Cour
des
comptes
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SEPTIÈME CHAMBRE
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Deuxième section
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Arrêt n° S-2022-2107
Audience publique du 12 décembre 2022
Prononcé du 22 décembre 2022
GRAND PORT MARITIME
DU HAVRE (GPMH)
Exercices 2019 et 2020
Rapport n° R-2022-1046-1
République française,
Au nom du peuple français,
La Cour,
Vu le réquisitoire n° 2022-33 du 9 septembre 2022, par lequel la Procureure générale
près la Cour des comptes a saisi la Cour de cinq charges soulevées à l’encontre
de
M. X,
agent
comptable
du
grand
port
maritime
(GPM)
du
Havre
(GPMH) au cours des exercices 2019 et 2020, notifié le 14 septembre 2022 à l’intéressé ;
Vu
les
comptes
rendus
en
qualité
de
comptable
du
GPMH
par
M. X,
du 1
er
janvier 2019 au 31 décembre 2020 ;
Vu les justifications produites au soutien des comptes en jugement ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu le code des transports, dans sa version en vigueur au moment des faits ;
Vu le code du travail, dans sa version en vigueur au moment des faits ;
Vu l’article 60 modifié de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;
Vu les lois et règlements applicables à l’organisme, notamment la loi n° 2008-660
du 4 juillet 2008 portant réforme portuaire, qui a créé la catégorie des GPM, et le décret
n° 2008-1037 du 9 octobre 2008 instituant le GPMH ;
Vu le décret n° 53-707 du 9 août 1953 relatif au contrôle de l’État sur les entreprises publiques
nationales et certains organismes ayant un objet d’ordre économique ou social ;
Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable
publique ;
Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI
de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié, dans sa rédaction issue de l’article 90
de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;
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Vu l’arrêté du 31 janvier 2018 fixant la liste des pièces justificatives des dépenses
des organismes soumis au titre III du décret du 7 novembre 2012 susvisé ;
Vu le rapport n° R-2022-1046-1 à fin d’arrêt de M. Jean-François GUILLOT, conseiller maître,
magistrat chargé de l’instruction ;
Vu les conclusions n° 654 du Procureur général du 8 décembre 2022 ;
Vu les pièces du dossier ;
Entendu lors de l’audience publique du 12 décembre 2022, M. GUILLOT, conseiller maître,
en son rapport, M. Pierre VAN HERZELE, avocat général, en les conclusions du ministère
public, M. X, comptable présent, ayant eu la parole en dernier, l’ordonnateur informé
de l’audience n’étant ni présent, ni représenté ;
Entendu en délibéré M. Patrick SITBON, conseiller maître, réviseur, en ses observations ;
Sur le droit applicable à l’ensemble des charges
Sur le droit applicable en matière de responsabilité des comptables publics
1. Attendu qu’aux termes du I de l’article 60 modifié de la loi du 23 février 1963 susvisée,
«
les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables
[...]
du paiement des dépenses
» ; que leur responsabilité «
se trouve engagée dès lors
[...]
qu’une dépense a été irrégulièrement payée
» ;
2. Attendu
qu’aux
termes
de
l’article 17
du
décret
du
7 novembre 2012
susvisé,
«
Les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des actes
et contrôles qui leur incombent en application des dispositions des articles 18, 19 et 20,
dans les conditions fixées par l’article 60 de la loi du 23 février 1963
» ;
3. Attendu qu’aux termes de l’article 18 du même décret, «
Dans le poste comptable
qu’il dirige, le comptable public est seul chargé : [...]
4° De la prise en charge des ordres [...]
de payer qui lui sont remis par les ordonnateurs ; [...]
7
° Du paiement des dépenses,
soit sur ordre émanant des ordonnateurs, soit au vu des titres présentés par les créanciers,
soit
de
leur
propre
initiative
» ;
qu’aux
termes
de
l’article 19
du
même
texte,
«
Le comptable public est tenu d’exercer le contrôle :
[...]
2° S’agissant des ordres de payer :
[...]
d) De la validité de la dette dans les conditions prévues à l’article 20
» ; qu’aux termes
de cet article, «
Le contrôle des comptables publics sur la validité de la dette porte sur : [...]
2° L’exactitude de la liquidation ; 3° La production des pièces justificatives
», notamment ;
4. Attendu qu’aux termes de l’article 38 du même décret, «
lorsqu’à l’occasion de l’exercice
des contrôles prévus au 2° de l’article 19 le comptable public a constaté des irrégularités
ou des inexactitudes dans les certifications de l’ordonnateur, il suspend le paiement
et en informe l’ordonnateur
» ;
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Sur le droit applicable en matière de production des pièces justificatives
5. Attendu
qu’aux
termes
de
l’article 50
du
décret
du
7 novembre 2012
susvisé,
«
Les opérations de recettes, de dépenses et de trésorerie doivent être justifiées
par des pièces prévues dans des nomenclatures établies […] par arrêté du ministre chargé
du budget […]. / Lorsqu’une opération de dépense n’a pas été prévue par une nomenclature
mentionnée
ci-dessus,
doivent
être
produites
des
pièces
justificatives
permettant
au comptable d’opérer les contrôles mentionnés aux articles 19 et 20
» ;
6. Attendu qu’au cours de la période sous jugement, la nomenclature des pièces justificatives
des opérations de dépenses était fixée par l’annexe à l’arrêté du 31 janvier 2018 susvisé ;
Sur la charge n° 1 soulevée à l’encontre de M. X, au titre de l’exercice 2019
7. Attendu que par le réquisitoire susvisé, la Procureure générale a saisi la Cour des comptes
de la responsabilité encourue, au titre de l’exercice 2019, par M. X à raison du défaut
de contrôle de la validité de la dette, qui porte notamment sur la production des pièces
justificatives, lors du paiement d’une facture d’un montant de 7 282,19 € pour solde
des prestations d’un cabinet d’experts-comptables mandaté par le comité d’entreprise (CE)
du GPMH, en application de la procédure d’alerte prévu à l’article L. 2323-50 du code du travail
alors en vigueur ; qu’aux termes de la lettre du 30 mars 2017 émanant du cabinet,
sa prestation devait se conclure par la présentation d’un rapport final, explicitement mentionné
dans le plan d’intervention annexé à la lettre, mais que ce document n’aurait pas été produit ;
Sur les éléments apportés à décharge par le comptable
8. Attendu que le comptable fait valoir qu’il n’était pas fondé, en tant que comptable public,
à s’assurer de la réalité du service fait
et qu’il ne lui appartenait pas de vérifier que le rapport
produit par le prestataire avait été effectivement remis à son commanditaire ; qu’il estime,
en conséquence, «
avoir payé de bonne foi cette prestation sur production de l’état liquidatif
communiqué par l’ordonnateur et attestant de la réalisation de la mission du cabinet
» ;
qu’il rappelle, en outre, que la dépense était consécutive à un droit d’alerte pour danger grave
et imminent, avec saisine du comité d’hygiène et de sécurité et qu’en l’espèce l’ordonnateur
ne pouvait s’opposer à une telle demande d’expertise émanant du CE ;
Sur les éléments apportés à décharge par l’ordonnateur
9. Attendu que l’ordonnateur fait valoir que le rapport final du cabinet, qu’il verse au dossier,
a effectivement été réalisé et rendu ;
Sur le droit applicable
10. Attendu qu’aux termes de l’article 11 du décret du 7 novembre 2012 susvisé,
«
Les ordonnateurs constatent les droits et les obligations, liquident les recettes et émettent
les ordres de recouvrer. Ils engagent, liquident et ordonnancent les dépenses. /
Le cas échéant, ils assurent la programmation, la répartition et la mise à disposition
des crédits. / Ils transmettent au comptable public compétent les ordres de recouvrer
et de payer assortis des pièces justificatives requises, ainsi que les certifications
qu’ils délivrent.
» ; qu’aux termes de l’article 12 du même décret, «
À raison de l’exercice
de leurs attributions et en particulier des certifications qu’ils délivrent, les ordonnateurs
encourent une responsabilité dans les conditions fixées par la loi
» ;
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11. Attendu qu’aux termes de l’article L. 2323-50 du code du travail, en vigueur au moment
des faits, «
Lorsque le comité d’entreprise a connaissance de faits de nature à affecter
de manière préoccupante la situation économique de l’entreprise, il peut demander
à l’employeur de lui fournir des explications
[…]. / Si le comité d’entreprise n’a pu obtenir
de réponse suffisante de l’employeur
[…]
il établit un rapport
[…]
» ; qu’aux termes de l’article
L. 2325-35, en vigueur au moment des faits, «
Le comité d’entreprise peut se faire assister
d’un expert-comptable de son choix […] 4° Dans les conditions prévues aux articles
L. 2323-50 et suivants, relatifs à l’exercice du droit d’alerte économique
» ; qu’aux termes
de
l’article
L. 2325-40
du
code
du
travail,
en
vigueur
au
moment
des
faits,
«
L’expert-comptable et l’expert technique mentionnés à l’article L. 2325-38 sont rémunérés
par l’entreprise
» ;
Sur l’existence d’un manquement
12. Attendu qu’aux termes des articles 11 et 12 précités du décret du 7 novembre 2012,
la certification du service fait relève de l’ordonnateur et engage sa responsabilité ;
que le comptable est ainsi fondé à soutenir que le service fait était, au moment du paiement,
certifié par la signature du bordereau des mandats par l’ordonnateur, sous sa seule
responsabilité ; qu’au surplus, le rapport final a effectivement été produit par le cabinet
d’experts-comptables et remis à la direction du GPMH ; qu’ainsi, le comptable n’a pas manqué
à ses obligations en matière de contrôle de la validité de la dette ; qu’il n’y a donc pas lieu
de mettre en jeu sa responsabilité au titre de la charge n° 1 ;
Sur le droit applicable aux charges n° 2 à n° 5 relatives à des dépenses de rémunération
Sur le droit applicable en matière d’organisation et de fonctionnement des GPM
13. Attendu qu’aux termes de l’article L. 5312-6 du code des transports, un GPM
«
est dirigé par un directoire, sous le contrôle d’un conseil de surveillance
» ; qu’aux termes
de l’article L. 5312-10 du même code, «
Le directoire assure la direction de l’établissement
et est responsable de sa gestion. / À cet effet, il est investi des pouvoirs les plus étendus
pour agir en toute circonstance au nom du grand port maritime. Il les exerce
[…] dans la limite
de ceux qui sont attribués au conseil de surveillance
» ;
14. Attendu qu’aux termes de l’article R. 5312-32 du même code, «
Le président du directoire
nomme à tous les emplois du port, gère et révoque le personnel, remet à la disposition
de leur administration d’origine les fonctionnaires placés dans la position de service détaché
et fixe la rémunération du personnel sous réserve de l’observation des règles de tutelle.
/ Le président du directoire représente le grand port maritime de plein droit devant toutes
les juridictions et pour tous les actes de la vie civile. / Il a la faculté de conclure des transactions
dans les conditions prévues par les articles 2044 et suivants du code civil et dans les limites
fixées par le conseil de surveillance. Les transactions sont subordonnées à l’accord préalable
du commissaire du Gouvernement et de l’autorité chargée du contrôle économique et financier
au-dessus d’un seuil fixé par le conseil de surveillance. / Il procède aux achats et passe
les marchés ou traités. / Il est ordonnateur des recettes et des dépenses
» ;
15. Attendu qu’aux termes de l’article R. 5312-33 du même code, «
Le président du directoire
peut, sous sa responsabilité et en toutes matières, déléguer sa signature aux membres
du directoire.
/
Il peut également la déléguer à un ou plusieurs agents de l’établissement
dans leur champ de compétences et de responsabilité
» ;
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Sur le droit applicable en matière de rémunérations dans les GPM
16. Attendu
qu’aux
termes
de
l’article 6
du
décret
du
9 août 1953
susvisé,
«
Dans les établissements publics contrôlés en vertu du présent décret […], les mesures
relatives aux éléments de rémunération, ainsi qu’au statut et au régime de retraites
du personnel, doivent, avant toute décision, être communiquées au ministre intéressé
et aux ministres chargés de l’économie et du budget. Ces mesures sont soumises, pour avis,
à une commission interministérielle dont la composition et les modalités de fonctionnement
sont fixées par arrêté conjoint du Premier ministre et des ministres chargés de l’économie,
du budget et du travail. Ces mesures ne deviennent exécutoires qu’après avoir reçu
l’approbation du ministre intéressé et des ministres chargés de l’économie et du budget
» ;
17. Attendu que la convention collective nationale unifiée (CCNU) ports et manutention,
conclue le 15 avril 2011 par les organisations d’employeurs des ports et six organisations
syndicales des salariés, a été étendue par l’arrêté du 6 août 2012 publié au
Journal officiel
de
la
République
française
du
17 août 2012 ;
qu’aux
termes
du
dernier
alinéa
de son préambule, la CCNU a «
un caractère impératif au sens des articles L. 2252-1,
alinéa 1, et L. 2253-3, alinéa 2, du code du travail. Il ne pourra y être dérogé par des accords
de rang inférieur, sauf si ceux-ci présentent un caractère plus favorable
» ;
18. Attendu qu’aux termes de l’article 14 de cette CCNU, «
[…] dans les établissements
dont l’activité principale est l’administration et/ou l’exploitation de ports maritimes
de commerce et/ou de pêche et leurs filiales, la mise en œuvre de la présente convention
collective ne peut avoir pour effet de réduire, pour les salariés présents et futurs
des établissements dont l’activité principale est l’administration et/ou l’exploitation des ports
maritimes de commerce et/ou de pêche et de leurs filiales relevant précédemment
de la convention collective verte, les avantages en vigueur portant sur les primes
ou dispositions suivantes dont ils bénéficient dans le cadre d’accords locaux pris en application
de cette convention collective :
– les indemnités de panier ;
– les indemnités horaires pour travaux particulièrement pénibles, incommodes ou insalubres ;
– les remboursements de frais ;
– jour de la fête locale dans les ports où l’usage en est établi ;
– vêtements de travail et logement pour raison de service ;
– supplément d’assiduité pour dimanches et jours fériés ;
– supplément familial pour les salariés dont les enfants à charge poursuivent des études
entre 20 ans et 26 ans ;
– rémunération des temps de préparation et de nettoyage.
Les avantages à caractère financier listés ci-dessus suivent la même revalorisation
que le SBMH
[salaire moyen de base horaire]
. / Dans les établissements dont l’activité
principale est l’administration et/ou l’exploitation des ports maritimes de commerce
et/ou de pêche et de leurs filiales, les partenaires sociaux s’engagent à négocier l’adaptation
des accords et des usages locaux, en tant que de besoin et sans pénaliser les salariés,
pour tenir compte des modifications qui découleraient de la nouvelle convention,
notamment pour ce qui concerne les éléments de rémunération basés sur des références
qui étaient définies dans la convention collective verte. / L’application de la présente
convention collective ne peut être la cause d’une réduction des avantages individuels acquis
par les bénéficiaires des deux conventions collectives d’origine avant l’entrée en vigueur
de la présente convention.
» ;
19. Attendu que les mêmes parties signataires de la CCNU précitée ont, par ailleurs, conclu
le 14 novembre 2011, un accord relatif aux diverses dispositions applicables aux officiers
de port ; que cet accord, joint à la CCNU, a été approuvé par les autorités de tutelle des ports,
sans être étendu ;
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20. Attendu qu’aux termes du point 9 «
Prime de poste, primes spéciales et gratifications
»
de cet accord, «
Il est attribué aux officiers de port et officiers de port adjoints une prime liée
au poste ou à la fonction, et tenant compte des responsabilités exercées au sein des GPM
ou du port autonome maritime. Elle est négociée localement en tenant compte des sujétions
générales
[…]. Des primes spéciales et des gratifications peuvent être attribuées.
Elles sont négociées localement avec les organisations syndicales représentatives.
» ;
21. Attendu
qu’aux
termes
du
point 13
«
Uniformes
et
équipements
particuliers
»
du même accord, «
Il est attribué chaque année une tenue d’uniforme conforme à celle prévue
par l’administration de tutelle. Localement, cette tenue peut être remplacée par une indemnité
de valeur identique.
» ;
Sur le droit applicable en matière de production des pièces justificatives
22. Attendu qu’en matière d’indemnités versées au personnel, l’article 3.6 de l’annexe
à l’arrêté du 31 janvier 2018 susvisé mentionne, comme pièces à produire à l’agent comptable,
les documents suivants :
- «
1. Décision individuelle d’attribution
», précision étant faite que cette décision
«
doit être suffisamment détaillée pour permettre à l’agent comptable de vérifier l’exacte
application du texte en vigueur, le libellé exact de l’indemnité et son imputation
budgétaire
» ;
- «
2. État liquidatif et nominatif faisant référence au texte institutif de l’indemnité
et
à
l’arrêté
fixant
le(s)
taux
en
vigueur
»,
étant
précisé
que
cet
état,
signé
par
le
gestionnaire
de
personnel,
peut
valoir
décision
d’attribution
et que «
sur les documents communiqués au comptable figurent le libellé exact
de l’indemnité et son imputation budgétaire
» ;
- «
3. Pour les agents contractuels : mention au contrat
» ;
Sur la charge n° 2 soulevée à l’encontre de M. X au titre de l’exercice 2020
23. Attendu que, par le réquisitoire susvisé, la Procureure générale a saisi la Cour des comptes
de la responsabilité encourue, au titre de l’exercice 2020, par M. X à raison du défaut
de contrôle de la validité de la dette, lequel porte notamment sur le contrôle des pièces
justificatives et l’exactitude de la liquidation, lors du versement d’une prime de formation
de 3 000 €, par mensualités de 250 €, à un salarié du GPMH ; que cette prime
serait mentionnée dans une instruction du 10 juin 2016, qui détermine la mission
du «
formateur occasionnel
», le cadre dans lequel elle s’inscrit et son montant,
mais que cette instruction, validée par le correspondant qualité et approuvée par le directeur
des ressources humaines (DRH) du GPMH, n’aurait pas de portée juridique et qu’aucun texte
en vigueur n’aurait déterminé les modalités de calcul et de paiement de cette prime ;
Sur les éléments apportés à décharge par le comptable
24. Attendu que le comptable indique qu’il a payé «
de bonne foi
» cette prime de formateur
conformément à l’instruction «
Qualité
» du 10 juin 2016 présentée à l’appui de la dépense ;
tout en reconnaissant
a posteriori
«
que cette instruction n’avait effectivement pas de portée
juridique
» ;
25. Attendu que, lors de l’audience publique, le comptable a précisé que le bénéficiaire
de la prime avait été nommé chef de projet pour la facturation électronique ; qu’il a ajouté
que l’attribution de cette prime n’avait pas été détectée dans le cadre du contrôle de la paie ;
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Sur les éléments apportés à décharge par l’ordonnateur
26. Attendu que l’ordonnateur formule, au titre de cette charge et aussi des charges
n° 3 à n° 5, des observations communes qui portent sur les dispositions applicables en matière
de rémunération des agents des GPM ;
27. Attendu qu’il apporte tout d’abord «
un éclairage quant à la mise en œuvre de l’article 6
du décret […] du 9 août 1953
[précité au point 16]
. En effet, l’approbation du ministre
des mesures salariales s’apprécie dorénavant globalement au travers d’une part,
de la présence des représentants des ministres de tutelle au sein du conseil de surveillance,
lequel approuve les décisions budgétaires de l’établissement et, d’autre part, du rôle
de la CIASSP
[Commission interministérielle d’audit salarial du secteur public]
qui donne
annuellement un avis sur la politique salariale de l’établissement. Ainsi que le vademecum
relatif à la gestion budgétaire et comptable des organismes publics et des opérateurs de l’État
évoque bien cette problématique en son point 2 sur le rôle des tutelles
» ; qu’il produit
ledit vademecum, dans sa version d’août 2022 ;
28. Attendu qu’il fait ensuite valoir que le décret du 9 août 1953 susvisé «
prévoit,
en ses articles 6 et 7, que pour certains établissements publics, les mesures relatives
aux rémunérations doivent être approuvées par les ministres chargés des tutelles technique
et financière avant d’entrer en vigueur. Dans la pratique, l’approbation des ministres prend
la forme du cadrage de la rémunération moyenne des personnels en place (RMPP) et du vote
de la tutelle budgétaire en conseil d’administration pour toutes les mesures salariales
ou statutaires ayant un impact financier
» ;
29. Attendu qu’il indique enfin que «
pour les exercices contrôlés 2019 et 2020, le GPMH avait
bien présenté sa politique salariale auprès de la CIASSP
» ; qu’il produit les avis de la CIASSP
rendus en ses séances n° 2019-25 du 4 juillet 2019, et n° 2020-23 du 7 juillet 2020 ;
Sur les faits
30. Attendu que, de janvier à décembre 2020, le comptable a procédé au paiement
d’une prime de formation d’un montant de 250 € par mois, soit 3 000 € pour l’année,
au
bénéfice
d’un
seul
salarié
de
droit
privé
du
GMPH,
occupant
un
emploi
de «
référent technique projet
» ;
31. Attendu que le paiement de cette prime n’était pas prévu par le contrat de travail
du
bénéficiaire
et
n’a
été
fondé
que
sur
l’instruction
précitée
du
10 juin 2016,
signée par le DRH : que l’instruction, qui mentionne les conditions de versement de cette prime
aux formateurs occasionnels non cadres, ne vise aucun texte législatif, réglementaire
ou conventionnel susceptible de fonder juridiquement la prime ;
Sur l’existence d’un manquement
32. Attendu que, dans le cadre du contrôle de la validité de la dette, il appartient au comptable
public de vérifier, en premier lieu, si l’ensemble des pièces requises au titre de la nomenclature
comptable applicable lui a été fourni et, en deuxième lieu, si ces pièces sont, d’une part,
complètes et précises et, d’autre part, cohérentes au regard de la catégorie de la dépense ;
que si ce contrôle peut conduire le comptable à porter une appréciation juridique sur les actes
administratifs à l’origine de la dette et s’il lui appartient alors d’en donner une interprétation
conforme à la réglementation en vigueur, il n’a pas le pouvoir de se faire juge de leur légalité ;
que si les pièces justificatives fournies sont insuffisantes pour établir la validité de la dette,
il appartient au comptable de suspendre le paiement jusqu’à ce que l’ordonnateur lui ait produit
les justifications ou les attestations nécessaires ;
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33. Attendu que le comptable ne disposait pas, au moment des paiements mensuels
de la prime, de la pièce requise selon la nomenclature applicable, à savoir une mention
au contrat, compte tenu du statut du bénéficiaire ; qu’il reconnaît, par ailleurs, que l’instruction
précitée du DRH, qui ne fait référence à aucun texte susceptible de fonder la prime,
n’avait pas de portée juridique ;
34. Attendu que confronté à des pièces justificatives insuffisantes, M. X aurait dû
suspendre les paiements et en informer l’ordonnateur ; que faute de l’avoir fait, il a manqué
à ses obligations en matière de contrôle de la validité de la dette ; qu’il y a donc lieu de mettre
en jeu sa responsabilité, au titre de l’exercice 2020, à hauteur de la prime versée pour l’année ;
Sur l’existence d’un préjudice financier
35. Attendu que, pour déterminer si le paiement irrégulier d’une dépense par un comptable
public a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné, il appartient au juge
des comptes de vérifier, au vu des éléments qui lui sont soumis à la date à laquelle il statue,
si la correcte exécution, par le comptable, des contrôles lui incombant aurait permis d’éviter
que soit payée une dépense qui n’était pas effectivement due ; que lorsque le manquement
du comptable porte sur le contrôle de la production des pièces justificatives requises,
ce manquement doit être regardé comme n’ayant, en principe, pas causé un préjudice
financier à l’organisme public concerné lorsqu’il ressort des pièces du dossier, y compris
d’éléments postérieurs au manquement en cause, que la dépense repose sur les fondements
juridiques dont il appartenait au comptable de vérifier l’existence au regard de la nomenclature,
que l’ordonnateur a voulu l’exposer et, le cas échéant, que le service a été fait ;
36. Attendu, en l’espèce, qu’il n’y a pas de doute sur le service fait et la volonté
de l’ordonnateur d’exposer la dépense, attestée par sa signature des bordereaux de mandats
de paye ; que, cependant, la dépense était dépourvue de fondement juridique ;
que le manquement du comptable, qui a conduit à verser un complément de rémunération
indu, a causé un préjudice financier, au sens des dispositions du troisième alinéa du VI
de l’article 60 modifié de la loi du 23 février 1963 susvisée, au GPMH ;
37. Attendu qu’aux termes du même article, «
Lorsque le manquement du comptable
[…]
a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné
[…],
le comptable a l’obligation
de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante
» ;
qu’ainsi il y a lieu de constituer M. X débiteur du GPMH pour la somme de 3 000 €,
au titre de l’exercice 2020 ;
38. Attendu qu’aux termes du VIII de l’article 60 modifié de la loi du 23 février 1963 susvisée,
«
Les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu
de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics
» ; qu’en l’espèce,
cette date, qui correspond à celle de la réception du réquisitoire par le comptable,
est le 14 septembre 2022 ;
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Sur la charge n° 3 soulevée à l’encontre de M. X au titre de l’exercice 2020
39. Attendu que, par le réquisitoire susvisé, la Procureure générale a saisi la Cour des comptes
de la responsabilité encourue, au titre de l’exercice 2020, par M. X à raison du défaut
de contrôle de la validité de la dette, lequel porte notamment sur le contrôle des pièces
justificatives et l’exactitude de la liquidation, lors du versement de diverses primes à caractère
individuel à plusieurs agents du GPMH ; que des primes «
exceptionnelles
» auraient été
versées pour un montant total de 11 866 €, sur la base de 13 demandes de primes signées
de
manière
non
systématique
par
le
chef
de
bureau
du
demandeur,
le
DRH
ainsi
que
le
directeur
général
de
l’établissement ;
que
des
primes
mensuelles
«
d’exploitation reprographie
» auraient également été versées, pour un montant total
de 9 579,82 € à quatre agents alors qu’aucun document venant justifier le versement
de cette prime n’aurait été produit ;
Sur les éléments apportés à décharge par le comptable
40. Attendu que le comptable fait tout d’abord valoir que les primes incriminées
étaient «
versées historiquement aux salariés du GPMH à la demande de l’ordonnateur
et payées par tous les agents comptables successifs (plusieurs contrôles juridictionnels
avaient été conduits précédemment sans y relever d’anomalies)
» ; qu’il fait ensuite valoir
que lesdites primes «
relevaient d’un
usage d’entreprise
» au sens de l’article 14 de la CCNU
ports et manutention précitée ; qu’il ajoute que de tels usages «
consistaient au GPMH
en divers avantages accordés librement et de manière répétée par l’établissement à certains
salariés, sans effectivement que le code du travail, une convention ou un accord collectif
ne l’impose
» ;
41. Attendu que le comptable soutient que les primes ainsi octroyées remplissaient toutes
les conditions d’usage d’entreprise, soit la «
généralité : primes accordées à des catégories
spécifiques du personnel
», de la «
constance : primes versées depuis plusieurs années
et ayant un caractère de permanence
», et de la « fixité : primes dont le mode de calcul
est défini et fixé à l’avance » ; qu’il en déduit que leur paiement n’aurait pas causé de préjudice
à l’établissement d’autant que les primes en cause correspondaient à des pratiques
«
anciennes,
permanentes
et
notoires
»
au
sein
du
port
autonome
du
Havre
«
qui ont été reprises en 2008 par le GPMH en tant qu’établissement public soumis au droit
privé pour la gestion de son personnel
» ;
Sur les éléments apportés à décharge par l’ordonnateur
42. Attendu, qu’au titre de la charge n° 3, l’ordonnateur fait valoir les mêmes éléments
que ceux mentionnés aux points 27 à 29 au titre de la charge n° 2 ;
Sur les faits
43. Attendu que les primes «
exceptionnelles
» ont été versées, pour leur très large majorité,
à des personnels de droit privé, et à quelques personnels titulaires de la fonction publique,
appartenant au corps des officiers de port ; que les primes «
d’exploitation reprographie
»
ont toutes été versées à des salariés de droit privé du GPMH ;
44. Attendu qu’aucune de ces deux primes n’était prévue par les contrats de travail
des bénéficiaires de droit privé ; que, par ailleurs, aucune décision individuelle ou collective
d’attribution, ou aucun état liquidatif et nominatif valant décision d’attribution, n’a été produit
pour les officiers de port bénéficiaires de primes «
exceptionnelles
» ;
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45. Attendu que les avis de la CIASSP sur la politique salariale du GPMH, mentionnés
au point 29, ont été rendus les 4 juillet 2019 et 7 juillet 2020 sur la base des données
communiquées par l’établissement concernant sa gestion des ressources humaines
et
ses
dépenses
de
personnel ;
que
ces
données
comprennent
notamment
une « fiche de description détaillée du système de rémunération de l’organisme », qui détaille
les huit éléments de rémunération suivants : salaire de base, primes non modulables,
primes modulables, primes exceptionnelles, éléments liés aux horaires et à l’organisation
de travail, intéressement et participation, avantages sociaux ayant un caractère salarial,
et autres mesures à caractère social ;
Sur l’existence d’un manquement
46. Attendu que la Cour des comptes n’est pas tenue d’exercer un contrôle exhaustif
de tous les comptes produits chaque année par les comptables des organismes relevant
de sa compétence ; que l’absence de mise en jeu de la responsabilité personnelle
et pécuniaire des comptables au titre des exercices antérieurs ne préjuge en rien de la mise
en jeu éventuelle de cette responsabilité lors du contrôle des exercices suivants ;
47. Attendu que, dans le cadre du contrôle de la validité de la dette, il appartient au comptable
public de vérifier, en premier lieu, si l’ensemble des pièces requises au titre de la nomenclature
comptable applicable lui a été fourni et, en deuxième lieu, si ces pièces sont, d’une part,
complètes et précises et, d’autre part, cohérentes au regard de la catégorie de la dépense ;
que si ce contrôle peut conduire le comptable à porter une appréciation juridique sur les actes
administratifs à l’origine de la dette et s’il lui appartient alors d’en donner une interprétation
conforme à la réglementation en vigueur, il n’a pas le pouvoir de se faire juge de leur légalité ;
que si les pièces justificatives fournies sont insuffisantes pour établir la validité de la dette,
il appartient au comptable de suspendre le paiement jusqu’à ce que l’ordonnateur lui ait produit
les justifications ou les attestations nécessaires ;
48. Attendu que le comptable ne disposait pas, au moment des paiements des deux primes
incriminées, des pièces requises selon la nomenclature applicable, à savoir une mention
au contrat pour les bénéficiaires salariés de droit privé, et une décision d’attribution, ou un état
liquidatif et nominatif valant décision d’attribution, pour les bénéficiaires titulaires de la fonction
publique ;
49. Attendu que le comptable ne conteste pas l’absence de pièces justificatives écrites,
mais
estime
qu’aucune
n’était
nécessaire,
car
les
primes
versées
rempliraient
les trois conditions cumulatives précitées pour relever d’un «
droit d’usage
», et qu’il a donc pu
procéder à leur paiement, puisque le respect de l’usage, une fois acquis et non dénoncé
par l’employeur, revêtirait un caractère obligatoire ;
50. Attendu que les pièces justificatives ont, par nature, un caractère écrit ; qu’ainsi,
les éléments apportés à décharge sur le caractère dû de ce paiement au regard d’un usage
non écrit qui serait toujours en vigueur à ce jour sont inopérants au stade du constat
d’un manquement du comptable à ses obligations ;
51. Attendu que, confronté à des pièces justificatives insuffisantes, M. X aurait dû
suspendre les paiements et en informer l’ordonnateur ; que faute de l’avoir fait, il a manqué
à ses obligations en matière de contrôle de la validité de la dette ; qu’il y a donc lieu de mettre
en jeu sa responsabilité, au titre de l’exercice 2020, à hauteur des deux primes versées
pour l’année ;
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Sur l’existence d’un préjudice financier
52. Attendu que pour déterminer si le paiement irrégulier d’une dépense par un comptable
public a causé un préjudice financier à l’organisme concerné, il appartient au juge des comptes
de vérifier, au vu des éléments qui lui sont soumis à la date à laquelle il statue, si la correcte
exécution, par le comptable, des contrôles lui incombant aurait permis d’éviter que soit payée
une dépense qui n’était pas effectivement due ; que, dans l’hypothèse où le comptable
a engagé sa responsabilité en payant une dépense sur le fondement de pièces justificatives
insuffisantes, le manquement doit être regardé comme n’ayant pas, en principe, causé
un préjudice financier à l’organisme concerné lorsqu’il ressort des pièces du dossier, y compris
d’éléments
postérieurs
aux
manquements
en
cause,
que
la
dépense
reposait
sur les fondements juridiques dont il appartenait au comptable de vérifier l’existence au regard
de la nomenclature, que l’ordonnateur a voulu l’exposer et, le cas échéant, que le service
a été fait ;
53. Attendu, en l’espèce, qu’il n’y a pas de doute sur le service fait et la volonté
de l’ordonnateur d’exposer la dépense, attestée par sa signature des bordereaux de mandats
de paye ; que s’agissant du fondement juridique, les deux primes ne sont fondées sur aucun
texte législatif, réglementaire ou conventionnel ; que, cependant, comme le fait valoir
le comptable et le reconnaissent les conclusions du Procureur général susvisées, l’octroi
des primes «
d’exploitation reprographie
» remplit les conditions de généralité, constance
et fixité pour constituer un usage d’entreprise, dans un établissement majoritairement soumis
au droit privé pour la gestion de son personnel ; qu’ainsi que le relèvent les conclusions
du Procureur général susvisées, telle n’est pas le cas des primes «
exceptionnelles
», versées
pour des montants variables à des bénéficiaires ne relevant pas d’une catégorie déterminée ;
que, toutefois, les primes exceptionnelles constituent l’un des huit éléments du système
de rémunération du GPMH, soumis aux avis de la CIASSP mentionnés aux points 29 et 45
qui ont validé la politique salariale de l’établissement ; que dès lors, le caractère indu
du versement des deux primes n’est pas établi ; qu’ainsi le manquement du comptable
n’a pas causé de préjudice financier au GPMH ;
54. Attendu qu’aux termes des dispositions du deuxième alinéa du VI de l’article 60 modifié
de la loi du 23 février 1963 susvisée, «
Lorsque le manquement du comptable
[…]
n’a pas causé de préjudice financier à l’organisme public concerné, le juge des comptes
peut l’obliger à s’acquitter d’une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte
des circonstances de l’espèce
» ; que le décret du 10 décembre 2012 susvisé fixe le montant
maximal de cette somme à un millième et demi du montant du cautionnement prévu
pour le poste comptable ;
55. Attendu
que le montant du cautionnement prévu pour le poste comptable considéré
pour l’exercice 2020 était fixé à 240 000 € ; qu’ainsi le montant maximum de la somme
susceptible d’être mise à la charge de M. X s’élève à 360 € ;
56. Attendu qu’au vu des circonstances de l’espèce, tenant à l’ancienneté du versement
des primes, il y a lieu d’arrêter cette somme à 150 €, au titre de l’exercice 2020 ;
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Sur la charge n° 4 soulevée à l’encontre de M. X au titre de l’exercice 2020
57. Attendu que, par le réquisitoire susvisé, la Procureure générale a saisi la Cour des comptes
de la responsabilité encourue, au titre de l’exercice 2020, par M. X à raison du défaut
de contrôle de la validité de la dette, lequel porte notamment sur le contrôle des pièces
justificatives et l’exactitude de la liquidation, lors du versement, à son bénéfice,
d’une «
indemnité accessoire
» pour un montant de 44 070,72 €, en plus de l’indemnité
de caisse et de responsabilité (ICR) qu’il a perçue à hauteur de 4 867,80 € ;
que cette «
indemnité accessoire
» ne ferait l’objet d’aucun texte l’instituant ; que, de même,
aucun texte en vigueur n’en spécifierait les modalités de calcul et de versement ;
Sur les éléments apportés à décharge par le comptable
58. Attendu que le comptable fait tout d’abord valoir que «
l’indemnité accessoire ne constituait
pas une "prime" au sens GPMH, mais une retranscription purement technique, traduite
en paye portuaire permettant de faire correspondre celle-ci au montant figurant sur la fiche
de rémunération DGFIP
[direction générale des finances publiques]
– en effet,
la rémunération
en cadre de niveau 3 ne collait pas avec la fiche financière de la DGFIP et le service RH
du port a techniquement porté une mention
"
indemnité accessoire
"
de manière à bien se caler
sur la fiche financière totale
» ;
59. Attendu qu’il ajoute que «
les éléments de paye sont ceux définis d’un commun accord
entre l’agent comptable et le DRH à l’entrée de l’agent comptable au GPMH en octobre 2017
et confirmés par un contrat de travail en date du 28 juin 2021
», et verse au dossier
ces deux documents ; qu’il en conclut que «
la rémunération versée ne présenterait pas
de préjudice pour l’établissement
» ;
60. Attendu que, lors de l’audience publique, le comptable a précisé avoir demandé,
dès sa prise de fonctions, la conclusion d’un contrat de travail pour formaliser ses conditions
d’emploi mais ne l’avoir obtenu que peu de temps avant son départ du GPMH du fait de l’inertie
dans la gestion des ressources humaines ;
Sur les éléments apportés à décharge par l’ordonnateur
61. Attendu, qu’au titre de la charge n° 4, l’ordonnateur fait valoir les mêmes éléments
que ceux mentionnés aux points 27 à 29 au titre de la charge n° 2 ;
Sur le droit applicable en matière de pièces justificatives
62. Attendu qu’aux termes de l’article 3.1.2. «
Dépenses de personnel – Fonctionnaires
détachés
» de l’annexe à l’arrêté du 31 janvier 2018 précité, les pièces à produire
à
l’agent
comptable
à
l’appui
des
opérations
de
dépense
sont
les
suivantes :
«
1. Décision de rémunération ; 2. Arrêté de détachement, ou de mise hors cadre.
Décision d’affectation de l’ordonnateur de l’organisme.
» ;
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Sur les faits
63. Attendu que M. X a été détaché pour une durée de trois ans par son administration
d’origine, la DGFiP, auprès du GPMH à compter du 1
er
octobre 2017, aux termes d’un arrêté
de détachement, daté du 17 septembre 2017 et signé par le chef du pôle des missions
transverses du bureau RH 1B de la DGFiP ; qu’une fiche financière a été ensuite établie,
le 12 septembre 2017, par la sous-direction de l’encadrement et des relations sociales
du service des ressources humaines (RH) de la DGFiP ; que cette fiche qui, comme le relève
le réquisitoire, n’est pas signée, fait état notamment d’indemnités et de rémunérations
accessoires de 38 984,99 €, hors ICR ; qu’un courriel du 26 septembre 2017 du DRH
du GPMH au comptable mentionne les conditions de sa prise de poste le 2 octobre 2017
et sa rémunération annuelle brute fixée à 95 000 €, ICR comprise, et comportant notamment
des «
indemnités et rémunérations accessoires
» d’un montant de 44 070,76 € ;
64. Attendu que par arrêté du 17 janvier 2018 du ministre d’État, ministre de la transition
écologique et solidaire, et du ministre de l’action et des comptes publics, M. X,
administrateur des finances publiques adjoint, a été nommé agent comptable du GPMH ;
qu’une nouvelle fiche financière, établie par la DGFiP en 2020, a révisé les montants annuels
de sa rémunération et porté le montant des indemnités et rémunérations accessoires
à 39 283,17 € ;
65. Attendu que les indemnités et rémunérations accessoires effectivement versées ont été
de 3 672,56 € par mois, de janvier à décembre 2020, hors ICR, soit un montant annuel
de 44 070,72 €, supérieur de 4 787,55 € à celui prévu par la fiche financière de la DGFiP
de 2020, mais correspondant, à quatre centimes près, à celui mentionné dans le courriel
du DRH du GPMH de 2017 ;
66. Attendu qu’un contrat de travail à durée indéterminée a été conclu, le 28 juin 2021,
avec date d’effet au 1
er
juin 2021 entre le GPMH, représenté par son directeur général,
président du directoire, et M. X en tant que «
chef du service comptable du Havre
au sein de la Direction générale adjointe Comptabilité & Finances – DGAFI – Agence
comptable
» ; que ce contrat fixe la rémunération mensuelle brute de l’intéressé à 7 963,07 €,
soit un montant annuel brut de 95 556,84 € ;
Sur l’existence d’un manquement
67. Attendu qu’au moment des paiements des indemnités accessoires incriminées,
le comptable disposait de deux arrêtés, l’un prononçant son détachement, l’autre relatif
à sa nomination, et valant décision d’affectation au sens de la nomenclature applicable ;
qu’en revanche, il ne disposait pas d’une décision de rémunération ; que la fiche financière
de la DGFiP, non approuvée par l’ordonnateur du GPMH, ne saurait s’y substituer ;
68. Attendu que confronté à des pièces justificatives insuffisantes, M. X aurait dû
suspendre les paiements et en informer l’ordonnateur ; que faute de l’avoir fait, il a manqué
à ses obligations en matière de contrôle de la validité de la dette ; qu’il y a donc lieu de mettre
en jeu sa responsabilité, au titre de l’exercice 2020, à hauteur des indemnités accessoires
versées pour l’année ;
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Sur l’existence d’un préjudice financier
69. Attendu que pour déterminer si le paiement irrégulier d’une dépense par un comptable
public a causé un préjudice financier à l’organisme concerné, il appartient au juge des comptes
de vérifier, au vu des éléments qui lui sont soumis à la date à laquelle il statue, si la correcte
exécution, par le comptable, des contrôles lui incombant aurait permis d’éviter que soit payée
une dépense qui n’était pas effectivement due ; que, dans l’hypothèse où le comptable
a engagé sa responsabilité en payant une dépense sur le fondement de pièces justificatives
insuffisantes, le manquement doit être regardé comme n’ayant pas, en principe, causé
un préjudice financier à l’organisme concerné lorsqu’il ressort des pièces du dossier, y compris
d’éléments
postérieurs
aux
manquements
en
cause,
que
la
dépense
reposait
sur les fondements juridiques dont il appartenait au comptable de vérifier l’existence au regard
de la nomenclature, que l’ordonnateur a voulu l’exposer et, le cas échéant, que le service
a été fait ;
70. Attendu, en l’espèce, qu’il n’y a pas de doute sur le service fait et la volonté
de l’ordonnateur d’exposer la dépense, attestée par sa signature des bordereaux de mandats
de paye ; que s’agissant de son fondement juridique, une décision de rémunération, émanant
de l’autorité compétente en la matière, soit le directeur général du GPMH, était requise,
le comptable étant détaché auprès de celui-ci, et pas mis à disposition ; que le courriel
du 26 septembre 2017 du DRH du GPMH ne saurait se substituer à une telle décision ;
qu’il en est de même du contrat de travail, seulement conclu le 28 juin 2021 et dénué de portée
rétroactive ;
71. Attendu, toutefois, que l’existence des arrêtés de détachement et de nomination
du comptable et des deux fiches financières successives de la DGFiP, qui fixent une base
de rémunération émanant de son administration d’origine, non contestées par le GPMH
et confirmées par le fait que celui-ci a rémunéré le comptable, au moins au niveau arrêté
par la DGFiP, équivaut de fait à une décision de validation par le directeur général du GPMH
de la rémunération versée au comptable ;
72. Attendu qu’il subsiste néanmoins un écart de 4 787,55 € entre le montant des indemnités
accessoires prévu par la fiche financière de 2020 et celui effectivement versé au comptable ;
qu’aucune décision du directeur général n’est venue entériner cet écart, qui apparaît de ce fait
dépourvu de fondement ; qu’il s’ensuit que le manquement du comptable a causé un préjudice
financier, au sens des dispositions du troisième alinéa du VI de l’article 60 modifié de la loi
du 23 février 1963 susvisée, au GPMH à hauteur de cet écart de rémunération ;
73. Attendu qu’aux termes du même article, «
Lorsque le manquement du comptable
[…]
a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné
[…],
le comptable a l’obligation
de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante
» ;
qu’ainsi il y a lieu de constituer M. X débiteur du GPMH pour la somme de 4 787,55 €,
au titre de l’exercice 2020 ;
74. Attendu qu’aux termes du VIII de l’article 60 modifié de la loi du 23 février 1963 susvisée,
«
Les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu
de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics
» ; qu’en l’espèce,
cette date, qui correspond à celle de la réception du réquisitoire par le comptable,
est le 14 septembre 2022 ;
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Sur la charge n° 5 soulevée à l’encontre de M. X au titre de l’exercice 2020
75. Attendu que, par le réquisitoire susvisé, la Procureure générale a saisi la Cour des comptes
de la responsabilité encourue, au titre de l’exercice 2020, par M. X à raison du défaut
de contrôle de la validité de la dette, lequel porte notamment sur le contrôle des pièces
justificatives et l’exactitude de la liquidation, lors du versement de diverses primes à plusieurs
agents du GPMH pour un montant total de 264 298,59 € ; qu’aucun texte ne fonderait
juridiquement ces primes, détaillées dans le tableau suivant ; que, de même, aucun texte
n’aurait fixé leurs modalités de calcul et de paiement ;
Nature de la prime
Nombre de bénéficiaires
Montant
Prime de protocole
45
37 211,52 €
Prime de productivité
11
28 715,74 €
Prime de fonction
18
58 006,64 €
Prime d’uniforme
36
13 673,88 €
Indemnité de vélomoteur
144
115 161,71 €
Indemnité de frais hôtesse
13
11 529,10 €
Total
264 298,59 €
Sur les éléments apportés à décharge par le comptable
76. Attendu qu’au titre de la charge n° 5, le comptable fait valoir les mêmes éléments relatifs
à un «
usage d’entreprise
» que ceux mentionnés aux points 40 et 41 au titre de la charge
n° 2 ;
77. Attendu que, lors de l’audience publique, il a précisé que l’indemnité de vélomoteur
était attribuée aux agents du GPMH qui patrouillaient la zone portuaire ;
Sur les éléments apportés à décharge par l’ordonnateur
78. Attendu, qu’au titre de la charge n° 3, l’ordonnateur fait valoir les mêmes éléments
que ceux mentionnés aux points 27 à 29 au titre de la charge n° 2 ; qu’il souligne,
spécifiquement pour la charge n° 5, qu’elle «
porte sur des régimes de primes mis en œuvre
de très longue date au sein du GPMH sans que les précédents contrôles de la Cour
aient pu mettre en avant d’éventuelles difficultés et de fait, leur application s’est poursuivie
dans le temps sans remise en cause
» ;
Sur l’existence d’un manquement
79. Attendu que la Cour des comptes n’est pas tenue d’exercer un contrôle exhaustif de tous
les comptes produits chaque année par les comptables des organismes relevant
de sa compétence ; que l’absence de mise en jeu de la responsabilité personnelle
et pécuniaire des comptables au titre des exercices antérieurs ne préjuge en rien de la mise
en jeu éventuelle de cette responsabilité lors du contrôle des exercices suivants ;
80. Attendu que, dans le cadre du contrôle de la validité de la dette, il appartient au comptable
public de vérifier, en premier lieu, si l’ensemble des pièces requises au titre de la nomenclature
comptable applicable lui a été fourni et, en deuxième lieu, si ces pièces sont, d’une part,
complètes et précises et, d’autre part, cohérentes au regard de la catégorie de la dépense ;
que si ce contrôle peut conduire le comptable à porter une appréciation juridique sur les actes
administratifs à l’origine de la dette et s’il lui appartient alors d’en donner une interprétation
conforme à la réglementation en vigueur, il n’a pas le pouvoir de se faire juge de leur légalité ;
que si les pièces justificatives fournies sont insuffisantes pour établir la validité de la dette,
il appartient au comptable de suspendre le paiement jusqu’à ce que l’ordonnateur lui ait produit
les justifications ou les attestations nécessaires ;
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81. Attendu qu’il convient de distinguer, d’une part, la prime de fonction, la prime d’uniforme
et l’indemnité de frais d’hôtesse, et, d’autre part, la prime de protocole, la prime de productivité
et l’indemnité de vélomoteur ;
82. Attendu que s’agissant des deux premières primes de fonction et d’uniforme,
et de l’indemnité de frais d’hôtesse, la CCNU ports et manutention et l’accord
du 14 novembre 2011 relatif aux officiers de port mentionnent expressément les indemnités
de fonction et d’uniforme pour les officiers et sous-officiers de port et les «
vêtements
de travail
» pour les salariés de droit privé, ce qui est le cas des hôtesses d’accueil ;
que ces mentions confèrent une base juridique aux deux primes de fonction et d’uniforme,
et à l’indemnité de frais d’hôtesse ; que la CCNU et l’accord précités ne mentionnent pas
les taux applicables à ces primes, mais renvoient à une négociation locale entre direction
et partenaires sociaux pour les déterminer ;
83. Attendu que, s’agissant du GPMH, le montant et les modalités de revalorisation de la prime
de fonction ont été précisément fixés par un accord local du 21 octobre 2013, qui liste
les postes donnant lieu à octroi d’une telle prime et indique un montant forfaitaire pour chacun
des postes ;
84. Attendu que le même accord précise, s’agissant des «
uniformes et équipements
particuliers
» qu’il «
est attribué chaque année soit une tenue d’uniforme conforme à celle
prévue par l’Administration de tutelle ou une prime d’uniforme d’un montant brut de 330 euros
qui sera versée annuellement aux Officiers de ports et aux Officiers de ports adjoints
[…].
Cette prime sera versée au mois de septembre de chaque année. Elle est personnelle
et forfaitaire.
» ;
85. Attendu que, l’indemnité de frais d’hôtesse est mentionnée au point E d’un accord conclu
le 21 octobre 2013 par la direction générale du GPMH et les organisations syndicales
représentatives, dans les termes suivants :
« L’indemnité est portée au dossier des titulaires
par le biais d’un élément de rémunération fixe de 81,27 euros. Compte tenu des charges
sociales, la nouvelle valeur de cet élément fixe est de 106,60 euros
[…].
Elle sera soumise
aux charges sociales et imposable.
» ;
86. Attendu qu’il résulte de l’ensemble de ces éléments que, quand bien même le comptable
ne disposait pas d’un arrêté fixant le taux applicable pour chacune des trois primes précitées,
la CCNU et l’accord précités, tous deux approuvés par les autorités de tutelle, renvoient
explicitement à un accord local, qui existe et permet de déterminer précisément le niveau
d’indemnité applicable aux agents concernés ; qu’il s’ensuit que le comptable disposait,
au
moment
des
paiements,
de
l’ensemble
des
pièces
justificatives
requises
par la nomenclature applicable, à savoir une décision collective d’attribution, et un document
lui permettant de vérifier l’exactitude de la liquidation ; qu’ainsi, il n’y a pas lieu de mettre
en jeu la responsabilité du comptable, au titre de l’exercice 2020, pour les deux primes
de fonction et d’uniforme, et l’indemnité de frais d’hôtesse ;
87. Attendu que les trois autres primes incriminées, soit la prime de protocole, la prime
de productivité et l’indemnité de vélomoteur, elles résultent d’accords locaux, parfois
très anciens, mais ne reposent sur aucune décision du directeur général approuvée
par les autorités de tutelle ; que, lorsqu’elles concernent des agents titulaires, telle la prime
de productivité négociée avec les officiers de port aux débuts des années 1990,
la nomenclature alors applicable prévoit que le comptable doit disposer à l’appui de la dépense
du texte institutif de la prime et de l’arrêté fixant le(s) taux applicable(s) ; que tel n’était pas
le cas puisqu’aucun texte approuvé par les autorités de tutelle n’a validé ces indemnités ;
que pour les contractuels de droit privé, une mention devait figurer à leur contrat de travail ;
qu’il ne ressort pas de l’instruction que cette condition ait été remplie ;
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88. Attendu que le comptable ne conteste pas l’absence de toutes les pièces justificatives
requises, mais estime qu’aucune n’était nécessaire, car les primes versées rempliraient
les trois conditions cumulatives pour relever d’un «
droit d’usage
» et qu’il a donc pu procéder
à leur paiement, puisque le respect de l’usage, une fois acquis et non dénoncé par l’employeur,
revêtirait un caractère obligatoire ;
89. Attendu que les pièces justificatives ont, par nature, un caractère écrit ; qu’ainsi,
les éléments apportés à décharge sur le caractère dû de ce paiement au regard d’un usage
non écrit qui serait toujours en vigueur à ce jour sont inopérants au stade du constat
d’un manquement du comptable à ses obligations ;
90. Attendu que confronté à des pièces justificatives insuffisantes, M. X aurait dû
suspendre les paiements et en informer l’ordonnateur ; que faute de l’avoir fait, il a manqué
à ses obligations en matière de contrôle de la validité de la dette ; qu’il y a donc lieu de mettre
en jeu sa responsabilité, au titre de l’exercice 2020, à hauteur des montants versés
pour l’année au titre des primes de protocole, de productivité et l’indemnité de vélomoteur ;
Sur l’existence d’un préjudice financier
91. Attendu que pour déterminer si le paiement irrégulier d’une dépense par un comptable
public a causé un préjudice financier à l’organisme concerné, il appartient au juge des comptes
de vérifier, au vu des éléments qui lui sont soumis à la date à laquelle il statue, si la correcte
exécution, par le comptable, des contrôles lui incombant aurait permis d’éviter que soit payée
une dépense qui n’était pas effectivement due ; que, dans l’hypothèse où le comptable
a engagé sa responsabilité en payant une dépense sur le fondement de pièces justificatives
insuffisantes, le manquement doit être regardé comme n’ayant pas, en principe, causé
un préjudice financier à l’organisme concerné lorsqu’il ressort des pièces du dossier, y compris
d’éléments
postérieurs
aux
manquements
en
cause,
que
la
dépense
reposait
sur les fondements juridiques dont il appartenait au comptable de vérifier l’existence au regard
de la nomenclature, que l’ordonnateur a voulu l’exposer et, le cas échéant, que le service
a été fait ;
92. Attendu, en l’espèce, qu’il n’y a pas de doute sur le service fait et la volonté
de l’ordonnateur d’exposer la dépense, attestée par sa signature des bordereaux de mandats
de paye ; que s’agissant du fondement juridique, la prime de productivité a été négociée
avec les représentants des officiers en juillet 1990, que la prime de protocole aurait été
octroyée par un accord d’entreprise datant de la première moitié des années 1970
et que l’indemnité de vélomoteur est servie sans discontinuer depuis les années 1960 ;
que, comme le fait valoir le comptable et le reconnaissent les conclusions du Procureur général
susvisées, l’octroi de ces deux primes et de l’indemnité remplit les conditions de généralité,
constance et fixité pour constituer un usage d’entreprise, dans un établissement
majoritairement soumis au droit privé pour la gestion de son personnel ; que dès lors,
le caractère indu du versement n’est pas établi ; qu’ainsi le manquement du comptable
n’a pas causé de préjudice financier au GPMH ;
93. Attendu qu’aux termes des dispositions du deuxième alinéa du VI de l’article 60 modifié
de la loi du 23 février 1963 susvisée, «
Lorsque le manquement du comptable
[…]
n’a pas causé de préjudice financier à l’organisme public concerné, le juge des comptes
peut l’obliger à s’acquitter d’une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte
des circonstances de l’espèce
» ; que le décret du 10 décembre 2012 susvisé fixe le montant
maximal de cette somme à un millième et demi du montant du cautionnement prévu
pour le poste comptable ;
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94. Attendu
que le montant du cautionnement prévu pour le poste comptable considéré
pour l’exercice 2020 était fixé à 240 000 € ; qu’ainsi le montant maximum de la somme
susceptible d’être mise à la charge de M. X s’élève à 360 € ;
95. Attendu cependant qu’une somme a été mise à la charge du comptable au titre
de la charge n° 3 pour un manquement similaire concernant le même exercice ;
qu’il n’y a donc pas lieu d’obliger le comptable à s’acquitter d’une somme pour le manquement
au titre de la présente charge n° 5 ;
Sur l’existence d’un contrôle sélectif de la dépense
96. Attendu qu’aucun des paiements indus n’entrait dans le champ d’un plan de contrôle
sélectif de la dépense ; que dès lors, les comptables ne pourront pas solliciter une remise
intégrale des débets prononcés à raison des charges n° 2 et n° 4 auprès du ministre chargé
du budget en application des dispositions du IX de l’article 60 modifié de la loi
du 23 février 1963 susvisée ;
Par ces motifs,
DÉCIDE :
Au titre de l’exercice 2019
Article 1
er
. – Il n’y a pas lieu de mettre en jeu la responsabilité du comptable au titre
de la charge n° 1.
Au titre de l’exercice 2020 (charges n° 2, n° 3, n° 4 et n° 5)
Article 2. – M. X
est
constitué
débiteur
du
grand
port
maritime
du Havre, au titre de la charge n° 2, pour la somme de 3 000 €, augmentée des intérêts
de droit à compter du 14 septembre 2022.
Les paiements n’entraient pas dans une catégorie de dépenses faisant l’objet de règles
de contrôle sélectif.
Article 3. – M. X
devra
s’acquitter,
au
titre
de
la
charge
n° 3,
d’une somme de 150 €, en application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 modifié
de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 ; cette somme ne peut faire l’objet d’une remise
gracieuse en vertu du IX de l’article 60 modifié précité.
Article 4. – M. X
est
constitué
débiteur
du
grand
port
maritime
du Havre, au titre de la charge n° 4, pour la somme de 4 787,55 €, augmentée des intérêts
de droit à compter du 14 septembre 2022.
Les paiements n’entraient pas dans une catégorie de dépenses faisant l’objet de règles
de contrôle sélectif.
Article 5. – Il
n’y
a
pas
lieu
d’obliger
M.
X
à
s’acquitter
d’une
somme
à
raison du manquement constaté au titre de la charge n° 5.
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Décharge
Article 6. – M. X
est
déchargé
de
sa
gestion
pour
la
période
du 1
er
janvier au 31 décembre 2019.
Sursis à décharge
Article 7. – La
décharge
de
M. X,
au
titre
de
l’exercice 2020,
ne pourra être donnée qu’après apurement des débets et de la somme à acquitter,
fixés ci-dessus.
Fait et jugé par Mme Michèle COUDURIER, présidente de section, présidente de la formation ;
M.
Jacques
BASSET,
conseiller
maître,
Mme
Catherine PAILOT-BONNÉTAT,
conseillère maître, et M. Patrick SITBON, conseiller maître.
En présence de Mme Nadine BESSON, greffière de séance.
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous commissaires de justice,
sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs
de la République près les tribunaux judiciaires d’y tenir la main, à tous commandants
et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par
Nadine BESSON
Michèle COUDURIER
Conformément aux dispositions de l’article R. 142-20 du code des juridictions financières,
les arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation
présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’État
dans le délai de deux mois à compter de la notification de l’acte. La révision d’un arrêt peut
être demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce dans les conditions
prévues au I de l’article R. 142-19 du même code.