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SEPTIÈME CHAMBRE
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Deuxième section
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Arrêt n° S-2022-2004
Audience publique du 10 novembre 2022
Prononcé du 2 décembre 2022
CHAMBRE RÉGIONALE D’AGRICULTURE
DE NOUVELLE-AQUITAINE (CRANA)
Exercices 2017 à 2019
Rapport n° R-2022-0903-1
République française,
Au nom du peuple français,
La Cour,
Vu le réquisitoire n° 2022-15 du 21 avril 2022 par lequel la Procureure générale
près la Cour des comptes a saisi la Cour de deux charges soulevées à l’encontre de
Mmes X et Y,
agents
comptables
successifs
de
la
chambre
régionale d’agriculture de Nouvelle-Aquitaine (CRANA), au titre des exercices 2017 à 2019,
notifié aux intéressées les 26 avril 2022 et 2 mai 2022, respectivement ;
Vu les comptes rendus en qualité de comptables de la CRANA, par Mme X,
du 1
er
janvier 2017 au 22 avril 2019, et par Mme Y, du 23 avril au 31 décembre 2019 ;
Vu les justifications produites au soutien des comptes en jugement ;
Vu le code civil, notamment les articles 2224 et 2244 ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu le code rural et de la pêche maritime ;
Vu l’article 60 modifié de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;
Vu loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l’État,
les départements, les communes et les établissements publics ;
Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations
avec les administrations et le décret n° 2001-495 du 6 juin 2001 pris pour son application ;
Vu l’ordonnance n° 2015-1538 du 26 novembre 2015 relative à l’évolution des circonscriptions
des chambres d’agriculture ;
Vu
les
lois
et
règlements
applicables
à
l’organisme,
notamment
l’ordonnance
du 26 novembre 2015 susvisée et le décret n° 2015-1539 du 26 novembre 2015 portant
diverses dispositions pour l’adaptation des chambres d’agriculture à la réforme régionale ;
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Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable
publique ;
Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI
de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié, dans sa rédaction issue de l’article 90
de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;
Vu les arrêtés des 13 avril 2016 modifié et 31 janvier 2018 fixant la liste des pièces justificatives
des dépenses des organismes soumis au titre III du décret du 7 novembre 2012,
successivement en vigueur au cours de la période sous jugement ;
Vu les instructions codificatrices M91, commune à tous les établissements publics à caractère
administratif, et M92, spécifique aux chambres d’agriculture ;
Vu le rapport n° R-2022-0903-1 à fin d’arrêt de M. Jean -François GUILLOT, conseiller maître,
magistrat chargé de l’instruction ;
Vu les conclusions n° 538 du Procureur général du 28 octobre 2022 ;
Vu les pièces du dossier ;
Entendu lors de l’audience publique du 10 novembre 2022, M. GUILLOT, conseiller maître,
en son rapport, M. Pierre VAN HERZELE, avocat général, en les conclusions
du ministère public, Mme X, comptable présente ayant eu la parole en dernier,
les autres parties informées de l’audience n’étant ni présentes, ni représentées ;
Entendu en délibéré M. Patrick SITBON, conseiller maître, réviseur, en ses observations ;
Sur la charge n° 1, soulevée à l’encontre de Mme Y au titre de l’exercice 2019
1. Attendu que, par le réquisitoire susvisé, la Procureure générale a saisi la Cour des comptes
de la responsabilité encourue, au titre de l’exercice 2019, par Mme Y à raison
d’une insuffisance de diligences pour le recouvrement d’une créance de 2 640 €,
correspondant à un ordre de reversement atteint par la prescription le 2 décembre 2019,
et à raison d’un défaut de contrôle lors de la prise en charge du mandat d’admission
en non-valeur de cette créance, décidée le 31 décembre 2019 par le président de la CRANA,
alors qu’il n’était compétent, par délégation, que pour l’admission en non-valeur de créances
dont le montant n’excédait pas 1 500 € ;
Sur le droit applicable en matière de responsabilité des comptables publics
2. Attendu qu’aux termes du I de l’article 60 modifié de la loi du 23 février 1963 susvisée,
« les
comptables
publics
sont
personnellement
et
pécuniairement
responsables
du recouvrement des recettes [...]
» ;
que leur responsabilité «
se trouve engagée dès lors [...]
qu’une recette n’a pas été recouvrée [...]
» ; que la responsabilité personnelle et pécuniaire
des comptables publics en matière de recouvrement des recettes s’apprécie au regard
de leurs diligences, lesquelles doivent être adéquates, complètes et rapides ;
3.
Attendu qu’aux termes du III de l’article 60 modifié de la loi du 23 février 1963,
la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics «
ne peut être mise en jeu
à raison de la gestion de leurs prédécesseurs que pour les opérations prises en charge sans
réserve lors de la remise de service ou qui n’auraient pas été contestées par le comptable
entrant, dans un délai fixé par l’un des décrets prévus au paragraphe XII ci-après
» ;
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4. Attendu
qu’aux
termes
de
l’article 17
du
décret
du
7 novembre 2012
susvisé,
«
Les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des actes
et contrôles qui leur incombent en application des dispositions des articles 18, 19 et 20
dans les conditions fixées par l’article 60 de la loi du 23 février 1963
» ;
5. Attendu qu’aux termes de l’article 18 du même décret, «
Dans le poste comptable
qu’il dirige, le comptable public est seul chargé : [...] 4° De la prise en charge des ordres
de recouvrer [...] qui lui sont remis par les ordonnateurs ; 5° Du recouvrement des ordres
de recouvrer et des créances constatées par un contrat, un titre de propriété ou tout autre titre
exécutoire ; 6° De l’encaissement des droits au comptant et des recettes liées à l’exécution
des ordres de recouvrer
» ; qu’aux termes de l’article 19 du même texte, «
le comptable public
est tenu d’exercer le contrôle : 1° S’agissant des ordres de recouvrer : a) De la régularité
de l’autorisation de percevoir la recette ; b) Dans la limite des éléments dont il dispose,
de la mise en recouvrement des créances et de la régularité des réductions et des annulations
des ordres de recouvrer
» ;
Sur le droit applicable en matière de prescription
6. Attendu qu’aux termes de l’article 2224 du code civil, «
Les actions personnelles
ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu
ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer
» ; que selon l’article 2244
du même code, «
Le délai de prescription ou le délai de forclusion est également interrompu
par une mesure conservatoire prise en application du code des procédures civiles d’exécution
ou un acte d’exécution forcée
» ;
7. Attendu qu’aux termes de l’article 1
er
de la loi du 31 décembre 1968 susvisée,
«
Sont prescrites, au profit de l’État, des départements et des communes, sans préjudice
des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions
de la présente loi, toutes créances qui n’ont pas été payées dans un délai de quatre ans
à partir du premier jour de l’année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis.
/ Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances
sur les établissements publics dotés d’un comptable public
» ;
Sur le droit applicable en matière d’admission en non-valeur
8. Attendu qu’aux termes de l’article 193 du décret du 7 novembre 2012 susvisé,
«
Sur délibération de l’organe délibérant prise après avis de l’agent comptable, les créances
de l’organisme peuvent faire l’objet : […] 3° D’une admission en non-valeur, lorsque la créance
est
irrécouvrable
[…].
Dans
la
limite
d’un
seuil
fixé
par
l’organe
délibérant,
celui-ci peut déléguer à l’ordonnateur son pouvoir de décision
» ;
9. Attendu qu’aux termes de l’article «
2.3. Admission en non-valeur ou remise gracieuse
d’une créance détenue par l’organisme public
» de l’annexe à l’arrêté du 31 janvier 2018
précité, les pièces à produire à l’agent comptable à l’appui de ces opérations de dépense
sont les suivantes : «
Délibération de l’organe délibérant après avis de l’agent comptable
ou Décision de l’ordonnateur par délégation de l’organe délibérant dans la limite d’un seul fixé
par ce dernier
», précision étant faite que les «
Décisions
[sont]
prises dans les conditions
fixées par l’article 193 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 modifié relatif à la gestion
budgétaire et comptable publique ou le cas échéant, par les textes institutifs de l’organisme
» ;
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Sur les éléments apportés à décharge par la comptable
10. Attendu que la comptable fait valoir que la créance trouve son origine dans un ordre
de reversement émis à la suite d’un double paiement ; qu’elle considère, en se référant
à l’article 1
er
de la loi du 31 décembre 1968 susvisée, que «
l’ordre de reversement émis
le 2 décembre 2014 était prescrit à la date de
[sa]
prise de fonction
» et que «
dans la mesure
où le recouvrement de cette créance était définitivement compromis
», son apurement
ne pouvait être obtenu que par son admission en non-valeur ; qu’elle ajoute que
«
l’agent comptable ne peut exercer de poursuites lorsque la créance est prescrite
»
et qu’elle était «
donc fondée en tant que garant de la qualité comptable à demander
l’admission en non-valeur de cette créance prescrite dans la mesure où l’admission
en non-valeur ne fait pas obstacle à un recouvrement ultérieur dans l’hypothèse où le débiteur
revient à meilleure fortune
» ;
11. Attendu qu’elle fait aussi valoir que «
le mandat d’admission en non-valeur de 2 640 €
a été pris en charge sur le fondement d’une décision du président
» de la CRANA ;
qu’elle demande à la Cour «
de conclure à l’absence de manquement et de ne pas retenir
de préjudice financier
», car, d’une part,
« le mandat n’avait pour objet que d’apurer
comptablement la dette prescrite et de garantir la qualité des comptes
» et que, d’autre part,
«
c’est en toute connaissance de cause que le président de la
[CRANA]
a signé une décision
d’admission en non-valeur qui attestait de sa volonté d’apurer cette créance
» ;
Sur les faits
12. Attendu
que,
par
délibération
n° 2016-36
du
30 novembre 2016,
prenant
effet
au 1
er
janvier 2016 et valable pour la durée du mandat, puis par délibération n° 2019-13
du 16 avril 2019, prenant effet à compter de cette date, et valable pour la durée du mandat,
la chambre, réunie en session, a délégué à son président «
le pouvoir de procéder en ses lieu
et place aux remises gracieuses et admissions en non-valeurs de créances dont le montant
par dossier n’excède pas un plafond fixé à 1 500 €
» ;
13. Attendu que la créance visée par le réquisitoire correspond à l’ordre de reversement n° 35,
émis le 2 décembre 2014 pour un montant de 2 547,90 € hors taxes, soit 2 640 € toutes taxes
comprises au motif d’un «
double paiement
» du mandat de dépense n° 764 émis
pour le paiement d’un abonnement à une revue de presse audiovisuelle ; que le redevable,
qui a un statut associatif, est toujours en activité selon sa situation au répertoire SIRENE® ;
qu’il n’est fait état d’aucune diligence pour le recouvrement de cet ordre de reversement ;
14. Attendu que la créance a été admise en non-valeur par décision du président de la CRANA
le 31 décembre 2019 ; que la prise en charge de cette admission en non-valeur
par la comptable s’est faite sur le fondement du mandat n° 4137 émis le 31 décembre 2019
pour un montant de 2 640 € ;
Sur l’existence d’un manquement
15. Attendu que la comptable n’a pas effectué de diligence en vue du recouvrement
de la créance visée au réquisitoire, considérant à tort qu’elle était prescrite lors de sa prise
de fonctions, le 23 avril 2019, en application des dispositions de la loi du 31 décembre 1968
précitée ; que le délai de prescription quadriennal fixé par cette loi n’est pas applicable
au recouvrement d’une créance détenue sur une personne privée, comme au cas d’espèce ;
qu’en application du délai quinquennal fixé par l’article 2224 du code civil précité, la créance
s’est trouvée prescrite le 2 décembre 2019, soit plus de sept mois après la prise de fonctions
de la comptable ; que comme elle n’a pas émis de réserve sur la gestion de son prédécesseur,
elle a pris en charge cet ordre de reversement et devait donc en assurer le recouvrement ;
qu’en l’absence de diligences, elle a manqué à ses obligations en la matière ;
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16. Attendu par ailleurs que la comptable a manqué à ses obligations en prenant en charge
le mandat n° 4137 d’admission en non-valeur de la créance alors qu’elle ne disposait pas
de la pièce prescrite par l’annexe à l’arrêté du 31 janvier 2018 précité ; qu’en effet la décision
du président qui lui a été produite à l’appui du mandat ne pouvait valoir pièce justificative,
alors que, compte tenu du montant de la créance, et selon le plafond fixé par la délibération
n° 2016-36 du 30 novembre 2016 précitée, une délibération de la chambre, réunie en session,
était requise ;
17. Attendu qu’il y a lieu, en conséquence, de mettre en jeu la responsabilité de Mme Y,
au titre de l’exercice 2019, année à la fois de la prescription de la créance et de son admission
en non-valeur irrégulière, pour le montant de celle-ci ;
Sur l’existence d’un préjudice financier
18. Attendu que le défaut de recouvrement d’une créance cause, en principe, un préjudice
financier à l’organisme concerné ; que, toutefois, il n’y a pas préjudice lorsque la preuve
est rapportée qu’en toute hypothèse la créance n’aurait pas pu être recouvrée ;
19. Attendu au cas d’espèce, que cette preuve n’est pas rapportée, le redevable étant toujours
en activité et solvable au moment des faits ; que le manquement de la comptable a donc causé
un préjudice financier, au sens des dispositions du troisième alinéa du VI de l’article 60 modifié
de la loi du 23 février 1963 susvisée, à la CRANA ;
20. Attendu qu’aux termes du troisième alinéa du VIII de l’article 60 modifiée de la loi
du 23 février 1963 susvisée, «
Lorsque le manquement du comptable au causé un préjudice
financier à l’organisme concerné, le comptable a l’obligation de verser immédiatement
de ses deniers personnels la somme correspondante »
; qu’ainsi il y a lieu de constituer
Mme Y débitrice de la CRANA pour la somme de 2 640 € ;
21. Attendu qu’aux termes du VIII de l’article 60 modifié de la loi de finances pour 1963 :
« Les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu
de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics
» ; qu’en l’espèce
cette date est le 2 mai 2022 date de réception du réquisitoire par la comptable ;
Sur la charge n° 2, soulevée à l’encontre de Mme X, au titre des exercices
2017 et 2018
22. Attendu que par le réquisitoire susvisé, la Procureure générale a saisi la Cour des comptes
de la responsabilité encoure, au titre des exercices 2017 et 2018, par Mme X à raison
du défaut de contrôle de la validité de la dette lors du paiement de subventions à l’association
du comité des œuvres sociales (COS) des Arcades pour les montants de 31 500 € en 2017
et de 53 100 € en 2018 ; que si les paiements étaient notamment appuyés de délibérations
du bureau de la CRANA, aucune convention d’attribution des subventions n’aurait été
produite ;
Sur le droit applicable en matière de responsabilité pour le paiement des dépenses
23. Attendu qu’aux termes du I de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée,
«
les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables [...]
du paiement des dépenses
» ; que leur responsabilité «
se trouve engagée dès lors [...]
qu’une dépense a été irrégulièrement payée
» ;
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24. Attendu qu’aux termes de l’article 18 du décret du 7 novembre 2012 susvisé,
«
Dans le poste comptable qu’il dirige, le comptable public est seul chargé : [...]
7° Du paiement des dépenses, soit sur ordre émanant des ordonnateurs, soit au vu des titres
présentés par les créanciers, soit de leur propre initiative
» ; qu’aux termes de l’article 19
du même texte, «
Le comptable public est tenu d’exercer le contrôle : [...] 2° S’agissant
des ordres de payer : [...] d) de la validité de la dette dans les conditions prévues
à l’article 20
» ; qu’aux termes de cet article, le contrôle sur la validité de la dette porte sur
«
la production des pièces justificatives
», notamment ;
25. Attendu qu’aux termes de l’article 38 du même décret, «
lorsqu’à l’occasion de l’exercice
des contrôles prévus au 2° de l’article 19 le comptable public a constaté des irrégularités
ou des inexactitudes dans les certifications de l’ordonnateur, il suspend le paiement
et en informe l’ordonnateur
» ;
Sur le droit applicable en matière de production des pièces justificatives
26. Attendu qu’aux termes de l’article «
6.1 Subventions accordées
» de l’annexe aux arrêtés
des 13 avril 2016 et 31 janvier 2018 susvisés, successivement en vigueur au cours
de la période sous jugement, les pièces à produire à l’agent comptable en cas de paiement
unique,
ou
du
premier
paiement
d’un
versement
échelonné
d’une
subvention,
sont les suivantes : «
1. Le cas échéant, autorisation du conseil d’administration 2. Décision
attributive de la subvention et ses annexes financières éventuelles ou convention d’attribution
de la subvention et ses annexes financières éventuelles
» ;
27. Attendu, par ailleurs, que selon les dispositions de l’article 10 de la loi du 12 avril 2000
et du décret d’application du 6 juin 2001 susvisés, qui sont rappelées dans l’annexe aux arrêtés
des 13 avril 2016 et 31 janvier 2018 précités, l’organisme qui attribue une subvention
à
un
organisme
privé
doit
conclure
une
convention
avec
le
bénéficiaire
lorsque cette subvention dépasse le montant annuel de 23 000 € ;
Sur les éléments apportés à décharge par la comptable
28. Attendu que la comptable fait valoir que les paiements de subventions visés
par
le
réquisitoire
ont
été
effectués
au
vu
de
deux
délibérations
du
bureau
de la chambre
(n° 2017-24 pour le versement de 31 050 € au titre de l’année 2017,
et n° 2018-17 pour le versement de 53 100 € au titre de l’année 2018), lesquelles étaient
appuyées chacune de la liste des salariés de la CRANA et de l’accord sur les œuvres sociales ;
qu’elle ajoute avoir effectué ses contrôles préalables au paiement sur le fondement
de ces pièces, dûment produites ;
29. Attendu qu’elle fait aussi valoir que «
Les délibérations prises en 2017 et 2018
ainsi que l’accord sur les œuvres sociales signé le 30 mars 2017 avec les partenaires sociaux
et fixant les modalités de versement constituaient de
[son]
point de vue des pièces justificatives
suffisantes. Elles attestent par ailleurs de la volonté de l’ordonnateur de réaliser les dépenses
en question
» ; qu’en conséquence, elle «
demande à la Cour des comptes de conclure
à l’absence de manquement et de préjudice financier
» ;
Sur les faits
30. Attendu qu’un accord sur les œuvres sociales a été conclu le 30 mars 2017 entre,
d’une part, la CRANA représentée par son président et, d’autre part, les représentants
de deux organisations syndicales ; que l’article 1 de cet accord stipule que les contributions
assurées
par
les
anciennes
chambres
régionales
d’agriculture
sont
supprimées
et «
remplacées par une seule et nouvelle modalité : subvention à une association de salariés
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de la
[CRANA] » ; que l’article 2 du même accord stipule que celle-ci «
subventionne
cette association à hauteur de 450 € par an et par agent pris en compte. Ce montant est garanti
pendant au moins trois ans et sera revalorisé chaque année en tenant compte de l’évolution
du coût de la vie
» ; que l’article 3 précise les agents pris en compte pour le calcul
de la subvention ;
31. Attendu que l’association bénéficiaire est le COS des Arcades, initialement créé
le 15 avril 2014 pour le seul Limousin, et dont les statuts ont été modifiés à la suite
de la création de la CRANA pour étendre son activité ; que les versements de subventions
visés par le réquisitoire pour les exercices 2017 et 2018 ont été effectués :
-
Pour celui de 2017, sur le fondement du mandat n° 3763 émis le 20 novembre 2017
pour un montant de 31 050 €, et non pas 31 500 € comme indiqué au réquisitoire,
appuyé
des
pièces
suivantes :
l’accord
sur
les
œuvres
sociales
précité,
la liste des agents pris en compte pour le calcul de la subvention, et la délibération
n° 2017-24 du bureau de la CRANA du 25 octobre 2017 décidant d’un versement
de 31 050 € ;
-
Pour celui de 2018, sur le fondement du mandat n° 3734 émis le 8 novembre 2018
pour un montant de 53 100 €, appuyé des pièces suivantes : l’accord sur les œuvres
sociales précité, la liste des agents pris en compte pour le calcul de la subvention,
et la délibération n° 2018-17 du bureau de la CRANA du 30 octobre 2018 décidant
d’un versement de 53 100 € ;
Sur l’existence d’un manquement
32. Attendu que, dans le cadre du contrôle de la validité de la dette, il appartient au comptable
public de vérifier, en premier lieu, si l’ensemble des pièces requises au titre de la nomenclature
comptable applicable lui a été fourni et, en deuxième lieu, si ces pièces sont, d’une part,
complètes et précises et, d’autre part, cohérentes au regard de la catégorie de la dépense ;
que si les pièces justificatives fournies sont insuffisantes pour établir la validité de la dette,
il appartient au comptable de suspendre le paiement jusqu’à ce que l’ordonnateur lui ait produit
les justifications ou les attestations nécessaires ;
33. Attendu que le réquisitoire fait grief à la comptable d’avoir procédé aux paiements
incriminés sans disposer d’une convention attributive conclue entre la CRANA et le COS
des Arcades, alors qu’il s’agit d’une pièce prescrite par la nomenclature fixée par l’annexe
aux arrêtés des 13 avril 2016 et 31 janvier 2018 quand le montant annuel de la subvention
est supérieur à 23 000 € ; que la comptable ne conteste pas l’absence de conventions,
mais estime avoir disposé de pièces justificatives suffisantes, avec les délibérations et l’accord
sur les œuvres sociales précités ;
34. Attendu que l’accord précité au point 30 ne saurait tenir lieu de conventions attributives
de subventions pour 2017 et 2018 étant donné qu’il ne fixe pas le montant de celles-ci,
mais seulement leurs modalités de calcul (nombre d’agents multiplié par un montant unitaire
de 450 € «
revalorisé chaque année en tenant compte de l’évolution du coût de la vie
» ;
qu’au regard du montant payé, supérieur à 23 000 € par an, des conventions auraient dû été
conclues en 2017 et en 2018 et produites comme pièces justificatives des paiements
en cause ;
35. Attendu que confrontée à des justifications insuffisances, la comptable aurait dû suspendre
les paiements et en informer l’ordonnateur en application de l’article 38 du décret
du
7 novembre 2012
précité
et
que,
faute
de
l’avoir
fait,
Mme X
a
manqué
à ses obligations en matière de contrôle de la validité de la dette ; qu’il y a donc lieu de mettre
en jeu sa responsabilité, au titre des exercices 2017 et 2018, à hauteur des paiements
incriminés ;
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Sur l’existence d’un préjudice financier
36. Attendu que pour déterminer si le paiement irrégulier d’une dépense par un comptable
public a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné, il appartient au juge
des comptes de vérifier, au vu des éléments qui lui sont soumis à la date à laquelle il statue,
si la correcte exécution, par le comptable, des contrôles lui incombant aurait permis d’éviter
que soit payée une dépense qui n’était pas effectivement due ; que lorsque le manquement
du comptable porte sur le contrôle de la production des pièces justificatives requises,
ce manquement doit être regardé comme n’ayant, en principe, pas causé un préjudice
financier à l’organisme public concerné lorsqu’il ressort des pièces du dossier, y compris
d’éléments postérieurs au manquement en cause, que la dépense repose sur les fondements
juridiques dont il appartenait au comptable de vérifier l’existence au regard de la nomenclature,
que l’ordonnateur a voulu l’exposer et, le cas échéant, que le service a été fait ;
37. Attendu au cas d’espèce, qu’il n’y a pas de doute sur la volonté de l’ordonnateur d’exposer
la dépense, ainsi que sur le service fait ; que l’accord sur les œuvres sociales signé
avec les organisations syndicales le 30 mars 2017, ainsi que les délibérations annuelles
du bureau attribuant les subventions peuvent être admises comme fondement juridique
de la dépense ; qu’en conséquence, le manquement de la comptable n’a pas causé
de préjudice financier à la CRANA ;
38. Attendu qu’aux termes des dispositions du deuxième alinéa du VI de l’article 60 modifié
de la loi du 23 février 1963 susvisée, «
Lorsque le manquement du comptable
[…]
n’a pas
causé de préjudice financier à l’organisme public concerné, le juge des comptes peut l’obliger
à s’acquitter d’une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances
de l’espèce
» ; que le décret du 10 décembre 2012 susvisé fixe le montant maximal
de cette somme à un millième et demi du montant du cautionnement prévu pour le poste
comptable ;
39. Attendu
que le montant du cautionnement prévu pour le poste comptable considéré
pour les exercices 2017 et 2018 était fixé à 235 000 € ; qu’ainsi le montant maximum
de la somme susceptible d’être mise à la charge de Mme X s’élève à 352,50 € ;
40. Attendu que, eu égard aux circonstances, notamment au fait que l’irrégularité a cessé
en 2019 avec la conclusion systématique de conventions quand le montant des subventions
excède 23 000 €, il n’y a pas lieu d’obliger la comptable à s’acquitter d’une somme
pour le manquement précité ;
Par ces motifs,
DÉCIDE :
En ce qui concerne Mme Y
Au titre de l’exercice 2019 (charge n° 1)
Article 1
er
. – Mme Y
est
constituée,
au
titre
de
la
charge
n° 1,
débitrice
de la chambre régionale d’agriculture de Nouvelle-Aquitaine pour la somme de 2 640 €,
augmentée des intérêts de droit à compter du 2 mai 2022.
En ce qui concerne Mme X
Au titre de l’exercice 2017 (charge n° 2)
Article 2. – Il n’y a pas lieu d’obliger Mme X à s’acquitter d’une somme à
raison
du manquement constaté.
S-2022-2004
9
/
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Au titre de l’exercice 2018 (charge n° 2)
Article 3. – Il n’y a pas lieu d’obliger Mme X à s’acquitter d’une somme à
raison
du manquement constaté.
Décharge
Article 4. – Mme X
est
déchargée
de
sa
gestion
pour
la
période
du 1
er
janvier 2017 au 22 avril 2019. Elle est déclarée quitte et libérée de sa gestion terminée
à cette date.
Mainlevée peut être donnée et radiation peut être faite de toutes oppositions et inscriptions
mises ou prises sur ses biens meubles ou immeubles ou sur ceux de ses ayants cause pour
sûreté de ladite gestion et son cautionnement peut être restitué ou ses cautions dégagées.
Sursis à décharge
Article 5. – La décharge de Mme Y pour l’exercice 2019 ne pourra être donnée
qu’après apurement du débet fixé ci-dessus.
Fait et jugé par Mme Michèle COUDURIER, présidente de section, présidente de la formation ;
M. Paul de PUYLAROQUE, conseiller maître, Mme Catherine PAILOT-BONNETAT,
conseillère maître, et M. Patrick SITBON, conseiller maître.
En présence de Mme Nadine BESSON, greffière de séance.
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous commissaires de justice,
sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs
de la République près les tribunaux judiciaires d’y tenir la main, à tous commandants
et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par
Nadine BESSON
Michèle COUDURIER
Conformément aux dispositions de l’article R. 142-20 du code des juridictions financières,
les arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation
présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’État
dans le délai de deux mois à compter de la notification de l’acte. La révision d’un arrêt peut
être demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce dans les conditions
prévues au I de l’article R. 142-19 du même code.