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QUATRIÈME CHAMBRE
S2022-1762
PREMIÈRE SECTION
OBSERVATIONS DÉFINITIVES
(Article R. 143-11 du code des juridictions financières)
CONTROLE DE LEGALITE ET
CONTROLE DES ACTES
BUDGETAIRES EN PREFECTURE
Exercices 2015-2021
Le présent document
, qui a fait l’objet d’une contradiction avec les destinataires concernés,
a été délibéré par la Cour des comptes, le 16 septembre 2022.
En application de l’article L
. 143-1 du code des juridictions financières, la communication de
ces observations est une prérogative de la Cour des comptes, qui a seule compétence pour
arrêter la liste des destinataires.
CONTROLE DE LEGALITE ET CONTROLE DES ACTES BUDGETAIRES EN PREFECTURE
2
TABLE DES MATIÈRES
SYNTHÈSE
....................................................................................................................
4
LISTE DES RECOMMANDATIONS
........................................................................
8
INTRODUCTION
...................................................................................................
10
1
DEUX CONTROLES UTILES MAIS A CONFORTER
....................................
12
1.1
Conçus comme une contrepartie à la décentralisation, les modalités des
contrôles de légalité et des actes budgétaires ont peu évolué depuis dix ans et
sont aujourd’hui rodées
..................................................................................
12
1.1.1 Le contrôle de légalité
.....................................................................................
12
1.1.2 Le contrôle des actes budgétaires
....................................................................
14
1.2
Plutôt bien acceptés des collectivités territoriales, les deux contrôles gardent
leur pertinence et doivent être confortés
........................................................
16
1.2.1 Deux contrôles utiles aux acteurs locaux et perçus comme tels
......................
16
1.2.2 Deux contrôles qui participent à la prés
ervation de l’intérêt général
..............
17
1.2.3 Des moyens humains limités au regard des enjeux
.........................................
19
2
UN CONTROLE DONT LA
QUALITE N’EST PAS SU
FFISANTE, AU
REGARD DE SES OBJECTIFS CONSTITUTIONNELS
.................................
20
2.1
Les priorités du contrôle de légalité laissent subsister des failles significatives
20
2.1.1 Des priorités nationales donnant lieu à une application hétérogène
................
20
2.1.2 Des priorités locales pertinentes
......................................................................
22
2.1.3
Des failles sur des actes à risques, principalement à cause de l’application
Actes
................................................................................................................
23
2.1.4
Des contrôles d’intensité variable
...................................................................
24
2.2
L’attrition des moyens consacrés au contrôle des actes budgétaires rend son
exercice particulièrement dégradé compte tenu des délais de procédure
.......
25
2.3
La répartition des compétences entre les différents échelons préfectoraux
mériterait d’être assouplie
..............................................................................
27
2.3.1
Une centralisation du contrôle en préfecture qui s’est accrue
.........................
27
2.3.2
La question d’un contrôle de légalité interdépartemental ou régional
............
29
2.4
Les partenariats entre services déconcentrés de l’État se rarifient en dépit de
leur utilité
.......................................................................................................
30
2.4.1 Les mutualisations entre préfectures et DDT(M)
............................................
30
2.4.2 Les mutualisations entre préfectures et DDFIP/DRFIP
..................................
33
2.4.3 Les relations avec les juridictions administratives et financières
....................
36
2.5
La posture de conseil aux collectivités territoriales constitue une démarche
constructive mais masque aussi une réticence du corps préfectoral à former
des recours juridictionnels
..............................................................................
37
2.5.1 Une posture constructive de conseil aux collectivités territoriales
.................
37
2.5.2 Un contentieux peu nombreux mais de qualité
...............................................
38
2.5.3 Une réticence parfois forte à former des recours contentieux
.........................
39
CONTROLE DE LEGALITE ET CONTROLE DES ACTES BUDGETAIRES EN PREFECTURE
3
3
DES RESSOURCES HUMAINES PLUTOT STABLES MAIS QUI ONT
ATTEINT LEUR POINT DE RUPTURE DANS DE NOMBREUX
DEPARTEMENTS
..............................................................................................
44
3.1
Les effectifs du contrôle de légalité et du contrôle des actes budgétaires ont
peu évolué, malgré les promesses du PPNG, conduisant à des situations
intenables dans de nombreux départements
...................................................
44
3.1.1
Le plan préfecture nouvelle génération n’a conduit ni à une hausse ni à un
repyramidage des effectifs
..............................................................................
44
3.1.2
La mauvaise répartition des effectifs entre départements témoigne d’un défaut
de pilotage au niveau national
.........................................................................
46
3.2
La faible attractivité de ces missions de contrôle et la difficulté à accroître les
compétences des agents nuisent à la qualité du contrôle
...............................
49
3.2.1 Les services de contrôle de légalité et des actes budgétaires attirent peu, alors
que la satisfaction des personnels y travaillant est élevée
...............................
49
3.2.2 Les vacances de poste et le système de formation encore sommaire nuisent à
une montée en compétences
............................................................................
50
4
L’ADMINISTRATION CEN
TRALE A AMELIORE SON
OFFRE D’APPUI
AUX PREFECTURES, MAIS SON ANIMATION DU RESEAU DEMEURE
TROP IRREGULIERE
........................................................................................
53
4.1
L’offre d’appui aux services de contrôle est qualitative et utile
....................
53
4.2
L’animation du réseau
pourrait être améliorée et devenir plus
interministérielle
.............................................................................................
55
4.2.1 Une exploitation limitée des informations recueillies et une animation
insuffisante du réseau territorial par le ministère de l’intérieur
......................
55
4.2.2 La nécessaire responsabilisation des autres ministères pour le contrôle de
légalité et le contrôle des actes budgétaires
.....................................................
57
4.3
La dématérialisation progresse mais ses effets sur la qualité des contrôles
restent décevants du fait d’une faible ergonomie des systèmes d’information
58
4.3.1 Une dématérialisation en progrès, mais qui fait face aux comportements non-
coopératifs de certaines collectivités
...............................................................
58
4.3.2
Des systèmes d’informations peu ergonomiques, qui tardent à devenir des
outils d’aide au contrôle
..................................................................................
60
4.3.3 Une conduite de projet à renforcer
..................................................................
62
4.3.3.1
L’amélioration de l’ergonomie
: un objectif délaissé face à la priorisation d’autres
chantiers
...............................................................................................................
62
4.3.3.2
Une gouvernance interne à revoir, malgré le recours à de coûteux prestataires
d’assistance à maîtrise d’ouvrage
.........................................................................
64
4.3.3.3
L’échec du projet d’intelligence artificielle
: un exemple des difficultés de la
conduite de projet par la DGCL
...........................................................................
65
ANNEXES
....................................................................................................................
67
CONTROLE DE LEGALITE ET CONTROLE DES ACTES BUDGETAIRES EN PREFECTURE
4
SYNTHÈSE
Une mission constitutionnelle essentielle à
la sauvegarde de l’intérêt
général et à l’égalité de tous devant la loi
Le contrôle de légalité des actes règlementaires et le contrôle des actes budgétaires
constituent l’
une des rares missions confiées directement par
l’article 72 de la
Constitution au
préfet de département. En pratique, les collectivités locales doivent transmettre leurs actes au
préfet de département qui en contrôle la légalité
a posteriori
. Ces modalités établies en 1982,
lors de l
’acte I
de décentralisation, ont succédé à la tutelle q
ui était un contrôle s’exerçant
a
priori
, c’est
-à-
dire avant l’entrée en vigueur de l’acte
.
Si le représentant de l’État détecte une
possible irrégularité, il peut avoir recours à des outils précontentieux (recours gracieux) pour
encourager la collectivité
à modifier son acte. Il peut également attaquer l’acte, soit en
le
déférant au tribunal administratif (acte réglementaire), soit en saisissant la chambre régionale
des comptes (acte budgétaire).
En 2021, les préfectures ont été destinataires de 6,12 milli
ons d’actes règlementaires et
288 000 actes budgétaires
1
. Chaque année, entre 14 000 et 27 000 recours gracieux sont
adressés aux collectivités. En 2021, 754 déférés ont été formés devant les tribunaux
administratifs tandis que les chambres régionales des comptes ont été saisies à 148 reprises.
Ces deux contrôles sont utiles à plusieurs titres. En premier lieu, ils contribuent à
préserver
l’égalité de tous devant la loi
et à prévenir les irrégularités commises au niveau local.
L
’expertise des services préfectoraux bénéficie aux collectivités locales, demandeuses
de
conseils juridiques, notamment les plus petites d’entre elles.
Ces contrôlent améliorent ainsi la
sécurité juridique des actes des collectivités territoriales. Enfin, ces contrôles garantissent la
bonne mise en œuvre des réformes
engagées par
l’
État
, à l’heure où les collectivités
prennent
part à de nombreuses politiques publiques.
Le contrôle de légalité et le contrôle des actes budgétaires
constituent l’un des outils
les
plus rapides et les moins coûteux permettant de faire appliquer le droit. Ils sont assurés par
environ 1 400 agents, à titre principal en préfecture, en direction départementale des territoires
et, dans une moindre proportion, en direction départementale des finances publiques.
Représentant un montant annuel inférieur à 100
M€,
le coût de cette politique publique est très
limité au regard de ses enjeux budgétaires et légaux. Loin des propositions visant à supprimer
ces contrôles considérés comme obsolètes, il est au contraire essentiel de conforter cette mission
constitutionnelle.
Une érosion des moyens humains devenue intenable
Le contrôle administratif est aujourd’hui en difficulté du fait d’un
effet de ciseau entre
la croissance des actes reçus chaque année (+22 % sur six ans)
et l’érosion de
s moyens humains.
1
Toutes les statistiques ne recouvrent que la France métropolitaine
CONTROLE DE LEGALITE ET CONTROLE DES ACTES BUDGETAIRES EN PREFECTURE
5
Après avoir connu une baisse de près de 30 % entre 2011 et 2014, les effectifs du contrôle de
légalité sont restés stables tandis que ceux affectés au contrôle des actes budgétaires ont
continué à décroître (-13
% entre 2015 et 2021). Aujourd’hui,
un tiers des préfectures consacre
moins de six agents au contrôle de légalité, tandis que 37 préfectures affectent moins de deux
équivalents temps plein au contrôle budgétaire. La situation est devenue intenable dans de
nombreux départements.
Le « Plan Préfectures Nouvelle Génération » (PPNG), déployé en 2016, faisait pourtant
du contrôle de légalité et des actes budgétaires l’une des quatre missions prioritaires des
préfectures, dont il visait à renforcer et à professionnaliser les effectifs. Aucun de ses objectifs
n’a été atteint, du fait de schémas d’emplois s’avérant irréalistes, de la concurrence d’autres
priorités (dont l’immigration) et d’une absence de pilotage de la masse salariale par
l’administration centrale du ministère de l’intérieur.
Cette politique publique apparaît comme
atrophiée du fait de l’attrition de ses moyens et de l’absence de réformes effectives.
Malgré un
turn over
réduit, les services de contrôle souffrent de nombreuses vacances
de postes et d’une attractivité faible, à l’origine d’une
perte de compétences juridiques, même
si le système de formation s’est renforcé depuis 2016.
Un contrôle dont la qualité n’est
plus suffisante au regard des
obligations constitutionnelles de l’État
La qualité du contrôle de légalité est hétérogène en fonction des territoires, tandis que
le contrôle budgétaire est en grande difficulté dans la quasi-totalité des préfectures de France
métropolitaine. Dès lors, une partie des contrôles réalisés sont superficiels ou interviennent trop
tardivement, ce qui affaiblit la portée de la mission constitutionnelle des préfets. Dans certaines
préfectures, des priorités nationales ne sont plus contrôlées, faute d’expertise.
En parallèle, les ministères ont tendance à se retirer de plus en plus de leurs missions de
contrôle de légalité et des actes budgétaires, pour reporter leur charge sur les services
territoriaux du seul ministère de l’intérieur. Or, le contrôle de légalité fait face à de nouveaux
enjeux, notamment
en matière de protection de l’environnement et d’interventions
économiques des collectivités territoriales, pour lesquels l’expertise du ministère de l’intérieur
est moindre. À ressources humaines équivalentes, la charge de travail a donc augmenté.
Toutefois,
le contrôle administratif continue d’agir comme un outil
de dissuasion
efficace, qui incite les collectivités territoriales à sécuriser spontanément leurs actes
réglementaires et budgétaires. Dans la grande majorité des cas, l’intervention précontenti
euse
des préfectures est suivie d’effets, 60
% des recours gracieux formulés par le représentant de
l’État
donnant
lieu à retrait ou réformation de l’acte litigieux.
Néanmoins, comme cela a déjà été le cas en 2016, la Cour constate une frilosité à utiliser
l’outil contentieux (le déféré ou la saisine de la CRC) face à une collectivité refusant de donner
suite au recours gracieux, en particulier quand il s’agit d’une grande collectivité. La logique
croissante de la contractualisation
de l’
État avec les collectivités territoriales crée parfois une
dissonance entre la mission de contrôle de la préfecture et la logique partenariale État-
collectivités. Près de 38 % des actes irréguliers détectés par le contrôle de légalité et signalés
par un recours gracieux ne sont ni retirés, ni déférés pour autant. Pour le contrôle budgétaire,
moins de 10 % des irrégularités relevées par les services donnent lieu à une saisine de la CRC.
CONTROLE DE LEGALITE ET CONTROLE DES ACTES BUDGETAIRES EN PREFECTURE
6
L’appui au réseau
: seul progrès significatif depuis 2016
Cette fragilité a déjà été relevée par la Cour des comptes dans son rapport public annuel
de 2016. Quasiment aucune de se
s recommandations n’a été mise en œuvre, tandis que les
mêmes difficultés continuent d’être observées, parfois dans les mêmes préfectures.
Exception à relever, la DGCL
a développé avec succès son offre d’appui aux
préfectures
. Véritable tête de réseau, le pôle interrégional d’appui au contrôle de légalité
(PIACL), constitué de 22 agents, permet d’épauler efficacement les préfectures
lorsque des
difficultés d’analys
e juridique ou budgétaire apparaissent. La réduction progressive du nombre
de saisines du PIACL devrait permettre d’élargir encore son mandat et multiplier ses missions
d’appui, en matière de formation, de veille juridique et de conduite des contrôles.
L’o
ffre de formation a été, par ailleurs,
consolidée sur la période, permettant d’offrir à
l’ensemble des agents des modules
facilitant la prise de poste, et une documentation juridique
dense et régulièrement actualisée.
Une administration centrale qui anime trop peu son réseau
territorial
Malgré ses progrès en matière d’appui au réseau, la DGCL peine à
assumer son rôle
d’animation
. Les indicateurs de performance, pourtant très nombreux, ne sont presque jamais
exploités, si bien que des dysfonctionnements persistent localement
sans qu’elle n’agisse.
La
masse salariale dédiée au contrôle de légalité et des actes budgétaires n’est pas plus pilotée par
la DMAT, préférant attribuer une complète autonomie aux préfets de région, qui eux-mêmes
n’organisent aucun dialo
gue de gestion pour identifier et combler les lacunes de personnels sur
leur ressort. Le ministère de la transition écologique comme la DGFiP n’ont aucune visibilité
sur la participation de leurs réseaux respectifs à cette mission. Les préfectures de département
se trouvent donc seules pour résoudre les difficultés de personnels qu’elles rencontrent.
Le taux de dématérialisation a fortement crû depuis 2014 : 73 % des actes
réglementaires et 50 % des actes budgétaires sont désormais télétransmis aux préfectures.
Néanmoins, les logiciels Actes et Actes budgétaires constituent toujours un irritant important
pour les agents contrôleurs, du fait d’une
mauvaise
ergonomie et d’une faible flexibilité,
aggravées par un manque de formation sur ses fonctionnalités. Les deux applications sont
seulement
utilisées comme des leviers de transmission d’actes, malgré un coût de plus de 4
M€
sur 4 ans.
Ceci s’explique par une conduite de projets
défectueuse de la DGCL.
Trois axes pour revivifier le contrôle de légalité et des actes
budgétaires
La Cour des comptes formule trois axes de recommandations pour donner toute sa
portée à cette mission constitutionnelle.
Il convient dans un premier temps de renforcer et de professionnaliser les services de
contrôle en préfecture. Cela doit passer par une augmentation des moyens humains, selon un
besoin évalué par la Cour à 190 postes, effort tout à fait réalisable pour le ministère de l’intérieur
CONTROLE DE LEGALITE ET CONTROLE DES ACTES BUDGETAIRES EN PREFECTURE
7
qui prévoit une hausse de son budget de 1,3
Md€ en 2023. Ces agents doivent également être
mieux formés, en accélérant le déploiement en cours de formation de perfectionnement.
En parallèle, l’offre de soutien au réseau des administrations territoriales de l’État peut
encore s’accroître, via l’expérimentation de plateformes régionales d’appui et u
n élargissement
du mandat du pôle interrégional d’appui au contrôle de légalité. Les systèmes d’information
Actes et Actes budgétaires doivent quant à eux devenir de véritables « logiciels métiers »,
susceptibles d’apporter une aide au contrôle aux agents
et plus seulement une « boite de dépôt »
des actes pour les collectivités territoriales.
Enfin, le caractère interministériel de cette politique publique doit être rappelé. Ceci
implique, au niveau territorial, de confier certains contrôles de légalité thématiques aux
directions départementales des territoires (actes d’urbanisme) et aux directions départementales
des finances publiques (délibérations fiscales)
–
pour le compte du préfet
–
afin de profiter de
leur expertise. Au niveau national, un comité de pilotage interministériel devrait être animé par
la DGCL, afin de mieux responsabiliser les autres ministères.
CONTROLE DE LEGALITE ET CONTROLE DES ACTES BUDGETAIRES EN PREFECTURE
8
LISTE DES RECOMMANDATIONS
Renforcer et professionnaliser les services du contrôle de légalité et des actes budgétaires
Recommandation n°
4
(DGCL, DMAT) : Instaurer, au niveau des préfectures de région, un
dialogue de gestion spécifique sur les effectifs en charge des contrôles de légalité et des actes
budgétaires, sur la base de valeurs cibles en fonction du niveau d’activité.
Recommandation n°
5
(DMAT) : Renforcer le contrôle de légalité et des actes budgétaires
d’environ 190 ETP, dont une partie devra être fléchée vers les préfectures les moins dotées et
l’autre partie répartie au niveau national selon les indicateurs d’activité.
Recommandation n°
6
(DRH MI, PIACL) Accroître l’offre de formation de perfectionnement
en variant les formats (distanciel / présentiel) et en mobilisant davantage les délégués régionaux
à la formation pour identifier un vivier local de formateurs, en particulier dans les
administrations, les juridictions et les universités.
Accroître l’offre de soutien au réseau
Recommandation n°
1
(DMAT, DGCL) : Expérimenter dans une ou plusieurs préfectures de
région la constitution d’une
plateforme spécialisée
d’appui en matière d’interventions
économiques et de commande publique complexe, afin d’apporter son aide, si cela est
nécessaire, aux préfectures de département.
Recommandation n°
7
(DGCL, PIACL) : Confier trois nouvelles missions au PIACL :
l’élaboration de nouveaux outils d’appui au contrôle
;
l’appui aux autres services de l’ATE
intervenant dans le contrôle de légalité ; et un rôle de chef-de-file en matière de formation.
Recommandation n°
9
(DGCL, DNUM) : Réorganiser la gouvernance des projets
informatiques Actes et Actes budgétaires, en réinternalisant certaines tâches et en faisant de
l
’amélioration de l’expérience
-utilisateur une priorité.
Inscrire davantage cette politique publique dans un cadre interministériel, via une
meilleure répartition des missions
Recommandation n°
2
(DGCL, DGALN) :
Confier aux DDT(M) la mission d’examiner, pour
avis, l’ensemble des actes d’urbanisme relevant du contrôle de légalité, sous la responsabilité
du préfet, et pour son compte.
Recommandation n°
3
(DGCL, DGFIP) : Confier, par une nouvelle convention, aux
DDFIP/DRFIP l’examen de l’ensemble des délibérations fiscales soumises au contrôle de
légalité, sous la responsabilité et pour le compte du préfet, ainsi que la mi
se en œuvre d’un
contrôle budgétaire partenarial.
CONTROLE DE LEGALITE ET CONTROLE DES ACTES BUDGETAIRES EN PREFECTURE
9
Recommandation n°
8
(DGCL, DMAT, DGFIP, DGALN) : Affirmer le caractère
interministériel du contrôle de légalité et des actes budgétaires, en organisant un comité de
pilotage annuel par la DGCL, qui doit
permettre la fixation d’objectifs communs, un partage
des responsabilités et la mise en adéquation avec les moyens humains et financiers.
CONTROLE DE LEGALITE ET CONTROLE DES ACTES BUDGETAIRES EN PREFECTURE
10
INTRODUCTION
Le contrôle de légalité et le contrôle des actes budgétaires des collectivités territoriales sont
l’
une des rares missions confiées aux préfets directement par la Constitution, en son article 72.
Mis en place au moment de la suppression de la tutelle préfectorale en 1982, ce double contrôle
a pour objectif d’assurer l’application uniforme du droit sur l’
ensemble du territoire national,
en prévenant les irrégularités dans les actes des collectivités.
Les collectivités territoriales ont l’obligation de transmettre au représentant de l’
État une
partie des actes qu’elles adoptent pour les rendre exécutoires. Les services de l’
État disposent
alors de deux mois pour effectuer un contrôle
a posteriori
de l’acte, et jusqu’à un mois pour le
contrôle d’un acte budgétaire. Si une irrégularité est décelée, elle peut donner lieu à un recours
gracieux du préfet auprès de la collectivité ou à une saisine, selon les cas, du tribunal
administratif ou de la chambre régionale des comptes.
Au fur et à mesure des vagues de décentralisation et des transferts de compétences, ce
contrôle s’est massifié. En 2021, 6,12 millions d’ac
tes règlementaires ont été réceptionnés en
préfecture, en hausse de 22 % sur six ans. Environ 20 % de ces actes sont contrôlés par les
services du contrôle de légalité, qui comptent 841 ETPT
2
en 2021, renforcés par 239 ETPT des
directions départementales interministérielles. Entre 14 000 et 27 000 recours gracieux sont
adressés chaque année aux collectivités territoriales. Les services du contrôle des actes
budgétaires
–
243 ETPT en préfecture
–
ont quant à eux reçus près de 288 000 actes budgétaires
à contrôler en 2021.
Afin de traiter cette masse grandissante d’actes, les agents priorisent ceux qu’ils étudient
au regard d’une analyse des risques, en se concentrant principalement sur les
trois priorités
nationales que sont la commande publique, la fonction publique territoriale et
l’urbanisme
, ainsi
que sur les interventions économiques
qui ont fait l’objet d’une attention particulière depuis la
loi NOTRe de 2015.
Cette politique publique souffre aujourd’hui d’un paradoxe.
En 2020 et 2021, le regain d’atten
tion pour le contrôle de légalité témoigne de son utilité
persistante, malgré la montée en compétence des collectivités territoriales. Il a été mobilisé par
les gouvernements successifs pour garantir la bonne mise en œuvre des lois récemment votées
:
le ministère de la transformation publique a diffusé une circulaire en 2021 demandant aux
préfets de déférer systématiquement les délibérations des collectivités territoriales qui ne
respecteraient pas la réforme du temps de travail de la fonction publique territoriale issue de la
loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique. La loi du 24 août 2021 confortant
le respect des principes de la République a étendu le champ du déféré préfectoral en matière de
laïcité. Les saisines de la CRC ou les déférés des préfets sont parfois abondamment relayés par
la presse, à l’image du déféré contre le plan «
Bouclier de sécurité » de la région Ile-de-France
en février 2022, contre les arrêtés anti-pesticides en Val-de-Marne en septembre 2019 ou contre
le règlement intérieur des piscines de Grenoble autorisant le burkini en mai 2022.
2
Équivalent temps-plein travaillé
CONTROLE DE LEGALITE ET CONTROLE DES ACTES BUDGETAIRES EN PREFECTURE
11
Malgré ce dynamisme apparent, le contrôle de légalité et des actes budgétaires apparaît de
plus en plus atrophié. Peu d’évolutions notables ont pu être relevées par la Cour depuis so
n
dernier rapport sur le sujet, c’est
-à-
dire l’insertion au rapport public annuel de 2016 intitulé
e
Le
contrôle de légalité et le contrôle budgétaire : une place à trouver dans la nouvelle
organisation de l’
État
3
, dont le présent rapport assure le suivi des recommandations.
Les effectifs, qui avaient fortement baissé entre 2009 et 2014, sont restés stables voire en
diminution. Les autres ministères participant aux missions de contrôle de légalité et de contrôle
des actes budgétaires ont de plus en plus tendance à se retirer de ces missions, pour en faire
peser la responsabilité sur les seuls services préfectoraux. L’effort de professionnalisation de
ces derniers, recommandé par la Cour, a été insuffisant, en l’absence d’un robuste système de
formation de niveau « approfondissement »
. Les systèmes d’information n’ont pas connu un
développement à la hauteur des attentes.
Le « plan préfecture nouvelle génération »
(PPNG) de 2016 s’engageait pourtant à
renforcer cette politique publique, qualifiée de mission prioritaire des préfectures, mais aucun
de ses objectifs n’a été atteint. En l’état, la mission constitutionnelle confiée aux préfets voit sa
portée sensiblement amoindrie, alors même que de nouveaux sujets sensibles émergent, comme
la protection de l’envir
onnement ou la régulation des interventions économiques des
collectivités territoriales.
Le présent rapport vise à démontrer que le contrôle de légalité et le contrôle des actes
budgétaires demeurent des instruments utiles qui doivent être sauvegardés et renforcés (I).
Néanmoins, l’organisation actuelle de ces contrôles ne permet pas d’assurer une qualité
suffisante, à la hauteur de cette mission constitutionnelle (II), d’autant que les ressources
humaines, certes stables sur la période, atteignent une situation critique dans de nombreux
départements (III). L’administration centrale a déployé quelques nouveaux outils d’appui aux
préfectures sur la période, mais doit renforcer son rôle d’animation du réseau (IV).
Précision méthodologique
A l’instar
de
l’insertion
au rapport public annuel de 2016, le présent rapport se concentre
exclusivement sur le contrôle de légalité et le contrôle des actes budgétaires de France
métropolitaine, Les spécificités ultra-marines, nombreuses dans ces domaines, seront traitées
dans des travaux à venir de la Cour.
Elles sont évoquées dans l’encadré n°
1 du présent
rapport.
Dès lors, l’intégralité des statistiques présentées dans le présent rapport a trait à la
France métropolitaine.
3
Cour des comptes,
Le contrôle de légalité et le contrôle budgétaire : une place à trouver dans la nouvelle
organisation de l’État
, rapport public annuel, 2016.
CONTROLE DE LEGALITE ET CONTROLE DES ACTES BUDGETAIRES EN PREFECTURE
12
1
DEUX CONTROLES UTILES MAIS A CONFORTER
1.1
Conçus comme une contrepartie à la décentralisation, les modalités des
contrôles de légalité et des actes budgétaires ont peu évolué depuis dix
ans et sont aujourd’hui rodées
1.1.1
Le contrôle de légalité
Le contrôle de légalité
a posteriori
des actes des collectivités locales a été instauré en
1982 en remplacement des contrôles
a priori
précédemment exercés par le préfet, dans le cadre
de son exercice de la tutelle sur les collectivités territoriales. Ce contrôle, qui se concentre
uniquement sur la légalité d
e l’acte vise à prévenir les dérives que peut entraîner le transfert de
compétences aux exécutifs locaux, comme les atteintes à la probité, la rupture de l’égalité de
tous les citoyens devant la loi ou le détournement des prérogatives de police administrative. Le
contrôle de légalité constitue l’une des rares compétences du préfet à être consacrée dans la
Constitution, en son article 72 alinéa 6
4
.
L’article L. 2131
-2 du code général des collectivités territoriales énumère les actes des
communes devant être
transmis préalablement au représentant de l’
État
5
, condition préalable
pour les rendre exécutoires. Cette liste a été restreinte entre 2003 et 2009, faisant ainsi chuter
le nombre d’actes transmis de 38%
6
. Elle n’a plus évolué depuis 2013
7
, malgré les engagements
pris en ce sens dans le plan préfecture nouvelle génération en 2016.
À ce stade, la liste des actes transmissibles du code général des collectivités territoriales
est difficilement réductible, sauf à renoncer à contrôler certaines thématiques ou à générer des
confusions au niveau local (cf. liste des actes transmissibles en annexe n°1). Le gisement de
simplification apparaît donc faible. L’enjeu principal est plutôt de prioriser plus finement les
actes contrôlés parmi les actes reçus (cf. partie 2.1) et de renforcer leur dématérialisation.
Le représentant de l’
État
dispose également d’un pouvoir d’évocation conféré par
l’article L. 2131
-3 du code général des collectivités territoriales, lui permettant de demander
communication de tout acte pris par une collectivité et dont la transmission préalable au
représentant de l’
État
n’est pas obligatoire. Les conditions de déféré sont alors plus restrictives.
Cette prérogative est peu usitée mais peut se révéler utile dans certaines situations comme le
« déféré-laïcité » (voir encadré n° 2).
4
«
Dans les collectivités territoriales de la République, le représentant de l'État
(…)
a la charge des
intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois
. »
5
Les actes transmissibles des départements et de leurs établisse
ments publics sont listés à l’article
L. 3131-2 du même code, et les actes des régions et de leurs établissements publics sont énumérés au L. 4141-2.
6
Passant de 8,3
millions d’actes transmis en 2004 à 5,1
millions en 2013.
7
A l’exception mineure du retrait de la mention à l’article L. 2212
-2-1 CGCT relatif aux amendes
administratives sur la sécurité de la voie publique pendant un chantier et d’une évolution de formulation par
l’ordonnance n°
2021-1310 du 7 octobre 2021.
CONTROLE DE LEGALITE ET CONTROLE DES ACTES BUDGETAIRES EN PREFECTURE
13
Graphique n° 1 :
Thèmes des actes reçus par le contrôle de légalité en 2021
Source
: Cour des comptes, d’après les données de la DGCL, pour la France métropolitaine
Les services de l’
État
bénéficient de deux mois à compter de la réception d’un acte pour
en étudier la légalité. Si l’examen du fond (légalité interne) ou de la forme (légalité externe)
révèle des irrégularités, le représentant de l’
État
dispose de deux outils. L’outil précontentieux
consiste à adresser à la collectivité une lettre d’observation valant recours gracieux, suspensive
du délai de recours contentieux. La collectivité dispose à son tour de deux mois pour modifier
ou retirer son
acte. Le préfet peut également utiliser directement l’outil contentieux, c’est
-à-
dire déférer l’acte au tribunal administratif
8
, éventuellement associé à un référé, en particulier
pour demander une suspension provisoire. Dans les faits, sauf irrégularité grave, les préfets
privilégient toujours une phase précontentieuse avant de déférer. Lorsqu’une irrégularité est
découverte au-
delà du délai légal, les préfectures pratiquent l’envoi de «
lettres pédagogiques
valant pour l’avenir
», courrier sans valeur ju
ridique mais permettant de signaler l’illégalité à
la collectivité.
Entre 2015 et 2021, le nombre d’actes reçus a augmenté de 22
%, passant de 5,01 à 6,12
millions. Le nombre d’actes contrôlés a crû de 21
% pour s’établir à 1,23 million.
Schéma n° 1 :
Statistiques du contrôle de légalité en 2021
8
En 2021, cinq types de procédures ont en réalité été mobilisés par les préfets : 676 déférés « classiques »
(article L. 2131-6 CGCT) ; 1 déféré pour les centres de gestion ; 102 déféré-urbanisme (article R. 811-1-1 du code
de justice administrative) ; 275 référés suspension et 4 référés liberté.
10%
16%
28%
32%
14%
Commande publique
Fonction publique territoriale
Urbanisme
Autres
Actes budgétaires nécessitant
un contrôle de légalité
Actes reçus
6,12 millions
Actes contrôlés
1,23 million
Recours gracieux
14 862
Actes modifiés
8 992
Déférés déposés
754
Déférés gagnés
448
CONTROLE DE LEGALITE ET CONTROLE DES ACTES BUDGETAIRES EN PREFECTURE
14
Source
: Cour des comptes, d’après les données de la DGCL
Graphique n° 2 :
Évolution des actes reçus et contrôlés depuis 2015
Source
: Cour des comptes, d’après les données de la DGCL pour la France métropolitaine
1.1.2
Le contrôle des actes budgétaires
Par symétrie avec le contrôle de légalité, le contrôle des actes budgétaires par le
représ
entant de l’
État intervient
a posteriori
depuis 1982 et non plus
a priori
. Il vise à contrôler
le respect des règles budgétaires, notamment en matière de date limite du vote du budget
primitif, d’équilibre réel des budgets et du compte administratif ou de l’inscription des dépenses
obligatoires.
A la réception des documents budgétaires, le préfet dispose de trente jours pour procéder
aux contrôles adéquats. Contrairement au contrôle de légalité, il n’existe normalement pas de
phase précontentieuse en cas d
e découverte d’irrégularité, en raison du calendrier budgétaire
contraint. Le représentant de l’
État doit directement saisir la chambre régionale des comptes
(CRC) sur le fondement des procédures prévues aux articles L. 1612-2 et suivants du code
général des collectivités territoriales. Cette saisine est une compétence liée pour laquelle il ne
dispose théoriquement pas de marge d’appréciation. Il dispose en revanche de cette marge dans
l’exécution des recommandations de la CRC lorsqu’il est amené à régler l
e budget de la
collectivité.
Dans les faits, il est fréquent que la préfecture privilégie un dialogue avec la collectivité
en question, en lui adressant une lettre d’observation l’incitant à adopter une décision
modificative pour faire cesser l’irrégularité constatée. D’après les données du ministère de
l’intérieur, entre 75
% et 80 % de ces interventions donnent lieu à une modification du budget
par la collectivité territoriale. Au total, d’après les indicateurs du ministère de l’intérieur, 9
646
irrégularités budgétaires ont été détectées en 2021, dont 1 186 relatives à un déficit réel du
compte administratif ou d’un déséquilibre du
budget.
Les évolutions et expérimentations récentes en matière de finances locales ont aussi des
incidences sur l’exercice du contrôle des actes budgétaires. Le déploiement de la nomenclature
900 000
1 000 000
1 100 000
1 200 000
1 300 000
4 000 000
4 500 000
5 000 000
5 500 000
6 000 000
6 500 000
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
Nombre d'actes contrôlés
Nombre d'actes reçus
Nombre d’actes reçus
Nombres d’actes contrôlés
CONTROLE DE LEGALITE ET CONTROLE DES ACTES BUDGETAIRES EN PREFECTURE
15
budgétaire et comptable M57 (260 budgets principaux en 2021)
9
contribue à simplifier le
contrôle en harmonisant plusieurs autres maquettes. Elle devrait être généralisée en 2024.
L’expérimentation de la certification des comptes locaux –
qui concerne 25 collectivités en
2022
–
apporte également un complément au contrôle des actes budgétaires, en vérifiant
a
posteriori
la régularité, la sincérité et la fiabilité des comptes, même si sa portée est limitée car
elle ne permet pas de rétablir une situation déséquilibrée.
En 2021, 57 % des 288 552 actes budgétaires reçus en préfecture ont été contrôlés, soit
165
743 actes, donnant lieu à 148 saisines de la CRC par le représentant de l’
État.
Graphique n° 3 :
Évolution du nombre de saisines annuelles des CRC de France métropolitaine
Source : Cour des
comptes, d’après les données des chambres régionales des comptes de France métropolitaine.
NB
: la CRC peut être saisie dans certains cas par le comptable public, par l’ARS ou encore par des particuliers.
Le préfet est à l’origine d’environ 80
% des saisines des CRC en France métropolitaine.
Graphique n° 4 :
Principaux motifs de saisines des CRC entre 2014 et 2021
Source
: Cour des comptes, d’après les données des chambres régionales des comptes de France métropolitaine.
9
7
200 budgets principaux l’adopteront en 2022
0
100
200
300
400
500
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
Saisines totales
dont saisines par le préfet
269
352
791
534
557
Rejet du compte
administratif
Déficit du compte
administratif
Non-inscription de dépenses
obligatoires
Absence de vote du budget
dans le délai imparti
Déséquilibre réel
CONTROLE DE LEGALITE ET CONTROLE DES ACTES BUDGETAIRES EN PREFECTURE
16
Encadré n° 1 : les spécificités du contrôle administratif en outre-mer
Le présent rapport ne traite pas des territoires d’outre
-mer, dont les spécificités
–
abordées
dans d’autres publications de la Cour des comptes
–
sont peu comparables à la France
métropolitaine en matière de contrôle des actes budgétaires et règlementaires.
Les 199 collectivités territoriales des départements et régions d’outre
-mer (DROM)
présentent traditionnellement une épargne insuffisante, étant donné que leurs charges de
fonctionnement sont grevées par de fortes dépenses de personnel. Les chambres régionales
des comptes relèvent régulièrement des insincérités. Dès lors, comme la Cour le notait en
2017 et en 2022, une proportion importante des collectivités territoriales des DROM ne
parviennent pas à respecter les règles d’équilibre réel. En 2021, 33 d’entre elles ont fait l’objet
d’un contrôle de la CRC dans le cadre du suivi de leur plan de redressement, prévu à l’article
L. 1612-14 du CGCT.
En 2021, les CRC d’Antilles
-Guyane et de La Réunion-Mayotte ont été saisies à 93 reprises,
ce qui représente plus de 35 % des saisines au niveau national. Ceci inclut 10 saisines pour
déséquilibre réel (soit 20
% des saisines nationales) et à 46 saisines pour défaut d’inscription
des dépenses obligatoires, témoignant des difficultés de trésorerie de ces collectivités.
Par ailleurs, les comparaisons en matière de contrôle de légalité peuvent être biaisées par le
contexte juridique des DROM, marqué de spécificités en matière de répartition des
compétences État-
collectivités et d’adaptation
locale du droit national. Entre 2015 et 2021,
les préfectures des DROM ont reçu en moyenne 75 000 actes à contrôler par an et déclarent
en avoir contrôlé 36 %. Chaque année, environ 1 390 recours gracieux sont formés, soit 5 %
des actes contrôlés (contre 1,2 % en France métropolitaine), donnant lieu en moyenne à 134
déférés.
1.2
Plutôt bien acceptés des collectivités territoriales, les deux contrôles
gardent leur pertinence et doivent être confortés
1.2.1
Deux contrôles utiles aux acteurs locaux et perçus comme tels
Malgré la montée en expertise des collectivités territoriales, la France reste marquée par
l’éclatement de son bloc communal, divisé en 34
955 communes
10
avec une population
communale moyenne de 1
900 habitants. Il existe dès lors une cassure entre, d’une
part, les
grandes collectivités dont le niveau d’ingénierie comparable ou parfois supérieur à l’
État
territorial leur permet de s’affranchir d
u soutien de
la préfecture, et d’autre part la vaste
multitude de petites collectivités pour lesquelles le contrôle de légalité et le contrôle des actes
budgétaires constituent une aide. Ainsi, en Indre-et-Loire, la préfecture reçoit annuellement 750
demandes de conseil. De même, le bureau du contrôle de légalité et de l’intercommunalité de
la préfecture de l’Orne es
time consacrer 50 % de son temps-agent à répondre aux demandes de
10
Chiffre au 1
er
janvier 2022
CONTROLE DE LEGALITE ET CONTROLE DES ACTES BUDGETAIRES EN PREFECTURE
17
conseil des collectivités de ce département très rural, comptant en moyenne 720 habitants par
commune. Ces ratios varient entre 10 % et 50
% selon les départements. Or, l’activité de
contrôl
e est essentielle pour générer et maintenir cette capacité de conseil. En effet, en l’absence
de formations suffisantes et eu égard à l’éclatement du réseau territorial de l’
État, les agents de
préfecture développent leurs compétences juridiques grâce à l’instruction ou au contrôle d’actes
réglementaires nombreux et variés. Les services du contrôle de légalité et du contrôle des actes
budgétaires offrent donc un service public de conseil juridique aux collectivités territoriales, en
particulier pour les plus démunies.
Par ailleurs, le contrôle de légalité est un outil qui protège les élus locaux, notamment
vis-à-
vis d’un risque pénal dans le cas des marchés publics. Plus largement, il agit comme une
« arme potentielle et préventive » incitant les collectivités à vérifier en amont la légalité de leurs
actes. Dans la grande majorité des cas, l’intervention de l’
État au titre du contrôle est bien
accueillie par les collectivités : entre 2015 et 2021, 59 % des recours gracieux au titre du
contrôle de légalité ont
donné lieu à une modification ou à un retrait de l’acte. En 2021, 80
%
des interventions de l’
État en matière de contrôle budgétaire ont donné lieu à une modification
de budget.
Ces deux contrôles participent de la vie démocratique locale. Ils permettent aux citoyens
et aux oppositions de saisir facilement le préfet pour lui signaler des irrégularités : la préfecture
de Moselle a été saisie par courrier à 52 reprises en 2021, donnant lieu systématiquement à un
contrôle et à un courrier de réponse
11
. Il permet aussi de fluidifier la vie politique locale étant
donné que la préfecture, mais surtout le tribunal administratif et la chambre régionale des
comptes, agissent comme des « tiers de confiance » pour débloquer des situations. Ainsi, dans
la Drôme, en dépi
t de la mise en place par l’Association des maires d’un système gratuit de
conseil juridique aux communes, ces dernières continuent de contacter la préfecture pour se
faire confirmer l’analyse juridique produite.
Enfin, le contrôle de légalité et le contrô
le des actes budgétaires enrichissent d’autres
politiques publiques déployées par la préfecture. Par exemple, le contrôle budgétaire a permis
à la préfecture d’ajuster les dotations budgétaires versées aux collectivités et d’alimenter le
processus de contractualisation
, à l’image d
es contrats de Cahors désormais suspendus. Ce
contrôle rend plus efficace le suivi des collectivités inscrites dans le réseau d’alerte des finances
locales (cf. partie 2.4.2). Il permet de disposer de données fiables sur les dépenses des
collectivités territoriales.
1.2.2
Deux contrôles qui participent
à la préservation de l’intérêt général
Tout d’abord, le contrôle de légalité comme le contrôle des actes budgétaires présentent
l’intérêt de la rapidité. Tous deux interviennent en amont ou au début de l’exécution d’un acte.
Dès lors, le représentant de l’
État peut faire cesser rapidement une illégalité ou un dérapage
budgétaire, là où la saisine d’une juridiction par un justiciable peut intervenir avec un
11
Le préfet dispose d’une marge d’appréciation pour déférer. Sa décision de ne pas déférer ne peut faire
l’objet d’un recours (voir la décision du CE, section, 25 janvie
r 1991,
Brasseur, n° 80969
)
CONTROLE DE LEGALITE ET CONTROLE DES ACTES BUDGETAIRES EN PREFECTURE
18
décalage
12
. Les tribunaux
administratifs tendent d’ailleurs à traiter en priorité les déférés
préfectoraux. Cette vélocité permet de prévenir les conséquences potentiellement irrémédiables
de certains actes irréguliers (exemples
: début de construction en zone fragile à la suite d’
un
acte d’urbanisme, dépenses trop élevées après l’adoption d’un budget primitif).
Le nombre de recours gracieux formés (entre 14 000 et 27 000 entre 2015 et 2021)
combiné à un taux élevé de succès de ces recours (entre 56 % et 61 %) et des déférés (86 %)
témoigne de l’utilité d’un tel contrôle.
Par ailleurs, en l’état du droit, il existe de nombreux actes irréguliers pour lesquels aucun
particulier ne dispose de l’intérêt à agir en justice. C’est le cas par exemple du régime
indemnitaire de la fonction pub
lique territoriale qui, s’il est illégal, ne sera pas contesté par
l’agent en bénéficiant ni par la collectivité le mettant en œuvre. On assiste également à une
réduction progressive du champ de l’intérêt à agir admis par le juge administratif en matière
d
’urbanisme. Enfin les relations locales peuvent aussi empêcher dans les faits une personnalité
morale d’ester en justice, par exemple pour une association environnementale recevant des
subventions d’une collectivité. Dès lors, le représentant de l’
État, grâce à son large intérêt à
agir, constitue un maillon essentiel pour préserver l’intérêt général.
Ainsi, sur les 16 décisions du Conseil d’
État publiées en 2020 et 2021 trouvant leur
origine dans l’exercice du contrôle de légalité,
sept sont relatives à des permis de construire
potentiellement irréguliers et pour lesquels aucun particulier n’a intenté d’action contentieuse.
cinq décisions ont quant à elles porté sur le régime indemnitaire des collectivités territoriales,
pour lequel il e
st probable qu’aucun recours n’aurait été formé par un particulier.
En complément voire en remplacement du contrôle de légalité et des actes budgétaires,
un élargissement de l’intérêt à agir des justiciables et des contribuables aurait pu être envisagé,
mais est à écarter à ce stade. En effet, il engendrerait vraisemblablement un grand nombre de
saisines infondées engorgeant les juridictions. Par ailleurs, une part significative des actes
individuels n’est pas publique, privant le justiciable de sa connais
sance et donc de sa capacité
à s’y opposer. La publication de ces actes individuels (notamment en matière de fonction
publique territoriale et de commande publique) n’est pas envisageable eu égard aux exigences
de confidentialité.
L’ordonnance n°
2022-408 du 23 mars 2022 réformant le régime de responsabilité des
gestionnaires publics confère aux préfets et DDFIP/DRFIP, à compter du 1
er
janvier 2023, un
pouvoir de déférer une partie des irrégularités comptables et budgétaires au parquet général de
la Cour de
s comptes en vue d’un traitement contentieux. Les services du contrôle de légalité et
des actes budgétaires constitueront donc, à compter du 1
er
janvier 2023, des maillons utiles pour
alimenter le contentieux vers les juridictions financières.
Enfin, le co
ntrôle de légalité est autant un moyen de garantir l’égalité de tous devant la
loi que d’assurer l’effectivité de la
mise en œuvre des lois récemment votées, dans un contexte
où les collectivités territoriales sont des parties prenantes des politiques publiques déployées.
Dans sa décision DC n° 82-137 du 25 février 1982, le Conseil constitutionnel fait du contrôle
de légalité une condition essentielle à l’application effective des lois votées, en proclamant que
«
l'intervention du législateur est subordonnée à la condition que le contrôle administratif
12
Pour mémoire, le délai moyen de jugement d’un acte par un tribunal administratif est de 9 mois et 16
jours en 2021 (source
: rapport d’activité du Conseil d’État pour 2021).
CONTROLE DE LEGALITE ET CONTROLE DES ACTES BUDGETAIRES EN PREFECTURE
19
prévu par l'article 72
[de la Constitution] […]
permette d'assurer le respect des lois et, plus
généralement, la sauvegarde des intérêts nationaux auxquels, de surcroît, se rattache
l'application des engagements internationaux contractés à cette fin
», ce qui le conduit
d’ailleurs à censurer plusieurs dispositions de la loi relative aux droits et libertés des communes,
des départements et des régions
13
car elles tendaient à réduire l’effectivité de ce contrôle d
e
légalité. À
titre d’exemple, le contrôle de légalité a été mobilisé à la fin de l’année 2021 pour
assurer
l’exécution
de l’article 47 de la loi
du 6 août 2019, obligeant les collectivités à assurer
un temps de travail effectif minimum de 1607 heures pour
l’ensemble des agents.
Le contrôle
de légalité a contraint les exécutifs locaux à s’y conformer
, malgré
la pression d’une partie des
organisations syndicales
s’opposant à
cette disposition législative
14
.
Symétriquement, les défaillances du contrôle de légalité peuvent engager la
responsabilité de l’
État
, à condition que cette carence soit constitutive d’une faute lourde
15
.
Le 22 avril 2022, le secrétaire général du ministère de l’intérieur a diffusé le nouveau
plan « Missions prioritaires des préfectures 2022-2025 ». Ce plan réaffirme le contrôle de
légalité comme l’une des missions prioritaires des préfectures, en proposant sept axes
d’améliorations. Le contrôle des actes budgétaires n’est toutefois que brièvement abordé.
1.2.3
Des moyens humains limités au regard des enjeux
La politique publique du contrôle de légalité et du contrôle des actes budgétaires est peu
coûteuse. Elle nécessite peu de matériel et repose
in fine
sur un faible volume d’agents
: en
2021, on compte 243 ETPT pour le contrôle des actes budgétaires et 1 080 ETPT pour le
contrôle de légalité
16
. Le coût de l’ensemble des effectifs peut être estimé à 65
M€ hors CAS
pensions
17
, ce qui est faible au regard de la mission constitutionnelle à satisfaire.
Le contrôle administratif représente en moyenne 4
% des effectifs d’une préfecture de
France métropolitaine, et 0,5
% des effectifs totaux du ministère de l’intérieur
18
. Cette politique
publique pèse 0,5 % du budget du ministère.
Cette politique publique a un effet essentiellement préventif, si bien que ses résultats
sont parfois difficiles à mesurer avec précision. Cependant, son coût complet peut être mis en
regard avec les enjeux budgétaires des collectivités territoriales (104
Md€ de transferts
financiers prévus par la loi de finances pour 2021)
19
qu’el
les participent à sécuriser. Le contrôle
des actes budgétaires permet de prévenir de potentielles situations de dérapages budgétaires.
Par exemple, les services de la préfecture et de la DRFIP d’Ille
-et-Vilaine ont constaté plus de
4
M€ de déficit réel cum
ulés sur 21 actes budgétaires en 2021. Sur cette même période, le coût
13
Loi n °82-213 du 2 mars 1982
14
Par exemple, une ordonnance du 25 octobre 2021 du tribunal administratif de Paris, saisi par le préfet
de région, a suspendu le nouveau règlement de travail des agents de la ville de Paris.
15
CE, section, 6 octobre 2000,
commune de Saint-Florent, n° 205959
16
Dont les ETPT des DDI mais sans compter les ETPT des DDFIP/DRFIP
17
Compte d’affectation spéciale pour les pensions. Le calcul prend en compte les personnels des DDI,
DDFIP/DRFIP et DGCL dont PIACL
18
DGAFP,
Fonction publique, chiffres clés 2021
19
Cour des comptes,
Les finances publiques locales 2021
–
Fascicule 2
, novembre 2021, page 41
CONTROLE DE LEGALITE ET CONTROLE DES ACTES BUDGETAIRES EN PREFECTURE
20
global des agents chargés de ce contrôle dans le département peut être estimé à 250 000
€, soit
16 fois moins. De même, le contrôle de légalité peut permettre de prévenir des situations
d’irrégularités couteuses, notamment en matière d’aides d’
État
, à l’image de l’amende de
86,3
M€ infligée à la Collectivité de Corse pour le subventionnement de la Société nationale
Corse-Méditerranée (SNCM).
______________________ CONCLUSION INTERMÉDIAIRE ______________________
Avec des procédures bien comprises des exécutifs locaux, le contrôle de légalité et le
contrôle des actes budgétaires participent d’un dialogue constructif entre acteurs locaux
. Ils
répondent à un besoin fort à la fois de conseil pour les collectivités territoriales et de prévention
des illégalités. Ils doivent donc être confortés.
2
UN CONTROLE DO
NT LA QUALITE N’EST
PAS
SUFFISANTE, AU REGARD DE SES OBJECTIFS
CONSTITUTIONNELS
2.1
Les priorités du contrôle de légalité laissent subsister des failles
significatives
2.1.1
Des priorités nationales donnant lieu à une application hétérogène
La circulaire du 25 janvier 2012 définit trois niveaux de priorisation du contrôle de légalité :
•
Les actes relevant des trois priorités nationales
que sont la fonction publique territoriale,
l’urbanisme et l
a commune publique, qui, chacune, contiennent des actes prioritaires dont le
taux de contrôle doit tendre vers 90 %
20
. Ce taux atteint en moyenne 82 % en France
métropolitaine en 2021
21
, et varie entre 17 % (Indre-et-Loire) et 109 % (Somme), témoignant
des limites statistiques du fichier INDIGO. 52 départements atteignent un taux de contrôle
de plus de 90 % ;
•
Les actes relevant des priorités locales
déterminées librement par le préfet ;
•
Les actes non-prioritaires
devant faire l’objet d’un contrôle aléatoire.
20
Projet annuel de performance 2022 du programme 354
21
626 208 actes prioritaires contrôlés
–
y compris priorités locales
–
pour 764 550 actes reçus.
CONTROLE DE LEGALITE ET CONTROLE DES ACTES BUDGETAIRES EN PREFECTURE
21
Cette priorisation n’a presque pas évolué depuis 2012. Les actes et méthodes des contrôles
sont toujours définis par trois circulaires du 2 mars 2012 (fonction publique territoriale), du 10
septembre 2010 (commande publique) et du 1
er
janvier 2009 (urbanisme), sans que les
évolutions législatives postérieures n’aient fait l’objet d’une réflexion quant à cette priorisation.
Seuls certains domaines d’actualité ont fait l’objet de circulaires ponctuelles, par exemple pour
l’application de
s nouveaux rythmes de travail dans la fonction publique territoriale à partir de
2021. La liste des actes transmissibles n’a pas été modifiée depuis 2014
22
.
Le contrôle des actes de développement économique et d’aides aux entreprises a été ajouté
au rang de
s priorités par la circulaire du 26 janvier 2017, afin de s’assurer du respect par les
collectivités territoriales de la nouvelle répartition des compétences en la matière
23
. Son statut
de priorité nationale n’est pas établi, d’autant que sa mention ne figu
re pas dans la liste des
priorités en vigueur dans le document « Missions prioritaires des préfectures 2022-2025 ». Une
partie des préfectures de l’échantillon se sont organisées pour répondre à cette nouvelle priorité
sur le long terme (Drôme, Ille-et-Vil
aine, Moselle), tandis que d’autres estiment ne pas avoir
les compétences internes pour traiter ce nouveau champ de droit (Orne) ou considèrent que cela
n’est pas une priorité nationale en propre (Val d’Oise, Var). Les formations en la matière ont
été notoirement insuffisantes. Ces contrôles ont été accentués pendant la crise sanitaire, sur
directive du ministère de la cohésion des territoires, conduisant à déférer les délibérations des
conseils départementaux en matière de soutien aux entreprises (Orne et Drôme par exemple).
Cette difficulté s’observe aussi pour la mise en œuvre du déféré
-laïcité (cf. encadré n° 2)
créé par la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République. Les agents
du contrôle de légalité n’ont pas reçu de formation en la matière et cette nouvelle procédure n’a
pas été mise en cohérence avec la liste des actes transmissibles. Les préfectures essaient de la
prendre en charge :
dans le Val d’Oise
, une meilleure répartition des compétences avec le
cabinet du préfet va être testée. En tout état de cause, cette sédimentation progressive des
priorités crée un effet de
ciseau avec les effectifs stables voire en diminution, d’autant que les
préfectures récupèrent de plus en plus la responsabilité du contrôle des actes qui étaient
préalablement gérés par les DDT(M) et les DDFIP/DRFIP (voir partie 2.4).
Encadré n° 2 : le déféré-laïcité, un nouvel outil complexe à déployer
L’article 5 de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République
permet au
représentant de l’
État de déposer au tribunal administratif une demande de
suspension en urgence de tout acte de nature «
à porter gravement atteinte aux principes de
laïcité et de neutralité des services publics
», dans l’attente d’un jugement au fond. Ce
tte
procédure existe déjà pour les actes qui compromettraient une liberté publique ou
individuelle (le déféré-liberté). Le juge administratif se prononce sous 48 heures.
Comme le rappelle l’instruction interministérielle du 31 décembre 2021, une partie des
actes
susceptibles de porter atteinte au principe de laïcité n’est pas soumise à une obligation de
transmission, à l’image de la mise à disposition d’une salle polyvalente pour l’usage d’un
culte (via une convention). Dans ce cas, le préfet est invité à faire usage de son droit
22
A l’exception du retrait de la mention à l’article L. 2212
-1-2 du CGCT, disposition mineure.
23
La loi NOTRe a réduit sensiblement la compétence économique des départements, avec la suppression
de la clause de compétence générale aux articles L. 3211-1 et L. 4221-1 CGCT.
CONTROLE DE LEGALITE ET CONTROLE DES ACTES BUDGETAIRES EN PREFECTURE
22
d’évocation prévu à l’article L. 2131
-3 du code général des collectivités territoriales, dans les
deux mois à compter de leur publication. Ceci implique un travail de veille fine de la part des
services préfectoraux.
En outre, ces deux exemples du déféré-laïcité et des interventions économiques démontrent
la faible mutabilité des services de contrôle de légalité. Eu égard à la technicité et au manque
de formation, il est ardu de monter en compétences rapidement sur un nouveau thème.
Les nouvelles « Missions prioritaires des préfectures 2022-2025 » promettent que les
priorités nationales du contrôle de légalité seront revues et actualisées, disposition qui avait déjà
été prévue par le PPNG en 2016, sans mise en œuvre. Dans les fait
s, les préfectures pratiquent
déjà une priorisation des contrôles en fonction de la sensibilité des actes et leur potentiel
d’illégalité. En tout état de cause, ces quatre priorités nationales sont adaptées aux domaines de
compétences les plus à risque des collectivités territoriales. Leurs circulaires respectives
mériteraient d’être actualisées pour intégrer les évolutions du droit et recentrées si cela est
nécessaire. Une plus grande sélectivité dans les actes de la fonction publique territoriale
qualifiés de prioritaires pourrait être retenue.
Ces priorités nationales paraissent désormais bien identifiées et prises en compte par les
préfectures, à la différence des constats formulés par la Cour en 2016. Néanmoins, elles restent
appliquées de façon divergentes selon les départements. Certains ont perdu la compétence sur
l’une des priorités, à l’image de l’Orne qui a contrôlé seulement 5 actes de la fonction publique
territoriale au premier semestre 2021 ou de l’Indre
-et-
Loire qui ne dispose plus d’agent en
mesure de contrôler la commande publique, étant donné que les effectifs du contrôle de légalité
de la préfecture ont été divisé par trois en sept ans. D’autres départements usent de leur faculté
à moduler les seuils de contrôle afin d’adapter le nombre d’a
ctes contrôlés à leurs moyens de
contrôle, à l’image du Val d’Oise qui ne contrôle pas les marchés publics de travaux d’un
montant inférieur à 2
M€ et les marchés de fourniture de moins de 600
000
€, alors que les
seuils de transmission sont respectivement de 1
M€ et de 214
000
€.
2.1.2
Des priorités locales pertinentes
Bien que n’étant pas une priorité nationale, l’ensemble des préfectures de l’échantillon
pratique un contrôle sur les actes relatifs aux institutions locales, à la vie démocratique et aux
pouvoirs de police administrative du maire.
Tous les départements de l’échantillon ont établi des priorités locales adaptées à leurs
spécificités
: lutte contre l’artificialisation des sols (Val d’Oise, Somme, Orne, Drôme), loi
Littoral (Var, Somme, Ille-et-Vilaine, Pyrénées-Atlantiques), refus de construction de
logements sociaux (Val d’Oise, Drôme), concessions de plage (Var), risques miniers (Moselle),
foncier des collectivités (Ille-et-
Vilaine), capacités d’assainissement en eau (Moselle). De plus,
les préfectures exercent une vigilance particulière sur certaines collectivités territoriales dont
les actes sont davantage à risque.
Les contrôles aléatoires sont réalisés avec des techniques variables par préfecture : soit ils
font suite à une saisine du préfet par courrier (52 cas en Moselle en 2021) ; soit ils sont réalisés
par sondage. Dans la Drôme, le contrôle aléatoire est centré annuellement sur une thématique
CONTROLE DE LEGALITE ET CONTROLE DES ACTES BUDGETAIRES EN PREFECTURE
23
particulière, par exemple le transfert de la compétence Eau aux EPCI à compter de 2020. Il
n’empêche que ce contrôle aléatoire est erratique
: dans 18 départements de France
métropolitaine, moins de 10 % des contrôles sont consacrés à des actes non-prioritaires. Cela
peut concerner des petits départements en manque d’effectifs (Cantal, Dordogne) ou des
départements très peuplés comme les Yvelines, la Seine-Saint-Denis et le Vaucluse.
2.1.3
Des failles sur des actes à risques, prin
cipalement à cause de l’application
Actes
La dématérialisation accrue de la transmission des actes au contrôle de légalité, qui atteint
73 % des actes transmis en 2021 contre 34 % en 2013, génère des failles dans leur contrôle par
les services compétents,
du fait de l’architecture du système d’information
Actes.
Certains actes sont particulièrement difficiles à identifier et à suivre via l’application. Ils ne
sont, à de rares exceptions près, pas contrôlés par les préfectures en l’absence de fonctionnalités
adaptées
ou de maîtrise suffisante de l’application par les agents contrôleurs. C’est sensible en
matière d’urbanisme, pour les refus de permis de construire de logements sociaux et pour les
permis de construire tacites, alors même que ces deux types d’ac
tes concentrent de nombreux
risques d’illégalité et qu’une intervention rapide, c’est
-à-dire avant le début de la construction,
est nécessaire pour la faire cesser.
Le déploiement en cours de l’application PLAT’AU devrait
permettre d’identifier une partie
de ces actes plus facilement.
Par ailleurs, chaque contrôleur ne peut visualiser que les actes relevant de son propre
département. Or, il arrive que le territoire des EPCI s’étende sur plusieurs départements (à
l’image de la communauté de communes de l’Enc
lave des Papes partagée entre le Vaucluse et
la Drôme), si bien que les préfectures sont « aveugles » sur les actes applicables sur le territoire
de leur département et qui peuvent fonder la légalité d’autres actes pris par les communes.
Les
dispositifs techniques pour récupérer ces actes sont difficiles à utiliser et mal-connus des
préfectures.
Cela pose particulièrement problème en matière d’intervention économique, dont
la compétence échoit principalement au conseil régional. Il est par exemple difficile de contrôler
certaines règles de non-
cumul des subventions quand l’on n’est pas affecté à la préfecture de
région.
Enfin, les comportements non-coopératifs des collectivités sont difficiles à déceler et à
endiguer pour les préfectures. Le système d’inform
ation Actes ne permet pas de recenser les
comportements suspects. Par exemple, il ne recense pas les collectivités qui n’auraient pas
transmis d’actes depuis plusieurs semaines, ce qui pousse certains services, comme la DDT de
la Drôme, à procéder au comptage manuel pour identifier les absentes. Ces comportements,
certes très minoritaires, procèdent parfois d’une volonté délibérée de la collectivité, en
particulier dans le domaine de l’urbanisme, afin de ne pas bloquer le début de construction
malgré une illégalité connue, par exemple dans le Var où plusieurs communes ont adopté de
telles pratiques.
La DGCL indique dans sa réponse être consciente des limites de l’outil
Actes
en cas de manipulations erronées de la part des collectivités territoriales (volontaires ou non),
mais n’envisage pas à ce stade d’enrichir cet outil pour s’assurer que les collectivités respectent
leurs obligations légales.
CONTROLE DE LEGALITE ET CONTROLE DES ACTES BUDGETAIRES EN PREFECTURE
24
2.1.4
Des contrôles d’intensité variable
Au niveau national, environ 20 % des actes reçus donnent lieu à un contrôle de légalité
24
,
soit un niveau à peu près similaire à la période 2011-2014 (24 %). Entre 2014 et 2021, 1,8 %
des actes contrôlés fait l’objet d’un recours gracieux, contre 2,9
% entre 2011 et 2014. Depuis
2011, la proportion d’actes déférés est en revanche stabl
e, autour de 0,1
% du nombre d’actes
contrôlés
25
. En volume absolu, la situation a donc peu évolué depuis le dernier rapport de la
Cour en la matière.
Carte n° 1 :
Taux de contrôle des actes règlementaires reçus
–
moyenne 2015-2021
Source
: Cour des comptes, d’après
les données transmises par la DGCL.
Contrairement au contrôle des actes budgétaires, en difficulté dans la quasi-totalité des
départements, le contrôle de légalité est pratiqué inégalement, certaines préfectures ayant réussi
à maintenir un bon degré d’expertise et une organisation efficace. C’est le cas par exemple de
la Moselle, qui contrôle les actes prioritaires en urbanisme et adresse les éventuels recours
gracieux en 24 jours, alors qu’elle dispose au maximum de 60 jours pour former de tels recours
gracieux. Les préfectures réalisent souvent des grilles de contrôle internes, à défaut de
bénéficier de grilles nationales
26
. Certaines de ces grilles témoignent d’une volonté d’un
24
D’après les indicateurs IM51902 et IM51903 fournis par la DGCL
25
Le nombre de déférés s’est accru de 33
% entre 2015 et 2021, suivant à peu près la croissance du
nombre d’actes reçus (+22
%) et d’actes contrôlés (+21
%).
26
à
l’exception des 11 grilles de contrôle sur la commande publique élaborées par le PIACL
CONTROLE DE LEGALITE ET CONTROLE DES ACTES BUDGETAIRES EN PREFECTURE
25
contrôle qualitatif, à l’image de la Moselle, où la grille de contrôle pour les
permis de construire
de maisons individuelles invitent les contrôleurs à vérifier 28 points de droit différents.
A contrario
, d’autres préfectures s’intéressent essentiellement à la légalité externe de
l’acte, ce qui leur permet d’afficher de confortables
taux de contrôle. Dans 17 préfectures de
France métropolitaine, le nombre d’actes contrôlés par agent dépasse 2
000 par an, soit un acte
contrôlé toutes les 45 minutes voire moins
27
. Ces chiffres s’expliquent à la fois par une pratique
de contrôles allégés, mais aussi par des critères de comptabilisation des actes variables selon
les départements (cf. partie 4.2). La moyenne nationale se situe à 1 318 actes/agent.
Plus largement, les indicateurs invitent à la prudence quant à leur fiabilité et les réalités
qu’ils recouvrent d’un département à l’autre. La Cour a pu observer que les objectifs fixés dans
le projet annuel de performance du programme 354
–
Administration générale et territoriale de
l’
État
conduisent aussi certaines préfectures à « sur-déclarer » leurs contrôles ou à augmenter
la part de leurs contrôles allégés, peu qualitatifs, pour atteindre ces objectifs chiffrés.
2.2
L’attrition des moyens consacrés au contrôle des actes budgétaires
rend son exercice particulièrement dégradé compte tenu des délais de
procédure
Tout comme le contrôle de légalité, la quantité et la qualité des contrôles des actes
budgétaires a souffert de la réduction de ses effectifs. Ce contrôle est affaibli dans la grande
majorité des préfectures. Cette réduction s’avère d’autant
plus critique que ce contrôle a une
temporalité resserrée par rapport au contrôle de légalité.
En effet, parmi les motifs principaux de saisine de la chambre régionale des comptes
28
,
le cas de l’absence d’équilibre réel du budget est le plus porteur d’enjeux car il s’agit
d’intervenir suffisamment en amont pour éviter un dérapage budgétaire. Cela représente 22
%
des saisines des CRC de France métropolitaine
29
. Or, en cas de constat d’un déséquilibre réel,
l’article L. 1612
-5 du code général des collectivités territoriales prévoit que le représentant de
l’
État saisit la chambre régionale des comptes sous un délai de 30 jours, elle-même disposant
alors de 30 jours pour proposer des mesures de rétablissement de l’équilibre réel. L’organe
délibérant doit alors adopter une nouvelle délibération et la transmettre à la CRC. Si celle-ci
constate dans les quinze jours que les mesures de redressement ne sont pas suffisantes, le
représentant de l’
État
se substitue à l’organe délibérant et règle le budget sur proposition d
e la
CRC
30
.
27
Ratio indicatif obtenu en divisant le nombre d’actes contrôlés par la durée normale de travail annuel,
soit 1 607 heures.
28
Les articles L. 1612-2 ; L. 1612-5 ; L. 1612-12 à 15 du code général des collectivités territoriales
29
Dans les territoires ultra-marins, le contrôle des actes budgétaires recouvre des enjeux très spécifiques,
du fait de la masse des collectivités territoriales faisant l’objet d’une saisine de la
CRC.
30
Le préfet peut s’écarter des recommandations de la CRC à condition de motiver son arrêté
CONTROLE DE LEGALITE ET CONTROLE DES ACTES BUDGETAIRES EN PREFECTURE
26
Pour faire face à ce pic d’activité autour du mois d’avril, les préfectures réorganisent
souvent leurs services : dans la Somme, les agents chargés du FCTVA
31
viennent en renfort et
un vacataire est recruté sur la période. Le contrôle partenarial
avec la DDFIP/DRFIP, lorsqu’il
existe, permet également de répartir la charge de travail. Ce schéma présente l’inconvénient de
créer un effet d’éviction en cas de suractivité dans les services supposés venir en soutien du
contrôle budgétaire. En 2021, la distribution des dotations exceptionnelles au titre de France
Relance a privé les services de contrôle des actes budgétaires de renforts suffisants. D’après un
sondage de février 2021 réalisé par la DGCL, 93 % des agents du contrôle des actes budgétaires
p
artagent ces tâches avec d’autres missions.
Face à l’attrition des moyens humains du contrôle des actes budgétaires (
-13 % entre
2014 et 2021), ces renforts ne sont pas toujours suffisants pour faire face au pic d’activité. En
2021, 21 départements de France métropolitaine ont reçu plus de 2 000 actes budgétaires par
agent, y compris des départements dépourvus de partenariat actif avec la DDFIP, comme la
Somme. Dès lors, sur les 6 784 actes budgétaires que la préfecture de la Somme déclare avoir
contrôlé, s
euls 99 ont fait l’objet d’un contrôle approfondi, soit 1
% des actes reçus. Le reste
est soumis à un contrôle allégé, essentiellement sur la base des ratios contrôlés automatiquement
par le système d’information
Actes budgétaires, pas toujours fiables. Da
ns l’Orne, les grilles de
contrôle contiennent presque exclusivement des critères de forme, seuls 6 contrôles approfondis
ont été réalisés par la DDFIP. Dès lors, l’objectif d’atteindre un taux de contrôle de 63
% des
actes budgétaires reçus en 2023
32
est largement théorique et pousse les préfectures à réaliser un
contrôle allégé
, qui ne respecte même pas les points de contrôle normaux sur l’équilibre réel ou
le déficit du compte administratif.
Le contrôle de la sincérité budgétaire (article L. 1612-4 du CGC
T) n’est plus assuré par
les préfectures, faute de ressources.
Cette temporalité trop courte combinée aux moyens limités affaiblit la portée de l’article
L. 1612-
5 car les déséquilibres réels sont souvent découverts après l’extinction du délai de
saisine de la CRC. En Ille-et-Vilaine, la DRFIP et la préfecture
33
ont détecté 22 cas de
déséquilibres réels ou déficits réels, dont certains supérieurs à 1
M€. Le délai moyen de
signalement aux collectivités territoriales y est cependant supérieur à 3 mois et peut atteindre 6
mois et demi. Seuls deux déséquilibres réels ont été détectés en moins d’un mois. Ils ont été
signalés aux collectivités concernées par un courrier sans valeur juridique, alors que le préfet
est dans l’obligation de saisir la CRC.
Dans sa réponse, la DGCL indique ne pas partager le constat de la Cour sur le caractère
dégradé du contrôle budgétaire, sans pour autant apporter d’éléments nouveaux susceptibles
d’étayer sa position.
Un allongement des délais de contrôle des préfectures n’est pas possible en l’état du
calendrier budgétaire, car il retarderait trop l’exécution des budgets votés et conduirait à régler
administrativement le budget des collectivités locales à la fin du mois d’août.
Pour mieux assumer cette temporalité, il est nécessaire de procéder à un renforcement
des effectifs du contrôle des actes budgétaires (cf. recommandation n° 5), de mutualiser les
31
Fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée
32
Cible de l’indicateur 3.1 du projet annuel de performance pour 2022 du programme 354
33
Qui y consacre moins de 3 ETPT par an, soit 8 agents au moment de la « saison budgétaire »
CONTROLE DE LEGALITE ET CONTROLE DES ACTES BUDGETAIRES EN PREFECTURE
27
moyens de contrôle avec les DDFIP/DRFIP (cf. recommandation n° 3) et de développer les
outils automatisés d’aide au contrôle (cf. recom
mandation n° 9).
2.3
La répartition des compétences entre les différents échelons
préfectoraux
mériterait d’
être assouplie
2.3.1
Une centralisation du contrôle en préfecture qui s’est accrue
La Cour a recommandé en 2016 d’achever la centralisation des contrôles au n
iveau de
la préfecture de département, conformément à la circulaire du 23 juillet 2009 qui visait à
redéfinir le rôle des sous-préfectures. Cette centralisation, dans un contexte de réduction des
effectifs, devait permettre de professionnaliser les services de contrôle de légalité et des actes
budgétaires, en leur assurant une masse critique.
En 2021, rares sont les départements où le contrôle est intégralement centralisé en
préfecture (Drôme et Indre-et-Loire). Les sous-préfectures restent globalement actives dans le
domaine du contrôle de légalité et des actes budgétaires, selon des modalités diverses. Certaines
sont chargées de la réception
34
voire du pré-tri des actes issus de leur arrondissement (parfois
uniquement des actes papier, parfois également des actes dématérialisés). Plus rarement, les
sous-préfectures assurent encore des missions de contrôle. En Moselle et en Ille-et-Vilaine, les
différents rôles sont formalisés par une note de service.
D’après l’enquête 2016
-2018 de la
DGCL, 10 % des départements sont totalement centralisés, 65 % ont centralisé uniquement les
activités de contrôle et 25 % ont maintenu des activités de contrôle en sous-préfecture.
Tableau n° 1 :
Rôle des sous-
préfectures dans les départements de l’échantillon
Département
Activités de
contrôle
Réception voire pré-tri
des actes
Signature des
courriers de recours
Drôme
Aucune (centralisation totale)
Ille-et-Vilaine
X
X
X
Indre-et-Loire
Aucune (centralisation totale)
Moselle
X
X
Orne
X
X
Rhône
X
Somme
X
X
Pyrénées-Atlantiques
X
X
X
Val d’Oise
X
Var
X
34
L’article L. 2131
-
1 CGCT prévoit en effet que les actes peuvent être envoyés au représentant de l’État
ou à son délégué dans l’arrondissement (le sous
-préfet)
CONTROLE DE LEGALITE ET CONTROLE DES ACTES BUDGETAIRES EN PREFECTURE
28
Source : Cour des comptes, d’après les données transmises par les préfectures.
Témoignant de l’activité des sous
-
préfectures, le pôle interrégional d’appui au contrôle
de légalité a été saisi d’une demande d’avis juridique par 52 sous
-préfectures en 2021. Certains
de ces avis ne portent cependant pas sur du contrôle de légalité
stricto sensu
, mais plutôt sur
une demande de conseil juridique de la part des collectivités, relayée par la sous-préfecture. Ce
fut le cas à deux reprises pour la sous-
préfecture de Péronne (Somme) en 2021, bien qu’elle ne
pratique pas de contrôle de légalité.
Le maintien d’activités de contrôle au sein des sous
-préfectures est porteur de risques
qui ne sont pas toujours bien identifiés par les autorités préfectorales. Le faible effectif de
certaines sous-
préfectures ne permet pas d’assurer la résilience du ser
vice. Ainsi, dans les
Pyrénées-Atlantiques, un agent par sous-préfecture est chargé du contrôle des actes budgétaires
de son arrondissement. En cas d’absence, cette mission n’est plus assurée. Il en va de même
pour la sous-préfecture de Saint-Malo (Ille-et-Vilaine) où un agent assure le contrôle de légalité
des actes d’urbanisme des communes littorales de l’arrondissement. Or, l’attrition des effectifs
en préfecture et les méthodes de travail « en silo » ne permettent pas aux préfectures étudiées
de se substituer aux sous-
préfectures en cas d’absence, et donc d’assurer la continuité du
contrôle. Ce système ne permet pas, en outre, une montée en compétences durable et une veille
juridique efficace sur un segment de droit particulièrement complexe.
Le maintien
d’activités de réception et de pré
-tri en sous-préfecture est justifié du fait
du caractère chronophage de cette mission, dans un contexte de réduction d’effectifs et du choix
du ministère de l’intérieur de n’imposer aucun transfert d’agents des sous
-préfectures vers la
préfecture. Par exemple, la préfecture de Moselle, handicapée par le grand nombre de ses
communes (725), consacre 6,33 ETPT en sous-préfecture pour réceptionner et pré-trier les
actes, car elle ne dispose pas de ressources au niveau de la préfecture pour assurer ces tâches
de greffe. Cela représente 30 % des ressources humaines consacrées au contrôle de légalité.
Néanmoins, ce système conduit parfois à doublonner les contrôles effectués et rallonge les
délais entre la réception d’un acte et
son contrôle effectif par un agent, ce qui doit être un point
d’attention des gestionnaires locaux.
Les sous-préfectures présentent en revanche une force : leur proximité avec leur
territoire.
Les personnes rencontrées lors de l’instruction indiquent que
la sous-préfecture peut
aussi repérer plus facilement les dossiers à risque voire intervenir rapidement auprès des élus
en cas de difficulté. Cette exigence de proximité avec les collectivités motive aussi le choix de
certaines préfectures de confier au sous-préfet
d’arrondissement la signature des courriers
valant recours gracieux, après une instruction par le bureau du contrôle de légalité de la
préfecture. Enfin, il arrive que des sous-préfectures profitent de la proximité avec les services
des DDT(M) si
tués dans les mêmes villes et qui peuvent les épauler par leur expertise, à l’image
des délégations à la mer et au littoral de Saint-Malo (Ille-et-Vilaine), de Bayonne-Anglet
(Pyrénées-Atlantiques) et de Dunkerque (Nord).
Dans d’autres cas, les sous
-préfectures font
office de pôle expert pour l’ensemble du département, à l’image de la sous
-préfecture de
Bagnères-de-Bigorre (Hautes-
Pyrénées) spécialisée dans les actes de société d’économie mixte.
Il est donc essentiel
que le corps préfectoral s’assure de la
fluidité des échanges entre
préfectures et sous-préfectures et de la bonne répartition des responsabilités. Le travail en réseau
doit être promu pour garantir la continuité des activités de contrôle et la polyvalence des agents.
CONTROLE DE LEGALITE ET CONTROLE DES ACTES BUDGETAIRES EN PREFECTURE
29
2.3.2
La question d’un contrôle d
e légalité interdépartemental ou régional
Le plan « Missions prioritaires des préfectures 2022-2025
» propose d’expérimenter la
coopération interdépartementale en matière de contrôle de légalité, en confiant par exemple une
compétence spécifique à une préfecture pour constituer une « cellule experte » sur laquelle les
préfectures voisines s’appuieraient. Cela présenterait l’avantage de renforcer la qualité du
contrôle pratiqué dans les préfectures les moins dotées.
Quoique minoritaires, de telles bonnes pratiques existent déjà en partie. Outre le pôle
interrégional d’appui au contrôle de légalité, les services de contrôle de légalité des quatre
départements de Bretagne ont constitué un réseau d’échanges de manière à partager questions
et bonnes pratiques, avec une rencontre annuelle. La préfecture du Var, quant à elle, conduit
des échanges informels avec d’autres départements portuaires de façon à se renforcer sur les
délégations de service public. De tels réseaux gagneraient à être reproduits dans d’autres
r
égions, sous l’impulsion de la préfecture de région.
Des mutualisations plus poussées entre départements pourraient être envisagées, même
si la compétence du contrôle de légalité et du contrôle des actes budgétaires est attribuée par la
loi au seul préfet de département. Cela pourrait passer par la répartition des thèmes de contrôle
entre plusieurs préfectures. Néanmoins, une telle option ne saurait constituer une réponse
pertinente aux difficultés actuelles car elle risquerait simplement de les déplacer,
en l’absence
de renforts en agents. Cela éloignerait le service instructeur à la fois du pouvoir décisionnaire
(le préfet de département) et de la connaissance du terrain et pourrait être source de complexité.
Cela pourrait nuire à l’activité de conseil de
proximité rempli dans les départements les moins
peuplés.
Le plan « Missions prioritaires des préfectures 2022-2025 » présente en revanche une
autre piste intéressante de mutualisation visant à constituer des plateformes spécialisées au
niveau interdépartemental
35
, pour venir en appui des préfectures de département le souhaitant.
À leur demande, cette plateforme pourrait réaliser elle-même le contrôle des actes complexes
pour lesquels les préfectures ne se sentiraient pas assez compétentes. La Cour estime que la
création au niveau des préfectures de région de plateformes spécialisées en matière
d’interventions économiques et de commande publique serait le plus pertinent dans un premier
temps et pourrait faire l’objet d’une expérimentation. En effet, ce
positionnement au niveau
régional
permettrait de bénéficier de l’expertise de la direction régionale
de l'économie, de
l'emploi, du travail et des solidarités
tout en étant capable de contrôler l’action du conseil
régional, principal acteur compétent dans le domaine économique. Ceci encouragerait la
professionnalisation sur un champ juridique complexe, alliant droit national et droit européen,
et porteur de risques financiers et juridiques majeurs, en témoigne la condamnation définitive
en septembre 2021 de la Collectivité de Corse à une amende de 86,3 millions pour le
subventionnement illégal de la SNCM. Ceci permettrait en outre de disposer d’un échelon
complémentaire au PIACL, car ce dernier est conçu seulement comme un conseil juridique mais
35
D’après le plan
MPP 2022-2025, ces plateformes spécialisées «
pourraient être saisies par les
préfectures concernant des actes à forts enjeux, les préfectures initiatrices de la saisine conservant une fonction
préalable de tri, dans le respect des priorités arrêtées localement, ainsi que la décision finale en opportunité
conformément à la législation.
»
CONTROLE DE LEGALITE ET CONTROLE DES ACTES BUDGETAIRES EN PREFECTURE
30
n’instruit aucun
acte. Un protocole entre la préfecture de région et les préfectures de
départements concernés permettrait de clarifier la répartition des rôles.
Recommandation n° 1. (DMAT, DGCL) : Expérimenter dans une ou plusieurs
préfectures de région la constitution d’
une plateforme spécialisée
d’appui en
matière d’interventions économiques et de commande publique complexe, afin
d’apporter son aide, si cela est nécessaire, aux préfectures de département.
2.4
Les partenariats entre services déconcentrés de l’
État se rarifient en
dépit de leur utilité
La Cour recommandait en 2016 de généraliser et de formaliser les partenariats avec les
directions départementales des territoires et de la mer (DDT(M)) pour le contrôle de légalité
des actes d’urbanisme, et avec les directions dé
partementales ou régionales des finances
publiques (DDFIP/DRFIP) pour le contrôle des actes budgétaires et des délibérations fiscales.
Le nombre de ces partenariats tend pourtant à se réduire depuis 2016. Ainsi, si les effectifs
consacrés à ces deux contrôles sont à peu près stables sur la période, le nombre de leurs missions
a tendance à s’accroître, dégradant la qualité de leurs contrôles.
2.4.1
Les mutualisations entre préfectures et DDT(M)
Dans le domaine de l’urbanisme, une coopération souvent étroite existe
entre les
services préfectoraux et les DDT(M) (directions départementales des territoires, et de la mer le
cas échant)
36
. Elle peut prendre deux formes
: soit par la mise à disposition d’agents de la
DDT(M) à la préfecture, de manière à armer un service de
contrôle des actes d’urbanisme
37
(Moselle, Rhône)
38
, soit par le transfert de la responsabilité du contrôle aux DDT(M) (Drôme,
Indre-et-Loire, Somme, Pyrénées-
Atlantiques et Var). En 2021, d’après les statistiques fournies
par le
ministère de l’intérieur
, 239 ETPT ont été consacrés par le directions départementales
interministérielles au contrôle de légalité, dont l’immense majorité concerne les DDT(M)
39
.
Ce modèle confiant le rôle du contrôle de légalité aux DDT(M) est plus efficace
qu’en
préfecture, car il
permet de s’appuyer sur un degré d’expertise élevé. En effet, les agents des
DDT(M) chargés du contrôle de légalité partagent souvent cette mission avec d’autres tâches
36
Possibilité prévue par le décret du 3 décembre 2009 relatif aux directions départementales
interministérielles
37
Le terme d’acte d’urbanisme recouvre à la fois les documents d’urbanisme et les autorisations
d’urbanisme
38
Cela concerne 20 départements d’après le rapport triennal 2016
-2018 sur le contrôle de légalité
39
Ce chiffre doit être considéré prudemment, car il est déclaratif. La DGALN n’a pas de vision claire du
nom
bre d’agents consacrés à cette mission en DDT(M).
CONTROLE DE LEGALITE ET CONTROLE DES ACTES BUDGETAIRES EN PREFECTURE
31
d’instruction de permis de construire (pour les communes classées RNU)
40
ou d’avis sur l
es
documents d’urbanisme. Cela leur permet de réduire fortement le coût d’entrée sur cette matière
complexe et de disposer de connaissances exhaustives sur leur département. Ainsi, entre 2018
et 2020, la DDTM du Var, chargée du contrôle de légalité des act
es d’urbanisme, a introduit
environ 70 % des 319 déférés reçus sur la période par le tribunal administratif de Toulon.
Le détachement d’agents des DDT(M) au sein des préfectures est moins efficace car
cela a tendance à les couper de l’expertise de leur administration d’origine. Plus largement, ce
partenariat est inexistant dans 31 départements de France métropolitaine, ce qui a pour
conséquence de reporter la charge du contrôle des actes d’urbanisme sur les agents de la
préfecture, disposant généralement d
’une moindre expertise. Cela concerne des préfectures déjà
peu pourvues en termes d’effectifs, comme l’Ardèche (5,26 ETPT pour le contrôle de légalité
en 2021), l’Aveyron (5,35), la Haute
-
Marne (5,6) ou encore l’Orne (5,8), ce qui fait douter
quant à leur capacité à réellement investir ce domaine.
Tableau n° 2 :
État des partenariats préfectures-
DDT(M) dans les départements de l’échantillon
Département
Partenariat avec DDT(M)
Drôme
Actif
Ille-et-Vilaine
Interrompu
Indre-et-Loire
Actif
Moselle
Mise à disposition
d’agents de la DDT
Orne
Interrompu
Rhône
Mise à disposition d’agents de la DDT
Somme
Actif
Pyrénées-Atlantiques
Actif
Val d’Oise
Inexistant
Var
Actif avec mise à disposition d’un agent de la
préfecture auprès de la DDTM
Source
: Cour des comptes, d’après les données transmises par les préfectures.
Les DDT(M) ont eu tendance à se mettre de plus en plus en retrait par rapport à ces
missions de contrôle de légalité, ayant perdu 38 % de leurs effectifs au niveau national sur les
dix dernières années. Le partenariat est interrompu depuis 2018 en Ille-et-Vilaine et dans
l’Orne, car les DDT(M) estimaient ne plus avoir les effectifs nécessaires pour assurer ces tâches
qui ne relèvent formellement pas de leur ressort mais de la préfecture. Cela a forcé les
préfectures à réinternaliser cette compétence, avec de grandes difficultés à monter en expertise
dans les deux cas. Ainsi, la préfecture de l’Orne consacre un agent
,
qui n’était pas spécialiste
à
l’origine, au contrôle des actes d’urban
isme, alors même que le département subit depuis la
pandémie une pression foncière à la hausse dans le Perche, portant des risques importants
d’artificialisation des sols.
Par ailleurs, l’article 134 de la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un
urbanisme rénové (loi ALUR) a transféré aux EPCI de plus de 10 000 habitants la charge de
40
Conformément à l’article L. 422
-
8 du code de l’urbanisme
CONTROLE DE LEGALITE ET CONTROLE DES ACTES BUDGETAIRES EN PREFECTURE
32
l’instruction des autorisations d’urbanisme. Les DDT(M) ont donc vu fondre le volume des
autorisations d’urbanisme à instruire. Cela a conduit à une perte partielle
de compétences au
sein de ces administrations et cela a privé les services préfectoraux des signalements que
pouvaient leur adresser les services instructeurs. Pour réaliser le contrôle de légalité, les
DDT(M) capitalisent encore sur les compétences des agents qui pratiquaient auparavant de
l’instruction, au prix d’un élèvement significatif de la moyenne d’âge de ces services, à l’image
de la DDTM du Var. Au fur et à mesure des départs à la retraite, le maintien de cette expertise
sera un défi majeur pour ces directions.
Enfin, les DDT(M) sont mal intégrées au réseau du contrôle de légalité. Elles n’ont
pas
accès au système d’informations d’appui au contrôle de légalité (SIACL) et ne peuvent saisir
le PIACL. L’intégration de leur activité aux indicateurs ren
seignés par les préfectures est
hétérogène.
Encadré n° 3 : Var et Drôme : deux modèles de partenariat préfecture-DDT(M)
Dans le Var, la DDTM assure l’ensemble de la chaîne de contrôle des autorisations
d’urbanisme, y compris les suites contentieuses
après accord du préfet. Elle y consacre 9 ETP
(4,2 cat. C, 2,6 cat. B et 2,2 cat. A). La plupart des agents
était chargée de l’instruction des
permis de construire avant le transfert de cette compétence aux collectivités territoriales à
partir de 2014. Recevant environ 500 actes par semaine soit 26 000 par an, un tri est assuré
en interne. Un contrôle renforcé est pratiqué sur l’ensemble des documents d’urbanisme, sur
les autorisations d’urbanisme des 51 communes classées à risque, ainsi que sur les actes
d’urba
nisme à enjeux (ERP, logements collectifs, permis de construire tacites). Les autres
actes sont contrôlés de façon aléatoire, à un ratio d’un pour dix. Grâce à cette organisation,
la DDTM est à l’origine de 70
% des déférés du département.
Dans la Drôme, l
a DDT assure le contrôle de légalité des actes d’urbanisme reçus en
préfecture, mais ne gère
pas les recours. L’ensemble des agents du service
Autorisation du
droit des sols (ADS)
cumule une double fonction d’instruction et de contrôle. La majeure
partie d
e leur temps se consacre à l’instruction des autorisations d’urbanisme relevant de la
compétence de la DDT, à raison de 1 600 actes par an, soit 15 % des autorisations
d’urbanisme du département. Ils consacrent environ 20
% de leur temps de travail au contrôle
des 13
000 actes d’urbanisme soumis au contrôle de légalité, avec un volume de 2,4 ETP. Ce
cumul de fonction permet un bon niveau de professionnalisme. En outre, la DDT a développé
localement deux systèmes d’information
: une base de données recensant tous les actes reçus,
qui lui permet, deux fois par an, d’identifier les communes qui ne respectent pas leurs
obligations de transmission ; et une cartographie locale identifiant rapidement les zonages
d’urbanisme et les risques de chaque acte d’urbanisme
41
.
Au total, l’urbanisme est la priorité nationale la plus en difficulté, alors qu’elle est
soumise à une pression grandissante. Dans son étude annuelle sur le prix des terres parue en
mai 2022, la société d’aménagement foncier et d’établissement rural relève que le rythme des
constructions
–
et donc l’artificialisation des sols –
sur des terrains agricoles s’est accru de
41
Qui sera remplacée à terme par le déploiement en cours du Géoportail d’Urbanisme (GPU)
CONTROLE DE LEGALITE ET CONTROLE DES ACTES BUDGETAIRES EN PREFECTURE
33
23,5 % su
r l’année 2021, avec 33
600 hectares artificialisés pour un montant d’achat de
6
Md€
42
.
L’
importance de ce domaine va encore
s’accroître dans les prochaines années
, avec
l’adoption de la loi du 22 août 2021 dite loi Climat et résilience. Le nouvel article
L. 101-2 du
code de l’urbanisme promeut l’objectif, à terme, d’absence d’artificialisation nette, qui a
rencontré une certaine réticence de la part d’associations représentantes des collectivités
territoriales
43
. L’application dans la durée de cet objectif,
et plus largement la question de la
protection de l’environnement, nécessitent une solidification du contrôle de légalité en la
matière, outil préventif bien adapté aux enjeux environnementaux. Ce caractère critique est
confirmé par la DGALN, dans sa répo
nse au relevé d’observations provisoires de la Cour.
La Cour recommande donc d’attribuer aux DDT(M) la mission d’instruire le contrôle
de légalité des autorisations et des documents d’urbanisme, par délégation du préfet. Ce dernier
conserverait les missions de réception des actes en amont et de contentieux en aval. La mise en
œuvre de cette recommandation nécessite
deux conditions cumulatives : d
’une part
, la DGCL
doit intégrer pleinement les DDT(M) dans le réseau du contrôle de légalité (possibilité de
saisine du PIACL, accès à Actes et au SIACL, réception du matériel pédagogique généré par la
DGCL, ouverture des formations du ministère de l’intérieur). D’autre part, un transfert d’agents
vers les DDT(M) sera nécessaire, soit par détachement des agents de préfecture déjà en charge
de ce sujet, soit par une augmentation des effectifs dans le cadre de la recommandation n° 5.
Recommandation n° 2. (DGCL, DGALN) : Confier aux DDT(M) la mission
d’
examiner, pour avis, l
’ensemble des
actes d’urbanisme relevant du co
ntrôle de
légalité, sous la responsabilité du préfet, et pour son compte.
À
noter
qu’aux
côtés
des
DDT(M),
d’autres
directions
départementales
interministérielles participent parfois aux missions de contrôle de légalité, mais de façon très
limitée. Dans le
s départements du Var et du Val d’Oise, les directions départementales de la
protection des populations (DDPP) sont sensibilisées aux enjeux du contrôle de légalité et
adressent des signalements à la préfecture s’ils détectent de possibles irrégularités à l’occasion
des commissions d’appel d’offres. La DDPP du Var a accès à
Actes.
2.4.2
Les mutualisations entre préfectures et DDFIP/DRFIP
Tout comme pour les DDT(M), l’expertise des DDFIP/DRFIP est utile aux services
préfectoraux. La convention entre la DGCL et la DGFIP du 7 novembre 2013 prévoyait la
diffusion de ce contrôle partenarial. En 2017, date du dernier comptage réalisé par la DGFIP,
92 conventions départementales avaient été signées, contre 25 en 2014.
Dans la grande majorité des cas, la convention locale prévoit un contrôle partenarial.
Les services de la DDFIP/DRFIP sont chargés de contrôler certains actes budgétaires pour le
compte du préfet, portant souvent sur les collectivités les plus à risque. Cela permet d’assurer
42
Safer,
L’essentiel des marchés fonciers ruraux en 2021
, mai 2021
43
Voir par exemple
locaux/?abo=1
CONTROLE DE LEGALITE ET CONTROLE DES ACTES BUDGETAIRES EN PREFECTURE
34
un contrôle approfondi, de recour
ir aux outils internes de l’administration fiscale et de
mutualiser les efforts pendant la courte période budgétaire. Un plan d’action annuel est
généralement établi pour partager les responsabilités.
Ce contrôle partenarial repose sur le réseau d’alerte
des finances locales, créé en 1993
et profondément rénové depuis 2013. La DGFIP réalise chaque année, entre janvier et mars, un
scoring
automatisé de la situation financière du bloc communal, et depuis 2020 des
départements et régions. Il repose sur quatre ratios
44
. Les scores sont transmis aux
DDFIP/DRFIP. En 2022, ce
scoring
est
enrichi d’un modèle prédictif basé sur une intelligence
artificielle. Des réunions sont ensuite organisées avec les préfectures pour déterminer quelles
collectivités, parmi cette l
iste, sont à inscrire dans ce réseau d’alerte, faisant ainsi l’objet d’un
suivi plus attentif dans le cadre du contrôle des actes budgétaires. Ce classement est
confidentiel. Ainsi, dans le Rhône, la DRFIP assure le contrôle approfondi des actes budgétaires
de l’ensemble des collectivités territoriales placées dans le réseau d’alerte. Ces contrôles par la
DDFIP/DRFIP sont généralement de très bonne qualité.
Ce partenariat se concrétise aussi par des ouvertures d’accès aux systèmes
d’informations respectifs
: les préfectures des Pyrénées-Atlantiques, de la Drôme, du Val
d’Oise et de l’Ille
-et-Vilaine ont accès au module « contrôle de gestion dématérialisé » (CDG-
D) du système d’information HELIOS de la DGFIP, ce qui constitue une aide à leur contrôle
45
.
Symétriquement, 62 % des DDFIP/DRFIP de France sont directement raccordées à Actes
budgétaires pour faciliter la transmission des actes. L’avenant du 27 mai 2015 à la convention
de 2013 visait à accroître ces ouvertures croisées d’accès, effort qui doit
être poursuivi.
Néanmoins, comme les DDT(M), le réseau des finances publiques a connu une
réduction de ses effectifs de 2,8 % par an entre 2011 et 2019, soit 20 % sur huit ans
46
. De plus
en plus de DDFIP/DRFIP se retirent de cette mission de contrôle des actes budgétaires, créant
un report de charge sur les préfectures, comme en Pyrénées-Atlantiques ou dans la Somme
47
.
La Cour a parfois constaté des dysfonctionnements majeurs du fait de ce désengagement : dans
la Drôme, le réseau d’alerte des finances locales n’est plus réalisé depuis 2019 à cause de
désaccords persistants entre la préfecture et la DDFIP
48
.
Au total, d’après les données de la
DGCL, à la question «
quels sont les autres services de l’État qui participent au contrôle des
actes ?
», 48 % des préfectures ne mentionnent pas les DDFIP/DRFIP.
44
Coefficient d’autofinancement courant
; ratio de rigidité des charges structurelles
; ratio d’endettement
;
coefficient de mobilisation du potentiel fiscal rénové.
45
Par différence, l’Orne et la Somme n’y ont pas acc
ès
46
DGAFP,
Rapport annuel sur l’état de la fonction publique
, 2021. Une nouvelle évolution des
implantations et du nombre des postes comptables locaux est prévue pour 2023.
47
L’absence de contrôle partenarial n’empêche pas aux préfectures d’avoir des échanges avec les
DDFIP/DRFIP, souvent sous forme de demande de conseils.
48
À noter qu’au début de la crise sanitaire, il a été décidé de rendre facultatif de renseignement de
l’application SCORE par les DDFIP/DRFIP, afin d’alléger les tâches du réseau, ce qui explique que certains
départements ont formellement suspendu le réseau d’alerte des finances locales. L’arrêt des échanges entre la
DDFIP de la Drôme et la préfecture n’est p
as lié à cette suspension.
CONTROLE DE LEGALITE ET CONTROLE DES ACTES BUDGETAIRES EN PREFECTURE
35
Tableau n° 3 :
État des partenariats préfectures-
DDFIP dans les départements de l’échantillon
Département
État du partenariat
Drôme
Convention inactive
Ille-et-Vilaine
Contrôle partenarial actif
Indre-et-Loire
Convention inactive
Moselle
Contrôle partenarial actif
Orne
Contrôle partenarial actif
Rhône
Contrôle partenarial actif
Somme
Convention inactive
Pyrénées-Atlantiques
Convention inactive
Val d’Oise
Convention active mais sans contrôle partenarial
Var
Contrôle partenarial actif
Source
: Cour des comptes, d’après les données transmises par les préfectures.
Par ailleurs, contrairement à la recommandation de la Cour, la répartition des
responsabilités pour le contrôle de légalité des délibérations fiscales
49
n’a pas été clarifiée. Les
situations divergent selon les départements (cf. tableau ci-dessous), donnant parfois lieu à des
contrôles redondants comme dans le Var, constat déjà posé par la Cour en 2016. Dans une
enquête de la DGFIP menée auprès de son réseau en 2019, plusieurs DDFIP déclaraient devoir
prendre en compte des délibérations fiscales illégales, pourtant contrôlées par les préfectures.
Dans la Drôme, la DDFIP refuse son raccordement au système d’information
Actes et
demande donc que l’ensemble
des délibérations soit réceptionné en préfecture, trié puis envoyé
à la DDFIP pour effectuer le contrôle de légalité.
L’accès à
Actes devrait être donné aux DDFIP
afin de décharger les préfectures de ces tâches de transmission inefficientes.
Tableau n° 4 :
Répartition des responsabilités pour le contrôle de légalité des délibérations fiscales
dans les départements de l’échantillon
Département
Préfecture
DDFIP/DRFIP
Drôme
X
Ille-et-Vilaine
X
Indre-et-Loire
X
Moselle
X
Orne
X
Rhône
X
Somme
X
Pyrénées-Atlantiques
X
Val d’Oise
X
Var
X (contrôles redondants)
Source
: Cour des comptes, d’après les données transmises par les préfectures et des DDFIP/DRFIP.
49
Ensemble des actes adoptés par les collectivités en matière de fiscalité locale
CONTROLE DE LEGALITE ET CONTROLE DES ACTES BUDGETAIRES EN PREFECTURE
36
Dans la continuité de la recommandation n° 2 relative aux DDT(M), la Cour préconise
de rendre obligatoire la participation des DDFIP/DRFIP au contrôle de légalité et au contrôle
des actes budgétaires. Elles interviendraient alors en délégation du préfet, pour assurer le
contrôle au fond des actes, tout en la
issant au représentant de l’État la responsabilité de la
réception en amont et du contentieux en aval, conformément à l’article 72 de la Constitution.
Les DDFIP/DRFIP seraient responsables d’une part du contrôle de légalité de l’ensemble des
délibérations
fiscales, tâche complémentaire de leur mission d’exécution de ces délibérations
fiscales, et d’autre part devraient assister la préfecture lors de la saison du contrôle des actes
budgétaires.
La DGFIP indique dans sa réponse son souhait de renforcer le partenariat entre le réseau
territorial de l’administration fiscale et le réseau du ministère de l’intérieur
, sans se prononcer
sur le caractère obligatoire de ce partenariat. La DGCL indique quant à elle ne pas être favorable
à rendre obligatoire cette délégation de contrôle, arguant du caractère satisfaisant de la situation
actuelle
–
ce que les constats de la Cour démentent
–
et de l’autonomie des DDFIP/DRFIP par
rapport au préfet
50
. C’est justement cette autonomie qui permet aux DDFIP/DRFIP de se
dessaisir facilement de ces contrôles administratifs, entraînant un affaiblissement du contrôle
des actes budgétaires.
Enfin, les comptables publics disposent d’un autre outil de contrôle de légalité
: leur
devoir d’alerte, en cas de détection d’une illégalité à l’o
ccasion de leurs activités. Ce devoir
d’alerte est plutôt rarement employé, mais constitue une corde de rappel supplémentaire en la
matière. La préfecture de la Drôme a ainsi reçu huit signalements du comptable en 2021
51
.
Recommandation n° 3. (DGCL, DGFIP) : Confier, par une nouvelle convention, aux
DDFIP/DRFIP l’examen de l’ensemble des délibérations fiscales soumises au
contrôle de légalité, sous la responsabilité et pour le compte du préfet, ainsi que la
mise en œuvre d’un contrôle budgéta
ire partenarial.
2.4.3
Les relations avec les juridictions administratives et financières
Les relations avec les tribunaux administratifs sont plutôt distantes. Ces derniers doivent
garantir leur indépendance dans la mesure où ils sont amenés à juger de recours pouvant
concerner la préfecture. La demande d’avis au tribunal administratif semble peu usitée par les
préfectures de l’échantillon.
A contrario
, les chambres régionales des comptes sont compétentes sur les actes des
collectivités territoriales et des étab
lissements hospitaliers et non de l’
État, ce qui permet
d’envisager des échanges plus suivis avec les services préfectoraux. Ainsi, dans le Grand
-Est
et en Auvergne-Rhône-Alpes, la chambre régionale des comptes organise une réunion annuelle
avec chaque pré
fet de département afin d’échanger sur leurs priorités respectives, sur les
50
Prévue à l’article 33 du décret du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs du préfet
51
L’instruction n°10
-020-M0 du 6 août 2010 encourage les DDFIP/DRFIP à solliciter les préfets en cas
de détection d’une irrégularité pour l’inciter à se positionner par écrit et le cas échéant à déférer l’acte.
CONTROLE DE LEGALITE ET CONTROLE DES ACTES BUDGETAIRES EN PREFECTURE
37
enseignements des contrôles passés de la CRC et sur les collectivités les plus à risque. Dans
certains départements, la CRC est associée de façon informelle à l’élaboration du réseau d’alerte
des finances locales, étant observé que les CRC disposent elles-
mêmes d’un outil de détection
des communes à risque (
Anafi
).
Des échanges ont souvent lieu en amont d’une saisine de la CRC pour en évaluer la
recevabilité.
La CRC de Provence-Alpes-Côte-
d’Azur a signé une convention avec la préfecture des
Bouches-du-Rhône pour promouvoir des relations plus intégrées. Ce partenariat prévoit
notamment le développement de la fonction conseil de la CRC
; l’échange d’informations
(comme la liste des SEM et SPL du département) ; et de doter le préfet des Bouches-du-Rhône
d’un droit de tirage pour un audit flash de la CRC par an. Cette convention a aussi vocation à
prévenir les saisines peu pertinentes.
L’article L. 1411
-18 du code général des collectivités territoriales permet au
représentant de l’
État de saisir la CRC pour avis sur des délégations de service public, en amont
de l’exercice du contrôle de légalité. Cette faculté est peu utilisée.
Des formations peuvent être assurées par les CRC au profit des agents de préfecture,
comme en Indre-et-Loire et dans les Bouches-du-Rhône. Elles sont appréciées des personnels.
2.5
La posture de conseil aux collectivités territoriales constitue une
démarche constructive mais masque aussi une réticence du corps
préfectoral à former des recours juridictionnels
2.5.1
Une posture constructive de conseil aux collectivités territoriales
Le contrôle de légalité et le contrôle des actes budgétaires génèrent deux types
d’interactions non
-contentieuses avec les collectivités territoriales : le conseil en amont et la
lettre d’observation en aval.
Consécutivement à la masse d’actes contrôlés chaque année par les agents, et avec l’aide
des outils d’appui au contrôle auxquels ces agents ont accès, ces derniers sont en mesure
d’apporter des conseils de qualité aux collectivités territoriales. La préfecture d’Indre
-et-Loire
a ainsi été sollicitée à 750 reprises en 2021. La menace potentielle du contrôle de légalité pousse
les collectivités à faire le lien avec la préfecture, permettant de prévenir un grand nombre
d’illégalités. Cette démarche peut être formalisée, le cas échéant, par une demande de «
rescrit
préfectoral ».
Encadré n° 4 : un « rescrit préfectoral » à la lente diffusion
La loi du 27 décembre 2019 dite loi Engagement et proximité a créé la procédure de prise de
position formelle par la préfecture, dite aussi « rescrit préfectoral
». En vertu de l’article
L. 1116-1 du code général des collectivités territoriales, une collectivité territoriale peut
demander au représentant de l’
État
de se positionner sur un projet d’acte qu’elle envisage de
CONTROLE DE LEGALITE ET CONTROLE DES ACTES BUDGETAIRES EN PREFECTURE
38
prendre. Si, dans les trois mois, la préfecture indique à la collectivité que l’acte n’est pas
irrégulier, la collectivité peut adopter l’acte et le représentant de l’
État est alors privé de sa
fac
ulté de déférer l’acte s’il est conforme à la version soumise pour avis.
Cette procédure est encore peu mobilisée, avec 32 prises de position formelle en 2021. Outre
sa temporalité considérée trop longue par les collectivités territoriales, ces dernières n
’ont
pas l’assurance d’obtenir une réponse de la part des préfectures, qui ne sont pas obligées de
se positionner. Si cette nouvelle procédure peut être utile pour des projets de grande
envergure, elle n’empêche pas les recours par des tiers comme les asso
ciations. Les
collectivités territoriales continuent de privilégier l’appel téléphonique ou la demande de
conseil par courriel pour obtenir une position de principe de la part de la préfecture.
En aval, la lettre d’observation valant recours gracieux constitue un acte précontentieux
qui, dans les faits, permet d’éteindre rapidement la plupart des illégalités car elle donne lieu à
une reformation ou un retrait de l’acte dans 59
% des cas. Rares sont les cas où un préfet défère
un acte sans l’avoir fait précéder d’un recours gracieux.
Enfin, il est fréquent que les services préfectoraux détectent une illégalité ou une atteinte
aux règles budgétaires hors du délai de recours. Ils peuvent alors faire parvenir à la collectivité
un courrier pédagogique «
valant pour l’avenir
». Il est dépourvu de valeur juridique et peut être
ignoré par l’exécutif concerné, mais permet d’attirer l’attention et d’entretenir un dialogue.
Dans l’Orne, une centaine de ces courriers sont envoyés chaque année tandis qu’en Ille
-et-
Vilaine, environ 62 sont rédigées par an. Cette pratique des courriers «
valant pour l’avenir
»,
déviation par rapport à la procédure de droit commun, est le révélateur soit de défauts
d’organisation au niveau local, soit d’insuffisances dans les effectifs, soit d’une trop grande
frilosité du corps préfectoral à saisir les juridictions compétentes.
Encadré n° 5 : les bonnes pratiques en matière de conseil aux collectivités territoriales
Les services t
erritoriaux de l’
État
mettent en œuvre des démarches proactives de conseil à
destination des collectivités territoriales. Dans l’Orne et en Ille
-et-Vilaine, une circulaire est
adressée chaque année aux collectivités territoriales pour les informer sur les irrégularités les
plus constatées
l’an passé
dans le contrôle de légalité, afin de les y sensibiliser. Dans le
Rhône, la DRFIP publie le catalogue des délibérations fiscales pour permettre aux
collectivités de s’en inspirer. En Indre
-et-Loire, la préfecture va mettre à disposition des
communes une base de données recensant les conseils déjà prodigués. Enfin, en Ille-et-
Vilaine, la préfecture propose des sessions de formation à l’usage d’
Actes pour les
collectivités.
2.5.2
Un contentieux peu nombreux mais de qualité
Les juridictions administratives constatent que les déférés et référés déposés par les
autorités préfectorales sont globalement de bonne qualité. En 2020, 86 % des déférés jugés ont
été remportés par l’
État. Ainsi, le tribunal administratif de Lyon a d
onné raison à l’
État dans
CONTROLE DE LEGALITE ET CONTROLE DES ACTES BUDGETAIRES EN PREFECTURE
39
100 % des déférés déposés en 2020 et 2021
52
. La préfecture du Var
–
qui défère le plus d’actes
en France métropolitaine
–
est responsable de la moitié du contentieux de l’urbanisme traité par
le tribunal administratif de Toulon. Ce taux de succès élevé participe aussi au caractère dissuasif
du contrôle de légalité. Il n’est pas rare que le simple dépôt d’un déféré entraîne le désistement
de la collectivité attaquée. Près d’un tiers des déférés de la Moselle depuis 2014 n’a pas été j
ugé
car les collectivités ont retiré l’acte avant le terme de la procédure.
Néanmoins, le déféré préfectoral constitue aujourd’hui une activité très minoritaire des
tribunaux administratifs. Sur les 233 254 recours formés devant les tribunaux administratifs en
2021, seuls 754 sont des recours formés par les préfectures dans le cadre du contrôle de légalité.
Au niveau de la cassation, moins de 1/1000
e
des affaires jugées par le Conseil d’
État ont pour
origine l’exercice du contrôle de légalité
: neuf décisions en 2021
53
, sept en 2020 et dix en
2019
54
.
2.5.3
Une réticence parfois forte à former des recours contentieux
Les membres du corps préfectoral, seuls signataires possibles des déférés, n’hésitent
généralement pas à adresser un courrier valant recours gracieux
en cas de découverte d’une
irrégularité, en témoigne leur nombre significatif chaque année : entre 14 000 et 27 000 entre
2015 et 2021, soit environ 2 % des actes contrôlés. Cela représente en moyenne 211 recours
gracieux par département et par an.
On constate en revanche une forte hétérogénéité, selon les départements, dans les
recours contentieux réalisés si la collectivité territoriale ne souhaite pas modifier ou retirer son
acte irrégulier, ou à saisir la CRC en cas de non-respect des règles budgétaires.
En 2021, seuls 10 départements ont déposé 20 déférés ou plus, réalisant à eux seuls
58
% des déférés de France métropolitaine alors qu’ils ne pèsent que 14
% des actes reçus au
niveau national. Ce sont des départements peuplés (1 055 000 habitants en moyenne)
55
et dont
le nombre d’agents (17,9 ETP en préfectures et en DDI) est très supérieur à la moyenne
française, qui est de 11,25 ETP.
A contrario
, 64 préfectures ont réalisé moins de cinq déférés
en 2021 alors qu’elles représentent 58
% des actes reçus au niveau national. Ces préfectures
consacrent en moyenne 9,1 ETP au contrôle de légalité. Il existe donc une corrélation partielle
entre le nombre d’agents et le nombre de déférés réalisés, même si cela explique seulement une
partie des écarts de déférés entre départements (cf. graphique n°5).
52
30 déférés par la préfecture du Rhône, 2 par
celle de l’Ardèche, 7 par celle de la Loire.
53
En 2021, le Conseil d’État a rendu au total 11
633 décisions (hors fonction consultative).
54
Source
: Conseil d’État, section du contentieux
55
Alpes-Maritimes, Bouches-du-Rhône, Charente-Maritime, Gironde, Hérault, Isère, Seine-Maritime,
Var, Corse-du-Sud et Haute-Corse
CONTROLE DE LEGALITE ET CONTROLE DES ACTES BUDGETAIRES EN PREFECTURE
40
Graphique n° 5 :
Relation entre le nombre d’agents consacrés au contrôle de légalité en 2021 et le
nombre de déférés déposés
Source
: Cour des comptes, d’après les données du ministère de l’intérieur. Il s’agit ici d’un échantill
on.
D’après les statistiques transmises par les préfectures, environ 36
% des actes ayant fait
l’objet d’un recours gracieux entre 2015 et 2021 n’ont été ni modifiés, ni déférés, si bien qu’ils
subsistent malgré leur illégalité.
Graphique n° 6 :
Nombre de recours précontentieux et contentieux formés par les préfectures après
la découverte d’une irrégularité
Source
: Cour des comptes à partir des données du ministère de l’intérieur.
Note méthodologique
: le nombre d’actes irréguliers ni modifiés ni déférés est issu d’une
soustraction entre le
nombre de recours gracieux d’une part, et la somme des actes réformés ou déférés d’autre part.
Note de lecture : la forte hausse des recours en 2020 est liée à la fois à la crise sanitaire (nombreux actes
illégaux pris par les collec
tivités territoriales, en particulier en matière d’interventions économiques et de police
administrative) et à une année d’élections municipales.
Nièvre
Loir-et-Cher
Haute-Marne
Orne
Yonne
Gard
Landes
Seine-Saint-Denis
Charente-Maritime
Drôme
Somme
Ille-et-Vilaine
Moselle
Haut-Rhin
Val-d'Oise
Bas-Rhin
Essonne
Haute-Garonne
Alpes-Maritimes
Rhône
Pas-de-Calais
0
50
100
150
200
250
300
0,00
5,00
10,00
15,00
20,00
25,00
30,00
Nombre de déférés entre
2015 et 2021
Nombre d'agents du contrôle de légalité en 2021 (y compris DDI)
0
5000
10000
15000
20000
25000
30000
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
Recours gracieux formés
Actes retirés ou modifiés
Déférés déposés
Actes irréguliers ni modifiés ni déférés
CONTROLE DE LEGALITE ET CONTROLE DES ACTES BUDGETAIRES EN PREFECTURE
41
Cette situation a de nombreuses explications. Cela peut être dû à un dysfonctionnement
des services préfectoraux, qui manquent la date limite de recours
56
. Il arrive également que les
préfectures comptabilisent comme recours gracieux des lettres pédagogiques « valant pour
l’avenir
», car envoyées trop tardivement. Le recours gracieux peut aussi porter sur un point de
droit considéré comme mineur, si bien que le corps préfectoral préfère ne pas engager une
lourde action contentieuse. Il arrive
a contrario
que les collectivités parviennent à prouver la
légalité de leur acte à la préfecture.
Selon les préfectures, cet écart peut aussi être dû à une réticence du corps préfectoral à
activer l’outil contentieux. En effet, un déféré, et
a fortiori
une saisine de la CRC, sont des
procédures lourdes, qui nécessitent du temps et qui peuvent être mal perçues par les collectivités
en cause. Celles-ci sont par ailleurs des partenaires de la préfecture sur de nombreuses
politiques publiques partagées, en témoigne l’accroissement de la contractualisation (contrat de
relance et de transition écologique, contrat de Cahors, contrat de sécurité intégrée, etc.). La
qualité des relations avec les collectivités territoriales est d’ailleurs l’un des critères
pour
l’évaluation individuelle des préfets.
Cette faible appétence à engager des recours contentieux, source de démotivation pour
les
agents chargés du contrôle, est hétérogène selon les départements. Par exemple, l’Ille
-et-
Vilaine a émis 992 recours gracieux entre 2014 et le 1
er
semestre 2021. 449 de ces recours n’ont
pas été suivis d’un retrait ou d’une modification de l’acte incriminé
. Or, sur la période, la
préfecture n’a formé que 11 déférés. En 2021, 59 préfectures ont déféré moins de 10
% des
actes dont le recours gracieux n’avait pourtant pas été suivi d’effet.
Les juridictions administratives constatent par ailleurs que, dans la grande majorité des
cas, les déférés ne portent pas sur des projets massifs et complexes mais sur des contentieux
plutôt simples. Sur le ressort du tribunal administratif de Lyon, aucun des grands projets
d’infrastructures n’a été déféré par l’un des trois
préfets
57
, alors même que des recours ont été
formés et parfois gagnés par des associations locales.
Cette réticence à saisir la juridiction compétente s’observe également en matière de
contrôle des actes budgétaires, alors même que le représentant de l’
État ne dispose pas de marge
d’appréciation en cas de déséquilibre réel, contrairement au contrôle de légalité. Les saisines
de la CRC par les préfets ont chuté de 40 % entre 2014 et 2021. Sur les cinq premiers mois de
2022, 153 saisines ont été reçues par les CRC, marquant un retour au niveau de 2019 (167
saisines sur cinq mois) après un effondrement en 2020 (40) et 2021 (115 saisines). Le niveau
de 2019 est lui-même inférieur de 17 % au niveau de 2015. En 2021, les préfectures déclarent
avoir décelé 977 bud
gets primitifs (BP) en déséquilibre réel et 209 comptes d’administratifs
(CA) avec un déficit réel
58
. Or, sur la période, seules 39 saisines de la CRC ont été déposées
pour déficit réel du BP (soit 4 % des irrégularités) et 16 pour déséquilibre du CA (8 %).
56
Cette situation a été observée à plusieurs reprises par la Cour, notamment en raison du temps perdu
dans les échanges avec les sous-préfectures (soit en amont avec le pré-tri, soit en aval pour la signature des recours)
57
Le ressort du tribunal de Lyon recouvre le Rhône, l’Ardèche et la Loire.
58
Indicateurs IM50314 et IM50315 agrégés par la DGCL. Ces indicateurs ne présentent pas le nombre
de déficits ou déséquilibres réels dépassant les seuils de saisine de la CRC.
CONTROLE DE LEGALITE ET CONTROLE DES ACTES BUDGETAIRES EN PREFECTURE
42
46 % des recours ont porté sur des communes de moins de 1 000 habitants et 49 % sur
des communes entre 1 000 et 10 000 habitants
59
. 24 saisines ont touché des communes de plus
de 10
000 habitants et aucune n’a porté sur un département ou une région
. Entre 2014 et 2021,
la DGFIP a dénombré 799 communes de plus de 10 000 habitants avec des ratios financiers
dégradés pouvant justifier un placement dans le réseau d’alerte.
Il est vrai que les périmètres du
réseau d’alerte (qui porte sur la situation financière
des collectivités) et du contrôle des actes
budgétaires sont complémentaires et ne se recouvrent pas totalement. Ceci indique néanmoins
qu’il existe des grandes collectivités aux situations dégradées et qui n’ont pas fait l’objet de
saisines de la CRC par le préfet. Une partie de ces grandes collectivités est dirigée par des élus
connus et influents. Dans certains départements, le corps préfectoral privilégie le maintien d’un
dialogue avec les collectivités en difficulté financière afin de mettre en place un plan de
redressement plutôt que de saisir la CRC.
Afin de rétablir le caractère dissuasif de la CRC et d’assurer le redressement budgétaire
des collectivités territoriales, en l’absence de saisine par le préfet,
il pourrait être envisagé de
créer un régime de saisine des chambres régionales des comptes par une partie des membres
élus de l’assemblée délibérante (par exemple un quart ou un tiers)
.
Le groupe d’élus devrait
alors fournir à la chambre régionale des comptes des éléments sérieux suggérant
l’exis
tence
d’
un déséquilibre réel du budget voté
ou d’un déficit réel
du compte financier, au sens des
articles L. 1612-5 ou L. 1612-14 du code général des collectivités territoriales
60
. Un tel régime
n’exonèrerait pas la préfecture
de ses compétences en matière de contrôle des actes budgétaires
mais créerait un deuxième canal de saisine de la CRC. Le préfet devrait être notifié de toute
saisine.
Ce nouveau régime renforcerait
la démocratie locale française, via la création d’un
nouveau droit pour les élus, en pa
rticulier d’opposition. En outre, il constituerait un outil
supplémentaire pour assurer le sérieux budgétaire des collectivités territoriales, quelle que soit
leur taille.
L’enjeu majeur de cette nouvelle saisine consisterait à gérer le flux de saisines, p
our
écarter rapidement celles sans fondement. En effet, ce nouveau régime de saisines risquerait
d’être détournés par les oppositions municipales, formant des saisines
abusives et régulières.
Les CRC se trouveraient alors engorgées par ces détournements de procédure et rencontreraient
des difficultés à remplir leurs autres missions.
Il est donc essentiel d’adjoindre à ce nouveau régime des mécanismes de modération et
de tri des saisines. Pour cela, la charge de la preuve pourrait par exemple reposer sur les
requérants, qui devrait faire la preuve de son sérieux par le dépôt d’une requête argumentée
. La
création
d’un formulaire dématérialisé et normé
pourrait permettre
d’
automatiser les calculs de
ratios et écarter d’office certaines saisines.
Eu égard à ces risques, cet élargissement des
modalités de saisine des CRC constitue une première idée qu’il convient d’évaluer finement
avant une éventuelle mise en œuvre.
59
En France, 72 % des communes ont moins de 1 000 habitants et 6 % des communes ont plus de 10 000
habitants.
60
La plupart des CRC dispose d’un accès au système d’informations Actes budgétaires.
CONTROLE DE LEGALITE ET CONTROLE DES ACTES BUDGETAIRES EN PREFECTURE
43
______________________ CONCLUSION INTERMÉDIAIRE ______________________
Le contrôle de légalité et des actes budgétaires, pratiqué avec une qualité hétérogène
selon les départements, se trouve globalement en difficulté. De nombreux obstacles
amoindrissent sa portée à toutes les étapes de la procédure : temporalité trop rapide du
contrôle des actes budgétaires, complexité croissance du droit, désengagement des autres
directions départementales, positionnement non-clarifié des sous-préfectures, réticence à saisir
les juridictions en cas d’irrégularités. La situation n’a presque pas évolué depuis 2016, aucune
des recommandations
de la Cour n’a véritablement été mise en œuvre.
Comme en 2016, la Cour constate que l’
État ne respecte pas entièrement sa mission
constitutionnelle du contrôle administratif des collectivités territoriales, alors même que cette
mission demeure pertinente, en particulier dans le champ environnemental.
CONTROLE DE LEGALITE ET CONTROLE DES ACTES BUDGETAIRES EN PREFECTURE
44
3
DES RESSOURCES HUMAINES PLUTOT STABLES MAIS QUI
ONT ATTEINT LEUR POINT DE RUPTURE DANS DE
NOMBREUX DEPARTEMENTS
3.1
Les effectifs du contrôle de légalité et du contrôle des actes budgétaires
ont peu évolué, malgré les promesses du PPNG, conduisant à des
situations intenables dans de nombreux départements
Le plan préfecture nouvelle génération (PPNG) déployé à partir de 2016 a consacré le
contrôle de légalité et des actes budgétaires parmi les quatre missions prioritaires des
préfectures. Quatre objectifs étaient poursuivis : chaque préfecture devait consacrer au moins 6
ETP au contrôle de légalité ; cette mission devait recevoir au niveau national un renfort de 50
à 100 ETP ; la liste des actes transmissibles devait se réduire de nouveau ; et les applications
Actes et Actes budgétaires devaient voir leur
ergonomie s’améliorer (cf. partie 4.3). Aucun de
ces objectifs n’a été atteint à ce jour.
3.1.1
Le plan préfecture nouvelle génération n’a conduit ni à une hausse ni
à un
repyramidage des effectifs
Entre 2009 et 2014, les effectifs consacrés au contrôle de légalité ont diminué de 30 %.
Entre 2014 et 2021, ils n’ont augmenté que de 1
%, soit une hausse de +6 ETPT, pour s’établir
à 841 ETPT en 2021. A l’image de tous le
s services de préfecture
61
, les gains d’effectifs permis
par le PPNG en 2017 (+35 ETPT) et en 2018 (+36 ETPT) ont été rapidement effacés à mesure
que des schémas d’emploi négatifs ont continué à être imposés. En outre, ces gains temporaires
d’effectifs ont souvent été constitués d’agents de catégorie C provenant de services récemment
fermés (services des titres et accueil du public), ne disposant pas nécessairement des
compétences pour effectuer ces contrôles
ou n’ayant pas le souhait d’exercer de telles mis
sions.
Cela s’est observé dans les Pyrénées
-Atlantiques (1 renfort de catégorie C) ou dans la Drôme
(2 renforts de catégorie C).
Entre 2009 et 2014, les effectifs affectés au contrôle des actes budgétaires ont quant à
eux diminué de 29 %. Entre 2014 et 20
21, la décrue s’est poursuivie, à hauteur de 13
%, pour
s’établir à 243 ETPT en 2021.
En 2021, les effectifs du contrôle de légalité représentent 43 % des effectifs consacrés à
la mission « relations avec les collectivités territoriales », tandis que les effectifs du contrôle
des actes budgétaires en représentent 9
%. En l’état des investigations de la Cour, il existe peu
de situations où des sureffectifs sont constatés.
61
Cour des comptes,
Les effectifs de l’administration territoriale de l’État
, rapport d’observations
définitives, mai 2022.
CONTROLE DE LEGALITE ET CONTROLE DES ACTES BUDGETAIRES EN PREFECTURE
45
Graphique n° 7 :
Évolution des effectifs affectés au contrôle de légalité en préfecture (en ETPT)
Source
: Cour des comptes, d’après les données du ministère de l’intérieur.
En parallèle, un repyramidage des effectifs du contrôle de légalité et des actes
budgétaires devait s’effectuer de manière à professionnaliser ces services face à un cadre
juridique d
e plus en plus complexe. Ce repyramidage n’a été que partiel. Le nombre d’agents
de catégorie A a bien augmenté (+16 % pour le contrôle de légalité et +36 % pour le contrôle
des actes budgétaires), tandis que s’est réduit le nombre d’agents de catégories B
(respectivement -4 % et -11 %) et de catégorie C (-2 % et -25 %). Combiné à la baisse des
effectifs, ce mouvement a en réalité consisté à substituer des agents de catégorie B par des
agents de catégorie A, aboutissant à une répartition des grades quasi-inchangée en sept ans.
Dans 41 départements, la proportion d’agents de catégorie A et B affectés au contrôle
de légalité a même diminué de plus de 5
%, au profit d’agents de catégorie C.
Graphique n° 8 :
Répartition des ETPT du contrôle de légalité par catégorie en 2014 et 2021
Source
: Cour des comptes, d’après les données du ministère de l’intérieur.
835,73
811,63
827,54
862,09
898,86
847,77
850,83
841,34
760,00
780,00
800,00
820,00
840,00
860,00
880,00
900,00
920,00
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
Cat A
18%
Cat B
52%
Cat C
29%
2014
Cat A
20%
Cat B
49%
Cat C
29%
2021
CONTROLE DE LEGALITE ET CONTROLE DES ACTES BUDGETAIRES EN PREFECTURE
46
3.1.2
La mauvaise répartition des effectifs entre départements témoigne
d’un
défaut de pilotage au niveau national
Les situations des préfectures en matière de ressources humaine
s s’avèrent très diverses.
Sur la période 2014-
2021, 46 d’entre elles ont vu les effectifs du contrôle de légalité augmenter
de plus de 5 %, tandis que 37 ont perdu plus de 5
% de leurs agents. Ces diminutions d’effectifs
sont parfois critiques, comme en Indre-et-Loire (-70 % depuis 2014) ou dans la Nièvre (-35 %).
En 2021, 34 préfectures comptent moins de 6 ETPT consacrés au contrôle de légalité (elles
étaient 30 dans cette situation en 2014), tandis que 37 consacrent moins de 2 ETPT au contrôle
budgétaire (contre 34 en 2014).
Cette situation place une partie des services de contrôle dans des situations intenables,
ce qui fait que le contrôle des actes budgétaires est parfois évanescent, faute de ressources
humaines suffisantes. Dans 21 départements, on compte plus de 2 000 actes budgétaires reçus
par ETPT, contre une moyenne de 1
188 au niveau national. Dans l’Orne, la préfecture ne
réalise plus qu’un contrôle formel, se reposant sur le contrôle partenarial avec la DDFIP qui
réalise, de son côté, le contrôle approfondi de six collectivités sur les 490 du département
62
. En
Indre-et-
Loire, seules les 20 collectivités placées dans le réseau d’alerte ainsi que les 11 EPCI
ont fait l’objet d’un contrôle en 2021. Cette grande fragilité des services ne leur permet p
as de
faire face à des absences prolongées.
Graphique n° 9 :
Rapport entre le nombre d’agents consacrés au contrôle de légalité et le nombre d’actes
reçus par département en 2021
Source
: Cour des comptes, d’après les données du ministère de l’intérieur.
Cette divergence entre la proclamation des « missions prioritaires » des préfectures et
l’attrition progressive des services qui en ont la charge s’explique à la fois par les schémas
62
385 communes, 15 EPCI, 89 syndicats et 1 département
0
20000
40000
60000
80000
100000
120000
140000
160000
180000
0
5
10
15
20
25
30
Nombre d'actes reçus
Nombre d'agents (préfectures et DDI)
CONTROLE DE LEGALITE ET CONTROLE DES ACTES BUDGETAIRES EN PREFECTURE
47
d’emplois draconiens imposés aux préfectures entre 2016 et 2020
63
et par la structure du
programme budgétaire 354
–
Administration territoriale de l’
État
. La gestion de ce dernier est
déconcentrée, laissant une large marge de manœuvre au responsable d’unité opérationnelle (en
l’occurrence le préfet) dans l’allocation de ses moyens. Le
contrôle de légalité et des actes
budgétaires ne donne pas lieu à un dialogue de gestion au niveau du préfet de région (qui est
responsable de budget opérationnel de programme, le BOP) ni avec le DMAT qui est
responsable de programme (RPROG). À cause de c
ette déconcentration et d’une absence
d’indicateurs d’activité au niveau de la DMAT, les réductions d’emplois ont été appliquées de
façon homothétique sur les BOP sans analyse des besoins, des sureffectifs ou des carences.
De plus, avec la crise migratoire à partir des années 2016, une partie des effectifs générés
par la réduction des missions des préfectures a été rebasculée sur des missions d’accueil et
d’instruction dans les services étrangers, créant un effet d’éviction sur d’autres missions
prioritaires comme le contrôle de légalité. Plus récemment, le déploiement du plan France
Relance via des dotations exceptionnelles aux collectivités (part exceptionnelle de la DSIL par
exemple) a détourné une partie des agents du contrôle des actes budgétaires.
Le m
inistère de l’intérieur a récemment reproduit la même méthodologie que le PPNG
en diffusant aux préfets une nouvelle doctrine appelée « Missions prioritaires des
préfectures 2022-2025 ». Sans y adjoindre de cadre budgétaire ni de ressources humaines, ce
document a vocation à inciter les préfets à renforcer les effectifs du contrôle de légalité et des
actes budgétaires. En l’absence de dialogue de gestion, cette démarche semble peu susceptible
de mieux réussir que le PPNG, d’autant que ni la DMAT, ni la DGCL
ne disposent d’indicateurs
d’activité fiables (cf. partie 4.2). La Cour recommandait déjà en 2016 de rééquilibrer les
effectifs du contrôle de légalité et des actes budgétaires en fonction d’indicateurs d’activité.
Elle réitère sa recommandation. Dans sa réponse, la DMAT précise que «
des travaux sont en
cours pour revoir les modalités de construction des dotations régionales (…) et de déterminer
des critères de répartition des crédits et des emplois, en se fondant à la fois sur les indicateurs
du contrôle
de gestion (…) et sur des déterminants objectifs
». Ce réexamen de la répartition
des effectifs dans le réseau de l’administration territoriale de l’État est une condition nécessaire
pour la bonne mise en œuvre de la recommandation n°
5.
Recommandation n° 4. (DGCL, DMAT) : Instaurer, au niveau des préfectures de
région, un dialogue de gestion spécifique sur les effectifs en charge des contrôles de
légalité et des actes budgétaires, sur la base de valeurs cibles en fonction du niveau
d’activité.
La Cour a p
u constater lors de l’instruction que les préfectures dotées de moins de 6
agents en contrôle de légalité et de moins de 2 agents en contrôle des actes budgétaires n’étaient
pas en mesure de remplir correctement leurs missions, malgré l’engagement des agen
ts. Ces
deux matières nécessitent un certain degré de spécialisation qui rend la polyvalence plus
difficile. Dès lors, chacune des trois priorités actuelles du contrôle de légalité (commande
63
Cour des comptes,
Les effectifs de l’administration territoriale de l’État
, rapport d’observations
définitives, mai 2022.
CONTROLE DE LEGALITE ET CONTROLE DES ACTES BUDGETAIRES EN PREFECTURE
48
publique, urbanisme et fonction publique territoriale) doit dans la mesure du possible être
couverte par un binôme, d’autant que les difficultés de recrutement sont significatives.
Atteindre un tel objectif nécessiterait la création d’environ 50 ETP dans le contrôle de
légalité et de 40 ETP dans le contrôle des actes bu
dgétaire, pour un coût d’environ 4
M€
par
an
64
.
En outre, le PPNG prévoyait un renfort de 50 à 100 ETP sur la période en faveur de ces
deux missions. Eu égard aux conditions dégradées d’exercice dans certains départements et aux
enjeux encore mal-appréhendés par les services préfectoraux, notamment en matière
environnementale, un renforcement supplémentaire d’environ 100 ETP (soit +10
%) apparaît
nécessaire, de manière à absorber la hausse du nombre d’actes reçus en préfecture (+22
%
depuis 2015). Cela repré
senterait un coût annuel d’environ 5
M€
65
. Ces effectifs
supplémentaires pourraient être affectés en préfectures ou en DDT(M) selon les besoins locaux
Ils pourraient également être utilisés de manière à constituer les plateformes régionales
d’appui,
tels que recommandés en partie 2.
3, de manière à ne pas ponctionner d’effectifs sur les
préfectures de département.
Le déficit d’effectifs à combler est estimé à 190 ETP environ, ce qui conduit la Cour à
formuler la recommandation ci-
après d’augmentation du nombr
e de personnels consacrés à
cette mission afin d’en assurer une plus grande efficience. Cette recommandation ne préjuge
pas de la manière dont le responsable de programme pourrait la réaliser
–
par redéploiement
d’effectifs d’autres missions du ministère o
u par création de postes
–
ni quels seront les
bénéficiaires finaux (DDT(M), préfectures de région, préfectures de département).
La direction du budget précise être en accord avec cette recommandation, à la condition
que la recommandation n° 4 relative à la meilleure répartition des emplois entre les régions et
les départements soit mise en œuvre, ce qui est effectivement une condition nécessaire pour
déployer utilement les renforts proposés. La DMAT indique être en accord avec une perspective
de hausse des emplois consacrés au contrôle de légalité et au contrôle des actes budgétaires.
Elle note cependant que le volume proposé par la Cour «
constitue un effort très éloigné des
marges dont dispose réellement le responsable de programme
[354] ».
La Cour partage ce constat dans sa
note d’exécution budgétaire
2021 sur la mission
Administration générale et territoriale de l’État
, qui relève que «
la situation des effectifs des
préfectures reste tendue, compte tenu de la croissance de certaines missions
» et des faibles
gains d’effectifs permis par les réformes récentes
66
. Il convient néanmoins de noter que le
ministère de l’intérieur
, dans son ensemble,
dispose de marges de manœuvre
confortables pour
renforcer de cette mission constitutionnelle. Il a en effet connu ces dernières années une hausse
d’effectifs importantes, notamment de +
6 615 ETPT pour la police et la gendarmerie nationales
entre 2018 et 2021
67
. Par ailleurs, le rapport de la direction du budget sur les plafonds de
64
Hors CAS Pensions. Estimation réalisée par la Cour des comptes à partir des données de coût global
chargé HCAS par catégorie d’agents issu du rapport annuel de performance du programme 354 pour l’année 2020,
en partant de l’hypothèse que seuls des emplois de catégorie A et B se
raient créés, à raison de 30 % de catégorie
A et 70 % de catégorie B, qui est la proportion actuelle.
65
Méthode de calcul similaire à l’estimation précédente
66
Cour des comptes,
Mission Administration générale et territoriale de l’État
, note d’analyse sur
l’exécution budgétaire, 2021, page 48.
67
Cour des comptes,
Mission Sécurités
, note d’analyse sur l’exécution budgétaire, 2021
CONTROLE DE LEGALITE ET CONTROLE DES ACTES BUDGETAIRES EN PREFECTURE
49
dépenses du PLF 2023 prévoit une hausse de crédits
du ministère de l’intérieur
de 1,4
Md€
en
2023
68
. Le renforcement en effectifs proposé par la Cour représenterait moins de 1 % de cette
somme.
Pour mémoire, l’ensemble des effectifs du contrôle de légalité et des actes budgétaires
représentent moins de 0,5
% des effectifs du ministère de l’intérieur.
Recommandation n° 5. (DMAT) : Renforcer le contrôle de légalité et des actes
budgétaires d’environ 190 ETP, dont une partie devra être fléchée vers les
préfectures les moins dotées et l’autre partie répartie selon les indicateurs d’activité
au niveau national.
3.2
La faible attractivité de ces missions de contrôle et la difficulté à
accroître les compétences des agents nuisent à la qualité du contrôle
3.2.1
Les services de contrôle de légalité et des actes budgétaires attirent peu, alors
que la satisfaction des personnels y travaillant est élevée
Les préfectures souffrent depuis plusieurs années d’une attractivité professionnelle en
baisse
69
. D’après les données du ministère de l’intérieur de décembre 2019, 5
0,9 % des postes
ouverts en préfecture de France métropolitaine ne reçoivent aucun candidat, cette part pouvant
atteindre jusqu’à 80
% dans l’Ariège et 72
% dans l’Orne. Au sein même des préfectures, les
services du contrôle de légalité et du contrôle des actes budgétaires sont peu attractifs, aux dires
des six secrétaires généraux de préfecture rencontrés, car ils effraient par leur technicité.
Cette situation contraint fréquemment les préfectures à procéder à des recrutements de
contractuels ou de personnels détachés. Dans la Somme, les quatre départs en retraite dans les
services du contrôle de légalité et des actes budgétaires en 2021 ont été remplacés
exclusivement par des recrutements externes. Or, les préfectures entrent en concurrence avec
d’autres
acteurs publics pour attirer et conserver les agents compétents, que ce soit avec les
collectivités territoriales ou d’autres services de l’
État (les armées dans le Var par exemple),
capables d’offrir des conditions de travail et de rémunérations plus attr
actives.
Ce manque d’attractivité est problématique
70
dans la mesure où les agents des services
chargés du contrôle de légalité et des actes budgétaires sont plutôt âgés, à l’image de la Drôme
où l’âge moyen est de 53 ans et un seul agent a moins de 50 ans.
De nombreux départs à la
retraite sont à prévoir dans les prochaines années
: le DRH du ministère de l’intérieur estime
68
Direction du budget,
Plafonds de dépenses du PLF 2023
, rapport en application de l’artic
le 48 de la loi
organique relative aux lois de finances, août 2022.
69
Cour des comptes,
Les effectifs de l’administration territoriale de l’État
,
rapport d’observations
définitives, mai 2022.
70
L’âge moyen des agents de préfecture s’élève à 48,6 ans en 2020, contre 42,9 ans dans l’ensemble de
la fonction publique d’État. Voir IGF
-IGA,
L’attractivité des territoires pour les fonctionnaires de l’État
, juillet
2021.
CONTROLE DE LEGALITE ET CONTROLE DES ACTES BUDGETAIRES EN PREFECTURE
50
qu’ils augmenteront de 30% entre 2021 et 2024 pour l’administration territoriale de l’
État. Une
remontée en puissance du contrôle de légalité et des actes budgétaires se verrait alors contrainte
par l’indisponibilité de candidats de qualité
71
. Si une telle perspective devait se dessiner, il
conviendrait de mettre en œuvre des mesures d’attractivité,
notamment des mesures de gestion
active des carrière des agents (comme la priorité
subsidiaire d’affectation), peu couteuses.
Pourtant, la Cour a constaté une certaine satisfaction des personnels chargés du contrôle
de légalité et des actes budgétaires. L’absentéisme y est inférieur à d’autres s
ervices
préfectoraux. L’ancienneté moyenne des services du contrôle de légalité des préfectures de
l’échantillon est plutôt élevée, oscillant entre 3 ans (Val d’Oise) et 6,5 ans (Moselle), à
l’exception notable de l’Indre
-et-Loire (1,3 an) dont le service de contrôle de légalité,
particulièrement sinistré, a connu un récent renouvellement.
3.2.2
Les vacances de poste et le système de formation encore sommaire nuisent à
une montée en compétences
Même dans des départements plutôt attractifs comme la Moselle et la Drôme, des
vacances de postes de plusieurs mois s’observent systématiquement. L’absence de tuilage entre
les agents entraîne une perte immédiate de compétences. Ainsi, la préfecture d’Indre
-et-Loire
ne contrôle plus les actes de commande publique depuis le
départ de l’agent qui en était chargé.
Pour compenser ces travers, le PPNG a prévu la mise en œuvre d’un plan de formation
plus ambitieux à destination des services de contrôle de légalité et de contrôle des actes
budgétaires. Ceci constitue un progrès par rapport à la situation en 2016 où la Cour constatait
des formations trop peu nombreuses pour les agents contrôleurs. Le plan ministériel de
formation pour 2021 prévoyait que chaque agent nouvellement en poste suivrait 21 heures de
formation pour le contrôle de légalité (9 heures de tronc commun et 12 heures de spécialisation
pour une priorité nationale
72
) ou 12 heures pour le contrôle des actes budgétaires. Un module
dédié à l’intercommunalité est en cours de préparation.
Des travaux de numérisation de la
formation « tronc commun » du contrôle de légalité sont aussi en cours. Cette formation de
premier niveau est considérée comme utile par les agents qui ont pu en bénéficier, même si elle
a souvent tendance à intervenir plusieurs mois après la prise de poste.
Le système de formation souffre néanmoins de trois faiblesses qui devront être traitées.
En premier lieu, le système de formation ne tient pas suffisamment compte des
spécificités locales. Il repose en réalité sur deux volets. Le contenu des formations internalisées
telles que le contrôle de légalité et le contrôle des actes budgétaires est construit par la sous-
direction du recrutement et de la formation (SDRF) de la DRH du ministère de l’intérieur, qui
définit et diffuse les cahiers des charges à son réseau, en ne laissant presque aucune marge de
manœuvre aux services locaux.
Les formations sont ensuite assurées par des formateurs internes
occasionnels (FIO), recrutés parmi les effectifs du ministère de l’intérieur et pouvant assurer
jusqu’à 10 jours de
formation par an. C
e système est pertinent s’agissant du tronc commun du
71
À noter que c
ontrairement à d’autres missions en tension, les postes du contrôle de légalité et des actes
budgétaires n’ont pas été rendus éligibles à l’indemnité temporaire de mobilité par
l’arrêté du 11 février 2022.
72
Pour les interventions économiques, 18 heures de spécialisation sont prévues
CONTROLE DE LEGALITE ET CONTROLE DES ACTES BUDGETAIRES EN PREFECTURE
51
contrôle de légalité et du contrôle des actes budgétaires car il assure un niveau uniforme sur
l’ensemble du territoire. Ce premier volet est financé par les crédits délégués du programme
216
–
Pilotage des politiques de l’intérieur
. Le deuxième volet de formation repose sur les
délégations régionales à la formation (DRF), qui peuvent mobiliser les crédits locaux du
programme 354
–
Administration générale et territoriale de l’État
. Or, la Cour a constaté que
ces marges de manœuvre sont peu utilisées par les DRF pour élaborer des formations locales
en matière de contrôle de légalité ou des actes budgétaires
, alors qu’il existe au niveau local des
personnes qui
pourraient participer à l’effort de formation, parmi les professeurs d’université,
les magistrats administratifs et financiers, les agents d’autres administr
ations, etc. Le pôle
interrégional d’appui au contrôle de légalité (PIACL)
semble sous-sollicité par la SDRF. Cette
dernière note dans sa réponse à la Cour que les «
échanges se sont intensifiés ces derniers mois
sur les sujets de formation
», que ce soit
pour l’élaboration des mallettes pédagogiques ou pour
leur déploiement
. Enfin, les autres ministères ne participent pas ou peu à l’effort de formation
en matière de contrôle de légalité ou de contrôle des actes budgétaires, considérant que cela
relève de l
a responsabilité du ministère de l’intérieur. Pourtant, de nombreux sujets mériteraient
des formations interministérielles, comme l’urbanisme. Or, la fermeture progressive des
services instructeurs des DDT(M) depuis la loi ALUR du 24 mars 2014 a conduit le centre
ministériel de valorisation des ressources humaines (CMVRH au sein du ministère de la
transition écologique) à réduire peu à peu ses formations en urbanisme, ignorant le maintien de
la mission de contrôle de légalité de l’urbanisme. La création des
SGCD début 2021 a contribué
à désorganiser la filière de formation. Le PIACL devrait être désigné chef de file pour
l’organisation de ces formations (cf. partie 4.1).
Dans sa réponse à la Cour, la DGALN indique être favorable à un partenariat renforcé
avec la DGCL pour décliner une offre de formation spécifique au contrôle de légalité en matière
d’urbanisme, au profit de l’ensemble des ministères intervenant en la matière. A l’heure
actuelle, le programme national de formation de la DGALN est centré sur l’
application du droit
des sols.
En deuxième lieu
, les formations pour les utilisateurs d’
Actes
et d’
Actes budgétaires,
normalement prévues pour la prise de poste, sont trop peu nombreuses, si bien que les agents
se sentent parfois démunis dans son utilisation peu ergonomique (cf. partie 4.3). Cela retarde la
montée en puissance des agents nouvellement arrivés, dans des services pourtant fragiles. La
Cour a constaté que de nombreuses fonctionnalités du système d’information sont inconnues
des agents contrôleu
rs, alors même qu’ils réclament la mise en place desdites fonctionnalités.
Depuis juin 2022, deux tutoriels de formation à Actes sont mis à disposition des agents sur la
plateforme de formation à distance du ministère
de l’intérieur (FORMI)
.
En troisième lieu, la demande est importante pour bénéficier de formations
d’approfondissement
73
. Le plan de formation n’en prévoit aucune en 2021, alors même que la
complexité de certaines matières (contrôle budgétaire des SPL ou SEM, contrôle de légalité des
marchés publics, etc.) justifierait un accompagnement plus solide des agents qui en sont
responsables. La note de service conjointe DGCL/DGFIP du 28 décembre 2013, dernière en
date pour le contrôle des actes budgétaires, prévoyait pourtant la mise en œuvre de format
ions
d’approfondissement d’une journée, au profit des préfectures et des DDFIP/DRFIP. Les rares
73
D’après un sondage de la DGCL de février 2021, 80
% des agents du contrôle des actes budgétaires
manifestent le souhait de bénéficier de formations d’approfondissement.
CONTROLE DE LEGALITE ET CONTROLE DES ACTES BUDGETAIRES EN PREFECTURE
52
formations auxquelles peuvent prétendre les agents contrôleurs ne sont souvent pas
suffisamment opérationnelles ou adaptées à leurs besoins. Toutefois, la DGCL et la SDRF sont
conscientes de ce besoin et ont initié dès le premier semestre 2022 la création d’un module de
perfectionnement en matière de contrôle des actes budgétaires.
Dans leurs réponses à la Cour, la DGCL et la DRH du ministère de l’intérieur indiquent
toutes deux que la recommandation de la Cour en matière de formation est en cours de mise en
œuvre.
La Cour estime que de nombreux progrès sont encore possibles. La mise
en œuvre de
la recommandation n° 7, qui vise à confier au PIACL une partie des missions de formation,
permettrait également d’améliorer la situation.
Recommandation n° 6. (DRH MI, PIACL) :
Accroître l’offre de formation
d’approfondissement en variant les
formats (distanciel / présentiel) et en mobilisant
davantage les délégués régionaux à la formation pour identifier un vivier local de
formateurs, en particulier dans les administrations, les juridictions et les universités.
À plus long terme, la constituti
on d’une «
filière juridique » au sein du ministère de
l’intérieur, via une formation plus poussée et la création d’un vivier d’agents dotés de cette
compétence et fléchés vers des postes à dominante juridique, permettraient de réduire les aléas
liés aux vacances de postes et de professionnaliser plus durablement les services du contrôle de
légalité.
______________________ CONCLUSION INTERMÉDIAIRE ______________________
Le plan préfecture nouvelle génération a fait du contrôle de légalité l’une des quatre
missions prioritaires des préfectures, ce qui
ne s’est nullement traduit par un renfort d’effectifs.
Ceux-ci sont stables en matière de contrôle de légalité et en diminution dans le contrôle des
actes budgétaires, alors même que les partenaires du contrôle se désengagent peu à peu de
cette mission. Dès lors, les situations intenables observées en 2016 se sont maintenues. Le
repyramidage des personnels a été très timide sur la période.
Des efforts ont en revanche été constatés en matière de formation initiale au contrôle
de légalité et des actes budgétaires, sans que ceux-ci ne soient suffisants pour envisager une
véritable montée en compétences des agents contrôleurs, souvent contraints de développer
leurs connaissances par eux-mêmes. Les vacances de postes quasi-systématiques annihilent les
possibilités de transmettre les compétences entre agents arrivants et partants.
CONTROLE DE LEGALITE ET CONTROLE DES ACTES BUDGETAIRES EN PREFECTURE
53
4
L’ADMINISTRATION CEN
TRALE A AMELIORE SON OFFRE
D’APPUI AUX PREFECTU
RES, MAIS SON ANIMATION DU
RESEAU DEMEURE TROP IRREGULIERE
4.1
L’offre d’appui aux services de contrôle est qualit
ative et utile
Le pôle interrégional d’appui au contrôle de légalité (PIACL) a été créé en 2002,
initialement au profit des départements d’Auvergne, Rhône
-Alpes, Bourgogne et Franche-
Comté, avant d’être peu à peu étendu à l’ensemble du territoire national.
Aujourd’hui rattaché
directement à la DGCL mais toujours implanté à Lyon, il est rapidement monté en puissance,
passant de 15 ETP en 2014 à 22 ETP en 2021, pour devenir la véritable tête de réseau du
contrôle de légalité et des actes budgétaires. Toute préfecture qui rencontre des difficultés à
évaluer la légalité d’un acte ou s’interroge sur un point de droit peut le saisir via le système
d’information pour l’appui au contrôle de légalité (SIACL). Les juristes du PIACL, répartis en
cinq chambres thématiques
74
, apportent une réponse juridique précise dans un délai moyen de
10 jours
75
. Cet avis n’est pas communiqué aux collectivités mais constitue une aide à la décision
pour les préfectures.
Graphique n° 10 :
Répartition des saisines du PIACL par thème entre 2015 et 2021
Source
: Cour des comptes, d’après les données du PIACL.
Note : la catégorie « autres thèmes
» recouvre notamment l’action sociale (164 saisines), la domanialité
publique (425), la police administrative (382) et les services publics locaux (234).
La qualité et la rapidité des avis du PIACL sont unanimement appréciées des
interlocuteurs rencontrés par la Cour, à tel point qu’il est devenu un outil incontournable pour
nombre de préfectures. Il permet notamment de diffuser rapidement des analyses juridiques sur
74
Intercommunalité, urbanisme et domanialité ; commande publique et institutions locales ; police
administrative et fonction publique territoriale ; dossiers complexes ; contrôle budgétaire
75
Pour certains sujets très complexes ou portant sur des réglementations nouvelles, le PIACL peut saisir
la DGCL pour demander sa position. Cela représente 5 à 10
% des demandes d’avis au PIACL.
CONTROLE DE LEGALITE ET CONTROLE DES ACTES BUDGETAIRES EN PREFECTURE
54
des points de droit nouveaux
76
, en témoigne le grand nombre de demandes d’avis sur les
thématiques d’institutions locales et d’intercommunalité entre 2015 et 2021 (41
% du total des
avis) au moment de la mise en œuvre de plusieurs lois majeures en la matiè
re
77
.
D’autres réseaux interrégionaux d’appui existent. Les DDFIP/DRFIP peuvent solliciter
les pôles nationaux de soutien au réseau (PNSR). Les avis les plus intéressants rendus par les
PNSR font l’objet d’une diffusion nationale via l’intranet ULYSSE. Les
PNSR restent peu
sollicités en matière de contrôle des actes budgétaires. Au sein du ministère de l’intérieur, les
sept pôles d’appui juridique mis en place en 2017 ne participent en revanche que très peu au
contrôle de légalité et renvoient systématiquement vers le PIACL.
Le PIACL n’est accessible qu’aux préfectures, alors même que d’autres services
contribuent au contrôle de légalité et des actes budgétaires, en particulier les DDT(M) qui ne
disposent pas de leur propre réseau d’appui. Ceci explique que l’urbanisme soit l’objet de
seulement 6
% des saisines du PIACL. L’accès au PIACL et au SIACL devrait être étendu à
l’ensemble des services de l’administration territoriale de l’
État qui prennent part à ces
missions, de manière à professionnaliser l’ensemb
le des acteurs et harmoniser les
interprétations juridiques.
Le PIACL offre d’autres services aux préfectures. Ainsi, le SIACL répertorie les
quelque 25
000 avis rendus jusqu’à présent par le PIACL, ce qui permet aux agents chargés du
contrôle de disposer
rapidement d’une aide à la décision si le point de droit a déjà fait l’objet
d’un avis. Dans les faits, les agents des préfectures rencontrés déclarent que la consultation du
SIACL constitue leur premier réflexe en cas de difficulté. Pour tirer parti de ce système
d’information, la PIACL a pour projet d’en améliorer l’ergonomie en 2022, en rénovant le
moteur de recherche.
La sédimentation des avis du PIACL sur le SIACL conduit paradoxalement à une
réduction du nombre de saisines par les préfectures, passant de 1 863 en 2015 à 1 290 en 2021.
Cette réduction de l’activité permet d’envisager, à effectifs constants, l’élargissement des
missions qui lui sont confiées, notamment pour élaborer des grilles de contrôle nationales à
disposition des préfectures (à l’he
ure actuelle, il existe 11 grilles de contrôle pour la commande
publique mais aucune sur les autres priorités nationales) ou assurer la veille juridique. Son rôle
en matière de formation au contrôle de légalité et des actes budgétaires mériterait
d’être re
nforcé
en l’identifiant comme chef de file, de manière à enrichir l’offre pédagogique et à épauler les
délégations régionales à la formation dans l’élaboration de formations locales, en complément
de la SDRF.
La DGCL considère dans sa réponse à la Cour qu’
une augmentation des missions du
PIACL «
ne pourrait pas se réaliser à moyens financiers et effectifs constants pour la DGCL
»,
position qui peut être nuancée par la baisse de 31 % des saisines en 2015 et 2021, alors même
que les effectifs ont crû sur la période (+47 %). Par ailleurs, dans sa réponse à la Cour, la DGCL
dit être défavorable au «
caractère obligatoire de cette recommandation
», arguant que ces
propositions sont déjà «
en large partie engagées
», ce que les constats ci-dessus nuancent
grandement.
76
Complétant les « lettres du droit » envoyées régulièrement par la DGCL, dispositif de veille juridique
77
En particulier la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République
CONTROLE DE LEGALITE ET CONTROLE DES ACTES BUDGETAIRES EN PREFECTURE
55
Graphique n° 11 :
Nombre de saisines du PIACL entre 2015 et 2021
Source
: Cour des comptes, d’après les données du PIACL
Le bureau du contrôle de légalité de la DGCL participe également à cette offre d’appui
aux services territoriaux, par la diffusion d’outils
pédagogiques (fiches pratiques, FAQ, etc.),
par l’organisation d’une journée annuelle du contrôle de légalité au profit des préfectures (la
dernière s’est tenue le 24 mai 2022), par la réalisation de formations à l’attention des secrétaires
généraux de pré
fecture et par le déploiement de nouveaux outils collaboratifs comme l’espace
OSMOSE bientôt mis en service. Cet appui, complémentaire du PIACL, est utile et apprécié
des préfectures rencontrées.
Recommandation n° 7. (DGCL, PIACL) : Confier trois nouvelles missions au
PIACL : l’élaboration de nouveaux outils d’appui au contrôle, l’appui aux autres
services de l’ATE intervenant dans le contrôle de légalité,
et un rôle de chef-de-file
en matière de formation.
4.2
L’animation du réseau pourrait être améliorée et
devenir plus
interministérielle
4.2.1
Une exploitation limitée des informations recueillies et une animation
insuffisante du réseau territorial
par le ministère de l’intérieur
En tant que direction métier, la direction générale des collectivités locales (DGCL) est
chargée d
e l’animation
du réseau des services de contrôle de légalité et de contrôle des actes
budgétaires. De son côté, la direction de la modernisation et de l’administration territoriale
(DMAT) du ministère de l’intérieur se consacre
au pilotage budgétaire et de la masse salariale
de ces services. Du fait de la gestion très déconcentrée du programme 354
–
Administration
générale et territoriale de l’
État
, ces deux directions centrales se sont mises en retrait de leur
rôle d’animation du réseau.
Du côté de la DGCL,
l’offre d’appui a fortement progressé depuis 2014 (cf. partie 4.1)
mais la connaissance, le suivi et l’animation du réseau restent trop faibles. L
a direction générale
ne pratique aucune veille ni analyse des remontées statistiques des préfectures, pourtant très
1863
2058
1958
1637
1463
1149
1290
1000
1200
1400
1600
1800
2000
2200
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
CONTROLE DE LEGALITE ET CONTROLE DES ACTES BUDGETAIRES EN PREFECTURE
56
nombreuses
: 24 indicateurs d’activité à remplir chaque semestre pour le contrôle de légalité et
21 en contrôle des actes budgétaires.
D’après la réponse de la DGCL, ces indicateurs ne semblent dédiés qu’à «
l’élaboration
du bilan statistique annuel,
du rapport triennal du Gouvernement et
(…)
des programmes et
rapports annuels de performance
». Ces données font pourtant apparaître des situations
problématiques qui, si elles avaient été analysées, auraient pu conduire la DGCL à intervenir,
ou du moins à solliciter des explications de la part des préfectures concernées, de manière à
éclaircir la situation ou apporter des solutions
. Par exemple, en 2021, Paris, l’Eure
-et-Loir, les
Pyrénées-Atlantiques et le Loir-et-Cher déclarent avoir contrôlé plus de 3 000 actes par agent,
ce qui interroge quant à la qualité du contrôle. La même année, les préfectures du Doubs, du
Gard et du Finistère déclarent avoir contrôlé plus de 2 500 actes budgétaires par agent.
Par symétrie, les préfectures ne prati
quant aucun déféré pourraient faire l’objet d’un
suivi afin d’évaluer les raisons
et mettre fin à des dysfonctionnements ou difficultés : le Cantal
n’a pas déposé de déféré depuis 2017, alors même que, sur la période, seuls 11
% de ses recours
gracieux ont
donné lieu à un retrait ou une modification d’un l’acte.
L’autonomie des préfets
en matière de contrôle de légalité, telle que prévue par la Constitution, n’interdit aucunement
la DGCL d’assurer cette veille, d’autant que, par symétrie, l’absence d’exerci
ce du contrôle de
légalité est susceptible d’engager la responsabilité de l’État.
La DGCL indique dans sa réponse
ne pas souhaiter assumer ce rôle d’analyse des indicateurs, préférant se concentrer sur l’appui
au réseau.
Il arrive également que les indicateurs Indigo soient mal remplis par les préfectures sur
l’application Pilot, aboutissant à des ratios absurdes
: en 2021, la Haute-Corse, la Meurthe-et-
Moselle et l’Indre déclarent avoir contrôlé plus de 100
% des actes prioritaires reçus. La Cour
a en outre constaté de nombreuses divergences entre les indicateurs fournis par la DGCL et les
données détenues localement par les préfectures. La DGCL rappelle pourtant régulièrement aux
préfectures les méthodes de remplissage de ces indicateurs et échange deux fois par an avec la
DMAT pour identifier les erreurs et anomalies.
Ce pilotage est tout aussi perfectible s’agissant de la DMAT, qui se refuse à interroger
les responsables de BOP et d’UO sur leurs choix en matière d’affectation de personnels au
contrôle de légalité et des actes budgétaires
–
pourtant l’une des missions essentielles confiées
au préfet par la Constitution
–
. Cette inaction laisse subsister des situations critiques, que ce
soit sur le stock de personnels (dans la Nièvre, le Loir-et-Cher et la Creuse, il y a moins de 5
ETP consacrés au contrôle de légalité) que sur le flux (le Calvados, la Nièvre et l’Indre
-et-Loire
ont perdu plus d’un tiers de leurs effectifs entre 2014 et 2021).
Cette exploitation quasi-inexistante des indicateurs
engendre une imparfaite
connaissance des situations locales par l’administration centrale
, renforcée par la crise sanitaire
qui a interrompu les déplacements dans les préfectures. Dans sa réponse, la DGCL indique «
ne
pas souscrire aux qualificatifs de la Cour
[selon lequel le contrôle de légalité est en difficulté]
qui ne sont (…) pas attestés par la réalité des chiffres
», arguant par exemple de la stabilité du
taux de contrôle des actes reçus (entre 19 % et 22 %). Or, l
a DGCL n’a apporté aucun élément
nouvea
u sur la fiabilité des indicateurs susceptible d’appuyer son affirmation, et n’a évoqué,
dans sa réponse, aucune des situations locales problématiques relevées par la Cour.
Au titre de l’article L. 2131
-7 du code général des collectivités territoriales, le
Gouvernement
–
en pratique, la DGCL
–
est dans l’obligation de fournir un rapport triennal sur
le contrôle de légalité et des actes budgétaires, qu’il n’a pas déposé depuis 2015. Le rapport
2016-2018 a été déposé au Parlement en août 2022. Ce long retard interroge à la fois sur la
CONTROLE DE LEGALITE ET CONTROLE DES ACTES BUDGETAIRES EN PREFECTURE
57
pertinence de cette disposition législative, mais également sur l
’engagement
de la DGCL dans
sa rédaction, étant donné que la crise sanitaire de mars 2020 ne saurait constituer une explication
suffisante de ce retard. La DGCL travaille dès à présent sur la rédaction du rapport 2019-2021.
La DGCL indique cependant que, consciente de cette faiblesse, elle entend relancer des
actions d’animation du réseau dans un contexte post
-pandémique, notamment en organisant des
déplacements dan
s les préfectures qui en manifesteraient l’intérêt.
41 visites ont été réalisées
entre 2016 et 2019 inclus.
Si l’offre d’appui qu’ell
e propose est utile, il est essentiel que les
administrations centrales concernées soient plus proactives dans la surveillance de leur réseau
territorial, afin de détecter les situations de fragilité sur lesquelles intervenir, et de diffuser les
bonnes pratiques.
C’est la condition d’une animation personnalisée du réseau.
4.2.2
La nécessaire responsabilisation des autres ministères pour le contrôle de
légalité et le contrôle des actes budgétaires
Si le contrôle de légalité et des actes budgétaires est confié au préfet, le ministère de
l’intérieur reste néanmoins le chef de file de cette politique publique. Or, la complexité
croissante du droit nécessite un appui de la part d
’
autres ministères qui disposent de
compétences spécifiques
: le ministère de l’économie et des finances pour le contrôle des actes
budgétaires mais aussi pour la commande publique, ou encore le ministère de la transition
écologique pour l’urbanisme. Sur la période 2014
-2021, ces deux ministères ont tendance à
lentement se retirer de ces missions pour les reporter exclusivement sur les préfectures.
Ainsi, de plus en plus de partenariats préfectures-DDFIP et préfectures-DDT(M) ont été
désactivés récemment. D’autres administrations territoriales de l’
État sont très éloignées du
contrôle de légalité, alors qu’elles disposent de compétences utiles, comme les DDPP et les
DREETS. Au niveau central, le ministère de la transition écologique ne participe que très
ponctuellement à l’effort de formation en matière d’urbanisme
. L
’avenant DGCL
-DGFIP du
27 mai 2015 prévoyait la mise en place de formations communes aux deux réseaux, dont aucune
ne s’est tenue en 2021.
Or, le contrôle de légalité et le contrôle des actes budgétaires sont à la fois des missions
constitutionnelles et des moyens d’appliquer efficacement les politiques publiques décidées au
niveau central. Dès lors, le caractère interministériel de cette mission doit être rappelé, en la
confiant formellement aux DDT(M) et aux DDFIP-DRFIP (cf. recommandations n° 2 et n° 3).
La DGCL pourrait jouer son rôle de chef de file en animant un comité de pilotage annuel sur le
contrôle de légalité et des actes budgétaires, avec la DMAT, la DGFIP, la DGALN et
d’éventuels autres partenaires comme la DGCCRF, afin d’assurer un suivi commun de cette
politique publique et de mettre en adéquation missions et moyens. Des indicateurs spécifiques
permettraient d’identifier la participation de c
es administrations à cette politique publique
78
.
Renforcer le caractère interministériel du contrôle administratif des collectivités
territoriales au niveau de l’administration centrale est le pendant nécessaire d’une plus grande
mutualisation des compétences au niveau local, entre préfectures, DDT(M), DDFIP/DRFIP et
éventuellement d’autres acteurs comme les DDPP. La recommandation n°
2 vise à confier le
78
Par exemple en distinguant le nombre d’actes contrôlés par la préfecture, les DDI et la DDFIP/DRFIP.
CONTROLE DE LEGALITE ET CONTROLE DES ACTES BUDGETAIRES EN PREFECTURE
58
contrôle de légalité des actes d’urbanisme aux DDT(M). La recommandation n°
3 préconise
l’actualisation d
e la convention DGCL-DGFIP pour charger les DDFIP/DRFIP du contrôle de
légalité des délibérations fiscales et d’une mission d’appui aux préfectures. Ces deux
préconisations sont donc complémentaires avec la recommandation n° 8 et forment un tout.
La DGALN, la DGFIP, la DMAT et la DB sont favorables à cette recommandation de
rendre le pilotage de cette politique publique plus interministériel.
A contrario
, la DGCL ne
souhaite pas assumer ce rôle, estimant que cette responsabilité échoit à titre principal au préfet
de département, qui doit travailler localement avec les autres ministères. Or, une meilleure
coordination
interministérielle
en
matière
d’effectifs,
de
formation
professionnelle,
d
’élaboration des
priorités nationales ou encore de systèmes d’informa
tion ne peut être réalisée
au niveau local par le préfet, mais relève de la responsabilité des administrations centrales. La
mise en œuvre d’un comité de pilotage interministériel serait de nature à aborder ces
thématiques. Un tel comité permettrait de sui
vre la mise en œuvre des recommandations n°
2
et 3
, relatives à l’engagement des DDT(M) et des DDFIP
.
Recommandation n° 8. (DGCL, DMAT, DGFIP, DGALN) : Affirmer le caractère
interministériel du contrôle de légalité et des actes budgétaires, via l’organisat
ion
d’un comité de pilotage annuel par la DGCL, qui doit permettre la fixation des
objectifs communs, un partage des responsabilités et la mise en adéquation avec les
moyens humains et financiers.
4.3
La dématérialisation progresse mais ses effets sur la qualité des
contrôles
restent décevants du fait d’une faible ergonomie des systèmes
d’information
4.3.1
Une dématérialisation en progrès, mais qui fait face aux comportements non-
coopératifs de certaines collectivités
En 2007-2008,
l’application
Actes a été développée pour permettre aux collectivités
territoriales de télétransmettre leurs actes aux services de l’
État et de les rendre immédiatement
exécutoires, grâce à l’accusé de réception électronique. Elle a été complétée en 2011 par
l’application
Actes budgétaires,
dont l’architecture est distincte d’
Actes. Une fois reçus, les
actes sont contrôlés par les agents directement sur l’interface d’
Actes
ou d’
Actes budgétaires.
Le taux de dématérialisation des actes a fortement crû depuis le dernier contrôle de la
Cour. Pour le contrôle de légalité, il est passé de 34 % des actes reçus en 2013 à 73 % en 2021,
soit 4,5 millions d’actes
. Seules 11 préfectures affichent des taux de dématérialisation inférieurs
à 60 % et deux départements sont en-deçà de 50 % (Vosges et Corse-du-Sud).
CONTROLE DE LEGALITE ET CONTROLE DES ACTES BUDGETAIRES EN PREFECTURE
59
Carte n° 2 :
Proportion d’actes reçus au format dématérialisé en 2021, via
Actes (à gauche) et Actes
budgétaires (à droite)
Source
: Cour des comptes, d’après les données de la DGCL
S’agissant des actes budgétaires, la dématérialisation est plus tardive
mais prometteuse :
le taux de raccordement est passé de 19 % des collectivités en 2014 à 50 % en 2021. Le taux de
dématérialisation est cependant plus hétérogène entre les départements : il est compris entre
9 % (Savoie) et 100 % (Aveyron). La tendance est globalement à la hausse, grâce aux efforts
déployés par la DGCL et le corps préfectoral, car le nombre d’actes budgétaires télétransmis
croît en moyenne de 9,8
% chaque année depuis 2017. L’expérimentation en cours du compte
financier unique oblige ces dernières à dématérialiser.
L’
État a soutenu la dématérialisation des communes via une subvention DETR
79
dédiée
: le recours à un tiers de télétransmission homologué par le ministère de l’intérieur
80
étant obligatoire pour Actes
, et l’installation coûtant plusieurs milliers d’euros
81
. Récemment,
l’ordonnance du 7 octobre 2021 relative à la publicité, l’entrée en vigueur et la conservation
des actes locaux impose la télépublication des actes aux collectivités territoriales de plus de
3 500 habitants à partir du 1
er
juillet 2022, ce qui devrait encourager la dématérialisation.
L’article 74 de la loi du 27 janvier 2014 dite loi MAPTAM et l’article 107 de la loi du
7 août 2015 portant une nouvelle organisation territoriale de la République (dite loi NOTRe)
ont rendu la télétransmission obligatoire à compter du 7 août 2020 pour les communes et EPCI
de plus de 50 000 habitants, les départements et les régions. Si cette disposition est globalement
79
Dotation d’équipement des territoires ruraux
80
Ou homologué par un autre ministère (art. 6 du décret n° 2021-1310). Cette disposition permet la
télétransmission des actes d’urbanisme via PLAT’AU.
81
Les actes budgétaires sont produits à partir du module TotEM, mis à disposition gratuitement par la
DGCL, puis sont télétransmis en PDF via les tiers de télétransmission classique, au format PDF.
CONTROLE DE LEGALITE ET CONTROLE DES ACTES BUDGETAIRES EN PREFECTURE
60
respectée
82
, la Cour a constaté que ce n’est pas le cas de plusieurs collec
tivités y compris pour
celles dotées d’importants moyens comme les départements de l’Eure
-et-Loir et de la Marne
83
.
Le raccordement à Actes
peut parfois avoir lieu sans pour autant que le système d’information
ne soit utilisé, à l’image de la métropole de R
ennes et de la région Auvergne-Rhône-Alpes, qui
continuent de transmettre des actes au format papier, malgré les efforts de conviction déployés
localement
84
. En Indre-et-Loire, 62 % des collectivités du département sont raccordées à Actes
budgétaires mais seuls 26 % des actes budgétaires parviennent à la préfecture en format
dématérialisé.
Par ailleurs, malgré la pédagogie déployée par les préfectures, certaines collectivités
adoptent des postures d’obstruction au contrôle de légalité, en transmettant un gra
nd nombre
d’actes non
-
transmissibles, en renseignant mal la catégorie de l’acte ou encore en ne nommant
pas les actes transmis, contraignant les agents de préfecture à un long travail de recherche et de
renommage des fichiers. Cela concerne parfois des grandes collectivités, pourtant suffisamment
équipées pour respecter la charte de télétransmission.
Cette exploitation des faiblesses d’
Actes amoindrit la capacité de contrôle des actes. Il
n’existe en effet aucune réponse juridique pour faire face aux attitu
des non-coopératives ou
pour sanctionner le non-respect des obligations légales des collectivités territoriales. Ceci
interroge la capacité de l’
État
à faire appliquer les obligations qu’il impose.
4.3.2
Des systèmes d’informations peu ergonomiques, qui
tardent à devenir des
outils d’aide au contrôle
La Cour relevait en 2016 que les fonctionnalités des systèmes d’information
Actes et
Actes budgétaires ne permettaient pas de faciliter la réalisation des contrôles pour les agents.
Ce constat est toujours vrai en 2
022. De nombreux irritants persistent dans l’usage quotidien
des systèmes
d’information, en plus des failles détaillées en partie 2.1
:
-
le contrôle d’un acte nécessite un grand nombre de manipulations et de clics, source de
frustration pour les agents : l
e simple classement d’un acte nécessite plusieurs validations
;
-
les systèmes
d’information
sont trop compartimentés : les actes ne peuvent pas être
attribués à plusieurs services, quand bien même ils sont à la croisée de deux domaines
juridiques. Parfois, un acte est attribué à une mauvaise catégorie et échappe à la vigilance
des agents ;
-
les systèmes d’information ne permettent pas un référence
ment exhaustif et fiable des
documents télétransmis, ni ne permettent, par symétrie, d’identifier facilement les
collectivités n’ayant pas procédé à la télétransmission
obligatoire.
Ainsi que l’indique la
DGCL dans sa réponse, l
e système d’information n’a
pas non plus été conçu comme un
outil d’archivage.
Le module de recherche est particulièrement difficile à utiliser et va
82
À noter que cette obligation ne concerne pas les actes d’urbanisme.
83
D’après la DGCL, 39 collectivités ne respectent pas leur obligation de télétransmission des actes
budgétaires (prévu au III-
de l’article 107 de la loi NOTRe), sur les 600 collectivités concernées.
84
La région Auvergne-Rhône-Alpes a télétransmis 5 128 actes en 2021 et la métropole de Rennes 1 952.
CONTROLE DE LEGALITE ET CONTROLE DES ACTES BUDGETAIRES EN PREFECTURE
61
perdre de son exhaustivité avec le chantier de purge des données les plus anciennes prévu
en 2022 ;
-
ces systèmes souffrent d’une faible flexibilité d’utilisation
: il est difficile aux agents de
renommer les documents qui l’auraient mal été, rendant leur suivi plus difficile.
La DGCL
et la direction du numérique du ministère de l’intérieur ont
néanmoins conduit
plusieurs chantiers de fiabilisation des deux logiciels et éliminé un certain nombre de bugs et
d’irritants par rapport à la situation en 2016. Elle
s adoptent pour ce faire une démarche
progressive, traitant un à un les problèmes, conformément aux bonnes pratiques rappelées par
la Cour
85
.
Par ailleurs, Actes et Actes
budgétaires n’ont pas développé
suffisamment
d’outils
d’aide au contrôle. Malgré le chantier de modernisation engagé entre 2015 et 2018 par la
DGCL, les contrôles automatisés en matière budgétaire font l’objet de
certaines réserves de la
part des agents, notamment parce que Actes
budgétaires n’agrège pas les budgets primitifs,
supplémentaires et les décisions modificatives d’une même collectivité
86
. Cependant, le
système d’information Actes budgétaires constitue un progrès
en permettant de prévenir
automatiquement certaines irrégularités. En effet, «
l’application TotEM, mise à disposition
gratuitement des collectivités, assure un premier niveau de contrôle dans la mesure où cette
application garantit la conformité réglementaire des maquettes produites
87
». Ils servent
malgré tout aux agents pour
prioriser les contrôles, d’autant plus dans les délais restreints du
contrôle budgétaire. La DGCL indique avoir mis en place un accompagnement des services
préfectoraux, des éditeurs de progiciels et des collectivités de manière à harmoniser et fiabiliser
les pratiques de télétransmission, de façon à faire mieux fonctionner les contrôles automatisés.
Les statistiques extraites d’
Actes sont peu fiables
88
.
Cette faible ergonomie est particulièrement problématique pour Actes étant donné la
masse d’actes qui y transitent rendant nécessaire leur tri, par opposition à
Actes budgétaires. Ce
manque d’outils d’aide au contrôle est d’autant plus dommageable qu’il es
t concomitant avec
la baisse des effectifs et l’insuffisance de la formation.
En parallèle, la faiblesse de la formation utilisateurs sur Actes et Actes budgétaires
engendre une sous-
utilisation par les agents de certaines fonctionnalités qu’ils réclament.
Une
formation en ligne a été mise en place en 2022 au profit de tous les agents des préfectures.
Jusqu’à présent,
Actes et Actes budgétaires ne sont donc pas parvenus à devenir un
véritable outil d’appui au contrôle, même s’ils ont permis de réduire sensi
blement la
manipulation des actes papiers. Dans
la pratique des agents, les deux systèmes d’information
sont généralement de simples « boites aux lettres
», c’est
-à-dire des vecteurs de transmission
85
Cour des comptes,
La conduite des grands projets numériques de l’État
, rapport fait à la demande de
la commission des finances du Sénat, octobre 2020
86
Dans sa réponse, la DGCL rappelle qu’il existe en réalité deux types de
ratios diversement appréhendés
par les agents : les ratios correspondant à des points de contrôle obligatoires (équilibre réel, bonne couverture des
annuités de dettes par des ressources propres), qui souffrent de certaines limites mais sont fonctionnels, et les ratios
financiers produits par l’application et dont la fiabilité «
dépend de la qualité des informations fournies par les
collectivités
».
87
Réponse de la DGCL à la Cour
88
Lorsqu’un agent clique sur un acte, même pour le consulter brièvement, ce de
rnier est immédiatement
classé par défaut comme étant contrôlé.
CONTROLE DE LEGALITE ET CONTROLE DES ACTES BUDGETAIRES EN PREFECTURE
62
des actes. La DGCL est en désaccord avec cette analyse de la Cour. Elle précise néanmoins
dans sa réponse que «
les évolutions réalisées ou prévues vont dans le sens de la montée en
puissance d’Actes comme application «
métier »
», ce qui est conforme à la recommandation
de la Cour formulée en 2016.
D’autant que
la progression de la dématérialisation des actes
budgétaires va, d’après la DGCL, permettre d’envisager une nouvelle étape de développement
d’outils automatisés d’appui au contrôle.
Dans la totalité des préfectures visitées, les agents contournent les difficultés de
fonctionnement d’
Actes et Actes budgétaires en limitant le recours à ses fonctionnalités. Dans
l’Orne et dans le Var, les actes à enjeux sont téléchargés et stockés sur le serveur de la préfecture
pour éviter
le système d’information
Actes, de manière à faciliter leur analyse et leur archivage.
En Moselle, le suivi des recours et des dates limites de déférés est assuré via un tableur Excel.
En Ille-et-Vilaine, les communes sont invitées à transmettre leurs délibérations fiscales via une
plateforme collaborative de la DRFIP en plus de la télétransmission, afin de faciliter leur
recensement. Cet envoi passe par mail pour la DRFIP du Rhône. Dans la Drôme, un module
informatique développé localement par la DDT inventorise les actes d’urbanisme reçus.
L’ensemble des suivis statistiques
est assuré sur des documents à part.
Par ailleurs, les services ont développé localement leurs propres outils de contrôle. Dans
le Var et en Moselle, les agents recopient à la main les données budgétaires des collectivités
dans un tableur qui réalise des calculs fiabilisés de certains ratios financiers, de manière à
contourner la moindre pertinence des contrôles automatiques.
Les équipes-projet Actes et Actes budgétaires de la DGCL disent être conscientes de
cette faible
ergonomie, qui constitue l’un de leurs chantiers prioritaires pour les années à venir.
Des modules visant à améliorer l’ergonomie ont déjà été implantés entre 2017 et 2019.
4.3.3
Une conduite de projet à renforcer
4.3.3.1
L
’amélioration de l’ergonomie
: un objectif délaissé
face à la priorisation d’autres
chantiers
Le pôle chargé du développement d’
Actes, rattaché au bureau du contrôle de légalité de
la DGCL, est composé de quatre agents, tandis que le pôle Actes budgétaires, rattaché au bureau
des budgets locaux et de l’analyse financière de la DGCL, en compte deux. Ces deux pôles sont
chargés du maintien en condition opérationnelle des systèmes d’information, de l’homologation
des opérateurs de télétransmission, du cadre juridique, de la réponse aux sollicitations des
préfectures et du pilotage des nouveaux projets de développement.
Ce faible nombre d’agents par rapport aux missions conduit les deux équipes à prioriser
leurs projets. Depuis 2015, la priorité est
d’accroître rapidement le taux de dématérialisation
des actes règlementaires et budgétaires, ce qui a conduit à centrer les efforts sur les
CONTROLE DE LEGALITE ET CONTROLE DES ACTES BUDGETAIRES EN PREFECTURE
63
fonctionnalités de transmission
89
et sur l’expérience
-utilisateur des collectivités territoriales
90
.
Les représentants des collectivités rencontrés par la Cour ont témoigné de leur satisfaction vis-
à-
vis d’
Actes et Actes budgétaires, faciles à utiliser. Si des développements ont aussi eu lieu
pour améliorer l’ergonomie des systèmes d’informations pour les agents de préfec
ture
91
, ceux-
ci ont été visiblement insuffisants, et les agents de préfecture s’en sont peu saisis. Surtout, la
capacité à mener des projets a pu être percutée par d’autres contraintes. En 2020, l’équipe
Actes
a dû conduire une mise à niveau en matière de sécurité informatique. En 2021, elle a été
accaparée par l’interfaçage entre
Actes
et PLAT’AU
92
, projet mené par la direction de l’habitat,
de l’urbanisme et des paysages (DHUP). Du côté du contrôle budgétaire, la mise en œuvre du
compte financier unique «
a nécessité un important investissement des ressources
[de l’équipe
projet d’Actes budgétaires]
» sur la période, d’après la DGCL. Si bien qu’en 2020 et 2021,
aucun projet d’amélioration de l’ergonomie n’a été conduit à son terme.
Cette faible capacité de
manœuvre des deux équipes
-projet ne leur a pas permis de
déployer une méthode de conduite de projets s’appuyant sur l’expérience
-utilisateur des
préfectures. Les remontées reposent principalement sur les messages spontanés envoyés sur les
boites fonctionnelles dédiées et sur des échanges avec les formateurs de la SDRF.
L’interfaçage d’
Actes
avec le système d’information PLAT’AU
a représenté un défi
pour la DGCL. Cette opération lourde a été réalisée dans des temps contraints, intervenant en
aval des développements assurés par la DHUP, dont la mise en cohérence avec un système
d’information ancien comme Actes n’a pas été aisée
. L
a DGCL n’a
pu procéder à
l’ensemble
des tests nécessaires. Ainsi, des scénarios restreints en autonomie et des scénarios avec des
p
artenaires ont été testés fin 2021, mais aucun scénario étendu n’a pu être testé.
Dans sa
circulaire du 13 décembre 2021, la DGCL prend acte du fait que ce projet informatique pourrait
engendrer des difficultés de nature à altérer la capacité du préfet à exercer sa mission, et reporte
sur les préfectures la responsabilité de combler ces failles
93
.
In fine
, un faible nombre d’actes a
89
Création de la fonctionnalité « multicanal » pour transmettre des documents volumineux (2017), édition
de référentiels sur la classification des actes et des pièces jointes (2016-2017), annu
lation d’une télétransmission
(2019).
90
Dans sa réponse, la DGCL indique que «
l’enjeu principal reste l’amélioration du taux de
dématérialisation
» en matière d’actes budgétaires, arguant que, eu égard au caractère homogène des documents
budgétaires, «
le taux de dématérialisation permet de dépasser des effets de seuils nécessaires pour réellement
faire évoluer l’exercice du contrôle
».
91
Ajout progressif de fonctionnalités à partir de 2017 (classement des actes, fiabilisation du menu
recherche, création d
’un menu suivi des actes, création de dossiers d’archivage).
92
Les communes de plus de 3 500 habitants disposent, depuis le 1
er
janvier 2022, d’une téléprocédure
spécifique pour instruire les actes d’urbanisme (conformément à l’article. L. 423
-3 du code de
l’urbanisme), ce
qui a rendu nécessaire un interfaçage entre Actes et PLAT’AU, plateforme de la DHUP assurant l’interface avec
les logiciels d’instruction d’autorisations d’urbanisme. Cela doit permettre une transmission automatique et
dématérialisée de l
’autorisation d’urbanisme au contrôle de légalité.
93
Extrait de la circulaire : «
Il est donc tout à fait possible que des demandes aient été déposées sur
PLAT’AU dans des formats incorrects et que l’interface ne puisse pas, au démarrage, apporter au préfe
t les
éléments dont il a besoin pour apprécier la légalité de l’acte.
En outre, la DGCL n’a pas pu utiliser de dossiers réels pour effectuer la recette de l’interface. Il n’est
donc pas exclu que les premières télétransmissions fassent apparaître des difficultés jusqu’alors insoupçonnées.
Dans ces conditions, il apparaît approprié que chaque commune étale dans le temps son entrée dans le
nouveau dispositif et commence par faire quelques essais avec des dossiers simples et non sensibles. Ces essais
pourront être doublonnés par une transmission papier ou par une télétransmission « classique », même si cela
appelle une vigilance particulière pour le calcul du délai de recours du préfet.
»
CONTROLE DE LEGALITE ET CONTROLE DES ACTES BUDGETAIRES EN PREFECTURE
64
été transmis via PLAT’AU sur le premier trimestre 2022, car les éditeurs de système
d’informations privés n’étaient pas prêts,
limitant la désorganisation. La DHUP indique que
«
des développements permettant d’améliorer l’interfaçage seront déployés d’ici la fin de
l’année 2022
».
Les deux équipes-projet sont conscientes de ces faiblesses et comptent systématiser et
formaliser le
retour d’expérience des agents contrôleurs par la constitution de groupes de travail
avec des préfectures pilotes.
La recommandation de la Cour visant à développer les applications informatiques
existantes de manière à ce qu’elles permettent la réalisation
, le suivi et la supervision des actions
de contrôle n’est donc que partiellement mise en œuvre.
4.3.3.2
Une gouvernance interne à revoir, malgré le recours à de coûteux prestataires
d’assistance à maîtrise d’ouvrage
Au regard des évolutions peu nombreuses sur la période, le coût des deux systèmes
d’information demeure élevé, oscillant entre 920
000
€ et 1,79
M€ par an entre 2015 et 2021
94
.
Graphique n° 12 :
Coût annuel de Actes et Actes
budgétaires (en CP, en milliers d’euros)
Source
: Cour des comptes, d’après les données de la
DGCL
Cette divergence entre les ambitions, le coût élevé et les réalisations encore insuffisantes
s’explique notamment par la gouvernance des projets informatiques.
En principe, la DGCL
assure la maîtrise d’ouvrage des deux projets,
tandis que la maîtrise
d’œuvre échoit à la
direction du numérique (DNUM) du ministère de l’intérieur, où ils sont suivis par un
e unique
94
Coût des marchés publics du projet, ne prenant pas en compte le coût des agents qui y travaillent au
sein de la DGCL.
463
415
629
716
592
323
554
1327
348
626
623
541
597
504
0
200
400
600
800
1000
1200
1400
1600
1800
2000
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
MONTANT DES MARCHÉS (K€)
Actes
Actes budgétaires
CONTROLE DE LEGALITE ET CONTROLE DES ACTES BUDGETAIRES EN PREFECTURE
65
chargée
de projets, qui partage son temps avec d’autres applicatifs. La DGCL bénéficie d’une
assistance à maîtrise d’ouvrage,
confiée à un même cabinet de conseil
depuis 2017.
Entre 2017 et 2021,
le cabinet de conseil chargé d’épauler la DGCL dans l’expression
du besoin informatique et le pilotage du projet a coûté plus de 2,1
M€, soit près de la moitié du
coût total des projets Actes et Actes budgétaires. La part du budget du projet consacré à
l’assistance à maître d’ouvrage est bien supérieur aux proportions généralement admises pour
ce type de projets. Par comparaison, ce montant annuel
de plus d’un demi
-
million d’euros
représente l’équivalen
t de la rémunération de cinq à dix ingénieurs SIC. Le montant de cette
assistance à maîtrise d’ouvrage interroge d’autant plus que la DGCL consacre déjà six agents à
temps plein pour la maîtrise d’ouvrage de ces deux projets.
Malgré cet appui onéreux, la DGCL
rencontre des difficultés à faire évoluer les systèmes d’information.
Eu égard au coût des
prestations, une ré-internalisation
de l’assistance à maîtrise d’ouvrage
, au moins partielle, doit
être étudiée. Plus largement, une professionnalisation de la conduite de projet doit être
envisagée. Plusieurs objectifs devraient être poursuivis prioritairement dans les prochaines
années
: rendre la maîtrise d’ouvrage plus robuste, mieux prendre en compte l’expérien
ce-
utilisateur et développer des modules d’appui aux contrôles.
Recommandation n° 9. (DGCL, DNUM) : Réorganiser la gouvernance des projets
informatiques Actes et Actes budgétaires, en réinternalisant certaines tâches et en
faisant de
l’amélioration de l’ex
périence-utilisateur une priorité.
4.3.3.3
L’échec du projet d’intelligence artificielle
: un exemple des difficultés de la
conduite de projet par la DGCL
Ces faiblesses sont pleinement apparues au moment de l’abandon du projet Aide au
contrôle de légalité par intelligence artificielle (ACLIA).
Mi-
2019, la DGCL a été sélectionnée dans le cadre de l’appel à manifestation d’intérêt
sur l’intelligence artificielle de la direction interministérielle du numérique (DINUM) et de la
direction interministérielle de la transformation publique (DITP). Le dossier de candidature
proposait le développement d’un module capable, par l’intelligence artificielle et sur la base
d’Actes, d’améliorer le routage des actes mal
-
nommés, d’identifier les actes non
-transmissibles,
et à t
erme, d’apporter à l’agent contrôleur une aide pour analyser le contenu de l’acte (par
exemple en détectant les irrégularités sur les visas ou la signature).
Pour mener ce projet, la DITP a fourni à la DGCL une assistance à maîtrise d’ouvrage
(AMOA) sur l’
aspect métier, confiée à un cabinet de conseil différent de celui qui assure
habituellement l’AMOA sur Actes et Actes budgétaires (49
915€ TTC pour les deux phases du
projet) tandis que la maîtrise d’œuvre était assurée par une entreprise spécialisée dans
l’intelligence artificielle, pour un montant de 203
440
€ TTC. L’assistance à maitrise d’ouvrage
n’avait pas de lien avec la maîtrise d’œuvre mais devait épauler la DGCL dans la conduite du
projet.
Fin 2021, le projet ACLIA a été finalement abandonné, sans
qu’aucun algorithme n’ait
pu être testé. Cet échec s’explique par trois facteurs. D’une part, la crise sanitaire, en particulier
le premier confinement, a percuté le déploiement du projet. D’autre part, les préfectures pilotes
ont rencontré de difficultés
à procéder aux tâches d’annotation des actes, corol
laire
CONTROLE DE LEGALITE ET CONTROLE DES ACTES BUDGETAIRES EN PREFECTURE
66
indispensable pour l’entrainement de l’algorithme. Outre la hausse d’activité causée par la
pandémie, l’annotation a été poussive
: l’outil d’annotation n’éta
it pas compatible avec tous les
navigate
urs internet installés en préfecture et les agents n’a
vaient pas tous la même
compréhension des attentes de
l’opération. Enfin, selon la DGCL, les équipes n’étaient pas
suffisamment spécialistes et étoffées pour mener un projet en intelligence artificielle, tandis que
l’assistance à maîtrise d’ouvrage n’a pas bien jouer son rôle d’accompagnement.
La DITP
précise néanmoins que le risque d’échec est inhérent à des projets expérimentaux comme celui
-
ci et qu’il n’est pas anormal d’en interrompre ainsi.
Si la Cour peut comprendre cette position, il importe que la DGCL, la DNUM et la DITP
réalisent un retour d’expérience précis de manière à ne pas reproduire les mêmes erreurs en cas
de relance d’un projet d’intelligence artificielle, qui constitue une piste intéressante d’appui au
contrôle de légalité et des actes budgétaires pour l’avenir.
______________________ CONCLUSION INTERMÉDIAIRE ______________________
Entre 2015 et 2021, l’administration centrale a fortement amélioré son offre d’appui au
réseau du contrôle de légalité et des actes budgétaires, même si de nouveaux outils pourraient
encore être déployés pour soutenir des services préfectoraux parfois sous-
équipés. Elle n’a en
revanche pas progressé sur l’animation du réseau, n’assurant
aucune veille des indicateurs et
se mettant trop en retrait par rapport aux décisions de gestion des préfets.
Face à la raréfaction des moyens au niveau local et à la complexification du droit, il est
essentiel de réaffirmer le caractère interministériel de la mission de contrôle de légalité et des
actes budgétaires, de manière à responsabiliser les principaux ministères concernés, en
particulier ceux de l’économie, des finances et de
la transition écologique, qui doivent mettre
leurs réseaux territoriaux en appui du préfet de département.
Enfin, la dématérialisation doit progresser en qualité, après une forte croissance du
taux de télétransmission par les collectivités territoriales, de façon à offrir aux agents
contrôleurs une aide au contrôle. Ceci nécessite de repenser la gouvernance de ces deux
systèmes d’informati
on au niveau central.
CONTROLE DE LEGALITE ET CONTROLE DES ACTES BUDGETAIRES EN PREFECTURE
67
ANNEXES
Annexe n° 1. Liste des principaux actes transmissibles et non-transmissibles
.....................
68
CONTROLE DE LEGALITE ET CONTROLE DES ACTES BUDGETAIRES EN PREFECTURE
68
Annexe n° 1.
Liste des principaux actes transmissibles et non-transmissibles
Source : Villeneuve Pierre, « Relations État-collectivités territoriales
: l’examen du contrôle de légalité
»,
Actualité juridique des collectivités territoriales
, février 2022, p. 68 à 72