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SEPTIÈME CHAMBRE
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Deuxième section
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Arrêt n° S-2022-2078
Audience publique du 24 novembre 2022
Prononcé du 15 décembre 2022
CHAMBRE RÉGIONALE D’AGRICULTURE
D’ALSACE, CHAMPAGNE-ARDENNE ET
LORRAINE, DITE CHAMBRE RÉGIONALE
D’AGRICULTURE GRAND EST (CRAGE)
Exercices 2017 à 2019
Rapport n° R-2022-0973-1
République française,
Au nom du peuple français,
La Cour,
Vu le réquisitoire n° 2022-14 du 29 mars 2022 par lequel la Procureure générale
près la Cour des comptes a saisi la Cour de charges soulevées à l’encontre
de
Mme X
et
M. Y,
agents
comptables
successifs
de la chambre régionale d’agriculture (CRA) d’Alsace, Champagne-Ardenne et Lorraine,
dite CRA Grand Est (CRAGE), au titre des exercices 2017 à 2019, notifié aux intéressés
respectivement les 7 et 6 avril 2022 ;
Vu les comptes rendus en qualité de comptables de la CRAGE, par Mme X,
du 1
er
janvier 2017 au 1
er
janvier 2019, et M. Y, du 2 janvier au 31 décembre 2019 ;
Vu les justifications produites au soutien des comptes en jugement ;
Vu le code de commerce, notamment ses articles L. 622-24, L. 622-26 et R. 622-24 ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu le code rural et de la pêche maritime ;
Vu l’article 60 modifié de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;
Vu les lois et règlements applicables à l’organisme, notamment l’ordonnance n° 2015-1538
du 26 novembre 2015 relative à l’évolution des circonscriptions des chambres d’agriculture
et le décret n° 2015-1539 du 26 novembre 2015 portant diverses dispositions pour l’adaptation
des chambres d’agriculture à la réforme régionale ;
Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable
publique ;
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Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI
de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié, dans sa rédaction issue de l’article 90
de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;
Vu l’arrêté du 31 janvier 2018 fixant la liste des pièces justificatives des dépenses
des organismes soumis au titre III du décret du 7 novembre 2012 susvisé ;
Vu les instructions codificatrices M91, commune à tous les établissements publics nationaux
à caractère administratif, et M92 spécifique aux chambres d’agriculture, applicables
aux exercices visés par le réquisitoire ;
Vu le rapport n° R-2022-0973-1 à fin d’arrêt de M. Jean-François GUILLOT, conseiller maître,
magistrat chargé de l’instruction ;
Vu les conclusions n° 584 du Procureur général du 17 novembre 2022 ;
Vu les pièces du dossier ;
Entendu lors de l’audience publique du 24 novembre 2022, M. GUILLOT, conseiller maître,
en son rapport, M. Pierre VAN HERZELE, avocat général, en les conclusions du ministère
public ; les autres parties informées de l’audience n’étant ni présentes, ni représentées ;
Entendu en délibéré M. Patrick SITBON, conseiller maître, réviseur, en ses observations ;
Sur la charge n° 1, soulevée à l’encontre de Mme X au titre des exercices 2017 et 2018
1. Attendu que, par le réquisitoire susvisé, la Procureure générale a saisi la Cour des comptes
de la responsabilité encourue, au titre des exercices 2017 et 2018, par Mme X,
à raison de l’insuffisance de diligences pour le recouvrement de trois créances émises
à l’encontre d’une société par actions simplifiée pour un montant total de 14 851 € ;
que la société débitrice a fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire, convertie
en liquidation judiciaire ; que les créances de la chambre n’auraient pas été déclarées
dans les délais légaux par son agent comptable et qu’aucune demande en relevé de forclusion
n’aurait été sollicitée, ce qui aurait définitivement compromis leur recouvrement ;
Sur les éléments apportés à décharge par la comptable
2. Attendu que la comptable ne conteste pas le défaut de déclaration des créances auprès
du mandataire judiciaire ainsi que l’absence de demande d’un relevé de forclusion
dans les délais légaux ;
3. Attendu qu’elle indique qu’à l’époque des faits, en plus de son poste à temps plein
dans un service de la direction générale des finances publiques, elle était agent comptable,
en adjonction de service, de la CRAGE et d’un autre établissement public national ;
qu’elle
souligne
que
«
sans
que
cela
puisse
être
un
motif
pour
[la]
défaire
de
[sa]
responsabilité
», elle a «
profité de la création de la nouvelle agence comptable
qui devait regrouper la chambre régionale et quelques chambres départementales
pour démissionner de
[ses]
fonctions d’agent comptable de la chambre d’agriculture
Grand Est
» ; qu’en outre, «
la distance géographique entre le siège social, la direction
administrative et l’agence comptable ne
[lui]
permettait pas de travailler de façon efficiente
notamment dans ces premières années de fonctionnement de la chambre
» ;
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4. Attendu qu’elle fait valoir que «
même si cela ne peut justifier l’absence de déclaration
de créances auprès du mandataire, si les perspectives de recouvrement n’étaient pas nulles,
la conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire, peuvent amener à penser
que le recouvrement des créances par la chambre d’agriculture Grand Est était bien
compromis
» ;
Sur le droit applicable en matière de responsabilité des comptables publics
5. Attendu qu’aux termes du I de l’article 60 modifié de la loi du 23 février 1963 susvisée,
« les
comptables
publics
sont
personnellement
et
pécuniairement
responsables
du recouvrement des recettes
»
;
que leur responsabilité «
se trouve engagée dès lors [...]
qu’une recette n’a pas été recouvrée
» ; que la responsabilité personnelle et pécuniaire
des comptables publics en matière de recouvrement des recettes s’apprécie au regard
de leurs diligences, lesquelles doivent être adéquates, complètes et rapides ;
6. Attendu qu’aux termes du III du même article, la responsabilité personnelle et pécuniaire
des
comptables
publics
«
ne
peut
être
mise
en
jeu
à
raison
de
la
gestion
de leurs prédécesseurs que pour les opérations prises en charge sans réserve
lors de la remise de service ou qui n’auraient pas été contestées par le comptable entrant,
dans un délai fixé par l’un des décrets prévus au paragraphe XII ci-après
» ;
7. Attendu
qu’aux
termes
de
l’article 17
du
décret
du
7 novembre 2012
susvisé,
«
Les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des actes
et contrôles qui leur incombent en application des dispositions des articles 18, 19 et 20,
dans les conditions fixées par l’article 60 de la loi du 23 février 1963
» ;
8. Attendu qu’aux termes de l’article 18 du même décret, «
Dans le poste comptable
qu’il dirige, le comptable public est seul chargé : [...] 4° De la prise en charge des ordres
de recouvrer [...] qui lui sont remis par les ordonnateurs ; 5° Du recouvrement des ordres
de recouvrer et des créances constatées par un contrat, un titre de propriété ou tout autre titre
exécutoire ; 6° De l’encaissement des droits au comptant et des recettes liées à l’exécution
des ordres de recouvrer
» ;
Sur le droit applicable aux procédures collectives
9. Attendu
qu’aux
termes
de
l
’artic
le
L. 622-24
du
code
de
commerce
,
«
À partir de
la
publication du jugement
,
tous
les créanciers
dont la
créance est née
antérieurement au jugement
d’ouverture,
à l’exception des salariés, adressent
la
déclaration
de leurs
créances au mandataire
judiciaire dans
des
délais fi
xés
par décret en Conseil d’État
[...].
/
La
déclara
tion
des créances
doi
t
être faite alors même qu’elles
ne
sont pas établies
par un
t
i
tre. Celles dont le
montant
n’est
pas encore définitivement fixé sont déclarées
sur la base
d’une
évaluation. Les créances du Trésor public et des organismes de prévoyance
et de sécurité
sociale
ainsi que les créances recouvrées par les organismes visés
à
l’article
L. 5427-1 à L. 5427-6 du code du
tra
va
il
qui
n’ont
pas fait
l’objet
d’un titre exécutoire
au
mo
ment
de
leur
déclaration sont admises à titre provisionnel pour
leur montant
déclaré.
En
tout
état
de cause,
les
déclarations du Trésor et de la sécurité sociale sont
toujours
faites
sous
rése
rve
des impôts et
aut
res
créances non établis à la date de la déclaration
.
Sous
réserve des
procédures judiciaires ou administratives en cours, leur établissement
définitif doit, à peine de forclus
i
on
,
être effectué dans le délai prévu à l’article L. 624-1
»
;
que l’article R. 622-24 du même code fixe ledit
délai
à
deux mois
;
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10. Attendu qu’aux termes de l’article L. 622-26 du même code «
À défaut de déclaration
dans les délais prévus à l’article L. 622-24, les créanciers ne sont pas admis
dans les répartitions et les dividendes à moins que le juge-commissaire ne les relève
de leur forclusion s’ils établissent que leur défaillance n’est pas due à leur fait […].
/ L’action en relevé de forclusion ne peut être exercée que dans le délai de six mois. Ce délai
court à compter de la publication du jugement d’ouverture ou, pour les institutions mentionnées
à l’article L. 3253-14 du code du travail, de l’expiration du délai pendant lequel les créances
résultant du contrat de travail sont garanties par ces institutions. Pour les créanciers titulaires
d’une sûreté publiée ou liés au débiteur par un contrat publié, il court à compter de la réception
de l’avis qui leur est donné. Par exception, si le créancier justifie avoir été placé
dans l’impossibilité de connaître l’obligation du débiteur avant l’expiration du délai de six mois,
le délai court à compter de la date à laquelle il est établi qu’il ne pouvait ignorer l’existence
de sa créance
» ;
Sur les faits
11. Attendu que les trois créances visées par le réquisitoire, d’un montant total de 14 851 €,
correspondent aux ordres de recettes n° OR-2014-BU0000154 du 20 octobre 2014 de 5 019 €,
n° OR-2015-BU0000278 du 27 décembre 2015 de 5 110 €, et n° OR-2016-BU-0000572
du 31 décembre 2016 de 4 722 € ; que ces trois ordres de recettes ont été émis en application
d’un avenant financier annuel à une convention pour l’encadrement du recyclage agricole
des boues, conclu entre la CRA de Lorraine et la société débitrice ;
12. Attendu que, par courriel du 6 novembre 2017 envoyé à la cheffe du pôle financier
– ressources humaines de la CRAGE, à la suite d’une relance reçue le même jour
pour les 14 851 € dus, la société débitrice a indiqué qu’elle avait été placée en redressement
judiciaire le 17 octobre 2017, et a transmis les coordonnées du mandataire judiciaire
afin de permettre la déclaration des créances à celui-ci ; que ce courriel a été transféré
le 23 novembre 2017 à la comptable ; que, par lettre du 9 novembre 2017, reçue
le 15 novembre 2017 au service « comptabilité » selon le tampon figurant sur la lettre,
le mandataire judiciaire désigné a informé la CRAGE de l’ouverture de la procédure et a invité
la chambre à déclarer ses créances ;
13. Attendu que le jugement du 17 octobre 2017 du tribunal de commerce d’Épinal prononçant
l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire, et mentionnant le 1
er
janvier 2017
comme date de cessation des paiements, a été publié au Bulletin officiel des annonces civiles
et commerciales (BODACC) le 24 octobre 2017 ; que la comptable pouvait donc,
jusqu’au 24 décembre 2017, procéder à la déclaration des créances, ce qu’elle n’a pas fait ;
qu’elle n’a pas non plus sollicité ultérieurement un relevé de forclusion ; que par jugement
du 13 février 2018, publié au BODACC le 20 février 2018, le redressement judiciaire
a été converti en liquidation judiciaire ; que l’état des créances admises a été déposé
le 14 mai 2018 au greffe du tribunal, selon l’annonce publiée au BODACC le 20 mai 2018 ;
qu’à ce jour, la procédure n’a pas encore été clôturée ;
Sur l’existence d’un manquement
14. Attendu que la comptable, qui n’a pas émis de réserve sur les deux premières créances
antérieures à sa prise de fonction, ne conteste pas l’absence de déclaration due, selon elle,
à une erreur dans le classement des pièces relatives aux créances ; que si elle souligne,
d’une part, le fait qu’elle devait assumer, en plus de ses fonctions principales, celles d’agent
comptable en adjonction de service de deux établissements et, d’autre part, les difficultés liées
à l’éloignement géographique de son poste comptable principal en Alsace et de la direction
administrative et financière de la chambre située en Lorraine, ces éléments de contexte
ne constituent pas une circonstance de force majeure au sens des dispositions du V
de l’article 60 modifié de la loi du 23 février 1963 susvisée et ne sont pas de nature à l’exonérer
de sa responsabilité ;
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15. Attendu
ainsi
que
Mme X
a
manqué
à
ses
obligations
en
matière
de recouvrement des recettes ; qu’il y a lieu de mettre en jeu sa responsabilité, au titre
de l’exercice 2017, à hauteur du montant total des trois créances, soit 14 851 €,
dont le recouvrement a été irrémédiablement compromis par leur non-déclaration au passif
de la procédure collective et par le défaut de demande d’un relevé de forclusion ;
Sur l’existence d’un préjudice financier
16. Attendu que le défaut de recouvrement d’une créance cause en principe un préjudice
financier à l’organisme concerné ; que toutefois, il n’y a pas de préjudice lorsque la preuve
est apportée qu’en toute hypothèse la créance n’aurait pas pu être recouvrée ;
17. Attendu, en l’espèce, que cette preuve n’a pas été apportée ; que la société débitrice
n’a été déclarée en cessation de paiements que le 1
er
janvier 2017 ; que les deux premières
créances
nées
avant
la
prise
de
fonctions
de
Mme X,
et
la
troisième
datant
de 2016, n’étaient pas irrécouvrables avant cette date ; que si la comptable estime que
la conversion de la procédure de règlement judiciaire en liquidation judiciaire était de nature
à compromettre le recouvrement des créances, aucune pièce au dossier n’atteste que
les perspectives de recouvrement auraient été nulles si les créances avaient été déclarées ;
que le manquement de la comptable a donc causé un préjudice financier à la CRAGE, au sens
des dispositions du troisième alinéa du VI de l’article 60 modifié de la loi du 23 février 1963
susvisée ;
18. Attendu qu’aux termes du même article, «
Lorsque le manquement du comptable a causé
un préjudice financier à l’organisme concerné, le comptable a l’obligation de verser
immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante
» ; qu’ainsi, il y a lieu
de
constituer
Mme X
débitrice
de
la
CRAGE
pour
la
somme
de
14 581 €,
au titre de l’exercice 2017 ;
19. Attendu qu’aux termes du VIII de l’article 60 modifié de la loi du 23 février 1963 susvisée
«
Les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu
de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics
» ; qu’en l’espèce
cette date est le 7 avril 2022, date de réception du réquisitoire par la comptable ;
Sur la charge n° 2, soulevée à l’encontre de M. Y au titre de l’exercice 2019
20. Attendu que, par le réquisitoire susvisé, la Procureure générale a saisi la Cour des comptes
de la responsabilité encourue, au titre de l’exercice 2019, par M. Y à raison du défaut
de contrôle de la validité de la dette, qui porte notamment sur la production des pièces
justificatives, lors du paiement, par mandat n° 1376 du 4 juin 2019, d’une subvention
de 20 000 € au profit de la fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles
(FDSEA) de Meurthe-et-Moselle ; que l’attribution de cette subvention aurait été autorisée
par une décision du bureau, alors qu’aucune délégation de la session au bureau
n’a été produite pour l’habiliter à prendre une telle décision ; qu’au surplus, aucune délibération
approuvant la signature du contrat de partenariat, pas plus que les pièces justificatives
requises à l’appui d’un contrat de partenariat, n’auraient été produites ;
Sur les éléments apportés à décharge par le comptable et l’ordonnateur en fonctions
21. Attendu que le comptable et l’ordonnateur font valoir que la chambre, réunie en session
«
a donné explicitement délégation en matière de subventions au bureau de la CRAGE
par deux délibérations n° F1/2016 du 15/12/2015 et n° 2019/F8
[jointes à l’appui] » ;
que,
«
à la date de prise de décision du Bureau, celui-ci avait bien reçu délégation de la part
de la Session en matière de subventions à accorder
» ;
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22. Attendu
qu’ils
font
aussi
valoir
que
le
contrat
conclu
entre
la
FDSEA
de Meurthe-et-Moselle et la CRAGE «
a été intitulé à tort "contrat de partenariat"
car il
n’avait comme vocation qu’à venir appuyer la décision d’attribution de la subvention
de 20 000 euros décidée en Bureau. Par ailleurs, la lecture du contrat met clairement en avant
non pas un partenariat mais bien une prestation de service demandée par la CRAGE
à la FDSEA afin que cette dernière mette en avant la "marque" Chambres d’agriculture
du Grand Est lors de son congrès
» ; qu’ils ajoutent qu’il s’agit plus d’un «
contrat de prestation
de service qu’un contrat de partenariat puisque la CRAGE, hormis la subvention versée,
n’était en rien un partenaire actif au congrès de la FDSEA. Elle n’y a pas participé
et sa seule demande était de bénéficier d’un peu de publicité via la promotion faite
par la FDSEA à travers les actions contractualisées
» ;
23. Attendu qu’ils en concluent que la volonté de la chambre était effectivement de verser
une subvention à l’appui d’un contrat de prestation de service ; qu’ils demandent
que les conséquences en soient tirées, s’agissant de la responsabilité personnelle
et pécuniaire du comptable ;
Sur le droit applicable en matière de responsabilité des comptables
24. Attendu qu’en application de l’article 60 modifié de la loi du 23 février 1963 susvisée,
«
les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables […]
du paiement des dépenses
» ; que la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables
publics «
se trouve engagée dès lors
[…]
qu’une dépense a été irrégulièrement payée
» ;
25. Attendu qu’aux termes de l’article 17 du décret du 7 novembre 2012 susvisé,
«
Les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des actes
et contrôles qui leur incombent en application des dispositions des articles 18, 19 et 20,
dans les conditions fixées par l’article 60 de la loi du 23 février 1963
» ;
26. Attendu qu’aux termes de l’article 18 du même décret, «
Dans le poste comptable
qu’il dirige, le comptable public est seul chargé : [...]
4° De la prise en charge des ordres [...]
de payer qui lui sont remis par les ordonnateurs ; [...]
7
° Du paiement des dépenses,
soit sur ordre émanant des ordonnateurs, soit au vu des titres présentés par les créanciers,
soit
de
leur
propre
initiative
» ;
qu’aux
termes
de
l’article 19
du
même
texte,
«
Le comptable public est tenu d’exercer le contrôle :
[...]
2° S’agissant des ordres de payer :
[...]
d) De la validité de la dette dans les conditions prévues à l’article 20
» ;
qu’aux termes de cet article, «
Le contrôle des comptables publics sur la validité de la dette
porte sur : [...] 2° L’exactitude de la liquidation ; 3° La production des pièces justificatives
»,
notamment ;
27. Attendu qu’aux termes de l’article 38 du même décret, «
lorsqu’à l’occasion de l’exercice
des contrôles prévus au 2° de l’article 19 le comptable public a constaté des irrégularités
ou des inexactitudes dans les certifications de l’ordonnateur, il suspend le paiement
et en informe l’ordonnateur
» ;
Sur le droit applicable en matière de production des pièces justificatives
28. Attendu qu’aux termes de l’article 50 du décret du 7 novembre 2012 susvisé,
«
Les opérations de recettes, de dépenses et de trésorerie doivent être justifiées
par des pièces prévues dans des nomenclatures établies […] par arrêté du ministre chargé
du budget […]. Lorsqu’une opération de dépense n’a pas été prévue par une nomenclature
mentionnée
ci-dessus,
doivent
être
produites
des
pièces
justificatives
permettant
au comptable d’opérer les contrôles mentionnés aux articles 19 et 20
» ;
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29. Attendu qu’aux termes de l’article « 6.1 Subventions accordées » de l’annexe à l’arrêté
du 31 janvier 2018 susvisé, les pièces à produire à l’agent comptable en cas de paiement
unique,
ou
du
premier
paiement
d’un
versement
échelonné
d’une
subvention,
sont
les
suivantes : «
1. Le
cas
échéant,
autorisation
du
conseil
d’administration
2. Décision attributive de la subvention et ses annexes financières éventuelles ou convention
d’attribution de la subvention et ses annexes financières éventuelles ; 3. Le cas échéant,
certificat de l’ordonnateur attestant l’état d’exécution du projet subventionné à hauteur
des justifications produites ainsi que la production des pièces complémentaires prévues
par la décision ou la convention attributive
» ; que le commentaire ajoute que «
la décision
ou la convention attribuant la subvention doit préciser l’objet, le bénéficiaire, les conditions
d’utilisation, le montant et les modalités de règlement de la subvention ainsi que,
le cas échéant, les clauses de reversement de cette dernière
» ;
30. Attendu que selon l’article « 4.3 Contrat de partenariat » de l’annexe à l’arrêté
du 31 janvier 2018 précité, doivent être produits à l’agent comptable les pièces suivantes :
«
1. Document portant la référence à la délibération ou à la décision d’attribution du contrat
de partenariat ; 2. Contrat, s’il y a lieu, et, le cas échéant, cahier des charges ;
3. Le cas échéant, pièces justificatives prévues dans le contrat ; 4. Facture ou mémoire
» ;
Sur le droit applicable aux compétences de la chambre, réunie en session, et aux délégations
possibles
31. Attendu qu’aux termes de l’article D511-54-1 du code rural et de la pêche maritime
,
« La chambre d’agriculture, réunie en session, règle par ses délibérations les affaires
de l’établissement. Elle délibère notamment sur : […] 9° La passation des contrats,
conventions et marchés d’un montant supérieur à un seuil qu’elle détermine ; […]
11° Les subventions ; […] / Dans les limites qu’elle détermine, la session peut déléguer
au bureau les attributions mentionnées aux […] 9°, […] 11° […]
» ;
Sur les délégations données par la chambre réunie en session
32. Attendu que, par délibération référencée « 2016-F1 : Pouvoirs au Bureau et au Président »
de la chambre, réunie en session le 15 décembre 2015, celle-ci a donné pouvoir au bureau
«
d’adopter en ses lieu et place toutes décisions sur : […] les subventions
», sans limite
de montant, et au président «
de conclure des contrats, conventions en dépenses et marchés
d’un montant inférieur à 300 000 euros hors taxes
» ;
33. Attendu par ailleurs que, par délibération référencée « 2019-F8 : Pouvoirs au Bureau
et au Président » de la chambre, réunie en session le 15 mars 2019, celle-ci a donné pouvoir
au bureau «
d’adopter en ses lieux et place toutes décisions sur : […] les subventions
»,
sans limite de montant, et au président «
de conclure des contrats, conventions en dépenses
et marchés d’un montant inférieur à 600 000 euros hors taxes
» ;
Sur les faits relatifs à la convention conclue et au paiement effectué
34. Attendu que le compte rendu de la réunion du 20 novembre 2018 du bureau de la CRAGE
fait état d’une «
demande de subvention pour le Congrès national de la FNSEA 2019 à Nancy
les 26-27-28 mars
» et de la décision du bureau «
d’affecter à ce congrès 20 000 € au nom
du réseau des Chambres d’Agriculture du Grand Est
» ;
35. Attendu qu’une « convention de partenariat », signée le 25 janvier 2019 par les présidents
respectifs de la FDSEA de Meurthe-et-Moselle et de la CRAGE, mentionne au préalable que
la FDSEA a été sélectionnée pour organiser ledit congrès et que, «
Afin de mettre en avant
ses partenaires,
[elle]
a souhaité établir diverses conventions de partenariat avec eux
» ;
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qu’aux termes de l’article I, «
La présente convention a pour finalité de définir les conditions
et les modalités des obligations de chaque partie et plus généralement du partenariat établi
entre elles
» ; que les articles II et III définissent les engagements de la FDSEA au titre
respectif du « congrès » et des « animations grand public », qui consistent principalement
en l’apposition du logo et de la dénomination de la chambre sur divers supports et de l’insertion
de documents dans la malette des congressistes ; qu’aux termes de l’article IV, la CRAGE
s’engage auprès de la FDSEA à lui verser la somme de 20 000 € en deux fois, 50 % le jour
de la signature de la convention, et 50 % au plus le 5 avril 2019 ;
36. Attendu que la FDSEA a émis, le 3 mai 2019, une facture de 20 000 € à l’encontre
de la CRAGE ; que cette facture a fait l’objet d’un paiement unique par mandat n° 1376
du
4 juin 2019,
lequel
mentionne
comme
compte
d’imputation
le
compte 62888
« autres prestations extérieures diverses » ;
Sur le manquement
37. Attendu que le réquisitoire fait grief au comptable d’avoir procédé au paiement incriminé
en l’absence d’une délibération de la chambre, réunie en session, ayant donné délégation
au bureau pour attribuer la subvention, d’une délibération approuvant la signature du contrat
(ou convention) de partenariat, et des pièces requises par la nomenclature en cas de dépenses
payées dans le cadre d’un contrat de partenariat ;
38. Attendu que le comptable disposait, au moment du paiement, de la délibération n° 2016-F1
du 15 décembre 2015 de la chambre, réunie en session, déléguant au bureau le pouvoir
d’octroyer une subvention sans limite de montant ;
39. Attendu que, s’agissant de l’absence alléguée d’une délibération approuvant la signature
du contrat (ou convention) de partenariat, aucune n’était nécessaire car les deux délibérations
susmentionnées de la chambre, réunie en session, avaient donné pouvoir au président
«
de conclure des contrats, conventions en dépenses et marchés d’un montant inférieur »
à 300 000 € hors taxes (HT), en 2015, et 600 000 € HT en 2019 ;
40. Attendu, en ce qui concerne enfin les pièces requises à l’appui d’un contrat
de partenariat, que le comptable disposait du compte-rendu de la réunion du bureau
du 20 novembre 2018, valant décision d’attribution, de la convention de partenariat
conclue le 25 janvier 2019, et de la facture du 3 mai 2019 ; que la « convention
de partenariat » ne prévoyant ni cahier des charges, ni pièces justificatives particulières,
le comptable n’avait pas à exiger d’autres pièces à l’appui du paiement ;
41. Attendu, en conséquence, qu’il n’y a pas lieu de mettre en jeu la responsabilité
du comptable à raison de la charge n° 2, soulevée à l’encontre de M. Y, au titre
de l’exercice 2019 ;
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Par ces motifs,
DÉCIDE :
En ce qui concerne Mme X
Au titre de l’exercice 2017 (charge n° 1)
Article 1
er
. – Mme X
est
constituée
débitrice
de
la
chambre
régionale
d’agriculture Grand Est, au titre de la charge n° 1, pour la somme de 14 851 € augmentée
des intérêts de droit à compter du 7 avril 2022.
Au titre de l’exercices 2018 (charge n° 1)
Article 2. – Il n’y a pas lieu de mettre en jeu la responsabilité de la comptable, au titre
de la charge n° 1, pour cet exercice.
En ce qui concerne M. Y
Au titre de l’exercice 2019 (charge n° 2)
Article 3. – Il n’y a pas lieu de mettre en jeu la responsabilité du comptable, au titre
de la charge n° 2, pour cet exercice.
Décharge
Article 4. – Mme X
est
déchargée
de
sa
gestion
pour
la
période
du 1
er
janvier 2018 au 1
er
janvier 2019.
Article 5. – M.
Y
est
déchargé
de
sa
gestion
pour
la
période
du
2
janvier
au 31 décembre 2019.
Sursis à décharge
Article 6. – La
décharge
de
Mme X
pour
l’exercice
2017
ne
pourra
être
donnée qu’après apurement du débet fixé ci-dessus.
Fait et jugé par Mme Michèle COUDURIER, présidente de section, présidente de la formation ;
MM. Jaques BASSET, Paul de PUYLAROQUE et Patrick SITBON, conseillers maîtres.
En présence de Mme Nadine BESSON greffière de séance.
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En conséquence, la République française mande et ordonne à tous commissaires de justice,
sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs
de la République près les tribunaux judiciaires d’y tenir la main, à tous commandants
et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par
Nadine BESSON
Michèle COUDURIER
Conformément aux dispositions de l’article R. 142-20 du code des juridictions financières,
les arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation
présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’État
dans le délai de deux mois à compter de la notification de l’acte. La révision d’un arrêt peut
être demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce dans les conditions
prévues au I de l’article R. 142-19 du même code.