Sort by *
Quartier de l'Annonciade - CS 60305 - 20297 Bastia Cedex - www.ccomptes.fr
Jugement n° 2022-0032
Audience publique du 6 octobre 2022
Prononcé du jugement le 24 octobre 2022
Lycée Laetitia Bonaparte et son annexe GRETA
(Corse-du Sud)
Agent comptable du Lycée Laetitia Bonaparte
Exercices : 2015 à 2018
JUGEMENT
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
La chambre régionale des comptes Corse
Vu
le réquisitoire n° 2021-0013 en date du 4 novembre 2021 du procureur financier près la
chambre régionale des comptes Corse, enregistré au greffe de la chambre le même jour et
notifié le 8 novembre 2021 à Mme X…, cheffe d’établissement du lycée Laetitia Bonaparte
et de son annexe le GRETA ainsi qu’à M. Y…, comptable du lycée Laetitia Bonaparte
d’Ajaccio et de son annexe le GRETA. M. Y…, en a accusé réception le 10 novembre 2021.
Mme X… ? en a accusé réception le 12 novembre 2021 ;
Vu
les comptes rendus en qualité d’agent comptable du lycée Laetitia Bonaparte d’Ajaccio
par Monsieur Y…, du 1
er
janvier 2015 au 31 décembre 2018 ;
Vu
l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 modifié ;
Vu
le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable
publique ;
Vu
le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du
VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié dans sa rédaction issue de l’article 90
de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;
Vu
le code des juridictions financières ;
Vu
le code général des collectivités territoriales, notamment son article L 1617 -5 ;
Vu
le rapport n° 2022-0032 de M. Alain Michel, premier conseiller, magistrat chargé de
l’instruction ;
Vu
les conclusions n° 2022-0032 du procureur financier en date du 4 août 2022 ;
Vu
les lettres du 20 août 2022, adressées au comptable et à l’ordonnatrice, les informant de
l’inscription de l’affaire à l’audience publique, dont ils ont accusé réception les 24 et
31 août 2022 ;
Vu
l’ensemble des pièces du dossier ;
2
/
4
Quartier de l'Annonciade - CS 60305 - 20297 Bastia Cedex - www.ccomptes.fr
Entendu
lors de l’audience publique du 6 octobre 2022, M. Alain Michel, conseiller en son
rapport, M. Jacques Barrière, en les conclusions du ministère public ; le comptable et
l’ordonnatrice, dûment informés de la tenue de l’audience, n’étant ni présents ni représentés ;
Entendu
en délibéré M. Frédéric Leglastin, président de section, en ses observations ;
ORDONNE CE QUI SUIT
Sur la présomption de charge unique, soulevée à l’encontre de M. Y…, au titre de
l’exercice 2015
Attendu
que, par le réquisitoire susvisé, le ministère public fait grief à M. Y…, comptable du
lycée Laetitia Bonaparte et de son annexe le GRETA, de ne pas avoir établi la preuve des
diligences accomplies en vue du recouvrement d’un titre de recettes n° 11CE200280010 émis
à l’encontre de la société ALBELLU CROISIERES, sise à Coggia, et pris en charge le
1
er
avril 2011 pour un montant de 2 562,00 euros (
) ;
Attendu
que M. Y…, comptable mis en cause, n’a pas formulé de réserves sur la gestion de
ses prédécesseurs ;
Sur le manquement présumé du comptable
Attendu
qu’aux termes du I de l’article 60 modifié de la loi du 23 février 1963 susvisée,
« les
comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu’ils
sont tenus d’assurer en matière de recettes, de dépenses, et de patrimoine, dans les
conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique. La responsabilité
personnelle et pécuniaire prévue ci-dessus se trouve engagée dès lors (...) qu’une recette n’a
pas été recouvrée (…) » ;
Attendu
que l’article L. 1617-5, 3° du code général des collectivités territoriales dispose que
« L'action des comptables publics chargés de recouvrer les créances (…) des communes (…)
se prescrit par quatre ans à compter de la prise en charge du titre de recettes. Le délai de
quatre ans mentionné à l'alinéa précédent est interrompu par tous actes comportant
reconnaissance de la part des débiteurs et par tous actes interruptifs de la prescription » ;
qu’ainsi, à défaut d’avoir valablement interrompu le délai précité avec une demande de
paiement, régulièrement notifiée au débiteur, qui aurait préservé les droits du lycée Laetitia
Bonaparte, l’action en recouvrement du titre en cause pourrait avoir été atteinte par la
prescription au cours de l’exercice 2015 ;
Attendu
qu’au cours de la procédure contradictoire, le comptable a produit la copie de
plusieurs lettres de mise en demeure adressées à la société ALBELLU CROISIERES jusqu’au
8 juillet 2011 sans toutefois produire la preuve de leur réception par la société débitrice ;
Attendu
le comptable a mandaté un commissaire de justice le 12 septembre 2012 afin de
procéder au recouvrement de la créance en cause ; qu’il se serait enquis des résultats de
l’action de l’officier ministériel par courrier du 6 juin 2013 ; qu’il aurait reçu une réponse à sa
demande le 29 mars 2016 ;
3
/
4
Quartier de l'Annonciade - CS 60305 - 20297 Bastia Cedex - www.ccomptes.fr
Attendu
que la transmission des créances à un commissaire de justice ne suffit pas à exonérer
le comptable de sa responsabilité personnelle et pécuniaire ; que si l’officier ministériel est seul
chargé de procéder à l'exécution forcée et aux mesures conservatoires, il appartient au
comptable de contrôler et d’orienter si besoin l’action du commissaire de justice, et que seul
un suivi régulier avec compte rendu des actions réalisées pour le recouvrement de la dette lui
aurait permis de s’assurer de l’effectivité des mesures prises pour sauvegarder les intérêts de
l’établissement et de s’exonérer de sa responsabilité ; qu’au cas d’espèce le comptable ne
s’est informé de l’action de le commissaire de justice pour le recouvrement de la créance qu’en
2013 ; que les demandes d’information du 11 mai 2015 et du 16 mars 2016 sont postérieures
au délais de prescription, intervenue le 1
er
avril 2015 ;
Attendu
que M. Y…, qui n’a pas apporté la preuve l’existence de diligences adéquates,
complètes et rapides pour recouvrer le titre n°11CE200280010 objet du réquisitoire susvisé, a
commis un manquement ayant engagé sa responsabilité personnelle et pécuniaire ;
Sur l’existence d’un préjudice financier
Attendu
qu’aux termes du troisième alinéa du VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963,
« lorsque le manquement du comptable […] a causé un préjudice financier à l’organisme public
concerné […], le comptable a l’obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels
la somme correspondante » ;
Attendu
que le constat de l'existence ou non d'un préjudice financier relève de l'appréciation
du juge des comptes ; que, si au regard du caractère contradictoire de la procédure, ledit juge
doit tenir compte pour cette appréciation des dires et actes éventuels de l'organisme public qui
figurent au dossier, il n'est pas lié par une déclaration de l'ordonnateur indiquant que ledit
organisme n'aurait subi aucun préjudice financier ;
Attendu
que le comptable ne s’est pas prononcé sur l’existence d’un éventuel préjudice
financier ;
Attendu
que l’ordonnateur soutient, sans le démontrer, qu’en cas d’interruption du délai de
prescription par les différents courriers de relance, l’établissement ne subirait aucun préjudice
financier et pourrait toujours demander le recouvrement de la créance ;
Attendu
que les arguments produits par l’ordonnatrice tenant à l’absence prolongée du
comptable durant une période postérieure à la date de prescription de l’action en recouvrement
n’entrent pas dans les cas d’exonération de la responsabilité personnelle et pécuniaire du
comptable ;
Attendu
que le défaut de recouvrement d'une créance cause par principe, un préjudice
financier au créancier concerné
;
Attendu
que le défaut de recouvrement du titre précité, à l’origine d’un manquant en caisse,
est constitutif d’un préjudice financier pour le lycée Laetitia Bonaparte d’Ajaccio ; qu’il convient
dès lors de constituer M. Y…, débiteur envers ledit établissement pour la somme de 2 562,00
au titre de sa gestion de l’exercice 2015, laquelle somme portera intérêts au taux légal à
compter de la date de réception du réquisitoire par le comptable, soit le 10 novembre 2021 ;
PAR CES MOTIFS,
4
/
4
Quartier de l'Annonciade - CS 60305 - 20297 Bastia Cedex - www.ccomptes.fr
Article 1
er
:
M. Y…, est constitué débiteur du lycée Laetitia Bonaparte d’Ajaccio de la somme
de deux mille cinq cent soixante-deux euros (2 562,00
) au titre de l’exercice 2015,
augmentée des intérêts de droit à compter du 10 novembre 2021.
Article 2 :
Il est sursis à la décharge de M. Y…, pour sa gestion de l’exercice 2015 jusqu’à la
constatation de l’apurement, en principal et intérêts, du débet prononcé à son encontre.
Article 3 :
M. Y…, est déchargé de sa gestion pour la période du 1
er
janvier 2016 au
31 décembre 2018.
Fait et jugé à la chambre régionale des comptes Corse par Mme Nathalie Gervais, présidente,
M. Frédéric Leglastin, président de section et réviseur et Mme Céline Episse, première
conseillère.
La greffière
Maddy Azzopardi
La présidente
Nathalie Gervais
La République Française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de
mettre
ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la
République près les tribunaux judiciaires d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de
la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
CONDITIONS D'APPEL :
Code des juridictions financières – article R. 242-19 et suivants : «
Les jugements rendus par
les chambres régionales des comptes peuvent être attaqués dans leurs dispositions définitives
par la voie de l'appel devant la Cour des comptes
» (…) – article R. 242-23
« L’appel doit être
formé dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
»