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avis n° 2011-0265
Avis n° 2022-0265
Séance du 25 novembre 2022
5ème section
AVIS
Article L. 1612-15 du code général des collectivités territoriales
Budget 2022
COMMUNE D
’
AVEIZIEUX
Département de la Loire
LA CHAMBRE REGIONALE DES COMPTES AUVERGNE-RHONE-ALPES
VU
le code général des collectivités territoriales, notamment ses articles L. 1612-15,
L. 1612-19
VU
le code des juridictions financières, notamment son article L. 232-1 ;
VU
les lois et règlements relatifs aux budgets des communes et des établissements publics
communaux et intercommunaux ;
VU
l’arrêté d
u président de la chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône-Alpes fixant
la composition des sections et l’arrêté portant délégation de signature aux présidents de
section ;
VU
la lettre du 4 octobre 2022, enregistrée au greffe le 7 octobre 2022 par laquelle la
SAS De Lage Landen Leasing (rcs 393 439 575) a saisi la chambre en application de l'article
L. 1612-
15 du code général des collectivités territoriales, au motif qu’une dépense obligatoire
n’a pas été
inscrite au budget 2022 de la commune d
’Aveizieux
;
VU
la lettre du président de la chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône-Alpes en date
du 11 octobre 2022, informant le maire d
’
Aveizieux de la date limite à laquelle peuvent être
présentées ses observations ;
VU
la lettre en réponse du 21 octobre 2022 du maire d
’
Aveizieux et les pièces jointes ;
VU
les
demandes
de
précisions
complémentaires
adressées
à
la
SAS De Lage Landen Leasing et les réponses de celle-ci en date des 17 octobre 2022 et
3 novembre 2022 ;
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VU
l'ensemble des pièces du dossier ;
Sur le rapport de Mme Hélène DESCOUT, première conseillère ;
VU
les conclusions du ministère public ;
Après avoir entendu le rapporteur, ainsi que M. Franck PATROUILLAULT, représentant du
ministère public, en ses observations ;
CONSIDERANT CE QUI SUIT :
1-
Par lettre du 4 octobre 2022, enregistrée au greffe le 7 octobre 2022, la
SAS De Lage Landen Leasing (rcs 393 439 575) a saisi la chambre régionale des comptes en
application de l'article L. 1612-15 du code g
énéral des collectivités territoriales, au motif qu’une
dépense obligatoire n’a pas été inscrite au budget 2022 de la commune d’Aveizieux
, en
l’espèce la somme de
4 263,18
€
HT correspondant à trois factures impayées liées à deux
contrats souscrits par la commune en août 2014 et février 2016, les intérêts moratoires
correspondants
et une indemnité pour frais de recouvrement de 120 €
;
SUR LA RECEVABILITE DE LA SAISINE ET LE DÉLAI IMPARTI À LA CHAMBRE POUR
STATUER
2-
Aux termes de l'article L. 1612-15 du code général des collectivités territoriales :
« Ne sont
obligatoires pour les collectivités territoriales que les dépenses nécessaires à l'acquittement
des dettes exigibles et les dépenses pour lesquelles la loi l'a expressément décidé.
La chambre régionale des comptes saisie, soit par le représentant de l'État dans le
département, soit par le comptable public concerné, soit par toute personne y ayant intérêt,
constate qu'une dépense obligatoire n'a pas été inscrite au budget ou l'a été pour une somme
insuffisante. Elle opère cette constatation dans le délai d'un mois à partir de sa saisine et
adresse une mise en demeure à la collectivité territoriale concernée.
Si, dans un délai d'un mois, cette mise en demeure n'est pas suivie d'effet, la chambre
régionale des comptes demande au représentant de l'Etat d'inscrire cette dépense au budget
et propose, s'il y a lieu, la création de ressources ou la diminution de dépenses facultatives
destinées à couvrir la dépense obligatoire. Le représentant de l'Etat dans le département règle
et rend exécutoire le budget rectifié en conséquence. S'il s'écarte des propositions formulées
par la chambre régionale des comptes, il assortit sa décision d'une motivation explicite »
;
3-
Aux termes de l'article R. 1612-34 du code général des collectivités territoriales :
« La
chambre régionale des comptes se prononce sur la recevabilité de la demande. Elle constate
notamment la qualité du demandeur et, s'il y a lieu, l'intérêt qu'il a à agir »
;
4-
La société requérante, régulièrement représentée par la signataire du courrier, fait valoir
qu’
elle détient une créance
d’origine contractuelle
contre la collectivité et a donc qualité et
intérêt pour agir ;
5 -
L’article R.
1612-8 du code général des collectivités territoriales dispose que :
« Lorsque la
chambre régionale des comptes est saisie par le représentant de l'Etat d'une décision
budgétaire ou d'un compte administratif, le délai dont elle dispose pour formuler des
propositions court à compter de la réception au greffe de l'ensemble des documents dont la
production est requise selon le cas par les articles R. 1612-16, R. 1612-19, R. 1612-23,
R. 1612-24 et R. 1612-27. Ces dispositions sont applicables lorsque la chambre est saisie
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d'une demande d'inscription d'une dépense obligatoire au budget d'une collectivité ou d'un
établissement public local »
;
6-
En l
’espèce, les dernières pièces de la société
requérante ayant été enregistrées au greffe
de la chambre le 3 novembre 2022, il y a lieu de faire courir à partir de cette date le délai dont
la juridiction dispose pour formuler ses propositions ;
7-
La saisine est donc recevable et complète à compter de cette date ;
SUR LE CARACTERE OBLIGATOIRE DE LA DEPENSE
8-
Il résulte des dispositions précitées du code général des collectivités territoriales que la
chambre régionale des comptes constate qu’une dépense est obligatoire pour une commune,
et met celle-
ci en demeure de l’inscrire à son budget en ce qui concerne les dépenses
nécessaires à l’acquittement des dettes dites exigibles, c’est
-à-dire qui sont échues, certaines,
liquides, non sérieusement contestées dans leur principe et dans leur montant, quelle que soit
l’origine de l’obligation dont procède la dette, ainsi que pour les dépenses pour lesquelles la
loi l’a expressément décidé
;
9-
La SAS De Lage Landen Leasing (ci-après DLL),
expose que la commue d’
Aveizieux a
conclu deux contrats de location-maintenance avec elle, via la société rex Rotary :
-
Contrat 87540425398 signé le 26 août 2014 portant sur deux copieurs, prévoyant le
paiement de 21 loyers trimestriels d’un montant de 3
203,20
€
HT chacun
-
Contrat 87540488640 signé le 26 février 2016 portant sur un copieur, prévoyant le
paiement de 21 loyers trimestriels d’un montant de 514
€
HT chacun
A
la suite de plusieurs impayés survenus à partir de l’été 2018,
la société DLL a adressé
plusieurs mises en demeures à la commune d’Aveizieux
portant sur trois factures :
-
facture du 12 août 2018 à échéance du 20 septembre 2018 portant sur la période du
20 août 2018 au 20 novembre 2018
, d’un montant de 3
203,20
€
HT (contrat
87540425398) ;
-
facture du 2 juillet 2018 à échéance du 10 septembre 2018 concernant la période du
10 août 2018 au 10 novembre 2018 et facture du 1
er
octobre 2018 à échéance du
10 décembre 2018 concernant la période de novembre 2018 à février 2019, de
635,99
€
TTC chacune (contrat 87540488640).
Elle expose avoir ensuite résilié unilatéralement les contrats le 17 décembre 2018 et mis en
demeure la commune d’
Aveizieux
de lui restituer le matériel et de lui régler l’intégralité des
loyers restant à courir, augmentés de la majoration de 10 %, à savoir la somme totale de
28 100,32
€
TTC. Interrogée par la chambre quant au montant ainsi réclamé à la commune,
différent de celui faisant l’objet de la saisine, la requérante indique que la somme de
28 100,32
€ correspond au montant des indemnités de résiliation et inclu
t les factures
impayées. Elle précise en effet, que
l’article 9
-3 des conditions générales de ces deux contrats
prévoit qu’en cas de résiliation, l’indemnité due par le locataire «
en réparation du préjudice
subi est égale à la somme des loyers restant à courir à la date d
e la résiliation jusqu’au terme
initialement prévu du contrat augmentée d’une pénalité pour inexécution du contrat égale à
10 % du montant HT des loyers restant à courir, majorée de toutes taxes applicables et de
tous frais et honoraires exposés par le bailleur ». La somme de 4 263,18
€
HT, correspond
donc au montant des trois factures précitées, ainsi que les intérêts moratoires et les frais
contentieux ;
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Dans un second temps, la société DLL a précisé
solliciter l’inscription
au titre des dépenses
obligatoires de la somme de 28 100,32
€
correspondant au montant des indemnités de
résiliation et incluant les factures impayées.
La société DLL estime que ces contrats relèvent du droit civil et que les clauses contractuelles
s’imposent aux parties.
10-
En réponse, la
commune d’
Aveizieux expose avoir résilié les deux contrats de location
maintenance par courrier du 6 avril 2018, avoir cessé de payer les loyers à partir de juin 2018,
avoir informé la société requérante des voies de recours contre sa décision, et avoir restitué
le matériel en février 2019. Elle estime que les clauses générales de ces contrats sont
contraires aux principes du code de la commande publique et ne sauraient
l’
empêcher de
résilier ceux-
ci pour un motif d’intérêt général.
Elle indique que l
e montant de l’indemnité de
résiliation, à savoir l’intégralité des loyers restant à verser,
est en outre disproportionné par
rapport au préjudice subi et contraire aux mêmes principes.
Elle indique qu’aucune
juridiction
n’a été saisie pour statuer
sur cette contestation et déterminer le montant de
l’
indemnisation.
La commune estime donc ne pas devoir à la société DLL les sommes sollicitées et soutient
que cette demande ne porte pas sur une dépense obligatoire.
11-
Au vu des arguments des parties et des pièces du dossier, il y a lieu de considérer que les
contrats conclus entre la société DLL et la
commune d’
Aveizieux ne prévoient pas de
possibilité de résiliation anticipée de la part du preneur. Ils portent néanmoins sur la fourniture
d’un service ou d’une prestation, à titre onéreux, au profit d’une personne publique et
s’analysent
dès lors comme des contrats relevant de la commande publique, auxquels les
dispositions du code civil ne sont pas applicables.
12-
Reprenant une jurisprudence constante, le Code de la commande publique prévoit la
possibilité pour la personne publique de résilier unilatéralement un contrat pour un motif
d’intérêt général
, résiliation qui ouvre droit à une indemnisation au profit du co-contractant.
Cette indemnisation a vocation à réparer le préjudice, réel et certain, directement causé par la
résiliation. Le
montant de l’indemnité de résiliation peut être contractuellement prévu mais ne
doit pas être excessif par rapport au préjudice ni s’analyser en une libéralité, prohibé
e pour les
personnes publiques.
13-
La
commune d’Aveizieux
avait donc la possibilité de résilier de façon anticipée ces
contrats, mais cette décision faisait naître un droit à indemnisation au profit de la SAS DLL.
La créance de celle-ci à ce titre est donc certaine dans son principe.
14-
Toutefois, la commune a contesté dès juin 2018 les modalités de calcul et le montant de
l’
indemnité de résiliation définie dans les clauses contractuelles au motif que celles-ci
prévoient une indemnité d'un montant supérieur au loyer qu
’elle
aurait continué à verser en
exécution du contrat. Elle estime que ces clauses doivent être écartées comme étant
manifestement disproportionnées par rapport au seul préjudice lié à la résiliation des contrats,
dès lors que la société ne justifie pas de charges particulières ou de l'impossibilité de vendre
ou de louer ce matériel, ce qui est le cas en l’espèce
puisque le matériel a été restitué.
Dans une affaire similaire le Conseil d’
État (3 mars 2017 n° 392446) a estimé que
l’indemnité
de résiliation contractuelle égale à tous les loyers dus et à échoir jusqu’au terme de la durée
initiale de location majorée de 10 % devait être regardée pouvait être qualifiée de
manifestement disproportionnée au regard du préjudice subi.
Par ailleurs, sans préjudice du droit à indemnisation auquel la société requérante peut
prétendre, les trois factures précitées ont été émises postérieurement à la résiliation du contrat
et ne peuvent dès lors être exigées à titre de paiement d’une prestation
qui avait pris fin.
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Dans ces conditions, la contestation
élevée par la commune en tant qu’elle
porte sur la
liquidation de la créance, repose donc sur des motifs qui peuvent être qualifiés de sérieux.
15-
Il en résulte que si la société DLL bénéficie bien
d’un droit à indemnisation au titre de
la
résiliation anticipée de ces contrats, le montant de celle-ci ne peut être défini avec certitude
en se référant aux dispositions contractuelles qui
font l’objet d’une contestation sérieuse
.
16-
Dès lors que le montant de la créance détenue par la société DLL
fait l’objet d’une
contestation sérieuse qui ne permet pas d’en connaître le montant
et de s’assurer de la liquidité
de celle-ci, cette créance ne peut être considérée comme une dépense obligatoire devant être
inscrite au budget de la
commune d’
Aveizieux.
PAR CES MOTIFS
Article 1 : DECLARE
recevable la saisine de la SAS De Lage Landen Leasing.
Article 2 : DIT
que la dépense objet de la saisine n’a pas un caractère obligatoire pour la
commune d’
Aveizieux, dès lors que sa liquidation est sérieusement contestée.
Article 3 : DIT
qu’il n’y a pas lieu, en conséquence, de mettre en demeure
la collectivité
d’inscrire ladite dépense à son budget
.
Article 4 : DIT
que le présent avis sera notifié à la SAS De Lage Landen Leasing, à la
commune d’Aveizieux, ainsi qu’à la Préfète de la Loire et au directeur
départemental des finances de la Loire.
Article 5 : RAPPELLE
que le conseil municipal doit être tenu informé, dès sa plus proche
réunion, du présent avis, conformément aux dispositions de l'article L. 1612-19
susvisé du code général des collectivités territoriales.
Fait et délibéré en la chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône-Alpes,
cinquième section, le vingt-cinq novembre deux mille vingt-deux.
Présents : M. Patrick CAIANI, président de séance, Mme Marina GUIRONNET, première
conseillère, ainsi que Mme Hélène DESCOUT, première conseillère, rapporteure.
Le président de séance
Patrick CAIANI
Voies et délais de recours (article R. 421-1 du code de justice administrative) : La présente
décision peut être attaquée devant le tribunal administratif territorialement compétent dans un
délai de deux mois à compter de sa notification.