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QUATRIÈME CHAMBRE
S-2022-1137
QUATRIÈME SECTION
OBSERVATIONS DÉFINITIVES
(Article R. 143-11 du code des juridictions financières)
LA POLITIQUE MUSÉALE DU
MINISTÈRE DES ARMÉES
Exercices 2014-2021
Le présent document
, qui a fait l’objet d’une contradiction avec les destinataires concernés,
a été délibéré par la Cour des comptes, le 08 juin 2022.
En application de l’article L
. 143-1 du code des juridictions financières, la communication de
ces observations est une prérogative de la Cour des comptes, qui a seule compétence pour
arrêter la liste des destinataires.
LA POLITIQUE MUSÉALE DU MINISTÈRE DES ARMÉES
2
TABLE DES MATIÈRES
SYNTHÈSE
....................................................................................................................
5
LISTE DES RECOMMANDATIONS
......................................................................
11
INTRODUCTION
...................................................................................................
12
1
DES ACTEURS DIVERS, UNE ORGANISATION PEU LISIBLE
..................
14
1.1
Le ministère des armées comprend deux types de musées
............................
14
1.1.1 Les trois établissements publics, « vaisseaux amiraux » du patrimoine muséal
du ministère
.....................................................................................................
14
1.1.2 Les autres institutions muséales du ministère, un ensemble composite
..........
16
1.1.2.1
Une typologie complexe
.......................................................................................
16
1.1.2.2
Un focus sur les musées d’armes de l’armée
de Terre, le « quatrième musée de
France »
................................................................................................................
17
1.2
Instances de tutelle et de coordination, des transversalités à établir
..............
19
1.2.1 La direction des patrimoines, de la mémoire et des archives devenue direction
de la mémoire, de la culture et des archives
....................................................
19
1.2.2 Les délégations au patrimoine au sein des états-majors
..................................
20
1.2.2.1
La délégation au patrimoine de l’armée de terre, vivier d’expertise pour l’état
-
major
....................................................................................................................
20
1.2.2.2
Le délégué au patrimoine de l’armée de l’air et de l’espace, un effectif réduit et à
« temps partiel »
...................................................................................................
20
1.2.2.3
Le délégué au patrimoine de la marine, relativement isolé
..................................
21
1.2.3 Organisation des relations et coordination entre les acteurs de la chaîne
muséale : des améliorations et des marges de progrès
....................................
21
1.2.3.1
Un mécanisme de suivi des collections à clarifier
................................................
22
1.2.3.2
L’attribution des subventions aux associations
par la DPMA/DMCA doit être
coordonnée avec les DelPat
..................................................................................
25
1.3
Une évolution nécessaire du cadre juridique des musées d’armes de l’armée
de terre
............................................................................................................
25
1.3.1 Le
rôle considérable que continuent de jouer certaines associations d’amis est
révélateur de l’inadaptation du statut des musées d’armes
.............................
27
1.3.2
La réforme du statut des musées d’armes, un chantier qui doit être relancé
... 30
1.3.2.1
La piste du rattachement des m
usées d’armes au musée de l’armée
:
l’établissement public et l’état
-
major de l’armée de Terre se retrouvent au milieu
du gué
...................................................................................................................
30
1.3.2.2
La piste du service à compétence nationale : des précédents convaincants au
ministère de la culture
..........................................................................................
32
1.3.2.3
La piste d
u Groupement d’Intérêt Public local et sa possible expérimentation sur
un des pôles muséaux
...........................................................................................
32
1.4
Une relation à conforter avec le ministère de la culture
.................................
34
2
DES MISSIONS HÉTÉROGÈNES QUI NE FONT PAS UNE STRATÉGIE ...37
2.1
La politique muséale se cherche au sein des orientations mémorielles et
culturelles
.......................................................................................................
38
2.2
Les missions et orientations des établissements publics sont multiples et
théoriquement financées
.................................................................................
39
2.2.1 Des missions réglementaires exigeantes
.........................................................
39
LA POLITIQUE MUSÉALE DU MINISTÈRE DES ARMÉES
3
2.2.1.1
Les missions inscrites au code de la défense : leur réécriture en cours est
nécessaire et reste à finaliser
................................................................................
39
2.2.1.2
Le socle intangible des missions inscrites au code du patrimoine
........................
40
2.2.2 Les objectifs inscrits dans les outils de pilotage : rayonnement, attractivité et
soutenabilité du modèle économique
..............................................................
41
2.2.2.1
Les contrats d’objectifs et de performance (COP) fixent les objectifs stratégiques
41
2.2.2.2
Les projets scientifiques et culturels, atout majeur et obligation réglementaire ...41
2.2.2.3
Les lettres de mission aux directeurs
....................................................................
42
2.2.3 Un avenir marqué par les objectifs ambitieux du chantier 15
.........................
43
2.3
La double mission des musées d’armes
.........................................................
44
2.3.1
L’Ambition 2019
: une politique muséale pour l’armée de terre, visionnaire et
non financée
....................................................................................................
45
2.3.1.1
Les hommes : assurer et
socler
l’effectif requis
...................................................
45
2.3.1.2
Valoriser les collections
.......................................................................................
46
2.3.1.3
Rénover et adapter les espaces muséaux
..............................................................
46
2.3.1.4
Les suites hésitantes données à l’Ambition
..........................................................
46
2.3.1.5
Sortir de l’impasse
en replaçant la politique muséale du ministère à l’échelle
ministérielle
..........................................................................................................
47
2.3.2
L’armée de l’air et de l’espace ajuste ses ambitions à ses moyens
.................
49
2.3.3 Une fonction patrimoine embryonnaire au sein de la marine nationale
..........
50
3
DES RÉSULTATS DE L’A
CTIVITÉ MUSÉALE ENCOURAGEANTS MAIS
QUI RESTENT FRAGILES
................................................................................
51
3.1
Les collections : une connaissance lacunaire, une conservation imparfaite ..52
3.1.1 Des collections dont le statut est en cours de clarification
..............................
52
3.1.1.1
Des collections hétérogènes
.................................................................................
52
3.1.1.2
Les enjeux d
u système d’information Archange
..................................................
54
3.1.2 Inventaire et récolement : un retard à combler
................................................
55
3.1.2.1
Des inventaires non exhaustifs et non réglementaires
..........................................
55
3.1.2.2
Un récolement toujours incomplet
.......................................................................
56
3.1.3 La conservation des collections : plusieurs points de vigilance
......................
58
3.1.4
L’enrichissement des collections
.....................................................................
60
3.2
Une fréquentation à dynamiser, à partir d’une étude des publics à
professionnaliser
.............................................................................................
61
3.2.1 Une fréquentation en retrait par rapport à la tendance générale
......................
61
3.2.2 La connaissance des publics doit être approfondie
.........................................
63
3.2.3 Une relation avec le public à développer
........................................................
65
4
DES MOYENS ET DES RESSOURCES INSUFFISANTS AU REGARD DES
AMBITIONS
........................................................................................................
68
4.1
Des ressources financières sous-dimensionnées
............................................
68
4.1.1
L’insuffisance des ressources propres
.............................................................
68
4.1.2 Un financement budgétaire du fonctionnement à géométrie variable
.............
70
4.1.2.1
Les trois établissements publics muséaux, soutenus à bout de bras en période de
crise sanitaire
........................................................................................................
70
4.1.2.2
Soutien sporadique et canaux perfectibles en direction des musées d’armes
.......
71
4.1.3
Les difficultés de financement des projets d’investissement
..........................
71
4.1.3.1
Les trois musées nat
ionaux bénéficient très majoritairement de l’effort budgétaire
ministériel
.............................................................................................................
71
LA POLITIQUE MUSÉALE DU MINISTÈRE DES ARMÉES
4
4.1.3.2
Les musées des armées, directions et services, parents pauvres de la politique
muséale
.................................................................................................................
72
4.1.3.3
Une impasse budgétaire pour l’ambition muséale 2030 de l’armée de Te
rre
.......
74
4.1.4
Des procédures budgétaires à disposition, qu’il convient d’utiliser
................
75
4.2
Les ressources humaines
................................................................................
76
4.2.1 Les ressources humaines des trois établissements publics
..............................
76
4.2.2
Les ressources humaines dans les musées d’armes
.........................................
77
4.3
Les moyens immobiliers
................................................................................
79
4.3.1 Une mise à jour des actes nécessaire
...............................................................
79
4.3.1.1
Les établissements publics muséaux
....................................................................
79
4.3.1.2
Les musées de l’armée de terre
............................................................................
81
4.3.2 Des schémas pluriannuels de stratégie immobilière bientôt finalisés
.............
81
4.4
Les mutualisations promues par la tutelle : une initiative à encourager, des
gains à évaluer
................................................................................................
82
4.4.1 Des mutualisations entre établissements publics encore insuffisantes
............
82
4.4.2 Mutualisations des outils-méti
ers à l’échelle du ministère
: ARCHANGE et
CLADE
...........................................................................................................
84
CONCLUSION
.......................................................................................................
86
LISTE DES ACRONYMES
...................................................................................
87
ANNEXES
....................................................................................................................
89
LA POLITIQUE MUSÉALE DU MINISTÈRE DES ARMÉES
5
SYNTHÈSE
Un patrimoine muséal hétéroclite,
à l’organisation complexe
Deuxième acteur culturel de l’État après le ministère de la culture, le ministère des
armées détient un patrimoine considérable, matériel et immatériel. Les valeurs du monde
combattant, le cérémonial, les chants et musiques, les traditions d’armées, ainsi
que l’éclairage
de l’histoire forment le socle des biens immatériels. Le patrimoine matériel, quant à lui,
s’enracine dans une époque reculée à travers les pièces accumulées dans les arsenaux royaux,
les petits modèles d’artillerie à l’usage de l’éducatio
n des princes, ou les maquettes de vaisseaux
et « plans en reliefs » à vocation diplomatique. Ces collections se sont structurées avec la
création, plus récente, des musées, dont les trois grands établissements publics
1
ou encore le
musée du service de santé des armées (1916).
En parallèle, et particulièrement dans l’armée de terre, les écoles d’arme accumulaient,
aux fins d’instruction, des collections techniques témoignant de l’évolution des
matériels et
équipements, bientôt transformées en musées à partir de 1962. Ceux-ci ont également fait office
de conservatoire pour le patrimoine des régiments dissous.
Ainsi, les musées du ministère des armées sont-
ils aujourd’hui répartis en deux grandes
catégories, les trois musées d’État à statut d’établissements pu
blics (EP) et les musées rattachés
aux armées. Seul des trois musées d’État, le musée national de la marine est présent en territoire
à travers le réseau des musées de port. Chacun des trois établissements fait l’objet d’un
ambitieux programme de modernisation financé par le programme 212
2
, avec pour objectif leur
accession aux standards de grands musées du XXIe siècle. Ils ont pour tutelle organique la
direction du patrimoine, de la mémoire et des archives (DPMA), et plus particulièrement en son
sein, la délégation des patrimoines culturels (DPC). Cette compétence est exercée à compter du
1
er
avril 2022 par la nouvelle direction de la mémoire, de la culture et des archives (DMCA).
Les musées hors établissements publics constituent l’autre grande catégorie d
u
patrimoine muséal du ministère. Si une instruction ministérielle de 2016 distingue cinq types
d’espaces apparentés à des musées
, on retiendra dans le cadre du présent rapport que le
ministère détient dix-sept musées constitués de collections ouvertes au public, parmi lesquels
seize relevant de l’armée de terre (et communément baptisés «
musées d’armes
») et un du
service de santé des armées (musée du Val de Grâce). Par assimilation, on mentionnera de
surcroît un musée de tradition relevant de l’état
-major de la marine (musée des fusiliers marins
de Lorient). Leur tutelle scientifique est la délégation au patrimoine relevant de leurs états-
majors respectifs
, à l’exception du musée du SSA, qui ne relève d’aucune tutelle scientifique
dans le service. Quatre d
’entre eux ont reçu l’appellation «
musée de France", qui leur confère
des obligations spécifiques en matière de conservation et d’accueil des publics, et une protection
particulière par le code du patrimoine.
1
musée national de la marine (1827)
, musée de l’armée (1905), musée de l’air et de l’espace (1919).
2
« Soutien de la politique de défense »
LA POLITIQUE MUSÉALE DU MINISTÈRE DES ARMÉES
6
Ces musées, tous nés d’un besoin de formation et de transmission des valeurs de l’arme
,
sont rattachés à leur formation administrative, le plus souvent une école
3
et sont donc dépourvus
d’autonomie juridique et budgétaire. Concrètement, ils relèvent de trois chaînes de
commandement selon qu’on traite de budget de fonctionnement courant, d’investissement ou
de financement de leurs activités scientifiques.
Les délégations au patrimoine de chacun des trois états-majors sont en charge de la
gestion du patrimoine culturel de leur armée respective, sans lien hiérarchique avec la
DPMA/DMCA
. Cette dernière joue un rôle d’animateur de la politique patrimoniale du
ministère, à travers sa mission de gestionnaire scientifique et logistique des biens culturels
4
,
dont beaucoup sont détenus par les musées mais dont un nombre indéterminé reste à identifier.
Les Délégations au patrimoine ont besoin d’indications claires sur l’acception homogène de la
notion de « bien culturel
» à l’échelle du ministère, et sur le mécanisme de leur suivi scientifique
dans la perspectiv
e de leur inscription dans l’outil ministériel
informatisé de gestion des
collections.
Les musées relevant des états-majors sont bridés dans leur développement par leur
rattachement aux formations administratives dont ils dépendent
La situation de dépenda
nce juridique et budgétaire des musées d’armes vis
-à-vis de leur
formation de rattachement fait peser sur leur mise à niveau et leur évolution un empêchement,
que le modèle associatif censé les soutenir
est loin de compenser. La Cour a attiré l’attention
du ministère des armées à plusieurs reprises sur le rôle problématique dévolu aux associations
d’amis des musées. Celles
-ci sont encore conduites à devoir pallier, en recourant à la souplesse
de leur gestion de trésorerie, la lourdeur des circuits budgétaires et décisionnels, pour assurer
le fonctionnement courant des musées, ou même tenir
le rôle d’opérateur financier dans des
investissements conséquents en lieu et place du ministère.
Ces deux questions
–
statut des musées et rôle des associations
–
étant étroitement
corrélées, l’état
-
major de l’armée de Terre a ouvert une réflexion en décembre 2020 pour
identifier des pistes de réforme permettant de les traiter de manière à garantir le fonctionnement
régulier des musées et une certaine autonomie budgétaire. La réflexion a tourné court, puisque
le scenario finalement retenu est celui du statu quo. La Cour
estime, au contraire, qu’il est urgent
de réformer l
es règles juridiques et financières régissant les musées d’états
-majors.
S’agissant des relations avec
le
ministère de la culture, il apparait qu’elles méritent
d’être relancées et structurées, en actualisant le protocole culture
-défense de 1994, dont la
dernière version date de 2005.
La politique muséale du ministère
manque d’une vision d’ensemble
Il n’existe aucun document stratégique permettant de consolider et tracer des
perspectives sur la politique muséale du ministère des armées dans son ensemble. Certes, le
3
Ils sont d’ailleurs considérés comme les musées de ces écoles
: école d’application du service de santé
des armées, école des fusiliers marins de Lorient, école de l’Officiers de Saint
-Cyr Coëtquidan, école de cavalerie
de Saumur…
4
C’est
-à-dire à valeur historique, artistique ou mémorielle remarquable
LA POLITIQUE MUSÉALE DU MINISTÈRE DES ARMÉES
7
mandat de transformation « patrimoine culturel de la défense » baptisé Chantier 15 et la
directive culturelle triennale 2021-2023 fixent des objectifs de modernisation et des priorités
pour les établissements publics, mais ne consacrent que quelques lignes aux musées hors EP.
Et même pour les établissements publics, les textes ne sont clairs que sur les obligations
réglementaires de conservation et d’enrichissement des collections, en vue de leur présentation
au public, posées par le code du patrimoine en raison de leur statut de musée de France. Des
trois établissements, seul le musée de l’
armée compte dans ses statuts une mission à vocation
militaire, l’appelant à susciter l’éveil des vocations et la mémoire des gloires nationales. À
l’inverse, la rénovation du musée national de la marine à Chaillot confirme son identité de
« musée de milieu
», au sein duquel la marine de guerre n’aura qu’une place relative. La refonte
du code de la défense, qui précise les missions des trois établissements, est en sommeil depuis
2019. Les trois musées sont dotés de documents de pilotage (contrats d’objectif
s et de
performance, projets scientifiques et culturels
5
) centrés sur le rayonnement et sur l’attractivité.
Ce sont désormais les objectifs ambitieux de rénovation et de modernisation, fixés par le mandat
de transformation « patrimoine culturel de la défense » baptisé Chantier 15, qui constituent leur
fil conducteur pour la décennie à venir.
Les missions imparties aux musées d’armes découlent naturellement des conditions de
leur naissance et de leur évolution et se résument en deux termes : transmission et rayonnement.
Si la transmission est le terreau historique de la naissance de ces collections, le rayonnement
participe d’une évolution plus récente. Au besoin de compenser la fin de la conscription par des
voies alternatives d’éveil des vocations, s’est a
joutée la nécessité de renforcer un « lien armée-
nation » désormais fragilisé. Il y faut donc des moyens pour mettre à niveau ces musées et
assurer leur attractivité.
L’état
-
major de l’armée de Terre défend sans ambiguïté cette double vocation, interne
et externe, de ses seize musées. La mission de rayonnement en direction du plus large public
sous-tend un document stratégique et programmatique de grande qualité, baptisé « Ambition
2019 », et qui constitue véritablement la politique muséale des musées de l
’armée de Terre. Le
montant estimé de ces opérations par pôle muséal est substantiel (entre 83 et 103 millions
d’euros jusqu’en 2030), mais l’état
-
major n’a pas été en mesure à ce jour d’en tirer les
conséquences sur le plan programmatique
6
, ni d’engager l’indispensable réforme statutaire de
ses musées qui aurait permis de desserrer partiellement l’étau budgétaire
en facilitant le recours
aux financements externes.
Le
sujet a été porté à l’automne 2021 au niveau ministériel, avec la perspective d’un
comité
d’orientation
pour préfigurer les grandes lignes d’une politique muséale cohérente à
l’échelle de tout le ministère.
Un comité exécutif de la politique muséale a été instauré et réuni
pour la première fois le 10 mars 2022
, pour une séance d’installation re
stée essentiellement
formelle. Il y a lieu toutefois
de saluer cette initiative, dont la Cour recommande qu’elle
conduise à clarifier les missions assignées aux musées de l’armée de Terre et à tirer
toutes les
conséquences, dans les domaines statutaire, scientifique, muséographique et budgétaire, de leur
double vocation interne et externe.
5
Celui du MNM est en cours de rédaction
6
Il envisage de consacrer moins d’un million d’euros par an à ses musées
LA POLITIQUE MUSÉALE DU MINISTÈRE DES ARMÉES
8
Des avancées dans la gestion des collections et leur valorisation auprès des publics,
mais il reste une forte marge de progrès
Le ministère des armées dispose d’un riche patrimoine mobilier d’intérêt patrimonial,
dont ses musées ne sont que la partie la plus visible. Mieux connaître et mieux suivre l’ensemble
de ces collections est un défi majeur et un chantier de longue haleine, auquel le ministère s’est
résolument atte
lé depuis plusieurs années, s’inscrivant dans les orientations de la loi musée de
2002, qui fixe des obligations en matière d’inventaire, de récolement, d’étude et
d’enrichissement des collections, et d’accueil du public. Cette loi s’applique aux sept musé
es
de France du ministère des armées, et sert de référence à tous les autres. La plupart respectent
en grande partie les prescriptions prévues par le code du patrimoine, même si de grand progrès
restent attendus
en matière d’inventaire et de récolement
7
des collections. Aussi la Cour
recommande-t-elle que les moyens nécessaires soient mobilisés sans tarder pour respecter
l’obligation réglementaire d’atteindre un taux de réalisation de 100 % pour
le récolement
décennal des collections musées de France dans les délais impartis en cours (2016-2025). À cet
égard, le système d’information Archange, déployé progressivement depuis 2016 par la DPMA,
est un puissant levier de transformation dont il convient de saluer la mise en œuvre. Il reste pour
la DMCA - qui lui succède - à poursuivre ce
travail de pédagogie et d’appropriation pour
diffuser une pratique homogène dans l’inscription des biens dans l’une ou l’autre des trois
catégories désormais présentes sous Archange
8
.
La mission de conservation des collections
est assurée convenablement dans l’ensemble
mais requiert une vigilance particulière dans la plupart des musées d’armes, le musée de l’air
et de l’espace et la collection atypique et exceptionnelle de l’ancienne école de médecine navale
à Rochefort. Le musée national de la marine fait exception pour la qualité technique de ses
réserves, réaménagées sur le site de Dugny en 2016. L’enrichissement des collections est
également une préoccupation prise en compte de manière très variable, faute, le plus souvent,
d
’une politique affirmée et de moyens financiers.
La présentation au public et sa satisfaction, plus largement dénommées « politique des
publics », apparaissent mieux prises en compte dans le cadre des projets scientifiques et
culturels les plus récents, ma
is le défi pour moderniser l’offre muséale reste de grande ampleur.
Le site du musée national de la marine à Chaillot bénéficie d’une refonte complète, avec de
nouvelles orientations, un projet architectural, un projet muséographique et un nouveau
parcours
de visite. Le musée de l’armée a connu pour sa part une refonte (projet ATHENA)
étalée sur près d’un quart de siècle, qui montre aujourd’hui ses limites, avec une obsolescence
des installations dans certaines galeries, une historiographie à revoir et une répartition spatiale
des parcours, fruit de l’histoire du site des Invalides, qui peut désorienter le public. C’est
pourquoi le musée de l’armée souhaite réinvestir les parcours permanents existants, tout en
ouvrant de nouveaux espaces. Le musée de l’air et de l’espace, qui achève la rénovation de
l’aérogare historique du Bourget, souhaite également étoffer son offre (navigation aérienne,
aviation commerciale), redonner une cohérence au parcours de visite et réhabiliter certains halls
7
Le récolement des collections d'un musée est une
opération de contrôle de la présence des œuvres d'art
répertoriées dans leur inventaire. Le but est de vérifier l'intégrité des collections du musée en contrôlant la présence
effective des artéfacts avec la présence du fonds théorique.
8
Biens relevant des collections musée de France, biens culturels (hors musées de France), autres biens
(collections d’étude, mobilier muséographique, dépôts de personnes privées…).
LA POLITIQUE MUSÉALE DU MINISTÈRE DES ARMÉES
9
d’exposition dégradés.
Enfin les musées d’armes ont presque tous besoin, à des degrés divers,
de projets de rénovation, d’extension ou de modernisation pour rester attractifs.
Les musées du ministère des armées, qui sont restés plus modestes que d’autres
institutions dans le re
cours aux expositions temporaires, faute d’espaces et de budgets,
s’inscrivent pour l’avenir dans la recherche d’un nouvel équilibre, en se tournant vers le concept
d’expositions «
semi-permanentes
». C’est le cas de la rénovation du musée national de la
marine à Chaillot avec trois espaces semi-permanents qui seront renouvelés tous les trois à cinq
ans, comme dans les réflexions du musée de l’armée. Ils souhaitent également développer les
outils numériques de communication avec le public (site internet, réseaux sociaux), trop peu
utilisés à ce jour.
La fréquentation des musées du ministère des armées, bien qu’en progression sur une
longue période, est moins dynamique que pour l’ensemble des musées de France, avant même
la forte baisse provoquée par la crise sanitaire. La connaissance des publics, à la fois en termes
de
profil et d’attentes, est encore très insuffisante. La création en cours d’observatoires
permanents des publics et d’outils (base de données et logiciels) de gestion de la relation avec
la clientèle, couplées avec la modernisation des systèmes de billetterie, devrait rapprocher les
musées de leurs homologues plus performants dans ce domaine.
Un effort budgétaire certain, mais sous-dimensionné et surtout très déséquilibré au
détriment des musé
es d’armes
Les musées du ministère des armées mobilisent des moyens importants, même si la
dispersion au sein du ministère rend difficile un inventaire exhaustif. Les musées sont
essentiellement financés par des ressources budgétaires. Les ressources propres, issues des
entrées payantes ou d’autres activités (concessions, locations d’espaces) restent insuffisantes, à
l’exception du musée de l’armée qui bénéficie de l’effet d’attraction exercé par le Dôme et le
tombeau de Napoléon, notamment auprès des visiteurs étrangers, nettement majoritaires avant
la crise sanitaire au sein de son public.
Les moyens budgétaires du ministère, s’agissant des investissements, sont concentrés
aujourd’hui sur les trois établissements publics muséaux, dont une grande partie de
s projets
restent à financer, dans le cadre de la Loi de programmation militaire en cours, et au-delà. À
contrario, les moyens budgétaires pour financer les projets d’investissement dans les musées
d’armes sont quasiment inexistants, ce qui soulève la question plus générale d’une
programmation réaliste couvrant l’intégralité de la politique muséale du ministère. Aujourd’hui
cette politique est dans une impasse budgétaire flagrante par rapport aux ambitions affichées,
aggravée par la crise sanitaire, qui affecte sévèrement les ressources propres des établissements
publics et alourdit d’autant les poids des subventions pour charges de service public.
Les moyens immobiliers mobilisés au profit des établissements publics, comme au sein
même du ministère, sont conséquents en volume et justifient un suivi plus attentif pour
optimiser leur allocation et assurer leur maintenance.
LA POLITIQUE MUSÉALE DU MINISTÈRE DES ARMÉES
10
Une professionnalisation des ressources humaines à poursuivre
La professionnalisation des ressources humaines a progressé de manière incontestable
mais cet acquis reste fragile. Les établissements publics sont confrontés à un problème de taille
critique, notamment dans les fonctions supports, dans le cadre d’une quasi stabilité du plafond
d’emplois autorisés. La modernisation de leur ge
stion des ressources humaines, notamment par
la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, est indispensable. Enfin la gestion
des carrières des conservateurs affectés au ministère des armées doit rester attractive, ce qui
requiert la coopération constructive du ministère de la culture, gestionnaire unique du corps. Le
modèle de ressources humaines dans les musées d’armes est fragilisé dans la durée, car trop
centré sur les conservateurs de l’armée de terre, avec un déficit quantitatif et qualit
atif (par
défaut de formation et de parcours spécialisés) des équipes qui les entourent.
LA POLITIQUE MUSÉALE DU MINISTÈRE DES ARMÉES
11
LISTE DES RECOMMANDATIONS
Recommandation n°
1
(EMA) : Doter les directions et services i
nterarmées d’un
correspondant patrimoine formé, et en confier la coordination à un référent patrimoine placé
auprès de l’état
-major des armées.
Recommandation n°
2
(EMA, DMCA) Réformer les règles juridiques et financières régissant
les musées
de l’armée de terre afin de sé
curiser leur fonctionnement et mieux garantir leurs
ressources.
Recommandation n°
3
(SGA, Direction générale des patrimoines et de l’architecture)
:
Actualiser le protocole culture-
défense pour en faire le cadre d’un dialogue structuré entre les
deux ministères.
Recommandation n°
4 (DMCA, EMA, EMAT) :
Dans la perspective d’une politique muséale
ministérielle, tirer les conséquences dans les domaines statutaire, scientifique, muséographique
et budgétaire de la double vocation interne et externe des m
usées de l’armée de terre.
Recommandation n°
5
(DMCA, DCSSA, EMAT) : Mobiliser les ressources nécessaires afin
d’atteindre l’objectif réglementaire de 100 %
du récolement décennal des collections Musées
de France à l’horizon 2025
.
Recommandation n°
6
(EMA, SGA, DB) : Arrêter une programmation budgétaire
pluriannuelle en cohérence avec les ambitions affichées,
couvrant l’ensemble du champ des
musées du ministère des armées.
LA POLITIQUE MUSÉALE DU MINISTÈRE DES ARMÉES
12
INTRODUCTION
Durant toute leur histoire, les armées françaises ont constitué un ensemble patrimonial,
fait de monuments, de contenus scientifiques ou artistique
s, d’objets recueillis ou non dans des
musées, qui érige le ministère des armées
au rang de deuxième acteur culturel de l’État
9
. Le
ministère a pour mission de conserver et mettre en valeur ce patrimoine, partie intégrante de sa
politique culturelle, laque
lle participe, à côté de sa politique de mémoire, à l’entretien du lien
armée-
Nation et de l’esprit de défense.
Le grand public connaît bien le musée de l’armée,
le musée
de l’air et de l’espace et le
musée national de la marine, établissements publics administratifs majoritairement franciliens
10
sous tutelle de la direction du patrimoine, de la mémoire et des archives et financés en grande
partie par le programme budgétaire 212
11
. Il sait moins que l’État
-major des armées, et
principalement l’armée de Terre, compte 17 musées et d’autres espaces abritant des collections,
qui irriguent le territoire national et accueillent plus de 230 000 visiteurs par an
12
. Ces « musées
d’armes
», soutenus par le programme budgétaire 178
13
ne sauraient être confondus avec les
« musées militaires », qui relèvent principalement des collectivités territoriales ou du secteur
privé, et qui participent pleinement du lien Armée-Nation
14
.
Méthodologie
Ce rapport constitue la synthèse des contrôles organiques de la Cour sur deux des trois
établissements publics
(musée de l’air et de l’espace et musée de l’armée)
, et sur les « musées
d’armes
»
menés en 2020 et 2021. Le dernier contrôle a porté sur l’ensemble de la politique
muséale du ministère, incluant le musée national de la marine. De nombreux entretiens ont
été conduits avec les services en charge des musées au ministère des armées et au ministère
de la culture et les équipes des musées concernés
. Plusieurs visites de musées d’armes et
d’annexes du musée national de la marine en
région ont été organisées
. Enfin l’instruction
s’est achevée par un entretien avec le cabinet de la ministre déléguée
à la mémoire et aux
anciens combattants.
Durant la phase contradictoire, par décret du 21 mars 2022, la direction des
patrimoines, de la mémoire et des archives (DPMA) a été remplacée par deux nouvelles
directions
: la direction des territoires, de l’immobilier et de l’environnement (DTIE) et la
direction de la mémoire, de la culture et des archives (DMCA), laquelle conserve les
compétences relatives à la politique muséale.
9
Le premier étant naturellement le ministère de la culture.
10
Seul le musée national de la marine est présent dans les territoires, à travers ses quatre « musées de
port » de Brest, Lorient (Port-Louis), Rochefort et Toulon.
11
Soutien de la politique de défense.
12
Hors crise sanitaire.
13
Préparation et emploi des forces.
14
Le mémorial de Caen, le
musée napoléonien de l’île d’Aix, le musée de la guerre de Vendée aux Sables
d’Olonne…en sont des exemples.
LA POLITIQUE MUSÉALE DU MINISTÈRE DES ARMÉES
13
Ce rapport présente en premier lieu les acteurs très divers
et l’organisation éclatée, tant
au niveau des tutelles que des musées ; dans un deuxième temps, il examine les missions et
ambitions qui leur sont assignées, pour en relever les forces et les progrès récents, ainsi que
certaines failles de cohérence
; puis il s’attache aux activités muséales majeures –
gestion des
collections, inventaire, politique des publics ; enfin, le rapport examine les ressources
budgétaires, humaines et immobilières affectées, qui pâtissent, dans un contexte budgétaire
tendu, de déséquilibres significatifs.
LA POLITIQUE MUSÉALE DU MINISTÈRE DES ARMÉES
14
1
DES ACTEURS DIVERS, UNE ORGANISATION PEU LISIBLE
Si les trois établissements publics sous tutelle de la direction du patrimoine, de la
mémoire et des archives (DPMA), devenue direction de la mémoire de la culture et des archives
(DMCA) sont le plus souvent mis en lumière, le patrimoine muséal du ministère est également
constitué de dix-
sept musées d’armes relevant des états
-majors (surtout
l’
armée de terre) et
placés sous la tutelle scientifique des délégations au patrimoine de chaque armée. Les deux
ensembles communiquent insuffisamment, malgré des efforts de coordination de la DPMA,
responsable pour tout le ministère de la gestion scientifique et logistique des biens culturels.
Les musées d’armes pâtissent de leur dépendance totale à leur autorité administrative de
rattachement, qui entrave leurs missions et leur financement.
1.1
Le ministère des armées comprend deux types de musées
1.1.1
Les trois établissements publics, « vaisseaux amiraux » du patrimoine muséal
du ministère
Parmi les 29 musées français ayant le statut d’établissement public
15
, trois sont placés
sous la tutelle du ministère des armées
: le musée de l’armée, le musée national de la mar
ine et
le musée de l’air et de l’espace. Ces trois établissements ont en outre obtenu l’appellation
« Musée de France », en application de la loi du 4 janvier 2002. À ce titre, ils bénéficient du
soutien de l’État et doivent respecter des obligations décri
tes dans le code du patrimoine
16
. En
revanche, ils ne sont pas considérés comme des « musées nationaux », dénomination réservée
aux musées sous tutelle du ministère de la culture, mais comme «
musées d’État
17
».
Ces trois musées sont des musées historiques au sens où leurs collections se sont
construites au fil de l’histoire militaire de la France. Le musée de l’air et de l’espace, le
plus
récent des trois, a été créé en 1919 au lendemain de la 1ère guerre mondiale. (Cf. annexe n°2).
Le musée de l’armée et
, dans une moindre mesure, le musée national de la marine, situés à
Paris,
bénéficient de l’attractivité de
leur site d’accueil. Le musée de l’air et de l’espace
, installé
au Bourget est à 6 km de Paris.
15
18 musées nationaux sont des établissements publics relevant du ministère de la culture. Les autres
musées nationaux ayant le statut d’établissem
ent public sont
: le musée de la Légion d’Honneur et des ordres de
chevalerie (Grande Chancellerie)
; le musée de l’Homme, les galeries du Jardin des plantes et le musée des arts et
métiers (Ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’in
novation) ; le musée de la Monnaie et le
musée nationale de la Poste (Ministère de l’Économie, des finances et de la relance)
; le musée national du sport à
Nice (Ministère des sports).
16
Voir Annexe 1.
17
C’est
-à-
dire relevant de l’État et dont la tutelle
est assurée par un autre ministère que celui de la culture.
LA POLITIQUE MUSÉALE DU MINISTÈRE DES ARMÉES
15
La spécificité du musée de la marine : une organisation en réseau
Les musées navals de province, ou musées des ports, héritiers des anciennes salles des
arsenaux de Cherbourg, Brest, Lorient, Toulon, éprouvés par les bombardements de la seconde
guerre mondiale so
nt rattachés dès 1947 au musée de la marine. Ce réseau qui a compté jusqu’à
15 sites a évolué depuis les années 1980 pour s’adapter au développement et à la diversification
des offres muséales maritimes sur le littoral, impulsés par des associations ou des collectivités
locales. Ce réseau centralisé, dont les antennes sont considérées comme des « répliques en
miniature
» du musée parisien, permet au musée national de la marine d’être présent dans quatre
villes du littoral.
En matière d’organisation, la ges
tion des collections est centralisée à Paris ainsi que
toutes les fonctions support. Les musées des ports disposent sur place d’équipes réduites,
dirigées
par un administrateur ayant rang de chef de département dans l’organigramme du
musée. Ces musées de p
ort n’ont aucune autonomie administrative ou budgétaire.
Chaque établissement représente un cas particulier en lien avec le contexte local et
régional. Par exemple, à Port-Louis, le musée national de la marine cohabite difficilement, sur
le même site de la Citadelle, avec le musée local de la compagnie des Indes, avec lequel un
projet de rapprochement semble se dessiner. À Rochefort, le musée participe à la préfiguration
de «
l’Arsenal des Mers
», pilotée par la communauté d’agglomération de Rochefort Océan
,
avec pour objet le développement du site et la promotion du tourisme culturel sur le site de
l’ancien arsenal. À Brest, le musée est harmonieusement intégré dans la politique culturelle
locale, à travers l’opération d’exposition en ville du canot de l’Em
pereur
18
, pièce maîtresse des
collections de Chaillot récemment restauré, et des partenariats avec le musée des Beaux-Arts
ainsi que l’aquarium
-musée Océanopolis.
Toutefois, l’ensemble des musées navals de province ont pour défi de concilier un
intérêt lég
itime pour l’ancrage local de leurs activités, avec leur appartenance à un réseau
national piloté depuis Paris. Pour répondre au dilemme des musées des ports, le musée a
entrepris un travail sur le positionnement de ses antennes, confié au cabinet
Sopra Steria
.
L’objectif de cette mission est de proposer des pistes d’amélioration, entre autonomie
déconcentration et coopération. Le prochain projet scientifique et culturel de l’établissement,
en cours d’élaboration, associe pleinement, et pour la première foi
s, les administrateurs des
antennes portuaires et devrait faire toute sa place au réseau.
Les trois musées ont le statut
d’établissement public national administratif,
sous la
tutelle du ministère des armées. À ce titre, dotés de la personnalité morale, i
ls disposent d’une
autonomie administrative et financière.
La direction des musées est systématiquement bicéphale, affirmant ainsi leur double
vocation, scientifique et militaire.
Au musée de l’armée et au musée national de la marine, les
directeurs issus du monde militaire sont secondés par des directeurs-adjoints venus de la filière
des conservateurs. Inversement, au musée de l’air et de l’espace, la directrice est une
conservatrice et le directeur-adjoint un militaire.
L’organe délibérant pour chacun de ces musées est le conseil d’administration. Il
comprend un président et un vice-président, nommés par décrets du Président de la République
18
Construit pour Napoléon 1
er
et utilisé en 1863 par Napoléon III et Eugénie pour une visite à Brest.
LA POLITIQUE MUSÉALE DU MINISTÈRE DES ARMÉES
16
parmi les membres, des membres de droit (secrétariat général des armées, État-
major de l’armée
concernée, direction du budget…) et des personnalités qualifiées (au total entre 20 et 22
membres).
1.1.2
Les autres institutions muséales du ministère, un ensemble composite
1.1.2.1
Une typologie complexe
À côté des établissements publics, l’autre grande famille du patrimoine muséal du
ministère regroupe les institutions directement créées à l’initiative de certaines grandes
directions du ministère et surtout de l’état
-major des armées, qui continue de les
contrôler. C’est
ce patrimoine considérable qui autorise le ministère à se qualifier, à juste titre, de « deuxième
acteur culturel de l’État
». Leur classification fait l’objet d’une
instruction ministérielle
19
du 8
janvier 2016 qui distingue cinq catégorie
s d’institutions
.
Les cinq catégories d’institutions selon l’instruction du 8 janvier 2016
•
Les musées
, créés sur décision du ministre et relevant d’un état
-
major ou d’une
direction centrale, et dont les collections appartiennent au domaine public de l’Éta
t ;
parmi eux quatre musées de France
20
dont trois relevant de l’armée de Terre
21
et le
quatrième relevant du service de santé des armées
22
et huit candidats à l’appellation
musée de France, tous relevant de l’armée de Terre
;
•
Les centres d’interprétation
; équipements culturels et mémoriels qui ne détiennent
pas de collection patrimoniale et dont les biens relèvent du domaine privé de l’État
;
les trois mémoriaux de Montluc, l’Ile de la Cité et Fréjus relèvent de cette catégorie
;
•
Les conservatoires, collect
ions composées d’un ensemble de biens d’intérêt public
mais non destinés à être présentés de manière permanente au public ; il en existe un à
ce jour : celui des Uniformes à Toulon ;
•
Les musées de tradition
, créés par décision du chef d’état
-
major ou d’un
directeur
d’administration centrale, ils sont définis comme «
un espace structurant d’un
organisme du ministère de la défense qui utilise des objets […] permettant une
19
IM 303/DEF/SGA du 8 janvier 2016,
définissant et organisant au sein du ministère de la défense les
musées, centres d’interprétation, conservatoires et salles d’honneur
. La mise en œuvre de cette instruction est du
ressort de la Direction des Patrimoines, de la Mémoire et des Archives.
20
Cette appellation suppose que chacun de ces musées se conforme à des engagements sur la
préservation et l’inventaire des collections, reconnues inaliénables et imprescriptibles, sur leur accessibilité au
public, sur la qualification du personnel scientifique, sur l’élaboration d’un projet scientifique et culturel fixant
ses grandes orientations.
21
Celui de l’Artillerie (Draguignan), celui des troupes de marine (Fréjus), celui de la légion étrangère
d’Aubagne et de Puyloubier
.
22
Musée du Service de Santé des armées, rattach
é à l’école d’application du Val de Grâce et qui relève
de la direction centrale du service de santé des armées (DCSSA), transverse aux états-majors.
LA POLITIQUE MUSÉALE DU MINISTÈRE DES ARMÉES
17
exposition permanente qui délivre de la connaissance aux personnels servant au sein
de cet organisme ». Ils sont ponctuellement ouverts au grand public ; parmi eux trois
musées relevant de l’armée de Terre, ainsi que le musée de tradition des fusiliers
marins de Lorient ;
•
Les
salles d’honneur
, définies comme un espace « permettant une exposition
permanente qui délivre de la connaissance et de l’éducation aux personnels servant au
sein de l’organisme
», ce qui les distingue difficilement, dans les faits, des musées de
tradition.
Si elle a le mérite de formaliser des critères restés jusque-là trop imprécis, cette
instruction appelle une refonte, ne serait-
ce que parce qu’elle a été constamment bousculée par
des nouveaux projets d’organisation des musées des armées
:
l’organisation en pôles des
musées de l’armée de Terre, la décision de rechercher l’appellation «
musée de France » pour
un cœur de collection des musées de l’armée de Terre.
On peut également regretter que
l’instruction manque à fixer de manière précise les critères selon lesquels sont distingués les
musées
stricto sensu
des « musées de tradition ». Il sera nécessaire de dissiper cette marge de
subjectivité dans la nouvelle version de cette instruction
, en cours d’actualisation à la DM
CA.
Enfin, il convient de mentionner le musée de l’Ordre de la Libération, sis en l’hôtel
national des Invalides et géré par le Conseil National des Communes Compagnons de la
libération, et le musée de la Gendarmerie, rappelé pour mémoire puisque la Gendarmerie est
placée sous l’autorité budgétaire et opérationnelle du ministère de l’intérieur, depuis 2
009.
1.1.2.2
Un focus sur les musées d’armes de l’armée de Terre, le «
quatrième musée de
France »
L’
expression « quatrième musée de France »
traduit l’ambition, pour l’ensemble des
seize
musées de l’armée de terre, de faire jeu égal avec les trois établissements
publics muséaux
Quant à l
’expression
générique «
musées d’armes
», elle recouvre une réalité composite faite
de musées de milieu (parachutistes, Aviation Légère de l’Armée de Terre
- ALAT, troupes de
montagne), d’armes au sens strict
(infanterie, cavalerie, génie, artillerie),
d’hommes (Légion
étrangère
23
) ou encore de spécialité (les trois musées relevant du pôle Formation).
Le patrimoine muséal de l’armée de Terre, fruit d’une très longue histoire
militaire
.
Les premières collections militaires sont constituées à la fin du XIX
e
siècle, au sein
des salles d’honneur des régiments, sous l’impulsion du général Boulanger. La création des
musées s’effectue entre 1981 et 1999, en réaction à une réflexion identitaire et patrimoniale
interne à l’armée de Terre. Leur
fonds patrimonial trouve son origine dans le déploiement de
ces salles d’honneur ou de «
tradition », qui rassemblent des objets relatifs aux anciens et à
l’histoire de l’unité (arme service, ensemble interarmes),
et dans le souci plus récent de
23
À vocation interarmes voire interarmées.
LA POLITIQUE MUSÉALE DU MINISTÈRE DES ARMÉES
18
conservat
ion de matériels devenus obsolètes. Au cours des années 1990, l’armée de Terre a
souhaité professionnaliser son patrimoine muséal, en même temps qu’elle procédait à sa
rationalisation, en fermant huit de ses musées
24
, en transférant certaines collections, et en
créant ou recréant des musées
25
.
Les musées d’armes ont été organisés en 2016 par l’état
-major
de l’armée de terre
en
huit pôles muséaux thématiques
, visant le regroupement des collections en thématiques
voisines, la création de parcours de visite cohérents
et des synergies d’équipes et de moyens.
Tous ces musées sont aujourd’hui accessibles au public. Quatorze d’entre eux sont rattachés à
des écoles de formation et d’application, elles
-mêmes rattachées à un officier «
père d’arme
»
26
.
Ainsi les emplacements de ces musées dépendent-ils, en premier lieu, des implantations
ou délocalisations de leurs
formations de rattachement, mais également de l’histoire des conflits
des deux derniers siècles. Du reste, la dimension muséale du lien armée-nation et le tourisme
mémoriel sont tout aussi
présents au Nord et à l’Est du territoire
27
, en raison d’un important
réseau de musées locaux publics ou privés et de mémoriaux.
Indissociables de leur formation de rattachement, les
musées de l’armée de Terre sont
dépourvus de personnalité juridique distincte et de budget propre. Pour leurs dépenses de
fonctionnement courant, ils dépendent des moyens que leur alloue leur chaîne hiérarchique
–
soit la formation de rattachement. En ce qui concerne les achats indispensables à leurs actions
culturelles et patrimoniales, la réforme des bases de défense - engagée il y a dix ans, qui aboutit
à la mutualisation à l’échelle interarmées des fonctions soutien du ministère
- a eu pour effet de
le
s faire dépendre d’une chaîne décisionnelle relevant directement de l’état
-major des armées.
Enfin, c’est la délégation au patrimoine de l’armée de Terre (DELPAT Terre) qui constitue leur
hiérarchie fonctionnelle et qui exerce à ce titre sur leurs activités un contrôle scientifique et
culturel (ci-dessous point 1.2.2.1).
Cette pluralité des chaînes hiérarchiques engendre une grande complexité et fait peser
sur des équipes de conservation souvent restreintes des attentes, voire des injonctions
contradictoires
28
.
Cette communauté professionnelle est appuyée par des associations d’amis
de chaque musée, de type loi de 1901, souvent composées d’anciens militaires de l’arme dont
traite le musée, et qui se fixent pour but de contribuer au soutien et au rayonnement de celui-ci.
24
Dont celui des anciens matériels du génie (Angers), de la symbolique militaire (Vincennes, 2000), des
traditions des chasseurs (Vincennes 2002) ou du commissariat de l’armée de Terre (Montpellier 2010).
25
Matériel (1997), transmissions (2004), génie (2010).
26
Les pères d’arme de l’armée de Terre ont des attribution
s de deux ordres : le patrimoine et les traditions
d’une part,
le moral et la cohésion
, d’autre part
. Dans ces deux domaines ils sont le relais du CEMAT. Cette
fonction est le plus souvent exercée par le général commandant l’école de l’arme à laquelle est
rattaché le musée.
Le père d’arme est ainsi l’autorité de tutelle organique du conservateur du musée, l’administrateur du musée et le
gardien des traditions.
27
Régions qui ne comportent aucun musée du ministère des armées.
28
Ainsi la vision du père d’arme,
autorité hiérarchique directe, quant à l’usage à faire de «
son » musée
au profit du rayonnement de son école de rattachement, peut-elle diverger fortement, sur le plan des moyens et de
la temporalité des résultats attendus, des ambitions patrimoniales assignées par la DELPAT Terre, qui relèvent
davantage d’un travail de fond sur la conservation des collections (formation patrimoniale des équipes, mises aux
normes de la muséographie, travaux d’inventaire…).
LA POLITIQUE MUSÉALE DU MINISTÈRE DES ARMÉES
19
1.2
Instances de tutelle et de coordination, des transversalités à établir
La tutelle organique sur les musées est constituée de deux pôles de décisions : au sein
de l’administration centrale du ministère des armées, mais également de chacune de
s armées,
sous l’autorité de l’EMA, à travers leurs trois délégations au patrimoine (DelPat) placées auprès
des trois états-
majors (terre, marine, air). En effet, si le secrétariat général pour l’administration
(SGA) est bien le responsable unique de la politique patrimoniale et culturelle du ministère,
chaque état-
major n’en conserve pas moins la maîtrise de son patrimoine et l’autorité directe
sur ses musées.
1.2.1
La direction des patrimoines, de la mémoire et des archives devenue direction
de la mémoire, de la culture et des archives
Les compétences de la direction des patrimoines, de la mémoire et des archives (DPMA)
sont reprises par la nouvelle direction de la mémoire, de la culture et des archives (DMCA) à
compter du 1
er
avril 2022.
La DPMA était chargée de la politique immobilière, du logement (ces deux premières
missions consommant une part majeure de ses crédits et effectifs), de la politique éducative et
mémorielle, confiée à la sous-direction de la mémoire combattante, et de la politique culturelle,
confiée à la délégation des patrimoines culturels (DPC). A ces deux derniers titres, la DPMA
était responsable des crédits du programme budgétaire 169 - « lien entre la nation et son armée »
- au sein de la mission « anciens combattants et lien entre la nat
ion et son armée », avec l’Office
National des Anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG).
Au sein de la DPMA, la DPC exerçait la tutelle organique sur les trois musées à statut
d’établissement public
et était directement responsable du suivi de l
’avancée de trois ambitieux
programmes de modernisation de chacun des établissements, qui sont les premiers bénéficiaires
du chantier ministériel 15 « patrimoine culturel de défense ».
La DPMA était responsable
, en vertu d’une
instruction de 2014, du
suivi scientifique et
de la gestion logistique de l’ensemble des biens culturels mobiliers
au sein du ministère des
armées
29
.
À ce titre, elle exerçait un contrôle scientifique rapproché sur les trois musées de
l’armée de Terre
30
et le musée du Service de Santé des armées, déjà
porteurs de l’appellation
« musée de France
» et tenus d’en respecter les conséquences règlementaires
. Correspondante
du ministère de la culture au sein du ministère des armées, la DPMA accompagnait la montée
29
L’
instruction N°97/DEF/DPMA/DPC du 1
er
septembre 2014 organisant le suivi scientifique et la
gestion logistique des biens culturels mobiliers au sein du ministère de la défense, compte au nombre des
biens
culturels
les biens concernant l’histoire des sciences et des techniques, l’histoire militaire et
sociale ainsi que la
vie des dirigeants et les événements d’importance nationale…les éléments provenant de démembrement des
monuments artistiques ou historiques…les biens d’intérêt artistique …les objets d’ameublement ayant plus de cent
ans d’âge et instr
uments de musique ». Le
patrimoine culturel mobilier
, quant à lui est «
l’ensemble des biens
relevant de la propriété du domaine public mobilier de l’État qui présente un intérêt historique, artistique,
scientifique ou technique ».
30
Artillerie, troupes de marine et Légion Étrangère, pour mémoire.
LA POLITIQUE MUSÉALE DU MINISTÈRE DES ARMÉES
20
en compétence de l’ensemble des
musées hors établissements publics
31
qui aspirent à
l’appellation musée de France.
1.2.2
Les délégations au patrimoine au sein des états-majors
Les délégations au patrimoine créées au sein de chaque armée sont adossées au
programme 178 -
Préparation et emploi des forces
, placé sous la responsabilité du chef d’état
-
major des armées (CEMA). Il convient de préciser que la direction centrale du service de santé
des armées, à vocation interarmées et tutelle du musée du Val-de-Grâce, a laissé vacante la
fonction de délégué au patrimoine depuis 2018 et que les missions de suivi des collections du
de ce service interarmées sont exercées par la seule conservatrice en chef du musée du Val-de-
Grâce.
1.2.2.1
La délégation au patrimoine de l’armée de terre, vivier d’expertise pour l’état
-
major
La délégation au patrimoine de l’armée de terre (DELPAT Terre), créée en 1993, est la
plus ancienne et la plus experte des trois délégations au patrimoine dans les armées. Le délégué
au patrimoine de l’armée de terre, traditionnellement un off
icier général de la deuxième section,
est placé auprès du sous-
chef d’état
-major « performance et synthèse »
32
, qui a pour mission de
contribuer
« à la conservation du patrimoine historique et à la politique culturelle et des musées
de l’armée de terre
».
1.2.2.2
L
e délégué au patrimoine de l’armée de l’air et de l’espace, un effectif réduit et à
« temps partiel »
La fonction de délégué au patrimoine de l’armée de l’air
(DPAA) est apparue dans une
instruction du 25 mai 1994 relative à la commission permanente du patrimoine aérien et spatial
(CPPAS), organisme consultatif, présidé par le chef d’
état-
major de l’armée de l’air. Le secrétaire
général de cette commission, officier général de l’armée de l’air de 1
ère
ou de 2
ème
section, assure les
fonctions de DPAA et est
directement subordonné au chef d’état
-
major de l’armée de l’air et de
l’espace. Cette fonction a toujours été exercée par un officier général e
n
activité, en sus d’une autre
responsabilité
33
. Elle est confiée depuis fin 2020 au d
irecteur du centre d’études
stratégiques
31
C’est
-à-
dire en réalité ceux de l’armée de terre
: à l’exception du musée du SSA qui est déjà musée de
France, le seul musée d’armes hors armée de terre est celui des fusiliers marins de Lorient, qui relève de
la marine
et qui se trouve classé par l’instruction 303 de 2016 dans la catégorie des
musées de tradition
. Son accession au
statut de musée de France devrait d’abord passer par une promotion au statut de musée au sens de l’IM 303.
32
Arrêté modifié du 27 a
vril 2014 portant organisation de l’état
-
major de l’armée de terre et des
organismes directement subordonnés au chef d’état
-
major de l’armée de terre.
33
Notamment sous-
directeur de la Direction des Ressources Humaines de l’Armée de l’Air (DRHAA).
LA POLITIQUE MUSÉALE DU MINISTÈRE DES ARMÉES
21
aérospatiales (CESA). A la tête d’une très petite équipe dédiée (deux collaborateurs) le
DPAA
s’appuie sur des référents situés
dans les bases aériennes.
1.2.2.3
Le délégué au patrimoine de la marine, relativement isolé
Le délégué au patrimoine de la marine (DPMar) est placé sous les ordres du major général
de la marine
34
. La fonction est occupée par un officier général de la marine ou un commissaire
général des armées d’ancrage marine, de la première ou deuxième section. Il dis
pose, dans chaque
arrond
issement et pour la zone de responsabilité du commandant de la marine à Paris, d’un
« correspondant patrimoine
» désigné par l’autorité maritime à compétence territoriale dont il
relève.
Le DPMar assure le secrétariat de la commission du patrimoine de la marine (CPM),
présidée par le major général de la marine, qui se réunit une fois par an. Il est détenteur et
scientifique affectataire des collections de l’hôtel de la marine.
1.2.3
Organisation des relations et coordination entre les acteurs de la chaîne
muséale : des améliorations et des marges de progrès
Un manque de clarté est à déplorer dans les relations entre la DPMA, DMCA depuis
avril 2022, et les délégations au patrimoine relevant de chacune des armées. Une formalisation
de leurs relations est souhaitable,
afin d’aboutir à
une approche patrimoniale partagée, dans un
paysage muséal éclaté, et
en raison de l’inexistence
,
à ce jour, d’un référent patrimoine à l’état
-
major des armées susceptible d’assurer en interarmées la diffusion des bonnes pratiques
diffusées ou relayées par la DMCA.
Lors de la période sous contrôle des progrès sont constatés dans la coordination des
acteurs muséaux par la DPMA : des réunions semestrielles entre la DPMA et les DelPat se sont
tenues, les DelPat ont désormais accès aux collèges mis en place pour les restaurations des
objets des collections muséales, au sein de la nouvelle commission scientifique des collections,
organe collégial créé par décret du 5 octobre 2020 et qui statue sur la gestion des biens culturels.
Enfin, la DPMA associe les DelPat au groupe de travail installé en septembre 2020 sur les
collections extra-européennes et qui a pour objectif de mutualiser les expertises sur ces
collections particulières.
Si la tutelle scientifique et technique de la DPMA est diversement perçue par les musées
à statut d’établissement public, mieux dotés en spécialistes du patrimoine, elle est en revanche
pleinement reconnue de la part des musées d’armes, et des états
-majors. Les armées voient en
elle un garant de la conformité de leurs musées à la règlementation patrimoniale, mais aussi une
34
À la di
fférence des deux autres délégués au patrimoine, il n’apparaît plus dans le texte réglementaire
organisant l’état
-major de la marine, suite à un arrêté modificatif du 30 décembre 2019. Mais son rattachement au
major général de la marine reste inscrit dans des instructions.
LA POLITIQUE MUSÉALE DU MINISTÈRE DES ARMÉES
22
forme de protection vis-à-
vis du gardien de cette règlementation qu’est le ministère de la
culture.
Le supérieur hiérarchique de la DELPAT Terre
35
indique n’avoir aucun échange avec
ses homologues des deux autres états-majors sur les sujets patrimoniaux. Les échanges entre
DelPat des trois armées se tiennent sur la base de relations personnelles ou de façon ponctuelle
lorsque les trois délégations sont invitées par la DPMA à coordonner leurs réponses sur une de
ses saisines. Il existe donc des marges de progrès substantielles, en partie seulement à la main
de la DPMA, qui,
n’a
pas sur les délégations, de tutelle organique pour fluidifier les interactions
entre les chaînes patrimoine des armées et en interarmées.
1.2.3.1
Un mécanisme de suivi des collections à clarifier
La cartographie complexe du suivi des collections
L’instruction ministérielle N°97/DEF/DPMA/DPC de 2014 organisant le suivi
scientifique et logistique des biens culturels mobiliers reprend le caractère très peu restrictif
de la définition des biens culturels par le Code général de la propriété des personnes publiques
(article L 2112-1) et par le Code du patrimoine (L 111-1 définissant les biens bénéficiant de
la qualité de trésor national). Les grands principes de cette organisation complexe sont les
suivants :
-ils sont
inaliénables et imprescriptibles
36
-
caractère partagé
avec tout
bien relevant
du domaine public de l’État selon les termes du code général de la propriété des personnes
publiques, et davantage encore les biens relevant des collections de musées de France, qui
bénéficient d’une protection r
enforcée du code du patrimoine.
-
ils sont l’objet d’un dispositif de
délégations de responsabilités complexe
, placé sous
l’autorité de la DPMA, et destiné à sécuriser les règles relatives aux actes de gestion
logistique
37
et au suivi scientifique des biens culturels. Ainsi sont distinguées les fonctions de
gestionnaires de biens
(c’est
-à-dire la seule DPMA)
qui fixe la politique de gestion logistique
des biens culturels et définit les règles et les acteurs ; de gestionnaire de biens délégué (le
service du commissariat des armées) ; de
détenteurs
et
détenteurs délégués de biens culturels
,
qui exécutent les actes de gestion décidés par les gestionnaires; de
scientifiques affectataires
,
auxquels sont confiés le suivi scientifique du bien, la détermination de son intérêt culturel
38
,
la conduite des opérations d’inscription à l’inventaire, la documentation du bien
; d’
utilisateur
enfin, responsable de la conservation et du bon usage du bien culturel, selon les prescriptions
du scientifique affectataire.
35
Le sous-
chef performance et synthèse de l’EMAT.
36
Aucun droit de propriété sur un bien appartenant au domaine public ne peut être constitué au profit de
tiers même de bonne foi.
37
Concrètement, l’inscription dans le logiciel de gestion des collections Archange, dont il sera question
plus loin.
38
Cette tâche essentielle suppose tout à la fois unicité de doctrine et clarté dans les nomenclatures, sujets
abordés sous partie 3 « collections ».
LA POLITIQUE MUSÉALE DU MINISTÈRE DES ARMÉES
23
-ils ont vocation à être inscrits dans la
base ministérielle de données
du système
d’information, baptisé Archange
39
. Il tient lieu d’inventaire réglementaire de ces biens et
permet de dresser un état précis et actualisé de leur localisation, leur récolement. Ce dispositif
collaboratif, administré par la DPMA, équipe en principe l’ensemble des opérateurs culturels
du ministère
40
, à l’exception des trois établissements publics, à ce jour encore dotés de leur
propre système
41
.
Le périmètre de l’instruction N° 9
7 recouvre largement celui de la politique
muséale
du ministère des armées puisqu’elle est censée réguler les suivis logistique et scientifique de
tous les biens
potentiellement patrimonialisables
relevant du ministère des armées
42
.
Sa
dimension transversale en fait un outil stratégique de politique muséale. Si elle confie en
principe aux délégations du patrimoine de chaque armée le suivi des collections de leur armée
respective
43
, elle présente des carences préjudiciables à sa compréhension et sa bonne mise en
œuvre par s
es destinataires de toute nature
44
.
Les lacunes et confusions de l’IM 97
L’instruction N°97 confie à la DELPAT Terre la
responsabilité par défaut du
suivi
scientifique des collections relevant des directions et services interarmées
(DSIA). La
cartographie des dizaines d’organismes concernés est manquante dans cette instruction. On y
trouve des entités majeures comme la direction de la maintenance aéronautique (DMAé)
45
, la
structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres (SIMMT)
46
,
le service du commissariat des armées (SCA)
47
, le service d’infrastructure de la défense (SID)
48
,
la direction interarmées des réseaux d’infrastructures (DIRISI), tous les organismes à vocation
interarmées (OVIA)
49
A l’exception no
table du SID
50
, aucune de ces entités ne dispose d’un
39
Dont traitera la partie 3 du présent rapport.
40
Accessible en réseau (« full web »).
41
Mais sur le point d’adopter l’outil commun dans des conditions respectueuses de leurs besoins
scientifiques et techniques (voir partie 4, mutualisations).
42
C
’est
-à-dire ayant
in fine
vocation à être exposés dans un musée, pour les plus remarquables d’entre
ces biens.
43
À savoir les biens se trouvant dans les emprises soutenues par les bases de défense, états-majors, hôtels
de commandement, écoles, etc.
44
Musée
s d’armes, services, y compris plates
-formes
dépourvues de responsabilité en matière de
conservation,
services centraux, établissements logistiques, délégations au patrimoine des trois armées,
« utilisateurs » mentionnés de manière indistincte.
45
En charge du maintien en condition opérationnelle des aéronefs de toutes les armées.
46
Dont le comité directeur est présidé par le CEMA.
47
Par ailleurs lui-même gestionnaire logistique de bien délégué pour le compte de la DPMA.
48
Rattaché au Secrétariat G
énéral, le SID entretient et administre l’ensemble du domaine immobilier de
la défense.
49
Les OVIA-Terre exercent leur mission au profit de plusieurs armées ou directions, par exemple le centre
national des sports de la Défense (CNDS).
50
Qui s’apprête à rejoindre à Angers le pôle muséal du Génie et s’est doté d’un correspondant patrimoine.
LA POLITIQUE MUSÉALE DU MINISTÈRE DES ARMÉES
24
correspondant patrimoine en son sein
51
. Les capacités de la DELPAT Terre ne lui permettent
pas d’inventorier aux fins d’inscription cet immense vivier de biens.
L’instruction
N° 97 est obsolète du fait de la dissolution du service parisien de soutien
de l’administration centrale
- SPAC, au 31 décembre 2020, qui assurait le suivi scientifique et
la gestion logistique déléguée des biens culturels situés dans des emprises d
e l’
administration
centrale non rattachées à la base de défense Ile de France
52
. Si la gestion logistique déléguée est
reprise de fait par le service du commissariat des armées, la mission de scientifique affectataire
est en déshérence et ce service
ne dispose pas en l’état actuel
, selon la SGA, des compétences
nécessaires.
Il apparaît à l’usage que les intendants des résidences ou des emprises ministérielles
se tournent de facto vers la DELPAT Terre pour recueillir son expertise sur les questions
d’inventaire alors qu’elle n’
est pas compéte
nte sur l’ensemble du ressort parisien.
L’instruction confie par défaut le suivi de l’ensemble des entités et directions interarmées
aux cinq militaires spécialisés de la DELPAT Terre. Cette dernière s’estime en difficulté pour
couvrir ce périmètre, compt
e tenu de l’ampleur de la tâche et de son imprécision. Elle estime à
une dizaine d’années au moins le temps nécessaire à l’identification et au classement des objets
relevant de ces entités et à leur inscription sous Archange, dès lors que l’essentiel de s
es efforts
portent actuellement sur la finalisation de l’inscription des collections muséales elles
-mêmes,
qui pourrait, quant à elle, être achevée d’ici trois ans si le rythme actuel est maintenu.
La cartographie des rôles et des entités en matière de gestion logistique et scientifique
des biens culturels ou ayant vocation à le devenir, doit être rationalisée :
-
Les directions et services interarmées (DSIA) doivent être expressément énumérés
dans une annexe à l’instruction, avec désignation de leur scientifique affectataire
réel. Le volume des biens détenus par les DSIA ne permet pas à la DELPAT Terre
d’en assurer le suivi sans qu’ils soient dotés, à tout le
moins, d’un correspondant
patrimoine en leur sein, même à temps partiel, sensibilisé par la DELPAT Terre
aux questions d’inscription et de conservation, à l’instar du SID
;
-
La coordination de ce réseau de correspondants pourrait être confiée à un référent
patrimoine dédié, qui pourrait bénéficier de l’expertise de la DELPAT Terre
;
L
’instruction
n°
97 doit prendre acte de la disparition du SPAC, s’agissant de la gestion
logistique et scientifique des biens culturels situés à Paris (voir encadré ci-dessus). Dans le
cadre de la contradiction, la SGA pré
cise qu’une actualisation
de cette instruction est prévue en
2022. À cette occasion, la réaffectation des missions relatives aux biens culturels des emprises
parisiennes
non rattachés à la base de défense d’Ile
de France devrait être tranchée.
Afin d’assurer le suivi de l’ensemble des biens culturels du ministère, sans laisser
d’angle mort, la Cour recommande de doter les directions et services interarmées d’un
correspondant patrimoine formé, et d’en confier la c
oordination à un référent patrimoine placé
auprès de l’état
-major des armées.
51
Les personnes théoriquement assignées à la fonction exercent à titre principal les fonctions de chef de
cabinet ou d’adjoint au directeur, niveau de responsabilité ina
pproprié aux tâches requises, qui restent donc en
souffrance.
52
Hôtel de Brienne, résidences CEMA et CEMAT au sein des Invalides, Balard…
LA POLITIQUE MUSÉALE DU MINISTÈRE DES ARMÉES
25
Le ministère des armées est favorable à cette recommandation. Le major général des
armées précise cependant
que la mise en place d’un tel réseau demande une étude
complémentaire, afin de prendre en compte les spécificités de chacune des directions et services
concernés.
Recommandation n° 1.
(EMA)
Doter les directions et services interarmées (DSIA) d’un
correspondant patrimoine formé, et en confier la coordination à un référent patrimoine
placé auprès
de l’état
-major des armées.
1.2.3.2
L’attribution des subventions aux associations
par la DPMA/DMCA doit être
coordonnée avec les DelPat
La DPMA, devenue DMCA en avril 2022, accorde des subventions aux associations
contribuant au lien armée-nation, dont celles rattachées aux musées sous tutelle des états-majors
(pour ces derniers à hauteur de 52 322
€ en 2020). Les
critères
mis en œuvre pour attribuer ces
subventions, définis dans une note interne du 10 janvier 2017, et la décision finale restent du
domaine exclusif de la DPMA
53
. En outre les versements subissent des retards qui peuvent aller
bien au-delà de deux années. En conséquence, tout effort de mise en cohérence et de priorisation
de ses propres dotations par la
DELPAT Terre aux musées d’armes apparaît compromis, sinon
vain.
Il est souhaitable d’inscrire dans
un dialogue structuré entre DMCA, et DELPAT Terre
les objectifs stratégiques poursuivis par les aides accordées par chaque service aux musées
d’armes. L’examen de leurs usages respectifs indique en effet qu’elles sont
le plus souvent
accordées à des projets de même nature, au moyen de deux canaux relativement étanches. Il
convient de remédier à cette incongruité, par un partage en amont des critères respectifs
d’attribution des subventions
, et non seulement une confrontation des projets à subventionner
en cours de campagne de subvention.
1.3
Une évolution nécessaire du cadre juridique des musées d’armes de
l’armée de terre
La dernière ambition majeure de réforme
de l’architecture muséale a été portée par le
rapport de 2010 « Q
uel avenir pour les musées de la défense
? », de Bertrand-Pierre Galey
54
. Il
préconisait le dépassement des singularités de chaque établissement public
55
par l’instauration
d’une gouvernance commune animée par un projet culturel fort, au moyen de la création d’un
nouvel établissement « confédéral
» sous la houlette d’une tutelle renforcée. S’y adjoindrait un
53
Compte-rendu de la réunion bilatérale DPMA-DELPAT du 15 septembre 2020 dans lequel la DPMA
confirme son refus de com
muniquer à la DELPAT Terre ses critères d’attribution.
54
Alors directeur général du muséum national d’histoire naturelle.
55
En dépit de son intitulé, ce rapport ne traite que des trois établissements publics.
LA POLITIQUE MUSÉALE DU MINISTÈRE DES ARMÉES
26
conseil scientifique commun, ainsi qu’une fondation permettant aux musées de recueillir
des
mécénats.
Cette proposition audacieuse n’a pas prospéré s’agissant d’un rapprochement des
établissements publics, qui poursuivent leur
trajectoire individuelle accentuée par l’avènement
de leur volet respectif du chantier 15.
C’est l’architecture du réseau des musées de l’armée de
Terre
qui s’
est inscrite récemment
au cœur des réflexions
du ministère des armées et dont
l’aménagement
continue de poser problème.
Les évolutions traversées par les musées d’armes au cours de trois décennies passées, la
hausse de leur fréquentation, la professionnalisation de leurs équipes et de leurs pratiques,
questionnent voire remettent en cause leur statut d’organisme rattaché à une formation
administrative
56
et l’incapacité juridique et budgétaire qui en résulte
. Cette situation de
dépendance fait obstacle à la modernisation des pôles muséaux
, à l’insertion des musées dans
des partenariats locaux porteurs de synergies, et plus généralement à la captation des ressources
propres, dont celles issues du mécénat
, que l’éta
t-major tout comme la DPMA appellent par
ailleurs constamment de leurs vœux. Elle est de surcroît peu compatible avec l’objectif, posé
par la LOLF, de traçabilité des ressources et dépenses de chaque entité publique. Elle place
enfin la plupart de ces musées dans la dépendance matérielle, sinon « scientifique », de leur
association d’amis (ci
-dessous point 1.3.1.1.).
Un groupe de travail « Statut juridique des musées », instauré par la tutelle de la
DELPAT Terre et associant des directeurs et conservateurs de musées ainsi que leurs pères
d’armes, s’est réuni
de décembre 2020 à mai 2021, sous la responsabilité de la DELPAT Terre.
L’ouverture d’un tel chantier, préconisée dès 2012 par la Cour des comptes, devenait
indispensable pour donner aux musées d’armes les moyens de leur modernisation
administrative et de quête de financements extérieurs. La mission du groupe de travail était
d’évaluer le dispositif en vigueur et d’examiner ses éventuelles évolutions, avec le
souci
premier d’assurer la sécurisation administrative du cadre d’activité des musées
,
mais aussi
de
préserver la mainmise de l
’état
-major sur le devenir des musées. Cette feuille de route ne
pouvait faire l’économie d’une réflexion sur les
difficultés nées d’un système associatif
tout à
la fois indispensable, dans la configuration actuelle des musées, et générateur de tensions et de
risques juridiques pourtant clairement identifiés et
décrits. Le groupe de travail s’est notamment
appuyé sur l’étude réalisée par le conservateur des musées de Bourges
57
ainsi que sur des
travaux préalables du service du commissariat des armées (SCA)
58
. Ses résultats sont examinés
sous le point 1.3.1.2. ci-dessous.
56
La formation administrative est l'élément de base de l'administration au sein des forces armées. Placée
sous l'autorité d'un commandant de formation administrative, elle administre le personnel qui lui est affecté et les
biens qui lui sont confiés, dans la limite des délégations de pouvoirs qui sont consenties (code de la défense).
57
Le mémoire rédigé par le LCL Yannick Krause -
Groupement d’intérêt public ou service à compétence
nationale
: quel statut pour les musées de l’armée de Terre
?
Paris, École du Louvre, mémoire d’étude, juin 2020.
58
Non communiqués à la Cour.
LA POLITIQUE MUSÉALE DU MINISTÈRE DES ARMÉES
27
1.3.1
Le rôle considérable que continuent de jouer certaines associations d’amis est
révélateur de l’inadaptation du statut des musées d’armes
Parmi les priorités du groupe de travail figuraient l’
état des lieux exhaustifs et le
traitement de la question des associations d’amis, objet en 2012
et 2021
d’observations de la
Cour des Comptes. Par-
delà la diversité des situations, déterminées par l’histoire du musée, de
son arme, par les moyens mis à dis
position, par ceux dont dispose l’association d’amis ou par
le dynamisme de ses dirigeants,
l’observation conclusive formulée dès 2012 par la Cour reste
aujourd’hui encore largement
valide : «
tout se passe comme si l’absence d’autonomie juridique
des musées trouvait sa contrepartie dans une hypertrophie du rôle des associations
»
59
.
Les associations d’amis des musées
du ministère des armées
Les associations d’amis des musées sont très répandues
: la fédération française des sociétés
d’amis des musées (FFSA
M) en recense environ 300, avec pour finalité la recherche et la
fidélisation des publics, la participation à l’éducation de leurs membres, et la participation à
l’enrichissement des collections. Souvent constituées de passionnés, généralement en retraite,
entièrement dévoués au rayonnement de « leur » musée, elles constituent tout à la fois un partenaire
indispensable pour les conservateurs (en raison de leur connaissance de l’historique des
collections) et un sujet « urticant » pour les opérateurs culturels du ministère des armées.
Le musée national de la marine n’en est pas exempt, s’agissant aussi bien de ses antennes
portuaires, où il a réglé dès 2003 la question de la gestion des boutiques, sans être parvenu à ce
jour à réguler la relation avec la société des Amis à Paris. La définition de s
a politique à l’égard du
mécénat devrait clarifier à cet égard le rôle de l’association des Amis du
musée.
La place occupée par les associations d’amis des musées d’armes est singulière. Si le
modèle est vieillissant, la bonne volonté des membres de ces associations et la sincérité de leur
engagement sont certaines
. Leur poids est d’autant plus important qu’elles sont souvent présidées
par d’anciens généraux dotés d’un réseau d’influence susceptible de contribuer à l’enrichissement
des collections du musée, par des achats qu’elles seules sont en mesure de réaliser. Les associations
d’amis sont aujourd’hui encore
le vecteur unique de captation des « financements innovants », dont
elles assurent le réinvestissement
dans des conditions qui demeurent problématiques
.
La Cour relevait déjà en 2012 quelques dérives telles que la confusion des rôles entre
responsables associatifs et muséaux, l’obsolescence ou inexistence des documents justifiant
l’occupation des locaux par l’association, l’inadéquation des conventions de collaboration entre
musée et association, la désignation erronée de l’instrument juridique retenu pour la perception
des recettes de billetterie par l’association. Dans son rapport de mars 2021
60
, la Cour notait que
ses observations avaient été en partie prises en compte mais recommandait l’encadrement des
relations juridiques entre musées de l’armée de terre et associations chargées de la perception
59
OD 2012 sur les musées du ministère de la défense page 4. Plus récemment, le DELPAT Terre sortant
écrivait dans son bilan triennal daté du 24 juin 2020 « les associations des amis des musées sont indispensables à
la vie de ceux-
ci…leur fermeture liée à la pandémie et les conditions de leur réouverture ont souligné
une certaine
tendance à l’indépendance vis
-à-
vis du commandement, oubliant leur rôle de soutien et d’appui
».
60
La politique muséale du ministère des armées, hors établissements publics (observations définitives)
LA POLITIQUE MUSÉALE DU MINISTÈRE DES ARMÉES
28
des droits d’entrée. La Cour préconisait la solution pragmatique de l’accès libre aux musées
d’armes
61
.
Les entretiens et instructions complémentaires conduits par la Cour dans le cadre du
présent rapport indiquent cependant que
les questions soulevées, aujourd’hui encore, par la
place des associations, sont loin
de se réduire à la perception des droits d’entrée
:
-
d’une part, on constate que nombre d’initiatives des associations relèvent de missions
centrales des musées, au point qu’on pourrait les qualifier de «
substitutives
» au cœur de métier
de ceux-ci.
La Cour a pu observer la relation de quasi-tutorat dans laquelle certains présidents
d’association tendent à vouloir assigner le conservateur du musée
62
, allant jusqu’à invoquer le
« recadrage » (
sic
) auquel il leur arriverait de procéder à l’égard de ces mêmes
conservateurs.
Or, s’agissant de politique d’enrichissement des collections ou de choix d’une exposition
temporaire, l’association détient fréquemment les financements mais non les qualifications
scientifiques, et ne saurait surtout assurer elle-même la m
aîtrise d’ouvrage des projets (
Blindés,
Légion Étrangère
). En effet, si l’instruction ministérielle relative aux musées de l’armée de
terre
63
prévoit que les musées puissent « établir des relations de collaboration avec des
associations de type loi de 1901 qui se fixent pour but de contribuer à son soutien et à son
rayonnement
», elle n’implique pas que celles
-ci doivent déborder du cadre classiquement
assigné aux associations du même type en dehors du ministère des armées : support juridique
des dons (et n
on opérateur financier), appui à l’activité culturelle (et non maître d’ouvrage
d’exposition), soutien aux acquisitions (sous le contrôle et au bénéfice du musée), contribution
au rayonnement par des activités de communication.
-
d’autre part, la quasi
-absence de crédits du programme 178 pour financer des travaux
d’investissement lourds
prévus dans le schéma directeur initial, a conduit certaines associations
d’amis à jouer le rôle d’opérateur financier voire de maître d’ouvrage dans des montages
financiers et administratifs complexes
64
visant à pallier l’absence d’autonomie comptable du
musée bénéficiaire des travaux. On relèvera les risques que font peser de tels montages sur les
responsables associatifs eux-mêmes
en cas d’impossibilité de conduire les trav
aux à bonne
fin
65
.
Ce mécanisme ne saurait être encouragé, encore moins considéré comme un modèle,
comme il a pourtant été présenté à la Cour. L’atteinte du résultat (c’est
-à-dire la réalisation des
travaux) ne saurait justifier
ex post
la pertinence du « modèle », encore moins sa réédition, pour
61
Qui est en voie de réalisation, à l’exception notable du musée des blindés et de la cavalerie.
62
Symptomatique des relations entre le président des Amis du musée des blindés et de la cavalerie de
Saumur et le gradé conservateur du musée des blindés.
63
Réf citée, article 2.5.
64
Ainsi des travaux de construction de l’actuel musée de la Légion Étrangère, achevés en 2015, pour
lesquels la Société des Amis du musée de la Légion Étrangère (SAMLE) a servi de récept
acle aux dons issus d’une
souscription (collectivités locales, réserve parlementaire, privés…). Elle a viré les sommes sur le compte de la
DGFIP au gré des appels de fond de la part du Service d’Infrastructure de la Défense, maître d’ouvrage des travaux.
E
lle a même endossé le rôle de maître d’ouvrage en réceptionnant une partie du chantier, et tenu le rôle
d’interlocuteur direct des donateurs tout au long de celui
-ci.
65
La SAMLE n’a reçu en la circonstance qu’une promesse orale du secrétaire général du
ministère de la
défense de garantie par l’État de la bonne fin des travaux en cas de défaillance des donateurs en cours de chantier.
Seul en charge de la « synchronisation de la courbe des dons et de celle des appels de fonds
», l’ex
-président de la
SAMLE,
officier général retraité, a indiqué à la Cour qu’il s’était «
abandonné à la Providence » dans la conduite
de ce dossier, caractérisée selon lui par «
une forme de désengagement de l’État
».
LA POLITIQUE MUSÉALE DU MINISTÈRE DES ARMÉES
29
les investissements futurs prévus dans les musées d’armes. L’association d’amis ne doit en
aucun cas être conduite, même de son plein gré, à tenir le rôle
d’opérateur
-pivot sur le plan
budgétaire, outrepassant largement le rôle de capteur de mécénat qui devrait être, dans un tel
contexte, sa mission unique et décisive. Ces dérives apparaissent en réalité consubstantielles au
statut actuel des musées, démembrements
des formations administratives de l’armée de terre
.
Une telle situation continue de faire peser sur les musées, leur hiérarchie et les associations, le
risque de gestion de fait et
n’est aucunement à la hauteur des enjeux posés au ministère en
matière patrimoniale.
Il doit être mis fin au palliatif du recou
rs persistant aux associations d’amis pour
contourner des rigidités administratives et budgétaires, en procédant à des réformes statutaires
désormais inéluctables.
Il convient donc, dans un premier temps et à tout le moins, que l’armée
de terre adopte et
généralise, au sein du réseau des musées d’armes, les principes de
fonctionnement devant réguler les relations entre musées et associations d’amis
.
Convention générique musée-association : un effort louable
Le bureau des affaires juridiques de l’EMAT a
proposé à cet effet un projet de
convention générique dans lequel sont notamment définis les rôles respectifs de
l’association
66
et de l’autorité militaire, réinstaurée dans son rôle de décisionnaire unique.
Selon ce projet, toujours sur la table, le conservateur du musée est explicitement
chargé du programme des activités, du projet de budget, de la direction des travaux de
restauration des objets, de la mission culturelle et pédagogique du musée et de sa politique
de communication. Il participe au choix des objets mis en vente dans la boutique. Toutes les
recettes provenant des prestations couvertes par l’association sont destinées à couvrir ses
strictes dépenses de fonctionnement ainsi que sa contribution à la gestion du musée. La
convention peut être dén
oncée sans préavis par l’autorité militaire. Ce projet de convention
-
cadre fixe comme principe la gratuité des musées
67
, un principe lourd de conséquences pour
certains musées
68
, même s’il est dicté par le souci d’écarter le risque juridique de gestion de
fa
it en éliminant une de ses sources, la perception des droits d’entrée.
66
« Accueil des visiteurs, surveillance des espaces d’exposition
en présence de public, aide au
fonctionnement courant du Musée, contribution à la mise en valeur, la restauration et à l’enrichissement du
patrimoine historique et culturel, à l’inventaire du Musée, ainsi qu’à son rayonnement, participation aux réunions
».
67
Le cas particulier du
musée des blindés et de la cavalerie de Saumur
, dont la fréquentation, payante,
surpasse celle de tous les musées (près de la moitié des entrées totales du public civil en 2020, soit près de 39000
sur
87600 visiteurs) , a, quant à lui,
été traité séparément, au moyen d’une convention de gestion signée le 3 février
2020 entre le commandant de la base de défense d’Angers, le commandant des Écoles militaires de Saumur, le
directeur départemental des finances publiques de Maine-et-Loire et le préfet de Maine-et-Loire. Elle a le mérite
de régler la partie pécuniaire de la relation entre musées et association, en prévoyant en particulier le remploi des
produits de toute nature perçus par l’association au bénéfice de la m
ise en valeur des collections du pôle muséal,
avec la faculté de conserver 10% de ces produits sur autorisation de DDFIP, qui se réserve le droit de procéder
d’office aux rectifications nécessaires.
68
Le musée des Transmissions de Cesson-
Sévigné a dû s’y résoudre pour é
viter les confusions avec son
association d’amis.
LA POLITIQUE MUSÉALE DU MINISTÈRE DES ARMÉES
30
Cette initiative de « charte minimale » des relations entre musées et associations est un
progrès bienvenu qui doit être concrétisé dans les meilleurs délais. Il est cependant clair qu
’elle
ne suffira
pas à traiter les fragilités inhérentes à l’absence d’autonomie juridique et financière
des musées d’armes.
1.3.2
La
réforme du statut des musées d’armes
, un chantier qui doit être relancé
Trois scenarii de modification juridique des statuts ont été discutés par le groupe de
travail, qu’on examinera ci
-
après. Le quatrième scenario, par défaut, revenait à s’en tenir au
statu quo
.
Contre toute attente, c’est ce dernier qui a été retenu, au terme de six réunions et cinq
mois de travail.
Le sous-ch
ef performance et synthèse de l’armée de Terre, qui participait à la réunion
finale du groupe de travail, a pleinement assumé devant la Cour ce choix du maintien du
démembrement des musées auprès de leurs formations administratives respectives, soulignant
que la politique muséale devait relever du domaine strictement régalien, et que la recherche de
financements extérieurs ne devait se traduire que « par des actions ponctuelles et déjà rôdées ».
Il est regrettable
que ce diagnostic de l’état
-
major de l’armée de Terre n’ait pas débouché
sur une option plus innovante que celle du
statu quo ante,
s’agissant tout particulièrement du
nécessaire encadrement
de la recherche de financements et des circuits à leur faire emprunter.
Le statu quo revenant en effet à entraver le recours à ces financements, il ne constitue pas une
solution satisfaisante ni viable à terme rapproché et ne fait que pérenniser la problématique des
associations décrite ci-dessus
69
. Enfin, il
obère lourdement l’ambition
légitime que nourrit ce
même état-
major de l’armée de Terre s’agissant du
développement de son patrimoine muséal
(cf. point 2.3.1. ci-dessous).
1.3.2.1
La p
iste du rattachement des musées d’armes au musée de l’armée
:
l’établissement public et l’état
-
major de l’armée de T
erre se retrouvent au milieu
du gué
Prévue par le code de la défense
70
comme une évolution possible des musées d’armes,
cette piste du rattachement à l’établissement public du musée de l’armée a été examinée puis
écartée par le groupe de travail
71
. Dans cette hypothèse, assimilable à une tutelle organique du
musée de l’armée sur les musées de l’armée de Terre, les musées d’armes seraient considérés
comme des antennes provinciales de l’établissement public parisien, lui
-même doté de
l’au
tonomie juridique et financière. Il bénéficierait en retour d
’une
assise territoriale et de
l’ancrage au plus près des armes,
atouts don
t il est aujourd’hui dépourvu.
69
Même si le groupe de travail a tenu à souligner dans sa réunion conclusive leur rôle important en tant
que partie prenante de l’âme et de la mémoire des musées.
70
Article R. 3413-3 du code de la défense.
71
Quant à celle d’un EPA autonome «
musées de l’armée de Terre
», elle a été d’emblée mise de côté, en
raison des coûts financiers et en ressources humaines impliqués par cette option.
LA POLITIQUE MUSÉALE DU MINISTÈRE DES ARMÉES
31
Des arguments contrastés pour une conclusion commune : le rejet du
rattachement.
Cette formule, simple en
apparence, s’est heurtée à plusieurs objections. Parmi elles, la
réticence du musée de l’armée à envisager une telle absorption («
tutelle organique »), au seuil
de son projet d’extension. L’établissement invoque en outre la nécessaire préservation de la
c
haîne de commandement qui relie les musées d’armes au CEMAT via les écoles de formation
et le père d’Arme, compte tenu du rôle de formation des soldats et cadres de l’armée de terre
reconnu aux musées d’armes. C’est la formule alternative de «
tutelle fonctionnelle »
72
, de
nature
scientifique et technique, que recommande le musée de l’armée.
La proposition rejoint
les préconisations de la Cour d’un renforcement des synergies entre l’établissement et les
musées d’armes
73
(puisqu’elle comporte entre autre
s pistes une « politique harmonisée en
matière scientifique et technique » et une « déclinaison de thématiques annuelles
fédératrices
»),
éminemment
souhaitable,
mais
auxquelles
l’appellation
«
tutelle
fonctionnelle » paraît peu adaptée
74
. Ajoutons que le musé
e de l’armée se dit soucieux de ne
pas concentrer de manière trop appuyée le champ de ses coopérations sur le réseau des musées
de l’armée de Terre, considérant que sa vocation est celle d’un grand musée de l’histoire
militaire de France à travers
toutes les armées.
Du reste, cette
orientation devrait se trouver
confirmée par les choix muséographiques contenus dans son projet d’extension (colonisation
-
décolonisation, opérations extérieures, exposition temporaire à venir sur les forces spéciales).
De son cô
té, l’état
-major des armées
75
relève que la formule proposée par le musée de
l’armée n’a pas permis «
de converger vers une garantie de la préservation de la proximité avec
l’opérationnel et l’unicité du réseau muséal de l’armée de Terre, considérés comme des enjeux
majeurs
». C’est donc bien la crainte d’une perte d’identité qui fonde sa réticence,
même
dans
l’hypothèse atténuée d’une simple tutelle fonctionnelle
.
Dans l’hypothèse d’un rattachement
organique au musée de l’armée, le lien juridique direct avec les autorités de rattachem
ent et le
CEMAT serait bel et bien rompu
, scenario auquel n’est pas prêt l’EMAT
76
72
C’est la réponse faite par le musée de l’armée au groupe de travail,
par opposition à l’hypothèse de la
« tutelle organique
», qu’il écarte d’emblée.
73
OD du rapport sur le musée de l’armée, novembre 2021, réf. citée.
74
Elle est même source de confusion avec le rôle de la DELPAT Terre, scientifique affectataire pour les
musées de l’armée de Terre.
75
Réponse au relevé d’observations provisoires de la Cour sur le contrôle des comptes et de la gestion du
musée de l’armée
, 16 août 2021.
76
Même si le sous-chef performance et synthèse, lui-
même favorable à l’intégration, ne manque pas de
relever ce constat d’évidence : le musée de l’armée et les musées d’armes dépendent
in fine
d’une seule et même
tutelle ministérielle.
LA POLITIQUE MUSÉALE DU MINISTÈRE DES ARMÉES
32
1.3.2.2
La piste du service à compétence nationale : des précédents convaincants au
ministère de la culture
Le statut de services à compétence nationale (SCN), rapidement écarté par
l’état
-major,
a fait cependant ses preuves au ministère de la culture qui gère une bonne partie des musées de
France qui lui sont rattachés dans ce cadre
77
. La Cour des comptes avait constaté, dans son rapport
public thématique du 24 mars 2011 sur « les musées nationaux après une décennie de
transformation
», qu’ils constituaient une solution intermédiaire entre service administratif de
l’État et établissement public.
Au sein du ministère des armées, le service historique de la défense
(SHD), chargé de la gestion des archives militaires en France, est un SCN rattaché à la DPMA,
devenue DMCA en avril 2022, depuis sa création par le décret du 17 janvier 2005. Il est issu du
regroupement en 2005 des quatre services historiques relevant des différentes forces armées, puis
du centre des archives du personnel militaire en 2012, et se trouve installé sur une dizaine de
sites.
Les SCN, créés par décret du 9 mai 1997,
sont rattachés au ministre lorsqu’ils sont créés
par décret, à un directeur d’administration central
e, un chef de service ou un sous-directeur
lorsqu’ils sont créés par arrêtés.
Les chefs de service à compétence nationale se voient en général
reconnaître le rang d’ordonnateurs secondaires des recettes et dépenses de fonctionnement de
leur service, ainsi
que des crédits d’investissement délégués. Ils sont habilités à négocier et à
passer des contrats et marchés.
Ce statut de SCN présente des facilités pour utiliser, au niveau des musées, les recettes
extérieures qui peuvent être mobilisées en utilisant les différents outils budgétaires prévus par
la LOLF (voir 4.1)
78
Une évolution des musées de l’armée de terre vers le statut de SCN
, dont
la direction pourrait être confiée à la DELPAT Terre,
permettrait de développer l’autonomie
de gestion des musées, et donc une politique muséale plus ambitieuse, tout en préservant la
pleine autorité hiérarchique du CEMAT et le lien organique avec les armées. Cette orientation
vers un SCN, au-delà de ses implications en matière de ressources financières et humaines,
suppose que la nécessaire régularisation des relations avec les associations ait été préalablement
achevée.
1.3.2.3
La piste du Groupement d’Intérêt Public local et sa possible
expérimentation sur
un des pôles muséaux
Le groupe de travail a également écarté la piste du groupement d’intérêt public
(GIP)
local, après un examen superficiel d’où il a conclu
, ici encore, à la perte de maîtrise de la
77
Parmi les musées nationaux relevant du ministère de la culture, 18 relèvent de 15 établissements publics,
17 relèvent de 13 services à compétence nationale (SCN), rattachés directement à l’administration centrale
.
78
En ce qui concerne le ministère de la Culture, la plupart sont intégrées à une convention avec
l’établissement public Réunion des
Musées Nationaux - Grand Palais (RMN-GP). Celui-ci reverse chaque année
par fonds de concours au ministère un pourcentage des
droits d’entrée et du chiffre d’affaires des librairies
-
boutiques. Les crédits sont rattachés au programme 175 « Patrimoines « (action 3 : « Patrimoine des musées de
France ») puis mis à disposition sur les unités opérationnelles (UO) des musées.
LA POLITIQUE MUSÉALE DU MINISTÈRE DES ARMÉES
33
gouvernance par l’armée, et
sans même envisager les études complémentaires qui auraient
permis d’affiner le diagnostic
. La formule présente cependant de nombreux atouts, soulignés
par la DPMA elle-même : souplesse en matière de règles statutaires, cadre partenarial très
familier aux collectivités locales, ouverture significative vers des financements extérieurs et en
particulier le mécénat d’entreprise.
La loi 2011-525 du 17 mai 2011 pose les règles de création et de fonctionnement des
GIP. Personne morale de droit public regroupant des personnes morales publiques et privées,
le GIP est doté de
l’autonomie juridique et financière
. Il est fondé sur une convention
constitutive soumise à l’approbation de l’État
qui doit préciser la part de capital détenue par
chaque membre du groupement.
Aucune disposition n’impose que la part des voix de chaque
membre dans les instances délibérantes du GIP (Assemblée Générale, conseil d’administration)
doive correspondre à sa part dans le capital, même si dans les faits, une certaine corrélation
existe entre la quotité des apports au GIP et la part prise dans sa gouvernance.
Le GIP local, associant les collectivités, apparaît comme un mode d’action publique
partenariale particulièrement adapté à la réalisation d’un projet d’intérêt public tel que la
stru
cturation d’un pôle muséal évaluée à plusieurs dizaines de millions d’euros.
Le projet d’intégration muséale de Bourges
semble le meilleur point d’application pour
un GIP local
Trois des pôles muséaux de l’armée de Terre sont en discussion avancée avec l
es
collectivités locales pour un projet culturel partenarial : Saumur, Angers, Bourges. Le projet de
Saumur prévoit d’intégrer au pôle muséal Blindés
-cavalerie le musée du cheval de la ville de
Saumur; celui d’Angers serait orienté vers la dimension interarmées, à travers l’intégration des
collections du Service d’Infrastructure de la Défense avec celles du musée du Génie
; le pôle
muséal de Bourges, quant à lui, ambitionne l’intégration des collections de la DGA
79
, à
l’horizon 2028, dans un vaste «
musée militaire de Bourges » composé également des musées
du Train et de la Maintenance. Ce projet de pôle élargi impliquant deux entités du ministère des
armées (armée de terre et DGA) se chiffrerait entre 25 et 45 millions d’euros.
C’est à Bourges que l’enviro
nnement apparaît le plus porteur
: réouverture récente d’un
musée du Train rénové, dont la fréquentation (non payante) est prometteuse
80
; élargissement à
la dimension interarmées avec l’intégration prévue des collections de la DGA
; collectivités
territori
ales (mairie, communauté d’agglomération, Département du Cher, Région Centre Val
de Loire) acquises sans restriction et de longue date à l’importance des métiers de la défense
81
dans l’économie locale et conscientes des bénéfices d’une offre culturelle addi
tionnelle pour le
tourisme
82
; présence d’une industrie de l’armement (Nexter, MBDA) qui a confirmé au
commandant des écoles militaires de Bourges (EMB) son souhait de contribuer financièrement
79
À ce jour inaccessible au public
80
5000 visiteurs depuis sa réouverture, en mai 2021.
81
Les métiers de la défense pourvoient un emploi sur cinq dans le département du Cher.
82
La création du musée militaire donnerait lieu, selon une étude récente, à une hausse des 40 000 visiteurs
par an à Bourges (objectif à 5 ans). À noter, Bourges est candidate au titre de capitale européenne de la culture
2028, ce qui ne peut que renforcer sa motivation pour ce type de projet.
LA POLITIQUE MUSÉALE DU MINISTÈRE DES ARMÉES
34
au projet. La relation aux trois associations d’amis, appelées à
fusionner dans la perspective de
ce projet, est constructive et l’encadrement militaire très motivé.
La piste de la création d’un GIP local pour le futur pôle militaire intégré de Bourges
mérite d’être poussée plus avant, car elle apparaît le moyen envisa
geable pour rassembler une
partie de ces fonds auprès des collectivités et des mécènes locaux. Le GIP serait créé en lien
avec les autres parties prenantes
(collectivités locales, associations d’amis, ministère de la
culture en raison de la candidature à l
’appellation musée de France, éventuellement éducation
nationale pour la dimension lien armée-nation). Les apports du ministère des armées à la
création de ce
GIP
83
semblent ne pas nécessiter d’arbitrage financier lourd.
De surcroît, ces
apports sont de nature à justifier, avec un faible risque de contestation par les autres membres
du GIP,
le maintien au ministère des armées de la maîtrise sur les orientations du GIP
. Le
commandant de la base militaire devrait, au minimum, en être désigné soit directeur soit
président du conseil d’administration.
Les pistes du SCN et du GIP local
, loin de s’exclure mutuellement, apparaissent
complémentaires. Leur co
mbinaison sur les sites s’y prêtant le mieux
permettrait, à terme, de
concilier la mise en œuvre «
par le haut
» d’une politique muséale
clairement identifiée, avec
sa déclinaison territoriale, au cas par cas, à travers un instrument bien rôdé, abritant des
partenariats locaux publics et privés et générant des financements extérieurs.
La Cour réitère sa recommandation, formulée en 2012, de faire évoluer les règles
juridiques et financières régissant les musées d’état
-major, en particulier ceux
de l’armée de
terre. Le groupe de travail ministériel
relatif aux statuts juridiques des musées de l’armée de
terre a été réactivé à
l’autom
ne 2021. Le secrétariat général
pour l’administration et l’état
-major
des armées s’accordent pour remettre le sujet à l’étude dans le cadre de l’assistance à maîtrise
d’ouvrage (AMOA) pour le développement des musées de l’armée de Terre, validé
e
conjointement fin 2021.
Devraient y être tranchées les questions du mode d’organisation, du
statut et de la soutenabilité budgétaire de ces musées.
Recommandation n° 2.
(EMA-DMCA) Réformer les règles juridiques et financières
régissant les musées de l’armée de terre afin de sécuriser leur fonctionnement et mieux
garantir les ressources.
1.4
Une relation à conforter avec le ministère de la culture
Les deux ministères sont liés par un protocole défense-culture dont la dernière
actualisation date de 2005. Il organise en particulier la programmation de la restauration des
monuments historiques dont le ministère des armées est affectataire. Les emprises concernées
83
Pour ne citer que les principaux apports : emprise du musée du Train pour accueillir les bureaux du
GIP, trois collections et leur valorisation, équipe muséale existante mise à disposition du GIP soit 8 à 9 personnes
sur la quinzaine requise (selon les premières estimations). Les fonctions d’accueil du p
ublic, de médiation, et
même de comptable, pourraient être assurées par les collectivités locales.
LA POLITIQUE MUSÉALE DU MINISTÈRE DES ARMÉES
35
par ces travaux sont l’hôtel national des Invali
des, le site du Val-de-Grâce, le Fort de Brest, la
citadelle de Port-Louis, les hôtels de Cheusses et Amblimont
84
à Rochefort.
Le directeur de la DPMA, devenue DMCA en avril 2022, participe au haut conseil des
musées de France, traduisant la reconnaissance
par le ministère de la culture de l’importance
du patrimoine muséographique du second acteur culturel de l’État. De son côté, le ministère de
la culture est représenté au sein des conseils d’administration des trois établissements publics.
Le partage des rôles entre DPMA/DMCA
et ministère de la culture à l’égard du contrôle
sur les collections n’est pas clairement défini par les textes. En effet, selon l’article D. 442
-13
du code du patrimoine
,
le contrôle scientifique et technique de l'État est mis en œuv
re soit à
l'initiative du ministre chargé de la culture ou du ministre compétent, soit à la demande de
l'autorité propriétaire ou dépositaire des collections du musée concerné.
Le dialogue entre les deux institutions apparaît peu substantiel. Les musées d
’armes,
sous tutelle fonctionnelle de la DELPAT Terre, n’entrent pas dans le champ couvert par les
Directions Régionales de l’Action Culturelle (DRAC), tandis que la DPMA
/DMCA entend
demeurer le
point d’entrée unique pour le ministère de la culture auprès
des opérateurs culturels
des armées
85
. En pratique, c’est pourtant avec les établissements publics que le ministère de la
culture entretient les relations directes les plus denses : il est le gestionnaire du corps unique
des conservateurs
86
, qui constituent
l’encadrement scientifique au sein
des trois EP. Surtout, le
niveau d’expertise requis pour les sujets dont les EP ont à traiter
87
justifient des relations
directes et fréquentes entre équipes de conservation dans les EP et leurs homologues spécialisés
au sein du ministère de la culture.
Un dialogue à nouer
entre les deux ministères sur la candidature à l’appellation
musée de France
Le projet de candidature à l’appellation Musée de France du «
cœur de collections
» des
musées de l’armée de Terre, qui relève
in fine
de l’instruction du ministère de la culture
88
, semble
n’avoir pas encore été porté à la connaissance de celui
-ci autrement que de manière très
informelle. Outre les obligations légales qu’il implique
89
, ce projet de candidature soulève une
question s
tructurelle préalable d’importance, qui tient à l’éclatement des musées d’armes sur
divers sites et sous divers commandements. Dans la pratique du ministère de la culture, les très
rares
cas
d’appellation
unique
«
musée
de
France »,
décernée
à
des
collections
84
Dont le classement partiel en monument Historique est en cours.
85
Même si la DELPAT Terre entretient des relations directes avec le service des musées de France, en
relation avec la protection du patrimoine culturel sur les théâtres d’opération.
86
Gestion qui fait l’objet de tensions entre les deux ministères, examinées en partie 4.2 du présent rapport
87
Par exemple les normes d’inventaire, les collections
d’origine extra
-européenne, les restitutions, les
acquisitions importantes
, la dévolution de l’exercice du droit de préemption… bien au
-delà, donc, des aspects de
restauration des monuments ou de professionnalisation des personnels, qui forment le cœur du
protocole pour ce
qui concerne sa dimension muséale.
88
La demande devra être déposée par le ministère des armées auprès du service des musées de France,
qui assure le secrétariat du haut conseil pour les musées de France, lequel rendra son avis. L’appella
tion est
décernée par arrêté conjoint des deux ministères.
89
Établir un inventaire, rédiger un projet scientifique et culturel, un programme d’acquisition des
collections, un plan de conservation préventive et de restauration global accompagné d’annexes p
ar pôle.
LA POLITIQUE MUSÉALE DU MINISTÈRE DES ARMÉES
36
géographiquement éclatées, se justifient par le constat d’une unicité de la thématique
90
.
Or les
conditions pour une telle dérogation sont également manquantes, s’agissant de collections
chargées d’illustrer l’histoire et les spécificités de chacune de
leurs armes de rattachement.
Un dialogue en amont avec le ministère de la culture sur ce sujet, toujours possible,
contribuerait à éclairer les étapes à venir et affiner les paramètres à considérer, notamment dans
le contexte de la réflexion à rouvrir su
r le statut des musées d’armes
91
. Se pose en effet la
question de l’opportunité éventuelle de poursuivre dans la voie de cette candidature, et de la
configuration requise, le cas échéant, pour qu’elle ait quelque chance d’être soutenue
par le
ministère de la culture
. Cette candidature est une ambition à saluer, dès lors qu’elle est la
conséquence claire et logique d’une stratégie assumée dans toutes ses dimensions.
Le protocole culture-
défense devrait être actualisé, comme le préconise l’axe 4 du
mandat ministériel de transformation « patrimoine culturel de défense » du 22 mai 2019, afin
d’offrir le cadre approprié pour un dialogue structuré entre les deux ministères, qui fait défaut
à ce jour. À travers des rencontres périodiques, associant notamment les responsables muséaux
du ministère des armées (y compris état-major), pourraient être traitées entre autres, des
questions relatives aux grandes acquisitions, aux évolutions réglementaires, aux restitutions, à
l’utilisation des outils numériques, à l’échange
de bonnes pratiques en matière de politique des
publics, aux pistes de captation des crédits européens, etc. La DPMA/DMCA a indiqué
s’être
rapprochée du service des musées de France, aux fins de réactualisation du protocole, mais être
restée
dans l’attente
de son retour.
Si le ministère des armées a confirmé son accord sur la recommandation de la Cour de
réactiver le dialogue
entre les deux ministères et d’actualiser le protocole défense
-culture, le
ministère de la Culture n’a pas répondu
à la Cour, dans le cadre de la contradiction.
Recommandation n° 3.
(SGA, Direction générale des patrimoines et de l’architecture)
Actualiser le protocole culture-
défense pour en faire le cadre d’un dialogue structuré
entre les deux ministères.
______________________ CONCLUSION INTERMÉDIAIRE ______________________
Les musées du ministère des armées sont répartis en deux grandes catégories, les
établissements publics (musée de l’armée, musée de l’air et de l’espace, musée national de la
marine), et les
musées rattachés aux armées. Seul des trois musées d’État, le mus
ée national
de la marine est présent en territoire à travers le réseau des musées des ports. Chacun des trois
établissements publics
fait l’objet d’un ambitieux programme de modernisation avec pour
objectif leur accession aux standards de grands musées du XXI
ème
siècle.
90
Cas de la collection « musée de France » des musées de la maison de Bonaparte à Ajaccio, et des
châteaux de Malmaison et de Bois-Préaux.
91
L’appellation musée de France suppose en particulier un engagement, fort et persistant, d’une mise à
nivea
u scientifique, muséographique et spatiale, pour optimiser l’accès et l’accueil du plus large public
: un
choix
conséquent
de la tutelle sur ces objectifs en est donc le préalable indispensable.
LA POLITIQUE MUSÉALE DU MINISTÈRE DES ARMÉES
37
Les musées hors établissements publics sont l’une des catégories muséales identifiées
par le ministère en 2016 dans un essai de typologie qui reste à parfaire. Seize des dix-sept
musées relèvent de l’armée de Terre. Le Musée du service de sa
nté des armées ainsi que trois
musées de l’armée de Terre ont reçu l’appellation Musée de France.
Rattachés à leur formation
administrative, le plus souvent une école, les musées hors EP manquent d’autonomie et peinent
à maintenir une visibilité dans un environnement institutionnel complexe. Les délégations au
patrimoine de chaque état-major sont en charge de la gestion du patrimoine culturel de leur
armée respective et sans lien hiérarchique avec la DPMA, devenue DMCA en avril 2022.
L’incapacité juridique
et budgétaire des musées hors EP continue de gêner leur mise à
niveau et leur évolution. Le recours au modèle associatif, qui compense, faute de mieux, cette
situation persistante, atteint ses limites et doit désormais être revu en profondeur, comme
l’a
déjà signalé la Cour à plusieurs reprises.
Il est ainsi regrettable que les réflexions engagées
par l’état
-
major de l’armée de Terre sur la révision des statuts de ses musées aient conclu,
en
mai 202, après plusieurs mois de réunions, au maintien pur et simple du statu quo, alors que
des pistes de travail fécondes sont demeurées largement inexplorées. La Cour prend note des
intentions du ministère de réouvrir la réflexion sur ce sujet
dans le cadre d’une assistance à
maîtrise d’ouvrage sur le développement d
es musées, validée par la secrétaire générale de
l’administration et l’EMA, fin 2021.
Les relations avec le ministère de la culture
, premier acteur culturel de l’État,
devraient
être relancées et structurées, au moyen d’une actualisation du protocole cult
ure-défense,
inchangé depuis 2005.
2
DES MISSIONS HÉTÉROGÈNES QUI NE FONT PAS UNE
STRATÉGIE
La relative complexité du paysage muséal présenté ci-dessus laisse augurer
l’hétérogénéité qui préside aux missions assignées aux différentes catégories de musées, et entre
les trois grands musées eux-mêmes. Cette diversité, bien réelle, est source de grande richesse
mais aussi de confusion, à défaut d’une vision d’ensemble à
un niveau approprié, qui soit ancrée
dans un document stratégique ministériel.
S’agissant de l’état
-
major de l’armée de terre, la double mission dévolue aux musées est
clairement revendiquée (transmission et rayonnement), et traduite dans un document
stratégique et programmatique de qualité, «
l’Ambition 2019
». Toutefois, faute de moyen
budgétaire ou de volonté de mettre en cohérence son propre programme avec ses actions, l’état
-
major paraît aujourd’hui
être en retrait de ce programme
92
. Le sujet est désormais porté à
l’échelon ministériel, seul susceptible de donner l’impulsion nécessaire à un changement du
92
Ce qui n’est pas sans rappeler la façon dont il a conclu le
groupe de travail sur les statuts des musées
par le choix de l’immobilisme.
LA POLITIQUE MUSÉALE DU MINISTÈRE DES ARMÉES
38
cadre conceptuel que tous les acteurs du patrimoine et une majorité de gradés appellent de leurs
vœux.
2.1
La politique muséale se cherche au sein des orientations mémorielles et
culturelles
Les documents ne manquent pas pour fixer leurs missions aux musées. À l’appareillage
foisonnant qui encadre les missions des trois établissements publics - des dispositions du code
de la défense aux lettres de missions ou feuilles de route des directeurs en passant par les
documents de pilotage - fait écho la dichotomie claire des missions imparties aux musées
d’armes, tenus d’assurer la transmission et le rayonnement de valeurs milit
aires. Il manque en
revanche un regard d’ensemble sur les acteurs de ce paysage composite, qui soit en mesure de
leur impulser une direction concertée, traduite en arbitrages concrets et susceptible de fonder
une véritable politique muséale du ministère des armées.
La directive mémorielle triennale
du 20 décembre 2019 mentionne au nombre des
priorités la mémoire des OPEX, l’aide aux territoires dans le domaine du tourisme de mémoire,
la participation à l’action diplomatique de la France à travers la thémati
que de la « mémoire
partagée », le développement de la fonction Histoire du ministère des armées et les synergies
entre les armées et le monde universitaire. La DPMA, devenue DMCA en avril 2022, y
contribue à travers le réseau des musées et mémoriaux des conflits contemporains (RMMCC)
qu’elle anime
93
, ainsi que les musées à travers l’organisation d’évènements en lien avec le
calendrier mémoriel fixé par la DPMA/DMCA.
Interrogée sur la teneur de la politique muséale du ministère des armées, la
DPMA/DMCA estime que la directive culturelle triennale (2021-2023) signée le 10 novembre
2020,
met l’accent sur les apports de la politique culturelle ministérielle à l’ensemble de la
Nation (repères, cohésion et sens), les priorités retenues (bâti, archives, bibliothèques,
musées…)
, les
modalités d’action et de mise en œuvre.
Dans cette directive de cinq pages,
l’unique paragraphe qui soit consacré aux musées mentionne exclusivement, de surcroît,
les
musées à statut d’établissement public
. Ceux-ci sont notamment incités (ci-dessous) à élargir
leur public et maîtriser leurs dépenses de fonctionnement.
La place modeste faite aux musées au sein de la directive culturelle 2021-2023
« Les trois musées ayant le statut d'établissement public (EPA) sont lancés dans de
vastes projets de rénovation ou d'extension, qu'il convient de poursuivre selon une
programmation qui dépasse l'actuelle LPM. Les jeux olympiques de 2024 constituent une
étape intermédiaire qui doit permettre d'accueillir davantage de visiteurs avec une offre
renouvelée, y compris pour le musée de l'ordre de la Libération. Pour être soutenable, cette
politique ambitieuse doit s'accompagner d'une amélioration des modèles économiques des
établissements publics. Il est indispensable de continuer les efforts entrepris pour maîtriser
93
Sites d’évènements, champs de bataille, espaces d’internement ou d’exécutions.
LA POLITIQUE MUSÉALE DU MINISTÈRE DES ARMÉES
39
les dépenses de fonctionnement, développer les ressources propres et envisager d'éventuelles
mutualisations entre musées dont les systèmes d'information de gestion des collections, tout
en maintenant une politique dynamique permettant d'augmenter la fréquentation. Deux
directions devront guider leurs ambitions : une territoriale, en travaillant davantage avec les
collectivités territoriales qui le souhaiteraient ; l'autre, artistique, en initiant des partenariats
dans le domaine de la création
(résidences, acquisitions d'œuvres par commande publique,
mécénat…)
»
Cette directive démontre, en creux, l’absence de vision stratégique d’ensemble sur la
politique muséale du ministère des armées, et de document qui soit de nature à poser les
ferments d
’une gouvernance et d’orientations communes à tous les acteurs concernés, à
l’échelle interarmées et interservices.
2.2
Les missions et orientations des établissements publics sont multiples
et théoriquement financées
2.2.1
Des missions réglementaires exigeantes
2.2.1.1
Les missions inscrites au code de la défense : leur réécriture en cours est
nécessaire et reste à finaliser
Le code de la défense fixe aux trois établissements publics, de façon quasi-identique,
une mission de conservation et d’enrichissement des collectio
ns et de présentation de celles-ci
au public, reprenant en cela la définition d’un musée de France telle que fixée par le code du
patrimoine. Pour le reste, la comparaison de ces statuts révèle une grande hétérogénéité dans la
définition et la finalité de leurs missions.
Un aperçu des missions assignées aux trois établissements publics par le code de la
défense
Seul le
musée de l’armée
compte une mission
–
non des moindres puisqu’elle occupe les
deux premiers alinéas sur les trois que comporte l’article d
u code
–
à vocation militaire :
esprit
de défense
,
mémoire des gloires nationales
et
éveil des vocations
, formules qu’on tendrait
aujourd’hui à unifier sous le vocable de Lien Armée
-Nation. Cette mention, qui rapproche en
apparence le musée de l’armée de la mission assignée aux musées d’armes, n’est que
marginalement suivie d’effets dans les activités de l’établissement. Dans un contexte de
civilianisation et de professionnalisation des effectifs, corollaires de la mise en œuvre de la loi
Musées de France,
mais aussi de recherche de ressources propres, le musée de l’armée s’est
principalement attaché au cours des dernières décennies à se rapprocher des standards de la
muséologie moderne portés par le ministère de la culture. Il reste que la richesse et le caractère
presqu’exclusivement militaire de ses collections consacrent sa vocation, par ailleurs réaffirmée
dans le chantier 15, à devenir le musée d’histoire militaire du pays. Si la «
militarité » du musée
LA POLITIQUE MUSÉALE DU MINISTÈRE DES ARMÉES
40
ne faire guère débat
94
, elle gagnerait à être réaffirmée au code de la défense dans une formulation
plus fidèle à la réalité.
Le
musée de l’air et de l’espace
a toujours eu une vocation à la fois militaire et civile.
La composante militaire est bien présente et, tout particulièrement, l’armée de l’air et de l’espace
française, à travers ses matériels (dont les avions de chasse exposés dans le hall de la Cocarde),
son histoire et ses héros. Le projet en cours de mémorial des aviateurs morts dans
l’accomplissement de leur mission (comprenant une base de donné
es estimée à 25 000 noms)
s’inscrit dans cet esprit.
La situation du
musée national de la marine
est un peu différente. Si le cœur des
collections historiques est bien celui de la marine de guerre, la marine nationale a une vocation
à la fois civile et militaire. Le projet arrêté pour le musée dans le projet scientifique et culturel
de 2015 et mis en œuvre dans le projet de rénovation sur le site de Chaillot souhaite mettre en
valeur les différentes marines : nationale, marchande, pêche, plaisance, sous-mar
ine. C’est un
musée de la mer et du milieu maritime, même si la déclinaison de cette orientation dans les
musées de port, qui gardent une forte composante militaire et de défense nationale par leur lien
avec des arsenaux et ports de guerre, reste encore en débat dans le cadre du nouveau projet
scientifique et culturel.
La tutelle a entrepris une réforme du code de la défense dans sa partie concernant les
établissements publics. La réécriture proposée, engagée depuis 2018 et soumise à la direction
des affaires juridiques (DAJ) en 2019, opère une hybridation entre la formulation actuelle et les
attendus du code du patrimoine. Le rappel ou l’introduction des missions des musées en matière
de lien armée-
nation, qui n’est pas prévu à ce stade, pourrait utilement
y trouver sa place. La
tutelle a ici un rôle d’orientation majeur à jouer, à défaut duquel les établissements sont tentés
d’apporter leur propre réponse en fonction de leurs collections, de leur histoire et de leur degré
d’osmose avec les communautés huma
ines et professionnelles qui se reconnaissent dans
l’institution.
Si la DAJ a fait savoir à la DPMA/DMCA
qu’elle n’avait pas les ressources
nécessaires pour travailler sur ce chantier de refonte du code de la défense, il serait néanmoins
judicieux de le rouvrir
en accompagnement d’une réflexion sur la vision claire et partagée de la
politique muséale du ministère des armées et de la place qu’y occupent les établissements
publics.
2.2.1.2
Le socle intangible des missions inscrites au code du patrimoine
Les missions des trois établissements publics sont par ailleurs définies depuis 2002 par
la loi relative aux musées de France
95
. À ce jour plus de 1
200 musées ont reçu l’appellation
94
Hormis auprès de certains officiers de l’armée de Terre qui regrettent ouvertement l’abandon par
le
musée de certaines pratiques (disparition de la « salle des emblèmes » naguère localisée dans la prestigieuse salle
Turenne) et l’adoption de formules d’événements à leurs yeux trop disruptives, bien que destinées à élargir et
rajeunir son public (art
contemporain dans l’église du Dôme, parcours immersif
en partenariat avec Ubisoft et
donnant accès à des lieux habituellement fermés au public).
95
Pour rappel : Est considérée comme musée de France « toute collection permanente composée de biens
dont la conservation et la présentation revêtent un intérêt public et organisées en vue de la connaissance, de
l’éducation et du plaisir du public
».
LA POLITIQUE MUSÉALE DU MINISTÈRE DES ARMÉES
41
« musée de France ». Outre leur engagement dans ces missions, les musées concernés doivent
remplir des obligations spécifiques
96
, notamment tenir un inventaire de leurs collections et
rédiger un projet scientifique et culturel qui fixe leurs grandes orientations.
2.2.2
Les objectifs inscrits dans les outils de pilotage : rayonnement, attractivité et
soutenabilité du modèle économique
2.2.2.1
Les contrats d’objectifs et de performance (COP) fixent les objectifs stratégiques
Les contrats
d’objectifs et de performance permettent de fixer les orientations
stratégiques d’un établissement. Résultant d’une discu
ssion entre le musée et sa tutelle, le COP
définit les modalités de mise en œuvre et de suivi des orientations pour une période déterminée,
en général de cinq ans. Il a vocation à être présenté devant le conseil d’administration.
Les COP en vigueur ou en préparation (musée national de la marine)
Les trois musées disposent d’un COP. Le musée national de la marine engagé dans le
chantier de rénovation du palais Chaillot a obtenu un prolongement du COP actuel (2016-
2021) jusqu’en 2022. L’objectif principal de ce COP est la mise en œuvre de la rénovation.
Les COP des deux autres musées couvrent la période 2020-2024. Ils comportent chacun trois
ou quatre axes principaux, dont deux sont communs aux deux musées : le développement de
l’attractivité ou du rayonnement
et la performance du modèle économique. Le troisième axe
(et le quatrième dans le cas du musée de l’air et de l’espace) prend en compte la spécificité de
chacun des établissements : rénovation du Palais de Chaillot pour le musée national de la
marine, question des réserves et inscription dans le territoire du Grand Paris pour le musée de
l’air et de l’espace.
2.2.2.2
Les projets scientifiques et culturels, atout majeur et obligation réglementaire
Les trois musées obéissent à l’obligation réglementaire fixée par l
a loi « musée de
France » de disposer
d’un
projet scientifique et culturel (PSC)
97
. Ces documents fixent les
priorités scientifiques des établissements, dont ils constituent le levier pour toutes leurs activités
internes (acquisitions, restaurations…) et pa
rtenariales.
96
Cf. annexe n°1 sur les obligations des musées de France.
97
En 2020, le musée de l’armée a adopté son premier PSC. Le musée de l’air et de l’espace a renouvelé
le sien en 2020. Le musée de la marine est en train d’écrire son nouveau PSC.
LA POLITIQUE MUSÉALE DU MINISTÈRE DES ARMÉES
42
Les projets scientifiques et culturels PSC en vigueur ou en cours d’élaboration
(musée national de la marine)
Les PSC sont élaborés par les équipes des musées. La méthode de travail adoptée par le
musée de l’armée est à cet égard exemplaire.
Des groupes de travail rassemblant l’ensemble
des personnels volontaires ont réfléchi pendant un semestre sur des thématiques définies
(historique, collections, publics, numérique, rayonnement). Le PSC est ensuite soumis à la
tutelle et au Service des musées de France, au ministère de la culture.
Le musée de la marine s’est engagé dans une démarche semblable pour élaborer son
prochain PSC et doit relever un double défi de taille : accompagner la réouverture de Chaillot
et intégrer les musées des ports dans
le projet du musée, le choix d’un PSC par site ayant été
abandonné. Le PSC 2015-
2020, musée de la marine, ne proposait pas une vision d’ensemble
du musée et se concentrait sur le site parisien. Les travaux des sept groupes de travail
transdisciplinaires et « trans-sites
» devaient être rendus à l’automne 2021.
Les PSC actuels sont des documents de grande qualité. Ils rappellent le contexte
historique et les évolutions très récentes, décrivent les collections et analysent les points forts
et les fragilités
des musées. Afin d’ajuster les diagnostics, ils abordent toutes les thématiques
constitutives de l’activité des musées (collections, publics, rayonnement, réseaux et territoires,
numérique, organisation). Ils fournissent un plan d’action à court, moyen et
long terme tout en
faisant référence aux objectifs des COP sur les thèmes stratégiques.
2.2.2.3
Les lettres de mission aux directeurs
Les directeurs des trois établissements publics
ont été destinataires d’une
lettre de
mission
98
adressée par le SGA. Son observance conditionne la part variable de leur
rémunération. Les orientations stratégiques assignées aux directeurs figurent également dans
les autres documents de pilotage (COP, PSC et chantier 15). La lettre de mission de la directrice
du musée de l’air et de l’
espace, par exemple, lui demande de renforcer la vocation première
du musée qui est la conservation et l’enrichissement des collections, d’élaborer un nouveau
projet scientifique et culturel et de formaliser la politique d’acquisition.
Le premier objectif commun à ces documents est le renforcement de la soutenabilité du
modèle économique des musées. La tutelle se montre soucieuse de la participation de ses
opérateurs à la réduction des dépenses publiques et les incite notamment à maitriser leurs
dépenses et à développer leurs ressources propres. Conforter le rayonnement des musées et leur
pleine contribution à la politique culturelle et mémorielle du ministère, en référence à l’agenda
mémoriel et à la dimension internationale de ce rayonnement, constitue le second objectif
commun des lettres de mission.
98
Lettre en date du 10
février 2021 pour le directeur du musée de l’armée, lettre en date du 29 juin 2018
pour la directrice du musée de l’air et de l’espace qui devait en recevoir une nouvelle au printemps 2021, lettre en
date du 9 février 2016 pour le directeur du musée national de la marine.
LA POLITIQUE MUSÉALE DU MINISTÈRE DES ARMÉES
43
2.2.3
Un avenir marqué par les objectifs ambitieux du chantier 15
Le chantier 15 ou mandat de transformation « patrimoine culturel de la défense » a pour
objectif de préparer les musées de demain. L’objectif fixé
par la ministre des armées à la SGA,
pour les trois établissements, concerne leur modèle économique qui doit se traduire dans des
mesures d’économie de fonctionnement et de développement des ressources propres, à inscrire
dans les COP.
Les principaux axes du chantier 15
Musée national de la Marine
: la ministre demande de superviser la rénovation du
musée pour s’assurer qu’elle soit achevée en 2022 et prévenir tout surcoût supplémentaire. La
transformation du musée avait été annoncée dès 2015 par le ministre de la Défense Jean-Yves
Le Drian, un objectif «
qui se justifie tant par l’urgence de la rénovation que par la nécessité
d’éclairer les enjeux maritimes à travers ce formidable patrimoine que la mer et les marins
nous ont laissé au fil des siècles
99
».
Cette volonté politique, évaluée à 50 M€ mais pas financée
à ce stade, a par la suite été reprise dans le chantier 15 en 2019. Le musée national de la marine
qui n’avait jamais fait l’objet d’une rénovation depuis son installation à Chaillot il y a 80 ans,
concentre la partie la plus importante des efforts financiers. Cette rénovation comprend un
programme architectural autour de grands travaux dans le palais de Chaillot. Le projet
muséographique est pris en charge par une équipe projet au sein du musée recrutée pour
l’occasion. Ce choix de la direction de ne pas associer les équipes déjà en place au projet
muséographique a été source de tensions et départs anticipés au sein des personnels.
Musée de l’armée
: il est demandé à la secrétaire générale pour
l’ad
ministration de
suivre les investissements du musée dans la préparation de son projet d’extension. De
nouveaux parcours dédiés à la colonisation, à la décolonisation et à la période postérieure à la
Seconde Guerre mondiale vont être créés. La première phase du projet (2021-2025), est prévue
dans l’actuelle loi de programmation militaire et aux moyens du COP. Elle est consacrée à la
valorisation du site et de l’histoire des Invalides et à l’amélioration de la visibilité et la qualité
de l’accueil. La seconde
phase s’achèvera en 2030. Elle permettra le déploiement de nouvelles
offres au public an matière de services et de parcours muséographiques. Le chantier 15 prévoit
de doter le musée d’une équipe projet de 9 personnes dès 2022. La convention de mandat
rela
tive aux études et à la phase 1 de l’extension a été signée avec l’OPPIC le 5 aout 2021.
Musée de l’air et de l’espace
: le chantier 15 demande au SGA de suivre le projet de
transformation du musée, dans le contexte du Grand Paris et des Jeux Olympiques de 2024.
Ce projet porte sur la rénovation du bâti des sites du Bourget de de Dugny. Le musée est
engagé dans la rénovation de la réserve Grand format dont la mise en service est prévue pour
le début de l’année 2023. Le chantier de la médiathèque/ludothèque
commence à l’automne
2021 pour une livraison en 2022. Enfin le projet de construction d’un planétarium et de
nouvelles salles d’exposition temporaire et permanente s’achèvera en 2024. Le chantier 15
pour le musée de l’air et de l’espace prévoit également la mise en place d’une recherche active
de mécénat, l’évolution du cadre réglementaire régissant l’activité patrimoniale et la réflexion
99
Discours du 6 octobre 2015.
LA POLITIQUE MUSÉALE DU MINISTÈRE DES ARMÉES
44
autour d’une stratégie de marque. Enfin la SGA devra veiller à la conservation du patrimoine
et à la bonne exécution des opérations prévues à cet effet.
Musées de l’armée de Terre
:
Le chantier 15 demande au secrétariat général de
l’administration d’étudier les possibilités d’évolution des musées de l’armée de Terre. La
DPMA, dans un document présentant les actions du chantier 15 a identifié les axes de
travail
suivants: l’élaboration d’un PSC commun à l’ensemble des collections de l’armée de
Terre, la réflexion sur le statut juridique des musées de l’armée de Terre, leur possible
rattachement au musée de l’armée. Aucun financement n’est envisagé pour ce
s actions, dont
la mise en œuvre est conditionnée au mécénat. La DPMA a créé à cet effet en 2021 une cellule
dédiée et un guide sur le mécénat.
2.3
La double mission des musées d’armes
Les missions des
musées d’armes fixées par l’instruction 3000
100
révèlent la double
vocation, interne et externe, assignée à l’armée de terre
: outre la conservation du patrimoine
historique que constituent les collections détenues par eux, ces musées doivent «
participer à
la formation morale des militaires en dévelop
pant notamment l’esprit de corps des armes,
subdivisions d’arme ou service
; contribuer au développement du lien armée-nation par une
large ouverture au public, concevoir et mettre en œuvre des actions éducatives à l’
intention du
public et tout particulièrement des jeunes, contribuer à conserver la mémoire de ceux qui se
sont sacrifiés pour la France..
. ».
La première mission, celle de la transmission interne des valeurs de l’arme, est
intrinsèquement liée à l’appartenance de ces musées à leur formation de
rattachement. La
fonction pédagogique du musée est intégrée au cursus des élèves des écoles
101
, et élargie aux
soldats du dispositif Sentinelle en casernement sur les sites des musées
102
. La présence au sein
de ces musées de conservateurs à statut militaire
103
ne fait que renforcer cette spécificité. Elle
est confortée par la présence au sein de chaque musée d’armes d’un lieu de recueillement,
parfois sous forme d’une crypte, à la mémoire des militaires de l’arme morts pour la France
104
.
La seconde mission, celle du rayonnement culturel apparaît plus classique pour un
musée.
C’est tout le sens donné au
schéma directeur adopté en 1994, visant à moderniser ces
musées et à les ouvrir sur le monde civil. Cette mission revêt une dimension particulière
100
Réf. Citée.
101
Le Musée de l’Officier de Saint
-
Cyr Coëtquidan est emblématique de cette volonté d’ériger le musée
en outil pédagogique pour la formation des élèves-officiers. Le directeur du musée est également adjoint à la
Direction Générale de l’Enseignement et de la
Recherche (DGER), et le conservateur est enseignant au sein de la
direction Culture Militaire et Art de la Guerre de la DGER.
102
Comme c’est le cas de l’ancien hôpital du Val de Grâce.
103
À l’exception du musée du Val de Grâce, doté d’une conservatrice en ch
ef du patrimoine de statut
civil.
104
Ainsi le musée
de l’arme du Train, à Bourges,
entièrement rénové et réouvert au public depuis mars
2021 en ses nouveaux locaux, intègre-t-il en bonne place un espace mémoriel autour du souvenir des soldats du
train récemment tombés.
LA POLITIQUE MUSÉALE DU MINISTÈRE DES ARMÉES
45
s’agissant du mini
stère des armées
: depuis la fin de la conscription, l’ouverture des musées
vers la Ville est
un des axes majeurs de maintien du lien entre l’armée et la nation
. Implantés
sur l’ensemble de l’Hexagone, de Brest à Fréjus, les musées d’armes sont les relais
de
transmission des valeurs du monde combattant auprès des citoyens. De surcroît, l’objectif d’une
augmentation de 6
000 emplois dans l’armée prévue en loi de programmation militaire justifie
de leur part un important effort d’attractivité. Si les musées d’armes, toutes filières confondues,
constituent un vecteur certain pour susciter les vocations dans la jeunesse
105
, il leur faut pour
cela présenter une muséographie attractive (numérisation, simulation) renforcée par une
médiation adaptée.
L’attachement de l’armée de Terre à la
double vocation de ses musées est exempte de
tout questionnement, comme elle l’a réaffirmé à la Cour en réponse au rapport rendu en mars
2021
106
qui invitait l’état
-major à clarifier ses choix entre ces deux missions. Le sous-chef
performance et synthèse de l’EMAT l’a redit sans ambiguïté à la Cour
: l’une et l’autre mission,
à destination des soldats et du grand public «
sont dans les gènes des m
usées d’armes, s’il en
allait autrement c’est que «
l’histoire militaire de notre pays serait racontée différemment aux
soldats et aux civils
», alors que la porosité entre ces deux univers est au fondement même du
lien armée-nation. Si cette conviction es
t placée au cœur de l’Ambition pour les musées d’armes
(point 2.3.1 ci-
dessous), la réflexion apparaît largement inaboutie s’agissant des conséquences
à en tirer.
2.3.1
L’Ambition 2019
: une politique muséale pour l’armée de terre, visionnaire et
non financée
Une note
du 5 février 2019 signée du Major Général de l’armée de Terre et intitulée
«
ambition pour les musées de l’armée de Terre
» fixe les orientations pour «
donner à la
collection des musées de l’armée de Terre la capacité de devenir une référence patri
moniale
de premier ordre
» sans pour autant renoncer au rôle des musées pour la communauté de
l’armée de Terre en tant qu’outil d’acculturation à l’esprit guerrier. Cette collection doit
devenir,
à l’horizon 2030, un ensemble cohérent de huit pôle
s muséaux rénovés, aux normes de
la conservation préventive, accessibles au grand public, dotés d’une muséographie attractive et
ayant vocation à raconter l’histoire militaire de la France.
2.3.1.1
Les hommes : assurer et
socler
l’effectif requis
L
’Ambition 2019 vise à ga
rantir un effectif minimal de conservateurs et adjoints ainsi
qu’un médiateur professionnel par pôle muséal. Ces effectifs doivent tous être «
reconnus en
organisation
», en référence à l’inscription au
référentiel en organisation (REO), nomenclature
des postes, des emplois budgétaires correspondant effectivement à la fonction occupée. En
l’espèce, nombre de missions au sein des musées d’armes sont exercées par des militaires
rémunérés et inscrits en REO sur d’autres fonctions que celles qu’ils exercent rée
llement au
105
Beaucoup d’entre eux sont des passages obligés lors des
journées Défense et Citoyenneté.
106
Référence citée.
LA POLITIQUE MUSÉALE DU MINISTÈRE DES ARMÉES
46
sein du musée. Cette situation a pour effet d’une part une forme d’insincérité des fonctions
réellement exercées par rapport à la nomenclature transmise à la DRH
de l’armée de Terre
,
d’autre part une difficulté pour les militaires concernés à valoriser l’expérience acquise durant
les années passées dans la sphère muséale de leur arme.
2.3.1.2
Valoriser les collections
L’objectif majeur est l’obtention, pour le noyau de la collection de l’armée de terre
, de
l’appellation musée de France, décernée par le
ministère de la culture sur le fondement de la loi
musée de 2002. Il statuera notamment sur la qualité de l’inventaire des objets et des
récolements, du projet scientifique et culturel commun à toute la collection, sur le plan de
conservation préventive e
t de restauration de l’ensemble des objets concernés
et sur la
qualification des équipes de conservation.
2.3.1.3
Rénover et adapter les espaces muséaux
I
l s’agit de traiter les situations d’enclavement et d’inadaptation de certains musées en
les rapprochant des grands axes, améliorant la signalétique, centralisant sur un même site les
réserves de l’armée de Terre (sur le site de Bourges). L’estimation du coût global de cette
Ambition variait en 2019 entre 83 et 103 M€ pour la totalité des musées et des actions
énumérés
107
.
2.3.1.4
Les suites hésitantes données à l’Ambition
Le nouveau DELPAT Terre
108
a reçu en septembre 2021 de l’EMAT la mission d’
«
actualiser et de cadencer dans le temps
» cette Ambition. Il s’agit en pratique d’en réduire
considérablement la portée, alors même que l’EMAT retiendrait l’hypothèse d’un financement
à hauteur de 1
M€ par an.
Dans le même temps, la DELPAT a porté
une demande d’assistance à maîtrise
d’ouvrag
e (AMOA)
109
, que l’EMAT s’est engagé à financer (pour un montant de 118
000
€),
destinée à étudier l’impact, la programmation et la faisabilité de l’Ambition
110
. Cette AMOA
globale pour le développement des musées de l’armée de terre a été validée par les autorités du
ministère fin 2021. Elle
devrait rendre ses conclusions à l’été 2022.
Ces deux initiatives traduisent le dilemme auquel fait face l’état
-
major de l’
armée de
terre, qui se montre tout à la fois désireux de pousser jusqu’à son terme l’expertise détaillée (et
107
Création des bâtiments, rénovation de l’existant, nouveaux espaces muséographiques.
108
Qui a pris ses fonctions en septembre 2021.
109
Les compétences expertes au sein de l’armée de Terre sont manquantes en matière de conception d’un
système muséal.
110
À l’exception du pôle de Bourges, déjà traité par une assistance à maîtrise d’ouvrage antérieure sur
leur programmation muséographique (cabinet S
yllab
)
et du pôle d’Angers, pour lequel un rapport d’étude financé
par le SID a été rendu en janvier 2022.
LA POLITIQUE MUSÉALE DU MINISTÈRE DES ARMÉES
47
chiffrée) des différents volets de l’Ambition, mais dans l’incapacité d’en «
socler » les dépenses
au sein d’une programmation réaliste, dans un co
ntexte budgétaire extrêmement contraint. La
réaffirmation par l’EMAT de la double mission des musées d’armes
doit trouver sa traduction
concrète soit dans une réforme de leur gouvernance, soit dans l’apport substantiel de moyens,
soit les deux en parallèle.
Quant à la DPMA, elle a fait observer
111
que la rédaction de l’Ambition 2019 n’a
vait
pas été concertée avec elle, et que «
la définition d’un modèle économique pertinent et les efforts
financiers et humains sont les garants du succès de cette Ambition
». Ces efforts ne peuvent
provenir, précisait
la DPMA, que du programme dédié à l’entretien et la préparation des forces,
soit le programme 178 géré par
l’état
-major des armées, «
tandis que les musées financés sur le
programme 212
112
ont un public prioritairement extérieur au ministère
». La DPMA entendait
ainsi fonder le refus de considérer une possible contribution financière du programme 212 au
renouveau des musées d’armes, sur
un
postulat d’une mission essentiellement interne assignée
aux musées d’armes
. Dans le même temps, la DPMA invitait
fortement les musées de l’armée
de Terre à accroître leur ouverture au public afin de générer des ressources propres
113
,
reconnaissant ainsi, par le prisme financier, leur vocation d’ouverture sur la ville et de
contribution au lien armée-nation
114
. Enfin,
l’ouverture au public assortie d’une médiation, est
un pilier du dossier de candidature à l’appellation musée de France, démarche que la DPMA
avait proposé de porter vis à vis du ministère de la culture.
Il y a donc lieu de dégager au niveau approprié un discours harmonisé, sous-tendu par
une vision à long terme, sur la place et l’évolution des musées de l’armée de Terre au sein du
dispositif muséal ministériel.
2.3.1.5
Sortir de l’impasse
en replaçant la politique muséale du ministèr
e à l’échelle
ministérielle
Le ministère
s’est saisi
en 2021 de la question de la politique muséale des musées de
l’armée de terre
en l’élargissant à l’ensemble des musées sous tutelle du ministère
. Les constats
suivants
ont été ainsi relevés lors d’une réunion du 25 octobre 2021
: le groupe de travail sur
les statuts juridiques
des musées de l’armée de terre
n’avait pas conclu
, les relations entre ces
musées et le musée de l’armée
étaient insuffisantes
, l’Ambition 2019
était financièrement
insoutenable, et une
vision cohérente de l’ensemble du dispositif muséal ministériel
était
nécessaire
. L’EMAT est
ainsi invité à rouvrir le sujet des statuts, et la DPMA à animer la
préparation d’un comité d’orientation de la politique
muséale qui devait se tenir début 2022,
sous
présidence
de
la
ministre
déléguée
115
.
À
l’ordre
du
jour
de
ce
comité
d’orientation
figureraient également les pistes de mutualisation renforcée entre les chaînes de
décision en matière muséale, ainsi que les cons
équences à tirer de la candidature d’un cœur de
111
Réponses écrites à la Cour en date du 30 septembre 2021.
112
« Soutien de la politique de la défense », sous la responsabilité de la secrétaire générale pour
l’administration.
113
À l’encontre de la position de l’état
-major qui a réaffirmé en mai 2021 le choix de la gratuité.
114
Ce que conforte d’ores et déjà la fréquentation des musées d’armes, composée à 80% de publics civils.
115
Conclusions de la réunion
politique muséale du ministère des armées
du 25 octobre 2021 présidée par
le directeur-adjoint du cabinet civil et militaire en présence de la DPMA et de la DELPAT Terre. Le comité
d’orientation sera finalement prévu pour le 10 m
ars 2022.
LA POLITIQUE MUSÉALE DU MINISTÈRE DES ARMÉES
48
collection des musées d’armes à l’appellation musée de France
116
. Un comité exécutif
ministériel relatif à la politique muséale a bien été instauré et a tenu sa première réunion le 10
mars 2022, pour une séance
d’installation essentiellement formelle
.
À cette dynamique nouvelle, le ministère compte adosser le travail de préparation
budgétaire pour élaborer les perspectives annuelles de la loi de programmation militaire (LPM)
2019-2025, dont les ressources ne sont pas fixées au-delà de 2023
117
. Si l’augmentation de
l’enveloppe globale consacrée aux musées ne semble pas l’hypothèse la plus probable
118
, il
serait en revanche envisagé de synchroniser la programmation annuelle des crédits du chantier
15 avec les objectifs de politique muséale ministérielle,
dans le cadre d’une réflexion
prospective à 10 ans sur l’avenir des musées de l’armée de Terre.
Ces orientations impulsées par le ministère au premier trimestre vont dans la bonne
direction. En posant le primat d’une
définition claire des choix stratégiques concernant l’avenir
des musées,
en préalable aux arbitrages budgétaires qui découleront de ces choix, la tutelle
ministérielle adopte l’approche seule à même de donner naissance à une politique muséale
assumée, réaliste et surtout soutenable dans le temps.
La question d’une éligibilité des musées d’armes au (nouveau) programme budgétaire
169
119
,
au titre de la diffusion de l’esprit de Défense au sein de la Nation, ou au programme
212, tous deux sous responsabilité du SGA, pourrait utilement être posée, en particulier pour
l’investissement, au vu des avancées de la réflexion au sein de l’EMAT
120
. L
’état
-major des
armées revendique cependant de
continuer à financer les musées de l’armée de terre
exclusivement sur les crédits du programme 178
tant en fonctionnement qu’en investissement
.
La SGA considère, pour sa part,
que l’éligibilité des musées d’armes au nouveau programme
169 n’est ni opportune, ni réalisable dans la période couverte par l’actuelle LPM
, et est
défavorable à un regroupement au sein du programme 212 des crédits consacrés aux musées
d’armes
qui relèvent actuellement du programme 178.
L’
architecture budgétaire
actuelle n’est pourtant
pas cohérente avec la double vocation
(interne et externe) des m
usées de l’armée de terre,
ni avec une approche globale de la politique
muséale du ministère, dont la nécessité est pourtant reconnue. Le ministère des armées pourrait
s’orienter, à terme, vers une architecture budgétaire simplifiée
, mieux dimensionnée à sa
position de second acteur culturel de l’Éta
t. La prise en main de cette problématique au niveau
décisionnel le plus élevé apparaît la réponse appropriée pour débloquer la situation. Les
décisions du comité exécutif mis en place en mars 2022, et surtout leur suivi, donneront la
mesure de l’engagement de la tutelle ministérielle à poursuivre dans la voie de cette nécessaire
clarification de la politique muséale du ministère, et des conséquences qui en découleront sur
116
Voir en particulier point 1.4 ci-dessus sur les questions soulevées par la candidature, au regard des
critères du ministère de la culture.
117
Les annuités 2024 et 2025 seront décidées dans le courant de l’année 2022.
118
Alors que la Cour invite le
ministère des armées, entre autres pistes, à explorer les marges de manœuvre
dans le périmètre des missions confiées aux armées (RPT sur la LPM 2019-2025, paru).
119
« Lien entre la Nation et son armée ».
120
Une réflexion qui devrait être élargie,
a minima
, a
u Service du Commissariat aux Armées ainsi qu’à la
Direction Générale de l’Armement, laquelle détient une collection d’exception ayant vocation à rejoindre le pôle
muséal de Bourges. L’un comme l’autre n’a prévu, selon les informations de la Cour, ni moyen
s humains ni crédits
budgétaires au titre de la politique muséale du ministère, qui les concerne pourtant.
LA POLITIQUE MUSÉALE DU MINISTÈRE DES ARMÉES
49
les plans statutaire, scientifique
121
, mus
éographique, et budgétaire. Il s’agit là d’une étape de
transition préparatoire à une restructuration souhaitable, à inscrire dans la durée. Dans
l’immédiat, et concernant les établissements publics, cette dynamique bienvenue devrait
permettre la relance du chantier inabouti de la réécriture du code de la défense.
Le ministère doit tirer toutes les conséquences de la
reconnaissance d’une double
mission, interne et externe, des musées d’armes,
faute de quoile portage par les armées,
directions et services, à défaut
d’une mutualisation
plus poussée des moyens, risque d’être
insuffisant pour réaliser les ambitions affichées.
Recommandation n° 4.
(DMC
A, EMA/EMAT) Dans la perspective d’une politique
muséale ministérielle, tirer les conséquences dans les domaines statutaire, scientifique,
muséographique et budgétaire de la double vocation interne et externe des musées de
l’armée de terre.
2.3.2
L’armée de l’air et de l’espace ajuste ses ambitions à ses moyens
L’armée de l’air et de l’espace ne dispose à ce jour que de musées de tradition si
tués
dans les bases aériennes et les salles d’honneur de différentes unités. Le centre d’interprétation
CANOPÉE (Conservatoire des Aéronefs Opérationnels Présentés et Exposés) installé à
Châteaudun est géré par une association au sein de l’ancienne base aé
rienne, qui comptait une
cinquantaine d’aéronefs. L’élément air rattaché ayant été dissous en juillet 2021, les derniers
militaires ont quitté les lieux en décembre 2021. Dans ce contexte, il a été décidé par le ministère
de transférer la base aérienne aux collectivités locales et de maintenir à disposition les avions
présents, engagement qui a été acté par une lettre de la ministre des armées fin 2020.
L’état
-
major de l’armée de l’air et de l’espace avait émis le souhait d’inscrire dans le
Chantier 15 le
projet ambitieux d’un musée fondé sur les hommes, les traditions et les missions,
sur la base de Salon de Provence qui accueille notamment l’École de l’air (devenue
établissement public), et envisagé une forme de rattachement de ses huit musées de tradition à
celle-
ci, ainsi qu’un lien organique avec le musée de l’air et de l’espace. Faute de financement,
le projet pour autant qu’il soit encore d’actualité n’est pas envisageable avant 2026.
Le délégué au patrimoine de l’armée de l’air et de l’espace concent
re ses efforts, outre
les relations avec le musée de l’air et de l’espace et
l
es musées de tradition ou salles d’honneur,
sur les relations avec les nombreux musées associatifs, auprès desquels le ministère des armées
met en dépôt des avions.
Le délégué au patrimoine souhaite impulser un projet de musée virtuel. Ce musée
accessible en ligne s’appuierait sur une vaste campagne de numérisation des collections
permettant à terme des visites virtuelles. Aucun calendrier n’est fixé à ce stade. Les opérations
préalables de cartographie des collections et de restauration pourraient être prises en charge par
121
En particulier sur le suivi des biens à l’échelle du ministère et la clarification des compétences et des
périmètres (point 1.2.3.1 ci-dessus).
LA POLITIQUE MUSÉALE DU MINISTÈRE DES ARMÉES
50
les associations, dynamiques, auxquelles l’armée de l’air et de l’espace s’en remet largement
pour la valorisation de son patrimoine aéronautique.
2.3.3
Une fonction patrimoine embryonnaire au sein de la marine nationale
Le délégué au patrimoine de la marine (DPMar) exerce la tutelle scientifique sur le
musée de tradition des fusiliers marins de Lorient et le conservatoire des uniformes de la marine
de Toulon.
Le
musée des fusiliers marins de Lorient et le conservatoire de l’uniforme de
Toulon
Une réflexion est engagée pour faire évoluer le musée de tradition des fusiliers marins
vers le statut de musée à part entière. La décision de mettre en place un conseil scientifique a été
prise en 2021, un projet scientifique et culturel est en cours de rédaction, assorti d’un dialogue
parfois tendu avec les bénévoles associatifs, mais aussi d’une certaine confusion quant au partage
des responsabilités sur le devenir du musée entre le DPMar et le commandant de la force
122
.
Dans cette tâche ardue, la détermination et l’engagement du président du musée et directeur de
l’école des fusiliers marins sortant (juillet 2021) n’en ont été que plus remarquables.
Le fonctionnement du
conservatoire de l’uniforme à Toulon a été précisé, avec un ordre
permanent du 8 juin 2020, des consignes pour la conservation préventive (30 avril 2021) et la
signature d’un protocole avec le service du commissariat des armées pour la mise en dépôt d’un
exemplaire de chaque nouvel effet d’habillement.
Le grand défi posé au DPMar demeure celui du suivi des quelques 30 000 biens relevant
du « fonds patrimonial de la marine », disséminés dans toutes les unités et formations de la
marine nationale, et qui ne sont pas classés biens culturels
123
. Le DPMar ne détient ni les
moyens ni l’expertise (à la différence d
u DELPAT Terre), ni même les interlocuteurs au sein
des services de maintenance pour assurer ce suivi. Des progrès doivent être réalisés
par l’état
-
major
de la marine s’agissant de la
professionnalisation de sa fonction patrimoine
, pour laquelle
le soutien de la DPMA/DMCA et les échanges de bonne pratique à encourager avec la DELPAT
Terre sont des conditions nécessaires mais non suffisantes.
Les liens entre le délégué au patrimoine de la marine (DPMar) et le musée national de
la marine, au-delà des relations personnelles, restent embryonnaires et devraient être
encouragés, notamment à travers la participation du délégué au conseil d’administration de
l’éta
blissement
124
, à l’instar des deux autres délégués au patrimoine vis
-à-vis des deux autres
grands musées.
122
ALFUSCO, amiral qui commande les forces maritimes des fusiliers marins et commandos
123
À la différence des collections issues de l’hôtel de la marine, dont DPMar est scientifique affectataire
désigné par la DPMA.
124
Auquel siège déjà le commandant de la marine à Paris, délégué au rayonnement de la marine nationale,
en tant que représentant du chef d’état
-major de la marine.
LA POLITIQUE MUSÉALE DU MINISTÈRE DES ARMÉES
51
______________________ CONCLUSION INTERMÉDIAIRE ______________________
Il n’existe aucun document stratégique permettant de porter un regard et de tracer des
perspectives sur la politique muséale du ministère des armées dans son ensemble. La directive
culturelle triennale 2021-2023 est silencieuse sur les musées hors établissements publics (EP).
Les missions des trois EP sont disparates, au-delà des obligations réglementaires
posées par le code du patrimoine. La refonte en cours du code de la défense, qui traite des
statuts des EP, en sommeil depuis 2019, devra se saisir de cette question. Les trois EP sont
dotés de documents de pilotage (C
ontrat d’
Objectifs et de Performance et Projet Scientifique
et Culturel
125
) centrés sur le rayonnement et sur l’attractivité, et les objectifs du chantier 15
constituent leur ambition pour la décennie à venir.
L’état
-
major de l’arm
ée de Terre défend sans ambiguïté la double vocation de ses
musées : format
ion et développement de l’esprit de corps à usage interne, d’une part,
lien
armée-
nation et ouverture au public pour l’usage externe, d’autre part
. Cette dernière mission,
est la plus récente et fonde l’Ambition 2019, qui constitue la politique muséale des
musées de
l’armée de Terre. Il est dommage que l’état
-
major n’ait pas été en mesure à ce jour d’en tirer
les conséquences. Néanmoins, il est salutaire que le sujet soit désormais porté à niveau
ministériel, pour préfigurer les grande
s lignes d’une politique muséale cohérente à l’échelle de
tout le ministère. Celle-ci devrait être servie à terme par une architecture budgétaire mieux
visible et à la hauteur des enjeux posés au deuxième acteur culturel de l’État
qu’est le ministère
des armées.
L’armée de l’Air a fait quant à elle le choix d’ajuster ses ambitions à ses moyens, en
s’engageant dans la numérisation de ses collections et un partenariat avec les musées
associatifs. Quant à la Marine, sa fonction patrimoine devrait être développée à la hauteur des
ex
igences d’identification et de suivi d’un abondant patrimoine maritime.
3
DES RÉSULTATS DE L’A
CTIVITÉ MUSÉALE
ENCOURAGEANTS MAIS QUI RESTENT FRAGILES
Pour mesurer l’activité muséale, le cadre de référence est celui fixé pour les musées de
France, depuis la loi de 2002, concernant les missions
de conservation, de restauration, d’étude
et d’enrichissement des collections
; de leur accessibilité au public
; de la mise en œuvre
d’actions d’éducation et de diffusion
; de contribution aux progrès et à la diffusion de la
recherche (article L. 441-
2 du code du patrimoine). Il régit directement l’activité des sept
musées de France sous tutelle du ministère des armées
126
et doit guider les efforts de ceux qui
prétendent à cette appellation.
Parmi les critères à respecter
, chaque musée de France doit se doter d’un projet
scientifique et culturel (PSC). Depuis l’adoption d’un PSC par le musée de l’armée, intervenue
125
Celui du musée national de la marine MNM en cours de rédaction.
126
Pour mémoire
; les trois établissements publics, trois musées d’armes
(troupe de marine, légion
étrangère, artillerie) et le musée du service de santé des armées situé au Val de Grâce
LA POLITIQUE MUSÉALE DU MINISTÈRE DES ARMÉES
52
seulement en juin 2020, c’est le cas pour tous les musées de France au sein du ministère,
à
l’exception du musée du service de santé des armées et sous réserve de l’élaboration en cours
d’un nouveau PSC pour l’ensemble du musée national de la marine (
Chaillot et musées des
ports)
127
. Par ailleurs, chaque musée doit être dirigé par un personnel qualifié de la filière
culturelle nationale ou territoriale (conservateur ou attaché de conservation) et disposer, en
propre ou en réseau avec d’autres musées, d’un service éducatif. Ce critère n’est pas encore
respecté par les quatre musées de France hors établissements publics. Enfin, il doit tenir à jour
un inventaire de ses collections.
Les autres musées du ministère sont invités à prendre pour référence les musées de
France, même s’ils ne remplissent pas tous les critères.
3.1
Les collections : une connaissance lacunaire, une conservation
imparfaite
3.1.1
Des collections dont le statut est en cours de clarification
3.1.1.1
Des collections hétérogènes
Le ministère n’a qu’une connaissance incomplète et imprécise de ses collections de
biens culturels, réparties dans les trois établissements publics, dans les musées et salles
d’honneur, dans les directions, armées et services. Le nombre estimatif des biens culturels pour
l’ensemble du ministère varie de 600 000 pièces (estimation basse) à 800 000 (estimation
haute). La DPMA/DMCA
retient pour l’in
stant un chiffre de près de 790 000 comme cible
finale du nombre de notices à faire figurer dans l’outil de gestion des collections Archange.
Pour les sept musées de France, les collections patrimoniales sont inscrites à l’inventaire
réglementaire des musées de France:
-
les collections patrimoniales du musée de l’armée représentent 123 869 lignes à
l’inventaire réglementaire, mais correspondraient en réalité à près de 500 000 objets, dont
seulement 15 000 sont exposés en salles. Une ligne peut concerner un lot, composé de plusieurs
objets. Par exemple une seule ligne d’inventaire regroupe 890 plans de Constantine
;
-
les collections patrimoniales du musée de l’air et de l’espace représentent 39 000
pièces, dont moins de 10 000 sont exposées. De la même man
ière que pour le musée de l’armée,
le nombre d’objets est supérieur, du fait que certains numéros d’inventaire ont été attribués à
des ensembles d’objets. Près de 120 aéronefs sur 400 sont exposés. Le musée conserve
également près de 500 000 photographies, dont 80 000 sur plaques de verre, et 40 000 plans. À
l’origine classés parmi les dossiers documentaires, les tirages photographiques anciens et les
plans ont été considérés à partir de 1996 comme des collections à part entière. Actuellement 11
127
A l’exception du musée du service de santé des armées et sous réserve de l’élaboration en cours d’un
nouveau PSC pour l’ensemble du musée n
ational de la marine (siège et réseau)
LA POLITIQUE MUSÉALE DU MINISTÈRE DES ARMÉES
53
000 photographies sur plaques de verre (sur 80 000) et 1600 plans (sur 40 000 conservés) sont
à l’inventaire réglementaire
;
- les collections patrimoniales du musée national de la marine représentent près de 30
000 pièces, sur un total de 38 000. Le reste constitue
des collections d’études
;
- le musée du service de santé des armées gère une collection de 15 865 objets, dont
2792 objets documentaires (avec 1861 types de
photos, 577 de matériels d’études, 47 d’
archives) ;
- le musée des troupes de marine conserve une collection patrimoniale de 2500 pièces,
sur une collection totale de 23 000, dont 6000 objets exposés au musée (actuellement fermé
pour travaux) ;
-
le musée de l’Artillerie à Draguignan conserve une collection patrimoniale inventoriée
de près de 2 000 pièces. Il gère également 685 objets patrimoniaux ressortissant de la Structure
intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres (SIMMT) (dont 403
pièces d’artillerie), ainsi qu’environ 2000 pièces héritées de salles d’honneur
;
- le
musée de la Légion étrangère conserve une collection patrimoniale d’environ 5 000
pièces, dont 1 100 sont exposées au musée d’Aubagne et 1 750 à l’annexe de Puyloubier.
Le volume des collections conservées par les musées de l’armée de Terre représente
près de 100 000 pièces (dont 9 500 mentionnées ci-dessus sur des inventaires réglementaires
« musées de France »). Le solde (soit près de 90 000 pièces), ne relève pas intégralement de la
catégorie des biens culturels. La DELPAT Terre estime quant à elle assu
rer le suivi d’environ
250 000 pièces.
Le délégué au patrimoine de la marine (DPMar) assure le suivi, en sus des collections
de l’hôtel de la marine, de 30 000 biens d’intérêt patrimonial, ainsi répartis :
-
3 263 au titre du musée de tradition des fusiliers marins, avec une part de biens culturels ;
-
Environ 10 000 lignes pour le conservatoire des uniformes de Toulon, dont aucune pièce
classée en bien culturel à ce jour ;
-
4 324 lignes au titre du « patrimoine maritime commun » ou fonds patrimonial de la
marine ;
-
12 700 pièces relevant potentiellement de la compétence du Service Historique de la
Défense, mais dont 2 755 ressortiraient in fine du patrimoine maritime commun.
Le nombre de biens au titre des collections de l’hôtel de la marine comptabilisées
aujo
urd’hui sur la base de données ministérielle (Archange) s’élève à 2
881 biens culturels,
auxquels s’ajoutent 17 dépôts (dont 12 du mobilier national, 4 du musée national de la marine,
1 du FNAC). Actuellement un tiers de cette collection est en dépôt au Centre des monuments
nationaux (lequel en expose environ la moitié à l’Hôtel de la Marine et entrepose l’autre moitié
en garde meuble privé), un tiers est réparti entre des organismes parisiens relevant ou non de la
marine (grande chancellerie de la Légion d
’honneur, ordre de la Libération), un dernier tiers est
réparti sur le territoire dans des unités de la marine.
Ces collections n’ont pas nécessairement vocation à rester en intégralité détenues par la
marine nationale, qui n’occupe plus l’hôtel de la mari
ne depuis 2015. Une partie, relevant
notamment du mobilier ou de la décoration, sans lien direct avec la marine nationale ou son
histoire, pourrait être réaffectée au centre des monuments nationaux ou au mobilier national.
Le DPMar
appelle de ses vœux un arbitrage de l’état
-major de la marine en la matière.
LA POLITIQUE MUSÉALE DU MINISTÈRE DES ARMÉES
54
3.1.1.2
Les enjeux du système d’information Archange
Le système d’information Archange
128
, engagé par la DPMA en 2012 et mis en place
progressivement à partir de 2016, réunit trois outils : une base ministérielle des biens culturels,
un outil de gestion des collections et une plateforme d’échange d’informations (espace
d’échanges).
Son déploiement dans l’ensemble du ministère, y compris les établissements publics (à
l’exception provisoire du musée national de la marine), est l’occasion de clarifier en profondeur
le statut des collections, pour bien distinguer ce qui relève de l’inventaire réglementaire «
Musées de France », des biens culturels relevant du code général de la propriété des personnes
publiques (CG3P),
et des collections d’études ou annexes. Une migration des utilisateurs vers
ce nouveau socle technique est prévue à compter de fin 2021.
À la fin septembre 2021, 139 638 notices avaient été entrées sur Archange, dont très peu
à ce stade au titre des trois grands musées (3813 pour le musée national de la marine, 892 pour
le musée de l’air et de l’espace, 781 pour le musée de l’armée). Les plus gros pourvoyeurs de
notices sont le musée des troupes de marine (22 185), le SHD (17 877 pour la division
symbolique et 3
657 pour l’iconographie), le musée du service de santé des armées (15 924), le
conservatoire de la tenue (8 843), le musée de la Légion étrangère (8 830), le musée du Train
et du Matériel (8 658), le musée des troupes de montagne (6 204), la DPMA/DMCA (5 774).
L’administration fonctionnelle du programme Archange a identifié des erreurs dans la
catégorisation des biens culturels, suite à des erreurs de saisie ou d’appréciation de la qualité
patrimoniale des biens lors du premier versement dans Archange. Une vérification plus
rigoureuse de la qualité de bien culturel s’avère nécessaire, ce que confirment la plupart des
affectataires scientifiques.
La migration des bases actuelles vers le nouveau socle technique permettra de porter
une attention p
articulière aux biens devant changer de catégorie ou de registre d’inventaire. Ce
travail de catégorisation prendra des années, même si la programmation des migrations repose
sur un calendrier volontariste. Pour les musées de l’armée de terre qui n’ont pas
le statut de
musées de France, ce travail permettra de dégager un «
cœur de collection musée de France »,
au sein des objets culturels, qui pourra faire l’objet d’une candidature à l’appellation (voir aussi
ci-dessus point 1.4).
La démarche doit être étendue aux services de maintenance détenteurs de biens
potentiellement culturels, actuellement classés dans des catégories comptables spécifiques de
leurs inventaires : la structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels
terrestres (SIMMT), la direction de la maintenance aéronautique (DMAé), le service de soutien
de la flotte (SSF) sont concernés. Ainsi la DMAé conserve dans son patrimoine 265 aéronefs
(avions, hélicoptères) pour l’armée de l’air ou la marine et 54 pour l’armée de terre
, classés
comptablement en « exposition statique ». Certains de ces biens devraient pouvoir, au cas par
cas, être reconnus biens culturels sur décision de la commission scientifique des collections.
Des déclassements sont envisagés pour la collection « musée de France » du musée de
l’air et de l’espace, justifiés par un classement initial en 2002 jugé trop rapide et peu fiable. Il
128
Voir annexes 9 et 10.
LA POLITIQUE MUSÉALE DU MINISTÈRE DES ARMÉES
55
doit être statué également, comme le prévoient son PSC et son COP, sur la poursuite de la
démarche de classement des photographi
es anciennes et plans à l’inventaire réglementaire, ou
le basculement de l’ensemble des collections du centre de recherche et de documentation à la
protection du régime du code général de la propriété des personnes publiques (CG3P), moins
contraignant en termes de restauration et de récolement décennal.
3.1.2
Inventaire et récolement : un retard à combler
Selon les termes de l’article L
. 451-2 du code du patrimoine, «
les collections des musées
de France font l’objet d’une inscription sur un inventaire. Il est p
rocédé par récolement tous
les dix ans
».
Le récolement des collections d'un musée est une opération de contrôle de la présence
des œuvres d'art répertoriées dans leur inventaire. Le but est de vérifier l'intégrité des collections
du musée en contrôlant la présence effective des artéfacts avec la présence du fonds théorique.
Celui-ci est indiqué dans les registres d'inventaire, qu'ils soient en version matérielle ou
numérique. Réaliser un récolement permet de mieux connaître et de mettre à jour les données
relatives aux œuvres
(
vérification du numéro d’inventaire, des mesures, prise de photographies
documentaires etc..), de contribuer au bilan
de l’état de conservation des collections et de
programmer, si nécessaire, des campagnes de restauration.
3.1.2.1
Des inventaires non exhaustifs et non réglementaires
Les inventaires sont loin d’être
exhaustifs et ne sont pas toujours conformes à la
réglementation.
Au musée de l’armée, les tests de rapprochement entre l’inventaire physique et
l’inventaire réglementaire, de même qu’entre l’inventaire réglementaire et l’outil de gestion des
collections, attestent du manque d’exhaustivité de l’inventaire réglementaire. Le registre
d’inventaire réglementaire du musée de l’armée ne respecte pas toutes les prescriptions de
l’arrêté d
u 25 mai 2004, qui définit précisément les informations à faire figurer pour un musée
de France, notamment la localisation. Ces informations sont bien souvent absentes, dans des
inventaires centenaires retranscrits sur tableaux Excel. Le musée, qui a engagé le premier plan
de récolement décennal en 2009, et met actuellement en œuvre son plan 2015
-2025, attend
d’avoir complété celui
-
ci pour mettre à jour l’inventaire réglementaire, lequel n’a pas été
modifié depuis 2007.
Au musée de l’air et de l’espace, les
collections, hors inventaire des musées de France,
sont composées de nombreux objets non inventoriés à ce jour. La base de données
(Micromusée) ne comportait en 2018 qu’environ 40
000 fiches relatives à des items du Centre
de ressources et documentation, sur plusieurs centaines de milliers de pièces. La fiabilité et la
cohérence de son inventaire réglementaire n’est pas non plus garantie. Il a été constaté qu’une
des deux maquettes de lanceurs de la fusée Ariane, exposées sur le tarmac du musée (ces
maquet
tes de très grande hauteur sont devenues emblématiques du musée), celle d’Ariane 5, ne
figurait pas à l’inventaire réglementaire, malgré la présence d’une fiche erronée, qui
correspondait en fait au lanceur d’Ariane 1 mais sous un ancien numéro d’inventair
e.
LA POLITIQUE MUSÉALE DU MINISTÈRE DES ARMÉES
56
La Légion Étrangère
travaille également à l’identification, la conservation et la
préservation de son patrimoine immatériel, une démarche dans laquelle elle sollicite l’appui de
la mission Appui au patrimoine immatériel de l’État (APIE), de la DELPAT Te
rre et de la
DPMA pour définir ce patrimoine en assurer la protection juridique et autoriser l’usage
commercial de la marque sous licence.
3.1.2.2
Un récolement toujours incomplet
Le premier récolement décennal institué par la loi du 2 janvier 2002 devait s’acheve
r le
12 juin 2014. L’échéance a finalement été reportée au 31 décembre 2015.
L’obligation de récolement décennal n’a pas été respectée pour
cette première campagne
dans six des sept musées de France du ministère des armées, représentant un volume cumulé
de 600 000 biens environ.
Seul le musée de l’artillerie de Draguignan (1967 biens) a respecté
cette obligation.
Le retard est très important à mi-parcours du second récolement décennal. Il est précisé
à cet égard que l’obligation réglementaire correspond à
un taux de réalisation de 100 % pour
chaque récolement décennal, et non en cumulé depuis le début des récolements décennaux
comme les musées du ministère
des armées ont pris l’habitude de le présenter.
Situation des récolements dans les musées de France
Le musée de l’armée n’a commencé ses campagnes de récolement qu’en 2009. Malgré
sa détermination et les moyens humains mis en œuvre, le taux n’était que de 32 % à la fin de
l’année 2015 (sur environ 500
000 objets).
Le musée de l’armée fait état
dans sa
communication récente
d’un taux de récolement cumulé de 46 %. Le taux de réalisation du
deuxième récolement décennal (2016-
2025) s’établit
cependant à 8 % seulement au
31/12/2021 (41 571 biens sur 500 000).
Le musée de l’air et de l’espace accuse un retard
important et durable. Le taux de
récolement n’était que de 55 % fin 2015 (sur 38
029 objets). Le taux de récolement cumulé
stagne autour de 63 % depuis 2018. La cible n’est que de 72 % pour la fin de l’année 2024.
Le récolement se heurte aux difficultés d’
accès à une partie des réserves. Le taux de
réalisation du deuxième récolement décennal (2016-
2025) s’établit à 10 % au 31/12/2021 (4
050 biens sur 39 747).
Le taux de récolement du musée national de la marine s’établissait à 61 % fin 2015
(sur 25 818 objets). Il a toutefois fortement progressé depuis, dans le recensement de ses
biens,
à l’occasion du chantier de collections organisé entre 2017 et 2019 dans le cadre du
transfert des réserves et des objets exposés du site de Chaillot vers le nouveau site de réserves
de Dugny.
Toutefois ces données collectées sur support papier n’ont pas encore été intégrées
à l’outil de gestion des collections. Le taux de réalisation du deuxième récolement décennal
(2016-
2025) s’établit à
7 % au 31/12/2021 (1798 biens sur 25 818).
Le musée de la Légion étrangère, qui a obtenu l’appellation Musée de France en 2011,
n’avait pas encore commencé le récolement en 2015. Le récolement est encore dans sa
LA POLITIQUE MUSÉALE DU MINISTÈRE DES ARMÉES
57
première campagne décennale, dont le butoir est fixé à 2026. Le taux de récolement est en
2021 de 60 %.
Les trois autres musées de France, ayant obtenu l’appellation en 2006, devaient, selon
la direction de la mémoire, du patrimoine et des archives (DMPA, devenue DPMA en 2010
puis DMCA en 2022), achever leur récolement en 2016
. A la fin de l’année 2015, les taux
étaient de 4 % pour le musée du service de santé des armées (sur 13 368 objets), de 20 % pour
celui des troupes de marine à Fréjus (sur 19
554 objets), de 100 % pour le musée de l’artillerie
à Draguignan (sur 1 967 objets). En 2020 le taux était de 40 % environ pour le musée du
service de santé des armées, qui a commencé les opérations de récolement en 2019 seulement,
et de 100 % pour le musée des troupes de marine.
Les résultats des trois établissements publics en matière de récolement sont très éloignés
de ceux obtenus pour les 43 musées nationaux dépendant du ministère de la culture : 71 % au
31/12/2015, et même 94 % sans tenir compte des grands musées nationaux d’archéologie.
Les musées de France ne disposent pas tou
s de plans de récolement décennal, bien qu’il
s’agisse d’une obligation aux termes de la circulaire du 27 juillet 2006.
Ainsi, le musée de l’air et de l’espace n’a jamais formalisé de plan de récolement
décennal. Par ailleurs, le plan du musée national de la marine pour le récolement décennal 2016
-
2025 ne sera pas validé avant la fin de l’année 2022, car le musée ne souhaite pas entreprendre
le récolement des collections à Dugny avant la réouverture du musée à Paris mais des
récolements ciblés sont néanmoins organisés «
au fil de l’eau
» sur le millier d’objets dans les
ports et le millier d’objets en dépôt, soit environ 2 % de la collection.
Le musée de l’armée a adopté un premier plan de récolement décennal en 2009, mis en
œuvre jusque 2015, puis un se
cond plan de récolement décennal couvrant la période 2015-2025,
qui a fait l’objet d’un avenant pour la période à compter de 2020. Toutefois ces plans ne
remplissent pas toutes les obligations réglementaires : manque de cartographie des espaces
récolés, absence de signature par la tutelle et de présentation à la commission scientifique
compétente, procès-verbaux de récolement non annexés.
Le musée de la Légion étrangère prévoit d’élaborer un plan de récolement décennal en
2022.
Les musées de France ne transmettent pas systématiquement de procès-verbaux annuels
de récolement à la DPMA et au service des musées de France, qui de leur côté ne les exigent
pas. Ce constat a été fait pour le musée de l’armée et pour le musée de l’air et de l’espace. En
revanche i
l a été constaté que le musée de l’Artillerie à Draguignan avait bien transmis les
résultats de son premier récolement décennal, achevé en 2014, à la DPMA.
Si l’état
-major des armées considère que les quatre musées de France relevant de sa
compétence sont en mesure de remplir
l’
obligation de récolement décennal, le SGA considère
pour sa part que cela sera très difficile pour les trois établissements publics. Cette obligation
réglementaire nécessite en effet une mobilisation importante de moyens et une programmation
très serrée des opérations, sur toute la période 2022-2025 ou dès 2024 dans le cas particulier du
musée national de la marine. Cette question doit impérativement être examinée dans le cadre
des clauses de revoyure des contrats d’objectifs et de p
erformance (COP) des trois musées.
LA POLITIQUE MUSÉALE DU MINISTÈRE DES ARMÉES
58
Recommandation n° 5.
(DMCA, DCSSA, EMAT) : Mobiliser les ressources nécessaires
afin d’atteindre l’objectif réglementaire de 100 %
du récolement décennal des
collections Musées de France à l’horizon 2025
3.1.3
La conservation des collections : plusieurs points de vigilance
La conservation des collections du musée national de la marine est bien assurée, dont
toutes les réserves sont centralisées dans une installation toute neuve à Dugny. Les collections
qui seront exposées sur le site de Chaillot, une fois la rénovation terminée, bénéficieront en
principe également d’un environnement favorable. La situation est globalement acceptable pour
les pièces exposées dans les musées de port, exceptée
la collection de l’ancienne école de
médecine navale de Rochefort.
Une collection atypique, unique et potentiellement en péril
: l’ancienne école de
médecine navale (AEMN), à Rochefort.
Rattachée au musée national de la Marine depuis 1986 au titre de musée annexe, à la
suite de la fermeture de l’hôpital des armées de Rochefort, l’AEMN est un espace unique (la
plus ancienne école de médecine navale au monde) composé de salles d’enseignement, d’une
bibliothèque scientifique de 25000 volumes, et d’un musée dédié aux collections
anatomiques, zoologiques, botaniques et ethnographiques. Ce « cabinet médical »
d’histoire
naturelle est l’ultime en Europe à n’avoir pas été dispersé ou détruit. Il e
st constitué de
collections rassemblées au XVIIIe siècle pour la formation des chirurgiens embarqués et
enrichies tout au long du siècle suivant. Leur mode de présentation (collections anatomiques
momifiées et autres curiosités à soustraire au regard de publics non avertis) et de classement
(démonstrations, sur les crânes de bagnards de Rochefort, de la validité des théories
phrénologiques en vigueur à l’époque), intouchés depuis les origines, sont ceux des savants
et médecins d’il y a 150 ans. Aussi leur d
écouverte constitue-t-elle pour les visiteurs du XXIe
siècle une expérience sensible autant qu’une plongée dans l’univers scientifique des XVIIIe
et XIXe siècles. Elle nécessite une médiation particulière qui justifie que les visites ne
s’effectuent qu’en
groupes encadrés.
Ces collections appartiennent au Service de Santé des Armées (SSA) et sont en dépôt
auprès du Musée National de la Marine, propriétaire des murs de l’ancien hôpital. Les deux
entités n’ont pas été en mesure de s’accorder sur le partage d
es responsabilités et des efforts
financiers aux fins de protection et d’entretien de ces pièces particulièrement fragiles, ni de
la bibliothèque, riche de 25000 ouvrages, non plus que leur valorisation auprès de la
communauté des chercheurs. C’est l’équip
e du musée de Rochefort, partagée entre les deux
sites du musée et de l’AEMN, qui fait les frais de ce dialogue de sourd entre les deux tutelles.
Une convention a finalement été signée le 8 décembre 2020 entre le médecin Général
directeur de l’école du Val
de Grâce et du musée du SSA, d’une part, et le directeur du MNM,
d’autre part, pour la conduite coordonnée du chantier de l’inventaire et du récolement par le
SSA des collections de l’AEMN.
Le coût total de ce chantier de récolement est estimé à 420
000
€
sur trois ans (2022-
2024), selon la séquence suivante : 150 000 € en 2022, 150 000 €
en 2023, 120 000 € en 2024.
LA POLITIQUE MUSÉALE DU MINISTÈRE DES ARMÉES
59
La conservation des collections du musée de l’armée est satisfaisante sur le site des
Invalides, de même que dans les réserves de Satory, même si à terme une extension est
envisagée à Satory et un espace de logistique est prévu aux Invalides.
La situation reste préoccupante au musée de l’air et de l’espace, avec une partie des
collections (avions, conteneurs de moteurs) entreposée à l’air libre
et exposée aux intempéries.
Une autre partie (représentant un tiers des collections) a été évacuée en urgence des sous-sols
de l’aérogare, suite à des contaminations provoquées par l’humidité excessive.
Une partie
conséquente des collections du musée se t
rouve aujourd’hui dans une situation à risque, du fait
de mauvaises conditions de conservation et suite aux travaux conduits dans l’aérogare. Les
conditions climatiques et le manque d’étanchéité des halls d’exposition sont
préoccupants. La
situation est encore plus critique dans la plupart des réserves, notamment les hangars
métalliques de Dugny, qui sont inaccessibles au regard de la sécurité du travail. Seule la
nouvelle réserve « Bois et Toile », inaugurée en 2017, mais opérationnelle seulement depuis
pe
u, répond aux exigences d’une bonne conservation. L’insuffisante capacité quantitative et
qualitative des réserves entrave la bonne gestion des collections. En attendant la construction
de nouvelles réserves, petit et grand formats, mainte fois annoncée puis différée, le musée fait
porter ses efforts sur des mesures palliatives : poursuite des travaux de mise en sécurité incendie
sur Dugny, extension des prestations de nettoyage des avions en extérieur et programme de
recherche sur leur conservation préventive, amélioration du conditionnement des objets, veille
sanitaire dans les halls et les réserves.
En ce qui concerne les musées d’armes, les conditions de conservation, aussi bien dans
les espaces d’exposition que dans les réserves, sont le plus souvent so
mmaires, au regard des
régulations
thermiques, hydrométriques ou de luminosité. La majorité des rapports d’inspection
de la DELPAT Terre confirment que les conditions de conservation requises pour des pièces
de collection ne sont pas réunies.
Ainsi par exe
mple la centrale de climatisation et de traitement de l’air du musée de la
Légion est défaillan
te depuis 2013 (taux d’humidité, chaleur excessive). Après huit ans, elle
met en danger à court terme la conservation et la pérennité des collections. Une intervention
pour un coût estimé à environ 100
000 € est indispensable.
Les réserves du musée de l’artillerie,
notamment celles consacrées aux objets de petit format, sont dans un état préoccupant et une
intervention rapide serait nécessaire. Au musée de la cavalerie de Saumur, le traitement des
trappes de désenfumage est une priorité pour maintenir le musée ouvert au-delà de 2023, date
de sa possible fermeture administrative si les fonds (estimés à 500000€) ne sont pas réunis. À
contrario, l’installation de nouv
elles réserves au musée de Grenoble est prise en exemple.
Le site de Saint Astier, géré par la 13
ème
base de soutien du matériel (13
ème
BSMAT),
sert occasionnellement de réserve pour les musées, même si les conditions de conservation n’y
sont pas optimales
. Il abrite actuellement la collection du musée de l’infanterie, mise en caisse
depuis dix ans dans l’attente de son installation à Draguignan, ainsi que les collections du musée
des troupes de marine de Fréjus et de l’annexe du musée de la Légion étrangèr
e à Puyloubier,
durant la période de travaux dans ces deux musées. Les caisses de la collection de l’infanterie
ont été déplacées dans une autre alvéole en 2021 suite à des risques de conservation.
L’étude d’un projet 2030 de réserve mutualisée à Bourges pour l’ensemble des musées
de l’armée de terre est prévue dans le cadre de l’assistance à maîtrise d’ouvrage (AMOA) sur
la programmation muséographique des musées de l’armée de terre.
LA POLITIQUE MUSÉALE DU MINISTÈRE DES ARMÉES
60
3.1.4
L’enrichissement des collections
L’enrichissement des collections fait
partie des missions essentielles des Musées de
France, au même titre que la conservation, l’étude et la diffusion des collections.
Il peut être
motivé par différents objectifs énoncés dans le projet scientifique et culturel : combler des
manques, conforter des points forts, ouvrir les collections à un nouveau domaine. Pour chaque
acquisition, le musée doit suivre
une procédure d’autorisation
relativement contraignante, mais
gage de cohérence.
L’enrichissement des collections est parfois négligé au profit d’autres priorités. Ainsi,
en l’absence d’un chargé de collection
« Espace » entre le début des années 2000 et 2020,
l’enrichissement de cette collection orpheline s’est ralenti pour devenir sporadique au sein du
musée de l’air et de l’espace. Ce dernier af
fiche comme objectif prioritaire la relance de ce
secteur.
Les collections d’un musée de France peuvent s’enrichir de plusieurs façons :
l’achat
(auprès d’un particulier, d’un antiquaire, d’une salle des ventes)
, les libéralités (don
manuel, donation, legs), la préemption
(exercice du droit de préemption de l’État lors d’une
vente aux enchères)
, le mécénat, la commande d’une œuvre à un artiste vivant, le dépôt (prêt à
long terme entre institutions).
Il est à noter que la réglementation récemment adoptée
129
afférente aux dons et legs
consentis aux établissements publics n’est pas conforme avec le code de la défense ni avec le
code général de la propriété des personnes publiques (CG3P). La DPMA/DMCA
s’est engagée
à revoir ce point du texte, signalé par la Cour dans un précédent rapport. Les dons acceptés sont
toujours intéressants, pour la collection, mais ne permettent
pas d’avoir une politique
d’acquisition ciblée, permettant de combler des lacunes identifiées dans les collections (période,
domaine, construct
eur, etc..). C’est ainsi par exemple que la collection technique du musée de
l’air et de l’espace n’a bénéficié d’aucune acquisition onéreuse depuis 2007. En ce qui concerne
les aéronefs et les objets de grand format, la politique d’acquisition est limitée
par les capacités
de conserver et de valoriser ces objets, ce qui peut conduire à une sélectivité parfois
préjudiciable au maintien d’une continuité dans les collections, permettant de témoigner des
avancées technologiques et sociétales.
Au sein du
ministère des armées, le mode le plus naturel d’enrichissement des
collections est le reversement dans les musées de certains objets retirés du service, qui suppose
néanmoins une volonté partagée dans l’ensemble du ministère et de mettre en place des plans
de reversement, permettant d’anticiper des transferts vers les musées. De tels plans ont
récemment vus le jour ou sont en cours de réflexion et de formalisation.
129
Arrêté du 5 octobre 2020 créant la commission scientifique des Collections
LA POLITIQUE MUSÉALE DU MINISTÈRE DES ARMÉES
61
3.2
Une fréquentation à dynamiser, à partir
d’une étude des publics
à
professionnaliser
3.2.1
Une fréquentation en retrait par rapport à la tendance générale
Les musées du ministère des armées (soit les trois musées nationaux
d’État
, les seize
musées
rattachés à l’armée de terre et
le musée du service de santé des armées) ont accueilli
près de 2,1 millions de visiteurs en 2019.
Les trois musées nationaux ont accueilli 1,85 millions de visiteurs (88 % du total), dont
1,25 millions pour le musée de l’armée (60 % du total).
Le musée de l’armée se classait en 2019
, pour la fréquentation, dans les six premiers
musées parisiens et dans les dix premiers musées au niveau national. Sa fréquentation moyenne
depuis une vingtaine d’années (2001
-2019) dépasse régulièrement 1,2 million. Les visiteurs
peuvent accéder aux riches collections du musée, mais également au Dôme des Invalides
abritant le tombeau de Napoléon. Les deux autres musées nationaux prennent place dans la
catégorie des musées de France dont la fréquentation dépasse 100 000 visiteurs. Celle du musée
de l’air se situe en moyenne en dessous de 250
000, autour 200 000 les années paires et de
300
000 les années impaires qui bénéficient de l’effet du salon du Bourget. Celle du musée
national de la marine est supérieure à 350 000 visiteurs en moyenne sur la période 2011-2019.
Le nombre de visiteurs pour l’ensemb
le des musées de France a fortement augmenté
depuis une vingtaine d’années, passant de 38,85 en 20
01 à 66,78 millions en 2019, soit une
croissance de 72 %.
Graphique n° 1 :
Nombre de visiteurs dans les musées de France (millions)
Source : Ministère de la culture (data.culture.gouv.fr)
Les établissements publics muséaux relevant du ministère des armées ont augmenté leur
fréquentation depuis une vingtaine d’années, mais nettement moins que la tendance constatée
pour l’ensemble des musées de France : le nombre de visiteurs est passé de 1,64 millions en
2001 à 1,85 millions en 2019, soit une croissance de 13 % seulement, cinq fois moins forte.
0,00
10,00
20,00
30,00
40,00
50,00
60,00
70,00
80,00
2001200220032004200520062007200820092010201120122013201420152016201720182019
Musées de France
LA POLITIQUE MUSÉALE DU MINISTÈRE DES ARMÉES
62
Graphique n° 2 :
Nombre de visiteurs musées nationaux du ministère des armées (milliers)
130
Source : Ministère de la culture (data.culture.gouv.fr)
Suivant la tendance nationale, quoique de façon plus modérée, la croissance du nombre
de visiteurs a été quasiment continue entre 2001 et 2014 (avec un record de 2,18 millions de
visiteurs en 2011) puis en tassement à partir de 2014, avec un point bas en 2016 (1,72 millions),
suivi d’une reprise jusque 2019. Cependant cette reprise n’a pas permis aux trois musées
nationaux, à la différence de l’ensemble des musées de France, de retrouver
et encore moins de
dépasser le niveau de 2014. Des facteurs conjoncturels expliquent en partie cette mauvaise
performance sur les trois années précédant la crise sanitaire (2017 à 2019) : la fermeture de la
grande galerie du musée de l’air et de l’espace, la fermeture site de Chaillot pour le musée
national de la marine
, l’effet produit par les attentats de 2015 sur les visi
teurs étrangers, pour le
musée de l’armée.
La dynamique de fréquentation des trois musées est contrastée : entre 2001 et 2019, on
observe une croissance de
+ 40 % pour le musée de l’air et de l’espace, + 22 % pour le musée
de l’armée,
- 27 % pour le musée national de la marine. Ce dernier a connu un essoufflement
de sa fréquentation (- 18 % en 2016 par rapport à 2001) avant même la fermeture du site de
Chaillot pour travaux, en 2017. Le musée du service de santé des armées (Val-de-Grâce) a
accueilli près de 14 000 visiteurs en 2019, avec une fréquentation en retrait de moitié par rapport
à celle de 2016.
Sur le plan géographique, la fréquentation reste très concentrée sur la région Ile-de-
France, malgré une dynamique favorable hors Ile-de-France. Il est rappelé à cet égard que les
musées du ministère des armées sont inégalement répartis sur le territoire. Ils sont absents du
quart nord-
est de la France et de l’outre
-mer. Seul à détenir des antennes hors de la région Ile
de France, le musée national de la marine doit à ces antennes plus de la moitié de sa
fréquentation totale, en moyenne pluriannuelle. La proportion est montée à 73 % en 2016, à la
veille de la fermeture du site de Chaillot dont la fréquentation était en forte baisse depuis
quelques années. Les antennes dans les ports ont connu un record historique de fréquentation
en 2019, avec près de 280 000 visiteurs au total, ce qui a contribué à rehausser leur visibilité et
la prise en compte de leurs spécificités par la direction. Le nombre de visiteurs était
130
MA
: musée de l’armée, MAE
: musée de l’air et de l’espace, MNM
: musée national de la marine
0,0
500,0
1000,0
1500,0
2000,0
2500,0
Fréquentation des musées nationaux du MINARM
MA
MAE
MNM
Total
LA POLITIQUE MUSÉALE DU MINISTÈRE DES ARMÉES
63
respectivement de 80 300 pour Brest, 78 222 pour Port-Louis (ce qui en fait le deuxième musée
de France le plus visité en région Bretagne), 65 990 pour Toulon, 55 563 pour Rochefort (sur
les deux sites
du musée de port et de l’ancienne école de médec
ine navale).
Les musées de l’armée de terre ont accueilli près de 230 000 visiteurs en 2019. L
eur
fréquentation n’était encore que de 150
000 en 2009 et avoisinait 100 000 visiteurs au début
des années 1990. Elle reste inférieure aux ambitions affichées par certains musées après des
opérations de rénovation conséquentes (Légion étrangère à Aubagne, Artillerie à Draguignan).
La localisation de la plupart des musées dans des enceintes militaires reste un obstacle, malgré
les aménagements pour faciliter un accès direct du public (passerelle signée Rudy Ricciotti à
Draguignan, parking visiteurs à Aubagne). La localisation en retrait de grands axes de
circulation, de routes ou de lieux touristiques est également un frein. À contrario la
relocalisation de musée des troupes de montagne dans le Fort de la Bastille à Grenoble a relancé
les visites. Le musée le plus fréquenté est celui des blindés à Saumur, avec 69 693 visiteurs. Il
est suivi, avec 20 à 30 000 visiteurs, par le musée de la Légion étrangère à Aubagne (26 081)
et le musée des troupes de marine à Fréjus (20 290). Les musées
de l’Artillerie à Draguignan,
des troupes de montagne à Grenoble, du Génie à Angers, de la cavalerie à Saumur, des
parachutistes à Pau culminent à 10 000 - 20 000 visiteurs. Les autres musées reçoivent moins
de 10 000 visiteurs par an.
Au total,
l’ense
mble des sites, hors région Ile-de-France, ont accueilli en 2019 près de
25 % du public des musées du ministère des armées.
3.2.2
La connaissance des publics doit être approfondie
Au-delà du volume de fréquentation, il est important pour les musées de mieux connaître
le profil du public pour
évaluer l’atteinte des objectifs, affiner les cibles et rectifier au besoin la
politique de communication et l’offre muséographique.
Cette connaissance des publics reste
cependant à développer.
S’agissant du musée de l’armée
, la fréquentation par des touristes étrangers y est
prédominante, puisqu’elle
représentait jusque 2020 près de 70 % des visiteurs, en provenance
majoritairement d’Europe (30 %) et d'Amérique du Nord (16 %). Le public français (33 %)
était composé pour prè
s de la moitié de visiteurs extérieurs à l’Ile
-de-France. Il bénéficie à cet
égard d’un
« effet de rente »
, grâce à la mutualisation du billet d’entrée donnant accès
au
tombeau de Napoléon, principale motivation de visite pour les étrangers (65 %).
Parmi les visiteurs français,
le musée de l’armée se
distingue d’autres musées parisiens
par une proportion plus forte d’actifs et un public d’horizon social plus large. Dans un contexte
marqué par la crise sanitaire, qui remet en cause son modèle économique avec une forte baisse
de la fréquentation de visiteurs étrangers, le musée souhaite augmenter le nombre de visiteurs
français pour atteindre un socle de 500 000 (contre 400 000 avant la crise sanitaire) et partir à
la conquête du public des jeunes adultes (18-30 ans), non sans lien avec sa mission relative à
l’éveil des vocations et à l’esprit de défense,
mais aussi du public familial, qui sont également
les cibles privilégiées
des musées du Quai Branly, du Quai d’Orsay ou du Centre des
monuments nationaux.
La proportion des étrangers
au musée de l’air et de l’espace
est très minoritaire, moins
de 5 % des visiteurs. Le profil du public, par rapport à des musées comparables, est plus jeune,
LA POLITIQUE MUSÉALE DU MINISTÈRE DES ARMÉES
64
familial, francilien, avec une majorité de primo-visiteurs et un noyau dur de passionnés
d’aéronautique. La durée de visite (3 h 30 en moyenne) est nettement supérieure à l’ensemble
des musées.
Pour les musées de l’armée de terre, le public
est majoritairement civil
131
. Les militaires
représentaient 46 070 visiteurs sur 228 684 en 2019, soit près de 20 %, les scolaires près de 10
% et les journées Défense Citoyenneté 6 %.
Pour l’ensemble des musées, les études de connaissance du public, de ses motivations
et de ses motifs de satisfaction restent insuffisantes. Ainsi, les trois établissements publics
pourront utilement s’inspirer des pratiques d’autres musées franciliens, plus performants dans
ce domaine
132
car, à la différence de ces institutions, ils ne réalisent pas d’études récurrentes
des publics, via un observatoire permanent des publics. Certes des études ont été réalisées
ponctuellement dans le passé
133
, mais le manque de régularité et de continuité contrarie
l’organisation d’un
suivi. Cette évolution est programmée dans chacun des établissements
publics muséaux, avec la mise en
place d’observatoires des publics, retardée par la crise
sanitaire. Le musée de l’air et de l’espace a passé un contrat avec un prestataire privé au
printemps 2020
134
, celui de l’armée à l’été 2021 pour une période de trois ans. Les études
in
situ
devraient permettre de connaître et de suivre dans le temps les profils sociodémographiques
et touristiques des visiteurs, les pratiques culturelles et les motivations, l’expérience de visite,
la satisfaction. Elles sont conçues comme un outil d’aide au pilotage du
musée, en lien avec les
projets scientifique et culturel et les contrats d’objectifs et de performance.
Les trois établissements publics ne disposent pas non plus de fichiers clients unifiés,
gérés avec l’appui d’un logiciel de gestion de la relation
client. Ces bases de données et outils
de gestion des relations avec la clientèle permettent, dans le respect des règles qui encadrent le
traitement des données personnelles (règlement général sur la protection des données
–
RGPD),
une stratégie marketing relationnel ciblée.
Enfin, les systèmes de billetterie ne sont pas suffisamment exploités pour restituer des
informations utiles sur le public. Le
musée de l’air et de l’espace
doit se doter d’un logiciel
beaucoup plus performant, inscrit dans son COP 2020-2014 (enveloppe de 600
000 € pour un
projet intégrant une gestion de la relation client). Le musée de l’armée a déclaré vouloir se doter
d’un outil professionnel de gestion des contacts, c’est
-à-dire une base de données interfacée
avec la billetterie, per
mettant une segmentation fine par affinités et types d’achats, connectée à
un outil de routage des mails. Enfin, le musée national de la marine profite de la rénovation
complète du site de Chaillot pour se doter de nouveaux outils.
Les trois musées misent aussi sur leur réorganisations internes, décidées en 2019 et
déployées en 2020, pour mettre en œuvre une approche plus intégrée de leurs publics, en
regroupant tous les services concernés dans un même département. C’est le cas du musée de
131
Un argument de poids, largement développé par la DELPAT Terre, pour permettre à terme à ces
musées d’émarger aux financements du programme «
lien armée-nation ».
132
La Cour des comptes a effectué des comparaisons avec le musée du Quai Branly, le musée d’Or
say et
le Centre des monuments nationaux.
133
Deux études de profilage et de notoriété au musée de l’armée en 2017 et 2020, des études réalisées par
des prestataires extérieurs au musée de l’air et de l’espace en 2015 et 2018, une enquête de publics quantit
ative et
qualitative globale restituée début 2020 au musée national de la marine.
134
Le calendrier de réalisation de l’étude a été décalé dans le temps en raison de la crise sanitaire.
LA POLITIQUE MUSÉALE DU MINISTÈRE DES ARMÉES
65
l’air et de l’esp
ace avec la création du département des publics et marketing en 2019, du musée
de l’armée avec la création de la direction du développement des publics en janvier 2020 et du
musée national de la marine avec la poursuite en 2020 de l’introduction d’une orga
nisation cible
(nouvel organigramme) dans le cadre de son projet de transformation. Les musées des ports
indiquent être en attente de soutien de la part du siège en matière de politique des publics et de
développement d’un discours «
commercial », mais éga
lement d’une politique partenariale
avec les transporteurs et voyagistes. Par ailleurs, les musées de Port-Louis et de Brest, tous deux
« musées de site » insérés dans des monuments emblématiques et attractifs (la Citadelle, le
Fort), pourraient engager un démarchage systématique des visiteurs à leur profit.
3.2.3
Une relation avec le public à développer
Les musées doivent prendre en compte les attentes du public sans perdre pour autant de
vue les publics cibles et leurs missions, en relation avec les collections dont ils ont la charge et
avec le lien armée-nation. Ainsi, l
’objectif d
e volume de fréquentation doit être concilié avec
le respect des missions prioritaires et l’effort d’augmentation des contributions nette au
financement du musée. Les termes de ce débat sont très présents dans le cadre de la
diversification des activités proposées par le musée de l’air et de l’espace, qui se rapprochent
parfois des animations d’un parc thématique (simulateurs de vols, planétarium), sur le modèle
de la Cité des scienc
es et de l’industrie.
Les musées ont tous développé une riche programmation d’expositions temporaires, le
plus souvent deux par an, contrariée à partir de 2020 par la crise sanitaire, mais limitée par le
manque d’espace disponible et des enveloppes budgétaires modestes au regard d’autres
institutions muséales. Sur la période 2015-2018, marquée par une baisse globale de sa
fréquentation, le musée de l’armée par exemple a accueilli 552
000 visiteurs dans ses
expositions temporaires, soit 247 000 visiteurs supplémentaires par rapport à la période 2011-
2014.
Au cours des deux dernières décennies, les institutions muséales ont accordé une place
importante, parfois prépondérante, aux expositions temporaires, un parti pris qui a montré ses
limites et a suscité un
réinvestissement des collections permanentes. Seul le musée de l’armée
aujourd’hui poursuit une politique volontariste d’expositions temporaires bisannuelles, en
parallèle avec le travail de fond sur la modernisation des collections permanentes.
Les réfle
xions s’orientent aujourd’hui, pour l’ensemble des institutions muséales, vers
des solutions d’expositions semi
-
permanentes ou d’expositions temporaires de longue durée.
Le musée national de la marine s’est engagé dans cette voie, avec trois espaces «
semi-
permanents » prévus dans son projet rénové pour Chaillot, renouvelés tous les trois à cinq ans
sur les thèmes les plus emblématiques de l’histoire et du futur, ainsi qu’un espace d’actualité
où seront débattus tous les grands sujets maritimes contemporain
s. Le musée de l’armée prévoit
lui aussi, en sus des expositions temporaires, des expositions semi-permanentes au sein des
collections permanentes, ainsi également qu’un espace d’actualité (consacré aux opérations
armées extérieures) dont le renouvellement
régulier serait la raison d’être et fonderait le succès.
Les musées ont tous entrepris ou envisagé une adaptation de leur muséographie, même
si ce poste reste souvent négligé dans les projets d’investissement. L’enjeu est de proposer une
expérience de visite, de proposer un parcours et de définir très en amont les messages à faire
passer durant la visite, au-delà de la présentation de collections.
LA POLITIQUE MUSÉALE DU MINISTÈRE DES ARMÉES
66
Ainsi, le musée de l’armée a été profondément transformé par le projet ATHENA (1994
-
2018), mais cette opérati
on s’est étalée sur près d’un quart de siècle, elle est déjà datée et
manque de cohérence en raison même de sa réalisation par tranche et de son cloisonnement par
département. Le projet scientifique et culturel de mai 2020 dresse le constat d’installations
muséales obsolètes, d’un manque de cohérence des parcours permanents et d’une impression
de grande confusion qui peut désorienter le public. L’Historial Charles de Gaulle, inauguré en
2008, est venu se greffer sur le projet. C’est un modèle original, utilisant l’image sous toutes
ses formes (archives audiovisuelles et photographiques), ni musée ni mémorial, qui s’apparente
à un centre d’interprétation (notion qu’il a largement contribué à diffuser) et qui a souvent servi
de modèle depuis lors. Afin de rela
ncer une fréquentation qui s’essouffle, le projet du musée de
l’armée est d’ouvrir de nouveaux espaces, de couvrir la période contemporaine et de réinvestir
les collections permanentes existantes, pour proposer un parcours chronologique cohérent,
actualise
r l’historiographie, moderniser les équipements.
Le musée de l’air et de l’espace achève la rénovation de l’aérogare historique du Bourget
et a réussi la scénographie de la grande galerie avec un budget très modeste. Son projet vise à
ajouter de nouvelles
thématiques, telles que la navigation aérienne (dans l’ancienne tour de
contrôle) ou l’aviation commerciale (avec accès à l’Airbus 380) et de refondre le parcours de
visite et de rénover les halls d’exposition les plus vétustes. L’ouverture d’une station d
e métro
à ses portes (ligne 17), repoussée à 2026, devrait améliorer son accessibilité. Comme le musée
de l’armée, au cœur de l’hôtel national des Invalides, il souhaite à juste titre renforcer sa
dimension de « musée de site
» au cœur de l’aéroport histor
ique du Bourget, berceau de
l’aviation en France.
Le musée national de la marine réunit, sur le site de Chaillot, un projet architectural
(restituant les volumes des galeries de l’exposition internationale de 1937 et le pavillon
d’About), une refonte comp
lète de son concept muséographique
135
et un nouveau parcours de
visite. L’expérience du visiteur est au cœur de la conception scénographique, avec l’ambition
de l’immerger de manière émotionnelle et sensorielle dans différents univers, tout en lui
permettant de faire ses propres choix, de donner à sa visite la forme qui lui conviendra le mieux.
Par ailleurs, la dimension de « musée de site »
s’applique
dans les musées de port de Toulon et
de Rochefort, qui ont axé leur muséographie sur la compréhension de la « ville-arsenal ».
Les musées nationaux se préoccupent également à des degrés divers du confort de visite
pour le public, qui s’attend à trouver un certain nombre de facilités et de commodités. À cet
égard le musée de l’air et de l’espace est conscient d’a
voir une durée de visite
exceptionnellement longue, de 3 h 30 en moyenne, et souhaite se positionner en musée-
destination, pour la demi-journée ou la journée.
La refonte des organigrammes des trois établissements publics a renforcé récemment la
place de la
relation avec les publics. En revanche, le manque d’un personnel professionnel de
la médiation et de la relation avec le public reste un point faible dans la majorité des musées
d’armes, voire un empêchement à leur candidature à l’appellation musée de Fra
nce (qui fait de
la médiation un des critères déterminants pour cette distinction).
135
Le projet scénographique a été confié à l’agence britannique Casson Ma
nn, qui a présenté un avant-
projet détaillé (APD) en mai 2020.
LA POLITIQUE MUSÉALE DU MINISTÈRE DES ARMÉES
67
Par ailleurs, les musées du ministère des armées doivent se tourner plus résolument vers
le numérique, tant pour présenter leurs collections que pour faciliter des recherches dans leur
base de documentation. Le plus avancé est sans doute le musée de l’armée, avec 1
700 notices
136
et plus de 50
000 visites en 2019 sur sa base de collections en ligne. Le musée de l’air et de
l’espace a lancé sa e
-médiathèque le 9 avril 2020, avec 12 000 images, 161 vidéos, 1 358
reportages souvent inédits. Le musée national de la marine a lancé en décembre 2020 un projet
de refonte complète de son site internet, qui devrait aboutir dans le courant de l’année 2022.
Enfin, la présence sur les réseaux sociaux reste encore modeste en volume, mesurée notamment
au regard du nombre d’abonnés
: entre 15 000 et 22 000 sur twitter, entre 14 000 et 36 000 sur
Facebook pour les trois établissements publics muséaux
137
. À titre indicatif, le musée du Louvre
compt
e 1,5 million d’abonnés sur twitter et 2,6 millions sur Facebook.
La SGA considère que les orientations stratégiques et les plans d’actions inscrits dans
les COP 2020-
2024, signés en 2019, permettent d’approfondir la connaissance des publics et
de développer la relation avec eux.
______________________ CONCLUSION INTERMÉDIAIRE ______________________
Le ministère des armées dispose d’une riche patrimoine mobilier d’intérêt patrimonial,
dont ses musées ne sont que la partie la plus visible. Mieux connaître et mieux suivre l’ensemble
de ces collections
est un défi majeur et un chantier de longue haleine, auquel le ministère s’est
résolument attelé depuis plusieurs années. À cet égard le système d’information Archange,
déployé progressivement depuis 2016 par la DPMA/DMCA, est un puissant levier de
transformation.
Les musées de France du ministère des armées, et ceux au sein du ministère pour
lesquels cette appellation sert de référence, respectent en grande partie les prescriptions
prévues par le code du patrimoine, mais ils ont encore des progrès à faire
dans l’inventaire et
le récolement des collections, ainsi que, pour certains, dans leur conservation et leur
enrichissement.
La présentation au public et la satisfaction du public sont également des préoccupations
à mieux prendre en compte, dans le cadre des projets scientifiques et culturels. La
fréquentation, bien qu’en progression, est moins dynamique que pour l’ensemble des musées
de France et elle doit rester un objectif
. L’approfondissement de la connaissance des publics
et le développement d’une rel
ation avec ces derniers, constituent des axes majeurs en termes
de rayonnement et
d’obtention
de ressources propres.
___________________________________________________________________________
136
Par comparaison, la base Joconde du ministère de la Culture pour l’ensemble des musées de France
compte environ 650 000 notices.
137
Sur la base du seul compte Musée national de la marine Paris pour le MNM, les musées de port ayant
également des comptes sur les réseaux sociaux.
LA POLITIQUE MUSÉALE DU MINISTÈRE DES ARMÉES
68
4
DES MOYENS ET DES RESSOURCES INSUFFISANTS AU
REGARD DES AMBITIONS
Les ressources budgétaires, quoiqu’insuffisantes surtout depuis la crise sanitaire,
demeurent la principale source de financement des musées, tant en fonctionnement qu’en
investissements. Or, le déséquilibre très significatif des efforts budgétaires au bénéfice des
établissements publics
pourrait devenir difficile à assumer à l’échelle ministérielle et nécessite
une correction.
Malgré des efforts importants en matière de professionnalisation des ressources
humaines, celles-ci restent fragiles tan
t en nombre qu’en qualification et requièrent une gestion
prévisionnelle des emplois et des compétences à la hauteur des enjeux, ainsi que le plein
concours du ministère de la culture en sa qualité de gestionnaire unique du corps des
conservateurs. Une sou
rce d’économies durables pourrait passer par la mutualisation de
certaines fonctions entre les établissements publics, pour laquelle la DPMA/DMCA joue un
rôle constructif d’ensemblier, mais
des pistes restent encore à explorer.
4.1
Des ressources financières sous-dimensionnées
Les musées du ministère des armées sont financés principalement par des subventions
budgétaires, malgré les efforts pour développer les ressources propres. Cette situation
s’accentue
depuis la crise sanitaire. Par ailleurs, les perspectives budgétaires sont préoccupantes
tant pour les établissements publics que pour les musées d’armes.
4.1.1
L’insuffisance des ressources propres
Sur l’ensemble des musées, seule la situation du musée de l’armée est relativement
satisfaisante au regard des ressources propres
138
.
Tableau n° 1 :
Compte de résultat simplifié des trois musées
nationaux (2019)
En K€
musée de l’air
et de l’espace
musée de
l’armée
musée national
de la marine
Total
Charges
9272
20829
9725
39 826
Subventions
4864
8011
9121
21996
Autre produits
3663
14552
2282
20497
Solde
-
745
+ 1733
+ 1678
+ 2666
Source : états financiers des trois musées nationaux du ministère des armées
138
Voir les comptes de résultats simplifiés 2014-2019 en annexe 5.
LA POLITIQUE MUSÉALE DU MINISTÈRE DES ARMÉES
69
Le ratio des ressources propres de fonctionnement de ce musée se situait en moyenne
au-dessus de 55 % pour la période 2011-
2019. Les recettes de billetterie s’élevaient en 2019 à
6
317 k€, les locations d’espace à 2
180 000
€, les activités commerciales à 9
81 000
€, le
mécénat, dons et legs à 864 000
€. Il est à noter qu’il bénéficie de la possibilité de valoriser à
son profit une partie du site des Invalides
139
. Enfin, la subvention pour charges de service public
s’élevait à 7,8 M€.
Pour le musée de l’air et de
l’espace, le ratio de ressources propres s’établit en moyenne
à 33 % sur la période 2011-
2019. Les droits d’entrée s’élevaient à 1
207 000
€ sur un total de
2 754 000
€ de ressources propres. Le musée bénéficie de la valorisation récurrente d’une partie
des
domaines qui lui sont attribués et de la location d’espaces pour le salon du Bourget (les
années impaires). Le mécénat de compétence se développe de manière intéressante en
fonctionnement. En investissement, le musée a obtenu un financement de 5 M€ de la
région Ile-
de-
France, fléchés sur les projets de médiathèque (1,7 M€) et de planétarium (3,3 M€).
L’objectif contractualisé dans le COP 2020
-202
4 est d’atteindre un ratio de ressources propres
de fonctionnement de 50 %. Les leviers pour y parvenir sont la
fin de la gratuité d’accès aux
collections permanentes, appliquée depuis décembre 2019, l’augmentation de la fréquentation
(avec une attractivité renforcée et un effet attendu de l’arrivée du métro) et des locations
d’espaces, en lien ou non avec l’activit
é principale.
L’impact de la crise sanitaire a profondément modifié ces perspectives
. Ainsi, les
recettes de billetterie ont chuté de près de 80 % au musée de l’armée en 2020, par exemple. Des
subventions exceptionnelles pour charges de service public ont été ainsi débloquées, pour
couvrir à la fois les pertes de 2020 et anticiper en partie celles de 2021. Au-delà, il devient
inévitable de faire jouer les « clauses de revoyure » dans les COP 2020-2024, tant pour le musée
de l’armée que pour le musée de l’air et de l’espace.
Les musées du ministère des armées, faute de comptabilité analytique, n’ont pas
toujours une appréciation précise de la contribution nette des différentes activités qu’ils peuvent
mettre en œuvre. Selon le
rapport de la mission IGF-IGAC de mars 2015 sur «
L’évaluation
des ressources propres des organismes culturels de l’État
», la valorisation du domaine, les
locations d’espaces et les recettes de mécénat sont les seules activités contribuant positivement
à l’équilibre.
Les recettes de mécénat des musées des ports, suscitées localement par leur soin,
transitent par le siège, quand bien même elles apparaîtraient le plus souvent employées in fine
pour l’objet convenu avec le mécène (par exemple le financement d’une exposition locale).
Par
ailleurs,
la prestation d’ingénierie culturelle fournie par le musée de Rochefort au profit de
l’Arsenal des Mers, formule novatrice de création de ressource propre qu’il convient
d’encourager
, a été facturée directement par le siège, sans aucun retour vers le musée. De même
les b
énéfices d’un tournage de film dans les murs de l’ancienne école de médecine navale, ont
-
ils été directement
reversés au budget du siège. Ces exemples montrent qu’il
convient de
réfléchir à la manière de perpétuer et développer les initiatives engagées par les antennes
portuaires et de préserver la motivation des équipes locales, qui doivent consentir, dans chacune
139
Et particulièrement le Cour d’honneur, qu’il utilise pour des spectacles «
son et lumière » pourvoyeurs
de recettes significatives.
LA POLITIQUE MUSÉALE DU MINISTÈRE DES ARMÉES
70
de ces situations, d’importants efforts budgétaires et d’organisation compte tenu de leurs
effectifs et de la configuration des lieux.
En ce qui concerne les musées d’armes, les ressources propres proviennent
essentiellement des associations de soutien, qui recueillent des cotisations, des dons ou legs,
parfois des recettes de billetterie (trois musées) ou de gestion de boutiques. Selon un tableau de
bord réalisé par la DELPAT, les coûts globaux de fonctionnement courant des musées de
l’armée de terre (y compris personnel mais hors immobilier) sont estimés à 5
M€ en 2019, les
dépenses des associations à leur profit à 2,1 M€ (sur un total de recettes de 2,3 M€).
4.1.2
Un financement budgétaire du fonctionnement à géométrie variable
4.1.2.1
Les trois établissements publics muséaux, soutenus à bout de bras en période de
crise sanitaire
Les subventions pour charges de service public (SCSP) des trois établissements publics
sont passées de 18,16 M€ en 2014 à 21,96 M€ en 2019 (7,98 M€ pour le musée de l’armée,
4,86 M€ pour le musée de l’air et de l’espace, 9,12 M€ pour le musée national de la marine).
Cette augmentation de 3,8 M€ a surtout profité au musée national de la marine (+ 2,28 M€), au
titre des charges spécifiques de son opération de rénovation.
Les SCSP ont atteint un niveau inédit de 42,48 M€ en exécution 2020, soit un quasi
doublement, du fait de subventions exceptionnelles au titre d
e la crise sanitaire (18,04 M€, dont
7,6 pour le musée de l’air et de l’espace, 6,94 pour le musée de l’armée et 3,49 pour le musée
national de la marine).
Le montant de 21,4 M€ inscrit en loi de finances initiale 2021 pour les SCSP des trois
musées et cel
ui de 25,7 M€ au projet de loi de finances 2022 pourraient s’avérer insuffisants du
fait de la persistance de la crise sanitaire et de ses effets. Dans le cadre des projections liées à
l’actualisation 2021 de la loi de programmation militaire (LPM), les su
bventions pour charges
de service public seraient portées à 28,6 M€ par an à compter de 2023.
Les subventions exceptionnelles nécessaires pour faire face à la crise sanitaire
pourraient, dans le contexte d’une exécution tendue de la LPM, produire un effet d’éviction sur
les enveloppes attendues en investissement, tandis que les musées ne bénéficient pas du plan
relance
140
, contrairement à ceux sous tutelle du ministère de la Culture.
140
À l’exception d’une opération du MNM visant à opérer un changement du dispositif de Gestion
Technique du Bâtiment (GTB) de Dugny, qui a été retenue, dans le cadre du Plan France Relance, pour un montant
de 259
600 €.
LA POLITIQUE MUSÉALE DU MINISTÈRE DES ARMÉES
71
4.1.2.2
Soutien sporadique et canaux perfectibles en direction des musées d’armes
Les musées d’armes reçoivent des subventions de la part des trois délégués au
patrimoine (DelPat), dotés chacun d’une enveloppe à cet effet, et de la DPMA
/DMCA, par le
canal des associations d’amis (
cf. point 1.2.3.2).
Le délégué au patrimoine de l’armée
de Terre répartit chaque année une enveloppe
d’environ 180
000 € entre les différents musées de l’armée de Terre, sous forme de droit de
tirage, pour financer des restaurations, du petit mobilier ou des expositions. La DPMA/DMCA
verse des subventions aux a
ssociations d’amis, pour un montant total de 113
561 € en 2019 et
de 98
822 € en 2020. Sur ce montant, 26
433 € en 2019 et 52
322 € en 2020 ont été attribués à
des projets des musées de l’armée de terre.
La question de l’articulation perfectible entre les
décisions prises par chacun de ces deux
guichets au sein du même ministère a été soulevée plus haut (partage préconisé des critères
d’éligibilité de part et d’autre). De surcroît, l’attribution des subventions pour le fonctionnement
des musées par le canal
des associations d’amis est
contestable du point de vue de l’orthodoxie
budgétaire,
car elle aboutit à faire prendre en charge par les associations des dépenses qui
relèvent des musées, illustrant ainsi les dérives décrites sous 1.3.1.1.
4.1.3
Les difficultés d
e financement des projets d’investissement
Le modèle économique et le mode de financement des musées du ministère des armées
conduisent à leur dépendance complète aux dotations budgétaires et au mécénat pour le
financement des projets d’investissement
.
4.1.3.1
Les
trois musées nationaux bénéficient très majoritairement de l’effort budgétaire
ministériel
Pour les trois établissements publics, le financement des opérations d’investissement,
ou dotations en fonds propres, provient du programme budgétaire 212
141
de la mission défense.
Dotations en fonds propres du ministère des armées aux trois établissements
publics muséaux
Le montant des dotations en fonds propres, qui était de 6,13 M€ en 2014, s’est établi
entre 20 et 22 M€ en exécution annuelle de 2018 à 2020. Les opérations d’investissement
sont fixées dans le mandat ministériel « chantier 15
», dont le financement n’est pas sécurisé,
et concernent également d’autres besoins.
141
« Soutien de la politique de la défense » (budget opérationnel de programme « actions culturelles et
patrimoniales »).
LA POLITIQUE MUSÉALE DU MINISTÈRE DES ARMÉES
72
La programmation, dans le cadre de l’actualisation de la LPM, prévoit un montant de
dotati
ons en fonds propres de 178,8 M€ pour les trois musées sur la période 2021
-2027 :
Le coût total de la rénovation du site du
musée national de la marine
à Chaillot est
désormais évalué à 82,33 M€ en investissement, auxquels s’ajoutent 17,8 M€ en
fonctionnement, au titre de coûts connexes.
Ce montant prend en compte les coûts liés à la
convention de mandat avec l’Opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la Culture
-
OPPIC (actuellement estimés à 65,36 M€), le coût des travaux connexes à la charg
e du
musée (15 M€), et des financements complémentaires évalués par l’OPPIC à 1,97 M€. La
convention d’études et de travaux signée avec l’OPPIC le 8 août 2016 prévoyait un coût
d’études et de travaux de 58,14 M€ TTC en euros courants, avec un échéancier 20
16-2020.
L’avenant n°1 du 2 juillet 2019 a acté une majoration du coût de 7,22 M€, soit 65,36 M€ en
euros courants, avec un échéancier actualisé jusque 2022 et un allongement du délai de 10
mois, pour une livraison des travaux début 2022. L’avenant n° 2 du
14 novembre 2019 prévoit
un nouveau calendrier d’appel de fonds, avec mobilisation de la trésorerie du musée à hauteur
de 5 M€ en 2021.
Pour le
musée de l’armée
, une convention relative à la première phase de son projet
de modernisation a été signée le 5
août 2021 avec l’OPPIC, pour un montant de 14,59 M€
sur la période 2021-2025. Les interventions porteront sur environ 1 800 m2. La seconde phase
est prévue sur la période 2026-
2030, avec des interventions sur des espaces d’environ 10
200
m2.
Pour le
musée
de l’air et de l’espace
, les travaux se poursuivent dans le cadre du
COP 2020-2024, malgré des changements qui devraient être pris en compte dans un avenant
en 2022 (« clause de revoyure »)
: destruction des halls A et B, construction à la place d’un
plané
tarium (accessible depuis l’extérieur), d’une salle d’exposition temporaire et d’une salle
d’exposition permanente intégrant la visite de l’A380, rénovation de la médiathèque
-
ludothèque (le projet étant couplé à celui d’un nouveau restaurant), construction
d’une réserve
« Grand Format
» et d’une réserve «
Petits Formats » à Dugny, refonte du parcours de visite.
Au total, l’effort budgétaire consacré par le ministère aux trois grands musées,
fonctionnement et investissement cumulés, devrait passer de 32 M€ en moyenne sur la période
2014-
2019 à 56 M€ en moyenne sur la période 2022
- 2027, ce qui nécessitera de continuer
d’assumer, notamment en interne, la très forte priorité politique qui leur est ainsi accordée.
4.1.3.2
Les musées des armées, directions et services, parents pauvres de la politique
muséale
Les musées de l’armée de Terre ne bénéficient pas du même soutien b
udgétaire de la
part du ministère. Le financement repose largement sur le mécénat et de nombreux projets
demeurent sans aucune perspective de financement.