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ENTITÉS ET POLITIQUES PUBLIQUES
LA POLITIQUE
D’INSTALLATION
DES NOUVEAUX
AGRICULTEURS
ET DE TRANSMISSION
DES EXPLOITATIONS
AGRICOLES
Communication à la commission des finances du Sénat
Avril 2023
Sommaire
PROCÉDURES ET MÉTHODES
........................................................................................................................
5
SYNTHÈSE
............................................................................................................................................................
9
RÉCAPITULATIF DES RECOMMANDATIONS
..........................................................................................
15
INTRODUCTION
................................................................................................................................................
17
CHAPITRE I LE RENOUVELLEMENT DES GÉNÉRATIONS AU DOUBLE DÉFI
DU VIEILLISSEMENT ET
DE L’ÉVOLUTION DES MODÈLES D’EXPLOITATI
ON
..........
19
I - LES ENJEUX LIÉS À LA DIMINUTION ET AU VIEILLISSEMENT DE LA POPULATION
AGRICOLE ET À LA BAI
SSE DU NOMBRE D’EXPL
OITATIONS
..........................................................
19
A -
L’érosi
on et la recomposition de la population active agricole
........................................................................
19
B -
Un modèle familial persistant mais un développement de nouvelles formes d’exploitations
..........................
23
C - Des projections incertaines
..............................................................................................................................
27
II -
DE L’AIDE À L’I
NSTALLATION AU RENOUVELLEMENT DES GÉNÉRATIONS :
UNE PRIORITÉ POLITIQUE DÉSORMAIS AFFIRMÉE
............................................................................
30
A - Un objectif de la politique agricole commune
.................................................................................................
30
B - Un affichage ambitieux en France
...................................................................................................................
32
III - UN PILOTAGE REPOSANT PRINCIPALEMENT SUR DES OBJECTIFS DE MOYENS
..............
34
A - Une gouvernance large et partenariale mais peu stratégique
...........................................................................
34
B - Une programmation en fonction de moyens certes croissants, mais une cible en retrait
pour la PAC 2023-2027
.........................................................................................................................................
37
CHAPITRE II DES INS
TRUMENTS D’AIDE À L’
INSTALLATION
ET AU DÉMARRAGE, INSUFFISAMMENT OUVERTS ET MOBILISÉS
................................
43
I -
L’ACCOMPAGNEMENT
À L’INSTALLATION
: UN DISPOSITIF À ADAPTER
AUX BESOINS
.....................................................................................................................................................
43
A -
Un cadrage national et des mises en œuvre régionales différenciées
...............................................................
44
B -
Le programme d’accompagnement à l’installation et à la transmission en agriculture
....................................
45
II - LES AIDES AUX NOUVEAUX INSTALLÉS : UN NÉCESSAIRE ASSOUPLISSEMENT
EN FAVEUR DES PLUS DE 40 ANS
................................................................................................................
50
A -
Les avantages fiscaux et sociaux financés par l’État
.......................................................................................
50
B - Les aides directes
: la mise en place nationale des dispositifs de soutiens à l’installation de la PAC
..............
51
C - Une efficacité difficile à évaluer
......................................................................................................................
56
III - UN DISPOSITIF
D’AIDE MODIFIÉ DANS
LE CADRE DE LA POLITIQUE AGRICOLE
COMMUNE 2023-2027
.......................................................................................................................................
59
A - Le nouveau cadre de la PAC 2023-2027
.........................................................................................................
59
B -
Des régions confortées dans leur rôle d’autorité de gestion des aides non surfaciques
...................................
64
CHAPITRE III UNE TRANSMISSION À MIEUX ORIENTER
VERS DES EXPLOITATIONS DURABLES
....................................................................................
67
I -
DE L’ENCOURAGEMENT DES DÉPARTS À L’A
CCOMPAGNEMENT
DE LA TRANSMISSION :
UN CHANGEMENT D’APP
ROCHE
.................................................................
67
A -
Une politique publique longtemps orientée vers la réduction du nombre d’agriculteurs
et d’exploitations
....................................................................................................................................................
68
COUR DES COMPTES
4
B - Au tournant des années 2000, des objectifs et des instruments révisés pour améliorer les chances
de transmission des exploitations
...........................................................................................................................
69
II - DIFFICULTÉS À TRANSMETTRE ET DIFFIC
ULTÉS À S’INSTALLER
:
DES CAUSES STRUCTURELLES COMMUNES
..........................................................................................
76
A - La transmission
: une perspective à appréhender tout au long de la vie de l’exploitation
...............................
76
B - Le prix des exploitations : un obstacle relatif
...................................................................................................
77
C -
L’orientation des biens vers l’étoffement ou l’installation
: un rôle souvent déterminant du cédant
...............
84
D - De nouvelles modalités de travail, sources potentielles de concurrence entre nouveaux exploitants
et exploitants âgés
..................................................................................................................................................
86
III - ANTICIPER LES
BESOINS DE L’AGRICUL
TURE ET FAVORISER LA TRANSITION
VERS DES EXPLOITATIONS DURABLES
...................................................................................................
88
A - Des règles et un environnement public à adapter aux évolutions et aux enjeux
..............................................
88
B - Des modèles économiques et de financement émergents pour accompagner la diversité
des exploitations
.....................................................................................................................................................
92
LISTE DES ABRÉVIATIONS
...........................................................................................................................
97
ANNEXES
............................................................................................................................................................
99
Procédures et méthodes
Les rapports de la Cour des comptes sont réalisés par l’une des six chambres que comprend la
Cour ou par une formation associant plusieurs chambres et/ou plusieurs chambres régionales ou
territoriales des comptes.
Trois principes fondamentaux gouvernent l’organisation et l’activité de la Cour ainsi que des
chambres régionales et territoriales des comptes, donc aussi bien l’exécution de leurs contrôles et
enquêtes que l’élaboration des rapports publics : l’indépendance, la contradiction et la collégialité.
L’
indépendance
institutionnelle des juridictions financières et l’indépendance statutaire de
leurs membres garantissent que les contrôles effectués et les conclusions tirées le sont en toute liberté
d’appréciation.
La
contradiction
implique que toutes les constatations et appréciations faites lors d’un contrôle
ou d’une enquête, de même que toutes les observations et recommandations formulées ensuite, sont
systématiquement soumises aux responsables des administrations ou organismes concernés ; elles ne
peuvent être rendues définitives qu’après prise en compte des réponses reçues et, s’il y a lieu, après
audition des responsables concernés.
La
collégialité
intervient pour conclure les principales étapes des procédures de contrôle et de
publication. Tout contrôle ou enquête est confié à un ou plusieurs rapporteurs. Le rapport d’instruction,
comme les projets ultérieurs d’observations et de recommandations, provisoires et définitives
, sont
examinés et délibérés de façon collégiale, par une formation comprenant au moins trois magistrats. L’un
des magistrats assure le rôle de contre-rapporteur et veille à la qualité des contrôles.
Le Parlement peut demander à la Cour des comptes la réal
isation d’enquêtes, sur la base du 2°
de l’article 58 de la loi organique n
° 2001-692 du 1
er
août 2001 relative aux lois de finances
(commissions des finances), de l’article LO 132
-3-1 du code des juridictions financières
(commissions des affaires sociales
) ou de l’article L. 132
-6 du code des juridictions financières
(présidents des assemblées).
La Cour des comptes a été saisie par le président de la commission des finances du Sénat, par
lettre du 18 janvier 2022, en application du 2° de l’article 58 de la
loi organique précitée
, d’une
demande d’enquête portant sur l’installation des agriculteurs
(voir annexe n° 1). Cette demande a été
acceptée par le Premier président le 25 janvier 2022. À la suite d’une réunion avec Patrice Joly,
sénateur de la Nièvre, et
Vincent Ségouin, sénateur de l’Orne, une lettre
du Premier président datée
du 1
er
avril 2022, a précisé les modalités d’organisation des travaux demandés à la Cour et fixé le
périmètre de l’enquête aux politiques d’installation des nouveaux agriculteurs e
t de transmission des
exploitations agricoles.
COUR DES COMPTES
6
L’enquête a été notifiée le 13 mai 2022 à la secrétaire générale du ministère de l’agriculture et de
la souveraineté alimentaire (MASA), au secrétaire général du ministère de la transition écologique et de
la cohésion des territoires, à la directrice générale de la performance économique et environnementale
des entreprises (DGPE), à la directrice générale
de l’alimentation
(DGAL), à la directrice générale de
l’enseignement et de la recherche (DGER),
à la cheff
e du service de la statistique et de la prospective
(SSP), au président-
directeur général de l’Agence de services et de paiement (ASP), à la directrice
générale de l’aménagement, du logement et de la nature (DGALN), à la directrice du budget, au
directeur
de la législation fiscale et au président de Chambres d’agriculture France.
Outre des entretiens avec ces administrations et opérateurs publics (voir la liste des personnes
rencontrées en annexe n°2), des échanges ont été conduits avec les organisations professionnelles
agricoles :
la fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles
- FNSEA, les Jeunes
agriculteurs - JA, la Confédération paysanne, la Coordination rurale ;
avec l’association Régions de
France ; avec des chercheurs et universitaires et avec des réseaux spécialisés comme la fédération
nationale des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural
- FNSAFER, le réseau de
conseil et d’expertise comptable
CerFrance,
la fédération nationale des centres d’initiatives pour
valoriser
l’agriculture en milieu rural
- FNCIVAM, et la fédération associative pour le développement
de l’emploi agricole et rural
- FADEAR.
Un questionnaire a été adress
é à l’ensemble des services déconcentrés du
ministère de
l’agriculture
au niveau régional en France métropolitaine afin de recenser les dispositifs et les
instances existant dans chaque région,
le présent rapport n’abord
ant toutefois pas les régions ultra-
marines, eu égard à leurs spécificités.
Une demande d’information sur le même sujet a été adre
ssée
aux services des régions.
Deux régions ont fait l’objet de déplacements
: les Hauts-de-France et la
Nouvelle-Aquitaine. Il est précisé que les contacts avec les régions se sont limités à des demandes
d’informations, la Cour des comptes n’
étant pas compétente pour les contrôler
1
. Les informations
recueillies et le renforcement à compter de 2023 des compétences des régions concernant plusieurs
dispositifs de la politique d’installation des agriculteurs et de transmission des exploitations ont été
prises en compte dans le rapport. En revanche, les compétences de la Cour ne lui permettent pas
d’
adresser formellement des recommandations aux régions.
Un point d’étape destiné à présenter l’avancement des travaux et à s’assurer de leur
réponse
aux attentes du Sénat a été organisé le 5 octobre 2022.
Le projet de rapport a été délibéré le 15 février 2022 par la deuxième chambre, présidée par Mme
Annie Podeur, et composée de M. Jean-Yves Perrot, Mme Catherine Périn, MM. Michel Thomas,
Vincent Berger et Michel Babeau, conseillers maîtres, Mme Anne-Laure de Coincy, conseillère maître,
en tant que contre-rapporteure, ainsi que, en tant que rapporteurs, Mme Nathalie Reuland, conseillère
référendaire, et M. Guillaume Brulé, conseiller référendaire en service extraordinaire.
1
L’article L. 211
-4 du code des juridictions financières prévoit en effet que «
La chambre régionale des comptes
contrôle les collectivités territoriales et les établissements publics locaux
».
PROCÉDURES ET MÉTHODES
7
Le comité du rapport public et des programmes de la Cour des comptes, composé de
M. Moscovici, Premier président, M. Rolland, rapporteur général, Mme Podeur, M. Charpy, Mmes
Camby et Démier, M. Bertucci, Mme Hamayon et M. Meddah, présidents et présidentes de chambre
de la Cour, MM. Michaut, Lejeune et Advielle, Mmes Gervais et Renet, présidents et présidentes de
chambre régionale des comptes, ainsi que M. Gautier, Procureur général, a été consulté sur le projet
de communication le 6 mars 2023. Le Premier président a approuvé la transmission du texte définitif
au Parlement le 24 mars 2023.
Les rapports publics de la Cour des comptes sont accessibles en ligne sur le site internet de la
Cour et des chambres régionales et territoriales des comptes : www.ccomptes.fr .
Synthèse
La Cour des comptes a été saisie le 18 janvier 2022 par le président de la Commission
des finances du Sénat, sur le fondement de l’article 58
-2° de la loi organique du 1
er
août 2001
relative aux
lois de finances, d’une demande d’enquête portant sur l’installation des
agriculteurs, élargie d’un commun accord à la transmission des exploitations agricoles. Il a été
convenu que ces travaux porteraient
sur les politiques d’installation des nouveaux ag
riculteurs
et de transmission des exploitations agricoles.
L
’enquête
a été conduite dans un contexte évolutif. En effet, l
’année 2023
marque la mise
en œuvre d
u nouveau programme de la politique agricole commune (PAC) 2023-2027 ainsi que
le transfert aux
régions de la gestion des aides à l’installation et à l’investissement cofinancées
par le fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER). En outre, est engagée
l
’élaboration du pacte et de la loi d’orientation et d’avenir agricoles annoncés p
ar le Président
de la République le 9 septembre 2022, centrés sur les enjeux du renouvellement des générations
en agriculture. Ce contexte et ces travaux emporteront des conséquences sur les dispositifs
existants examinés par la Cour. Le présent rapport en tient compte pour éclairer aussi utilement
que possible les orientations pour les années à venir.
Une politique confrontée à des enjeux majeurs
Le déclin de la population active agricole est un phénomène ancien, longtemps encouragé
par les pouvoirs publics pour accompagner la modernisation du secteur. De plus de 2,5 millions
en 1955, la population des exploitants est passée à 764 000 en 2000 et à 496 000 en 2020 selon
les résultats du dernier recensement agricole de 2020. Corollaire de cette évolution, le nombre
d’exploitations agricoles diminue aussi fortement, pour se situer en France métropolitaine à
389 000 en 2020. La surface agricole utile (SAU) se stabilisant depuis le début des années 2000,
la taille des exploitations augmente :
elle est aujourd’hui
de 69 ha en moyenne, contre 42 ha en
2000. Seules croissent les exploitations dont la production brute standard est supérieure à
250 000
, qui représentent désormais 19 % des exploitations et 40 % de la SAU. Pour autant,
le modèle d’exploitation familial
e, où coïncident propriété ou maîtrise des moyens de
production, réalisation du travail et pouvoir de gestion et de décision, reste majoritaire.
Ce modèle évolue cependant, du fait du développement des formes sociétaires, du recours au
salariat et à la ma
in d’œuvre externalisée
et de la diversification des activités sur l’exploitation
.
Ces évolutions sont appelées à se poursuivre compte tenu du vieillissement de la
population des agriculteurs : 43
% des exploitants sont aujourd’hui âgés de 55 ans ou plus e
t
sont donc susceptibles de partir en retraite d’ici 2033.
Une étude de 2015 du ministère de
l’agriculture, basée sur le devenir d’un échantillon d’exploitations entre 2000 et 2007, avait
montré que les exploitations faisaient l’objet de reprise dans neuf
cas sur dix et disparaissaient
dans un cas sur dix. En revanche,
il est aujourd’hui difficile de caractériser
l’ampleur des
enjeux
pour l’agriculture française, en l’absence d’études récentes sur le devenir des exploitations lors
des cessions et de project
ions des flux de cessation d’activité.
COUR DES COMPTES
10
Quatre principaux types d’instruments prévus au niveau européen et au niveau national ont
été mis en œuvre par l’État, les régions et différents partenaires pour faciliter l’installation et la
transmission. La première catégorie de ces dispositifs repose sur des subventions pour soutenir
l’installation et l
es premières années d
’activité des jeunes agriculteurs, sous forme d’aides directes
(versement d’une dotation à l’installation
pour 170
M€
en 2021, majoration des aides à la
production pendant cinq ans pour environ 73
M€
en 2021)
ou de soutiens à l’investissement
(144
M€ par an en moyenne sur 2015
-2021). La deuxième catégorie repose sur des aides fiscales
ciblées (58
M€
par an) ou transversales, et des exonérations sociales (36
M€ par an)
, bénéficiant
principalement aux jeunes agriculteurs attributaires de la dotation jeune agriculteur ou visant à
faciliter la transmission au moment de la cessation d’activité et de la reprise de l’exploitat
ion. Des
actions
d’information et d’accompagnement
essentiellement portées par le programme
d’accompagnement à l’installation et à la transmission cofinancé par l’
État (13,7
M€
en 2021) et
les régions (6,6
M€) aident par ailleurs les candidats à l’installa
tion à bâtir et professionnaliser
leur projet, ainsi que les cédants à anticiper leur transmission. Enfin, l’encadrement du marché
foncier agricole par les
sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (
SAFER) et
l’effet du statut du fermage
ainsi que
la délivrance des autorisations d’exploiter
dans le cadre du
contrôle des structures,
visent à favoriser l’installation des jeunes.
Un objectif ambitieux, des moyens en augmentation
mais un pilotage peu stratégique
La loi d’avenir pour l’agriculture
du 13 octobre 2014 et la programmation de la PAC pour
la période 2014-
2022 ont renforcé les moyens consacrés à la politique d’installation et de
transmission et en particulier le soutien aux jeunes agriculteurs. La loi précitée a inséré dans le
code rural et de la pêche maritime un livre préliminaire sur les finalités de la politique en faveur
de l’agriculture et de l’alimentation, dont le IV retient une définition large et ambitieuse de la
politique d’installation et de transmission en agriculture
. Dépassant les seules dimensions
démographiques, cette politique inclut les
enjeux d’aménagement et de développement des
territoires, de diversification des systèmes de production et en particulier de soutien aux projets
générateurs de valeur ajoutée et d'emploi,
ainsi que d’incitation à mettre en place des pratiques
performantes et respectueuses de l'environnement. Le renouvellement des générations en
agriculture ne se réduit donc pas à la démographie mais doit aussi
favoriser l’évolution vers des
modèles et des p
ratiques d’agriculture durable et résiliente.
La programmation de la PAC pour 2023-2027 définit un objectif visant à «
attirer et
soutenir les jeunes agriculteurs et les autres nouveaux agriculteurs et faciliter le développement
durable des entreprises dans les zones rurales
» (objectif spécifique G). Il se traduit par
l’obligation
, pour chaque État membre, de consacrer au moins 3
% de l’ensemble des crédits
des deux piliers au soutien des jeunes agriculteurs de moins de 40 ans. Pour la France, les
moyens e
uropéens consacrés aux jeunes agriculteurs s’élèveront ainsi
à environ 220
M€ par an
,
tandis que les moyens dédiés aux nouveaux installés de plus de 40 ans atteindront environ 6
M€
par an.
La mise en œuvre des aides non surfaciques relevant du 2
e
pilier (FEADER) de la PAC
sera intégralement confiée aux régions, autorités de gestion de ce fonds depuis 2014.
L’affirmation de cette priorité et l’augmentation des moyens afférents
qui passeront, pour
l’aide à l’installation des jeunes agriculteurs et l’aide com
plémentaire au revenu, de 243
M€ en
2021 à 297
M€ en 2026
,
n’ont été précédées ni d’étude prospective, ni d’analyse stratégique en
fonction des besoins d’activité et de production identifiés selon les filières,
les territoires, les
SYNTHÈSE
11
enjeux alimentaires
et l’aménagement du territoire,
ni en fonction du ou des modèles de
production souhaités.
L’élaboration du plan stratégique national de mise en œuvre de la PAC
2023-2027, adopté en 2022,
a plutôt procédé d’une logique budgétaire fondée sur l’agrégation
des moyens précédemment engagés et leur majoration forfaitaire. Or, pour complexe que soit
une réflexion stratégique en ce domaine où ne saurait prévaloir un cadre uniforme et normatif,
elle apparaît toutefois nécessaire
à l’échelon régional et national pour guider la mise en œuvre
d’une poli
tique présentée comme prioritaire.
Des stratégies régionales articulées avec une stratégie nationale devraient donc fixer, à
titre prospectif, les capacités de production et le
nombre d’exploitations et d’exploitants
vers
lesquels tendre par filière et par région en fonction des enjeux agroéconomiques,
environnementaux, sociaux et d’aménagement du territoire.
Un accompagnement de l’installation prenant insuffisamment en compte
la diversité de l’agriculture
Le programme d’accompagnement à l’installation et
à la transmission en agriculture est
mis en œuvre par l’État, les régions et des opérateurs labellisés.
Il est d
oté d’un budget annuel
en moyenne de 20
M€ par an en 2019
-2021. L
’ampleur des
18 actions du programme varie
selon les dispositifs, certains n’é
tant pas ou peu mobilisés. En 2021, les points « accueil
installation » et les centres
d’élaboration du plan de professionnalisation personnalisé,
principaux dispositifs du programme, ont accueilli respectivement 20 786 et 7 600 candidats.
Ce programme souffre de plusieurs lacunes
alors que se diversifie l’origine
professionnelle et familiale des candidats à l’installation
: absence de dispositif consacré à
l’émergence des projets, inégale représentation des différents types d’agriculture
parmi les
opérateu
rs chargés d’accompagner les agriculteurs en dépit des engagements pris, manque
d’individualisation des plans de professionnalisation personnalisés, méconnaissance des flux
de population et des causes sous-jacentes des parcours des candidats, notamment du non-
recours à la dotation jeune agriculteur.
Un système d’aides qui bénéficie essentiellement aux moins de 40 ans
Outre le dispositif d’accompagnement à l’installation, les agriculteurs nouvellement
installés bénéficient d’un ensemble de contributions publ
iques, aides directes, et exonérations
fiscales et sociales, provenant de l’État, de l’Union européenne et des régions, pour un montant
annuel moyen de 379
M€ sur 2019
-
2021, auxquels s’ajoutent environ 144
M€ d’aides aux
investissements provenant du plan d
e compétitivité et d’adaptation des exploitations agricoles.
La dotation « jeune agriculteur », éligible aux moins de 40 ans, représente 166
M€ en
moyenne et est centrale dans le dispositif de soutien. Même si son impact sur la décision
d’installation et la viabilité à long terme de l’exploitation n’est pas démontré pour tous les
projets agricoles, ses conditions d’attribution
-
présentation d’un plan d’entreprise et possession
d’un niveau minimal de formation
- apportent une garantie sur les projets soutenus. La prise en
compte par le plan d’entreprise de la soutenabilité sociale et environnementale du projet et de
sa résistance aux aléas permettrait de renforcer son utilité.
Les objectifs de recours à la dotation « jeune agriculteur » ne sont néanmoins pas atteints :
environ la moitié de la population qui y est éligible ne la demande pas. En parallèle, un tiers
des installations est le fait de personnes âgées de plus de 40 ans, en général des candidats
COUR DES COMPTES
12
extérieurs au parcours agricole classique, certains en reconversion professionnelle. Ces
candidats disposent de fonds propres,
d’idées novatrices et
sont porteurs de projets intéressants ;
or, ils ne
peuvent prétendre qu’à 9
% des aides publiques consacrées
à l’installation
.
Un dispositif modifié par la nouvelle PAC 2023-2027
et un renforcement du rôle des régions
Le transfert aux régions
de l’autorité de gestion
des aides non surfaciques du deuxième
pilier et la mise en œuvre de la nouvelle PAC
à partir du 1
er
janvier 2023 ne seront pas sans
effet sur la pol
itique d’installation.
De nombreuses incertitudes persistent début 2023 et des
décisions restent à prendre quant au maintien des engagements existants en contrepartie de
l’attribution de l’aide à l’installation des jeunes agriculteurs
, notamment sur le contenu du plan
d’entreprise et le lien avec le
programme de professionnalisation ainsi que sur le devenir du
programme national
d’accompagnement à l’installation et à la transmission en agriculture.
La nouvelle PAC introduit l’obligation de consacrer 3
% du budget des paiements directs
aux trois
dispositifs soutenant l’installation des jeunes agriculteurs
que sont
l’
aide
complémentaire au revenu,
l’aide à l’installation des jeunes agriculteurs
et
l’
aide à
l’investissement. Pour répondre à cet engagement, la France a décidé d’augmenter l’aide
complémentaire à l’hectare sans justifier en quoi cette augmentation uniforme était nécessaire.
A contrario
, malgré la création d’une aide spécifique pour les nouveaux agriculteurs, le budget
qui leur sera consacré restera marginal, à hauteur de 4
% de l’enveloppe des fonds
européens et
des cofinancements nationaux et régionaux.
Les régions doivent veiller à
, d’une part, rééquilibrer les dispositifs de soutien en faveur
des plus de 40 ans, et d’autre part, conserver des critères d’éligibilité exigeants pour l’attribution
des aides.
Une politique de transmission peu investie et essentiellement patrimoniale
C
onçu depuis une vingtaine d’années pour faciliter la transmission des exploitations et
non
pour restructurer l’activité
agricole, ce volet de la politique
d’installation
-transmission reste
peu investi et mal connu. L
es difficultés à transmettre dont font état les agriculteurs s’av
èrent
en outre difficiles à matérialiser et à chiffrer.
La politique en faveur de la transmission des exploitations repose sur des actions
individuelles et collectives d’information et de conseils aux futurs cédants, sur des aides et
incitations financières destinées à accroître la transparence des cessions et à anticiper la
transmission, sur des outils et des actions de mise en relation ou de coopération des cédants et
des preneurs ainsi que sur des mesures fiscales pour l’essentiel transversales et à vocation
patrimoniales. Dans leur ensemble, exception faite des mesures fiscales, les mesures financières
proposées par l’
État sont utilisées par un faible nombre de cédants et mobilisent environ 1
M€
par an. Les rencontres
d’information
, de conseil et de mise en relation sont en revanche
appréciées et bien déployées sur le territoire.
Les
sources d’
information précises et objectives
susceptibles d’éclairer les agriculteurs
dans leurs projets
de fin d’activité
sont toutefois rares et peu accessibles. De même,
l’information sur les actions menées, les moyens engagés et les initiatives déployées sur
l’en
semble du territoire pour accompagner les cessions et les transmissions fait défaut.
SYNTHÈSE
13
C
ontrairement aux dispositifs en faveur de l’installation, les outils susceptibles d’agir sur
la transmission relèvent à ce jour de l’État, des chambres d’agriculture et d
e la Caisse centrale
de la mutualité sociale agricole et seront à ce titre peu touchés par le renforcement du rôle des
régions en qualité d’autorité de gestion du FEADER.
Des évolutions apparaissent néanmoins
souhaitables. Le ministère, les régions et Cham
bres d’Agriculture
France envisagent, dans le
cadre de la concertation préalable à la loi d’orientation prévue en 2023,
de partager leurs
propositions pour parvenir à un nouveau schéma d’ensemble
définissant le rôle de chacun.
Des freins à la transmission
et à l’installation,
reflets de problèmes structurels persistants du monde agricole
Certaines causes structurelles inhérentes au monde agricole expliquent et nuancent les
difficultés rencontrées pour transmettre et
pour s’installer
: évolution contrastée du prix des terres
et des exploitations, transparence imparfaite du marché et des termes des transactions compte
tenu de la variété des actifs valorisés, modèle cultural et équipements parfois en inadéquation
avec les besoins exprimés par les repreneurs, concurrence entre agrandissements et installations
reflétant en partie la volonté des cédants dans un cadre régulé par les SAFER et le contrôle des
structures, concurrence entre générations
du fait de modalités de cumul entre l’emploi et la retraite
et des p
ossibilités de travail délégué par l’agriculteur actif éligible aux aides
.
Ces phénomènes devraient être pris en considération par les exploitants en amont et tout au
long de l’activité de l’exploitation afin d’en garantir à tout moment (retraite ou mobil
ité
professionnelle) la meilleure transmissibilité. Ils devraient aussi être mieux pris en considération
par les politiques publiques. Enfin, la volonté des cédants, déterminante sur le choix et les
modalités de cession ou de transmission, devrait être mieux prise en compte et soutenue.
Des instruments à adapter et à étoffer pour accompagner les exploitations
dans leur diversité
Le renouvellement des générations rejoignant celui des pratiques, il apparaît nécessaire
de tirer le meilleur parti des moments-clés que constituent la préparation de la transmission et
les années d’installation pour accompagner
les agriculteurs et accélérer la mutation de
l’agriculture française vers un modèle durable. Cela implique d’adapter concrètement les
instruments de politiq
ue publique à l’ensemble des attendus de la politique d’installation
-
transmission
(renouvellement
des
générations,
production,
durabilité
sociale
et
environnementale, aménagement du territoire), en orientant dans la mesure du possible les
dispositifs de soutien à cet effet. Cela nécessite aussi
de promouvoir une palette d’instruments
juridiques, financiers et comptables, éprouvés ou émergents, susceptibles
d’apporter des
solutions à la variété des formes d’exploitation
- marquée par la coexistence de fermes petites,
moyennes et grandes -
qui constituent l’écosystème agricole national en transformation
.
COUR DES COMPTES
14
Une politique d’intérêt national à conduire
sous la responsabilité
de l’État et des régions
La politique d’installation
-transmission présente un intérêt national mais sa conception et
sa mise en œuvre nécessitent d’être ancrées à l’échelle locale.
Les objectifs, les instruments et
les moyens de la politique d’installation
-transmission sont ainsi appelés à être partagés et
répartis entre l’
État, les régions, l
es chambres d’agriculture et l
es principaux acteurs de cette
politique. Les documents stratégiques (national et régionaux) et les conditions de sa mise en
œuvre opérationnelle au bénéfice des agriculteurs
devraient en conséquence découler d’une
concertation renforcée au sein des instances de gouvernance que sont les comités régionaux de
l’installation transmission et le comité national de l’installation transmission
, éclairés par des
données locales et nationales fiables et homogènes produites par les observatoires régionaux
et
l’observatoire national de l’installation
-transmission. Les bilans annuels régionaux de
l’installation
-transmission prévus par la loi à partir de 2023
s’inscrivent dans cette perspective.
Dans le contexte évolutif qui caractérisera les années à venir, une coopération renforcée
entre les services compétents et la mise en place de guichets uniques apparaissent également
nécessaires pour assurer l
’accessibilité et la cohérence des dispositifs mobilisables par les
agriculteurs concernés. Ces constats conduisent la Cour à formuler quatre recommandations.
Récapitulatif des recommandations
1. Mettre en place un réseau
d’
observatoires régionaux alimentant
l’observatoire national de
l’installation
-transmission (ONIT) selon un protocole commun de recueil des données
(recommandation complétée) (ministère
de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire
,
Chambres d’Agriculture
France, 2024).
2. Conditionner la désignation des structures chargées
du programme d’accompagnement à
l’installation e
t à la transmission, à
l’engagement de nouer des partenariats
représentatifs des
divers modèles agricoles et en contrôler le respect (ministère
de l’agriculture et de la
souveraineté alimentaire, 2024).
3. Réaliser un bilan du fonctionnement des répertoires départ-installation, assurer leur mise en
réseau et constituer une base nationale permettant des extractions régionales (ministère de
l’agriculture et de la souveraineté alimentaire
,
Chambres d’Agriculture France
, 2023).
4. R
enforcer l’accompagnement des
cédants souhaitant transmettre leur exploitation par un
« bouquet transmission
» (diagnostic d’exploitation et
conseil, inscription au répertoire départ
installation, coopération test sur un an, transmission globale du foncier) et prévoir un guichet
uniqu
e d’instruction
(ministère
de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire
, 2023).
Introduction
La Cour des comptes a été saisie le 18 janvier 2022 par le président de la Commission
des finances du Sénat, sur le fondement du deuxième alinéa d
e l’artic
le 58 de la loi organique
du 1
er
aoû
t 2001 relative aux lois de finances, d’une demande d’enquête portant sur l’installation
des agriculteurs. Il a été convenu que cette enquête porterait sur les politiques d’installation des
nouveaux agriculteurs et de transmission des exploitations agricoles.
De plus de 2,5 millions en 1955 et encore 1,6 million en 1970, la population des
exploitants agricoles en France est passée à 764 000 en 2000 et à 496 000 en 2020 selon les
résultats du dernier recensement agricole (RA) de 2020. Corollaire de cette évolution, le nombre
d’exploitations agricoles diminue lui aussi fortement, se situant en France métropolitaine à
389 000 en 2020, soit près de 800
000 de moins qu’en 1980.
Fruit d’une politique qui a longtemps visé à moder
niser le secteur agricole et à augmenter
sa production par la mécanisation et la hausse des rendements, ce mouvement de réduction de
la population active agricole et des exploitations est aujourd’hui questionné.
Les objectifs de la politique d’installati
on et de transmission en agriculture, énumérés au
IV
de l’
article L.1 du code rural et de la pêche maritime (CRPM) font en effet écho aux
différentes finalités
de la politique nationale en faveur de l’agriculture et de l’alimentation
2
. Les
instruments en f
aveur de l’installation et de la transmission
doivent ainsi, au-delà du
renouvellement des générations, contribuer à la diversité des systèmes de production au regard
à la fois des enjeux d’occupation de l’espace rural et d’aménagement des territoires et d
e
transition agro-environnementale. Le renouvellement des générations en agriculture ne saurait
en effet se réduire à son seul aspect démographique mais doit aussi
favoriser l’évolution vers
des modèles et des pratiques d’agriculture durable et résiliente.
Conformément au périmètre défini avec le Sénat, le rapport porte sur les instruments de
la politique d’installation
et de transmission
et n’aborde
donc pas certains autres thèmes
d’intérêt
.
La politique d’enseignement et de formation agricole
- un des enjeux du
renouvellement des générations consistant à élever le niveau de formation des nouveaux
installés et à y intégrer d
es compétences nouvelles liées à l’évolution des métiers agricoles
- n
’a
ainsi pas été examinée
, sauf sous l’angle des formations requ
ises dans le cadre du parcours
d’
installation. De même, l
a question des revenus agricoles, déterminante pour l’attractivité des
métiers et donc du renouvellement des générations,
n’est
pas non plus explorée car elle
supposerait
une évaluation de l’ensemble
de la politique agricole. Enfin, le rapport se concentre
2
La politique en faveur de l’agriculture et de l’alimenta
tion (art. L.1 du code rural et de la pêche maritime) entend
répondre à une vingtaine de finalités dont la souveraineté alimentaire, la garantie de conditions de production
«
économiquement et socialement acceptables pour tous, favorisant l’emploi, la prot
ection de l'environnement et
des paysages et contribuant à l'atténuation et à l'adaptation aux effets du changement climatique
», le soutien au
revenu des agriculteurs, l’amélioration de leur qualité de vie et de celle de leurs salariés, la préservation du
«
caractère familial de l’agriculture
»,
ainsi que de l’autonomie et de la responsabilité individuelle de l’exploitant.
COUR DES COMPTES
18
sur la politique d’installation des agriculteurs et de transmission des exploitations mis
e en
œuvre en France métropolitaine,
les questions ne se posant ni dans les mêmes termes ni à la
même échelle dans les outre-mer.
Le rapport examine
la politique d’installation et de transmission
au regard des enjeux de
renouvellement démographique, de préservation du modèle familial et de transition agro-
environnementale. Cet examen intervient au moment où la définition et la gestion des aides à
l’installation relevant du deuxième pilier de la PAC vont être, dans le cadre de la programmation
2023-2027, intégralement transférées aux régions. Dans le respect du plan stratégique national
(PSN) et des mesures réglementaires communes, ces dernières pourront donc
mettre en œuvre
des politiques différenciées. L
’achèvement de l’enquête
coïncide aussi avec une phase de
concertation précédant l’élaboration en 2023 du pacte et de la loi d’orientation et d’avenir
agricoles annoncés par le Président de la République le 9 septembre 2022, qui seront consacrés
aux enjeux du renouvellement des générations en agriculture.
Le premier chapitre situe
les perspectives démographiques et les dynamiques à l’œuvre
dans l’évolution de la population des exploitants, du nombre et de la structure des exploitations,
et dans la transformation d’un modèle familial certes maintenu mais évolut
if, puis cherche à
apprécier la pertinence et la cohérence des objectifs assignés à la politique d
’installation et de
transmission en agriculture, davantage fonction des moyens alloués
que d’une véritable
appréciation des besoins par filières et par région.
Le deuxième chapitre est
consacré au recensement et au chiffrage de l’ensemble des
dispositifs d’aide à l’installation et au démarrage d’activité, dans le cadre de leur déclinaison
territoriale,
ainsi qu’à
l’évaluation de leur efficacité au regard de l’
adaptation des aides aux
profils des candidats et de
leur réel effet de levier dans le choix d’installation.
Le troisième chapitre évalue l’efficacité des dispositifs
mobilisés pour la transmission,
examine plusieurs obstacles structurels communs à la tra
nsmission et à l’installation et
souligne
la nécessaire adaptation des instruments mis à disposition des agriculteurs
à l’ensemble des
attendus de la politique d’installation
-transmission et à la diversité des projets susceptibles de
contribuer au renouvellement des générations.
Chapitre I
Le renouvellement des générations au double défi
du vieillissement et de l’évolution
des modèles
d’exploitation
La diminution du nombre des exploitants et des exploitations agricoles se double
désormais du vieillissement de la population des agriculteurs. Ce constat a conduit à affirmer
le renouvellement des générations comme un objectif prioritaire de la politique agricole au
niveau européen et national, sans pour autant parvenir à l’inscrire dans un cadre stratégique
défini et ar
ticulé à l’ensemble des enjeux de démographie des exploitants, de diversité et de
transition des systèmes de production, et de développement des territoires.
I -
Les enjeux liés à la diminution et au vieillissement de la
population agricole et à la baisse du n
ombre d’exploitations
Le déclin et le vieillissement de la population active agricole, marquée par des
recompositions récentes avec la progression relative du salariat et de l’externalisation,
s’accompagnent d’une concentration et d’un agrandissement des e
xploitations. Leurs modes
d’organisation et le
ur
s formes juridiques tendent à s’éloigner du modèle familial traditionnel
,
sans pour autant remettre en cause sa prédominance. Ces évolutions ne font cependant pas
l’objet d’études prospectives permettant de cerner l’ampleur des enjeux à venir en termes de
départs d’exploitants, de cessions d’exploitations et de terres libérables.
A -
L
’é
rosion et la recomposition de la population active agricole
1 -
Le déclin numérique et le vieillissement des exploitants agricoles
Le dernier recensement agricole opéré en 2020 dénombrait 496 000 exploitants agricoles
pour 389 000 exploitations. La décrue de cette population a été très forte depuis 1970 : de
1,6 million à cette date, elle est passée à 1,1 million en 1988 et 764 000 en 2000. Le rythme de
décroissance s’est toutefois ralenti depuis
: - 17,8 % entre 2010 et 2020, contre - 20,9 % entre
2000 et 2010.
COUR DES COMPTES
20
Corollaire de la baisse du nombre d’exploitants, le
nombre d’
exploitations continue de
diminuer
: d’un million en 1988, leur no
mbre est passé à 664 000 en 2000 et à 389 000 en 2020. Là
aussi, le rythme de décroissance, supérieur à 3
% par an dans les années 1980 et 1990, s’est infléchi
depuis le début des années 2000, le nombre de fermes reculant en moyenne annuelle de 2,2 %
depuis 2010.
Le graphique n°
1 montre que cette diminution est forte pour les activités d’élevage,
notamment porcins et volailles (- 36 %), ovins/caprins (- 35 %) et bovins, (- 23 % pour les
bovins viande, - 27 % pour les bovins lait et - 40 % pour les élevages mixtes), les exploitations
d’élevages de bovins perdant en 2020 leur premier rang au profit des grandes cultures, dont le
nombre se maintient. La baisse est moins marquée en viticulture et le secteur de l’horticulture
et du maraîchage se développe.
Graphique n° 1 :
évolution du nombre des exploitations selon leurs spécialités
Source : Recensement agricole (RA) 2020 - Agreste données en ligne
Ce déclin numérique s’accompagne d’un vieillissement plus ou moins marqué selon les
spécialités et les régions. La superposition des pyramides des âges de 2010 et de 2020 présentée
ci-
dessous montre l’élévation de l’âge moyen des agriculteurs, qui passe de 50,2 ans en 2010
(il était de 47 ans en 2000) à 51,4 ans en 2020, ainsi que la déformation des pyramides vers le
haut, les tranc
hes d’âge inférieures à 55 ans diminuant, et les tranches supérieures augmentant
(à l’exception des plus de 75 ans). Les exploitants de plus de 55 ans, déjà ou potentiellement en
situation de faire valoir leurs droits à la retraite dans la décennie à venir, représentent 43 % de
la population totale, soit sept
points de plus qu’en 2010. Les exploitants agricoles constituent
ainsi la catégorie socio-professionnelle la plus âgée de celles qui composent la population
active, l’âge moyen des autres actifs frança
is étant de 40,5 ans.
DES INSTRUMENTS D’AIDE À L’INSTALLATION
ET AU DÉMARRAGE,
INSUFFISAMMENT OUVERTS ET MOBILISÉS
21
En moyenne légèrement plus âgées que les hommes, les femmes ne représentent qu’un
peu plus du quart des exploitants, contre 52
% de l’ensemble des personnes en emploi. Leur
part n’a cessé de décliner depuis le début des années 1980, o
ù elles représentaient 41 % des
exploitants (chefs d’exploitations, co
-exploitants et aides familiaux), niveau alors comparable
à celui observé pour l’ensemble de la population active. Cette évolution tient au fait que de
moins en moins de conjointes d’agr
iculteurs sont agricultrices : 60 % des agriculteurs avaient
un conjoint agriculteur en 1982, contre 19 % en 2019.
Graphique n° 2 :
pyramide des âges des exploitants agricoles
Source : RA 2020 - Agreste données en ligne
P
our tenir compte du phénomène d’association de plu
sieurs exploitants sur la même ferme,
une répartition d
es exploitations selon l’âge de l’exploitant le plus ancien
fait apparaître que la
moitié de celles-
ci sont dirigées par au moins un agriculteur de plus de 55 ans. C’est en cultures
fruitières, grandes cultures, bovins viande et viticulture que la proportion des plus de 55 ans est
la plus élevée, et en élevages porcins et volailles et maraîchage/horticulture qu’elle est la plus
basse (voir annexe n° 4
qui présente l’évolution des pyramides des âges par
spécialités).
COUR DES COMPTES
22
Carte n° 1 :
évolution de la part des exploitants de moins de 55 ans
selon les régions entre 2010 et 2020
Source : RA 2010 et 2020, traitement Cour des comptes
2 -
Le développement du salariat et de l’externalisation
La population active agricole comporte, outre les exploitants
chefs d’exploitation et co
-
exploitants
–, la main d’œuvre familiale permanente et les salariés non familiaux, permanents
et occasionnels. Pour évaluer l’ensemble du volume de travail mobilisé sur les exploitations, il
faut y ajoute
r celui réalisé par les prestataires, notamment les coopératives d’utilisation de
matériel agricole (CUMA) et les entreprises de travaux agricoles (ETA).
La main d’œuvre familiale entendue au sens large –
exploitants, co-exploitants et aides
familiaux permanents
représente toujours 67 % du volume total de travail mobilisé par les
exploitations en 2020, mais dans une proportion qui tend à décliner (72 % en 2010). Le nombre
des aides familiaux permanents décroît à un rythme plus rapide encore que celui des exploitants
(- 56 % entre 2010 et 2020), alors que celui des salariés permanents progresse légèrement
depuis lors, passant de 155 000 en 2010 à 170 000 en 2020, soit désormais davantage que les
aides familiaux (91 000). Le ratio des salariés permanents ra
pportés aux exploitants, qui n’avait
cessé de diminuer jusqu’en 1988 où il se situait à 13
%, atteint plus de 25
% aujourd’hui.
Toutefois plus de 70
% des exploitants n’emploient aucun salarié.
Enfin, alors que le recours aux salariés occasionnels a tendance à se contracter (- 4 %
entre 2010 et 2020), le volume de travail apporté par des prestataires augmente. Encore limité
en proportion
3,5 % du volume de travail total en 2020
–, ce recours à l’externalisation est en
forte hausse, en particulier s’agissa
nt des ETA (+ 40 % entre 2010 et 2020).
DES INSTRUMENTS D’AIDE À L’INSTALLATION
ET AU DÉMARRAGE,
INSUFFISAMMENT OUVERTS ET MOBILISÉS
23
Le graphique ci-
dessous montre la répartition du nombre moyen d’
emplois temps plein
(ETP)
selon la nature de main d’œuvre dans les différentes orientations agricoles. En moyenne,
toutes exploitations confondues, la cellule de travail mobilise 1,8 ETP. Le maraîchage, la
viticulture et les fruits emploient le plus de salariés, et la viticulture a le plus recours à
l’externalisation, l’élevage de bovins mobilisant davantage de main d’œuvre familiale et peu
de salariés.
Graphique n° 3 :
n
ombre moyen d’ETP selon la nature de la main d’œuvre
Source : Agreste
RA 2020
B -
Un modèle familial persistant mais un développement
de nouvelles formes d’exploitations
La diminution du nombre d’exploitations s’accompagne d’une concentration et d’une
augmentation de leur taille, qui elles-mêmes entraînent le développement de formes
d’organisations de travail et de structures juridiques nouvelles.
Or, parmi
les finalités assignées à la politique agricole par l’article L.1 du code rural
figure, juste après
l’objectif d’accès à une alimentation saine et en quantité suffisante, de
sauvegarde de la souveraineté alimentaire par le développement de filières de production
compétitives et respectueuses de l’environnement, l’objectif de soutenir le revenu des
agriculteurs et de «
préserver le caractère familial de l’agriculture et l’autonomie et la
responsabilité individuelle de l’exploitant
». La surface agricole utile (SAU) qui conditionne la
capacité de production du pays est préservée depuis les années 2000. Le modèle familial, conçu
comme la conjonction du travail, de la détention ou de la maîtrise du foncier et du capital de
production, certes toujours dominant, apparaît, quant à lui, sujet à évolution et à tensions.
COUR DES COMPTES
24
1 -
L’augmentation de la taille des exploitations
Sur longue période, la diminution du nombre d’exploitations agricoles s’est accompagnée
à la fois d’une diminution de la SAU globale et d’une augmentation de la superficie moyenne
des exploitations, comme le montre le graphique n° 4. Le recul de la SAU, sans être enrayé, se
ralentit depuis le début des années 2000, la surface agricole telle que mesurée par le
recensement agricole se stabilisant à 48,7 % du territoire en 2020. Le mouvement
d’agrandissement de la superficie moyenne des exploitations se pours
uit quant à lui : en 2020,
les exploitations mettent en valeur 69 hectares (ha) en moyenne, contre 55 ha en 2010.
Graphique n° 4 :
évolution comparée de la surface moyenne des exploitations agricoles
(en ha) et de la part de la SAU dans la surface nationale (en %)
Source : Agreste
C’est surtout en élevage de bovins lait et viande que la superficie a
crû, ces exploitations
étant désormais en moyenne les plus vastes, devant celles orientées en grande culture, les
exploitations de fruits et de maraîchage restant les plus petites (inférieures à 20 ha). Cette valeur
moyenne reflète par ailleurs une large distribution
: selon l’enquête structures réalisée
par le
ministère de l’agriculture
en 2016, 42,53 % des exploitations comptaient moins de 20 ha, 41 %
plus de 50 ha, 21,7 % plus de 100 ha et 5 % plus de 200 ha.
Comme le récapitule le graphique ci-dessous, cette élévation de la superficie moyenne
traduit, d’une part, une forte diminution (
- 31 % entre 2010 et 2020) du nombre de micro-
exploitations (moins de 25
000 € par an de
production brute standard
PBS), qui représentent
encore 27 % du total des exploitations mais ne valorisent que 5
% de la SAU. D’autre part, elle
reflète la croissance du nombre des grandes exploitations (plus de 250
000 € de PBS annuelle),
seule catégorie à croître et qui représente désormais 19 % des exploitations et 40 % de la SAU.
DES INSTRUMENTS D’AIDE À L’INSTALLATION
ET AU DÉMARRAGE,
INSUFFISAMMENT OUVERTS ET MOBILISÉS
25
Graphique n° 5 :
é
volution du nombre d’exploitations selon leur taille économique
(exprimée en production brute standard - PBS) entre 2010 et 2020
Note : Les coefficients de production brute standard (PBS) représentent la valeur de
production potentielle par hectare ou par tête d’animal
hors toute aide. Ils permettent
une classification des exploitations agricoles par taille.
Source : Agreste
RA 2020
2 -
Le développement de formes nouvelles
Le modèle familial promu par la politique agricole ne fait pas l’objet d’une définition
explicite, l’article L.1 du code rural se contentant de viser «
le caractère familial de
l’agriculture et l’autonomie et la responsabilité individuelle de l’exploitant
». Il est toutefois
convenu de considérer qu’il repose sur une entité de production où entreprise et famille se
superposent, faisant coïncider travail, propriété des moyens de production (foncier, en pleine
propriété ou en fermage, et capital de production), et pouvoir de gestion et de décision
3
. Ces
caractéristiques restent prédominantes mais leur persistance recouvre des évolutions
importantes qui tendent aujourd’hui à complexifier la transmission des exploitations.
En matière de mobilisation de la main d
’œuvre, là où le modèle traditionnel correspondait
à deux unités de travail familiales
l’exploitant et son épouse –
, le modèle prépondérant
aujourd’hui repose sur un
e combinaison entre travail familial, salarié et prestations externes
(graphique n° 3 ci-
dessus). L’unité de travail reste circonscrite et majoritairement familiale,
mais les chefs d’exploitation travaillent désormais souvent seuls et recourent davantage au
salariat dès lors que les conjoints d’agriculteurs travaillent de moins en moins à la f
erme pour
exercent une activité extérieure. D
’ailleurs
, le revenu disponible moyen des ménages agricoles
4
,
soit 52
400 € en 2018, provient en moyenne seulement pour un tiers de l’activité agricole. L
e
complément est issu
pour l’essentiel de salaires, soit du conjoint, soit de l’agriculteur lui
-même
(un agriculteur sur cinq est bi-actif
5
)
; d’autres revenus no
n agricoles pouvant aussi être perçus
(vente de produits artisanaux, agro-tourisme, etc.
). Le recours à la main d’œuvre non familiale
3
B. Legagneux, V. Olivier-Salvagnac,
«
Les exploitations agricoles françaises aux allures de firme
»,
in
François
Purseigle, Geneviève Nguyen, et Pierre Blanc (dir),
Le nouveau capitalisme agricole. De la ferme à la
firme,
Presses de Sciences Po, 2017
.
4
Pour l’Insee
: ménages qui ont déclaré fiscalement des revenus agricoles non nuls. Le nombre des ménages ainsi
définis fiscalement est cohérent avec le nombre de ménages où au moins un membre est agriculteur au sens du
recensement agricole. Données citées issues du n°
1876 d’octobre 2021 de
Insee Première
.
5
Un agriculteur est dit bi-actif quand il exerce une activité salariée en-dehors d
e l’exploitation.
COUR DES COMPTES
26
s’effectue toutefois selon des proportions et des modalités
variables, témoignant de la
diversification des modèles. Plusieurs typologies peuvent ainsi être proposées, comme celle
présentée dans l’
annexe n° 5.
Cette diversification des statuts de la main d’œuvre agricole autour du noyau familial se
double d’une diversification des formes juridiques facilitant la dissociation
entre travail, assise
foncière (fermage ou pleine propriété) et capital de production rendue nécessaire par la
capitalisation des exploitations, ainsi que la séparation entre propriété et gestion. Une telle
évolution contribue elle aussi à fragmenter le modèle familial traditionnel. Si les exploitations
sous statut individuel (personnes physiques et entreprises individuelles à responsabilité limitée
EURL) restent toujours majoritaires (58,4 % en 2020), leur nombre diminue à un rythme plus
rapide entre 2010 et 2020 (- 33
%) que l’ensemble des exploitations (
- 20 %), alors que celui
des exploitations en forme sociétaire à un ou plusieurs associés augmente (+ 9 %).
Les formes sociétaires les plus répandues sont toutefois celles qui s’inscrivent dans la
logiq
ue de l’exploitation familiale
:
a)
le groupement agricole d’exploitation en commun (GAEC, créé en 1962)
repose sur
des relations égalitaires et l’obligation de travailler
en commun ;
b)
l’entreprise agricole à responsabilité limitée (EARL,
créée en 1985) permet au conjoint
d’accéder au statut de co
-exploitant, même si elle peut être constituée avec un seul associé. Ces
deux statuts représentent plus de 72 % des formes sociétaires et correspondent à une détention
du capital quasi-exclusivement familiale : si la loi n° 2006-
11 du 5 janvier 2006 d’orientation
agricole a rendu possible l’ouverture d’une minorité (moins de
50 %) du capital des EARL à
des non exploitants, cette possibilité n’est que
peu utilisée
6
.
D’autres formes sociétaires civiles à objet ag
ricole
société civile d’exploitation agricole
(SCEA), groupement foncier agricole (GFA)
ainsi que les formes sociétaires de droit commun
(société anonyme ou SA) permettent de dissocier propriété et gestion et d’intégrer des membres
non exploitants de l
a famille (cas de figure le plus courant) ou de l’extérieur. Ces formes
représentent 11 % des exploitations et 21 % des grandes exploitations.
Dans
cet ensemble, de plus en plus d’exploitations recourent à des formes commerciales
de type société anonyme (SA, SAS, SARL) pour mobiliser des sources de financement
extérieures ou articuler plusieurs sociétés notamment dans le cadre de diversification d’activités
et de commercialisation des produits. Ces sociétés représentaient moins de 2 % du total des
exploitations en 2016 mais progressent dans les grandes exploitations.
Il résulte de cette diversification des statuts, des sources de financement et des centres de
décision principalement dans les grandes exploitations, une cohabitation au moins partielle du
modèle familial traditionnel avec ce que certains acteurs professionnels ou chercheurs appellent
le développement de l’entreprise agricole, voire d’exploitations
« aux allures de firme »
7
.
L’
annexe n° 6 détaille les différentes formes juridiques que peuvent revêtir les exploitations
agricoles et présente des typologies proposées pour rendre compte de ce phénomène.
6
L’agriculture familiale en France métropolitaine
: éléments de définition et de quantification
, Centre d’études et
de prospective (CEP), Analyse n° 90, mai 2016.
7
B. Legagneux, V. Olivier-Salvagnac, précité.
DES INSTRUMENTS D’AIDE À L’INSTALLATION
ET AU DÉMARRAGE,
INSUFFISAMMENT OUVERTS ET MOBILISÉS
27
C -
Des projections incertaines
Les phénomènes complexes qui viennent d’être
décrits sont appelés à se poursuivre dans
les années qui viennent compte ten
u des dynamiques démographiques à l’œuvre dans la
population des exploitants agricoles. En l’absence de réel exercice de projection réalisé par les
pouvoirs publics, il est difficile d’évaluer l’ampleur exacte des évolutions à venir.
1 -
Un enjeu démographique préoccupant mais difficile à cerner
Au regard des 43
% d’exploitants agricoles âgés de plus de 55 ans, 200
000 chefs
d’exploitation, dont 120
000 chefs d’exploitations de taille moyenne et grande, atteindront l’âge
d’ouverture des droits à la retraite et
pourraient donc cesser leur activité dans les dix ans à venir.
Depuis 2016, le nombre de départs en retraite de chefs d’exploitation agricole, qui oscille chaque
année entre 22 et 25 000,
devrait selon les projections effectuées par le ministère de l’agric
ulture
8
,
se maintenir à ce niveau jusqu’en 2033, avant de passer en
-dessous de 20 000 à partir de 2034.
L’ouverture des droits à une retraite au titre du régime des exploitants agricoles ne
coïncide toutefois pas toujours avec une sortie du statut d’exploitant et une cessation d’activité
agricole. La poursuite de l’exploitation d’une parcelle dite
« de subsistance » ainsi que le cumul
du bénéfice de la pension et de la poursuite d’une activité assujettie au régime des exploitants
agricoles sont en effet possibles au-delà de 62 ans sous certaines conditions
9
. À
l’inverse
, la
cessation de l’activité agricole peut interven
ir
en cours de carrière lors d’une mutation vers un
autre emploi et ne donner lieu à une liquidation des droits que postérieurement. Ce phénomène
de départs précoces, mesuré à partir des sorties du régime des non-salariés agricoles avant
55
ans, représentait un peu plus du quart de l’ensemble des départs en 2020 et 2021.
Au final
, le nombre annuel moyen de départs de chefs d’exploitation s’es
t élevé à 20 000
sur la période 2015-2021. Le nombre
d’installations de chefs d’exploitation s’est quant à lui
établi durant la même période à 14 000 par an en moyenne. Alors que les prévisions de
nouveaux bénéficiaires de droits à la retraite s’inscrivent
à la hausse, le ministère de
l’agriculture, pour estimer le nombre de départs de chefs d’exploitation dans les années à venir,
s’est pourtant contenté dans ses réponses à la Cour de prolonger les tendances à l’œuvre sur la
période 2015-
2021 et d’y appliqu
er le taux de remplacement moyen observé.
Comme le montre le diagnostic préalable au plan stratégique national (PSN)
10
, construit
en 2021 à partir de cette analyse rétrospective, les enjeux sont différenciés selon les régions et
les secteurs d’activité
: le quart Nord-Est de la France et le pourtour méditerranéen apparaissent
comme les zones les plus attractives, ainsi que les zones de montagne. Concernant les
productions,
le secteur de l’élevage bovin
, en particulier lait et mixte, peine le plus à renouveler
8
Les projections prévoient de 25 à 26
000 départs de chefs d’exploitations jusqu’en 2027, puis de 22 à 24
000
jusqu’en 2033, avant de passer sous 20
000 à partir de 2034. NB
: les flux de départ en retraite de l’ensemble des
exploitants agricoles (chefs d’exploitations, conjoints
collaborateurs et aides familiaux) ont connu un pic en 2008
avec 48 358 départs correspondant à la montée en charge du dispositif carrières longues.
9
Le cumul de la pension avec la poursuite d’une activité non salariée agricole est possible pour des activ
ités
d’entrepreneurs de travaux agricoles ou des productions hors sol. Ce type de cumul a eu plutôt tendance à baisser
ces dernières années : 25 465 retraités non-salariés agricoles de 2015 y ont eu recours en 2016, 15 765 en 2020.
10
Diagnostic du plan stratégique national, figure 5, p 189.
COUR DES COMPTES
28
ses chefs d’exploitation
(le taux de renouvellement
11
y est en moyenne de 2,1 % sur la période
2014-2018 pour une moyenne toutes spécialités confondues de 3,1 %). L
’élevage hors sol et les
cultures spécialisées sont plus attractifs (taux de renouvellement supérieur à 5 %).
2 -
Les incertitudes sur le devenir des exploitations
a)
La poursuite de la baisse du nombre d’exploitations
La proportion d’exploitants non remplacés n’entraînera pas une baisse équivalente du
nombre d’exploitations. D’une part, comme indiqué
ci-dessus, ceux-ci peuvent être co-
exploitants dans des exploitations en forme sociétaire, qui pourront perdurer au-delà de leur
départ même s’ils ne sont pas remplacés. D’autre part, la reprise de certaines exploitations peut
donner lieu à morcellement et donc à création de plusieurs entités, compensant la tendance à la
diminution causée par l’agrandissement. Ces tendances, certes complexes à cerner, ne font pas
l’objet de projections, alors qu’elles conditionnent le devenir des terres agricoles et d’un m
odèle
d’exploitation familial.
La Cour a réalisé une telle projection de l’évolution du nombre des exploitations en
utilisant une méthodologie issue de précédents travaux de recherche conduits en 2018 et dont
les résultats se sont avérés proches de la réalité observée lors du recensement agricole 2020
12
.
Cette projection est présentée en annexe n° 7. Selon le modèle utilisé, les exploitations agricoles
passeraient de 389 779 en 2020 à 292 592 en 2035 et à 272 634 en 2040, soit un taux de
décroissance annuel moyen de 1,89
% d’ici 2035,
plus faible que le taux de 2,3 % observé entre
2010 et 2020, lui-même inférieur au taux de -3 % observé entre 2000 et 2010.
La tendance à
l’agrandissement
se poursuivrait, avec une baisse de 42 % des exploitations de moins de 20 ha
et de 24 % des fermes entre 20 ha et 200 ha, tandis que le nombre de celles de SAU supérieure
à 200 ha augmenterait légèrement. Les projections indiquent aussi une hausse de la part de la
forme sociétaire qui passerait de 42 % à 60 % entre 2020 et 2040.
b)
Le devenir des exploitations et des terres
Au-
delà de l’évolution du nombre des exploitations, il importerait aussi de mieux
connaître les modalités de leur transmission, d’évolution de leur structure et de disparition
éventuelle entraînant la perte de l
’usage agricole des terres.
Une étude déjà ancienne
13
du
service de la statistique et de la prospective (SSP) du ministère de l’agriculture avait montré, à
partir de l’analyse du suivi sur
sept
ans d’un échantillon d’exploitations observées au
recensement 2000, que les terres conservaient leur usage agricole dans 90 % des cas de départ
en retraite du chef d’exploitation
: la transmission se faisait alors soit dans la continuité, avec
reprise intégrale des terres et des activités dans la moitié des cas, soit pour
l’autre moitié par
réunion à une exploitation dans le cadre d’un agrandissement, ou par démantèlement donnant
lieu à la création de plusieurs exploitations. Dans 10 % des cas,
l’exploitation disparaissait.
Une
11
Le taux de renouvellement est le ratio entre le nombre de nouveaux installés dans l’année (n) et le nomb
re total
de chefs d’exploitation actifs en fin d’année précédente (n
-1).
12
Laurent Piet, Legrand Dunold Fils Saint-Cyr, « Projection de la population des exploitations agricoles françaises
à l’horizon 2025
»,
Économie Rurale
, Société Française d'Économie Rurale, 2018, pp.119-133.
13
Agreste,
La transmission des exploitations agricoles
, Les Dossiers, N° 29, septembre 2015.
DES INSTRUMENTS D’AIDE À L’INSTALLATION
ET AU DÉMARRAGE,
INSUFFISAMMENT OUVERTS ET MOBILISÉS
29
telle étude gagnerait à être actualisée sur la base des données du recensement 2010 ou pour
l’avenir, du
recensement 2020.
Lors des recensements 2000, 2010 et 2020, la question a par ailleurs été posée aux
agriculteurs devant atteindre l’âge légal de départ en retraite à taux plein dans les sept
ans (les
plus de 55 ans en 2000 et 2010, et les plus de 60 ans en 2020) de savoir comment ils anticipaient
leur départ en retraite et préparaient la transmission de leur exploitation.
En 2020, parmi les exploitations dirigées par les plus de 60 ans
qui représentaient un
peu plus d’un quart de l’ensemble des exploitations et 19
% de la SAU
,
un peu moins d’un
tiers des exploitants concernés étaient fixés sur les modalités de leur départ et de leur
succession, les deux tiers
n’ayant pas de visibilité sur l’avenir de leur exploitation, soit qu’ils
déclarent ne pas savoir (33
% des cas), soit qu’ils n’envisagent pas de partir en retraite dans
l’immédiat (35
% des cas). Le vieillissement de la structure d’âge
des exploitants, associé au
recul de l’âge de dépar
t à taux plein résultant des réformes des retraites des dernières décennies,
ne paraît pas avoir eu d’effet sur l’anticipation et la préparation de la cessation d’activité et de
la transmission de l’exploitation, car la part d’incertitude paraît stable ent
re 2000, 2010 et 2020.
Cette proportion varie cependant selon la taille des exploitations : particulièrement
marquée dans les petites exploitations, elle se réduit à mesure que la taille augmente, les
exploitants de grandes fermes déclarant avoir identifié les modalités de succession dans 48 %
des cas. Au total, 20
% des exploitants déclarent que leur exploitation fera l’objet d’une reprise
par un membre de leur famille (proportion qui monte à 40 % pour les grandes exploitations), et
6 % par un tiers. Seuls 6 % déclarent envisager une disparition de leur exploitation au profit
d’une ou plusieurs autres exploitations et 1
% la disparition au profit d’un usage non agricole.
L’incertitude sur le devenir des surfaces agricoles concerne 57
% de la SAU susceptible
de faire l’objet d’un changement d’exploitant dans les sept prochaines années. Cet enjeu
surfacique est fort en Nouvelle-Aquitaine, Occitanie, Auvergne-Rhône-Alpes et Grand Est
(cf. carte en annexe n° 8).
L’absence d’identification d’un repreneur ne sa
urait toutefois prédire la disparition de
l’exploitation ni celle de l’usage agricole des terres. D’une part, comme indiqué ci
-dessus, les
incertitudes
sur le devenir des exploitations étaient similaires en 2010 et la SAU s’est maintenue
entre cette date e
t 2020. D’autre part, l’étude du SSP déjà citée, qui procédait également à la
comparaison des déclarations des exploitants en 2000 avec la situation effective des
exploitations sept ans après, faisait ressortir un taux de reprise des exploitations pour lesquelles
aucun successeur n’était encore identifié
,
proche de la moyenne observée sur l’échantillon
général : tandis que 83 % des exploitations
faisaient l’objet d’une reprise,
soit en conservant
leur structure initiale, soit en étant morcelées ou absorbées dans une plus grande exploitation,
17 % étaient laissées vacantes ou disparaissaient. Il est là aussi regrettable
que ce travail n’ait
pas été actualisé sur la base du recensement 2010, ce qui aurait permis de relativiser les
inquiétudes que font naître les perspectives de départ sans succession déclarée.
COUR DES COMPTES
30
II -
De l’aide à l’installation au renouvellement des générations
:
une priorité politique désormais affirmée
Pour répondre aux enjeux qui viennent d’être décrits, même si leur ampleur exacte reste
difficile à
cerner, l’objectif de renouvellement des actifs agricoles a été affirmé,
depuis 2013
dans le cadre de la PAC, et depuis les années soixante-dix au plan national. Au-delà du seul
aspect démographique de l’aide à l’installation des nouveaux agriculteurs, le
s préoccupations
de renouvellement des générations ont progressivement intégré les enjeux d’aménagement et
de développement des territoires, de diversité des systèmes de production et de transition agro-
environnementale.
Les développements qui suivent visent à rappeler les principales étapes ayant conduit,
aussi bien au niveau européen
14
que national, à l’affirmation de cet objectif et à la constitution
des différentes catégories d’instruments utilisés. Leur examen est renvoyé au deuxième chapitre
pour ceux
relatifs à l’installation et au démarrage d’activité, et au troisième chapitre pour ceux
relatifs à la transmission et à la régulation du foncier.
A -
Un objectif de la politique agricole commune
1 -
Une prise en compte récente
L
’emploi agricole
ne figurait pas dans les objectifs initiaux de la PAC
15
. La logique
originelle de cette politique visait à la diminution de la population active agricole pour
augmenter la productivité de l’agriculture par l’agrandissement et la mécanisation des
exploitations. L
’enjeu
était alors, pour les économies européennes,
d’intégrer cette main
d’œuvre dans les autres secteurs d’activité
16
.
La prise de conscience de la nécessité de préserver et de
soutenir l’emploi rural au sens
large et donc d’infléchir les dispositifs de la PAC, se fa
it jour dans les années 1990. La réforme
de l’Agenda 2000
(Conseil européen de Berlin de 1999) traduit ces nouvelles priorités avec la
mise en place, à côté du premier pilier historique correspondant au versement d’aides directes
aux agriculteurs par le Fo
nds européen agricole de garantie (FEAGA), d’un second pilier
destiné à soutenir le développement rural par des aides co-financées par un nouvel instrument,
14
L’
annexe n° 13 sur les mesures de la PAC en faveur du renouvellement des générations et leur application dans
les pays comparables avec
la France présente l’évolution des orientations et des dispositifs européens.
15
Le traité de Rome fixait à la PAC cinq objectifs (repris
à l’
art. 39
du traité sur le fonctionnement de l’Union
européenne, TFUE
) : accroître la productivité de l’agriculture
en développant le progrès technique ; assurer un
niveau de vie équitable à la population agricole, stabiliser les marchés, garantir la sécurité des approvisionnements,
et assurer des prix raisonnables aux consommateurs.
16
Très débattu lors de son élaborati
on en 1968, le plan du commissaire à l’agriculture Mansholt visait la
conjonction du progrès technique et de la réduction du nombre d’agriculteurs, pour permettre à la population
agricole d’atteindre la parité de niveau de vie avec les autres secteurs et f
ixait une feuille de route devant conduire
au départ de 5
millions d’agriculteurs dans la CEE alors à six États. En France, la main d’œuvre agricole
(exploitants et salariés) passe de 3 millions en 1966 à 1,4
million en 1987, et en Allemagne de l’Ouest de
2,3 millions à 0,8 million.
DES INSTRUMENTS D’AIDE À L’INSTALLATION
ET AU DÉMARRAGE,
INSUFFISAMMENT OUVERTS ET MOBILISÉS
31
le Fonds européen agricole de développement rural (FEADER), et les États membres. Dès sa
création, ce fonds a couvert
les aides au démarrage et à l’activité des jeunes agriculteurs.
C’est à l’occasion du
« bilan de santé de la PAC »
en 2008 que l’objectif de
« consolider
l’économie agricole et l’emploi sur l’ensemble du territoire
»
est explicitement assigné à la
PAC, mais encore exprimé en termes génériques. L’objectif spécifique de renouvellement des
générations d’agriculteurs
a été affirmé à partir de la réforme de 2013 et de la programmation
2014-2022 : le règlement (UE) n° 1305/2013 du Parlement européen et du Conseil relatif au
soutien au développement rural par le FEADER retient ainsi, parmi les six priorités fixées à
l’article 5
,
l’objectif 2 b) visant à
«
faciliter l’entrée d’exploitants agricoles suffisamment
qualifiés dans le secteur de l’agric
ulture et en particulier le renouvellement des générations ».
2 -
Une priorité 2014-2022 encore renforcée dans la future programmation
La réforme de la PAC de 2013 a introduit de nouvelles mesures en faveur du
renouvellement des générations dans le premier pilier, en instaurant un paiement additionnel
pendant cinq ans aux jeunes agriculteurs (moins de 40 ans) versé en complément des droits à
paiement de base (DPB), sous un plafond de 90 ha et pour un montant maximum de 2 % des
crédits du FEAGA perçus par l’État
membre. Le budget de la PAC consacré au soutien aux
jeunes agriculteurs a doublé dans la programmation 2014-
2022, passant de 3,2 à 6,4 Md€. Par
ailleurs, l’accès aux
droits à paiement de base (DPB) est facilité pour les jeunes agriculteurs
ainsi que pour
tous les nouveaux installés (sans condition d’âge) par l’octroi de DPB à toute la
surface admissible du bénéficiaire si elle n’en était pas déjà dotée, tous les DPB détenus par le
bénéficiaire étant au besoin relevés au niveau de la moyenne.
Par ailleurs,
la convergence des montants unitaires des DPB et l’introduction du paiement
redistributif ou de la dégressivité des paiements de base peuvent être considérées comme
favorables aux petites et moyennes exploitations et contribuant à freiner les dynamiques
d’
agrandissement que les aides aux surfaces ou à la production ont tendance à encourager
17
.
Quant au deuxième pilier, les mesures déjà existantes ont été renforcées, en matière d’aide
au démarrage et de soutien aux investissements. Ces mesures sont déclinées dans des
programmes de développement ruraux (PDR) à l’échelle des régions, qui, en France deviennent
autorités de gestion
18
. En matière d’aide à l’installation, comme il sera vu ci
-après, des règles
nationales encadrent toutefois de façon assez précise les mesures inscrites dans les PDR,
conformément au décret n° 2015-
445 du 16 avril 2015 relatif à la mise en œuvre des PDR pour
la période 2014-2020. Ce cadre est appelé à évoluer.
17
Le paiement redistributif représente pour la France 10
% de l’enveloppe totale FEAGA 2014
-
2022. L’analyse
de l’effet de la PAC sur l’emploi agricole et la concentration des exploitations par la substitution capital
-travail et
la recherche d’économies d’échelle dépasse le cadre de ce rapport. On en trouve une présentation dans C.
Détang-
Dessendre, J.N. Depeyrot, L. Piet, « PAC et emploi agricole, un regard européen »,
Notes et Etudes socio-
économiques n° 50
, Centre d’Études et d
e prospective, décembre 2021, pp. 5-32, et dans
Actif’Agri,
chapitre 11.
18
L'article 78 de la loi n° 2014-58 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles
« MAPTAM », du 27 janvier 2014, modifiée par l'ordonnance n° 2022-68 du 26 janvier 2022 confie aux régions,
à leur demande, la possibilité d'être autorité de gestion
d’une liste d’aides
Feader à compter du 1
er
janvier 2023.
COUR DES COMPTES
32
La programmation 2023-
2027 a quant à elle, à la suite de rapports et d’avis éma
nant à la
fois de la Cour des comptes européenne, du Conseil économique et social européen et de la
Commission européenne
19
, retenu comme
l’une des
neuf priorités qui doivent structurer les
plans stratégiques nationaux des États membres
«
l’objectif spécifi
que G : Attirer et soutenir
les jeunes agriculteurs et les autres nouveaux agriculteurs et faciliter le développement durable
des entreprises dans les zones rurales »
. Cette priorité se traduit par l’obligation pour chaque
État membre de consacrer au moins
3 % de l’ensemble de ses crédits nationaux des deux piliers
au soutien des jeunes agriculteurs.
B -
Un affichage ambitieux en France
1 -
Une politique déjà ancienne
Alors que les politiques communautaires sont ciblées sur des aides monétaires, la loi
n° 60-808
du 5 août 1960 d’orientation agricole et la loi n
° 62-933 du 8 août 1962 ont
d’abord
mis en place une politique de régulation du foncier agricole pour encadrer l’évolution
des prix et promouvoir le modèle de l’exploitation familiale de taille moyenne.
L’encadrement des prix du foncier agricole dans notre pays tient d’une part au statut du
fermage, qui limite les loyers et permet d’avoir accès à la terre sans supporter le coût
d’acquisition
20
. La part des terres en fermage en France est ainsi élevée, même si la location
auprès de tiers a tendance à régresser (51 % de la SAU en 2020 contre 60 % en 2016), les
exploitations en formes sociétaires louant de plus en plus à leurs associés (27 % de la SAU
contre 19 % en 2016).
Il tient d’autre part au rôle des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural
(SAFER), créées afin de lutter contre la spéculation foncière, de
permettre l’agrandissement
des petites exploitations, de faciliter les remembrements et de
favoriser l’installation de
nouveaux agriculteurs.
L’établissement de cahiers des charges, l
es
achats amiables, l’éventuel
usage de leur droit de préemption et
l’action judiciaire en diminution de prix,
leur permettent
de sélectionner des repreneurs et, le cas échéant,
d’
orienter les pratiques agricoles comme le
prévoit l’article R.
142-1 du code rural et de la pêche maritime (CRPM).
Parallèlement, un dispositif de contrôle des structures a été mis en place à partir de 1962
encadrant par des seuils minimaux et maximaux
la superficie ouvrant droit à l’aut
orisation
d’exploiter, à la fois afin de consolider les exploitations autour d’une taille moyenne suffisante,
de limiter leur agrandissement excessif, et de favoriser l’installation plutôt que
l’agrandissement (voir
aAnnexe n° 9 :
l’évolution du contrôle des structures).
19
Cour des comptes européenne, «
Le soutien de l’UE en faveur des jeunes agriculteurs devrait être mieux ciblé
pour favoriser un renouvellement efficace des générations
», 2017 ; Conseil économique et social européen,
«
Évaluation de l’impact de la PAC sur le renouvellement des générations
»
, Rapport d’information, 2019
;
Commission européenne, «
Évaluation de l’incidence de la PAC sur le renouvellement des générations, le
développement local et l’emploi dans les zo
nes rurales
», Document de travail SWD(2021) 79 final, 2021.
20
La pratique illégale des « pas-de-porte
» consistant à payer l’accès au bail agricole tempère toutefois cet avantage
dans les régions du bassin parisien, du Nord et de l’Est de la France. La c
réation du bail cessible et du fonds
agricole en 2006 n’a pas permis de légaliser ni de réguler ces pratiques.
DES INSTRUMENTS D’AIDE À L’INSTALLATION
ET AU DÉMARRAGE,
INSUFFISAMMENT OUVERTS ET MOBILISÉS
33
En 1973, la volonté de promouvoir l’émergence d’une nouvelle génération d’agriculteurs
dans le contexte de la diminution souhaitée de la population active agricole, et les premières
craintes de déprise agricole dans certaines régions, notamment montagneuses, conduisirent les
pouvoirs publics à instaurer une aide destinée à faciliter leur installation, en plus des
bonifications d’emprunts déjà accordées aux jeunes agriculteurs depuis 1965. Dénommée
dotation « jeune agriculteur » (DJA), cette aide fut généralisée en 1976. Des dispositifs fiscaux
et sociaux vinrent compléter l’aide au démarrage de l’activité agricole
: abattement fiscal
pendant cinq ans (1993)
21
, dégrèvement de la taxe sur le foncier non bâti (1992)
22
, exonération
de charges sociales pendant cinq ans (2000) et défiscalisation de la DJA en 2006.
Les exigences en matière de capacité professionnelle pour bénéficier de la DJA sont
relevées en 1992 et portées au niveau IV
23
, les candidats devant également avoir réalisé un stage
de six mois hors de l’exploitation familiale dont les modalités sont précisées dans la Charte de
l’installation signée entre l’État et les organisations professionnelles en 1995. Pour
accompagner la tendance alors récente à l’installati
on de candidats hors cadre familial
24
et non
issus du milieu agricole, des programmes pour l’installation et le développement des initiatives
locales (PIDIL) sont mis en place dans chaque département afin de regrouper l’ensemble des
aides à l’installation, nationales ou régionales autres que celles faisant l’objet d’un
co-financement du FEADER (DJA et prêts bonifiés).
Un parcours d’accompagnement se structure à partir de 1995 et est réformé en 2008
autour des comités départementaux de l’installation (CDI) et
des points info installations. Le
plan de professionnalisation personnalisé (PPP) est créé et devient une condition de capacité
professionnelle, en plus du diplôme de niveau IV, le stage de six mois étant supprimé.
2 -
Une priorité réaffirmée par la loi d’avenir pour l’agriculture du 13 octobre 2014
Préparées par les assises de l’installation tenues de novembre 2012 à 2013, la loi d’avenir
pour l’agriculture du 13 octobre 2014 et ses dispositions d’application ont rénové la politique
de soutien à l’installati
on et à la transmission en agriculture.
Sur le plan politique, la loi a introduit un livre préliminaire (art. L. 1 à L. 3) au code rural,
énumérant en son article L. 1 les finalités de «
la politique en faveur de l'agriculture et de
l'alimentation, dans ses dimensions internationale, européenne, nationale et territoriale
», et
dont le IV définit la
politique d’installation et de transmission en agriculture
.
Cette définition large et ambitieuse dépasse les seules dimensions démographiques pour
inclure les
enjeux d’aménagement et de développement des territoires, de diversification des
21
Dispositif mis en place par l’article 87 de la loi n°
92-1376 du 30 décembre 1992 de finances pour 1993,
applicable aux exploitants établis à partir du 1
er
janvier 1993. Auparavant, les jeunes agriculteurs étaient éligibles
à une réduction d’impôt prévue en faveur des entreprises industrielles nouvelles.
22
Dispositif mis en place par l’article 109 de la loi n°
91-1322 du 30 décembre 1991 de finances pour 1992,
applicable aux jeunes agriculteurs installés à compter du 1
er
janvier 1992.
23
Article D. 344-4 CRPM, décret n° 2008-
1336 du 17 décembre 2008 relatif aux aides à l’installation des jeunes
agriculteurs. Si l’exercice de la profession agricole n’est encadré par aucune condition d’aptitude professionnelle,
l’octroi des aides à l’installation suppose un diplôme ou une certification professionnelle équivalents au niveau
IV, ce qui va dans le sens d’une professionnalisation des exploitants agricoles
.
24
i
.
e
. installation de personnes issues du monde agricole dans une exploitation autre que celle des parents.
COUR DES COMPTES
34
systèmes de production et en particulier de soutien aux projets générateurs de valeur ajoutée et
d'emploi, ainsi que d’incitation à mettre en place des pratiques performantes et respectueuses
de l'environnement.
La gouvernance est réorganisée au niveau national et régional selon des modalités qui seront
examinées ci-après ; les PIDIL et le parco
urs d’accompagnement existant sont remplacés par un
nouveau dispositif ouvert à tous les porteurs de projet dénommé programme d’accompagnement
de l’installation et de la transmission en agriculture (AITA). La loi du 13
octobre 2014 a également
confié au pr
éfet de région la délivrance des autorisations d’exploiter et adossé le contrôle des
structures à un schéma directeur régional des exploitations agricoles (SDREA).
III -
Un pilotage reposant principalement
sur des objectifs de moyens
Alors que l’objectif de ren
ouvellement des générations est affirmé comme prioritaire et
qu’il revêt une dimension transversale nécessitant l’articulation des enjeux agricoles, socio
-
économiques et environnementaux, le cadre de gouvernance actuel ne permet pas de disposer
d’une visio
n stratégique et les cibles retenues pour la future programmation paraissent
davantage fonction des moyens que d’une analyse des besoins selon les filières et les territoires.
A -
Une gouvernance large et partenariale mais peu stratégique
1 -
Le schéma prévalant pour la programmation 2015-2022
La gouvernance instaurée par la loi du 13 octobre 2014 s'articule autour de deux nouvelles
instances, dont les principales missions ont été fixées par le décret déjà cité du 16 avril 2015
relatif à la mise en œuvre des programmes de développement rural (PDR) pour la période 2014
-
2020 : un comité national de l'installation et de la transmission (CNIT) et des comités régionaux
de l'installation et de la transmission (CRIT).
a)
Le comité national de l'installation et de la transmission
Selon
l’instruction technique de la direction générale de la performance économique et
environnementale des entreprises (DGPE) du 2 mars 2017, le CNIT est chargé
« de définir, de
suivre, d'animer et d'évaluer la stratégie nationale pour l'installation et la transmission (…),
d'assurer la cohérence des principes de modulation, de qualification professionnelle et de
viabilité du plan d'entreprise du candidat à l'installation
[ainsi que]
le suivi de la bonne
complémentarité des aides entre les différents financeurs
(…) qu'il s'agisse des dispositifs
d'aide s'inscrivant dans le cadre de la prog
rammation FEADER ou non (…), de mobiliser tous
les acteurs impliqués dans la mise en œuvre de la politique d'installation
-transmission. Enfin,
il favorise les échanges d'expérience entre les régions pour capitaliser et diffuser les bonnes
pratiques et assurer la cohérence entre les dispositifs. Il permet également de faire un point sur
la mise en œuvre de la politique d'installation et de la transmission dans chaque région
».
DES INSTRUMENTS D’AIDE À L’INSTALLATION
ET AU DÉMARRAGE,
INSUFFISAMMENT OUVERTS ET MOBILISÉS
35
L’examen des ordres du jour et des documents associés montre que les travaux du CN
IT,
qui compte une vingtaine d’acteurs
25
et se réunit une fois par an, portent surtout sur le suivi des
installations aidées par la DJA et accompagnées dans le cadre du programme AITA. Le comité
ne dispose en effet de vision de synthèse ni sur les aides à l
’installation hors DJA ou hors
programme AITA que les collectivités territoriales peuvent mettre en place, ni même sur les
dispositifs autres que la DJA relevant de la PAC (bonifications des aides à l’investissement
pour les jeunes agriculteurs et paiement jeunes agriculteurs du premier pilier) ou de
l’État (
aides
fiscales et sociales attachées au statut de jeune agriculteur ou de nouvel installé). Les
installations non aidées ne font quant à elles l’objet d’aucun suivi par le CNIT.
Par ailleurs, sur le périmètre restreint des instruments dont il est saisi, son rôle se limite à
un simple suivi de mise en œuvre, sans analyse approfondie, ni proposition d’inflexion. Le
CNIT, dont la dernière réunion remonte à mars 2021, n’a pas non plus contribué à la réflexi
on
préparatoire à l’élaboration des dispositifs d’aide à l’installation de la PAC 2023
-2027.
b)
Les comités régionaux de l'installation et de la transmission
Le CRIT, co-présidé par le préfet de région et le président du conseil régional, regroupe
les mêmes participants au niveau régional et a pour mission de conduire la stratégie régionale
en matière d’attribution des aides (définition des modulations régionales de la DJA et
articulation de l’ensemble des aides dans le respect des plafonds européens) ainsi qu’en matière
d’accompagnement à l’installation
-
transmission (labellisation des structures d’accueil, de
formation et d’accompagnement, dont il doit coordonner l’activité) et de suivi et d’évaluation.
L’examen des ordres du jour et de la documentation associée montre que l’information
partagée dans l
es CRIT est plus transversale qu’au niveau national
: les dispositifs régionaux
complémentaires à la DJA et à l’AITA sont en général présentés et suivis mais les aides à
l’investissement et les paiements compléme
ntaires du premier pilier restent ignorés. Pour
autant, réunis une fois par an
26
, ils ne sont pas plus que le CNIT un lieu de synthèse et
d’articulation stratégique de l’ensemble des dimensions concourant à la politique d’installation
et de transmission
27
. E
n l’état actuel de la réglementation, la définition des dispositifs et des
moyens affectés à cette politique est prédéterminée par des décisions prises hors du CRIT. Les
instruments qui relèvent d’un co
-financement européen sont définis par le programme de
développement rural régional (PDRR) qui détermine le socle minimal et les modulations
obligatoires, ainsi que la nature et l’ampleur des éventuelles modulations régionales. Quant aux
aides émanant principalement de la région, elles relèvent de ses instances délibérantes. Il est
ainsi difficile de disposer d’une vision consolidée et
a fortiori
articulée de l’ensemble des aides
concourant au renouvellement des générations à l’échelle du territoire régional.
25
Outre des représentants des services et des opérateurs de l’État et de Régions de France, siègent au CNIT des
représentants des organisations
professionnelles, des chambres d’agriculture, de la mutualité sociale agricole
(MSA), des principaux organismes nationaux à vocation agricole et rurale (ONVR), des acteurs du conseil et des
banques, ainsi que de la Fédération nationale des SAFER.
26
Deux régions ne les ont plus réunis depuis 2019, au motif de la crise sanitaire puis du renouvellement de la PAC.
27
L’essentiel du travail de concertation et de préparation des actions menées à l’échelle locale
relève des comités
ou commissions régionaux installation-
transmission que les chambres d’agriculture peuvent créer sur le fondement
de l’article D. 511
-3 du CRPM : ces comités constituent des espaces de concertation, de réflexion et de décision
intéressants du fait de leur fréquence. Entre 2016 et 2021 en Nouvelle-
Aquitaine, la commission régionale s’est
par exemple réunie deux fois par an. Le comité a tenu trois réunions.
COUR DES COMPTES
36
Le CRIT ne permet donc qu’un partage partiel d’info
rmations. Tous les documents de
planification régionaux concernant
l’installation
-
transmission ne lui sont d’ailleurs pas
systématiquement présentés : le schéma directeur régional des exploitations agricoles (SDREA)
fondant le contrôle des structures et le
s programmes pluriannuels d’activité (PPAS) des SAFER
ne sont qu’exceptionnellement soumis au CRIT. Par ailleurs, même si cet instrument est
antérieur au CRIT et inégalement mis en œuvre selon les régions, aucune articulation ne semble
prévue avec le plan
régional de l’agriculture durable (PRAD), les éventuels projets alimentaires
territoriaux (PAT) et la politique d’installation
-transmission, alors que les objectifs de celle-ci
ont été élargis aux dimensions de diversification des systèmes de production, de durabilité et
de préservation de l’environnement.
Enfin, les observatoires régionaux de l’installation
-transmission (ORIT), sur les travaux
desquels les CRIT devraient pouvoir
s’appuyer pour assurer le suivi et l’évaluation
-bilan de la
politique d’insta
llation,
n’existent que dans six régions. Au niveau national, l’observatoire
national (ONIT) n’a pas non plus été mis en place, alors que sa création, à la différence des
observatoires régionaux, découle de la loi du 13 octobre 2014 (article L.513-1 du code rural)
confiant cet observatoire à l’assemblée permanente des chambres d’agriculture (
devenue
Chambres d’Agriculture
France) au titre de sa mission de service public. Butant sur des difficultés
d’articulation des bases de données, la mise en place de l’O
NIT a été repoussée à la déclinaison
de la prochaine PAC, ce que la Cour a déjà regretté dans son rapport public annuel de 2021
28
.
2 -
Le transfert aux régions de la gestion des aides non surfaciques du FEADER
au titre de la programmation 2023-2027
Dans le cadr
e de la mise en œuvre de la
prochaine PAC, un accord est intervenu entre
l’État et les régions visant le «
décroisement » de leurs compétences de gestion du FEADER.
L
’ordonnance n°
2022-68 du 26 janvier 2022 relative à la gestion du FEADER a modifié le
par
tage des compétences entre l’État, qui redevient autorité de gestion nationale pour les aides
surfaciques (indemnités de compensation des handicaps naturels - ICHN -, et certaines mesures
agro-environnementales et climatiques, MAEC), et les régions, dont la
compétence d’autorité
de gestion de ces aides est renforcée. Dans des domaines où des règles nationales encadraient
la déclinaison régionale des aides à l’installation dans la programmation 2014
-2022, les régions
seront compétentes à compter de 2023 pour
définir les critères d’éligibilité et de sélection des
candidats ainsi que la nature et le montant des aides. Ces critères devront être fixés dans le
respect des règles du plan stratégique national (PSN) et de son cadrage budgétaire qui impose
de consacre
r à la politique de renouvellement des générations, c’est
-à-dire aux jeunes
agriculteurs, un minimum de 3 % des crédits affectés aux deux piliers.
28
Comme le notait la Cour des comptes, dans le tome 2 du rapport public annuel de 2021, «
[…] alors que
l’installation et la transmission constituent la première action de l’axe 1 du projet de COP, l’observatoire de
l’installation n’a toujours pas été mis en place par l’APCA, six ans après la promulgation de la loi d’avenir pour
l’agriculture, l’alimentation et la forêt qui prévoyait son institution. En dépit des travaux engagés avec l’APCA
pour y parvenir, le ministère de l’agriculture et de l’alimentation y a suspendu, en 2019, sa participation au motif
q
ue la répartition des rôles entre l’État et les régions dans la politique d’installation doit faire l’objet d’une
concertation en 2020 et 2021, parallèlement à la préparation du plan stratégique de la prochaine PAC. Bien que
cet observatoire soit indispensable dans le contexte de forte accélération des départs en retraite des agriculteurs,
aucune assurance n’a pu être donnée par le ministère quant à sa date de création
».
DES INSTRUMENTS D’AIDE À L’INSTALLATION
ET AU DÉMARRAGE,
INSUFFISAMMENT OUVERTS ET MOBILISÉS
37
À ce stade,
les CRIT n’ont pas été mobilisés pour contribuer à la définition des futures
orientations régionales. Celles-ci ont été élaborées dans le cadre de concertations
ad hoc
conduites par les régions avec les différentes parties prenantes pour préparer le volet régional
du PSN, conjointement à la concertation nationale et au débat organisé par la commission
nationale du débat public.
Parallèlement,
les
modalités
de
définition
et
de
gestion
du
programme
d’accompagnement à l’installation et à la transmission en agriculture
n’ont pas été modifiées et
continuent d’incomber à l’État, principal financeur. Même si l’association Régions de
France
en a demandé la « décentralisation »
en cohérence avec l’évolution des aides à l’installation
,
cette ligne ne recueille pas l’accord de l’ensemble des parties prenantes et en particulier des
organisations professionnelles. L
e ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire,
renvoie pour sa part
à l’issue de la concertation engagée
pour préparer le pacte et la loi
d’orientation et d’avenir agricoles
prévus pour 2023.
Enfin, au-delà de
l’
adhésion marquée au CRIT par toutes les parties prenantes, le cadre
de gouvernance régional de
la politique d’installation
-transmission (art. D. 342-20 du CRPM)
est aussi appelé à évoluer.
B -
Une programmation en fonction de moyens certes croissants,
mais une cible en retrait pour la PAC 2023-2027
1 -
La période 2014-2022
Les objectifs assignés à la politique d’installation
-transmission pour la période 2014-2020
figurent dans le projet annuel de performance du programme budgétaire 149 «
Compétitivité et
durabilité de l’agriculture, de l’
agro-
alimentaire, de la pêche, de la forêt et de l’aquaculture
»
porté par la DGPE. Ils sont rattachés à l’objectif n
° 2 de ce programme
investir dans les
territoires ruraux et les filières d’avenir. La cible associée vise le nombre des installations
aid
ées, suivies à partir d’un indicateur quantitatif –
poids de l’installation aidée par rapport au
nombre total d’installations –
et un indicateur qualitatif
écart entre le taux de maintien à cinq
ans des installations aidées et celui des installations non aidées.
Ces indicateurs se concentrent ainsi sur le nombre d’aides attribuées, alors que celui
-ci
n’est qu’un objectif intermédiaire et instrumental par rapport à l’objectif ultime, c’est
-à-dire le
nombre total d’installations, qui devrait être rapporté a
u nombre des départs, et que le
paragraphe de justification de la cible mentionne d’ailleurs l’existence
«
d’un objectif annuel
de 6 000 installations aidées par an »
qui n’évolue pas sur la période.
Le caractère instrumental et forfaitaire de la cible retenue est surprenant. Sa construction
repose sur la reconduction légèrement majorée des tendances passées, sans déclinaison selon
les filières et les territoires en fonction d’une analyse des besoins et des tendances d’évolution.
Au niveau régional, la déf
inition des objectifs d’installation dans les PDR n’est ciblée sur des
territoires et des filières qu’à travers la déclinaison des modulations obligatoires et, parfois,
COUR DES COMPTES
38
l’instauration de modulations régionales, mais sur la base de simples constats démograp
hiques
et sans fixation d’objectif chiffré
29
.
2 -
La période 2023-2027 : des moyens croissants mais une cible en baisse
a)
Une construction essentiellement budgétaire
La construction des objectifs associés à la programmation de la PAC pour la période
2023-2027 a p
rocédé elle aussi d’une logique budgétaire plutôt que d’une appréciation des
besoins. Comme l’indique le ministère dans sa réponse à la Cour,
« pour la future
programmation 2023-
2027, la concertation entre l’État et les régions qui a permis de répartir
les
fonds européens disponibles pour financer l’ensemble des interventions du PSN s’est basée
sur des données historiques.
La volonté commune de l’État et des régions de donner la priorité
au renouvellement des générations a conduit à allouer un montant supplémentaire de FEADER
(33
M€) aux régions par rapport au montant issu des données historiques.
»
S’agissant de l’évaluation des besoins et de la fixation des objectifs au niveau régional,
dans les régions pour lesquelles la Cour a pu consulter les documents préparatoires à
l’élaboration des volets régionaux de la politique de développement rural, les diagnostics restent
généraux et peu prospectifs. Seule une région a fait valoir une approche fondée sur l’examen,
en CRIT, d’une projection sur dix ans de la d
émographie agricole. Cette approche intéressante
n’est toutefois pas traduite opérationnellement en objectifs chiffrés.
Enfin, au plan qualitatif, le PSN identifie un besoin (G4) correspondant à la nécessité, à
l’échelle nationale, de
« réfléchir davantage les installations en lien avec les projets de
territoire, notamment dans le cadre des projets alimentaires territoriaux ou du développement
de filières territorialisées. Il consiste également à
soutenir toutes les voies d’animation et
d’accompagnement de
terrain à
l’installation et
à inté
grer l’agro
-écologie dans les projets
d’installation pour une prise en compte des potentialit
és agronomiques de chaque territoire,
cré
ant de la valeur et la maintenant sur les territoires, et favorisant l’emploi pour encor
e mieux
répondre aux attentes sociétales à
l’
échelle des bassins de vie ».
b)
Des cibles ajustées à la baisse
Les indicateurs associés à la programmation 2023-
2027 feront désormais l’objet d’un
suivi dans le cadre du PSN, et non plus du programme 149
30
. Ils comprennent un indicateur
d’impact
global (évolution du nombre de nouveaux chefs d’exploitation agricole et du nombre
de nouveaux jeunes chefs), non assorti d’objectif chiffré, et deux indicateurs ciblés sur
l’attribution des aides. Pour suivre l’accompagne
ment des premières installations, le PSN
retient comme indicateur le nombre de jeunes agriculteurs qui bénéficient d’une aide à
29
Cf. annexe n°
14 sur les mesures mises en œuvre dans les régions, qui présente les d
ifférentes modulations
obligatoires et facultatives déclinées dans chaque région.
30
L’article 124 du règlement (UE) n°
2021/2115 du Parlement et du Conseil européen du 2 décembre 2021 dispose
que chaque État membre doit mettre en place un comité national de
suivi de la mise en œuvre du plan stratégique
national, qui se réunit au moins une fois par an pour examiner
les progrès réalisés en vue d’atteindre les valeurs
cibles du plan stratégique relevant de la PAC. Son annexe I énumère les différents indicateurs.
DES INSTRUMENTS D’AIDE À L’INSTALLATION
ET AU DÉMARRAGE,
INSUFFISAMMENT OUVERTS ET MOBILISÉS
39
l’installation au titre de la PAC, indiquant que
«
l’objectif, à la fin de la programmation, est
d’atteindre
27 235 jeunes installés grâce à la PAC »
en cumulant paiement complémentaire et
DJA, et de 26 498 pour la seule DJA, soit une moyenne respective de 5 447 et
5 300 installations aidées par an. Le niveau est certes supérieur aux 4 637 installations aidées
observées en moyenne par an durant la période 2015-2021, mais en retrait par rapport à
l’objectif budgétaire de 6
000 installations figurant au programme 149
31
. Cet objectif plus
prudent qu’auparavant peut
s’expliquer par le risque de sanctions financières découlant
désormais de la non-
atteinte de l’objectif du PSN dans le cadre de la PAC.
Par ailleurs, la création d’emplois ruraux sera suivie à travers un indicateur mesurant le
nombre de nouveaux emplois aidés dans des projets bénéficiant d’une aide de la PAC,
comprenant le paiement complémentaire « jeune agriculteur », les aides à la création
d’entreprises en milieu rural, et les aides au nouvel installé en agriculture autres que la DJA.
31
Lors de son déplacement au salon de l’agriculture le 26 février 2022, le Président de la République a évoqué un
besoin de 20 000 installations par an, ce qui, à rythme de départs inchangé, correspondrait à peu près à un
remplacement au taux de un pour un.
COUR DES COMPTES
40
___________________CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS __________________
Confrontée à des enjeux démographiques et de transition des modèles de production,
désormais cruciaux, la politique de renouvellement des générations mobilise des instruments
mis en place pour certains dès les années 1960 ou 1970, et renforcés dans les dernières
programmations de la PAC pour 2014-2022, puis pour 2023-2027.
Pourtant, il est aisé de constater le défaut,
d’une part, d’étude prospective aidant à
anticiper l’ampleur des tendances à l’œuvre, et, d’autre part, d’analyse stratégique
à visée
opérationnelle
32
permettant de guider une politique pourtant affichée comme prioritaire et
ambitieuse
et d’articuler l’ensemble de ses dimensions
.
Fixer une cible quantitative correspondant à une vision prospective du nombre et de la
capacité de production souhaitables des exploitations agricoles dans notre pays, selon les
filières et les territoires, constitue certes un exercice délicat. L’objectif de stabilisation du
nombre d’exploitations affiché
,
il y a une trentaine d’années dans le cadre de la Charte de
l’installation signée le 6 novembre 1995, n’a plus été suivi d
ès 1998 : sans doute était-il
irréaliste et indiscriminé. Comme le soulignait la Cour dans son référé au Premier ministre du
26 juillet 2020 sur les leviers de la politique foncière agricole, « au regard des orientations
retenues depuis dix ans en faveur d'un modèle d'agriculture durable, multifonctionnelle,
développée par des entreprises familiales, la question de la structure des exploitations
considérée comme souhaitable se pose ». La réponse ne saurait être ni uniforme ni normative,
mais adaptée aux enjeux des territoires et des filières.
Le besoin (G4) identifié par le PSN, «
à l’échelle nationale (…) de réfléchir
davantage
les installations en lien avec les projets de territoire, notamment dans le cadre des projets
alimentaires territoriaux ou du développement de filières territorialisées » va dans cette
direction. Cependant, le PSN,
qui aurait pu offrir l’occasion de cette réflexion, se contente d’en
souligner la nécessité sans dégager d’axes d’actions en ce sens
.
À l’instar du groupe de travail inter
ministériel coordonné par FranceAgriMer en 2020,
en lien avec les représentants des professions et interprofessions sur la compétitivité des filières
agricoles, une réflexion devrait être conduite pour identifier les enjeux propres à chaque filière,
selon les territoires,
afin de fournir un cadre à la mise en œuvre des dispositifs en faveur du
renouvellement des générations.
Un tel travail devrait permettre, d’une part, de
tenir compte
des contextes locaux, dont les zones à enjeux,
et, d’autre part, de fair
e coïncider renouvellement
des générations et progression des pratiques agricoles durables.
Une démarche ascendante (des régions vers le niveau national) apparaît nécessaire pour
chiffrer ces perspectives. Toutefois, les multiples enjeux inhérents à la pol
itique d’installation
-
transmission rendent indispensable un cadre commun d’analyse pour mener une action aussi
cohérente et intelligible à l’échelle nationale qu’adaptée à la diversité des territoires.
À cet effet, la Cour invite à prévoir
l’inscription
, dans les documents stratégiques
régionaux et national de la politique d’installation
-transmission, à titre prospectif, de cibles
chiffrées concernant les capacités de production, le
nombre d’exploitations et d’exploitants
32
Voir par exemple
pour un travail prospectif d’une grande richesse
le rapport du CGAAER n° 18066
Agri 2050
une prospective des agricultures et des forêts françaises
, janvier 2020.
DES INSTRUMENTS D’AIDE À L’INSTALLATION
ET AU DÉMARRAGE,
INSUFFISAMMENT OUVERTS ET MOBILISÉS
41
souhaitables par filières et par région en fonction des enjeux agro-économiques,
environnementaux, sociaux et d’aménagement du territoire.
Un tel travail prospectif devrait
être accompagné de l’amélioration des connaissances
sur le devenir des exploitations et l’installation en agricultur
e, notamment sur les parcours des
candidats, leur motivation et les obstacles qu’ils rencontrent.
À cet effet, l
a mise en place d’un
observatoire national de l’installation
-transmission, prévue depuis 2014, doit désormais se
concrétiser et couvrir tous les
types d’installation, aidées et non
-aidées
, ainsi que l’ensemble
des dispositifs (aides à l’installation, subventions d’investissement, subventions ou actions
directes d’information, de conseil et d’accompagnement des personnes
). Un protocole commun
de re
cueil des données établi avec l’
agence des services de paiement (ASP), la Caisse centrale
de la mutualité sociale agricole (CCMSA)
et les observatoires régionaux de l’installation
-
transmission devrait enfin permettre un partage des données et une utilisation pertinente à
l’échelle nationale comme régionale.
Ces constats amènent donc la Cour à formuler la recommandation suivante
à l’attention
d
u ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire
et de
Chambres d’Agriculture
France, tout en relevan
t que, pour l’avenir,
les documents stratégiques et les règles de
fonctionnement
de la politique d’installation et de transmission en agriculture devraient
découler d’un co
-pilotage renforcé avec les régions au sein des instances de gouvernance
régionales et nationale de cette politique :
1.
mettre en place
un réseau d’observatoires régionaux alimentant l’
observatoire national de
l’installation
-transmission (ONIT) selon un protocole commun de recueil des données
(recommandation complétée) (ministère
de l’agric
ulture et de la souveraineté alimentaire,
Chambres d’Agriculture
France, 2024).
Chapitre II
Des instruments d’aide à l’installation et au
démarrage, insuffisamment ouverts et mobilisés
Le soutien à l’installation et au démarrage de l’activité des agriculteurs repos
e sur deux
grands types de dispositifs
: le programme d’accompagnement à l’installation et à la transmission
en agriculture (AITA), destiné à tous les candidats sans critère d’âge,
et les aides directes ou
indirectes, majoritairement ciblées sur les moins de 40 ans ou les bénéficiaires de la dotation jeune
agriculteur (DJA). En moyenne annuelle sur 2019-
2021, le budget public consacré à l’installation,
tous financeurs confondus, s’élevait à
379
M€, hors soutiens aux investissements.
Tableau n° 1 :
contributions
publiques au soutien à l’installation
2017
2018
2019
2020
2021
DJA engagées dont prêts bonifiés
(État + FEADER)
135,6
164,2
166,3
162,7
169,7
Paiement additionnel jeunes agriculteurs
(FEAGA)
50,6
81,8
91,9
76,4
73,1
AITA (État + région)
14,7*
13,2*
20,6
19,2
20,3
Aides régionales à l’installation
NC
NC
13,8
10,8
15,7
Dépenses fiscales (État)
44
46
65
66
58
Exonérations cotisations sociale
s par l’État
30,2
34,3
36,2
35,8
35,9
Total hors soutien à l'investissement
275,1
339,5
393,8
370,9
372,7
Source
: Cour des comptes, d’après
DGPE et SAFSL MASA (* : montant hors financement régional)
I -
L’accompagnement à l’installation
:
un dispositif à adapter aux besoins
Le programme AITA ne représente que 5 % des dépenses publiques consacrées à
l’installation, mais, outre qu’il conditionne l’accès à la DJA, il est conçu comme le dispositif
universel de préparation des projets d’installation. Le volet installation du programme, depuis
le point d’accueil installation (PAI), conçu comme porte d’entrée unique du parcours, jusqu’à
la validation du plan de professionnalisation personnalisé (PPP), a pour objet d’informer tous
les candidats à l’installation, de les aider à préparer leur projet et de compléter leur form
ation
pour préparer au mieux le démarrage de leur activité.
COUR DES COMPTES
44
A -
Un cadrage national et des mises en œuvre régionales différenciées
1 -
Un cadre national comportant 18 dispositifs
Le programme AITA comporte six volets regroupant 18 dispositifs récapitulés dans le
tableau ci-dessous. Le préfet de région, en lien avec le président du conseil régional, sélectionne
les dispositifs les plus pertinents au regard des mesures du programme de développement rural
régional (PDR), pour constituer le programme AITA régional. L’
ensemble des dispositifs des
volets 1, accueil des porteurs de projet, et 3, préparation à l’installation sont néanmoins
d’application obligatoire dans tous les
programmes régionaux.
Tableau n° 2 :
les six volets et 18 dispositifs du programme AITA
Volets 1 à 4 : Installation
Volet 5 : Incitation à la
transmission
Volet 6 : Communication
Animation
1. Accueil des
porteurs de projet
3. Préparation à
l'installation
Financement
du
Point
Accueil
Installation
(
PAI
)
-
Financement
du
centre
d’élaboration
du
plan
de
professionnalisation
personnalisé (CEPPP)
-
Financement
des
stages
collectifs de 21 heures
- Prise en charge des bourses de
stage
d’application
en
exploitation
- Prise en charge des indemnités
des maîtres exploitants
- Prise en charge des indemnités
de stage de parrainage
-
Prise
en
charge
des
diagnostics des exploitations à
céder
- Aide à la transmission des
exploitations
préalablement
inscrites au répertoire départ
installation (RDI)
- Aide à la transmission globale
du foncier
-
Aide
aux
propriétaires
bailleurs
- Aide à la location de la maison
d'habitation et/ou des bâtiments
agricoles
- Prise en charge du conseil
d’accomp
agnement en amont à
la transmission
Aide aux actions d'animation et
de communication en faveur du
métier
d'agriculteur,
de
l'installation
et
de
la
transmission, de la coordination
régionale
2. Conseil à
l’installation
4.
Suivi du nouvel
exploitant
-
Prise en charge des
diagnostics
des
exploitations
à
reprendre
- Prise en charge des
études
de
faisabilité
et/ou de marché
Prise en charge du suivi des
nouveaux exploitants
Source :
Cour des comptes d’après instruction technique DGPE/SDC/2018
-613
Les deux tiers des dispositifs (12 sur 18) sont cofinancés par l’État et les régions, alors
que six dispositifs sont financés par un seul niveau (trois pa
r l’État et trois par les régions
).
Dans leur majorité, les financements sont attribués aux structures qui dispensent les prestations
d’accompagnement et non directement aux candidats à l’installation (pour les conditions
d’éligibilité et les modalités de
financement, voir annexe n° 10).
DES INSTRUMENTS D’AIDE À L’INSTALLATION
ET AU DÉMARRAGE,
INSUFFISAMMENT OUVERTS ET MOBILISÉS
45
2 -
Une mise en œuvre différenciée par régions
Au cours de la période 2019-2021, le budget du programme AITA était en moyenne
annuelle de 19,9
M€. Les dispositifs dédiés à l’installation ont mobilisé 13,8
M€ (69
% des
dépenses)
contre 1,2 M€ pour ceux dédiés à la transmission. Les deux tiers des dépenses se sont
concentrés sur trois dispositifs : les PAI pour 4,3
M€, les centres d’élaboration du plan de
professionnalisation
personnalisé
(CEPPP)
pour
3,9
M€
et
l’aide
aux
actions
de
communication-animation pour 5
M€.
Le financement du programme AITA a été assuré à hauteur de 13,6
M€ par l’État (68
%)
et de 6,4
M€ (32
%) par les régions. Cette répartition est néanmoins variable. Dans trois
régions
33
, les financements nationaux sont minoritaires. À
l’inverse, huit régions ont contribué
à moins de 20 % du budget du programme. Les régions apportent cependant des financements
additionnels à la politique d’installation/transmission et à des dispositifs semblables ou
complémentaires à l’AI
TA, estimés à environ 2
M€.
Cette situation se traduit par une disparité importante des financements par bénéficiaire.
En moyenne sur 2019-2021, les contributions publiques ramenées au candidat accueilli au PAI
étaient de 865 € pour l’ensemble
du programme, avec une dispersion de un à six entre régions.
B -
Le programme
d’
accompagnement à l
’installation
et à la transmission en agriculture
1 -
L’accueil du candidat par le point accueil installation, une porte d’entrée unique
principalement confiée aux chambres d’agriculture
a)
Les structures labellisées pour les points accueil installation
À la suite des assises de l’installation de 2013, les points info installation ont été
transformés en points accueil installation (PAI), dont la carte est fournie en annexe n° 11
34
. La
principale avancée
par rapport à l’ancien dispositif réside dans l’ouverture à tous les candidats
«
désirant s’installer dans une exploitation agricole, qu’ils soient issus ou non du monde
agricole, qu’ils soient ou non demandeurs des aides à l’installation, et cela quel que
soit leur
âge ou leur niveau de formation.
35
»
. Le PAI est la
«
porte d’entrée unique
»
du dispositif
d’accompagnement de l’installation au niveau départemental. Il doit accueillir tous les porteurs
d’un projet d’installation en agriculture, appelés «
porteurs de projet » dans la suite du rapport,
leur fournir une information sur le cadre général de l’installation et de la transmission et les
orienter vers les structures qui peuvent au mieux les accompagner dans leur projet.
Le label PAI est attribué sur ap
pel d’offre
s départemental par le préfet de région, après
avis du président du conseil régional et du CRIT, pour trois ans, sur la base du cahier des charges
national adaptable régionalement. La labellisation des années 2018-
2020 a été étendue jusqu’à
la fin de 2023.
33
Sur 2019-2021, AURA finançait 52
% de l’AITA, la Normandie, 58
% et les Hauts-de-France, 59 %.
34
Décret n° 2016-1140 du 22
août 2016 relatif à l’organisation de la préparation à l’installation en agriculture
.
35
Instruction technique DGPE/SDC/2018-613, page 2.
COUR DES COMPTES
46
Les structures labellisées s’engagent sur la permanence et l’adéquation des moyens mis en
œuvre pour conduire les missions, le respect de la neutralité et
la promotion de tous les types
d’agriculture, en particulier les systèmes de production «
générateurs d'emploi et de valeur ajoutée
et ceux permettant de combiner performance économique et environnementale
». Cet engagement
implique de travailler avec l’ensemble des partenaires de l’accompagnement à l’installation.
b)
Une insuffisante structuration des partenariats
Les trois quarts des PAI labellisés depuis 2018 sont portés par les chambres
départementales ou régionales d’agriculture. Le quart restant est gér
é par les structures
départementales du syndicat Jeunes Agriculteurs et les associations de développement,
d’aménagement et de services en environnement et agriculture (ADASEA) (cf.
Annexe n° 11 :
cartes des structure labellisées).
Comme prévu dans le cahier des charges, les PAI ont établi des conventions avec des
structures partenaires, représentatives de la diversité des systèmes de production agricoles.
Même si un bilan exhaustif des partenariats établis par les PAI ne peut ê
tre établi, l’ampleur et
la qualité de ces partenariats apparaissent hétérogènes. Certains réseaux spécialisés dans
l’installation, InPact et l’association pour le développement de l’emploi agricole et rural
(ADEAR) par exemple, ne sont pas uniformément représentés. De plus, même lorsque des
partenariats existent, la mise en relation des candidats avec les structures alternatives non
majoritaires n’est pas garantie. Les réunions avec les partenaires, qui s’inscrivent dans des
cadres plus ou moins formalisés et des fréquences plus ou moins régulières, ne sont pas
systématiquement organisées dans les départements.
Une étude des sites internet des PAI de dix départements
montre qu’ils ne comportent pas
toujours de lien vers les sites internet de structures, même dans le cas de sites régionaux dédiés.
Réciproquement, les sites internet des structures d’accompagnement à l’installation ne
renvoient pas toutes au PAI du département. Ces manques de liens croisés affaiblissent
l’objectif de «
porte d’entrée unique
»
de l’accompagnement à l’installation.
c)
Le manque d’aide à l’émergence des projets
La phase d’émergence qui précède l’élaboration d’un projet n’est pas couverte par un
volet spécifique du PAITA mais peut entrer dans les actions financées par le volet 6
« communication-action ». Les conseillers du PAI évaluent le degré de maturité des projets qui
leur sont présentés grâce au
document d’autodiagnostic et
aux premiers entretiens. Si le
candidat apparaît
indécis dans sa volonté de s’installer ou
si son projet semble irréaliste
36
, il est
incité à le retravailler avant de poursuivre le parcours. Des solutions lui sont proposées pour
l’aider à faire émerger son projet
: soit la participation à de courtes
sessions d’information
organisées par le PAI, comme les cafés de
l’émergence,
soit le renvoi vers des structures qui
ont développé des actions de formation spécialisées sur l’émergence
, en dehors
de l’AITA.
36
Le PAI de Bretagne indique que le candidat devrait passer par une phase d’émergence lorsqu’il a encore des
difficultés à prendre des décisions et à formaliser ses idées ou lorsque le projet est jugé peu réaliste, notamment
lorsque la question des moyens n’est pas posée. À l’inverse, le candidat peut être orienté vers le PPP lorsqu’il
possède un projet qui reste à formal
iser mais qu’il a commencé à identifier les démarches et les partenaires, est
conscient de ses potentialités et limites et doit encore vérifier la cohérence de son projet.
DES INSTRUMENTS D’AIDE À L’INSTALLATION
ET AU DÉMARRAGE,
INSUFFISAMMENT OUVERTS ET MOBILISÉS
47
Ces formations hors-AITA durent cinq à dix jours, avec dans certains cas des stages. Leur
point commun est de s’
étaler sur plusieurs mois pour permettre aux candidats de développer
leurs projets
37
. Un «
droit à l’essai
» est expérimenté. Les sources de financement de ces
formations ont évolué depuis la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir
professionnel
: la modification des règles d’intervention du fonds d’assurance formation des
actifs non-salariés agricoles, VIVEA (cf. annexe n°
12), et la fin du financement par le fonds
social européen (FSE) rendent la mise en place de ces formations plus complexe. Elles sont
pourtant
utiles à l’accompagnement de
candidats au profil atypique, devenus plus nombreux au
cours des dernières années
38
.
Par ailleurs, pour certains candidats à l’installation occupant un emploi hors du secteur
agricole, la période de transition professionnelle peut nécessiter un appui plus social.
2 -
La préparation à l’installation par la professionnalisation du candidat
a)
Divers réseaux professionnels insuffisamment associés
Les centres d’élaboration du plan de professionnalisation person
nalisé (CEPPP) sont
ouverts à tout porteur de projet préalablement accueilli par le PAI et ayant réalisé un auto-
diagnostic, qu’il soit ou non éligible aux aides à l’installation.
Le label CEPPP est attribué pour
trois ans dans des conditions similaires à celles du PAI.
Les structures labellisées s’engagent
sur la permanence et l’adéquation des moyens, essentiellement humains,
aux besoins. Les
formations proposées doivent couvrir tous les systèmes de production agricole, ce qui implique
une
ouverture à l’en
semble des partenaires de la professionnalisation agricole.
Les services des CEPPP sont constitués de deux types de conseillers : des conseillers
« analyse des compétences
», disposant d’un profil de formateur, chargés de l’analyse des
compétences du porteur de projet, et des conseillers « analyse de projet », présentant un profil
technique ou économique. La part importante des publics non issus du monde agricole et des
projets « non conventionnels »
39
plaide pour que ces services puissent
s’appuyer sur
des
conseillers aux profils plus diversifiés.
Les chambres d’agriculture
portent les structures labellisées pour la plupart des
départements à l’exception de cinq. La majorité des conseillers non issus des chambres
d’agriculture sont des conseillers de centr
es de formation professionnelle, ce qui ne répond pas
à l’exigence de pluralité.
La participation de conseillers issus de structures de soutien à
l’agriculture biologique ou à l’agriculture paysanne est néanmoins notée dans plusieurs régions.
37
En 2018, le dispositif d’accompagnement à l’installation régional de l’ADEAR Occit
anie a accueilli 974 personnes
dans des stages de sept
heures sur l’émergence et 370 pour des stages de
trois jours de mûrissement du projet.
38
Une étude des PAI AURA indique que 20 % des candidats accueillis au PAI auraient eu besoin de passer par
une pha
se d’accompagnement à l’émergence.
Source : CGAAER, rapport n° 21050,
Évaluation du fonctionnement
des structures
chargées de la préparation à l’installation en agriculture
, 2022.
COUR DES COMPTES
48
b)
Le plan de professionnalisation personnalisé : un parcours de formation
sensé être adapté aux besoins des porteurs de projet
La réalisation d’un plan de professionnalisation personnalisé (PPP) est un critère
d’éligibilité à l’attribution de la dotation
« jeune agriculteur » (DJA), pour garantir la meilleure
préparation du candidat à l’exercice de ses responsabilités de chef d’exploitation.
La professionnalisation et la formation des nouveaux agriculteurs sont essentielles à un
double titre. D’une part, le profil des
nouveaux agriculteurs a évolué. Une proportion
significative et croissante des nouveaux installés, et encore plus des porteurs de projet
d’installation, n’est pas issue du monde agricole. Leurs projets
40
diffèrent souvent des projets
classiques. Pour garantir leur soutenabilité
41
, l’enjeu est d’abord
de leur apporter des
connaissances théoriques et pratiques du monde et du métier agricole, de leurs contraintes, et si
nécessaire des connaissances dans le domaine de la production et de la gestion d’une entrepri
se.
D’autre part, un apport de connaissances sur les enjeux d’évolution du modèle agricole (gestion
des aléas sanitaires, climatiques et de marché, et transition agro-écologique) est indispensable
pour tous les candidats à l’installation, qu’ils soient ou
non issus du monde agricole.
Le stage collectif de 21 heures est la seule action obligatoirement inscrite dans les plans
de professionnalisation. Les sessions sont réalisées par des organismes habilités par les DRAAF
avec pour objectif de maîtriser l’ensemble des enjeux de l’installation en agriculture, se
familiariser avec les démarches administratives, favoriser les échanges entre porteurs de projet.
Les interventions doivent s’inscrire dans une démarche d’agriculture durable, ouverte aux
attentes sociét
ales et à l’agro
-écologie.
3 -
Le bilan de l’appui à la professionnalisation
: une réalité éloignée de la théorie
Les statistiques nationales et régionales sur les PPP laissent apparaître des différences
fortes entre les territoires, notamment sur leur composition. Or, bien que cela fasse partie de
leurs missions, les CRIT des régions correspondantes n’analysent pas cette hétérogénéité pour
chercher à y remédier.
Le contenu des stages collectifs de 21 heures répond aux objectifs du cahier des charges,
avec un équilibre entre les thématiques variant selon les départements. Leur tenue intervient
toutefois
tardivement dans le processus d’installation,
ce qui amoindrit leur utilité.
Les formations inscrites dans les plans de professionnalisation correspondent plus à une
logique de catalogue qu’à une adaptation du contenu au profil du porteur de projet. Leur contenu
est
axé sur la gestion de l’exploitation. Les formations aux enjeux environnementaux
, à la
gestion des risques ou à la diversification (circuits courts, production biologique) sont peu
40
Pour illustration, mais sans valeur statistique, l’enquête a permis d’assister au troisième jour d’un stage 21 heures
en Dordogne. Sur 13 stagiaires présents, cinq s’inscrivaient dans d
es parcours « classiques » : installation dans un
GAEC familial, reprise de l’exploitation familiale, installation en polyculture
-élevage. Huit projets étaient portés
par des personnes non issues du monde agricole et étaient moins conventionnels : reconversion professionnelle
vers l’apiculture ou le maraîchage, installation en micro
-
maraîchage, en centre équestre, développement d’ateliers
de transformation ou d’ateliers de diversification non agricole (hébergement touristique, loisirs, insertion sociale).
41
La soutenabilité du projet englobe les notions de viabilité économique, de soutenabilité sociale, en termes de
charge de travail, de résistance aux aléas et d’adaptabilité aux évolutions environnementales.
DES INSTRUMENTS D’AIDE À L’INSTALLATION
ET AU DÉMARRAGE,
INSUFFISAMMENT OUVERTS ET MOBILISÉS
49
prescrites. La prescription de périodes de stage pratique ou d’autres actions qui permettent au
porteur de projet non issu de milieu agricole d’acquérir une expérience pratique et
de tester
l’acceptabilité des contraintes
de vie liées au métier est minoritaire.
Ainsi, l’engagement des
CEPPP de représenter
la diversité des modèles agricoles n’est pas démontré.
4 -
Une difficile estimation des flux de candidats à l’installation
Le schéma ci-dessous représente les flux de candidats au cours des différentes étapes
menant à l’installation en 2020. Cette année
-là, 12 508 exploitants se sont installés, répartis en
trois blocs de taille similaire : 4 829 moins de 40 ans bénéficiant de la DJA ; 4 009 moins de
40
ans n’en bénéficiant pa
s et 3 670 ayant plus de 40 ans.
Schéma n° 1 :
parcours
des porteurs de projet jusqu’à l’installation en 2020
Note
: PAITA (programme d’accompagnement à l’installation et à la transmission en agriculture)
; PAI (point accueil
installation)
; CEPPP (centre d’élaborat
ion du plan de professionnalisation personnalisé) ; DJA (dotation jeune agriculteur)
Source :
Cour des comptes d’après chiffres MSA et DGPE
Mis à part les installés bénéficiaires de la DJA, le parcours menant à l’installation de la
plupart des nouveaux agr
iculteurs n’est pas connu. Sont notamment manquantes
les données
sur :
-
le nombre d’exploitants qui se sont installés sans bénéficier d’un accompagnement
quelconque (flux A dans le schéma) ;
-
le nombre d’installés passés par des structures hors du programme
AITA (B) ;
-
les exploitants qui ont intégré le programme et l’ont quitté à l’une de ses étapes
successives pour s’installer sans le bénéfice de la DJA, avec ou sans le soutien
d’autres structures (C
) ;
COUR DES COMPTES
50
-
le nombre de candidats qui ont quitté le point accueil installation pour une structure
de soutien à l’émergence et y reviennent (D).
Les taux de déperdition entre les différentes étapes du processus ne sont pas analysés. La
dynamique des flux diffère entre des régions
42
, où seules 10 % des personnes accueillies en PAI
s’installent avec DJA
, et des régions où ce taux atteint 38 %. Les raisons de ces écarts ne sont
pas analysées, notamment en ce qu’ils peuvent provenir de spécificités régionales du secteur
agricole ou de l’activité des structures
responsables de
l’accompagnement.
La connaissance des flux de population entre les différentes étapes du processus
conduisant à l’installation est néanmoins compliquée par l’absence de connexion entre les
différentes bases de données des opérateurs et de mise en place d
e l’observatoire national de
l’installation
-transmission (cf. première partie du rapport et recommandation n° 1).
II -
Les aides aux nouveaux installés : un nécessaire
assouplissement en faveur des plus de 40 ans
Les aides fiscales et sociales, décidées et financées au niveau national, et les aides de la
PAC
financées par le premier pilier ou co-financées au titre du deuxième pilier (DJA, aides à
l’investissement) –
sont ciblées sur les jeunes installés de moins de 40 ans. D’autres aides
régionales peuvent bén
éficier aux nouveaux installés sans critère d’âge.
A -
Les avantages fiscaux et sociaux financés par l’État
1 -
Des avantages fiscaux significatifs réservés aux seuls bénéficiaires
de la dotation « jeune agriculteur »
Les jeunes agriculteurs peuvent bénéficier d
’un abattement
43
sur les bénéfices imposables
s’ils sont soumis à un régime réel d’imposition et perçoivent les aides à l’installation.
L’abattement est appliqué aux bénéfices
réalisés au cours des soixante premiers mois d'activité,
à compter de la date d'octroi de la première aide.
Il permet de limiter l’imposition des jeunes
agriculteurs durant les premières années d’activité.
Depuis le 1
er
janvier 2019
44
, le dispositif a été modifié pour mieux le cibler sur les niveaux
les plus faibles de bénéfice. L’abat
tement est renforcé pour ceux dont le bénéfice est inférieur ou
42
Alors que, par exemple, 68 % des personnes accu
eillies dans les PAI d’Occitanie et 53
% dans ceux des Hauts-
de-France intègrent ensuite le CEPPP, ils ne sont que 20 % dans le Grand Est et 24 % en PACA. Mais, dans un
deuxième temps, le nombre de candidats qui s’installent avec DJA ne diminue pas dans le
Grand Est et reste élevé
dans les Hauts-de-France. En PACA, il poursuit sa chute et diminue fortement en Occitanie. Au final, 11 % des
personnes accueillies dans un PAI de PACA s’installeront avec DJA. Ils sont 20
% dans le Grand Est, 24 % en
Occitanie, comme en moyenne en France, et 38 % dans les Hauts-de-France.
43
Article 73 B du code général des impôts (CGI).
44
Article 126 de la loi de finances pour 2019, loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018
. Le seuil de l’abattement a
été revalorisé de 43 914
€ à 45
100
€ à compter de l’imposition des revenus de 2022 par le décret n°
2022-782 du
4 mai 2022.
DES INSTRUMENTS D’AIDE À L’INSTALLATION
ET AU DÉMARRAGE,
INSUFFISAMMENT OUVERTS ET MOBILISÉS
51
égal à 43 914
€ (
100 % la première année et 75 % les années suivantes) et plafonné pour les
autres. Pour les autres, un plafonnement du taux est prévu en fonction du montant de bénéfice
réalisé au titre de l'exercice. Conséquence de cette évolution, cet abattement dont le coût se situait
en moyenne à 36 M€ par an sur la période 2016 à 2018 a été porté à
52
M€ par an depuis 2019.
Par ailleurs, un dégrèvement de 50 % de la taxe foncière sur les propriétés non bâties
45
est applicable aux parcelles exploitées par des jeunes agriculteurs bénéficiaires des aides à
l’installation qu’ils en soient propriétaires ou locataires, exploitant individuel ou en société. Ce
dégrèvement est appliqué d’office à hauteur de 50
% et pris en charge pa
r l’État pendant cinq
ans. Pour les 50 % restants dus, le dégrèvement est facultatif et applicable sur délibération des
collectivités locales concernées. Ce dégrèvement a coûté en moyenne 8
M€ par an à l’État sur
la période 2016-2020.
Enfin, un taux réduit
de la taxe de publicité foncière ou du droit d’enregistrement est
prévu en faveur des jeunes agriculteurs
46
pour un montant modeste de 2,2
M€ en
2021. Cette
réduction leur est directement ap
pliquée quand ils font l’acquisition d’un immeuble situé dans
une zone de revitalisation rurale (ZRR). Elle intervient indirectement en leur faveur lorsqu’un
nouvel
acquéreur d’un immeuble en ZRR s’engage à le louer par bail rural à long terme
ou bail
cessible à un jeune agriculteur. Le taux normal de 3,80 % est alors réduit à 0,70 %.
2 -
Les avantages sociaux
Les nouveaux exploitants âgés de 18 à 40 ans à la date d’affiliation au régime de
protection sociale des non-salariés agricoles peuvent aussi bénéficier
d’une exonération
partielle et dégressive de leurs cotisations personnelles pendant les cinq années suivant
l’installation. Le taux de cette exonération baisse chaque année,
de 65 % la première année à
15
% la dernière. L’exonération s’applique dans la limite d’un plafond de cotisation qui diminue
également chaque année.
Cette exonération s’est élevée à 35,
9
M€ en 2021 (30,
6
M€ en 2016).
En outre, l
’aide à la création et à la reprise d’une entreprise, qui n’est
pas soumise à une
condition d’âge, peut bénéficier au créateur ou repreneur d’une entreprise ou d’une exploitation
agricole. Cette aide consiste en une exonération dégressive des cotisations personnelles du
nouvel entrepreneur pendant un an à compter de son installation. Cette exonération est
cumulable avec l’exonération de cotisations «
jeune agriculteur ».
B -
Les aides directes : la mise en place nationale
des dispositifs de soutiens à l’installation de la PAC
La France a mis en place les deux principales aides au renouvellement des générations
proposées par la PAC 2014-2022 : le paiement additionnel pour les jeunes agriculteurs, dont
l’application était o
bligatoire, et la dotation « jeune agriculteur »
(DJA), dont la mise en œuvre
était optionnelle. Certains États membres, notamment le Danemark et la plupart des Länder
allemands, n’ont pas appliqué la DJA (
cf. annexe n° 13).
45
Article 1647-00 bis du CGI.
46
Article 1594 F quinquies E. I et E.II du CGI
COUR DES COMPTES
52
1 -
Le paiement additionnel pour les jeunes agriculteurs
Outre un accès facilité aux droits à paiement de base (DPB - cf. supra II. A. 2 de la
première partie du rapport), la programmation 2014-2022 a mis en place un paiement
« additionnel » aux jeunes agriculteurs. Prévue
à l’article 50 du règlement UE 1307/2013, cette aide
est un paiement découplé en complément des droits à paiement, dans la limite de 2 % du FEAGA.
Comme la plupart des États membres, la France a choisi une aide surfacique (et non une aide
forfaitaire) mais qu’elle a
plafonnée à 34 hectares (alors que la plupart des États membres ont retenu
le plafond maximal de 90 hectares
47
). Elle
en a conditionné l’octroi à la détention d’un diplôme de
niveau IV
48
(même non agricole) ou d’une expé
rience effective dans une exploitation agricole.
Pour bénéficier
de l’aide, l’agriculteur doit avoir activé des
droits à paiement sur les terres
exploitées, être âgé de 40 ans au maximum au moment de la demande d’aide
et être installé depuis
moins de cinq
ans. Les critères d’attribution sont plus souples que les critères d’attribution de la
DJA
: ni le plan d’entreprise
, ni le plan de professionnalisation personnalisé ne sont exigés.
Le montant de ce paiement additionnel est fixé chaque année par arrêté et évolue en
fonction de l’enveloppe allouée à ce paiement et du nombre de
droits à paiement éligibles. Au
titre de la campagne 2021, le montant du paiement additionnel « jeune agriculteur » a été
revalorisé à 102
€ par droit activé (3
468
€ par an pour 34
droits à paiement activés et 17 340
pour cinq ans). Ce paiement additionnel a représenté 1
% de l’enveloppe allouée aux aides
directes dans la programmation 2014-2022, soit un montant moyen de 70
M€ par an depuis 2016.
2 -
La dotation « jeune agriculteur » (DJA)
Aide cofinancée à 80 % par le FEADER durant la programmation 2015-2022, la DJA est
une aide au démarrage en capital du projet d’installation.
Comme indiqué au premier chapitre,
l
es critères d’éligibilité, les montants de base minimaux et maximaux et le
urs modulations sont
fixés par un cadre national mais peuvent être adaptés au niveau régional. Le cadre national a
été modifié en 2016 : les prêts bonifiés ont été supprimés, compensés par une revalorisation des
montants de base de la DJA et l’introduction
d’un nouveau critère de modulation
en faveur des
projets présentant des coûts de reprise ou de modernisation importants.
a)
Les critères d’éligibilité et les engagements des bénéficiaires de la DJA
La DJA est attribuable à des candidats qui respectent des critères
d’âge compris entre 18
et 40 ans, de première installation, de compétence concrétisée par la capacité professionnelle
agricole qui inclut la possession d’un diplôme agricole de niveau IV et la validation du p
lan de
professionnalisation personnalisé (PPP), de viabilité du projet par la présentation et la validation
d’un plan d’entreprise normalisé pour une période de quatre ans, et de taille de l’exploitation,
celle-ci devant dégager une production brute standard (PBS) supérieure ou égale à 10
000 €
par
exploitation et inférieure ou égale à 1,2
M€
par associé exploitant.
47
Cour des comptes européenne, «
Le soutien de l’UE en faveur des jeunes agriculteurs devrait être mieux ciblé
pour favoriser un renouvellement efficace des générations »
, rapport spécial 2017/10, 2017. Plusieurs pays avaient
néanmoins choisi des paiements liés au nive
au historique des DPB de l’exploitation
: Espagne et Italie notamment.
48
Baccalauréat professionnel spécialisé « conduite et gestion de l'exploitation agricole » ou brevet professionnel,
option «
responsable d'exploitation agricole ».
DES INSTRUMENTS D’AIDE À L’INSTALLATION
ET AU DÉMARRAGE,
INSUFFISAMMENT OUVERTS ET MOBILISÉS
53
En obtenant la DJA, le bénéficiaire souscrit douze engagements (article D. 343-5 du
CRPM) et s’expose, en cas de
non-respect
, à la déchéance partielle ou totale de l’aide.
Plusieurs
engagements ont trait
à la mise en œuvre du projet
: commencement de mise en œuvre du plan
d’entreprise dans les neuf mois après décision d’octroi de l’aide, mise en œuvre complète en
fin de période, conformité à l’objet des modulations. D’autres concernen
t le respect des normes
par la nouvelle entreprise agricole : comptabilité de gestion conforme aux normes du plan
comptable agricole, mise en conformité environnementale des équipements repris, respect des
normes requises en matière d'hygiène et de bien-être des animaux
. L’engagement de dégager
un revenu équivalent à un SMIC a été supprimé en 2020
49
.
b)
Le plan d’entreprise
L
’élaboration d’un
plan d’entreprise
conditionne le versement de l’avance de la DJA,
le
suivi et la réalisation de ce plan déterminant le paiement du solde de la dotation à quatre ans.
Le terme de plan d’entreprise recouvre deux documents et démarches distinctes
: un document
administratif normalisé par un CERFA et un document d’élaboration du projet avec l’appui
d’un prestataire
, centré sur
l’analyse économique prévisionnelle de l’activité des quatre
premières années d’exploitation
.
Les méthodes de préparation du plan d’entreprise sont peu adaptées aux projets atypiques.
Par ailleurs, elles ne prennent pas en compte la charge de travail, ce qui limite la capacité
d’examen
de la soutenabilité du projet sur la vie personnelle.
Elles n’
incluent pas non plus
d’analyse de scénarios dégradés en raison d’un aléa climatique, sanitaire ou de marché
.
Pourtant,
la fréquence et l’intensité de ceux
-ci ont augmenté au cours des dernières années et
leurs conséquences sur une entreprise naissante dirigée par un exploitant doté d’une
courte
expérience sont potentiellement plus lourdes.
Enfin, l’impact sur l’environnement du projet d’installation ne fait pas p
artie des
informations fournies par le plan d’entreprise, sauf pour les dossiers sollicitant la modulation
agro-écologie : l
’attribution de la DJA intervient donc en l’absence de vision de l’impact sur
les émissions de gaz à effet de serre, les ressources en eau et la biodiversité du projet. Les
modalités nationales de mise en œuvre du PSN pourraient apporter des évolutions sur ce point.
c)
Le processus d’attribution de la DJA
Les chambres d’agriculture assurent
, au titre de leur mission de service public, la pré-
instruction des dossiers de demande de DJA. Selon la réglementation
50
, elles réceptionnent le
dossier dont elles vérifient la conformité, la cohérence et la complétude. Elles établissent un
rapport d’instruction avec avis motivé qu’elles adressent au pr
éfet.
49
Le critère de reven
u a été supprimé de l’article D. 343
-5 du CRPM par le décret n° 2020-131 du 17 février 2020
relatif aux aides à l’installation en agriculture. Il n’est donc plus contrôlé en fin de PE et sa non
-atteinte ne fait
plus partie des causes de déchéance. En revan
che, selon l’instruction technique DGPE/SDC/2020
-188,
« conformément aux articles D. 343-4 et D. 343-7 du CRPM, la démonstration de la viabilité du projet
d'installation demeure un critère important d'éligibilité. Les données relatives aux revenus restent donc une
composante du PE vérifiée et examinée au moment de l'instruction de la demande d'aide ».
50
Articles L. 511-4 et D. 343-17-2 du CRPM ; instruction technique DGPE/SDC/2016-1015 du 28 décembre 2016.
COUR DES COMPTES
54
L’instruction
réalisée par les DDT(M) consiste à vérifier
l’éligibilité du demandeur, la
cohérence et la conformité des pièces justificatives. Elle aboutit à la détermination du montant
de la DJA. Il s’agit le plus souvent d’un travail administratif
formel sans regard sur le fond du
dossier et sans rencontre du candidat.
Dans ces conditions, l’avis motivé et le rapport de pré
-instruction établis par la chambre
d’agriculture sont d’autant plus importants pour éclairer la décision du comité de sélecti
on. Or
ni l’avis motivé, essentiel pour la qualité de l’instruction, ni l’étude économique détaillée, qui
sert de base au plan d’entreprise, ne sont systématiquement transmis aux DDT(M), même quand
elles en font la demande. Certaines chambres d’agriculture
ne respectent ainsi pas les
obligations de communication et de transparence au titre de leur mission de service public.
Le choix des bénéficiaires est opéré par un comité de sélection selon une grille pondérant
des critères de priorité,
déterminés par l’a
utorité de gestion régionale dans son PDR.
Au regard des échantillons consultés dans les Hauts-de-France, tous les dossiers présentés
en comité de sélection obtiennent la DJA. Ces comités ne sont pas pour autant inutiles. Les
échanges survenus en amont sur des cas identifiés par les services instructeurs et pré-
instructeurs, permettent d’ajourner l’examen des
dossiers insuffisants. Certaines commissions
départementales d’orientation agricole
, parfois par le biais de groupes de travail, ont organisé
des aud
itions en amont des comités de sélection pour donner l’occasion au porteur de discuter
la viabilité de son projet et de l’améliorer
51
. La présence de professionnels et l’ajournement des
dossiers pourraient donc améliorer la qualité des projets, y compris les moins classiques, si les
membres des comités de sélection étaient mieux informés en préparation du comité et la
possibilité d’auditions offertes à un stade plus précoce du processus.
d)
Le montant de la DJA et les modulations : cadre national et applications régionales
Un montant de base de la DJA est fixé dans chaque région par zone sur proposition du
CRIT dans le respect de fourchettes nationales : de 8 000 à 15 000
€ en zones de plaine, de
10 000 à 22 000
€ en zones défavorisées, de 15
000 à 36 000
€ en m
ontagne.
Ces montants de base sont modulés en fonction de quatre critères nationaux communs à
toutes les régions, selon que le projet est i) hors cadre familial, ii) agroécologique, iii)
générateur de valeur ajoutée et d’emploi ou
iv) présentant un coût de reprise et de modernisation
important. Les modulations
peuvent faire l’objet de majorations décidées
par chaque région.
Ces modulations nationales, dont le montant est adapté par les régions et les majorations
optionnelles décidées localement, font vari
er les montants d’une région à l’
autre, le cadre
national imposant que la dotation ne puisse excéder 70 000
€. Ainsi, la grille adoptée par la
région Auvergne-Rhône-
Alpes prévoit qu’un jeune
agriculteur
s’install
ant en zone de montagne
et réunissant tous les critères de modulation avec un coût de reprise de plus de 300 000
€ peut
prétendre à un montant maximal de DJA de 65 600
€, à comparer à un coût moyen d’installation
de 310 000
€, allant de 20
000 € à 1,07
M€
dans le Puy-de-Dôme
52
.
51
CGAAER,
Renforcement de la qualité des plans d’entreprise support des demandes de dotation jeunes
agriculteurs,
rapport n° 20016, 2021.
52
Jeanneaux P., Wendling E.,
Typologie e
t évolution de l’installation aidée en agriculture
: aperçu avec le cas du
Puy-de-Dôme,
projet de communication aux 15
èmes
journées en sciences sociales SFER-INRAE-CIRAD, 2021.
DES INSTRUMENTS D’AIDE À L’INSTALLATION
ET AU DÉMARRAGE,
INSUFFISAMMENT OUVERTS ET MOBILISÉS
55
3 -
Les autres mesures proposées
a)
Le financement des investissements par le deuxième pilier de la PAC
et le
grand plan d’investissement
Le plan de compétitivité et d’adaptation des exploitations agricoles (PCAE)
Les investissements des exploitations agricoles sont soutenus par le PCAE, déclinaison
nationale des aides à l’investissement de la mesure n°
4 du FEADER inscrite dans chaque programme
de développement rural (PDR). Le plan est financé par le FEADER en complément des financements
de l’État, des régions et d’autres financeurs comme les agences de l’eau ou les départements. Selon
une estimation du ministère de l’agriculture, sur la p
ériode 2014-2021, 1,15
Md€
de PCAE a été
consacré à soutenir les investissements des agriculteurs installés depuis moins de cinq ans.
L
’objectif de renouvellement des générations
se traduit
par une priorité d’accès aux
financements, mais aussi par un taux
d’aide publique plus important
pour les agriculteurs qui
s’installent
. Le taux maximal de soutien public permis par les règles européennes est de 40 %
du coût des investissements éligibles pour la France métropolitaine mais peut être majoré à
80 % pour les jeunes agriculteurs de moins de 40 ans.
L’initiative nationale pour l’agriculture française
En complément du PCAE, dans le cadre du grand plan d’investissement (GPI) 2018
-2022,
l’État a mis en place un fonds d’investissement, l’
initiative nationale pour
l’agriculture
française (INAF). L’INAF, constitué de fonds nationaux (54
M€) et de ressources du
fonds
européen pour les investissements stratégiques (45
M€), est un instrument de garantie
de
crédits
. L’objectif du fonds est de
permettre la mobilisation à terme
d’
1,1
Md€
de prêts. Ces
prêts doivent notamment favoriser le renouvellement des générations et l’installation des
nouveaux agriculteurs dans le cadre d’un projet agro
-
écologique ou d’un projet générateur de
valeur ajoutée et/ou d’emploi. Les candida
ts éligibles sont les exploitants installés depuis moins
de sept
ans et ceux qui développent un projet susceptible d’augmenter leur chiffre d’affaires
de
plus de 50 %. Ce fonds a permis, au 31 août 2022, de garantir 6 000 prêts pour un montant de
770
M€. 7
7 % du portefeuille ont été accordés à de jeunes agriculteurs.
b)
Des soutiens régionaux complémentaires
Les régions ont développé des initiatives complémentaires aux dispositifs précédemment
décrits pour soutenir l’installation agricole. Aucun recensement de l’ensemble
de ces mesures,
de leur poids budgétaire et de leur effectivité, n’est établi. La Cour a tenté cet exercice, sans
parvenir à l’exhaustivité. L’annexe n°
14 présente le résultat de cet inventaire partiel, au sein
duquel trois principaux types d
’aides
peuvent être distingués : i) des aides complémentaires à
la DJA, d’un montant maximal de 8
000 €, pour soutenir des candidats
hors cadre familial ou
des projets particuliers en agriculture biologique ou élevage ; ii) des aides aux nouveaux
agriculteurs ne bénéficiant pas de la DJA, po
ur des raisons d’âge et dans certains cas de taille
du projet ou de niveau de formation - le montant maximal de cette aide est de 12 500
€ et, dans
plusieurs cas, son attribution est conditionnée au suivi d
es étapes du parcours à l’installation
requis pour la DJA (
PPP ou plan d’entreprise
) ; iii)
des prêts d’honneur à taux bonifiés, soit à
l’ensemble des nouveaux installés
, soit aux seuls non bénéficiaires de la DJA. Il apparaît
nécessaire de mieux connaî
tre la gamme d’aides complémentaires développées par
les régions
et leurs effets sur l’installation.
COUR DES COMPTES
56
C -
Une efficacité difficile à évaluer
1 -
Bilan quantitatif : un effort public ciblé sur les jeunes agriculteurs
En moyenne, hors aides aux investissements, le soutien à l’installation a bénéficié d’une
contribution publique annuelle de 379
M€
en 2019-2021, financée à 53 % par les fonds
européens, FEADER et FEAGA, à 42
% par l’État et à 5
% par les régions. La DJA représentait
près de la moitié des dépenses et
l’ensemble des aides à l’installation
, 70 %. Les mesures
fiscales et les exonérations sociales comptaient pour le quart de la contribution publique.
Les investissements des nouveaux agriculteurs contribuant à la réalisation du projet
d’installation, peuvent également être financés par les mesures du PCAE mises en œuvre dans
les PDR, cofinancées par le FEADER, l’État et les régions.
Les financements à destination des
agriculteurs nouvellement installés ne sont pas identifiés : la répartition des financeurs, le coût
représenté par la bonification de 80 % pour les j
eunes agriculteurs et l’importance de ceux
-ci
dans les dossiers soutenus ne sont pas connus. Les dépenses annuelles sont estimées à 143,7
M€
à partir du pourcentage que représentent les dossiers de subvention à des exploitations de moins
de cinq ans. En moyenne, 5 200 dossiers de PCAE de nouveaux installés ont été financés
annuellement entre 2014 et 2020, pour un montant moyen de 31 700
€.
Graphique n° 6 :
contributions publiques
en fonction de l’éligibilité du bénéficiaire
Source
: Cour des comptes d’après DGPE
Comme v
u précédemment, les candidats à l’installation ne sont pas éligibles à tou
tes les
mesures de soutien. La DJA et les mesures fiscales dont seuls les attributaires de la DJA peuvent
bénéficier comptent pour 63
% de l’effort public
, hors soutiens aux investissements. Les
mesures en faveur des jeunes agriculteurs de moins de 40 ans non nécessairement attributaires
de la DJA mais y compris ceux-ci, à savoir le paiement additionnel et les exonérations de
cotisations sociales, représentent 28
% des dépenses. Enfin, les mesures dont peuvent bénéficier
tous l
es candidats à l’installation, y compris les plus de 40 ans, ne comptent que pour 9
% du
total et comprennent le budget du PAITA et une partie des dispositifs régionaux.
La disproportion du budget consacré aux moins de 40 ans, et particulièrement aux
bénéficiaires de la DJA, par rapport aux autres candidats à l’installation, illustrée par le
graphique précédent, ne correspond plus
aux enjeux d’aujourd’hui
. Le nombre de candidats
DES INSTRUMENTS D’AIDE À L’INSTALLATION
ET AU DÉMARRAGE,
INSUFFISAMMENT OUVERTS ET MOBILISÉS
57
extérieurs au parcours agricole classique, dont certains sont en reconversion professionnelle,
est en augmentation constante
et représente aujourd’hui 25
% des nouveaux installés (hors
transferts entre époux). Souvent, ces candidats
53
disposent de fonds propres,
d’idées novatrices
et sont porteurs de projets intéressants
qui justifieraient davantage d’attention et de soutien.
2 -
L’impact incertain de la dotation jeune agriculteur
L’efficacité
sur le renouvellement des générations de la DJA - principal dispositif de
soutien à l’installation
- est incertaine.
L’aide pâtit d’un faible taux de recours
et son impact sur
la décision de s’installer
,
la réalisation d’investissement
s et le taux de maintien semble faible.
a)
Un taux de recours faible à la dotation jeune agriculteur
La population des exploitants nouvellement installés se répartit en trois tiers : les installés
de plus de 40 ans, qui ont représenté 30 % de la population en 2021, les installés de moins de
40 ans non bénéficiaires de la DJA, 33 %, et les moins de 40 ans bénéficiaires de la DJA, 38 %.
La population des installés aidés est la seule à avoir progressé, amenant ainsi leur proportion de
29 à 38 % entre 2016 et 2021. La part des aidés parmi les moins de 40 ans a progressé en cinq
ans, passant de 45 à 55 %, mais reste stable depuis 2019.
Graphique n° 7 :
évolution comparée des installés de moins de 40 ans,
bénéficiaires et non bénéficiaires de la DJA
Source
: Cour des comptes, d’après MSA
Le taux d’installés de moins de 40 ans bénéficiaire
s de la DJA reste néanmoins faible en
comparaison
de l’objectif
fixé à 70 % par le projet annuel de performance 2020. Ce taux de
recours varie selon les régions. Il est plus élevé dans les régions d’élevage de l’ouest et de l’est
et en zone de montagne
54
et plus faible dans les régions du pourtour méditerranéen et les régions
entourant le bassin parisien
, confirmant ainsi les tendances sectorielles d’un plus fort taux de
recours pour les secteurs de l’élevage que pour les productions végétales, notamment les
grandes cultures et la viticulture.
53
Van Bunnen P.,
Impact de la PAC sur le renouvellement des générations, le dév
eloppement local et l’emploi
dans les zones rurales,
ADE, 2019, page 19.
54
Van Bunnen P., précité, page 34.
COUR DES COMPTES
58
Les raisons du non-recours à la DJA sont multiples. En premier lieu, une part des
candidats n’est pas éligible en raison de l’insuffisance de
leur niveau de qualification.
L’attribution de la DJA est en effet conditionnée à la possession d’un diplôme de «
niveau égal
ou supérieur au baccalauréat professionnel spécialité
conduite et gestion de l'entreprise
agricole
” ou au brevet professionnel option “
responsable d'entreprise agricole
». Une
partie des candidats à l’installation n’envisage pas de demander la DJA
55
en raison de son
manque d’attractivité par rapport au montant des investissements requis, comme dans les
régions de grande culture. La complexité administrative du dispositif est aussi mentionnée.
D’autres
candidats privilégient une installation rapide et choisissent de ne pas recourir à la DJA
pour hâter le processus, bénéficiant parfois de l’appui d’opérateurs économiques
56
. Enfin, en
raison de la particularité de leur projet, un dernier groupe ne trouve pas l’accompagnement
adapté au sein du PAITA et sort ainsi du parcours qui mène à la DJA.
La stabilité du taux de recours à la DJA est néanmoins à tempérer par la modification de
la composition de ses bénéficiaires. La proportion de candidats hors cadre familial (HCF) a
progressé de huit points, passant de 26 à 34 %. Ces candidats ont contribué aux deux tiers de la
hausse du nombre d’installés
aidés entre 2015 et 2021.
b)
Une absence d’effet démontré sur la décision d’installation et la viabilité des projets
La décision d’installation semble indépendante de l’attribution de l’aide. L’évaluation des
PDR régionaux a conclu à un faible impact de la DJA sur l’installation des nouveaux agriculteurs.
Seuls 10 à 20
% des projets d’installation n’auraient pas été mis en œuvre en l’absence de la
DJA
57
. La création du paiement additionn
el financé par le FEAGA n’a pas fait évoluer ce constat.
L’effet des modulations
, pourtant largement utilisées,
n’est pas mieux démontré. La modulation
agro-écologie est par exemple mobilisée dans huit dossiers de DJA sur dix en région Nouvelle-
Aquitaine et dans 26
% des cas dans les Pays de la Loire. Les projets d’installation avec au moins
un atelier bio représentent le tiers des installations dans les deux régions.
Le taux de maintien des installations aidées après cinq
ans d’activité s’établit
à un niveau
élevé, entre 98 et 99 % au cours des cinq dernières années, à rapporter au taux de maintien de
l’ensemble des
nouvelles entreprises à cinq ans (60,5 % selon
l’
Institut national de la statistique
et des études économiques - Insee)
. Néanmoins, l’écart avec le taux de maintien de l’ensemble
des installés n’était que de
huit
points au cours de la période. Il n’est pas démontré que la
performance
des installations aidées provienne de l’aide ou
résulte du profil des bénéficiaires
de la DJA, mieux formés et mieux préparés.
Le taux de maintien dans les filières qui recourent le plus à la DJA, élevage bovin mixte
et lait et polyculture/poly-
élevage, est en moyenne plus élevé. Néanmoins, l’écart avec des
filières qui recourent peu à la DJA, viticulture et grandes cultures,
n’
est que de deux à trois
points. Le maraîchage est la seule filière qui cumule faible taux de recours à la DJA et taux de
maintien après six
années d’exploitation
significativement plus faible. U
ne étude sur l’impact
de la DJA dans le secteur lai
tier montre que l’attribution de l’aide n’a pas d’effet
direct
55
Jeanneaux P., Wendling E., précité.
56
CGAAER, rapport n° 21050, précité, p. 47.
57
Sondage auprès des agriculteurs installés cité dans Hugonnet M,
Bilan des évaluations in itinere des programmes
de développement rural régionaux,
Analyse du CEP, 2021.
DES INSTRUMENTS D’AIDE À L’INSTALLATION
ET AU DÉMARRAGE,
INSUFFISAMMENT OUVERTS ET MOBILISÉS
59
significatif sur la productivité et la compétitivité ; e
lle s’accompagne en revanche d’un
agrandissement des structures de production. À terme, celui-ci pourrait avoir entraîné une
hausse de la productivité
58
.
c)
Un même outil qui finance des projets dont l’intensité d’investissement
varie significativement
À défaut
d’étude nationale sur le rapport entre DJA et investissements, le ministère s’est
appuyé sur une étude locale. Dans le Puy de Dôme, le coût de reprise initial représente le tiers
du coût d’installation pour un bénéficiaire de la DJA, les investissements réalisés au cours des
quatre années suivant l’installation représentant les deux tiers de ce coût.
Le coût moyen d’installation était d
e 310 368
€, dont 94
702
€ de coût de reprise et
215 667
€ d’investissements sur les quatre premières années d’exploitation. Cette moyenne
masque néanmoins une forte variation du coût d’installation, variation qui s’est accentuée entre
2007 et 2021, le coû
t d’installation allant de 20
000
€ à 1,07
M€.
Cela montre l’accroissement de la diversité de projets financés par la DJA
: une
installation dans des structures qui demandent un coût de reprise de plus en plus élevé cohabite
dans un même département avec des installations dans de petites structures requérant peu de
capital de départ et des investissements modérés.
III -
Un dispositif d’aide modifié dans le cadre de la politique
agricole commune 2023-2027
La politique agricole commune pour la période 2023-2027 et son application en France
par le plan stratégique national (PSN) se traduiront par une augmentation du budget consacré
au renouvellement des générations et par un pouvoir accru donné aux régions dans la définition
des aides à l’installation
.
A -
Le nouveau cadre de la PAC 2023-2027
Le plan stratégique national (PSN) pour 2023-2027 a été approuvé le 31 août 2022 par la
Commission européenne. Ce plan, qui résulte de concertations avec les régions, représente un
budget annuel de 9
Md€
cofinancé par les fonds européens et des crédits nationaux.
Les choix opérés par le PSN français pour soutenir l’activité des jeunes et nouveaux
agriculteurs et la création d’entreprises agricoles reposent
, comme lors de la programmation
2014-2022, sur trois axes : un soutien complémentaire au revenu financé par le FEAGA à
destination des jeunes agriculteurs
; un soutien à l’installation cofinancé par le FEADER et les
budgets régionaux qui couvrira, de manière différenciée, les jeunes et les nouveaux
agriculteurs ; un soutien aux investissements, également cofinancé par le FEADER et les
58
Hugonnet M., Dogot T., Combes J., Beck M., Van Bunnen P., Wathelet J-M.,
Contribution du programme de
développement rural hexagonal à la compétitivité du secteur laitier,
Analyse du CEP n° 131, 2018.
COUR DES COMPTES
60
régions, auquel tous les agriculteurs ont accès mais dont le taux de cofinancement est bonifié
et les règles d’attribution priorisées au bénéfice des jeunes agriculteurs
.
Au sein de l’échantillon de pays européens étudié par la Cour (
cf. annexe n° 13), seule
l’Espagne appliquera le même mix de dispositifs que la France, avec une grande autonomie des
régions pour leur définition. En Allemagne, les trois types d’aides seron
t mobilisés mais l
’aide
à l’installation des jeunes agriculteurs sera limitée à six Länder et le plafond surfacique de l’aide
compensatoire est portée à 120 hectares. Des pays ont fait des choix différents
: l’Italie
n’appliquera pas la bonification de l’aide aux investissements et le Danemark axera l’intégralité
de son soutien au renouvellement des générations sur l
’aide à l’installation des jeunes
agriculteurs, dont le montant pourra atteindre 100 000
€ par dossier. Il est à noter que parmi les
25 pays ac
tivant l’aide complémentaire, seuls trois, dont la France, ont choisi une dotation
forfaitaire. Tous les autres appliqueront une aide à l’hectare.
1 -
Un budget en hausse pour satisfaire la dotation minimale de 3 %
a)
Le plan financier indicatif
La maquette budgétaire de la programmation 2023-2027 est fournie par le plan financier
indicatif annexé au PSN. Elle a été construite sur la base du cadre financier pluriannuel 2021-
2027 adopté par le Conseil de l’Union européenne le 17 décembre 2020, des mesures prévues
dans le PSN et des règles budgétaires inscrites dans le règlement UE 2021/2115.
Tableau n° 3 :
dépenses prévisionnelles (PSN 2023-2027)
Contributions UE + France
(en M€)
2024
2025
2026
2027
Total
Feader
Total
Feader
Total
Feader
Total
Feader
75.01 Aide à l’installation
du jeune agriculteur
98,7
56,7
137,2
80,3
180,8
105,8
174,9
102,2
75.05 Nouvel installé
11,4
6,9
11,4
6,9
11,6
7
12
7,3
73.17 Investissements bonifiés
3,6
2,4
5,1
3,3
6,7
4,3
7,9
4,8
Total mesures 2
e
pilier
113,6
65,9
153,7
90,5
199,1
117,2
194,8
114,3
30. Aide complémentaire revenu
116,3
-
116,3
-
116,3
-
116,3
-
Total mesures 1
er
pilier
116,3
-
116,3
-
116,3
-
116,3
-
Total soutien installation
98,7
56,7
137,2
80,3
180,8
105,8
174,9
102,2
Source :
Cour des comptes d’après plan financier indicatif du PSN 2023
-2027
En 2026, année de pleine application de la nouvelle programmation, le budget global
consacré à l’installation des agriculteu
rs sera de de 315
M€
, financé à 74 % par les fonds
européens. Les mesures du deuxième pilier représenteront environ 200
M€ cofinancés à 59
%
par le FEADER, non incluses les mesures de soutien à l’investissement productif
on
farm
ouvertes à tous les agriculteurs mais bonifiées pour les jeunes agriculteurs.
Les dépenses consacrées à
l’aide à l’installation des jeunes agriculteurs
et à l’aide
complémentaire au revenu augmenteront de 22 %, passant de 243 à 297
M€, la contribution
nationale progressant de 123 % à 75
M€ alors que le cofinancement européen ne progresse que
DES INSTRUMENTS D’AIDE À L’INSTALLATION
ET AU DÉMARRAGE,
INSUFFISAMMENT OUVERTS ET MOBILISÉS
61
de 6 %, à 222
M€. Cette évolution contrastée s’explique par la diminution du taux de contribution
du FEADER à la DJA de 80 % à 60 % avec la nouvelle programmation.
L’aide spécifique
destinée aux nouveaux agriculteurs, qui atteindrait 11,6
M€ en 2026, ne représenterait que 4
%
des dépenses consacrées à l’installation contre 96
% destinés aux jeunes agriculteurs.
b)
L’obligation de dépenses minimales pour les jeunes agriculteurs
Avec cette maquette fi
nancière, la France respectera l’engagement de dotation minimale
en faveur du soutien aux jeunes agriculteurs inscrit à
l’article 95 du règlement UE 2021/2115
conduisant chaque État membre à consacrer annuellement au moins 3 % des crédits PAC en
faveur des jeunes agriculteurs, soit, pour la France, 218,55
M€. Trois types d’aides sont
comptabilisées dans cet effort
: l’aide complémentaire au revenu financée par le FEAGA, la
DJA et les aides à l’investissement pour les jeunes agriculteurs
, cofinancées par le FEADER
59
.
La France respectera cette règle en activ
ant l’aide complémentaire au revenu, les aides à
l’installation, et la moitié des soutiens aux investissements productifs agricoles dédiés aux
jeunes agriculteurs de la ligne 73.17 du PSN. Selon le plan financier indicatif, le total des fonds
communautaires dédiés à ces trois aides atteindra ainsi 224,3
M€ en 2026 et 220,9
M€ en 2027.
Toutefois, les investissements productifs des jeunes agriculteurs peuvent être financés par
deux mesures du PSN : i) la mesure 73.17, investissements bonifiés en faveur des jeunes
agriculteurs, qui leur est réservée et sera activée par six régions pour un montant moyen annuel
prévisionnel de 6,7
M€ et ii) la mesure 73.01, investissements productifs
on farm
, qui concerne
tous les agriculteurs et sera activée par toutes les régions pour un montant prévisionnel annuel
de l’ordre de 279
M€. Toutefois, seuls les crédits réservés aux jeunes agriculteurs (mesure
73-
17) sont pris en compte dans le PSN pour atteindre l’objectif de 3
%.
2 -
Les définitions du jeune et du nouvel agriculteur
Le règlement UE 2021/2115 dresse les grandes lignes des notions de « jeune agriculteur »
et de « nouvel agriculteur
» que le PSN définit plus précisément. S’agissant du «
jeune
agriculteur
», des critères généraux d’âge, de formation et de statut sont
fixés au niveau
européen et précisés dans le PSN. L’âge est fixé à 40 ans au plus à la date de la demande, soit
l’âge maximal de la réglementation européenne. Concernant la formation,
trois possibilités sont
prévues par le PSN,
fonction de l’équilibre entr
e formation et expérience professionnelle.
Introduit par le règlement 2021/2115, le statut de « nouvel agriculteur » prévoit un socle
de compétences minimales à fixer par les États. Le niveau de compétences fixé en France est
moins exigeant que pour le jeune agriculteur : diplôme de niveau III quelle que soit la spécialité
ou minimum de 24 mois d’expérience professionnelle dans le secteur de la production agricole.
59
Seule la moitié du financement FEADER des investissements bonifiés pour les jeunes agriculteurs peut entrer
dans le calcul.
COUR DES COMPTES
62
3 -
Des modifications structurantes apportées à l’aide
à l’installation des jeunes agriculteurs
Le règlement prévoit la possibilité d’attribuer l’aide à l’installation des jeunes agriculteurs
sous forme de subvention ou d’instrument financier dans le respect d’un plafond qui passe de
70 000
€ à 100
000
€.
La référence au plan de professionnalisation ne figure pas dans le plan stratégique national
comme élément attestant du niveau de compétence du jeune agriculteur. Si cette évolution était
confirmée par les
documents de mise en œuvre régionaux
, cela signifierait la rupture du lien de
conditionnalité
entre le suivi du parcours AITA et l’obtention de l’aide à l’installation des
jeunes agriculteurs.
La présentation et la mise en œuvre d’un plan d’entreprise restent une condition
communautaire de l’attribution de l’aide
. Le PSN définit les caractéristiques que doivent
respecter ces plans d’entreprise
: exposer «
l’ensemble des démarches concourant à la viabilité
et la durabilité du projet d’installation
» et comporter
a minima
une description du projet, des
données technico-économiques prévisionnelles et
la forme juridique de l’exploitation. Le PSN
indique aussi que «
le plan d’entreprise doit être considéré comme un cadre général guidant le
développement technico-
économique de l’exploitation après l’installation du bénéficiaire et
non comme une feuille de route précise à suivre strictement
. » Cette mention atténue la portée
du plan d’entreprise. Jusqu’à présent, même si le caractère contraignant du plan d’entreprise
avait été assoupli,
les bénéficiaires de la DJA s’engageaient à réaliser leur projet confor
mément
au plan d’entreprise (article D.
343-5 du CRPM).
Le montant de l’aide de base et des modulations n’est
pas déterminé par le PSN. La seule
indication concerne les types de modulations possibles : zonage territorial, caractéristiques du
projet d’inst
allation ou du porteur de projet (comme le niveau de formation). Enfin, le PSN ne
fait pas mention des engagements à respecter par le bénéficiaire de
l’aide à l’installation des
jeunes agriculteurs
tels qu’ils sont listés par l’article D.
343-5 du CRPM, et parmi lesquels
figurent le respect des normes en matière d’environnement, d’hygiène et de bien
-être animal,
ainsi que la tenue d’une comptabilité aux normes.
Le cadre législatif et réglementaire devrait
toutefois être complété et se stabiliser durant le premier semestre 2023
60
.
60
Le cadre du partage de compétences entre l’État et les régions
est précisé par la loi n° 2023-171 du 9 mars 2023
portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans les domaines de l’économie, de la
santé, du travail, des transpo
rts et de l’agriculture.
Elle
précise les conditions d’exercice du pouvoir réglementaire
dévolu aux régions autorités de gestion des aides et prévoit qu’elles s’assurent que les candidats aux aides à
l’installation (jeunes ou nouveaux agriculteurs) i) élaborent un projet global d’installation intégrant les aspects
économiques et environnementaux, ii) justifient de capacités professionnelles acquises ou en cours d’acquisition pour
la viabilité du projet. La loi prévoit aussi la possibilité de moduler l’aide en fonction de la souscription d’une assurance
contre les dommages causés aux exploitations ou de la réalisation d’un diagnostic de gestion des risques. La loi
prévoit également que les autorités de gestion régionales réalisent un bilan annuel public de la
mise en œuvre de la
politique d’installation et de transmission dans la région. Par ailleurs, le décret prévu au dernier alinéa du VI. de
l’article 78 de la loi n°
2014-58 a été publié le 3 janvier 2023 (décret n° 2023-5).
DES INSTRUMENTS D’AIDE À L’INSTALLATION
ET AU DÉMARRAGE,
INSUFFISAMMENT OUVERTS ET MOBILISÉS
63
4 -
L’instauration d’une aide pour les nouveaux installés
L’article 75 du règlement 2021/2115 (deuxième paragraphe) prévoit la possibilité
d’attribuer des aides à la création d’entreprises rurales liées à l’agriculture, possibilité repr
ise
par la mesure 75.05 du PSN «
aides à
l’installation du nouvel agriculteur
».
L’aide
est attribuable aux exploitants pour l’accompagnement d’une première
installation, sans condition d’âge. Dans sa partie «
définitions », le PSN conditionne le statut de
« nouvel agriculteur » à un niveau minimal et détaillé de formation.
La forme de l’aide, subvention ou instrument financier, son plafonnement à 100
000 €, sa
conditionnalité à un plan d’entreprise ainsi que l’absence de définition nationale d’un montant
de
base et de prescription de modulation sont similaires à
l’aide à l’installation des jeunes agriculteurs
.
5 -
L’aide complémentaire au revenu
La France a porté à 1,6 % des paiements directs le budget dévolu à cette aide versée de
façon uniforme sur l’ensemb
le du territoire. Elle a également opté pour son versement sous
forme d’un paiement forfaitaire par jeune agriculteur et non plus d’un paiement annuel découplé
par hectare admissible, comme c’était le cas précédemment.
La population éligible à cette aide est celle qui correspond à la définition du jeune
agriculteur, mais ne nécessite pas la présentation d’un plan d’entreprise. Malgré l’amélioration
que constitue l’introduction du critère de formation, il s’agit toujours, comme le critiquait la
Cour des comptes européenne
, d’une aide standardisée accordée indépendamment du projet du
jeune agriculteur, de la zone d’implantation et de son impact sur la viabilité de l’e
xploitation.
Le montant forfaitaire sera de 4 469
€ annuels versés pendant
cinq ans à partir de la date
d’installation, soit un total de 22
345
€, en hausse de 29
% par rapport au montant maximal de
l’ancienne programmation
61
. Avec cette évolution, l’ensemble des jeunes agriculteurs
s’installant dans le cadre d’une première installation verra son aide augmenter mais l’effet sera
différent selon la taille de l’exploitation. Selon les données MSA, la surface moyenne des
exploitations sur lesquelles se sont installés les jeunes agriculteurs en 2020 était de 34 hectares,
soit le plafond de l’ancienne mesure, et la moitié des jeunes agriculteurs se sont installés sur
des exploitations n’excédant pas 20 hectares. Il en découle que si cette aide augmente de 29
%
en moyenne, pour la moitié des jeunes agriculteurs, cette hausse sera de 119 %.
La majoration et la transformation en forfait plutôt qu’en aide plafonnée à la surface n’ont
pas été débattues au CNIT mais au Conseil supérieur d'orientation et de coordination de
l'économie agricole et alimentaire (CSO) de mai
et juillet 2021. Cette évolution n’a pas fait
l’objet d’étude d’impact global selon les orientations de production et la taille des exploitations.
L
e ministère indique que l’augmentation de l’enveloppe financière bénéficiera à l’ensemble des
jeunes agricul
teurs bénéficiaires de l’aide de base
sans pour autant expliquer en quoi une
augmentation uniforme était nécessaire.
61
Le montant de l’aide était, pour l’année 2021, de 102
€ par hectare plafonné à 34 hectares, soit un montant
maximal de 3 468
€ par an.
COUR DES COMPTES
64
B -
Des régions confortées dans leur rôle d’autorité
de gestion des aides non surfaciques
1 -
Un renforcement des compétences notable
Comme indiqu
é dans le chapitre 1, le rôle d’autorité de gestion des aides non surfaciques
du deuxième pilier des régions est renforcé. Le cadre européen établit des principes et des
définitions que le PSN, cadre national d’application, développe et précise.
À partir de 2023, les
régions disposeront de marges de manœuvre importantes concernant les dispositifs en faveur
de l’installation de jeunes et nouveaux agriculteurs puisqu’il leur reviendra, dans le respect du
PSN et des dispositions réglementaires prises pour son application, de fixer le cadre
réglementaire des aides à l’installation, dont les conditions d’éligibilité
.
Selon les termes de l’accord conclu avec l’
État, les régions deviennent compétentes pour
l’ensemble du processus de demande, de paiement, de contrô
le et, le cas échéant, de déchéance
des aides. Les effectifs et moyens nécessaires leur seront transférés.
2 -
Les choix régionaux dans le plan stratégique national
Le plan stratégique national (PSN) est un document national élaboré en concertation avec les
régions qui indique les choix de mesures opérés par celles-
ci. Toutes les régions ont indiqué qu’elles
appliqueraient les aides à l’installation du jeune agriculteur et les aides investissements productifs
on farm
(mesure 73.01), dispositif non spécifique aux installés. La mesure spécifique de soutien à
l’investissement des jeunes agriculteurs (mesure 73.17)
, essentiellement pour des raisons de
calendrier
62
,
et l’aide à l’installation du nouvel agriculteur (75.05) n’ont été sélectionnées que par
cinq régions métropolitaines. Par ailleurs, les mesures inscrites dans le PSN seront complétées par
des dispositifs développés par les régions en dehors des financements FEADER.
62
La mesure 73.17 n’a été introduite qu’en fin de négociation, au moment où il est apparu que les aides attribuées
aux jeunes agriculteurs dans le cadre de la mesure générale de soutien aux investissements (73.01) ne pourraient
pas être comptabilisées au titre de l’obligation de montant minimal décrit ci
-dessus. Dès lors, peu de régions ont
eu la possibilité d’inscrire cette mesure dans leur proposition.
DES INSTRUMENTS D’AIDE À L’INSTALLATION
ET AU DÉMARRAGE,
INSUFFISAMMENT OUVERTS ET MOBILISÉS
65
______________________ CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS ______________________
Cofinancée par l’UE, l’État et les régions, la politique française d’appui à l’installation
en agriculture repose sur
des actions d’information, de conseil et de professionnalisation
destinées à accompagner
l’installation et
sur des dispositifs financiers
d’aide à la trésorerie,
aux investissements et au revenu des agriculteurs nouvellement installés. Le transfert de
l’autorité de gestion des aides non surfaciques du deuxième pilier aux régions et la mise en
œuvre de la nouvelle PAC, toutes deux intervenant à partir du 1
er
janvier 2023, entraîneront
des changements profonds mais ne remettent pas en cause cet équilibre.
Ces deux piliers sont cohérents car ils contribuent à accompagner jusqu’à l’installation
une population de nouveaux agriculteurs dont les compétences ont été confirmées et dont le
projet économique est
réputé viable à travers l’examen du plan d’entreprise. Ainsi, les risques
d’incompétence de l’exploitant et de non viabilité du projet sont minimisés.
Centrale dans le dispositif d’aide, la DJA n’atteint pas les objectifs de taux de recours
fixés. Elle est perçue par un tiers des nouveaux installés et par la moitié des moins de 40 ans.
Alors qu’une part de plus en plus importante des installations
est le fait de profils extérieurs au
monde agricole ou en reconversion professionnelle, les contributions publiques sont toujours
concentrées à 91 % sur les moins de 40 ans.
La mise en œuvre de la nouvelle PAC n’a pas été
l’occasion de réviser cette logique déséquilibrée en faveur
de cette population.
L’attraction de nouveaux candidats à l’installation appelle un
renforcement et une
structuration des moyens consacrés à l’émergence des projets et à l’accompagnement de la
transition professionnelle. Par ailleurs, tant ces nouveaux publics que les candidats plus
classiques ont besoin de renforcer leurs compétences pour pouvoir gérer des exploitations
viables, vivables et résilientes tout en contribuant à la transition agro-écologique. Au sein des
structures labellisées du PAITA, ils peuvent trouver les interlocuteurs et les services en
adéquation avec leur profil et leur projet. C
e n’est
cependant
pas le cas sur l’ensemble du
territoire. En contradiction avec les engagements pris au moment de la labellisation, nombre
de structures labellisées échouent à développer des partenariats pour prendre en charge des
projets atypiques et novateurs et fournir les formations nécessaires pour accompagner les
modifications structurelles de l’agriculture française
.
Le plan d’entreprise, élément central de la préparation à l’installation et critère
d’attribution de l’aide à l’installati
on des jeunes agriculteurs, ne traite pas des risques sociaux
et de la charge de travail sur l’exploitation, ni des risques liés à la multiplication des aléas
climatiques, sanitaires et de marché. Il ne fournit pas non plus aux instances responsables de
la
sélection des candidats une évaluation de l’impact écologique de leurs projets.
Le plan
stratégique national (PSN) pour la période 2023-
2027, qui définit le plan d’entreprise comme
un cadre général guidant le développement technico-
économique de l’exploit
ation et non
comme une feuille de route à suivre strictement, précise néanmoins que celui-ci doit exposer
l’ensemble des démarches concourant à la viabilité et la durabilité de leur projet d’installation.
Le PSN entraînera une hausse des moyens consacrés à
l’aide à l’installation des jeunes
agriculteurs
et à l’aide complémentaire de 22
% par rapport à la précédente programmation,
passant de 243 à 297
M€ en année pleine
. Conséquence du choix de la majorité des régions de
ne pas inscrire dans le PSN une aide aux nouveaux agriculteurs
(non éligibles à l’aide aux
jeunes agriculteurs), le budget qui sera consacré à cette mesure restera limité.
COUR DES COMPTES
66
La Cour atti
re l’attention des régions sur l’importance, d’une part, de rééquilibrer les
dispositifs de soutien en faveur des plus de 40 ans, et d’autre part, de conserver des critères
d’éligibilité exigeants pour l’attribution des aides
, afin de
réserver l’attributio
n de
l’aide à
l’installation des jeunes agriculteurs aux dossiers présentant un plan d’entreprise
viable et
durable
et aux candidats ayant mis en œuvre leur plan de professionnalisation personnalisé.
L
’irrespect des normes sanitaires, environnementales et
de bien-être animal devrait rester une
cause de déchéance des aides.
Ces constats amènent donc la Cour à formuler la recommandation suivante :
2.
conditionner la désignation des structures chargées
du programme d’accompagnement à
l’installation et à la transm
ission, à
l’engagement de nouer des partenariats
représentatifs
des divers modèles agricoles et en contrôler le respect. (MASA, 2024).
Chapitre III
Une transmission à mieux orienter
vers des exploitations durables
Le volet « transmission
» de la politique d’installa
tion et de transmission en agriculture
est sous-investi alors même que cette étape soulève de nombreuses questions et peut constituer
un réel levier pour le renouvellement des générations.
Les aspects patrimoniaux individuels représentent une dimension essentielle du sujet au
moment de la cession ou de la donation, mais non la seule. La transmission, qu’elle intervienne
lors
de la retraite ou d’un changement professionnel, est aussi le moment où s
e vérifie la
transmissibilité de l’exploitation
et où peut se jouer la pérennisation ou la transformation de la
ferme
. C’est
donc une occasion
propice à l’orientation
des pratiques et des structures de
production vers les objectifs de la politique agricole.
Au regard des résultats contrastés de dispositifs publics longtemps conçus pour
accompagner la réduction du nombre d’agriculteurs et d’exploitations et désormais
destinés à
faciliter la transmission (I), il apparaît nécessaire de mieux tenir compte des causes structurelles
aux difficultés de transmettre et
d’acc
éder aux exploitations (II). Les instruments en faveur de
la transmission et de
l’
installation devraient aussi être davantage orientés vers la durabilité
économique, sociale et environnementale des exploitations et proposer des solutions et un cadre
de gestion adaptés à la diversité des nouveaux agriculteurs (III).
I -
De l’encouragement des départs à l’accompagnement
de la transmission : un changement d
’approche
Longtemps la politique menée à l’échelle de l’Union européenne et de la France a eu pour
objet et
pour effet d’encourager le départ des agriculteurs les plus âgés. L’objectif était, en
réduisant le nombre de fermes, de faire place à des exploitations plus grandes et mieux équipées,
et de promouvoir une nouvelle génération d’exploitants à même de mener
ces entreprises. Ainsi
jusqu’à la fin des années 1990, plusieurs dispositifs ont ouvert la possibilité de quitter
l’agriculture
. Les difficultés rapportées par les cédants de trouver des repreneurs - difficultés
qu’il reste difficile de documenter
- ont conduit, à partir du début des années 2000, à mettre
l’accent sur
le soutien à la transmission.
COUR DES COMPTES
68
A -
Une politique publique longtemps orientée vers la réduction
du nombre d’agriculteurs et d’exploitations
En France, deux types de mesures ont favorisé la fin
d’act
ivité des agriculteurs âgés.
D’une part, a été
créé
en 1952 puis s’est
développé
un régime d’assurance retraite
, dont
les principaux paramètres (âge de départ en retraite, assiette, niveau de cotisation et de pension,
obligation de retraite complémentaire) ont évolué dans un sens favorable aux exploitants et à
leur famille
: alignement de l’âge de départ en retraite par rapport au régime général, assiette
sur les revenus professionnels, alignement des cotisations et des pensions en 1990, retraite
complémentaire obligatoire en 2002, âge de départ légal porté à 62 ans en 2010, pension
minimale garantie à 75 % du SMIC en 2014, pension minimale garantie à 85 % du SMIC
63
pour
les chefs d’exploitation en 2021, extension de la retraite minimale aux conjoints et ai
des
familiaux en 2022. Un agriculteur peut prendre sa retraite à 62 ans mais une durée d’assurance
de 166 à 172 trimestres est requise pour percevoir une retraite à taux plein. À partir de 67 ans,
la retraite peut, sans condition, être liquidée à taux plein.
D’autre part, se sont succédé des dispositifs encourageant la cessation
anticipée
d’activité
des agriculteurs les plus âgés : en 1962, une indemnité viagère de départ destinée à favoriser
l’ajustement structurel de l’agriculture par regroupement du fonc
ier, puis en 1992, 1995 et 1998,
trois dispositifs successifs de pré-retraite
destinés à favoriser l’agrandissement
et la
transmission,
l’installation de jeunes agriculteurs
et à permettre l’arrêt anticipé pour des raisons
de santé ou pour des raisons économiques.
L’indemnité viagère
64
était proposée quand la cession des terres permettait une
concentration. Composée d’une prime au départ
(3 500
)
et d’une somme annuelle de
complément de retraite (229
€ pour un homme marié), elle aurait bénéficié à plus de
500 000 personnes pour un total évalué à 1,75
Md€ de prime
s de départ (3 500
€ par bénéficiaire)
et 482,6 M€ d’indemnités viagères entre 1999
et 2004, et 105,9
M€ entre 2017 et 2021. En 2021,
le dispositif comptait moins de 35
000 bénéficiaires pour un montant d’environ 15
M€.
Le dispositif de préretraite de 1992 a concerné 78 820 ayants droit et aurait favorisé la
libération anticipée de 1,4 Mha dont plus de 80 % pour
l’agrandissement des fermes
65
. Le
dispositif de 1995 a concerné 69 620 ayants droit et aurait permis de libérer 670 000 ha dont
plus de 60
% orientés vers l’installation. Le dispositif de 1998
-2000 a concerné 51 908 ayants
droit. Les moyens consacrés à ces trois dispositifs de pré-retraite et qui ont concerné au total
200 348 ayants droit, ne semblent pas connus de manière exhaustive. Pour illustration, ils
s’élevaient à 219
M€ en 1994 et ont représenté 378,1
M€ entre 1999 et 2004.
63
À l’automne 2022, le
montant du SMIC horaire brut est de 11,07
€, le montant du SMIC mensuel brut pour une
personne à temps plein est de 1 678,95
€ et celui du SMIC mensuel net de 1
329,05
€.
64
Mesure instaurée par la loi n° 62-933 du 8 août 1962 (modifiée par la loi n° 78-1239 et complétée par le décret
n° 84-84) et fermée depuis 1990, elle aurait bénéficié à plus de 500
000 agriculteurs (Graph’Agri p. 170). Selon le
rapport de la Commission des comptes de l'agriculture de la nation sur les concours publics 2018, la mesure concernait
55 000 bénéficiaires en 2017 (29
M€). La population bénéficiaire s'érode : 119
700 personnes en 2010, 80 400 en
2014, 55 000 en 2017 et 35 100 en 2020 pour 16
M€ en 2020 (y compris conjoints survivants bénéficiaires).
65
Les données concernant ce paragraphe sont issues de la fiche Ensemble 122
: Cessation d’activité établie par la
direction des affaires financières et de la logistique du ministère de l’agriculture en décembre 2005.
UNE TRANSMISSION À MIEUX ORIENTER VERS DES EXPLOITATIONS DURABLES
69
Selon le centre d’étude et de prospective du ministère de l’agriculture, la réforme de 1990,
qui a eu pour corollaire la hausse du coût du point par rapport au montant des pensions, a
accéléré les départs. Les mesures successives de pré-retraite ont aussi contribué, entre 1988 et
2000, au rajeunissement de la population de
s chefs d’exploitation
66
. Ces mesures ont concerné
plus de 700 000 agriculteurs pour un coût estimé entre 2,5 et 3
Md€ pour la rent
e viagère et
entre 800
M€ et 1
Md€ pour les préretraites.
À
l’inverse, la réforme de 2010 (relèvement
progressif de l’âge de la retraite, allongement des cotisations) a conduit à un report des départs
et accentué le vieillissement des agriculteurs entre 2000 et 2016.
L
a volonté d’anticiper des cessations d’activité n’apparaît aujourd’hui
plus prioritaire.,
Ces instruments éprouvés
pourraient, à l’avenir, être couplés
, comme cela a été le cas dans le
courant des années 1970, avec des mesures de soutien aux nouveaux installés. En effet, dans sa
Communication sur la politique agricole commune après 2020 du 29 novembre 2017, la
Commission n’excluait pas de recourir à nouveau à ce
type de mesures.
B -
Au tournant des années 2000, des objectifs et des instruments révisés
pour améliorer les chances de transmission des exploitations
Ill
est difficile, faute de données, d’appréhender
avec précision les conditions dans
lesquelles s’effectue
nt les transmissions et les difficultés qui peuvent être rencontrées. Des
instruments ont été conçus pour sensibiliser les cédants et les encourager à anticiper cette étape,
pour faciliter la rencontre avec les preneurs et bénéficier d’un environnement fis
cal favorable.
1 -
Des obstacles à la transmission difficiles à apprécier
La baisse du nombre des chefs d’exploitations et du nombre des exploitations est le
produit d’autant de cas individuels de cessation d’activité agricole et de transmission des outils
de production. Selon
l’
analyse déjà mentionnée du suivi, entre 2000 et 2007,
d’exploitations
concernées
par le départ en retraite du chef d’exploitation,
la transmission à l’identique avait
concerné 50 % des cas, le démantèlement pour agrandissement ou création de nouvelles
structures 40
% et la disparition de l’activité 10
%
67
. Ces chiffres montrent que, la SAU restant
stable, la vocation agricole des terres a été maintenue et que les transmissions ont été opérées
au sein du monde agricole.
Pourtant, différents travaux
68
et la plupart des professionnels et opérateurs rencontrés
rapportent les difficultés des cédants pour trouver des repreneurs. Plusieurs causes sont
évoquées, dont certaines de nature systémique (Cf. II
. infra
), mais les données manquent.
Le te
mps de publication d’une annonce
au répertoire national départ installation (RDI),
mal connu,
n’est
, par exemple,
pas représentatif d’une difficulté à transmettre
. Le répertoire
recense en effet peu d’offres (2
641 exploitations à l’automne 2022, à rapport
er à environ
21
000 cessations d’activité de chefs d’exploitations par an) et ne permet pas de savoir combien
66
Actif’Agri, p. 171.
67
Cf.
La transmission des exploitations agricoles
, Agreste
Les Dossiers, n° 29
septembre 2015.
68
CESE, Entre transmettre et s’installer, l’avenir de l’agriculture, Juin 2020, p. 28 et s. et p. 45 et s.
COUR DES COMPTES
70
de temps une annonce cherche preneur. De plus, les cédants peuvent faire figurer leur offre dans
les trois ans qui précèdent la date anticipée de la fin de leur activité.
De même, le nombre des retraités temporairement autorisés à poursuivre leur activité
s’il
s
ne peuvent céder leur exploitation dans les conditions normales du marché ou en cas de raisons
indépendantes de leur volonté (article L. 732-40 du CRPM) est inconnu de la MSA et du
ministère de l’agriculture. Ce nombre constituer
ait pourtant un indice intéressant.
Matérialiser et mesurer la fluidité ou les difficultés de transmission des exploitations
mériterait un travail économique et statistique ou une méta-analyse complète.
2 -
Des mesures destinées à sensibiliser les futurs cédants, à anticiper la transmission
et à faciliter la rencontre ou la coopération avec les preneurs
a)
Des réunions de sensibilisation et d’information collective
Prévues et financées par le volet 6 du programme AITA consacré aux actions
d’animation et de communication destinées aux agriculteurs et à ceux qui souhaitent le
devenir
69
,
des réunions de sensibilisation et d’information collective
sur le thème de la
transmission sont proposées aux futurs cédants, parfois ouvertes aux candidats repreneurs.
En 2020, en Nouvelle-Aquitaine, 309 réunions de ce type ont eu lieu et réuni, suivant
un format variable, 5 404 participants.
b)
Des courriers et des prises de contact individuels
U
ne déclaration d’intention de cessation d’activité agricole
(DICAA) doit être adressée
par l’exploitant au moins trois ans avant la date à laquelle il projette de cesser son activité
(article L. 330-5 du CRPM). Cette déclaration conditionne la possibilité, le moment venu et
dans les conditions prévues par les articles L. 732-39 et L. 732-40 du CRPM, de cumuler
perception de la pension de retraite et activité. Les services chargés de gérer les retraites
informent chaque exploitant de cette obligation quatre
ans avant qu’il n’atteigne l’âge légal
de départ en retraite. La chambre
d’agriculture
est chargée de suivre les déclarations et
d’orienter l’exploitant en fonction de son projet. Sauf avis contraire du déclarant, elle diffuse
la déclaration concernant les exploitations libres.
Toutefois, ni Chambres d’
Agriculture France, ni la MSA ne connaissent le nombre de
DICAA adressées par la MSA et le nombre de formulaires reçus en retour par les chambres.
Les organisations professionnelles rencontrées ont par ailleurs souligné le caractère abrupt du
courrier joint au formulaire, qui
conduirait nombre d’agriculteurs
à ignorer la démarche. Un
69
Ces actions
ont pour objet i) la sensibilisation au métier d’agriculteur, à l’installation et
à la transmission, ii) la
sensibilisation au test d’activité agricole, la coordination et l’animation des espaces test agricoles, iii) le repérage
et la sensibilisation des cédants au niveau des territoires et/ou des filières, l’incitation à l’inscription
au RDI, iv)
l’accompagnement individuel et collectif des futurs cédants pour la préparation à la transmission (PAIT), v) la
mise en relation entre cédants et repreneurs, individuelle ou collective («
farm-dating
», visites de fermes,
entretiens, cafés-rencontres). Les dépenses annuelles de
l’État sur ce volet s’élèvent environ à 3,5
M€
. Comme
l’ensemble des actions financées par le programme AITA, celles
-ci sont réalisées par des opérateurs choisis sur
appel à projets national qui conventionnent localement avec des partenaires opérationnels.
UNE TRANSMISSION À MIEUX ORIENTER VERS DES EXPLOITATIONS DURABLES
71
travail a été engagé en 2022 par le syndicat JA,
Chambres d’agriculture
France et la CCMSA
pour optimiser le traitement de la DICAA, en améliorer les retours et permettre ainsi un
meilleur repérage des cédants et la mise en place d’actions ciblées sur les territoires
. Il serait
souhaitable que ces actions soient mises
en œuvre
dès 2023.
Parallèlement, dans le cadre du contrat d’objectifs et de performance conclu avec l’
État,
les chambres d’agriculture doivent repérer et contacter
, directement ou
via
un partenaire, les
agriculteurs atteignant 57 ans durant l’année
70
. En 2020 et 2021, selon Chambres
d’agriculture France, respectiveme
nt 15 050 agriculteurs sur 15 900 et 14 598 sur 14 998 ont
ainsi été contactés cinq ans avant d’atteindre l’âge légal de départ en retraite. La consistance
de ce contact n’est toutefois pas connue. Par ailleurs, ce repérage des cédants peut s’avérer
difficile dans certaines régions. En 2020, en Nouvelle-Aquitaine, 559 repérages avaient été
effectués, occasionnant 67 000
€ de dépenses
, alors que 1 690 étaient programmés (pour
202 400
€), ce faible taux de réalisation étant attribué à un protocole exigeant la signature de
conventions avec les territoires ou des filières et la mise en place d’un comité d
e pilotage.
c)
Des entretiens de sensibilisation et d’information personnalisés
Des rendez-vous de bilan individuel peuvent être proposés aux futurs cédants, dans
certains départements avec un agent de la MSA, afin de faire à la fois le point sur les droits à
pension et sur le devenir de l’exploitation. Dans un contexte caractérisé par la volonté de
promouvoir l’installation de nouveaux agriculteurs, ces entretiens peuvent permettre de
sensibiliser les cédants à cette possibilité. En 2020, en Nouvelle-Aquitaine, 956 entretiens ont
été réalisés sur 1 160 prévus, avec un bon retour des agriculteurs concernant les entretiens
réalisés, notamment en binôme avec la MSA.
L’intérêt de l’échange apparaît toutefois très dépendant des interlocuteurs et de leur
connaissance des règles et/ou dispositifs de soutien pouvant être proposés.
L’information et
les conseils délivrés à cette occasion demandent à être soigneusement préparés, les situations
individuelles pouvant s’avérer, s’agissant des droits à pension,
d’une grande
complexité
(poly-activité, cotisations simultanées ou successives auprès de différents régimes, etc.).
Les conseils délivrés pour préparer et le cas échéant orienter la transmission de la ferme
vers de nouvelles installations ou des remembrements utiles, ne peuvent être prodigués au
cours
d’un unique entretien
et nécessite un travail attentif pour bien prendre en compte le
devenir de l’entreprise
et
du chef d’exploitation, ce qui n’est pas toujours le cas.
d)
Des instruments personnalisés de préparation à la transmission
En complément des entretiens précités, le volet 5 du programme AITA «
Incitation à la
transmission via l’accompagnement individuel des cédants en amont de la transmission et les
aides aux propriétaires bailleurs
» prévoit quatre instruments personnalisés qui peuvent être
proposés aux cédants.
70
Indicateur principal du domaine d’activité stratégique 1.1 du
C
ontrat d’objectifs et de performance entre l’État
et le ré
seau des chambres d’agriculture 2021
-2025, action du volet 6 du programme AITA.
COUR DES COMPTES
72
Tableau n° 4 :
crédits engagés
par l’État pour quatre actions du volet 5 du programme
AITA entre 2017 et 2021
Régions
Nombre
d’exploitations
Diagnostic
de
l’exploitation
à céder
(€)
Aide à
transmission
de
l’exploitation
inscrite au
RDI
(€)
Aide à la
transmission
globale du
foncier
(€)
Prise en
charge du
conseil en
amont de la
transmission
(€)
Total/Région
(€)
Auvergne-Rhône-Alpes
48 493
856 982
1 027 000
0
0
1 883 982
Bourgogne-Franche-Comté
23 700
172 578
32 500
0
0
205 078
Bretagne
26 347
0
0
0
0
0
Centre-Val de Loire
19 916
125 420
116 000
3 000
0
244 420
Grand Est
41 000
41 430
36 000
3 000
3 000
83 430
Hauts-de-France
23 463
0
0
0
0
0
Ile-de-France
4 425
0
0
0
0
0
Normandie
26 510
7 440
24 000
91 500
0
122 940
Nouvelle-Aquitaine
64 200
669 274
600 000
79 500
74 845
1 427 619
Occitanie
64 370
100 497
258 500
0
0
358 997
Pays de la Loire
26 409
380 750
30 000
4 500
283 000
698 250
Provence-Alpes-
Côte d’Azur
18 025
3 200
16 000
0
0
19 200
Corse
0
0
0
0
0
Total
2 357 571
2 140 000
181 500
360 845
5 043 916
Source : Cour des comptes, à partir des données transmises par la DGPE présentées en CNIT de mars 2021
En amont de la transmission, la réalisation d’un
diagnost
ic de l’exploitation à céder
vise
à améliorer la connaissance du futur cédant et des futurs acquéreurs sur la consistance et la
valeur de l’exploitation. Pour l’encourager, un financement public est proposé, à hauteur de
1 500
€. Entre 2017 et 2021,
1 687 agriculteurs ont bénéficié de ce dispositif. Ce nombre est
faible rapporté au nombre d’exploitants cessant leur activité chaque année. C
ertaines
organisations professionnelles ont fait valoir que le montant proposé était loin de couvrir le coût
d’une telle prestation, qu’elles estimaient avoisiner 10
000
€.
Enfin, pour accompagner les futurs cédants (entre 52 et 57 ans), des prestations de conseil
peuvent être financées dans la limite de 1 500
et 80 % de la dépense engagée. Entre 2017 et
2021, 248 personnes en ont bénéficié, ce qui paraît anecdotique.
e)
Le répertoire départ-installation
Pour faciliter la mise en relation des cédants et des preneurs,
la création d’un répertoire
départ-installation (RDI) pour faciliter les mises en relation entre cédants et repreneurs a été
prévue depuis 1995 dans chaque département
71
. La tenue de ce répertoire est confiée à la
71
Créés par l’article 33 de la loi n°
95-95 du 1
er
février 1995 de modernisation de l’agriculture (article L. 330
-2 du
CRPM devenu article L. 330-
5). Jusqu’en 2010, ces répert
oires étaient tenus par les ADASEA et relèvent depuis
des missions des chambres d’agriculture (4° de l’article L. 511
-4 du CRPM issu du décret n° 2010-1689 du
29
décembre 2010. La finalité des répertoires a été précisée par l’article 3 de l’arrêté du 28 dé
cembre 2016.
L’amélioration de leur tenue avait été recommandée dans le dernier rapport de la Cour sur les aides à l’installation.
UNE TRANSMISSION À MIEUX ORIENTER VERS DES EXPLOITATIONS DURABLES
73
chambre départementale d’agriculture (D. 330
-3) que le cédant doit mandater pour y faire
figurer son exploitation. L’ensemb
le des offres figurent sur le site national, le répertoire départ
installation étant
mis à disposition du public par le réseau des chambres d’a
griculture. Doté
d’un moteur de recherche, il cible les offres en fonction des caractéristiques du projet du
repreneur (département, orientation technique, superficie…).
Pour
encourager les cédants à réaliser le diagnostic d’exploitation (
cf.
supra
) et à rendre
publique leur intention de passer le relais, une prime de 4 000
au maximum, versée lors de la
cession à un bénéficiaire de la DJA, est prévue si le cédant inscrit son offre au RDI. On compte
609 bénéficiaires entre 2017 et 2021.
Chambres d’
Agriculture
France n’a pu transmettre d’analyse concernant l’activité des
RDI, suivie à l’échelle régionale par les chambres régionales d’agriculture
72
, ni préciser le
montant des moyens alloués à chaque chambre par l’État pour cette mission.
La DGPE et
Chambres d
Agriculture
France devraient porter davantage d’attention à cet instrument et aux
moyens prévus pour son fonctionnement. Une mise en réseau des RDI départementaux et la
réalisation d’une base nationale
paraît par ailleurs indispensable.
f)
Des actions de mise en relation
Différents types d’actions de mise en relation individuelle ou collective sont prévues dans
le cadre du volet 6 du programme AITA : «
farm-dating
», visites de fermes, entretiens, cafés-
rencontres. Le décompte de ces actions est effectué à l
’échelle régionale mais ne fait pas l’objet
d’une synthèse nationale
73
, ce qui rend difficile leur appréhension et le bon calibrage des
moyens à leur consacrer,
alors même qu’elles présentent
un réel intérêt.
L’analyse plus fine réalisée à l’échelle région
ale de ces instruments souligne les avantages
comparés des différents modes de mise en relation : les mises en relation collectives par
orientation de production apparaissent par exemple plus appréciées que la visite chez le cédant
d’un groupe de repreneur
s indifférenciés ; dans les mises en relation individuelles, la présence
d
un conseiller assurant le lien entre cédant et repreneur potentiel apparaît rassurante pour le
cédant. En Nouvelle-Aquitaine, en 2020, on dénombrait 43 MER collective (484 participants)
et 339 MER individuelles.
g)
Des dispositifs de coopération entre cédants et repreneurs
La possibilité d’un soutien public dans le cas d’une coopération dans le cadre de la
succession d’exploitations agricoles
est prévue et a été maintenue dans le cadre de la nouvelle
PAC (6. de l’article 77 du Règlement (UE) 2021/2115)
mais seule une région métropolitaine,
l’
Île-de-France, a activé cette possibilité .
72
Par exemple, le compte rendu annuel publié par l’ORIT de Nouvelle
-
Aquitaine en 2021 indiquait qu’en 2020,
1 400 candidats à une reprise étaient inscrits au RDI de Nouvelle-Aquitaine et que 1 000 offres étaient gérées, le
total des consultations du site s’étant élevé à 500
000.
73
La DGPE précise qu’il est impossible de dénombrer les bénéficiaires finaux du volet 6 et que les st
atistiques sur
le nombre de dossiers du volet 6 sont difficiles à exploiter en raison de l’hétérogénéité de la conception du terme
« dossier » (un dossier par structure ou par groupe de structures répondant à un appel à projets).
COUR DES COMPTES
74
Dispositif d’application générale adapté à l’agriculture, l’aide au contrat de génération en
agriculture
, qui prévoyait d’encourager
un futur cédant à employer un jeune salarié ou un
stagiaire dans la perspective de lui céder son exploitation (ou ses parts sociales) a été
abandonnée en 2017
, faute d’agriculteurs y ayant recouru
74
.
Des formes plus pratiques d
e coopération sont toutefois maintenues et font l’objet d’un
retour positif de la part des repreneurs : espaces-tests agricoles chez un agriculteur permettant
à un candidat à l’installation de tester son projet (52 en 2020 en Nouvelle
-Aquitaine), stages de
parrainage qui donnent
au candidat à l’installation une formation pratique sur la conduite de
l’exploitation agricole à reprendre ou dans laquelle s’associer. Le parrainage permet ainsi de
pérenniser un emploi au sein d’une entreprise viable qui pourrait
être démembrée
en l’absence
de repreneur
, de tester l’intégration du candidat à l’installation dans une exploitation agricole
déjà constituée, ou de permettre un tuilage entre cédant et repreneur.
3 -
De multiples incitations fiscales à la transmission
De nombreux dispositifs fiscaux peuvent être rattachés à la politique de transmission des
exploitations. Le rapport d’information déposé en 2015 par la commission des finances de
l’Assemblée nationale en conclusion des travaux d’une mission d’information sur la
fiscalité
agricole avait recensé les mesures en vigueur, réparties en fonction de leur objet principal. La
plupart d’entre elles demeurent actives en 2022 et figurent au nombre des mesures de soutien à
l’installation
-transmission recensées par le ministère
de l’agriculture.
Détaillées en annexe n° 15, elles se répartissent entre des mesures destinées à alléger les
droits de mutation à titre onéreux, les droits de mutation à titre gratuit,
l’imposition des plus
-
values professionnelles lors de la transmission et
l’imposition au titre de l’impôt sur la fortune
immobilière. Des dispositifs de droit commun permettent également
d’atténuer le coût de la
transmission de l’exploitation agricol
e : le démembrement de propriété, l
’étalement du
paiement des droits dus lors de la transmission, la déductibilité des droits.
L’efficacité de ces mesures fiscales n’a pas été évaluée et leur coût n’est pas toujours
connu compte tenu de leur caractère transversal et de la difficulté de savoir dans quelle mesure
elles sont mobilisées par les agriculteurs. Si la plupart ont pour objectif de favoriser le maintien
de l’activité économique en consentant un avantage fiscal qui profite au patrimoine du cédant,
il apparaît difficile de mesurer leurs effets sur l’activité agricole.
4 -
Un ensemble de mesures intéressantes mais insuffisamment promues
et non évaluées
Les actions et les instruments décrits font, au niveau régional,
l’objet d’analyses au sein
des commissions et comités installation-transmission qui réunissent tous les acteurs intéressés
et sont
animés par les chambres d’agriculture
. Les observatoires régionaux installation-
transmission (ORIT), là où ils existent, produisent et présentent un bilan annuel en CRIT. Mais
les actions menées et les instruments activés ne font l’objet d’au
cune synthèse nationale de la
74
L’article L. 330
-4 du CR
PM créé par la loi d’avenir pour l’agriculture du 13 octobre 2014 a été abrogé par
l’article 2 de l’ordonnance n°
2017-1718 du 20 décembre 2017.
UNE TRANSMISSION À MIEUX ORIENTER VERS DES EXPLOITATIONS DURABLES
75
part de l’État, de Régions de France, de Chambres d’agriculture France ou de la MSA, ce qui
nuit à leur accessibilité et à la réflexion générale.
En effet, si la singularité des situations individuelles et la complexité des dispositifs
d’aides comme des démarches administratives justifient que les cédants
et les preneurs
recourent à des conseillers, il apparaît souhaitable qu
’ils
puissent aussi accéder directement à
plus
d’informations concernant l’installation et la transmiss
ion. Or, par exemple, le site du
ministère chargé
de l’agriculture ne consacre aucune entrée à
cette politique et
n’oriente
vers
aucun des documents pratiques élaborés par plusieurs acteurs compétents
75
. Par ailleurs,
s’agissant d’une politique publique
partagée avec les régions et déléguée pour partie au réseau
des chambres d’agriculture et à de nombreux opérateurs, la qualité et la fiabilité des données
permettant d’apprécier la réalité, l’efficacité et la cohérence de sa mise en œuvre
revêt une
grande importance.
Un effort significatif doit être mené concernant la collecte, le traitement et la mise à
disposition des données et des informations.
En outre, hormis les mesures fiscales transversales, les instruments de politique publique
orientés vers la transmission sont peu nombreux, dotés de peu de moyens et restent peu
mobilisés par les agriculteurs, soit
qu’ils
n’éprouvent pas la nécessité de préparer la
transmission
, qu’ils ignorent l’existence de ces instruments ou qu’ils préfèrent obtenir des
conseils
ou faire réaliser des évaluations auprès d’autres professionnels (centres de gestion ou
notaires par exemple). Au regard de l’intérêt qui s’attache à mieux anticiper les transmissions
d’exploitation et à
renforcer la fluidité du marché, ces outils doivent être maintenus et
améliorés.
C
ontrairement aux dispositifs en faveur de l’installation, les outils susceptibles d’agir sur
la transmission relèvent à ce jour
essentiellement de l’État, des chambres d’agriculture et de la
CCMSA et sont à ce titre peu touchés par le renforcement du rôle des régions en qualité
d’autorité de gestion du FEADER. Un nouveau schéma d’ensemble clarifiant le rôle de chacun
reste en conséquence à définir
, dans le cadre de la concertation préalable à la loi d’orientation
prévue en 2023
76
.
75
À la suite d’un
appel à projets visant à proposer des actions de portée nationale en faveur de la transmission des
exploitations agricoles et de l'accompagnement des cédants,
ont été sélectionnés : i) un projet propos