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Jugement n° 2022-0012
Audience publique du 14 juin 2022
Prononcé du 18 juillet 2022
CENTRE
COMMUNAL
D’ACTION
SOCIALE DE POITIERS
(086016 980)
Département de la Vienne
Service de gestion comptable de Poitiers
Exercices 2015 à 2018
République Française
Au nom du peuple français
LA CHAMBRE REGIONALE DES COMPTES NOUVELLE-AQUITAINE
Vu le réquisitoire n° 2021-0049 du 7 décembre 2021, par lequel le procureur financier a saisi
la chambre régionale des comptes en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et
pécuniaire de M. Y..., comptable
du centre communal d’action sociale
(CCAS) de Poitiers au
titre d’opérations relatives
aux exercices 2015, 2016, 2017 et 2018, notifié le 9 décembre 2021
au comptable en cause
ainsi qu’à l’ordonnat
rice en fonctions ;
Vu les comptes déposés en qualité de comptable
du centre communal d’action sociale de
Poitiers par M. Y... du 1
er
janvier 2015 au 31 décembre 2018 ;
Vu le cautionnement du poste comptable fixé à 243
000 € pour les exercices 2015 à 2018
;
Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63
-156 du 23 février 1963 modifiée ;
Vu le code des juridictions financières, notamment ses articles L. 211-1, L. 242.4, R. 212-15,
R. 212-16, R. 242-4 à R. 242-14 ;
Vu le code général des collectivités territoriales
, notamment l’article D.
1617-19
et l’annexe
1
dudit code portant liste des pièces justificatives des dépenses publiques locales, issue du décret
n° 2016-33 du 20 janvier 2016 ;
Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable
publique, en particulier les articles 19, 20, 38 et 42 ;
Vu le décret n° 2004-878 du 26 août 2004 relatif au compte épargne-temps dans la fonction
publique territoriale ;
2
Vu la décision du 8 décembre 2021 du président de la 2
ème
section de la chambre régionale
des comptes Nouvelle-Aquitaine désignant M. Philippe Labastie, premier conseiller, pour
instruire le réquisitoire susvisé ;
Vu le rapport n° 2022-0070 de M. Philippe Labastie, premier conseiller, déposé au greffe le
23 mars 2022, les parties ayant été informées par courriers du 11 avril 2022 de la clôture de
l’instruction résultant de ce dépôt et de la possibilité de consulter ledit rapport, ainsi que de la
fixation de l’audience publique au
14 juin 2022 ;
Vu les conclusions du procureur financier ;
Vu les pièces du dossier et notamment les réponses apportées les 21 décembre,
30 décembre 2021 et 19 janvier 2022 par M.
Y... ;
Vu
la réponse du CCAS de Poitiers enregistrée au greffe le 4 février 2022, l’ensemble de ces
réponses ayant été communiquées aux autres parties ;
Entendu lors de l’audience publique du
14 juin 2022, M. Philippe LABASTIE, premier
conseiller, en son rapport, le procureur financier, en ses conclusions, le comptable et
l’ordonnatr
ice
n’étant ni présents
,
ni représentés à l’audience
;
Après en avoir délibéré hors la présence du rapporteur et du procureur financier ;
Sur la présomption de charges n° 1
à l’encontre de
M. Y... pour défaut de diligences de
recouvrement adéquates, complètes et rapides de titres de recettes émis à l’encontre de
débiteurs privés pour un montant total de 1
737,83 € (exercice 2015 à 2017)
En ce qui concerne les griefs soulevés par le réquisitoire
Considérant que, par réquisitoire n° 2021-0049 du 7 décembre 2021, le procureur financier a
saisi la chambre régionale des comptes en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle
et pécuniaire de M.
Y...
, comptable du centre communal d’action sociale
, pour défaut de
diligences de recouvrement adéquates, complètes et rapides de titres de recettes émis à
l’encontre de débiteurs privés pour un montant total de 1
737,83 € (exercice 2015 à 2017)
; que
cette somme figure sur les états de restes à recouvrer des comptes du budget principal et du
budget annexe « SSIAD » constatés, au 31 décembre 2018, selon le tableau suivant ;
3
Considérant que le procureur financier observe que ces titres de recettes sont atteints par la
prescription quadriennale de recouvrement au
cours de l’exercice
2015 pour les titres pris en
charge en 2011 et au plus tard au 31 décembre 2017 pour celui pris en charge en 2013 ; que les
états de reste à recouvrer font apparaître, pour chacun de ces titres, que des diligences auraient
été réalisées mais qu’aucun justificatif des actes diligentés et de leur bonne réc
eption par les
débiteurs concernés n’a été produit
; que, dès lors, en application de la prescription quadriennale
de l’action en recouvrement résultant de l’article L. 1617
-5 du CGCT, le recouvrement des
sommes en cause aurait été manifestement compromis au cours des exercices 2015 et 2017 ;
que M.
Y...
n’a pas émis de réserves sur la gestion de son prédécesseur lors de son en
trée en
fonctions le 24 avril 2015 ;
Considérant que le procureur financier relève qu’aucune circonstance constitutive de la force
majeure n’est établie
; que faute d'avoir exercé les diligences et les contrôles requis, le
manquement du comptable doit, en principe, être regardé comme ayant causé un préjudice
financier à l'organisme public concerné ;
En ce qui concerne les réponses du comptable
Considérant que le comptable fait valoir que la production des actes de poursuites envoyées aux
débiteurs est matériellement impossible compte tenu des règles d’impression centralisée
décidées par la DGFiP ; que les informations fournies par
l’application Hélios, utilisée par la
gestion des comptes publics locaux, ont été validées
; qu’en conséquence, les informations
figurant sur les états de restes à recouvrer issus de cette application font foi ;
que s’agissant de
la production des avis de réception des actes interruptifs de prescription, que sont les mises en
demeure de payer, son administration donne pour instruction de ne pas recourir aux lettres
recommandées avec avis de réception
; qu’ainsi, il ne saurait être tenu responsable de l’absence
de production des actes interruptifs de prescription et de leur notification dans la mesure où les
règles d’organisation décidées par sa hiérarchie s’imposent à lui
;
En ce qui concerne la réponse de l’ordonnatrice
Considérant que l
’ordonnatrice remarque que les instructions données aux comptables publics
peuvent être en contradiction avec leurs obligations réglementaires, notamment en matière de
notification d’actes par lettre recommandée avec avis de réception
; qu
’en outre,
la baisse
constante des effectifs de la trésorerie fait obstacle à un suivi satisfaisant des créances émises ;
Date de
prise en
charge
Exercice
prescription
N° de pièce
Montant du principal
Montant
des frais de
poursuite
Reste à
recouvrer
15/04/2011
2015
T-1270
559,29
17
576,29
19/05/2011
2015
T-1679
279,64
8
287,64
10/10/2011
2015
T-3573
559,29
0
559,29
Total titres prescrits en 2015
1 423,22
2013
2017
T-18
314,61
0
314,61
Total titres prescrits en 2017
314,61
Montant Total
1 737,83
Budget principal
Budget annexe SSIAD
4
En ce qui concerne le manquement du comptable
Considérant
qu’aux termes du I de l’article 60 modifié de la loi du 23 février 1963 susvisée
:
« les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables du
recouvrement des recettes [...] »
; que la responsabilité personnelle et pécuniaire des
comptables publics
« se trouve engagée dès lors
[...] qu’une recette n’a pas été
recouvrée [...] »
; que la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics en
matière de recouvrement des recettes s’apprécie au regard de leurs diligences, lesquelles
doivent être adéquates, complètes et rapides ;
Considérant qu’en application du III de l’article 60 modifié de la même loi, la responsabilité
personnelle et pécuniaire des comptables publics ne peut être mise en jeu à raison de la gestion
de leurs prédécesseurs que pour les opérations prises en charge sans réserve lors de la remise
de service ou qui n’auraient pas été contestées par le comptable entrant dans les
délais
réglementaires ;
Considérant qu’aux termes de l’article 18 du décret du 7 novembre 2012 susvisé
:
« dans le
poste comptable qu’il dirige, le comptable public est seul chargé
: [...] ; 5° Du recouvrement
des ordres de recouvrer et des créances constatées par un contrat, un titre de propriété ou tout
autre titre exécutoire
; 6° De l’encaissement des droits au comptant et des recettes liées à
l’exécution des ordres de recouvrer
[...] »
;
Considérant
qu’e
n application du 3
ème
alinéa de l’article
L. 1617-5 du code général des
collectivités territoriales :
« l'action des comptables publics chargés de recouvrer les créances
des régions, des départements, des communes et des établissements publics locaux se prescrit
par quatre ans à compter de la prise en charge du titre de recettes. Le délai de quatre ans
mentionné à l'alinéa précédent est interrompu par tous actes comportant reconnaissance de la
part des débiteurs et par tous actes interruptifs de la prescription »
; que les actes interruptifs
de prescription sont ceux énoncés aux articles 2240 à 2246 du code civil
; qu’au cas d’espèce,
les diligences du comptable ont été opérées par voie de lettres de relance, de mises en demeure
de payer et de phases comminatoires facultatives ; que seules les mises en demeure de payer
ont pour effet d’interrompre l
a prescription si elles sont régulièrement notifiées ;
Considérant que les règles internes à la DGFiP, qu’elles émanent de la direction générale ou de
la direction départementale des finances publiques de la Vienne, sont inopposables au juge des
comptes ;
Considérant toutefois que la note de la DDFiP de la Vienne du 13 juillet 2017 produite par le
comptable n’interdit pas le recours à l’envoi de lettres recommandées avec avis de réception
mais rappelle que leur usage doit demeurer l’exception
; qu’il y est
expressément mentionné
que
«
l’usage de l’envoi en rec
ommandé avec AR doit être réservé aux courriers : / - pour
lesquels un texte ou la jurisprudence exige ce mode d’expédition
[...] »
;
Considérant que les indications renseignées dans les états de restes à recouvrer édités à partir
de l’application Hélios n
e peuvent pas par eux-
mêmes justifier de l’e
xistence effective des actes
de poursuites ;
que si la DGFiP préconise l’utilisation de l’automate des poursuites qui a pour
conséquence l’édition centralisée des actes,
les comptables publics ont la faculté de recourir
aux actions individuelles de recouvrement prévues par
l’application Hélios, l
aquelle permet une
édition des actes de poursuites dans le poste comptable afin de les notifier de façon à ce que la
prescription soit valablement interrompue ;
que ce mode d’action individuelle est
du reste
rappelé dans les arrêtés successifs portant application du tome
1 de l’instruction budgétaire et
comptable M14 applicable aux budgets principaux des CCAS
et vaut pour l’ensemble
des
nomenclatures gérées sous Hélios ;
5
Considérant que M. Y...
, qui n’a pas émis de réserves sur la gestion de son prédécesseur,
doit
dès lors être regardé comme ayant manqué à ses obligations en matière de recouvrement des
ordres de recettes ;
Considérant que faute de produire la copie des actes interruptifs de prescription et la preuve de
leur notification régulière par un moyen adéquat, le comptable n’établit pas avoir interrompu la
prescription de l’action en recouvrement pour les titres dont
les références sont rappelées au
tableau précédent ;
En ce qui concerne la force majeure
Considérant qu’aux termes du V de l’article 60 de la loi susvisée du 23 février 1963 : «
Lorsque
[...] le juge des comptes constate l'existence de circonstances constitutives de la force majeure,
il ne met pas en jeu la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable public [...]
» ;
Considérant que la force majeure permet
d’
exonérer le comptable de sa responsabilité
personnelle et pécuniaire si les circonstances invoquées sont irrésistibles, imprévisibles et
extérieures à celui-ci ;
Considérant qu’il résulte de ce qui a été dit
précedemment que les consignes reçues par le
comptable de sa hiérarchie l
ocale ou nationale en matière d’édition et d’affranchissement des
actes interruptifs de prescription ne lui sont ni irrésistibles, ni imprévisibles, ni extérieures ;
Considérant par ailleurs que la baisse constante des effectifs du poste comptable relevée par
l’ordonnatrice,
ne constitue pas, en soi, un cas de force majeure au sens des dispositions
précitées ;
que, par suite, aucun élément constitutif d’un cas de force majeure ne peut être retenu
en l’espèce
;
En ce qui concerne le préjudice financier
Considérant que, lorsque le juge des comptes estime qu’un comptable a manqué aux obligations
qui lui incombent au titre du recouvrement des recettes faute d’avoir exercé les diligences et les
contrôles requis, ce manquement doit, en principe, être regardé comme ayant causé un préjudice
financier à l’organisme public concerné
; que le comptable est alors dans l’obligation de verser
immédiatement de ses deniers personnels la somme non recouvrée
; que, toutefois, lorsqu’il
ressort des pièces du dossier, et
en particulier des éléments produits par le comptable, qu’à la
date du manquement, la recette était irrécouvrable en raison notamment de l’insolvabilité de la
personne qui en était redevable, le préjudice financier ne peut être regardé comme imputable
au manquement
; qu’une telle circonstance peut être établie par tous documents, y compris
postérieurs au manquement
; que, dans le cas où le juge des comptes estime qu’au vu de ces
éléments, le manquement du comptable n’a pas causé de préjudice financier à l’o
rganisme
public concerné, il peut alors décider, sur le fondement du deuxième alinéa du VI de l’article
60, d’obliger le comptable à s’acquitter d’une somme qu’il arrête en tenant compte des
circonstances de l’espèce
;
Considérant que le comptable mis en c
ause n’apporte aucun élément même postérieur à la
commission du manquement de nature à établir l’insolvabilité des débiteurs des titres
susmentionnés ; que dans ces conditions, son manquement a causé un préjudice financier au
sens de l'article 60 de la loi du 23 février 1963
; qu’en conséquence,
M. Y... doit être déclaré
débiteur du CCAS de Poitiers à hauteur de 1
423,22 € au titre de l’exercice 2015 et 314,61 € au
titre de l’exercice 2017, soit un montant total de 1
737,83
€
;
6
Sur la présomption de charge n° 2
à l’encontre de
M. Y... pour défaut de diligences de
recouvrement adéquates, complètes et rapides de titres de recettes émis à l’encontre de
débiteurs publics pour un montant total de 17
195,58 € (exercices 2016 à 2018)
En ce qui concerne les griefs soulevés par le réquisitoire
Considérant que l
e procureur financier indique qu’au 31 décembre 2018, les états de restes à
recouvrer des comptes du budget principal et du budget annexe « SMAD » du centre communal
d’action sociale de Poitiers présentent quin
ze créances non recouvrées pour un montant total de
17 195,58
€ dont les titres de recette
s
, émis à l’encontre de débiteurs publics, ont été pris en
charge au cours des exercices 2012 à 2014 ; que ces créances seraient atteintes par la
prescription quadriennale de recouvrement ;
Considérant que, s
’agissant de créances sur des débiteurs publics, le procureur financier
rappelle que le comptable ne peut, de par l’insaisissabilité des biens de ce
s débiteurs, exercer
des poursuites forcées mais
qu’il n’est pas pour autant dispensé d’agir
; qu’il
lui appartient de
faire des diligences adéquates, complètes et rapides pour préserver les droits de l’établissement
et recouvrer la créance qu’il a prise en charge
;
qu’en particulier, il aurait d
û veiller à
interrompre la prescription de l’action en recouvrement et recourir aux procédures de
mandatement d’office ou d’inscription d’office des crédits au budget des organismes publics
locaux débiteurs ;
Date de
prise en
charge
Exercice
prescription
N° de pièce
Nom du débiteur
Montant du
principal
Montant des frais
de poursuite
Reste à
recouvrer
31/12/2013
2017 T-4690
departement
86 dgas
644,68 €
0,00 €
644,68 €
Total titre prescrit en 2017
644,68 €
03/07/2014
2018 T-2081
departement
86 dgas
2 248,47 €
0,00 €
2 248,47 €
29/09/2014
2018 T-3133
departement
86 dgas
999,32 €
0,00 €
999,32 €
29/09/2014
2018 T-3138
departement
86 dgas
941,22 €
0,00 €
941,22 €
Total titre prescrit en 2018
4 189,01 €
18/12/2012
2016 T-9764
CDC
6 857,83 €
0,00 €
6 857,83 €
Total titre prescrit en 2016
6 857,83 €
11/02/2013
2017 T-769
CDC
6 313,34 €
0,00 €
52,64 €
29/11/2013
2017 T-8587
CDC
8 164,27 €
0,00 €
17,85 €
24/12/2013
2017 T-9367
CDC
6 687,16 €
0,00 €
2 895,61 €
Total titre prescrit en 2017
2 966,10 €
29/09/2014
2018 T-7593
CDC
6 351,52 €
0,00 €
84,90 €
31/03/2014
2018 T-2992
CDC
7 025,84 €
0,00 €
478,99 €
13/06/2014
2018 T-4515
CDC
7 474,77 €
0,00 €
169,25 €
23/07/2014
2018 T-5284
CDC
6 017,33 €
0,00 €
223,03 €
19/08/2014
2018 T-6043
CDC
6 613,75 €
0,00 €
586,15 €
06/11/2014
2018 T-8344
CDC
6 516,54 €
0,00 €
347,38 €
29/09/2014
2018 T-7606
departement
86 dgas
3 333,21 €
0,00 €
648,26 €
Total titre prescrit en 2018
2 537,96 €
Montant Total
17 195,58 €
Budget principal
Budget annexe SMAD
7
Considérant que le procureur financier observe que des diligences auraient été réalisées mais
qu’elles ne sont pas clairement avérées de la part du comptabl
e ;
qu’en application de la
prescription quadriennale
de l’action en recouvrement résultant de l’article L.
1617-5 du CGCT,
le recouvrement des sommes en cause aurait été manifestement compromis ;
En ce qui concerne les réponses du comptable
Considérant que le comptable a présenté les mêmes arguments que ceux exposés au titre de la
charge n° 1 ;
En ce qui concerne la réponse de l’ordonnatrice
Considérant que l’ordonnatrice a fait valoir les mêmes arguments que ceux exposés
au titre de
la charge n° 1 ;
En ce qui concerne le manquement du comptable
Considérant que le comptable fait valoir que le reste à recouvrer du titre n° 4690 émis à
l’encontre du département de la Vienne en 2013 s’élève à 607,12 € au 20 décembre 2021 et non
plus à
644,68 € comme au 31 décembre 2018
;
Considérant que ce titre a fait l’objet de quatre imputations partielles de paiements globaux
effectués par le payeur départemental de la Vienne en 2019 et en 2020 au titre de prestations
d’action sociale
; que les imputations de ces paiements résultent de l’initiative du poste
comptable assignataire du CCAS de Poitiers
; que faute d’établir le lien entre ces paiements et
l’objet du titre, ceux
-ci ne peuvent tenir lieu de reconnaissance de dette de la part du
département de la Vienne ;
Considérant que pour les mêmes motifs que ceux exposés au titre de la charge n° 1, M. Y... a
manqué à ses obligations en matière de recouvrement des autres titres susmentionnés ;
En ce qui concerne la force majeure
Considérant qu
’il y a lieu de retenir les mêmes motifs que ceux exposés
au titre de la charge
n° 1 ;
que, par suite, aucun élément constitutif d’un cas de force majeure ne peut
être retenu en
l’espèce
;
En ce qui concerne le préjudice financier
Considérant que l
’absence d’élément tendant à établir la volonté du département de la Vienne
de payer le titre n° 4690 de 2013 fait obstacle à la prise en compte des imputations partielles
des paiements de ce dernier pour déterminer le montant du préjudice financier subi par le CCAS
de Poitiers ;
qu’il s’ensuit que le préjudice
financier subi par le CCAS de Poitiers découlant de
la prescription du titre n° 4690 de 2013
s’élève à 644,68 €
;
Considérant que les débiteurs des titres prescrits sont des personnes morales de droit public,
solvables ; qu
’il n’est pas
établi ni même soutenu que les créances détenues sur ces personnes
n’étaient p
as fondées ; que, par suite, le montant global du préjudice financier à la date du
présent jugement s’élève à 17
195,58 €
; que M. Y... doit être déclaré débiteur du CCAS de
Poitiers à hauteur de 6 857,83
€ pour le titre prescrit en 2016, 3
610,78 € pour les titres prescrits
en 2017 et 6
726,97 € pour les titres prescrits en 2018
;
8
Sur la présomption de charge n°
3 à l’encontre de M.
Y... relative au paiement de jours portés
sur le compte épargne-temps
en l’absence des pièces justificatives suffisantes (exercice 2017
:
montant total de 6
000,54 €)
En ce qui concerne les griefs soulevés par le réquisitoire
Considérant que le procureur financier indique que, par mandat n° 3258 du 20 juillet 2017, le
comptable a procédé, au profit du CHU de Poitiers, au paiement de la contrepartie financière
du transfert de 39 jours portés sur le compte épargne-temps (CET) de M. X..., attaché principal
détaché auprès de ce centre hospitalier, pour un montant de 6 000,54
€
; que s’a
gissant des
transferts financiers de jours de CET dans le c
adre de mutation ou de détachement, l’annexe I
visée à l’article D. 1617
-
19 du CGCT, dans sa version applicable à l’exercice 2017, prévoit à
la rubrique 2183 les pièces justificatives dont le comptable doit disposer ;
qu’il s’agit
d’une part
d’une co
nvention fixant les modalités financières de transfert des droits à congés accumulés par
un agent bénéficiaire d'un compte épargne-temps
et d’autre part d’un é
tat liquidatif ; que le
procureur financier soutient que le mandat n° 3258 du 20 juillet 2017 ne contenait aucune
convention fixant les modalités financières du transfert des droits à congés accumulés par M.
X... au titre de son compte épargne-temps ;
Considérant que le procureur financier rappelle que pour apprécier la validité des dépenses, il
revient au comptable d'apprécier notamment si les pièces fournies présentent un caractère
suffisant pour justifier celles-ci ; que pour établir ce caractère suffisant, il lui appartient de
vérifier, en premier lieu, si l'ensemble des pièces requises au titre de la nomenclature comptable
applicable lui ont été fournies et, en deuxième lieu, si ces pièces sont, d'une part, complètes et
précises, d'autre part, cohérentes au regard de la catégorie de la dépense définie dans la
nomenclature applicable et de la nature et de l'objet de la dépense telle qu'elle a été
ordonnancée
; qu’e
nfin, lorsque les pièces justificatives fournies sont insuffisantes pour établir
la validité de la créance, il appartient au comptable de suspendre le paiement jusqu'à ce que
l'ordonnateur lui ait produit les justifications nécessaires
; qu’au cas d’espèce, ces conditions
n’étant pas réunies,
M.
Y... paraît avoir manqué à ses obligations définies aux articles 19 et 20
du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 et dès lors engagé sa responsabilité personnelle et
pécuniaire au titre de l’exercice 2017
;
Considérant que le procureur financier estim
e que l’absence de conventionnement entre le
CCAS et le CHU de Poitiers fixant les modalités financières du transfert de CET entre la
collectivité territoriale et l’établissement public
de santé prive la dépense de fondement
juridique conférant à celle-ci un caractère indu et susceptible de constituer un préjudice
financier pour la collectivité ;
Considérant que le procureur financier indique que le calendrier du plan de contrôle hiérarchisé
de la dépense applicable pour les organismes du poste comptable ne prévoit pas le contrôle des
transferts financiers de CET et
qu’aucune mention n’exonère le comptable de contrôler ce qui
n’est pas
inscrit sur le plan de contrôle hiérarchisé ; que dans ces conditions, le procureur
financier estime que le comptable devait procéder à un contrôle exhaustif de cette catégorie de
dépense ; que les manquements présumés du comptable à ses obligations ne semblent, dès lors,
ne pas être intervenus dans le cadre du respect du plan de contrôle sélectif de la dépense ; que,
dans ces conditions, les opérations susmentionnées pourraient être regardées comme
présomptives d’irrégularités susceptibles de fonder la mise en jeu de la responsabilité
personnelle et pécuniaire de M.
Y...
au titre de l’exercice 2017 pour un montant de 6
000,54
€
;
En ce qui concerne les réponses du comptable
9
Considérant que le comptable fait valoir que le mandat litigieux a été payé au vu de plusieurs
pièces : avis des sommes à payer, titre de recettes émis par le CHU de Poitiers, attestation de
CET, arrêté de détachement, convention de mise à disposition et délibération approuvant celle-
ci
; qu’il admet que ni la délibération ni la convention de mise à disposition ne vise
nt
expressément le paiement des jours inscrits au CET
; qu’en revanche la convention vise les
textes applicables qui traitent des modalités de décompte et de liquidation de CET ; que le plan
de CHD applicable à la paye du CCAS de Poitiers, validé le 31 janvier 2017, prévoyait un
contrôle
a posteriori
pour
« les agents dont la situation change »
; que M. X... faisant partie de
cette catégorie, il est excessif de soutenir que le plan de contrôle ne prévoyait pas le contrôle
des modalités financières de transfert des CET
résultant d’une affectation nouvelle
;
En ce qui concerne la réponse de l’ordonnatrice
Considérant que l’ordonnatrice fait valoir
que la carence dans la nature des pièces justificatives
relatives au transfert financier du CET de M. X... a été mentionnée par la chambre régionale
des comptes dans le cadre du contrôle des comptes et de la gestion du CCAS portant sur la
période 2013 à 2019 ; que, dans ces conditions, la carence du CCAS
« exonère sensiblement la
responsabilité du trésorier »
dans la mesure où cette dépense présentait un caractère impératif ;
En ce qui concerne le manquement du comptable
Considérant
qu’aux termes de l’article
60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 :
« I [...]
Les
comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu'ils
sont tenus d'assurer en matière [...] de dépenses [...] dans les conditions prévues par le
règlement général sur la comptabilité publique. La responsabilité personnelle et pécuniaire
prévue ci-dessus se trouve engagée dès lors qu'un déficit ou un manquant en monnaie ou en
valeurs a été constaté, [...] qu'une dépense a été irrégulièrement payée
[...] »
; qu’en
application
de l’article 17 du décret n° 2012
-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et
comptable publique : «
Les comptables publics sont personnellement et pécuniairement
responsables des actes et contrôles qui leur incombent en application des dispositions des
articles 18, 19 et 20, dans les conditions fixées par l'article 60 de la loi du 23 février 1963
» ;
qu’aux termes de l’article 19 du
même décret : «
Le comptable public est tenu d'exercer le
contrôle : [...]
2° s'agissant des ordres de payer : … d) De la validité de la dette dans les
conditions prévues à l'article 20 »
;
qu’aux termes de l’article 20 du même texte
: « Le contrôle
des comptables publics sur la validité de la dette porte sur : 1° La justification du service fait ;
2° l'exactitude de la liquidation ; [...] 5° La production des pièces justificatives [...] »
; que
l’annexe I
prévue
à l’article D.
1617-19 du code général des collectivités territoriales, dans sa
version applicable à l’exercice 2017, fixe à la rubrique «
2183.
Transferts financiers des jours
portés sur un compte épargne-
temps dans le cadre d’une mutation ou d’un détachement
» la
liste des pièces justificatives que les comptables doivent exiger avant de procéder au paiement
d’une telle dépense, soit d’une part la convention fixant les modalités financières de transfert
des droits à congés accumulés par un agent bénéficiaire d’un compte éparg
ne-
temps et d’autre
part un état liquidatif
; que cette convention est notamment mentionnée dans l’article 11 du
décret du 26 août 2004 relatif au compte épargne-temps dans la fonction publique : «
Les
collectivités ou établissements peuvent, par convention, prévoir des modalités financières de
transfert des droits à congés accumulés par un agent bénéficiaire d'un compte épargne-temps
à la date à laquelle cet agent change, par la voie d'une mutation ou d'un détachement, de
collectivité ou d'établissement
» ;
Considérant qu
’il ressort des pièces du dossier
que le comptable a payé le mandat n° 3258 au
vu d’un avis des sommes à payer, d’un
état liquidatif
, d’une attestation de droits CET, d’une
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convention de détachement et de la délibération du conseil d’admini
stration du CCAS de
Poitiers approuvant cette convention ; que la convention de mise à disposition de M. X... ne
comporte pas de stipulation relative aux modalités financières du transfert du CET de
l’intéressé
; que l’article 5 de cette convention relatif à la rémunération de l’agent ne traite pas
de la question du transfert financier de son CET ; que les visas de la convention ne mentionnent
pas le décret du 26 août 2004 relatif au compte épargne-temps dans la fonction publique
territoriale ;
qu’aucun des te
xtes visés n
’a pour objet
les modalités de transferts des droits
accumulés par un agent sur un CET ;
Considérant par ailleurs que la circonstance que l’ordonnatrice reconnaisse sa propre carence
en n’ayant p
as établi la convention exigée par la nomenclature de pièces justificatives est sans
incidence sur la mise en œuvre du régime
de responsabilité personnelle et pécuniaire du
comptable public ;
Considérant que dans ces conditions, M. Y... doit être regardé comme ayant manqué à ses
obligations découlant des articles 19 et 20 du décret du 7 novembre 2012 et a ainsi engagé sa
responsabilité personnelle et pécuniaire à raison du paiement du mandat en cause ;
En ce qui concerne la force majeure
Considérant que M. Y... fait valoir que le
plan de CHD s’imposait à lui de sorte qu’il était
contraint de ne pas viser le mandat n° 3258 ;
42.
Considérant que selon l’article 42 du décret du 7 novembre 2012
:
« Le comptable
public peut opérer les contrôles définis au 2° de l'article 19 et à l'article 20 de manière
hiérarchisée [...] »
; qu’il résulte de ce texte que
le contrôle sélectif constitue une faculté
d’organisation offerte au comptable
et non une obligation, nonobstant la pratique de la DGFiP ;
Considérant que pour les autres arguments présentés par M. Y..., il y a lieu de retenir les mêmes
motifs que ceux exposés aux titres des charges n°1 et 2 précédentes ; que, par suite, aucun
élément constitutif
d’un cas de force majeure ne peut être retenu en l’espèce
;
En ce qui concerne le préjudice financier
Considérant
qu’aux termes du VI de l’article 60 de la loi n° 63
-156 du 23 février 1963 : «
Lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I n'a pas causé de
préjudice financier à l'organisme public concerné, le juge des comptes peut l'obliger à
s'acquitter d'une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances de
l'espèce. [...] Lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I a causé
un préjudice financier à l'organisme public concerné [...], le comptable a l'obligation de verser
immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante
»
; qu’il n’existe pas de
préjudice financier lorsque la dépense repose sur les fondements juridiques dont il appartenait
au comptable de vérifier l'existence au regard de la nomenclature
, que l’ordonnateur a voulu
l’exposer et
, le cas échéant, que le service a été fait ;
Considérant que le paiement du mandat litigieux a été réalisé en l’absence de la convention
exigée à la rubrique 2183 de
l’annexe I mentionnée à l’article D. 1617
-19 du CGCT ; que cette
absence prive de fondement juridique la dépense ainsi payée nonobstant la volonté de
l’ordonnateur de l’exposer
;
qu’il s’ensuit que cette dépense présente un caractère indu
constituant un préjudice financier d’égal montant pour le CCAS de Poitiers
;
En ce qui concerne le contrôle sélectif de la dépense
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Considérant qu’aux termes du IX de l’article 60 de la loi n° 63
-156 du 23 février 1963, modifié :
« [...] Hormis le cas de décès du comptable ou de respect par celui-ci, sous l'appréciation du
juge des comptes, des règles de contrôle sélectif des dépenses, aucune remise gracieuse totale
ne peut être accordée au comptable public dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a
été mise en jeu par le juge des comptes, le ministre chargé du budget étant dans l'obligation de
laisser à la charge du comptable une somme au moins égale au double de la somme mentionnée
au deuxième alinéa dudit VI. » ;
Considérant que le contrôle sélectif constitue un mode dérogatoire au contrôle exhaustif des
dépenses, lequel demeure applicable pour toutes les dépenses qui ne sont pas expressément
mentionnées dans le plan de contrôle comme devant faire l’objet d’un contrôle sélectif ;
que le
plan de contrôle sélectif de la dépense relatif à la paye du CCAS de Poitiers a été validé par le
DDFiP de la Vienne le 31 janvier 2017
; qu’ainsi, il était applicable lors du paiement du mandat
n° 3258 du 20
juillet 2017; qu’il ressort de l’examen
de ce plan qu’aucun contrôle relatif aux
transferts financiers liés aux CET n’y est expressément prévu ; que ce plan prévoit le contrôle
a posteriori
du mandatement de la paye du mois de mars des agents dont la situation change ;
que les modalités financières du transfert des droits à CET ne constitue pas un élément de la
paye d’un agent
; que, dans ces conditions, le comptable était tenu de réaliser un contrôle
exhaustif de cette catégorie de dépenses, quand bien même le mandat n° 3258 ne figurait pas
dans la liste des mandats à viser, celle-ci découlant du paramétrage du plan de CHD dans
l’application Hélios
;
Considérant que le mandat litigieux
a été payé sans que le contrôle des pièces justificatives n’ait
été effectué
; que dans ces conditions, ce paiement irrégulier n’est pas intervenu dans le cadre
du respect du plan de CHD ;
qu’ainsi le comptable ne pourra bénéficier d’une remise gracieuse
intégrale du débet prononcé au titre de l’exercice 2017 ;
qu’il y a lieu de f
ixer ce débet à
6
000,54 €
;
Par ces motifs,
DÉCIDE :
Article 1
er
: Au titre de la première charge, M.
Y... est constitué débiteur du centre communal
d’action sociale
de Poitiers pour la somme de 1
423,22 € au titre de l’exercice 2015 et 314,61
€
au titre de l’exercice 2017,
sommes augmentées des intérêts de droit à compter du 9 décembre
2021 ;
Article 2
: Le reste à charge après remise gracieuse éventuellement accordée par le ministre
sera fixé au minimum à 3 ‰ du montant du cautionnement du pos
te comptable ;
Article 3
: Au titre de la deuxième charge, M.
Y... est constitué débiteur du centre communal
d’action sociale
de Poitiers pour la somme de 6
857,83 € au titre de l’exercice 2016, 3
610,78
€
au titre de l’exercice 2017 et 6
726,97 € au titre de l’exercice 2018,
sommes augmentées des
intérêts de droit à compter du 9 décembre 2021 ;
Article 4
: Le reste à charge après remise gracieuse éventuellement accordée par le ministre
sera fixé au minimum à 3 ‰ du montant du cautionnement du poste compta
ble ;
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Article 5
: Au titre de la troisième charge, M.
Y... est constitué débiteur du centre communal
d’action sociale
de Poitiers pour la somme de 6
000,54 € au titre de l’exercice 2017,
somme
augmentée des intérêts de droit à compter du 9 décembre 2021 ;
Article 6
: Le débet prononcé
à l’article précédent
ne pourra donner lieu à une remise gracieuse
intégrale par le ministre ;
Article 7
: Il est sursis à la décharge de M.
Y... au titre des exercices 2015, 2016, 2017 et 2018,
jusqu’à l’apurement des somme
s prononcées ci-dessus.
Fait et jugé par M. Yves Roquelet, président de section, président de séance,
MM. Damien Georg et Hervé Bourdarie, premiers conseillers.
En présence de Mme Alexia Lemaitre, greffière.
Alexia LEMAITRE,
Greffière
Yves ROQUELET,
Président de séance
En application des articles R. 242-19 à R. 242-21 du code des juridictions financières, les jugements prononcés
par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel devant la Cour des comptes dans le délai de
deux mois à compter de la notification, et ce selon les modalités prévues aux articles R. 242-22 à R. 242-24 du
même code. Ce délai est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l’étranger.
La révision d’un
jugement peut être demandée après expiration des délais d’appel, et ce dans les conditions prévues à l’article
R. 242-29 du même code.
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre
ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de
justice d’y tenir
la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-
forte lorsqu’ils en
seront légalement requis.
Certifié conforme à l’original
le président