’intervention, n’est possible que
grâce au
soutien financier de l’État
. Or, si
l’information
comptable des fonds de garantie est conforme aux normes et validée par l’AMF,
le
fonctionnement de cette activité et les modalités de sa comptabilité sont complexes à
appréhender et pourraient faire l’objet
d’explications spécifiques, par exemple sur l’articulation
entre les chiffres présentés au bilan (6 690 M
€
au passif consolidé au titre des « fonds de
garantie publics » à fin 2021, dont 4
312 M€ de solde «
non affecté ») et la comptabilité
spécifique des fonds de garantie présentée en annexe des comptes sociaux.
De plus, ni les
éléments présentés dans les comptes consolidés et sociaux, ni les informations données pour la
première fois en 2022 dans le jaune budgétaire sur les relations financières entre Bpifrance et
l’Etat ne renseignent sur les montants disponibles pour de nouvelles prises en garantie, alors
que cette donnée est déterminante pour le fonctionnement de ces fonds.
Concernant l’innovation, les documents
de suivi de la gestion de Bpifrance entremêlent
sans distinction dispositifs impactant le bilan de Bpifrance et dispositifs entièrement gérés pour
compte de tiers. Il est toutefois possible de retracer les crédits de paiements versés par le
programme 192 «
Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle
»
à Bpifrance au titre des aides à l’innovation et du fonds unique interministériel
102
.
Tableau n° 14 :
Dotations budgétaires de l’innovation
(M€)
Source : Bpifrance. Dotations reprises par le PIA 4 en 2021
À compter de l’année 2022 et conformément à la loi de finances initiale du 31 décembre
2021 pour 2022, une annexe au projet de loi de finances (document dit « jaune budgétaire »)
101
C
ertains programmes d’autres missions viennent également abonder des fonds de garantie
(programme 103 «
Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi
» par exemple).
102
Fonds destiné à soutenir la recherche appliquée, pour aider au développement de nouveaux produits et
services susceptibles d’être mis sur le marché à court ou moyen terme, via des projets de R&D collaboratifs.
2016
2017
2018
2019
2020
2021
Total
Résultat
-93
-99
-50
-81
-159
-78
-560
Ressources publiques
38
44
58
165
707
269
1 281
P192
2016
2017
2018
2019
2020
2021
Total
Aides à l’innovation
140
110
133
85
114
0
582
Abondement du FUI
86
48
67
38
54
50
343
BPIFRANCE
67
doit présenter
de façon détaillée l’état de mise en œuvre des crédits financé
s par des ressources
nationales gérés par Bpifrance.
Cependant, dans ce document, la direction du budget ne fait pas de différence entre les
flux versés à l’EPIC et ceux versés à Bpifrance, ni entre ce qui relève du compte de tiers et des
activités portées au bilan de Bpifrance.
Le jaune budgétaire rappelle que les activités menées pour le compte de l’État
sont
génératrices de rémunérations pour Bpifrance. Elles sont des natures différentes selon les
métiers
103
et sont complétées, sur certaines activités par d’autres sources de revenus
(taux
d’intérêts perçus de la clientèle en financement
-innovation).
Des rémunérations de Bpifrance au titre de la gestion des dispositifs
publics qui ont doublé depuis 2016
Les rémunérations perçues par Bpifrance sont de natures différentes selon les métiers.
Sur le financement de l’innovation, l
a
rémunération versée par l’État est constituée des
frais de gestion. Ces derniers sont facturés par dispositif suivant des modalités prévues dans les
conventions signées entre l’État et Bpifrance, à savoir essentiellement en fonction du temps
passé par les collaborateurs et des coûts associés pour distribuer et gérer les produits. Les frais
de gestion sont prélevés sur les crédits ve
rsés par l’État au titre des dispositifs.
S’agissant des garanties, l
a rémunération versée
par l’État
suit également les modalités
définies dans les conventions entre Bpifrance et l’État, à savoir
essentiellement le transfert d'une
quote-part des commissions perçues par les fonds de garantie. Pour la gestion des prêts garantis
par l’État
, Bpifrance est défrayée à partir de crédits ouverts en loi de finances 2021 sur le
programme 363 « Compétitivité » sur présentation de justificatifs des dépenses engagées.
Pour l’accompagnement, l
a
dotation versée chaque année par l’EPIC Bpifrance –
et
donc indirectement
par l’État
–
consiste en la compensation des coûts non pris en charge par
les bénéficiaires pour les programmes d’Accélérateurs.
En assurance export, la rémunération est déterminée suivant un plan pluriannuel validé
avec l’État, couvrant les charges supportées et intégrant une marge conditionnée par l’atteinte
d’objectifs de déploiement. La rémunération perçue par Bpifrance Assurance Export est
financée par le programme 134 « Développement des entreprises et régulations ».
Enfin, la rémunération de Bpifrance Investissement est essentiellement composée des
commissions de gestion prévues entre Bpifrance et l’État. Cette rémunération est détaillée dans
le
règlement de chaque fonds souscrit par l’État
et reprise dans le rapport sur
l’activité
d’investissement
de Bpifrance.
Au total, les commissions perçues par Bpifrance au titre des procédures publiques ont
doublé depuis 2016, passant de 118 à 235 M
€, près d
es deux tiers de ce montant relevant des
commissions de garantie. Leur total atteint en cumulé 1,08 Md
€
depuis 2016.
103
Frais
ou commissions de gestion dans l’inno
vation, les garanties ou les investissements de ressources
publiques, plan pluriannuel couvrant les charges supportées et intégrant une marge en assurance export, etc.
BPIFRANCE
68
Tableau n° 15 :
Rémunération de Bpifrance depuis 2016 pour la gestion des dispositifs publics (M
€
)
Métier
M
€
2016
2017
2018
2019
2020
2021
Total
Innovation
Financement
Aides à l’innovation
11
11
10
10
19
23
84
Garantie
Commissions fonds de place
67
69
71
72
62
75
416
Commissions fonds internes
23
27
29
30
30
39
178
Commissions PGE
11
11
Accompagnement
Accélérateurs
5
9
8
22
Assurance-Export
42
42
42
64
46
216
Investissement
compte de tiers
Gestion des ressources publiques
17
22
24
27
30
33
153
TOTAL
118
171
176
186
194
235
1 080
Source : Bpifrance
Le recyclage des ressources : une pratique à rendre plus transparente
C
ertaines activités de Bpifrance font l’objet de l’octroi de ressources complémentaires,
obtenues par réallocation interne de ressources déjà allouées par la puissance publique ou
retenues sur les flux à destination de cette dernière.
Les fonds de garantie bénéficient de différents types de ressources dont certains
mouvements
s’effectu
ent hors de tout contrôle parlementaire. Ils sont de deux types : soit il
s’agit de recyclage des dividendes que l’État aurait dû recevoir, soit il s’agit
de rendre
disponible pour de nouvelles prises en garantie des dotations libérées par une nouvelle
estimation des provisions nécessaires à la couverture des risques couverts par les fonds de
garantie. Dans son rapport de 2016, la Cour avait critiqué les deux aspects de ces réallocations
en vertu des principes budgétaires principes d’universalité et de non contraction des dépenses
et des recettes. Ces pratiques ont pourtant été maintenues.
Plutôt que de doter budgétairement l
es fonds de garantie, l’État
utilise en priorité une
partie des dividendes versés par Bpifrance à
l’EPIC
pour abonder ces fonds : la partie « État »
du dividende de Bpifrance est versée à l’EPIC
et l
ors de l’arrêté des comptes, le
conseil
d’administration
de l’EPIC fixe le montant des sommes distribuables à l’État. Dans un second
temps, l’État demande l’EPIC de lui verser un dividende qui, en l’espèce, tiendra compte du
fait que l’EPIC sera amené à abonder, après une nouvelle délibération du CA,
les fonds de
garantie gérés par Bpifrance.
L’historique des monta
nts concernés par ces recyclages de dividendes aboutit à un total
cumulé de 448,6 M
€
depuis 2016.
Tableau n° 16 :
Montant des dividendes recyclés (M
€
)
2016
2017
2018
2019
2020
2021
Total
0
0
300
18,6
130
0
448,6
BPIFRANCE
69
NB : le chiffre de 2019 a été autorisé cette année-là
par l’EPIC au titre de l’accompagnement mais
progressivement décaissé.
Source : Bpifrance, EPIC Bpifrance
La prise en charge d’une partie du coût de l’activité garantie de prêts par une réduction
du dividende versé
in fine
à l’État
104
, et non par voie de dotation budgétaire, constitue une
contraction de dépenses et de recettes à laquelle il faut mettre fin.
La contraction des dépenses et des recettes pour le financement de
l’accompagnement
Pour financer
l’accompagnement
des entreprises par Bpifrance
, l’État n’accorde
pas de
subvention directe via des programmes budgétaires mais accepte depuis 2019 une forme de «
dérivation » dans les remontées de dividendes dans la limite d’un plafond pluriannuel de 50 M€
HT. Les dividendes remontés cha
que année à l’État sont ainsi minorés de 5,4 M€ en 2019, 11,1
M€ en 2020 et 7,5 M€ en 2021. Ce plafond de 50 M€ HT court jusqu’à fin 2023 mais Bpifrance
souhaite sa prolongation.
L’autre méthode utilisée pour dégager de nouvelles capacités de prise en gara
ntie
consiste à
utiliser des montants considérés comme disponibles en raison de l’évolution de la
sinistralité prévisible ou des règles présidant au provisionnement sur les fonds de garantie. Au
total, depuis 2016, un montant total de 1,1 Md
€
de résidus disponibles ont
réaffectés à l’octroi
de nouvelles garanties.
Tableau n° 17 :
Réaffectation des résidus disponibles sur les fonds de garantie Trésor (M
€
)
2016
2017
2018
2019
2020
2021
Total
Réaffectation des résidus disponibles
123
81
324
84
283
209
1 104
Source : Bpifrance, calculés au 30/06 de chaque année N-1
Si on compare le montant des recyclages des dividendes et
l’
utilisation de résidus
disponibles à celui des dotations budgétaires votées par le Parlement (pour rappel, environ 500
M
€
en cumulé depuis 2016), on constate que la majorité des ressources utilisées pour allouer
de nouvelles garanties de crédit ne fait
l’objet que d’une information parlementaire très limitée
et échappe ainsi au contrôle du Parlement.
La mise en place d’un jaune budgétaire donne un
début d’information,
mais sans perspective historique ni possibilité donnée au Parlement
d’
exercer un contrôle accru sur ces mouvements financiers.
104
Un autre procédé, mais ne passant pas cette fois-
ci par l’EPIC, a consisté pour les
actionnaires à
accepter une augmentation des charges de 50 M€ au niveau consolidé (diminuant d’autant le résultat sur lequel est
calculé le dividende) pour financer l’activité de
soutien à la
création d’entreprises.
BPIFRANCE
70
Recommandation n°6 (Direction du Budget, Direction générale du Trésor) :
Indiquer chaque année dans le jaune budgétaire consacré à Bpifrance :
- les fonds publics alloués par métier, en séparant les activités menées pour compte
propre, pour compte de tiers et pour compte de l’État
;
- les montants des dividendes recyclés ;
- le solde réellement disponible pour les nouvelles prises en garantie.
Des performances financières irrégulières
Les performances financières de Bpifrance, telles qu’établies au niveau consolidé
,
aboutissent à un résultat dans l’ensemble positif mais irrégulier,
résultant
d’une part
de revenus
variables en fonction du cycle économique, et
d’autre part
de charges qui augmentent de façon
continue.
Un PNB volatil, dépendant
des activités d’investissement
Le produit net bancaire consolidé a oscillé entre 2016 et 2021 entre 1 239 M
€
et
2 916 M
€, enregistrant à plusieurs reprises sur la période des variations de plus de 500 M€
d’une année sur l’autre.
Tableau n° 18 :
Du produit net bancaire au résultat net (M
€
)
2016
2017
2018
2019
2020
2021
PNB
1 252
2 066
1 445
1 454
1 239
2 916
Charges d'exploitation
-508,3
-554
-606
-639
-717
-787
Dotations aux amortissements
et aux dépréciations
-34,2
-38,6
-42,3
-63,6
-76
-83
Résultat Brut d'exploitation
709,4
1473
796,4
742
446
2046
Coût du risque
-34
-55
-40
-82,5
-462
-75
Résultat d'exploitation
675,6
1418
756
660
-15
1972
Contribution au RN des MEE
26,8
240
385
416
-124
42
Résultat net avant IS
957
1672
1138
1116
-139
2014
Impôts
216
-292
-102
-97
18,4
-185
Résultat net
704
1380
1035
1018
-121
1829
Résultat net Part du groupe
723
1363
1019
1004
-121
1829
Capitaux propres Part du groupe
22675
23 241
22 556
24 513
24 061
28 340
RoE (Groupe)
3,19%
5,86%
4,52%
4,10%
-0,50%
6,45%
Source : rapports annuels Bpifrance, chiffres consolidés. 2020 est présenté en pro forma.
Les dotations aux provisions ont enregistré un montant exceptionnellement élevé en 2020 (-
462 M€) du fait de la
crise sanitaire. Bpifrance a provisionné massivement dès le début des difficultés son risque de crédit,
contrairement autres banques de la place, dont le provisionnement a été plus progressif.
BPIFRANCE
71
La volatilité du produit net bancaire de Bpifrance
s’explique principalement par sa
dépendance vis-à-vis des performances de Bpifrance Participations et donc de la valorisation
des titres détenus et des conditio
ns de marché extérieures. En effet, le PNB de l’activité de
financement est relativement stable, oscillant entre 2017 et 2021 entre 640 et 770 M
€
(en vert
sur le graphique n°9), et celui des autres activités, beaucoup plus faible voire aboutissant à un
rés
ultat négatif. En parallèle, le produit des activités d’investissement varie du simple au
quadruple sur la même période, avec une sensibilité élevée à la période de crise de 2020. La
volatilité de la contribution du métier de l’investissement entraîne une
volatilité du PNB global
qui, alors que les charges augmentant de façon continue, fait fluctuer le résultat net. Ce dernier
pouvait quasiment varier du simple au double avant la période de volatilité apportée par la crise
du Covid.
En raison de la sensibilité du résultat des activités d’investissement à la conjoncture, les
résultats de Bpifrance apparaissent corrélés au cycle économique.
Graphique n° 9 :
Contribution au PNB des différents métiers (
M€
)
Source : Plans à moyen terme, rapports annuels. En rouge, chiffres totaux.
L’augmentation de PNB entre 2020 et 2021
est due à la performance exceptionnelle des
fonds de fonds imputable en 2021 aux évolutions de marché. La hausse
s’explique par les postes
« gains ou pertes nets des instruments financiers à la juste valeur par résultat », qui enregistre
les variations de valeur des fonds du pôle investissement pour 1,264 Md
€
, et « les gains ou
pertes nets des instruments financiers à la juste valeur par capitaux propres », qui inclut
principalement les dividendes perçus par Bpifrance Participations, pour 543 M
€
105
. La
contribution des sociétés mises en équivalence a aussi fortement varié entre 2019 (416 M
€
),
2020 (-124 M
€
) et 2021 (42 M
€
106
). Bpifrance enregistre une quote-part du résultat net de ces
sociétés (dont ST Micro et Eutelsat) en résultat.
105
Dont Stellantis pour 236 M
€
(incluant 156 M
€
reçus en titres Faurecia), Orange pour 203 M
€
, Technip
Energies pour 44 M
€
et CMA-CGM pour 30 M
€.
106
Le chiffre de 2021 inclut la quote-part au résultat net des entreprises mises en équivalence pour 225 M
€
mais également les gains et pertes nets sur
autres actifs et la variation de valeur des écarts d’acquisition qui résultent
de la fusion des constructeurs automobiles PSA et FCA (Fiat Chrysler Automobiles)
pour la constitution de
Stellantis, à hauteur de -183 M
€. C
ontrairement aux actions PSA qui étaient mises en équivalence dans les comptes
consolidés de Bpifrance, les actions Stellantis sont comptabilisées à la juste valeur par capitaux propres. Les
actions Stellantis ont été comptabilisées à leur valeur de marché en date de première cotation.
BPIFRANCE
72
Le passage d’un modèle majoritairement sur fonds propres à un
développement des
activités pour compte de tiers pourrait faire évoluer le couple rendement/risque de la banque
publique. En effet, si les activités pour compte de tiers sont par nature moins porteuses de risque
que les activités pour compte propre,
elles n’offrent pas les mêmes espoirs de rendement liés à
la réalisation de plus-values.
Des charges en progression constante et dont le pilotage pourrait être affiné
Des charges d’exploitation qui augmentent
fortement
Les charges de Bpifrance sont essentiellement des charges de personnel (52 % du total
de charge en 2021). Elles ont augmenté de 60 % entre 2016 et 2021, en partie en raison de la
croissance d
e l’activité
:
évolutions de
l’
activité pour compte de tiers (PGE, France Relance),
investissements pour répondre aux orientations stratégiques de la banque (Climat), intégration
de nouveaux métiers (Bpifrance Assurance Export, création d’entreprises)
, répercussions sur
les fonctions support (modernisation des SI). On peut regretter que la banque publique ne
produise pas d’analyse de l’évolution de ses charges à périmètre comparable
, et observer que
la taille de bilan consolidée s’est accrue de 47
%, soit une augmentation moins forte que celle
de ses charges. Le total des charges représente entre 29 et 64% du PNB mais la volatilité de
celui-ci ne permet pas de tracer de tendance claire en termes de proportion.
On observe un très fort dynamisme des charges d
’informatique (multipliées par plus de
trois sur la période), des prestations extérieures (+151 %), ainsi que
l’essor du poste «
Publicité
communication », passé de 10,1 à 25,2 M
€
. Inversement, les frais afférant aux déplacements et
à la représentation sont en baisse depuis 2020, leur tendance haussière avant la crise sanitaire
justifiant toutefois un point d’attention
.
Tableau n° 19 :
Montant des charges (M
€
)
2016
2017
2018
2019
2020
2021
Var. 2016/2021
Total dont :
542,4
592,9
648,4
711,2
793,1
869,7
60%
Déplacements et représentation
15,2
16,7
20,3
21,1
13,2
15,3
1%
Frais de personnel
279,4
320,5
339,6
376,4
406,7
448,7
61%
Frais locaux et filiales
immobilières
34,7
36,2
45
41
45,7
50,4
45%
Location et maintenance logiciel
et matériel informatique
5,9
6,6
7,7
9,5
13,6
19,2
225%
Prestataires extérieurs
60,3
70,3
81,9
95,1
143,1
151,6
151%
Honoraires investissements
18,1
16
18,2
19,4
13,8
16,5
-9%
Publicité communication
10,1
12,7
11,5
16,9
17,6
25,2
150%
PNB
1 252
2 066
1 445
1 454
1 239
2 916
Total en % du PNB
43%
29%
45%
49%
64%
30%
Source : Bpifrance
Certains métiers sont par nature plus consommateurs de charges que d’autres.
L’accompagnement représente 6
% des charges totales en 2021 (50 M
€) et l’innovation 19
%
(171 M
€ en
regroupant innovation financement et innovation investissement) pour des
contributions mineures en termes de PNB. Les charges du métier du financement atteignent
276
M€ en 2022, pour un PNB de 723 M€, soit un coefficient d’exploitation de 38
%. Il n’est
BPIFRANCE
73
pas pertinent de comparer ce coefficient, sur lequel communique régulièrement Bpifrance dans
ses échanges avec la gouvernance, avec celui des banques commerciales dans la mesure où ces
dernières doivent entretenir leur réseau d’agences bancaires.
Inversement, le métier
d’investissement hors innovation regroupe 152 M€ de charges, soit 17,5
% du total, pour une
contribution de 63 % au PNB total. Sur ce métier également, la pertinence de la comparaison
avec les autres acteurs de marché est limitée puisque ces derniers doivent également inclure des
équipes chargées de lever des fonds, ce qui n’est pas
- ou peu - le cas de Bpifrance.
Un suivi des charges par métier qui pourrait être amélioré
Pour chacune des onze lignes de métiers définies au sein du groupe Bpifrance
107
, le
pilotage des charges se fait selon deux types d’horizon. D’une part, chaque année, un budget
par ligne de métier est établi à l’automne, permettant de construire annuellement une
confrontation entre les charges budgétées et les charges réalisées.
D’autre part, le plan à moyen
terme permet une projection sur cinq ans des besoins en rapport avec les projections réalisées
sur l’évolution de l’activité.
Ce processus pourrait être complété par une analyse des évolutions passées qui est
absente, en deh
ors de la comparaison entre budgété et réalisé. Il n’est pas présenté
d’évolution
des charges depuis 2013 aux membres du conseil
d’administration
, à périmètre comparable.
Même si les membres de la gouvernance peuvent s’appuyer sur une présentation des charges
par nature, une perspective historique est utile pour apprécier l’évolution générale.
E
n dehors des prêts garantis par l’État (PGE) qui avait nécessité une traçabilit
é, il
n’exist
ait pas,
jusqu’en 2022
, de suivi budgétaire précis des charges liées aux activités pour
compte de tiers ou encore aux grandes orientations stratégiques. Par exemple, pour avoir la
partie « verte » du budget, il aurait fallu faire un inventaire ligne à ligne de toutes les dépenses,
en connaitre la nature pour catégoriser selon une définition préétablie ce qui peut être considéré
comme lié ou non au climat. Finalement, le suivi budgétaire de certaines grandes orientations
stratégiques (plan climat, France 2030, etc.) a été mis en place pour le budget 2023. Il devra
être poursuivi.
Le choix a été fait de rattacher directement les fonctions transverses à la direction
générale et de les affecter ensuite aux directions métiers par une clé de répartition revue
régulièrement. Ce fonctionnement est habituel dans une entreprise de la taille de Bpifrance.
Chaque directeur de métier, responsable du pilotage des charges en lien avec la direction du
contrôle de gestion, se voit donc affecter une part de charges fixes résultant des fonctions
transverses et à laquelle s’ajoute les charges variables. Or, le suivi est fait selon les seules
charges variables rapportées aux résultats financiers de chaque métier, sans tenir compte des
charges fixes fléchées depuis les fonctions transverses. Ces clés de répartition des charges
transverses peuvent être revues annuellement
108
, ayant pour conséquence de créer des
inflexions dans le niveau des charges transverses affectées à chaque activité. Les ajustements
107
Innovation-financement, financement, garantie, export, accompagnement, innovation-investissement,
Cap DEV
–
MLC, cap DEV
–
PME, Fonds de Fonds, digital, Assurance Export.
108
Exemple de conséquence de ces changements
: dans le document d’activités présenté au
conseil
d’administration du 17 décembre 2021, le coefficient d’exploitation n’est pas présenté pour 2019 car
« les charges
2019 présentent une méthodologie d’allocation des charges transverses différente
».
BPIFRANCE
74
résultant de ces modifications ont abouti en 2021 à une augmentation de 10 M
€
des charges
transverses affectées au métier de financement.
Les charges font bien partie des informations présentées trimestriellement à la
gouvernance mais les modalités de leur présentation pourraient être améliorées. Par exemple,
le document
relatif à l’atterrissage et au budget 2021 présenté au conseil d’administration de
décembre 2021 propose un «
zoom sur les charges d’exploitation
». Si ce focus est le bienvenu,
il ne donne pas de perspective historique antérieure au budget révisé 2021
109
.
Recommandation
n°7
(Bpifrance) :
Présenter
annuellement
au
conseil
d’administration l’évolution passée et à venir des charges établies au niveau consolidé
et détaillées selon les principaux postes, à périmètre constant.
Un résultat fluctuant, une rentabilité qui pourrait continuer de baisser
À
l’exception de
2018 et 2019,
le PNB varie nettement d’année en année depuis 2016.
En parallèle, les charges augmentent régulièrement ; on retrouve donc, de façon amoindrie, les
fluctuations du PNB dans celles du résultat net. Ce dernier varie en effet
d’au moins 25
% d’une
année
110
sur l’autre depuis 2016
, sauf entre 2018 et 2019.
Graphique n° 10 :
Contribution au résultat après impôt, des différents métiers (
M€
)
Source : Plans à moyen terme, rapports annuels
NB : en rouge chiffres totaux
Un résultat et une création de valeur majoritairement non monétaires
Une part non négligeable de ce résultat est non monétaire : sur un résultat de 1,6 Md
€
de Bpifrance Participations en 2021, seuls 500 M
€
sont des flux de liquidité.
109
Pour certains comptes métiers, l’analyse remonte au mieux jusqu’à 2020, pour un document présenté
en décembre 2021.
110
Pour rappel, le résultat net part du groupe est de 723 M
€
en 2016, 1 363 M
€
en 2017, 1 019 M
€
en
2018, 1 004 M
€
en 2019, -121 M
€
en 2020 et 1 829 M
€
en 2021.
BPIFRANCE
75
Bpifrance communique fréquemment sur un indicateur de création de valeur, indicateur
que suit également la CDC. Cet indicateur a été développé après le passage en IFRS 9 (2017)
qui, selon Bpifrance, limitait la vision de la performance dans le résultat. Cet indicateur
regroupe trois composantes : le résultat net comptable, les plus ou moins-values latentes
intégrées dans les capitaux propres (valorisation des participations directes) ainsi que
l’évolution de l’écart entre le cours de bourse d’un titre et la valeur d’équivalence de
l’entreprise. Ce dernier point permet de prendre en compte l’appréciation d’un titre sur les
marchés financiers qui ne se reflète pas dans sa valeur d’équivalence. STMicroelectronics a pa
r
exemple dépassé, en 2021, 5 Md
€
de valorisation boursière pour une valeur d’équivalence
proche de 1 Md
€. La création de valeur totale depuis 2016 serait d’environ 11,5
Md
€, dont près
de 6 Md€ de résultats nets, le
reste étant constitué de plus ou moins-values latentes. Le niveau
de création de valeur est jugé acceptable par l’actionnaire
État.
C
et indicateur n’est pas inutile pour apprécier l’évolution globale de l’entreprise
. Il
présente toutefois
le défaut d’être majoritairement composé de performances
latentes et non
réalisées. Si la création de valeur est fréquemment utilisée dans le secteur privé pour les métiers
de prises de participations en fonds propres (fonds d’investissement), les établissements de
crédits ne communiquent que très peu sur cet indicateur qui
, à titre d’exemple,
occupe moins
d’une page dans le document de référence public de BNPP pour 2021 (sur 704 pages).
Une rentabilité sur capitaux propres limitée et portée par les
participations en fonds propres
La rentabilité sur capitaux propres
(Return on Equity
–
RoE)
varie entre -0,5% en 2020
et 6,45% en 2021, du fait du résultat élevé cette année. La tendance est baissière de 2017 à
2020.
Ces chiffres de RoE sont à comparer avec ceux des grandes banques fran
çaises. D’après
l’Autorité de Contrôle Prudentiel (ACPR), le RoE moyen des six plus grands établissements
français était de 4,8 % en 2020 et 6,3 % en 2021
111
. La rentabilité de Bpifrance est donc plutôt
inférieure aux autres banques de la place qui doivent en plus entretenir un réseau territorial
beaucoup important et coûteux que celui de la banque publique.
Bpifrance porte cependant
une mission d’intérêt général. Son objectif principal n’est
donc pas l’atteinte d’un niveau spécifique de rentabilité.
Celle-ci est par ailleurs cohérente avec
le souhait des actionnaires, dont la CDC qui attend de Bpifrance une rentabilité de 4%.
Dans le plan à moyen terme (PMT) établi en 2022 et à horizon 2025, Bpifrance projette
une augmentation de ses charges à fin 2025 de 38 % par rapport à 2021, sans pour autant que
le PNB soit attendu en forte augmentation. Au contraire, il est prévu un mouvement de
correction après la performance de 2021. Le résultat net devrait se stabiliser
autour de 1 Md€
et le RoE baisser progressivement autour de 3,2 % en 2025. Cet infléchissement de la rentabilité
est donc à surveiller.
Tableau n° 20 :
Rentabilité de Bpifrance (M
€
)
2017
2018
2019
2020
2021
Résultat net avant IS
1 672
1 138
1 116
-139
2 014
111
20210702_as123_grands_groupes_bancaires_fr.pdf (banque-france.fr)
.
BPIFRANCE
76
Impôts
-292
-102
-97
18,4
-185
Résultat net
1380
1035
1018
-121
1 829
dont participations
573
866
880
59
1599
dont autres
807
169
138
-179,5
230
Résultat net PG
1 363
1 019
1 004
-121
1 829
Capitaux propres PG
23 241
22 556
24 513
24 061
28 340
ROE Total
5,86%
4,52%
4,10%
-0,50%
6,45%
Capitaux propres BpiPart*
19 040
18 641
20 286
19 361
23 539
d’où
ROE BpiPart
4,24%
4,65%
4,34%
0,30%
6,79%
Capitaux résiduels**
3598
3 755
3 910
4 700
4 801
ROE autres métiers (financement,
garantie etc.)
15,93%
4,50%
3,53%
-3,82%
4,79%
Source : Bpifrance
*Capitaux propres contributifs IFRS 9 de BpiParticipations retraités de l'augmentation de capital en 2021.
** Capitaux propres de Bpifrance Financement jusqu'en 2019, résiduels consolidé après retrait des filiales en
2020 et 2021.
Il n’existe pas de répartition des
capitaux propres comptables entre les différents
métiers
112
en dehors des capitaux propres fléchés vers Bpifrance Participations. Il est néanmoins
possible d’isoler le RoE de cette entité et d’en déduire un RoE comptable composite des autres
métiers. Le RoE de Bpifrance Participations est globalement plus élevé sur la période que celui
des autres métiers. Étant donné le poids de Bpifrance Participations dans le résultat et dans les
fonds propres, le RoE global se rapproche plus du RoE de cette filiale porteuse du métier
investissement que de celui des autres métiers.
L’approche fondée sur le RoE
présente certaines limites. Le RoE est un indicateur
totalement pertinent pour les métiers bancaires du groupe et un peu moins pour les métiers
d’investissement compt
e tenu des variations de valeur potentielles des participations qui ne sont
pas enregistrées dans le compte de résultat
: d’autres indicateurs de rentabilité sont utilisés en
ce cas pour compléter cette approche (la création de valeur notamment). Toutefois, le RoE sur
ce métier d’investissement correspond bien au résultat réellement dégagé par les fonds investis
et fournit des indications complémentaires utiles
: c’est d’ailleurs à ce titre qu’il est
communiqué aux actionnaires dans certains
reportings.
L
’approche par le RoE
est par ailleurs
d’autant plus
utile
qu’elle
prime chez l’un des deux actionnaires principaux (C
DC).
Le calcul des RoE par métier par Bpifrance : une approche à perfectionner
Dans sa communication vis-à-vis de la gouvernance, Bpifrance présente régulièrement
des RoE par métier qui sont calculés en combinant deux logiques, comptable et prudentielle, et
qui rapportent de manière conventionnelle les résultats des métiers du financement à la part en
capital qui était la leur avant la fusion-absorption de 2020.
112
Seule se pratique une répartition des fonds propres prudentiels par métier (en fonction des RWA de
chacun d’entre eux) qui ne permet pas de retrouver le RoE global tel qu’établi par les états comptables.
BPIFRANCE
77
Au numérateur de ce ratio, la banque publique utilise le résultat comptable de chaque
activité.
Concernant le dénominateur, elle utilise pour le ROE du métier investissement les
capitaux propres de de Bpifrance Participations. Pour les autres métiers, elle utilise les fonds
propres consommés par métier, basés sur les RWA
–
Risk Weighted Assets
–
déclarés à la BCE
et calculés selon les prescriptions de la réglementation bancaire.
Cette approche faisait ressortir en 2021 un ROE groupe de 6,4%, un ROE de Bpifrance
Participations de 6,5 %, un ROE du métier financement de 9,3 %
113
et un ROE du métier
garantie
114
de 4,6 %, les ROE métier
et le ROE consolidé comptable n’étant pas directe
ment
comparables
Les ratios d’analyse financière bancaire appliqués au pôle financement
115
de
Bpifrance, des résultats en ligne avec le secteur
L’analyse financière des banques se fonde sur l’utilisation de ratios complémentaires
pouvant être appliqués au pôle financement de Bpifrance.
Le premier est la rentabilité rapportée aux actifs (
return on assets,
ROA). Il vient
compléter le ROE dans la me
sure où il prend également en compte l’endettement de la structure,
en rapportant le résultat net aux capitaux propres auxquels on adjoint l’endettement
.
En
2021, pour cent euros de capitaux utilisés, qu’ils viennent des capitaux propres de
l’actionnaire ou de l’endettement,
le pôle financement de Bpifrance dégage 0,49 euro de résultat
net (ROA de 0,49 %). En dehors de 2020 où il baisse à -0,16 %, ce ROA évolue entre 0,38 et
0,49 % entre 2016 et 2021.
Ces chiffres s’apprécient principalement en comparaison des autres entités. S’agissant
de cette mesure d’efficacité économique qu’est le ROA, Bpifrance est en ligne avec
celui des
plus grandes banques françaises, qui est passé de 0,24% en 2020 à 0,37% en 2021
116
. Il est
également proche de celui de KFW, qui se situe environ à 0,40% à fin 2021.
Le ratio du PNB du pôle financement rapporté aux encours oscille de 2016 à 2021 entre
2,1 % et 2,3 % (hors 2020 où il descend juste en dessous de 2%). Cet indicateur reflète la
capacité de Bpifrance à dégager du chiffre d’affaires à partir des prêts octroyés.
113
Bpifrance indique que «
sous l’hypothèse d’un coût du risque normalisé à 0,30 % annuels
», et après
retraite
ment de l’impact du TLTRO
», le ROE du métier financement s’élèverait à 5,6 % en 2021 (le coût du risque
est particulièrement faible en 2021, compte tenu de la reprise d’une partie des provisions passées en 2020).
114
Il s’agit du ROE du métier garantie pour Bpifrance (part des commissions bancaires revenant à
Bpifrance moins charges d’exploitation de ce métier, le tout rapporté aux fonds propres prudentiels du métier
garantie), et non du ROE pour les propriétaires des fonds de garantie (État et CDC).
115
Par pôle financement, on entend les métiers regroupés avec celui du financement et opérés par
Bpifrance Financement avant 2019 puis remontés au niveau de l’établissement de tête à partir de 2020, notamment
la garantie et
l’innovation.
116
Étude de l’ACPR portant la situation des six plus grands groupes bancaires français (BNPP, SG, Crédit
Agricole, Crédit Mutuel, BPCE et Banque Postale) à fin 2021.
BPIFRANCE
78
Un endettement en hausse, une stratégie de moyen terme à définir
Une augmentation continue de la taille de bilan depuis 2016
Le bilan de Bpifrance est passé de 68 à 101 Md
€
de 2016 à 2021, soit une augmentation
de
33 Md€ (
47 %). Environ 12,5 Md
€
des 33 Md
€
sont imputables aux prêts et créances à la
clientèle opérés par le métier financement. Autour de 8,8 Md
€
de cette augmentation reviennent
au métier de l’investissement (hausse de la valorisation des actions d’environ 6,3 Md€
et des
parts de fonds d’environ 2,5 Md€) et se retrouvent d’ailleurs dans l’évolution de la taille de
bilan de Bpifrance Participations
117
. Près de 7,7 Md
€
de l’évolution totale ne relèvent pas du
développement des activités mais du recours massif aux opérations exceptionnelles de politique
monétaire menées par l’Eurosystème face à la crise sanitaire (TLTRO –
Targeted Long Term
Refinancing Operations)
L’augmentation de 33 Md€
, élevée
, ne reflète pourtant pas l’ensemble des activités
développées sur la période par Bpifrance dans la mesure où elle
ne prend pas en compte l’essor
des activités pour compte de tiers (augmentation de près de 6 Md
€
des actifs sous gestion pour
compte de tiers sur la même période)
118
.
Au passif, la volatilité des fonds propres est notable : ils ont augmenté de 4,1 Md
€
en
2021. En revanche, les 2 premiers mois de 2022 ont été marqués par une baisse de 1Md
€
des
valeurs l
atentes du portefeuille d’investissement à cause de l
a guerre en Ukraine. Le procès-
verbal du conseil d’administration du 18 mars 2022 précise ainsi que
« la volatilité des fonds
propres de Bpifrance est donc incontestable, au vu de son business model d’eq
uity ».
La
volatilité des fonds propres est à mettre en lien avec la norme IFRS 9, qui impose de valoriser
les participations à leur valeur de marché ou « juste valeur » (Bpifrance ayant par ailleurs fait
le choix d’un enregistrement en juste valeur par le
s capitaux propres). Si le respect des ratios
prudentiels est aujourd’hui assuré, c
ette volatilité est une source de vulnérabilités pour le bilan
en croissance de Bpifrance.
Une croissance du bilan de Bpifrance qui n’est que partiellement reflété
e dans le
compte général de l’État
Bpifrance est traitée en mise en équivalence dans les comptes de l’EPIC comme dans
ceux de la CDC. Or, la CDC et l’EPIC ne sont pas pris en compte de la même façon dans les
états financiers de l’État. L’EPIC Bpifrance est une entité dite «
contrôlée », alors que la CDC
ne l’est pas.
Dans le compte g
énéral de l’État, les entités contrôlées sont évaluées à leur valeur
d'équivalence, c'est-à-dire à la valeur de la quote-part des capitaux propres directement détenue
par l'État. Les entités non contrôlées sont évaluées au coût historique d'acquisition,
éventuellement déprécié. Indirectement donc, la moitié du bilan de Bpifrance est évaluée,
via
117
Passage de 21 à 29 Md
€
de 2016 à 2021.
118
Pour rappel, les normes IFRS 9 n
e permettent pas l’établissement d’engagements hors bilan car les
expositions sont valorisées au bilan. Une note des comptes consolidées présente les engagements donnés en
matière de financement (8 256 M
€
) et de garantie (12 510 M
€
à fin 2021). Ces ordres de grandeurs se retrouvent
dans les comptes sociaux de Bpifrance établis en normes françaises où les engagements hors bilan sont détaillés,
8 452 M
€
en financement et 12 701 M
€
en garantie à fin 2021.
BPIFRANCE
79
l’EPIC, à sa valeur d’équivalence, alors que l’autre moitié est évaluée côté CDC à son coût
historique. Une harmonisation des traitements pourrait être étudiée.
Un endettement à surveiller
Des volumes d’endettement croissants
La taille du bilan consolidé de Bpifrance augmente, de même que son niveau
d’endettement. Le financement par la dette est de 56,6 Md€
en 2020 (sur 94,3 Md
€
de bilan,
soit 60 % du financement) et 59 Md
€
en 2021 (soit 58,5 % des 100,8 Md
€
de bilan). Ce chiffre
prend en compte l’ensemble de l’endettement et inclut notamment près de 21 Md€
de TLTRO
(
Targeted Long Term Operations
), qui sont des opérations de refinancement ciblées, destinées
à stimuler l’octroi de crédits aux acteurs économiques
119
. En s’en tenant aux seules «
dettes
représentées par un titre », soient les titres émis sur le marché
, l’augmentation est plus marquée
que celle du bilan. Ce poste du passif passe de 20,65 Md
€
en 2016 à 36,4 Md
€
en 2021, soit
une augmentation de 76 % alors que le bilan augmente de 47 % sur la même période.
Graphique n° 11 :
Évolution de la taille de bilan et du montant de titres de dette (
Md
€)
Source : rapports annuels, Bpifrance. Avant 2020, les dettes envers les établissements de crédits regroupent le
financement auprès de la banque centrale et les dettes représentées par les titres mis en pension à terme auprès
d’autres établissements de crédits.
L’activité
principale de Bpifrance (octroi de prêts) étant financée par emprunts sur les
marchés, Bpifrance est classée dans le secteur des intermédiaires financiers en comptabilité
nationale. Elle est en dehors du périmètre des administrations publiques (APU)
; sa dette n’est
119
Mises en place pour la première fois en 2014, reprises ensuite entre 2016 et 2017, puis en 2019, ces
opérations ont vu leurs modalités assouplies lors de la crise du Covid. Le montant maximal cumulé que chaque
contrepartie de politique monétaire peut emprunter dans le cadre des TLTRO III dépend de l’encours d
e crédits
qu’elle a accordé aux entreprises non financières et aux ménages
, les contreparties pouvant également bénéficier
d’un taux plus favorable si elles octroient un plus grand volume de prêts.
BPIFRANCE
80
donc pas incluse dans la dette de Maastricht
120
. En 2020, l’INSEE avait réexaminé ce point à la
demande de la DGT sans changer son appréciation.
Dans le contexte actuel de
remontée de l’inflation
, la gestion de la dette de Bpifrance
appelle plusieurs points d’atten
tion.
Le premier est le positionnement de Bpifrance par rapport aux autres émetteurs publics
de dette.
En raison d’une moindre liquidité, les titres Bpifrance sont échangés avec un
différentiel moyen d’environ 20 à 25 points de base par rapport au taux de l’OAT de même
maturité. Ce différentiel est plus élevé que certaines agences (Cades ou Unedic) pour deux
raisons. D’abord, le soutien de l’État à ces dernières est explicite. D’autre part, et surtout, les
titres Bpifrance sont classés en prudentiel parmi les titres émis par le secteur financier,
considérés
par le superviseur comme plus risqué que les titres d’État. Une banque qui achète
un titre Bpifrance devra donc tenir compte d’une pondération en risque de 20
% alors que les
titres souverains et quasi souverains (Cades ou Unedic) sont pondérés à 0 %. Ils coûtent donc
moins cher en capital immobilisé aux entités bancaires qui les achètent que les titres Bpifrance.
Il convient également de signaler que le différentiel de taux de Bpifrance avec les OAT
augme
nte de façon plus nette que celui de la Cades ou de l’
Unedic en période de tensions de
marché. L’impact de la remontée des taux
su
r Bpifrance se situe à deux niveaux : d’abord sur
le niveau absolu des taux puis sur le différentiel existant entre le coût de
financement de l’État
et celui de Bpifrance («
spread
»)
, ce différentiel ayant tendance à s’accroitre dans les périodes
de hausse de taux
. L’enjeu pour la structure est, comme pour les autres établissements
bancaires, de transmettre de façon fluide ces mouvements de taux dans sa tarification.
Le second point d’attention est le remboursement à venir de 18,6 Md€
à la BCE. Une
partie importante de cette dette a été contractée par Bpifrance dans le cadre des opérations de
refinancement exceptionnelles proposées pendant la crise du Covid. En effet, les dettes liées
aux TLTRO sont passées de 4,3 Md
€
fin 2019 à 14,8 Md
€
fin 2020 et 20,8 Md
€
fin 2021, avant
de redescendre à environ 18 Md
€
en 2022 du fait d’un remboursement partiel. La direction
financière a mis au point une stratégie en différentes étapes visant à limiter à 5 Md
€
le montant
que Bpifrance devrait emprunter pour rembourser cette dette. Ces propositions ont été validées
en conseil d’administration.
Cela
ajoute une perspective d’endettement complément
aire à un
niveau déjà relativement élevé.
Un accès aux marchés financiers facilité par la garantie octroyée par
l’EPIC
et l’
État
Le risque de transformation porté par la banque publique est différent de celui des
banques commerciales dans la mesure où ces dernières doivent articuler les dépôts à vue avec
les prêts à moyen et long terme qu’elles octroient. Bpifrance ne se refinance que sur les marchés
,
elle est donc moins sensible aux articulations de maturité entre actifs et passifs.
Pour ses émissions sur les marchés financiers, la société anonyme Bpifrance
Financement bénéficie d’une garantie autonome à première demande, inconditionnelle et
irrévocable, accordée par l’établissement public Bpifrance, dont elle était une sous
-filiale.
L’État
a contre-signé la convention passée à cet effet en 2011 par les deux entités (EPIC Oseo
120
En revanche Bpifrance Participations est un Organisme D
ivers d’Administration Centrale (ODAC) au
sens de la comptabilité nationale et fait partie du périmètre des APU. Bpifrance Participations ne présente pas
d’endettement financier.
BPIFRANCE
81
et Oseo, devenues depuis EPIC Bpifrance et Bpifrance). Ainsi, l’État étant partie prenante de
la convention, la garantie octroyée par l’EPIC s’apparente à une ga
rantie
de l’État
dans la
mesure où celui-ci se trouve ainsi directement et explicitement engagé en cas de dissolution de
l’EPIC.
Depuis la mise à jour des statuts de l’EPIC par le décret du 18 novembre 2015, son
conseil d’administration possède explicitem
ent le pouvoir «
d’o
ctroyer la garantie de
l'établissement public aux emprunts et émissions des sociétés du groupe Bpifrance et (de)
détermine(r) le barème de tarification des garanties octroyées ».
Malgré cette mise à jour, la
base juridique de la garantie octroyée par l’EPIC ne répond pas aux règles posées par la loi
organique sur les lois de finances (LOLF). L’article 34 de la LOLF prévoit que la loi de finances
« autorise l'octroi des garanties de l'État et fixe leur régime ».
La fusion par voie d’absorption de la société anonyme Bpifrance par sa filiale Bpifrance
Financement de 2020 est sans conséquence sur l’engagement pris par l’État. La société qui
résulte de cette opération conserve le bénéfi
ce de la garantie accordée par l’établissement public
Bpifrance, dont elle est désormais la filiale. Cet engagement est d’ailleurs mentionné dans les
prospectus d’émission visés par l’Autorité des marchés financiers
en juin 2021.
Les émissions de titres réalisées dans ce cadre bénéficient de la garantie explicite de
l’EPIC
121
. Bpifrance n’est pas notée par les agences de notations
; seul l’EPIC
l’est, au même
niveau que l’État français (
Aa2 par Moody's et AA par Fitch).
L’EPIC Bpifrance est amené à
donner sa
garantie pour chacune des opérations, ce qui lui permet de s’assurer que les plafonds
d’emprunts accordés par le CA de l’
EPIC (où siègent toutes les tutelles) sont bien respectés. Il
s’agit là d’un outil de contrôle exercé par l’EPIC Bpifrance, qui s’assu
re que Bpifrance ne peut
engager la responsabilité de l’EPIC au
-delà les plafonds qui ont été fixés.
Pour autant, la capacité de l’EPIC à faire face à un appel en garantie est incertaine. En
effet, les capitaux propres de l’EPIC sont de 26,2 Md€
à la clôture 2021 ; le plafond
d’exposition globale garanti
e
sur l’ensemble des programmes d’émission a été porté à 56 Mds
en 2021 et,
au 31 décembre 2021, l’encours effectivement garanti atteignait
à 42,7 Md€.
Des ratios prudentiels favorables mais qui pourraient baisser
Le ratio de solvabilité dit Ratio
« Common Equity Tier 1 »
(CET 1) permet de mesurer
le caractère suffisant ou non du niveau de fonds propres. Il se mesure par le rapport entre fonds
propres dits « Tier 1 », mobilisables en cas de crise, et les actifs du bilan pondérés du risque
qu’ils portent
(« risk weighted assets » - RWA
). Cette pondération est définie suivant les
recommandations du règlement (UE) n°575/2013 amendé par le règlement (UE) n°2019/876 et
suivie par la Banque Centrale Européenne.
La supervision européenne
La Banque Centrale Européenne a défini un certain nombre de critères faisant passer la
supervision d’un établissement de la supervision nationale à la supervision européenne
: bilan
de plus de 30 Md€, importance
systémique pour le p
ays d’origine ou pour l’ensemble de
121
L’émetteur Bpifrance bénéficie de la notation financière de l’EPIC Bpifranc
e dans le cadre de ses
programmes d’émissions. Du fait du statut d’ODAC de l’EPIC (loi du
16 juillet 1980), les agences de notation
font l’analyse que la probabilité de soutien de l’EPIC Bpifrance par l’État est très élevée, et alignent en
conséquence la n
ote de l’EPIC Bpifrance sur celle de l’État
français.
BPIFRANCE
82
l’économie européenne
ou un des trois plus grands établissements en termes de valeur totale
des actifs.
Satisfaire à l’un des critères est suffisant pour passer sous supervision européenne.
En
pratique, une équipe de contrôle conjointe («
joint supervisory team
» - JST) est établie entre la
BCE et le superviseur national pour chaque entité significative. Cette JST suit Bpifrance,
établissant annuellement une revue de supervision
(« Supervisory Review and Evaluation
Process »)
qui détaille les principaux points d’attention relevés.
En 2019, la JST avait par
exemple demandé un renforcement du contrôle interne, mis en pratique depuis, mais également
de veiller
à l’indépendance de la direction des risques par rapport aux dé
cisions prises en
gestion.
Le contrôle de la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme reste
toutefois
exercé à l’échelle nationale
par l’APCR
.
La directive européenne (
Capital Requirements Directive
), qui codifie les modalités de
la
supervision, exempte de la supervision européenne un certain nombre d’entités financières
publiques dont en France, la Caisse des Dépôts et des Consignations, mais aussi ses équivalents
italien (
Cassa depositi e prestiti
)
, espagnol (
Instituto de Crédito Oficial
) et allemand (KfW -
Kreditanstalt für Wiederaufbau
).
Bpifrance est donc l’une des seules banques de
développement européenne à relever d’un contrôle de la BCE.
À fin 2019, le ratio CET 1 de Bpifrance Financement était de 14% mais, à fin 2020,
Bpifrance avait établi un scénario adverse dans lequel il pouvait descendre à 9,3%. La fusion
interne a eu pour effet de renforcer les capitaux propres de l’établissement bancaire par la
consolidation de ceux de Bpifrance Participations, portant le ratio de solvabilité
Common
Equity Tier 1
au niveau de 30,52% à fin 2021. Il dépasse donc largement la limite réglementaire
fixée à Bpifrance par la supervision européenne de 9%
122
. À titre de comparaison, le ratio
moyen des six plus grands établissements français atteint 15,5% à la même date.
Deux éléments expliquent le niveau élevé du ratio de solvabilité de Bpifrance. Le
premier est la nature contracyclique
de l’action d’intérêt général de Bpifrance qui peut l’amener
à être plus sollicitée que les autres banques de la place en cas de crise. Le second tient à la
spécificité de Bpifrance Participations, qui, étant un ODAC, ne peut s’endett
er
auprès d’un
établissement financier sur plus de 12 mois. Ainsi, Bpifrance Participations ne peut exercer ses
activités que sur ses seuls fonds propres.
Le ratio de solvabilité de Bpifrance est amené à baisser fortement du fait de la réforme
réglementaire à venir (réforme dite « Bâle IV » qui devrait entrer progressivement en
application entre 2025 et 2029).
In fine
, le ratio CET 1 de Bpifrance devrait diminuer de plus
de 10 points
123
, passant selon les estimations de Bpifrance de 28,7% en 2024 à 19,7% en 2025.
Il restera largement au-dessus des exig
ences réglementaires mais l’ajustement sera notable.
Bpifrance Participations n’étant pas un établissement de crédit, aucun ratio de
solvabilité spécifique n’est calculé pour cette entité. Pour autant, il est possible d’isoler les
RWA de chaque activité. Ainsi, au 31 décembre 2021, les RWA du pôle financement sont de
122
Le ratio de solvabilité tenant compte des fonds propres complémentaires (
« Additionnal Tier 1 »)
est
de 30,82% à fin 2021, pour une limite réglementaire cette fois-ci à 12,5%. Source : Tableau de suivi des risques
de Bpifrance au 31/12/2021.
123
En version dite
fully loaded
,
c’est
-à-dire excluant les mesures et provisions transitionnelles possibles.
BPIFRANCE
83
41 591 M
€
, ceux du pôle investissement de 34 471 M
€
124
. Or, à la même date, Bpifrance
Participations bénéficie de 21
697 M€ de capitaux propres. On peut ainsi reconstruire une forme
de ratio de solvabilité, qui serait égal à près de 63%, ce niveau très élevé étant en lien avec la
nature d’ODAC de la filiale. Au niveau consolidé, Bpifrance bénéficie de 26
081 M€ de fonds
propres. Après déduction de ceux de Bpifrance Participations, il en résulte un fléchage de 4 384
M€ de fonds propres vers l’établissement bancaire pris isolément.
Le ratio prudentiel théorique
du pôle financement est donc nettement
plus bas, de l’ordre de 10,5%
125
.
Le déséquilibre de structure financière entre les deux pôles financement et
investissement mérite d’être noté.
Bpifrance est également soumise au ratio de liquidité à court terme LCR
126
(Liquidity
Coverage Ratio)
et au ratio structurel de liquidité à long terme NSFR
127
(
Net Stable Funding
Ratio
) qui mesurent sa capacité à faire face à une crise de liquidité. Les ratios de Bpifrance sont
très élevés puisque, à fin 2021, le LCR est de 425%et le NSFR à 122% (contre une exigence
réglementaire de 100%). Malgré ces ratios larges, Bpifrance a rencontré par le passé des
difficultés de gestion de sa liquidité. La banque publique a massivement sollicité les opérations
d’obtention de liquidité mises en place par la B
CE et notamment les TLTRO, pour un montant
maximal de 20,8 Md
€
en 2021, redescendu au 30 Juin 2022 à 18,6 Md
€. Le remboursement de
ces opérations représentera un point d’attention
dans la gestion de sa liquidité.
Le pilotage de son activité par les ratios prudentiels est encore balbutiant chez
Bpifrance, contrairement aux pratiques des banques commerciales. En effet, en début
d’exercice,
ces dernières
allouent ce qu’elles nomment les «
ressources rares » (capital,
financement, frais généraux) aux actions jugées prioritaires ; ces allocations sont ensuite suivies
régulièrement et recalculées avant chaque décision significative. La capitalisation solide de
Bpifrance et la protection apportée par l’existence des fonds de garantie ont pu inciter la banque
publique à ne pas suffisamment considérer le capital comme une ressource rare.
Bpifrance a établi depuis un peu moins de trois ans des allocations indicatives en capital
par métier, mais ex post, en fin d’exercice. Elles ont été complétées par des revues mensuelles,
toujours ex post. Malgré ces progrès, les allocations en capital par métier ne rentrent pas pour
le mo
ment formellement dans les décisions d’allocation des ressources alors que
l’environnement de politique monétaire et de disponibilité des liquidités est appelé à se durcir.
Dans la perspective d
e l’évolution
règlementaire et
de l’ajustement des ratios prud
entiels qui
devraient en résulter, ce pilotage devrait être renforcé et rapproché de ce qui se fait dans les
banques commerciales.
124
Source : PMT 2022.
125
La décision de la BCE du 23 mars 2021 permet de déroger
à l’application des exigences prudentielles
de solvabilité sur base individuelle : le ratio de solvabilité peut être établi sur la seule base consolidée. Avant la
fusion,
le ratio de solvabilité était calculé à l’échelle de l’établissement bancaire Bpifra
nce Financement. Il était
nettement plus faible, de 13,76% à fin 2018 et 14,75% à fin 2019.
126
Cette norme vise à ce qu’une banque dispose d’un encours suffisant d’actifs liquides de haute qualité
non grevés, sous forme d’encaisse ou d’autres actifs pouvant
être convertis en liquidités sur des marchés privés
sans perdre
–
ou très peu
–
de leur valeur pour couvrir ses besoins de liquidité, dans l’hypothèse d’une crise de
liquidité qui durerait 30 jours calendaires.
127
Il s’agit pour une banque de disposer de
suffisamment de « financements stables » en projection sur
une année.
BPIFRANCE
84
Un besoin de capitaux et de liquidités toujours plus important
Jusqu’en 2019, les flux liés aux activités opérationnelles ét
aient fortement négatifs, mais
contrebalancés par les flux liés aux opérations de financement
128
. Cette articulation reflète à la
fois le fait que les crédits accordés ne sont pas encore remboursés du côté de l’activité bancaire
de Bpifrance et le délai entre investissements et cessions côté participations. Elle souligne dans
les deux cas que l’activité est consommatrice de liquidités. Elle montre aussi que la mise en
place et la croissance des activités ont été financées par des apports en capital et de
l’endettement, ce qui n’est pas négatif en soit dans la mesure où les flux de remboursements
des prêts ne sont pas encore visibles.
Pour autant, la trésorerie de Bpifrance reste large à la clôture de chaque exercice, en
ligne avec les exigences prudentielles et le pilotage par la liquidité.
Tableau n° 21 :
Tableau des flux de trésorerie simplifié
–
consolidé (M
€
)
2016
2017
2018
2019
2020
2021
Résultat avant impôts
957
1 672
1 138
1 116
-139
2 014
Éléments non monétaires inclus dans ce
résultat et autres ajustements
323
626
-288
65
1 272
-1 296
Diminution ou augmentation nette des
actifs et passifs provenant des activités
opérationnelles
-5 107
-7 391
-3 956
-4 790
-165
1 176
d’où flux nets de trésorerie générés par
l’activité opérationnelle
3 828
5 093
3 106
3 609
969
1 894
flux nets de trésorerie générés liés aux
opérations d’investissement
207
392
574
8
-320
-251
flux nets de trésorerie générés liés aux
opérations de financement
3380
3 879
3 905
2 643
6 480
-894
D’où augmentation /diminution nette de la
trésorerie
-240
-823
1 373
-958
7 128
749
Trésorerie à la clôture
2 419
1 597
2 970
2 012
9 140
9 888
Source : Bpifrance
NB : pour les lignes en bleu, la démarche est de partir du résultat, de retrancher les éléments issus de
l’opérationnel inclus dans le résultat mais ne donnant pas lieu à des flux de trésorerie et d’ajouter les flux
opérationnels ne se reflétant pas dans le résultat (la variation des actifs et passifs provenant des activités
opérationnelles représente par exemple les crédits octroyés qui occasionnent des sorties de trésorerie mais ne
rentrent pas dans le résultat auxquels on soustrait les remboursements de crédits antérieurement octroyés).
Les opération
s de financement ne relèvent pas de l’activité de financement de Bpifrance mais des financements de
l’entité reçus de l’extérieur.
En 2020, l’augmentation forte de l’endettement de marché et le recours aux opérations
de refinancement exceptionnelles liées à la crise et menées par la BCE
(Targeted Long Term
128
Les activités opérationnelles sont les principales activités
courantes de l’entreprise. Les activités de
financement permettent à l’entité de se financer à l’extérieur (apport en capital de l’actionnaire, emprunt bancaire,
émission de titres de dette…).
BPIFRANCE
85
Operations
–
TLTRO
)
ont entraîné un saut de trésorerie important que l’on retrouve à l’actif du
bilan. Les dettes liées aux TLTRO sont ainsi passées de 4,3 Md
€
fin 2019 à 14,8 Md
€
fin 2020
au bilan de Bpifrance. Cet afflux de liquidité a été nécessaire pour éviter une impasse de
trésorerie au niveau de Bpifrance
129
.
Le même constat peut être fait pour les
flux de trésorerie spécifique de l’activité de
financement depuis 2019. L’essor des prêts à la clientèle, et donc le développement de l’activité
bancaire est, pour le moment et dans l’attente des remboursements des prêts octroyés, financé
par
l’
endettement croissant détaillé plus haut.
Les flux nets de trésorerie sur investissements
, qui reflètent l’activité d’achat et de vente
des participations, sont quasiment toujours négatifs : il y a plus de décaissement par des prises
de participations que d’encaissement par des cessions.
Le modèle n’est donc pas encore
équilibré entre croissance par les investissemen
ts d’un côté et remboursements par les cessions
de l’autre côté.
L
’actionnaire étatique a pu par le passé se montrer réticent à ce que Bpifrance
cède certaines participations jugées importantes ou stratégiques.
Jusqu’en 2020, l’activité de prêts était financée par la dette émise par l’établissement
bancaire et les investissements par les capitaux propres de Bpifrance Participations. La fusion
interne et la remontée d’un cran de l’établissement bancaire ont changé les choses
: la
croissance des investissements peut être financée par une augmentation de capital elle-même
financée par de la dette,
sans qu’un volume de cessions et de liquidités suffisant soit dégagé
pour que l’activité d’investissement en fonds propres s’auto
-
entretienne. Dans l’attente de
remb
oursements de prêts ou de cessions de participations et en l’absence d’une rentabilité en
numéraire suffisante, poursuivre la croissance implique un recours
accru à l’endettement
ou
une recapitalisation par l’actionnaire. L’évolution actuelle du bilan et l
a gestion des liquidités
indiquent que le modèle
n’es
t pas autosuffisant à moyen terme.
Une stratégie de croissance à définir au regard des moyens financiers
disponibles
Les priorités du plan à moyen terme (PMT) portant sur la période 2022 à 2025 sont
multiples et suggèrent une poursuite de la croissance des activités de la banque publique.
Bpifrance compte poursuivre le développement de certaines de ses activités. Sur le
financement de moyen et long terme par exemple, Bpifrance prévoit 10,5 Md€ de nouveaux
prêts en moyenne sur la période 2022
–
2025 contre 8,6 Md€ en 2021, soit une hausse de plus
de 20 % des volumes prêtés. Il en est de même sur les garanties pour lesquelles Bpifrance
prévoit une augmentation de plus de 30 % du risque pris entre 2021 et la projection à 2025. Les
nouveaux investissements en fonds propres devraient se monter à 4,5
Md€ par an à horizon
2025 (incluant la gestion pour compte de tiers). La banque publique prévoit en revanche que
ses activités
de financement de court terme, de financement de l’innovation, de l’export et son
activité de prêts digitaux restent stables, voire diminuent légèrement à horizon 2025.
Les prévisions financières de Bpifrance témoignent de la poursuite de cette stratégie de
croissance. Il est par exemple attendu que les encours moyens de crédits augmentent de 42 à
46,7 Md€ (+11
%) de 2021 à 2025
. Bpifrance entend continuer l’exécution de son plan Climat,
129
Toutes choses égales par ailleurs, retirer les liquidités obtenues des TLTRO en 2020 aurait abouti à
une trésorerie totale de 9 140 -10 500 = -1 360 M
€
.
BPIFRANCE
86
notamment en doublant les financements apportés aux énergies renouvelables,
(1290 M€ de
nouveaux engagements en 2021, 2200 prévus en 2025). De même, il est prévu que les actifs
sous gestion (investissements en fonds propres) passent de 44,4 Md€ en 2021 à 60,7 Md€ en
2025.Si
ce chiffre inclut une gestion pour compte de tiers en progression, il s’appuie aussi sur
des investissements pour compte propre de Bpifrance dont l’encours devrait passer d’environ
34 à 40 Md
€
130
.
Ces évolutions porteraient le total de bilan de la banque pu
blique à plus de 108 Md€ en
2025, à financer par des apports de capitaux ou un endettement supplémentaire car la
dynamique de consommation des liquidités de Bpifrance Participation devrait conduire à
consommer intégralement, en 2023,
l’augmentation de capi
tal octroyée à Bpifrance
Participations après la fusion de 2020.
Le PMT présenté par Bpifrance aux actionnaires en juillet 2022 décrit un scenario
permettant de «
consolider son rôle d’actionnaire stratégique
» (dans les domaines de la
souveraineté, santé, etc.) passant par un renforcement des participations dans le secteur non
coté de l’ordre de 400 M€ par an
et une poursuite des investissements dans des entreprises
cotées pour 1 Md€.
Or, le caractère stratégique des entreprises concernées rend les participations de
Bpifrance difficilement cessibles, occasionnant donc une moindre rotation du portefeuille. Au
total, le scenario de 2022 nécessitait, selon la banque publique, une nouvelle augmentation de
capital, chiffrée à 4 Md€ à horizon fin 2023 –
début 2024. Cette demande a été refusée par les
actionnaires.
Au vu de la structure financière de Bpifrance et des moyens alloués par l’
État, une
stabilisation du niveau d’activité apparaît
donc désormais nécessaire. A montant de capitaux
propres inchangés, Bpifrance n’est en effet pas en mesure de réaliser de nouveaux
investissements importants sans faire appel à un endettement supplémentaire, sauf à céder des
participations et générer ainsi des résultats suffisants. La poursuite du développement de ses
activités de prêts pose par ailleurs la question du niveau des dotations publiques consommées
par les prêts sans garantie.
En matière de programmation stratégique, des PMT glissants sont présentés chaque
année lors des séminaires d’été
mais ils sont révisables et révisés chaque année Si cette pratique
permet de maintenir l’adaptabilité de la banque publique
aux évolutions du contexte
économique, ces documents ne permettent
pas d’établir un modèle cible clair à moyen terme.
Ainsi, après
dix ans d’existence
et un élargissement non négligeable du périmètre des
activités de la banque publique,
il serait souhaitable d’établir
une feuille de route pour le moyen
terme, approuvée par les actionnaires, et
assortie d’une trajectoire financière permettant son
financement. Cette feuille de route servirait de base aux PMT présentés chaque année, en
cohérence avec les ressources que Bpifrance est capable de dégager, les moyens que ses
actionnaires acceptent de lui accorder et
la préservation d’une rentabilité tenant compte des
missions de service public assurées par Bpifrance.
130
La gestion pour compte de tiers, qui représentait environ 25% des 44,4 Md
€
d’actifs sous gestion en
2022, devrait représenter environ un tiers des 60,7 Md
€
sous gestion attendus à horizon 2025.
BPIFRANCE
87
Recommandation n°8 (Bpifrance, A
gence des participations de l’Etat
, Direction
générale du Trésor, Caisse des dépôts et consignations, Direction du Budget) : Définir
une feuille de route stratégique et financière cohérente avec les ressources que
Bpifrance est capable de dégager.
BPIFRANCE
88
______________________ CONCLUSION INTERMÉDIAIRE ______________________
Bpifrance a développé différents métiers sur les cinq dernières années, chacun suivant
un mode de financement spécifique. Le métier du financement a été principalement financé par
l’endettement de marché de l’établissement bancaire. Les investissements en
fonds propres
s’appuient sur des capitaux propres en croissance de
sa filiale Bpifrance Participations. Le
métier de garantie se développe grâce aux dotations budgétaires successives, dont certaines
sont redéployées en interne au bénéfice de nouvelles prises en garantie.
Une part importante
des flux financiers sur lesquels Bpifrance s’est construite est
d’origine
publique
. Si certains d’entre eux sont correctement retracés (apports en capital),
d’autres
sont plus difficiles à suivre (dotations budgétaires, recyclage et redéploiement de
dotations). Un premier effort de transparence a été effectué en 2022 avec la publication du
jaune budgétaire sur Bpifrance. Pour autant, la traçabilité de ces flux financiers et la qualité
de l’information financière doivent encore être améliorées pour rendre compte de la situation
financière de la banque publique.
Au niveau consolidé, les performances de la banque publique sont irrégulières. Le
produit net bancaire varie fortement d’une année sur l’autre, y compris hors crise de 2020
, du
fait de
la contribution élevée du métier d’investissement
s en fonds propres. En parallèle, les
charges de la banque publique augmentent de 60% entre 2016 et 2021. Le résultat net oscille
entre 723 et 1829 M
€
entre 2016 et 2021. La rentabilité sur capitaux propres (RoE) baisse de
2017 (5,86%) à 2019 (4,10%), avant de remonter en 2021 (+6,45%) après une performance
négative l’année de la crise sanitaire
. Plutôt inférieure à celle des banques commerciales, cette
rentabilité pourrait diminuer dans les prochaines années selon les prévisions réalisées par la
banque publique.
La croissance des
différents métiers a abouti à l’expansion du bilan de Bpifrance
entre
2016 (68 Md
€
) et 2021(100 Md
€
), expansion
à laquelle il convient d’ajouter le développement
des activités pour compte de tiers, qui représentent plus de 10 Md
€
fin 2021. Les perspectives
stratégiques
établies par la banque publique vont dans le sens d’une poursuite de cette
dynamique. Les conditions de son financement ne sont cependant pas explicitées, alors que
l’
endettement devrait être amené à augmenter du fait du remboursement à venir des opérations
spéciales de politique monétaire.
Une stabilisation du niveau d’activité
de la banque publique, qui doit intervenir en
subsidiarité de banques commerciales apparaît désormais nécessaire.
La richesse et la complexité des interventions de Bpifrance justifient la construction
d’un cadre stratégique articulant une programmation stratégique de moyen terme,
cohérente
avec les ressources qu’elle est capable de dégager et les moyens que ses actionnaires acceptent
de lui accorder, une trajectoire financière pluriannuelle et des budgets annuels. Après une
décennie d’expansion et de diversification des activités de la banque publique, ce cadre devrait
assurer la consolidation de ses interventions, la maîtrise des risques qui leur sont associés,
ainsi que la préserva
tion d’une rentabilité tenant compte des missions de service public
assurées par Bpifrance.