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Monsieur Pierre MOSCOVICI
Premier président
Cour des comptes
13 rue Cambon,
75100 Paris Cedex 01
Paris, le 9 septembre 2022
Monsieur le Premier président,
Je vous prie de bien vouloir trouver ci-après les éléments de réponse que je souhaite apporter aux
observations définitives de la Cour des comptes sur les exercices 2013 à 2020 du médiateur national
de l’énergie.
À titre liminaire, je note que la Cour des comptes reconnaît les efforts fournis par le médiateur national
de l’énergie au cours des années passées pour améliorer sa productivité
avec des moyens financiers
et humains en baisse.
Je regrette toutefois
l’usage
de titres parfois excessifs au regard du contenu du paragraphe :
Il en est ainsi, par exemple, du point 2.3.6 intitulé «
Des déplacements non conformes aux règles
»,
qui laisse entendre
qu’il existerait
une pratique irrégulière généralisée en matière de déplacements,
ce qui est inexact.
Il en est de même du titre du point 2.4.3 «
Marchés formalisés : un respect inégal des règles
applicables
», qui pourrait laisser croire que les règles du code de la commande publique sont
souvent méconnues. Or les deux points relevés par la Cour portent sur le formalisme de la
procédure ; les règles de la concurrence ont toujours été respectées lors de la passation et
l’attribution
des marchés publics. Des économies substantielles ont
d’ailleurs
été réalisées.
Les sept recommandations de la Cour feront l’objet de
remarques, qui seront suivies de
développements sur quelques autres points soulevés par la Cour dans son argumentation.
Recommandation n° 1 : Exclure le recours au médiateur national de l’énergie par les
collectivités territoriales.
Le médiateur national de l’énergie
souscrit à
la recommandation de la Cour d’exclure les collectivités
locales de son champ de compétence ; il considère
qu’il
serait néanmoins opportun de conserver la
possibilité de le saisir pour les collectivités de petite taille ; il propose de leur appliquer les mêmes
critères que ceux qui définissent sa compétence pour les micro entreprises (moins de 10 salariés ou
agents
et jusqu’à 2 millions d’euros de ressources).
En effet, les autres collectivités bénéficient de
ressources humaines (à savoir : des services juridiques et techniques) et financières suffisantes pour
leur permettre de faire face à des litiges sur leur approvisionnement en énergie.
Conserver cette compétence pour les collectivités les moins armées face aux fournisseurs serait
d’ailleurs
en cohérence avec la philosophie du rôle du
médiateur national de l’énergie
.
2
Recommandation n° 2 : Inciter les fournisseurs à régler directement les litiges avec leur
clientèle et, si nécessaire, renforcer leurs obligations réglementaires.
Le médiateur national de l’énergie
partage l’avis de la Cour sur le fait que la responsabilisation des
fournisseurs constitue un enjeu important. Par ses prises publiques de paroles et ses recommandations
génériques, il
incite d’ailleurs régulièrement les opérateurs à mieux traiter les réclamations de leurs
clients.
Recommandation n° 3 : Prendre les dispositions nécessaires pour clarifier la situation du MNE
au regard du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et
comptable publique.
L
e médiateur national de l’énergie partage le constat de la Cour sur l’urgence qu’il y a à clarifier
la situation du médiateur national de l’énergie
au regard du décret n° 2012-1246 du
7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, dit «
décret GBCP
». En
revanche, contrairement à la Cour, il constate que le décret «
GBCP
»
n’est
manifestement pas
applicable au médiateur national de l’énergie.
Le décret «
GBCP
» est certes mentionné
à l’article R.122
-
10 du code de l’énergie
1
, mais ce décret
«
GBCP
» dispose lui-
même expressément à l’article 5
qu’il n’est pas applicable aux auto
rités publiques
indépendantes : «
Par dérogation au 4° de l'article 1er et au premier alinéa de l'article 3, les dispositions
du présent décret ne s'appliquent pas
(…)
aux autorités publiques indépendantes
(…)
».
Or, le médiateur national de l’énergie
a été expressément qualifié
d’autorité
publique indépendante par
l’
article L.122-
5 du code de l’énergie
, à la
suite de l’entrée en vigueur
des dispositions de la loi du
20 janvier 2017 «
portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités
publiques indépendantes »
. Dans la mesure où la loi postérieure prime sur le décret, le décret «
GBCP
»
ne doit pas s’appliquer au médiateur national de l’énergie.
Il est vrai que, lorsque le décret «
GBCP
» a été publié, la qualification «
autorité publique
indépendante
» n’avait pas encore été expressément reconnue au médiateur national de l’énergie
, qui
en avait néanmoins tous les attributs (puisque doté de la personnalité morale et de l’autonomie
financière). Toutefois, même à ce moment-
là, l’applicabilité du décret «
GBCP
» était douteuse.
En effet, l’article R. 122
-
10 du code de l’éner
gie prévoit que «
Le décret n° 2012-1246 du 7 novembre
2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique est applicable au médiateur qui est, pour
l'application de ces dispositions, assimilé à un établissement public administratif dans des conditions
précisées par un arrêté du ministre chargé de la comptabilité publique
. » (nous soulignons).
Or, ainsi que le relève
d’ailleurs
la Cour des comptes dans ses observations définitives, «
cet arrêté n’a
jamais été pris
» (page 37). Il y a donc, en tout
état de cause, un doute sérieux sur l’applica
tion, par
dérogation, de ce
décret, en l’absence du texte d’application.
Dès lors que le médiateur national de l’énergie a été expressément qualifié par la loi «
autorité publique
indépendante
», ce sont
ipso facto
les dispositions de la loi n° 2017-55 du 20 janvier 2017 portant statut
général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes qui
doivent s’appliquer, car, à
compter de l’entrée en vigueur de ce texte, les dispo
sitions antérieures
contraires se trouvent frappées de caducité, et il aurait été plus clair que
l’administration
corrige le code
de l’énergie en conséquence.
L
e médiateur national de l’énergie s’était d’ailleurs inquiété de cette question, puisqu’il a
vait consulté
plusieurs organismes sur le sujet ; dans une réponse commune de juin 2017, la Direction du budget et
la Direction générale des finances publiques lui avaient indiqué que :
« En concertation avec le bureau 2B2O de la DGFiP, concernant votre questionnement, voici nos
éléments de réponse :
1
Issu du décret n° 2007-1504 du 19 octobre 2007
relatif au médiateur national de l’énergie
3
Depuis le 22 janvier 2017 et l'entrée en vigueur de la loi n° 2017-55 du 20 janvier 2017 portant statut
général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes, l'article
L. 122-5 du code de l'énergie qualifie expressément le médiateur de l'énergie d'Autorité Publique
Indépendante (API).
Avant le 22 janvier 2017, votre régime était le suivant
: la médiation nationale de l’énergie est dotée de
la personnalité morale et de l
’autonomie financière.
Son budget est arrêté par les ministres chargés
respectivement de l’économie, de l’énergie et de la consommation sur sa proposition. Son financement
est assuré par l’Etat.
Depuis le 22 janvier 2017 : le médiateur national de l'énergie est une
autorité publique indépendante
,
dotée de la personnalité morale et de l'autonomie financière. Son budget est arrêté par les ministres
chargés respectivement de l'économie, de l'énergie et de la consommation sur sa proposition. Son
financement est assuré par l'Etat.
En tant qu'API, vous êtes normalement exclu du décret GBCP (cf. article 5). Pourtant, l'article R. 122-
10 du code de l'énergie vous soumet au décret GBCP avec un renvoi à un arrêté du ministre du budget
(arrêté de 2007) qui indique l'application du Plan Comptable Général (comptabilité privée), ce qui est
en contradiction directe avec la soumission à la comptabilité publique.
Cette contradiction nécessite une modification réglementaire de vos textes institutifs : le médiateur de
l'énergie, comme toutes les API, ne doit pas appliquer le décret GBCP
. »
À
la suite du relevé d’observations provisoires de la Cour des comptes,
le médiateur national de
l’énergie a de nouveau consulté la D
irection du budget en mai 2022 et la réponse apportée par le bureau
des opérateurs
et des organismes publics de l’É
tat le 18 mai 2022
est la même qu’
en 2017.
La chronologie des textes et leur articulation montre donc clairement que le décret «
GBCP
» ne
s’applique pas
au médiateur national de l’énergie
,
depuis qu’il a été qualifié par la loi d’
«
autorité
publique indépendante
».
Le
médiateur national de l’énergie
insiste sur l
’
incertitude qui résulte des textes contradictoires,
qui pourraient conduire à la mise en cause de la responsabilité du comptable public, voire de
l’ordonnateur.
Pour écarter tout risque juridique pesant sur les acteurs de la chaîne comptable,
il lui paraît impératif
que l’administration prenne rapidement les textes
permettant de mettre un
terme à ces incertitudes.
Recommandation n° 4 : Renforcer le pilotage et l’information budgétaires, en indiquant
notamment les principaux postes de dépenses et, le cas échéant, les évolutions significatives
par rapport aux exercices précédents.
Le médiateur
national de l’énergie
prend acte des difficultés rencontrées par la Cour pour comprendre
les changements de périmètres
comptables et s’attachera à mieux les documenter dans ses prochains
RAP et PAP, en cas de modification.
Par ailleurs, la Cour estime que les indicateurs retenus pour mesurer la performance des différents
programmes de la mission 3
« piloter la performance du MNE »
ne sont pas entièrement satisfaisants ;
le médiateur national de l’énergie
s’efforcera d’améliorer se
s pratiques.
Recommandation n° 5 : Réduire le niveau des ressources (subvention) allouées au médiateur
national de l’énergie
,
afin d’utiliser la trésorerie disponible et mettre fin à l’augmentation
régulière du fonds de roulement.
Le
médiateur national de l’énergie
partage les observations de la Cour sur la nécessité de réduire son
fonds de roulement.
Dans sa proposition budgétaire pour 2023, il propose d’ailleurs d’opérer un
prélèvement de 1 414
899 €.
Il précise néanmoins que, malgré le fait que le versement de sa subvention
budgétaire ne soit plus conditionné à la publication d’un arrêté interministériel,
son versement est
toujours tardif et non automatique. Ainsi, en 2021 et en 2022, la subvention ne lui a été versée que la
première semaine de mars, après
qu’il a
dû relancer la DGEC. Aucune procédure
« automatisée »
de
versement de la subvention budgétaire du
médiateur national de l’énergie
n’a été mise en place
, et,
chaque année, les services du
médiateur national de l’énergie
sont contraints de prendre contact avec
la DGEC pour lui demander de préparer une décision attributive de financement, visée par le secrétariat
général
pour autorisation d’engagement.
4
Dans ces conditions,
le maintien d’un
fonds de roulement de 4 mois, qui permet de sécuriser les
paiements du médiateur national de l’énergie pendant les premiers mois de l’année, et notamment le
versement des salaires, s’avère nécessaire.
Recommandation n° 6: Adopter un cadre de gestion des personnels contractuels, comportant
notamment une grille de rémunérations.
Le
médiateur national de l’énergie
souligne
qu’à l’exception des postes de chargé de mission /juriste,
cette recommandation est difficile à mettre en œuvre, dans la mesure où chaque poste est quasiment
unique, et où le
salaire d’embauche est défini en fonction de l’âge, du profil et de l’expérience de la
personne recrutée.
Par ailleurs, l
’absence de dispositions de type avancement automatique (GVT et autres) et
le
«
turnover
» lié notamment à des embauches exclusivement en CDD
d’une durée inférieure ou égale à
3 ans, conduisent à définir une politique de rémunération plus individualisée que ce qui est
généralement pratiqué dans la fonction publique, et qui encourage la performance individuelle.
Ces précisions étant faites, le médiateur national de l’énergie va s’efforcer d’adopter un cadre de gestion
avec
des lignes directrices permettant d’objectiver les rémunérations et leur évolution.
Recommandation n° 7 : Utiliser plus largement les possibilités de modulation de la part
variable de la rémunération liée à la performance individuelle, sur la base d’entretiens
d’évaluation.
L’appréciation de la Cour selon laquelle l’attribution des primes est trop faiblement liée à la performance
individuelle
paraît excessive. En effet, la performance individuelle de chaque collaborateur fait l’objet
d’une évaluation en fin d’année sur la base des objectifs fixés. Le médiateur national de l’énergie insiste
sur le fait que la prime de fin d’année n’est pas un t
reizième mois, mais une prime de performance qui
constitue un levier de motivation des personnels
et un élément d’attractivité.
Le
médiateur national de l’énergie
a d’ores et déjà tenu
compte des préconisations de la Cour, en
précisant davantage, dans sa décision relative à la politique salariale,
les modalités d’attribution de la
prime de fin d’année et en encadrant les conditions de versement d
es primes exceptionnelles. Les
conditions générales d’emploi vont par ailleurs faire l’objet d’une mise à jour.
Points divers développés par la Cour mais n’ayant pas fait l’objet de recommandations
spécifiques
1
–
L
e médiateur national de l’énergie et les
médiateurs d’entreprise
(EDF et ENGIE)
La Cour indique qu’elle ne «
remet
(…)
pas en question la
dualité de la médiation
» (page 5), c’est
-à-
dire la coexistence du médiateur national de l’énergie et de dispositifs de médiation interne.
Le
médiateur national de l’énergie indique qu’il
est réservé
sur l’existence de
ces deux «
médiateurs
»
d’entreprise (EDF et
ENGIE).
En effet, la multiplicité des dispositifs dits «
de médiation
» désoriente les consommateurs et retarde
l
’entrée dans le cadre général de médiation, qu’est la saisine du médiateur national de l’énergie,
qui est
le médiateur sectoriel public institué par la loi, dont le statut lui confère une véritable indépendance par
rapport aux entreprises concernées.
Le médiateur
national de l’énergie confirme qu’il
est défavorable, pour les mêmes raisons, à la création
de nouveaux dispositifs de médiation interne au sein des entreprises
du secteur de l’énergie.
2- L
a possibilité pour le médiateur national de l’énergie de «
déréférencer
» des offres de son
comparateur
d’offres
La Cour indique que «
Le MNE souhaiterait que cette faculté de « déréférencement » lui soit
explicitement dévolue dans les textes
. »
; le médiateur national de l’énergie confirme qu’une telle
évolution permettrait de renforcer juridiquement cette possibilité, qui est
aujourd’hui uniquement
prévue
dans la Charte d’utilisation
du comparateur signée par les fournisseurs.
5
3
–
L
e nécessaire respect de l’autonomie de gestion du médiateur national de l’énergie
La Cour suggère de «
confier une partie de la gestion à une structure publique disposant des moyens
adéquats
»
. Le médiateur national de l’énergie n’est pas convaincu que cette démarche puisse être
étendue davantage
qu’elle ne l’est actuellement
sans porter atteinte à son indépendance ; des
perspectives existent (organismes de formation, médecine du travail), mais elles paraissent limitées.
4
–
Les déplacements visés par la Cour ont été effectués conformément aux règles applicables
L’intitulé du point 2.3.6 («
Des déplacements non conformes aux règles
»)
laisse entendre qu’il existerait
une pratique irrégulière généralisée en matière de déplacements, ce qui est inexact. Ce développement
de la Cour ne concerne en réalité qu’un seul agent du médiateur national de l’énergie, qui bénéficiait à
titre personnel de possibilités de déplacement à prix réduit.
L
e médiateur national de l’énergie confirme que ses agents effectuent
très peu de déplacements, et
qu’ils voyagent en seconde
classe
lorsque c’est le cas
, avec un ordre de mission signé par la directrice
générale des services.
5
–
Les marchés publics ont été attribués conformément aux règles applicables
Concernant le point 2.4.3 («
Marchés formalisés : un respect inégal des règles applicables
»)
, l’examen
de la Cour a révélé principalement deux points portant sur le formalisme de la procédure :
Une motivation lapidaire pour une déclaration d’infructuosité
, mais qui a été sans impact sur le
classement final des offres ;
Le choix d’une variante par rapport à une offre de base
plus onéreuse, sans impact sur
l’attributaire du marché.
Dans les deux cas, des économies substantielles ont été réalisées. En tout état de cause, les règles de
la concurrence ont été parfaitement respectées lors de la passation
et l’attribution
de
l’en
semble des
marchés publics. Enfin, le Guide des achats a été mis à jour, conformément aux préconisations de la
Cour.
6
–
La cohérence du schéma immobilier
Le médiateur national de l’énergie partage les interrogations de la Cour sur
les conditions
d’exécution
du schéma immobilier, et sur les explications apportées par le président de la
Commission de régulation de l’énergie.
Je vous prie de bien vouloir agréer, Monsieur le Premier président
, l’assurance de mes sentiments
les meilleurs.
Olivier CHALLAN BELVAL
Médiateur national de l’énergie