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Troisième section
M. Gaydon c/ Commune de La Saulce
(Département des Hautes-Alpes)
Article
L. 1612-15
du
code
général
des
collectivités territoriales
Rapport n° 2022-0053
Saisine n° 2022-0081
Séance du 2 juin 2022
AVIS
La chambre régionale des comptes Provence-Alpes-Côte d’Azur
VU
le code général des collectivités territoriales, notamment son article L. 1612-15 ;
VU
le code des juridictions financières, notamment son article L. 232-1 ;
VU
les lois et règlements relatifs aux budgets des communes et des établissements publics
communaux et intercommunaux ;
VU
le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable
publique ;
VU
l’arrêté n° 2021-15 du 16 décembre 2021 du président de la chambre fixant l’organisation
des formations de délibéré et leurs compétences ;
VU
la lettre du 7 avril 2022, enregistrée au greffe le 11 avril 2022, par laquelle
M. Albert Gaydon, maire de La Saulce du 1
er
janvier 2015 au 3 décembre 2018, a saisi la
chambre, par l’intermédiaire de son conseil, Me Kader Sebbar, en application de l'article
L. 1612-15 du code général des collectivités territoriales, en vue d’établir le caractère
obligatoire des dépenses résultant de la prise en charge par la commune de la Saulce, au titre de
la protection fonctionnelle, des honoraires d’avocats engagés dans le cadre d’une plainte pour
harcèlement moral le visant ;
VU
la réponse de la commune de La Saulce, enregistrée au greffe de la chambre le 4 mai 2022 ;
VU
l'ensemble des pièces du dossier ;
Sur le rapport de M. Mickaël Le Mestric, premier conseiller ;
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Après avoir entendu le rapporteur, ainsi que M. Gregory Rzepski, procureur financier, en ses
conclusions et en avoir délibéré en séance de section, conformément à la loi dans la formation
suivante :
-
Mme Axelle Toupet, présidente de section ;
-
M. François-Xavier Volle, premier conseiller ;
-
Mme Fleur Giocanti, première conseillère ;
-
Mme Cyndie Deffin, conseillère ;
-
M. Mickaël Le Mestric, premier conseiller rapporteur ;
SUR LA COMPETENCE DE LA CHAMBRE
Par la lettre du 7 avril 2022 susvisée, M. Gaydon a saisi la chambre sur le fondement des
dispositions de l'article L. 1612-15 du code général des collectivités territoriales, en vue
d’obtenir son avis sur le caractère obligatoire d’une dépense et sur son inscription au budget de
la commune de La Saulce.
A
ux termes de l’article L. 1612-15 du code général des collectivités territoriales : «
Ne sont
obligatoires pour les collectivités territoriales que les dépenses nécessaires à l’acquittement
des dettes exigibles et les dépenses pour lesquelles la loi l’a expressément décidé. La chambre
régionale des comptes saisie, soit par le représentant de l’État dans le département, soit par le
comptable public concerné, soit par toute personne y ayant intérêt, constate qu’une dépense
obligatoire n’a pas été inscrite au budget ou l’a été pour une somme insuffisante. Elle opère
cette constatation dans le délai d’un mois à partir de sa saisine et adresse une mise en demeure
à la collectivité territoriale concernée. (…). ».
L
a saisine de M. Gaydon concerne la prise en charge par la commune de La Saulce de ses frais
d’avocat, au titre de la protection fonctionnelle qui lui a été accordée par délibération du conseil
municipal de La Saulce du 3 décembre 2018. La chambre régionale des comptes est compétente
pour examiner le défaut d’inscription éventuel d’une dépense obligatoire au budget d’une
commune et se prononcer sur le caractère obligatoire d’une telle dépense.
SUR LA RECEVABILITE DE LA SAISINE
1.
Sur la qualité et l’intérêt à agir du demandeur
Aux termes de l'article R. 1612-34 du code général des collectivités territoriales : «
La chambre
régionale des comptes se prononce sur la recevabilité de la demande. Elle constate notamment
la qualité du demandeur et, s'il y a lieu, l'intérêt qu'il a à agir.
».
A
ux termes de l’article 5 du décret n° 2017-97 du 26 janvier 2017 relatif aux conditions et aux
limites de la prise en charge des frais exposés dans le cadre d'instances civiles ou pénales par
l'agent public ou ses ayants droit :
«
Sans préjudice de la convention conclue entre l'avocat et
l'agent au titre de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 susvisée, la collectivité publique
peut conclure une convention avec l'avocat désigné ou accepté par le demandeur et, le cas
échéant, avec le demandeur. La convention détermine le montant des honoraires pris en charge
selon un tarif horaire ou un forfait, déterminés notamment en fonction des difficultés de
l'affaire. Elle fixe les modalités selon lesquelles les autres frais, débours et émoluments sont
pris en charge. Elle règle le cas des sommes allouées à l'agent au titre des frais exposés et non
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compris dans les dépens. La collectivité publique règle directement à l'avocat les frais prévus
par la
convention. La convention peut prévoir que des frais sont pris en charge au fur et à
mesure de leur engagement, à titre d'avances et sur justificatifs. Le règlement définitif intervient
à la clôture de l'instance sur présentation du compte détaillé prévu à l'article 12 du décret du
12 juillet 2005 susvisé.
». Selon l’article 6 du même décret : «
Dans le cas où la convention
prévue à l'article 5 n'a pas été conclue, la prise en charge des frais exposés est réglée
directement à l'agent sur présentation des factures acquittées par lui. Le montant de prise en
charge des honoraires par la collectivité publique est limité par des plafonds horaires fixés par
arrêté conjoint du ministre chargé de la fonction publique, du ministre de la justice et du
ministre chargé du budget. ».
Aux termes de l’article 7 dudit décret
:
«
Si la convention prévue
à l'article 5 comporte une clause en ce sens ou en l'absence de convention, la collectivité
publique peut ne prendre en charge qu'une partie des honoraires lorsque le nombre d'heures
facturées ou déjà réglées apparaît manifestement excessif. Le caractère manifestement excessif
s'apprécie au regard des prestations effectivement accomplies par le conseil pour le compte de
son client, des pièces et des justificatifs produits ou de la nature des difficultés présentées par
le dossier. Lorsque la prise en charge par la collectivité publique ne couvre pas l'intégralité
des honoraires de l'avocat, le règlement du solde incombe à l'agent dans le cadre de ses
relations avec son conseil.
».
La protection organisée pour les agents publics dans le cadre de l’article 11 de la loi n° 83-634
du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, désormais codifié aux articles
L. 134-1 et suivants du code général de la fonction publique, s’apparente à celle offerte aux élus
locaux, et les dispositions du décret précité s’appliquent en conséquence à la prise en charge de
frais exposés par ces derniers dans le cadre d’instances civiles ou pénales occasionnées par
l’exercice de leurs fonctions.
Dans sa saisine enregistrée le 11 avril 2022, M. Gaydon, ancien maire de La Saulce, expose
qu’il a été mis en cause pour des faits de harcèlement moral dans le cadre de ses fonctions par
deux agents municipaux, Mme G. et M.
W. Il a sollicité la protection fonctionnelle de la
commune, laquelle lui a été accordée sans réserve par délibération du conseil municipal du
3 décembre 2018. Si la plainte a fait l’objet d’un classement sans suite par décision du
Procureur de la République en date du 3 août 2019, les plaignants ont respectivement déposé
de nouvelles plaintes les 6 mai 2020 et 23 mars 2021. Un réquisitoire introductif a été pris le
5 octobre 2020 et un réquisitoire supplétif le 16 avril 2021, à l’issue desquels M. Gaydon a été
renvoyé devant le tribunal correctionnel de Gap. A l’issue de l’audience tenue le 31 mars 2022,
l’intéressé a été relaxé par jugement du 25 avril 2022.
M. Gaydon a eu recours aux conseils d’un avocat. Les deux intéressés ont sollicité la commune
de La Saulce à plusieurs reprises en 2020 et 2021 afin d’obtenir le paiement des frais d’avocat,
au titre de la protection fonctionnelle. M. Gaydon fait valoir qu’il n’a pas pu obtenir le
remboursement d’honoraires s’élevant à 13 500
€
TTC. Il demande à la chambre de dire que la
dépense en cause revêt un caractère obligatoire et qu’elle doit être inscrite au budget de la
commune afin qu’il soit remboursé de la dépense exposée. Si la convention d’honoraires
conclue entre M. Gaydon et Me Sebbar n’a pas été validée par la commune de La Saulce et doit
être regardée comme inexistante au sens des dispositions susmentionnées, cette circonstance ne
fait pas obstacle à la recevabilité de la saisine dès lors que cette situation est prévue à l’article
6 du décret du 26 janvier 2017. De même, la circonstance que Me Sebbar n’a produit ni sa
propre sollicitation, ni même celle de son mandant est sans incidence sur la recevabilité de la
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présente saisine dès lors qu’il ressort des pièces du dossier, notamment des courriers produits,
qu’en l’absence d’exécution par le maire de La Saulce de la délibération du 3 décembre 2018
lui octroyant la protection fonctionnelle, M. Gaydon sollicite la résolution du litige par une telle
saisine, et Me Sebbar est mandaté par lui dans le cadre de la procédure de harcèlement moral,
ainsi qu’en atteste la convention d’honoraires établie le 15 avril 2020. Enfin, la facture dont
M. Gaydon entend obtenir la reconnaissance de dépense obligatoire et le remboursement a été
produite. Par suite, les fins de non-recevoir opposées par la commune de La Saulce dans son
mémoire en observations doivent être écartées.
Il résulte de ce qui précède que M. Gaydon, qui bénéficie de la protection fonctionnelle de la
commune et produit une facture d’honoraires de son conseil revêtue de la mention « acquitté »,
a qualité et intérêt à agir.
2.
Sur le caractère complet de la saisine et le délai pour statuer
L’article R. 1612-32, alinéa 1
er
, du code général des collectivités territoriales dispose que «
la
saisine de la chambre régionale des comptes prévue à l’article L. 1612-15 doit être motivée,
chiffrée et appuyée de toutes justifications utiles, et notamment du budget voté et, le cas échéant
des décisions qui l’ont modifié.
». L'article R. 1612-33 de ce même code précise que «
lorsque
l'auteur de la demande n'a pu obtenir les documents budgétaires, le président de la chambre
régionale des comptes se les fait communiquer par le représentant de l'État.
».
M. Gaydon a produit la délibération d’octroi de la protection fonctionnelle en date du
3 décembre 2018, des pièces relatives aux faits allégués de harcèlement moral ainsi que
l’ordonnance du 15 février 2022 de renvoi devant le tribunal correctionnel de Gap. Des pièces
complémentaires ont été transmises par Me Sebbar les 25, 27 et 28 avril 2022 telles que la
convention d’honoraires conclue avec la SCP Sebbar, la note d’honoraires rectificative en date
du 22 avril 2022 pour un montant inchangé de 13 500
€
, des échanges de courrier avec la
commune de La Saulce ainsi que la décision rendue par le tribunal correctionnel de Gap du
25 avril 2022. Ainsi, la saisine est précise quant au montant des sommes en cause, motivée,
circonstanciée et appuyée de justificatifs utiles. Elle est dès lors recevable.
En application de l'article R. 1612-8 du code général des collectivités territoriales, le délai d’un
mois dont dispose pour rendre son avis court à compter de la date de la réception au greffe de
l'ensemble des documents dont la production est requise par l’article R. 1612-32 précité.
Les services de la préfecture des Hautes-Alpes ont transmis à la chambre, par courriel du
22 avril 2022, les documents budgétaires utiles. Le comptable public a transmis l’état de
consommation des crédits par courriel du 3 mai 2022. Enfin, Me Neveu, conseil de la commune
de La Saulce, a produit un mémoire en observations et transmis des pièces nécessaires à
l’instruction par courriel du 3 mai 2022, enregistré au greffe de la chambre le 4 mai 2022. Par
suite, il y a lieu de considérer la saisine comme complète à cette date, à laquelle le délai imparti
à la chambre pour statuer a commencé à courir.
SUR LE CARACTERE OBLIGATOIRE DE LA DEPENSE
Aux termes de l'article L. 1612-15 du code général des collectivités territoriales : «
Ne sont
obligatoires pour les collectivités territoriales que les dépenses nécessaires à l'acquittement
des dettes exigibles et les dépenses pour lesquelles la loi l'a expressément décidé. (…).
». Selon
l'article L. 2321-2 du code général des collectivités territoriales : «
Les dépenses obligatoires
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comprennent notamment : (…) 32° L’acquittement des dettes exigibles ; (…).
». Aux termes de
l’article R. 1612-35 du même code : «
La chambre régionale des comptes se prononce sur le
caractère obligatoire de la dépense. Si la dépense est obligatoire et si la chambre constate
l'absence ou l'insuffisance des crédits nécessaires à sa couverture, elle met en demeure la
collectivité ou l'établissement public concerné d'ouvrir lesdits crédits par une décision
modificative au budget.
». Selon l’article R. 1612-36 de ce code : «
Si la chambre régionale des
comptes constate que la dépense n'est pas obligatoire ou que les crédits inscrits sont suffisants
pour sa couverture, elle notifie sa décision, qui est motivée, à l'auteur de la demande, à la
collectivité ou à l'établissement public concerné et, s'il n'est pas l'auteur de la demande, au
représentant de l'Etat.
».
Il ressort par ailleurs des dispositions de l’article L. 1612-15 précité, que la chambre régionale
des comptes ne peut constater qu’une dépense est obligatoire pour une collectivité territoriale
et mettre celle-ci en demeure de l’inscrire à son budget qu’en ce qui concerne les dettes échues,
certaines, liquides et non sérieusement contestées, dans leur principe ou dans leur montant
quelle que soit l’origine de l’obligation dont procède la dette.
1.
Dette échue
Il ressort des pièces du dossier qu’une convention d’honoraires a été conclue entre M. Gaydon
et la SCP Sebbar le 15 avril 2020 et que celle-ci a pour objet de fixer les bases de la
rémunération de Me Sebbar pour ses interventions dans la procédure qui oppose le demandeur
à Mme G. et à M. W., dans le cadre de plaintes pour les faits de harcèlement moral à l’origine
de l’octroi de la protection fonctionnelle. Celle-ci prévoit le taux horaire d’accomplissement
des diligences par son conseil et un forfait total de 75 heures à un taux horaire de 180
€
HT.
Il ressort également des pièces du dossier que M. Gaydon a saisi la chambre sur la base d’une
facture en date du 22 avril 2021 pour un montant de 13 500
€
correspondant aux honoraires
facturés dans le cadre de la procédure pénale devant le juge d’instruction, ainsi que cela est
mentionné sur le document. Le demandeur a produit au cours de l’instruction une facture
rectificative en date du 22 avril 2022 pour un montant inchangé, intégrant le détail des
diligences faites par son conseil devant le juge d’instruction et la juridiction de jugement. Dans
ces conditions, la dette est exigible au regard des factures produites et des prestations réalisées.
Par suite, la dépense en litige, née d’une convention, dans le cadre d’une protection
fonctionnelle octroyée sans réserve à M. Gaydon, doit être regardée comme échue.
2.
Dette liquide
Les factures des 22 avril 2021 et 22 avril 2022 ainsi que l’attestation sur l’honneur produite le
24 mai 2022 sont claires et précises sur le montant facturé à M. Gaydon, soit la somme de
13 500
€
TTC, au regard des prestations assurées par son conseil. La détermination de sommes
réclamées est clairement mentionnée dans le total de la facture. Dans ces conditions et
nonobstant certaines insuffisances, la dette en litige doit être regardée comme liquide.
3.
Dette non sérieusement contestée
Ainsi qu’il a été dit précédemment, que, pour être obligatoire, la dette ne doit pas être
sérieusement contestée, dans son principe ou montant. Le caractère sérieux de la contestation
s’apprécie à partir des documents fournis à la chambre, notamment la correspondance écrite
entre les parties.
6/8
A
ux termes de l’article L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales : «
La
commune est tenue d'accorder sa protection au maire, à l'élu municipal le suppléant ou ayant
reçu une délégation ou à l'un de ces élus ayant cessé ses fonctions lorsque celui-ci fait l'objet
de poursuites pénales à l'occasion de faits qui n'ont pas le caractère de faute détachable de
l'exercice de ses fonctions. (…).
». Selon l’article L. 2123-35 de ce code : «
Le maire ou les élus
municipaux le suppléant ou ayant reçu délégation bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions,
d'une protection organisée par la commune conformément aux règles fixées par le code pénal,
les lois spéciales et le présent code.
La commune est tenue de protéger le maire ou les élus
municipaux le suppléant ou ayant reçu délégation contre les violences, menaces ou outrages
dont ils pourraient être victimes à l'occasion ou du fait de leurs fonctions et de réparer, le cas
échéant, le préjudice qui en est résulté. (…).
». Aux termes de l’article 1
er
du code de procédure
pénale : «
L’action publique pour l’application des peines est mise en mouvement et exercée
par les magistrats ou par les fonctionnaires auxquelles elle est confiée par la loi. - Cette
action peut aussi être mise en mouvement par la partie lésée, dans les conditions déterminées
par le présent code.
». Selon l’article 40 du même code :
« Le procureur de la République reçoit
les plaintes et les dénonciations et apprécie la suite à leur donner conformément aux
dispositions de l'article 40-1.
». Aux termes de son article 40-1 : «
Lorsqu'il estime que les faits
qui ont été portés à sa connaissance en application des dispositions de l'article 40 constituent
une infraction commise par une personne dont l'identité et le domicile sont connus et pour
laquelle aucune disposition légale ne fait obstacle à la mise en mouvement de l'action publique,
le procureur de la République territorialement compétent décide s'il est opportun : 1° Soit
d'engager des poursuites ; 2° Soit de mettre en
œ
uvre une procédure alternative aux poursuites
en application des dispositions des articles 41-1 ou 41- 2 ; 3° Soit de classer sans suite la
procédure dès lors que les circonstances particulières liées à la commission des faits le
justifient.
». Enfin, selon son article 85 : «
Toute personne qui se prétend lésée par un crime ou
un délit peut en portant plainte se constituer partie civile devant le juge d'instruction compétent
en application des dispositions des articles 52, 52-1 et 706-42.
».
Il est constant que M. Gaydon a obtenu la protection fonctionnelle de la commune dont il était
maire dans le cadre d’une plainte pour harcèlement moral déposée contre lui, dans la cadre des
dispositions des articles L. 2123-34 et L. 2123-35 du code général des collectivités territoriales.
Le champ d’application de la protection fonctionnelle s’étend au maire lorsque celui-ci fait
l'objet de poursuites pénales à l'occasion de faits qui n'ont pas le caractère de faute détachable
de l'exercice de ses fonctions. Si la procédure pour harcèlement dans laquelle M. Gaydon a été
mis en cause a fait l’objet d’un classement sans suite par décision du Procureur de la République
le 3 août 2019 pour infraction insuffisamment caractérisée, Mme G. et M. W. ont déposé de
nouvelles plaintes avec constitution de partie civile respectivement les 6 mai 2020 et 23 mars
2021, procédure prévue à l’article 85 du code de procédure pénale, et M. Gaydon a été renvoyé
devant le tribunal correctionnel de Gap, par ordonnance du 18 janvier 2022, à une audience qui
s’est tenue le 31 mars 2022. Des poursuites judiciaires ont ainsi été engagées contre ce dernier
et cette circonstance constitue une mise en mouvement de l’action publique dans le cadre d’une
procédure qui constitue le prolongement de la première procédure, et qui est dès lors couverte
par la protection fonctionnelle accordée le 3 décembre 2018. Dans ces conditions,
contrairement à ce que soutient la commune, les frais que M. Gaydon a engagés pour
l’ensemble de la procédure et dont il demande le remboursement par la collectivité entrent dans
le champ de la protection fonctionnelle octroyée sans réserve. La circonstance que la commune
n’a pas approuvé la convention n’a aucune incidence sur l’existence même de la dette. Elle
induit seulement, à l’aune des dispositions du décret n° 2017-97 du 26 janvier 2017 précité, que
le créancier n’est pas le cabinet d’avocat mais M. Gaydon lui-même. Par suite, l’existence de
cette dette n’est pas sérieusement contestée dans son principe.
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En application des dispositions précitées de l’article 7 du décret n° 2017-97 du 26 janvier 2017,
la commune de La Saulce est en droit de contrôler que le bénéficiaire de la protection
fonctionnelle n’a pas engagé de dépenses excessives au regard de l’action en cause, dès lors
que la convention d’honoraires versée au dossier n’a pas fait l’objet d’un accord de sa part, et
qu’elle n’est ainsi pas tenue de rembourser l’intégralité des honoraires facturés. Si Me Sebbar
soutient que la somme de 13 500
€
est juste et proportionnée au regard de la nature et du contenu
du dossier, qu’elle est justifiée par les nombreuses diligences qu’il a effectuées et par la
poursuite de son client devant le tribunal correctionnel de Gap, il ne l’établit pas. Il ne produit
aucun élément précis sur l’adéquation du travail réalisé et des prestations assurées au regard du
risque encouru par son client. En revanche, il ressort des observations de la commune de La
Saulce et d’autres pièces du dossier, qui contiennent des éléments relatifs à la nature et aux
difficultés du dossier, ainsi que des pratiques tarifaires de la profession et de la jurisprudence
administrative pour de telles affaires, que les honoraires exposés pour la défense de M. Gaydon
sont susceptibles d’apparaitre manifestement excessifs au sens des dispositions précitées de
l’article 7 du décret n° 2017-97. En particulier, Mme A., mise en cause par les plaignants au
même titre que M. Gaydon n’a sollicité la prise en charge d’honoraires d’avocats qu’à hauteur
de la somme de 792
€
. Elle a néanmoins bénéficié, comme lui, d’un classement sans suite en
août 2019 au motif d’une infraction insuffisamment caractérisée, et a également été relaxée par
jugement du 25 avril 2022.
Au surplus, ainsi que le fait valoir la commune de La Saulce, le caractère potentiellement
excessif des honoraires apparait aggravé par la hausse inopinée et inexpliquée des honoraires
facturés par Me Sebbar entre février et avril 2021, passant de 7 200
€
à 13 500
€
.
Par ailleurs, le montant facturé ne correspond pas totalement aux prévisions de la convention
d’honoraires du 15 avril 2020, et les mentions contenues dans les factures subséquentes
comportent de nombreuses erreurs sur les bases de liquidation et les calculs des montants HT
et TTC.
Enfin, l’attestation sur l’honneur produite par Me Sebbar le 24 mai 2022 pour justifier de
l’acquittement de sa dette par son client n’établit pas que les sept chèques qui lui ont été remis
auraient tous été encaissés et constitueraient M. Gaydon créancier de la commune de La Saulce
à hauteur de l’intégralité de la somme de 13 500
€
. Cette attestation démontre
a contrario
que,
lors de la première présentation de la facture d’honoraires d’avril 2021 à la commune de La
Saulce, la mention «
acquitté
» qui y figure était injustifiée dès lors que quatre des sept chèques
avaient été émis postérieurement à son établissement et que trois de ces chèques étaient en outre
postérieurs à la facture modificative d’avril 2022. Il suit de là que M. Gaydon n’établit pas s’être
acquitté du règlement intégral de la somme de 13 500
€
dont il réclame le remboursement à la
commune de La Saulce.
Dans ces conditions, la dépense en cause ne saurait être regardée comme certaine dans son
montant dès lors qu’elle fait l’objet d’une contestation sérieuse par la commune de La
Saulce. Par suite, elle n’a pas le caractère d’une dépense obligatoire.
8/8
PAR CES MOTIFS :
Article 1
er
:
DECLARE
recevable la saisine de M. Gaydon.
Article 2
:
CONSTATE
que la dépense dont M. Gaydon demande l’inscription au
budget de la commune de La Saulce n’a pas un caractère obligatoire.
Article 3
:
DIT
que le présent avis sera notifié à la préfète des Hautes-Alpes, à Me Neveu,
représentant le maire de La Saulce, à Me Sebbar, représentant M. Gaydon, et
au comptable de la commune.
Article 4
:
RAPPELLE
que le conseil municipal doit être tenu informé, dès sa plus
proche réunion, du présent avis conformément aux dispositions de l'article
L. 1612-19 du code général des collectivités territoriales.
Fait et délibéré en la chambre régionale des comptes Provence-Alpes-Côte d’Azur, le
2 juin 2022.
Présents : Mme Axelle Toupet, présidente de section, présidant la séance, M. François-
Xavier Volle,
premier
conseiller,
Mme
Fleur
Giocanti,
première
conseillère,
Mme Cindy Deffin, conseillère, M. Mickaël Le Mestric, premier conseiller rapporteur.
La présidente de la troisième section,
présidente de séance,
Axelle TOUPET
Voies et délais de recours (article R. 421-1 du code de justice administrative) : la présente décision peut être
attaquée devant le tribunal administratif territorialement compétent dans un délai de deux mois à compter de sa
notification.