1
Cour de discipline budgétaire et financière
Seconde section
Arrêt du 20 juin 2022
«
Institut national du sport, de l
’
expertise et de la performance
(INSEP)
»
N° 258-849
--------------
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
---
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE,
siégeant à
la
Cour des comptes, en audience publique, a rendu l
’
arrêt suivant
:
Vu le code de l
’
éducation ;
Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code du sport ;
Vu le code des juridictions financières, notamment le titre 1
er
de son livre III relatif à la
Cour de discipline budgétaire et financière ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
Vu le décret n° 85-730 du 17 juillet 1985 relatif à la rémunération des fonctionnaires de
l
’
État et des fonctionnaires des collectivités territoriales régis respectivement par les lois
n° 84-16 du 11 janvier 1984 et n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
Vu le décret n°86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables
aux agents contractuels de l
’
État pris pour l
’
application de l
’
article 7 de la loi n° 84-16 du
11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l
’
Etat ;
Vu le décret n° 2002-60 du 14 janvier 2002 relatif aux indemnités horaires pour travaux
supplémentaires ;
Vu la communication en date du 5 juillet 2019, enregistrée le même jour au parquet
général, par laquelle la présidente de la troisième chambre de la Cour des comptes a informé
la procureure générale près la Cour des comptes, ministère public près la Cour de discipline
budgétaire et financière, de faits relatifs à la gestion de l
’
Institut national du sport, de
l
’
expertise et de la performance (INSEP) ;
Vu le réquisitoire du 16 mars 2020 par lequel la procureure générale a saisi de cette
affaire le Premier président de la Cour des comptes, président de la Cour de discipline
budgétaire et financière ;
2
Vu la décision du 25 juin 2020 par laquelle le président de la Cour de discipline
budgétaire et financière a désigné Mme Marie-Ange Mattei, conseillère maître à la Cour des
comptes, en qualité de rapporteure de l
’
affaire ;
Vu les lettres recommandées de la procureure générale du 22 février 2021, ensemble les
avis de réception de ces lettres, par lesquelles ont été mis en cause, au regard des faits de
l
’
espèce :
-
M. X..., directeur général de l
’
INSEP du 10 mars 2013 au 10 mars 2017 ;
-
M. Y..., directeur général de l
’
INSEP du 11 mars 2017 au 15 septembre 2021 ;
Vu la lettre du 14 décembre 2021 du président de la Cour de discipline budgétaire et
financière transmettant au ministère public le dossier de l
’
affaire après le dépôt du rapport de
Mme Mattei ;
Vu la décision du 2 mars 2022 de la procureure générale renvoyant MM. X... et Y...
devant la Cour de discipline budgétaire et financière ;
Vu les lettres recommandées du 7 mars 2022 adressées par la greffière de la Cour de
discipline budgétaire et financière à MM. X... et Y..., les avisant qu
’
ils pouvaient produire un
mémoire en défense et les citant à comparaître le 20 mai 2022 devant la Cour de discipline
budgétaire et financière, ensemble les avis de réception de ces lettres ;
Vu le mémoire en défense produit le 2 mai 2022 par Maître Froger dans l
’
intérêt de
M. Y... ;
Vu le mémoire en défense produit le 10 mai 2022 par Maître Peyrelevade dans l
’
intérêt
de M. X..., ensemble les pièces à l
’
appui ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Entendu le représentant du ministère public, présentant la décision de renvoi ;
Entendu la procureure générale en ses réquisitions ;
Entendu en leur plaidoirie Maîtres Peyrelevade pour M. X..., Maître Froger pour
M. Y..., MM. X... et Y... ayant été invités à présenter leurs explications et observations, la
défense ayant eu la parole en dernier ;
Après en avoir délibéré ;
Considérant ce qui suit :
Sur la compétence de la Cour
1.
En application du b) du I de l
’
article L. 312-1 du code des juridictions financières, la
Cour de discipline budgétaire et financière est compétente pour connaître des infractions
susceptibles d
’
avoir été commises dans l
’
exercice de leurs fonctions par
« Tout fonctionnaire
ou agent civil ou militaire de l
’
État, des collectivités territoriales, de leurs établissements
publics
[…] »
. Aux termes de
l’article
R. 211-1 du code du sport, l
’
INSEP
« est un
établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel placé sous la tutelle du
ministre chargé des sports, constitué sous la forme d
’
un grand établissement au sens de
l
’
article L. 717-1 du code de l
’
éducation [
…
] »
. Il résulte de ces dispositions que les
représentants et agents de l
’
INSEP sont justiciables de la Cour.
3
Sur la prescription
2.
Aux termes de l
’
article L. 314-2 du code des juridictions financières
« La Cour ne peut
être saisie par le ministère public après l
’
expiration d
’
un délai de cinq années révolues à
compter du jour où aura été commis le fait de nature à donner lieu à l
’
application des
sanctions prévues par le présent titre »
. Il résulte de ces dispositions que ne peuvent être
valablement poursuivies et sanctionnées dans la présente affaire que les infractions commises
moins de cinq ans avant le 5 juillet 2019, date à laquelle a été déférée au parquet général la
communication susvisée de la présidente de la troisième chambre de la Cour des comptes, soit
les faits commis depuis le 5 juillet 2014.
Sur les faits, leur qualification juridique et l
’
imputation des responsabilités
3.
Aux termes de l
’
article L. 313-4 du code des juridictions financières
«
Toute personne
visée à l
’
article L. 312-1 qui, en dehors des cas prévus aux articles précédents, aura enfreint
les règles relatives à l
’
exécution des recettes et des dépenses de l
’
Etat ou des collectivités,
établissements et organismes mentionnés à ce même article ou à la gestion des biens leur
appartenant ou qui, chargée de la tutelle desdites collectivités, desdits établissements ou
organismes, aura donné son approbation aux décisions incriminées sera passible de
l
’
amende prévue à l
’
article L. 313-1
».
4.
L
’
article L. 313-6 du même code dispose, par ailleurs, que
« Toute personne visée à
l
’
article L. 312-1 qui, dans l
’
exercice de ses fonctions ou attributions, aura, en
méconnaissance de ses obligations, procuré à autrui un avantage injustifié, pécuniaire ou en
nature, entraînant un préjudice pour le Trésor, la collectivité ou l
’
organisme intéressé, ou
aura tenté de procurer un tel avantage sera passible d
’
une amende dont le minimum ne pourra
être inférieur à 300
€
et dont le maximum pourra atteindre le double du montant du traitement
ou salaire brut annuel qui lui était alloué à la date de l
’
infraction »
.
Sur le versement de diverses primes et indemnités
5.
Aux termes de l
’
article 2 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée alors applicable,
« La
présente loi s
’
applique aux fonctionnaires civils des administrations de l
’
État, des régions,
des départements, des communes et de leurs établissements publics
[…]
»
. L
’
article 20 de
cette loi dispose que
« Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération
comprenant le traitement, l
’
indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi
que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire »
. L
’
article 2 du décret
du 17 juillet 1985 susvisé, pris notamment en application de l
’
article 20 de la loi précitée du
13 juillet 1983, précise que
« les fonctionnaires
[…]
ne peuvent bénéficier d
’
aucune indemnité
autre que celles fixées par une loi ou un décret, sous réserve des dispositions prévues par les
articles 111 et 115, alinéa 2, de la loi du 26 janvier 1984 précitée et par l
’
article 30 de la loi
n° 82-213 du 2 mars 1982 modifiée relative aux droits et libertés des communes, des
départements et des régions »
.
6.
Aux termes, par ailleurs, de l
’
article 1-3 du décret du 17 janvier 1986 susvisé dans sa
rédaction applicable aux faits de la cause, le montant de la rémunération d
’
un agent contractuel
de droit public recruté par l
’É
tat ou ses établissements publics
« est fixé par l
’
autorité, en
prenant en compte, notamment, les fonctions occupées, la qualification requise pour leur
exercice, la qualification détenue par l
’
agent ainsi que son expérience ».
4
7.
Il résulte des dispositions qui précèdent qu
’
un fonctionnaire affecté directement ou par
détachement dans un établissement public ne peut percevoir aucune rémunération qui ne soit
prévue par la loi ou le règlement. Cependant, lorsque le fonctionnaire est détaché sur un
contrat, sa rémunération est déterminée par le contrat conclu avec l
’
autorité administrative.
8.
Il résulte de l
’
instruction que le personnel permanent de l
’
INSEP est composé, d
’
une
part, de contractuels et, d
’
autre part, de fonctionnaires qui sont affectés à l
’
établissement en
position normale d
’
activité ou par la voie du détachement, certains de ces fonctionnaires étant
détachés sur un contrat.
9.
Entre 2014, pour la période non prescrite, et 2017, l
’
INSEP a procédé, d
’
une part, au
versement de « compléments de rémunération exceptionnels » à plusieurs agents de
l
’
établissement pour un montant total de 20 772,59
€
dont 8 102,78
€
attribués aux agents
fonctionnaires de l
’
État, d
’
autre part, au versement de primes « de fin d
’
année » à l
’
ensemble
des agents de l
’
établissement justifiant d
’
une certaine ancienneté pour un montant total de
365 194,05
€ dont
138 428,95
€ attribués à des fonctionnaires de l’
État. Par deux décisions
des 27 avril et 22 septembre 2017, le directeur général a, en outre, accordé à trente agents de
l
’
établissement, pou
r un montant total de 8 507,90 €
bruts dont 2 849,20
€
attribués aux agents
fonctionnaires de l
’
État, une prime exceptionnelle au titre des travaux de déploiement du
progiciel QUALIAC utilisé par le service comptable.
En ce qui concerne la régularité de ces primes
10.
Il résulte de l
’
instruction que ces diverses primes attribuées aux fonctionnaires par
décision du directeur général et qui se sont ajoutées à celles réglementairement prévues par
les différents statuts des agents fonctionnaires en poste à l
’
INSEP, n
’
ont été instaurées par
aucune loi ni aucun décret et ne se rattachent, dès lors, à aucun régime indemnitaire instauré
en vertu des dispositions citées au point 5.
11.
La circonstance que les modalités de versement de ces primes aient été concertées
avec les organisations représentatives du personnel et n
’
aient fait l
’
objet d
’
aucune
observation du comptable de l
’
établissement n
’
est pas susceptible de leur donner un
fondement légal. L
’
existence, par ailleurs, de contrats de travail conclus avec quelques
fonctionnaires détachés et prévoyant le versement de primes exceptionnelles, n
’
est pas de
nature, en tout état de cause et sans qu
’
il soit nécessaire de se prononcer sur la régularité des
primes ainsi attribuées, à donner un fondement légal aux primes versées aux autres
fonctionnaires de l
’
établissement, notamment à ceux placés en position normale d
’
activité.
12.
Le fait d
’
avoir versé ces différentes primes sans fondement juridique constitue une
infraction aux règles relatives à l
’
exécution des dépenses, au sens de l
’
article L. 313-4 du code
des juridictions financières.
En ce qui concerne l
’
existence d
’
avantages injustifiés
13.
Il n
’
est pas établi que les compléments exceptionnels de rémunération n
’
aient pas
correspondu à la contrepartie d
’
un surcroît de travail ou d
’
une sujétion particulière. Il résulte,
par ailleurs, de l
’
instruction que la prime QUALIAC a été attribuée à raison des travaux
nécessaires à la mise en place de ce nouveau progiciel au sein du service comptable. En
revanche, la prime de fin d
’
année régulièrement distribuée aux agents depuis 2010, financée
par le reliquat de masse salariale, n
’
était justifiée ni par un surcroît de travail, ni par une
sujétion particulière.
5
14.
Dès lors, seuls les versements correspondant aux primes de fin d
’
année sont
constitutifs d
’
un avantage injustifié au sens de l
’
article L. 313-6 du code des juridictions
financières, octroyé aux fonctionnaires concernés et entraînant un préjudice financier pour
l
’
INSEP.
15.
Le versement de compléments de rémunération exceptionnels et de primes de fin
d
’
année est imputable respectivement à M. X..., directeur général de l
’
INSEP de mars 2013
à mars 2017, et à M. Y..., son successeur à partir de mars 2017, qui ont signé les décisions
individuelles d
’
attribution de ces compléments et décidé de l
’
octroi des primes de fin
d
’
année. Le versement de la prime QUALIAC est imputable à M. Y
....
Sur l
’
attribution d
’
heures supplémentaires
16.
Le décret du 14 janvier 2002 relatif aux indemnités horaires pour travaux
supplémentaires susvisé, pris notamment en application de l
’
article 20 de la loi précitée du
13 juillet 1983, dispose, en son article 1
er
, que
« Les personnels civils de l
’
État et de leurs
établissements publics à caractère administratif peuvent percevoir des indemnités horaires
pour travaux supplémentaires dans les conditions et suivant les modalités fixées par le
présent décret »
. Selon son article 2,
« I. - 1° Les indemnités horaires pour travaux
supplémentaires peuvent être versées, dès lors qu
’
ils exercent des fonctions ou appartiennent
à des corps, grades ou emplois dont les missions impliquent la réalisation effective d
’
heures
supplémentaires, aux fonctionnaires de catégorie C et aux fonctionnaires de catégorie B. 2°
Le versement des indemnités horaires pour travaux supplémentaires à ces fonctionnaires est
subordonné à la mise en œuvre par le
ur employeur de moyens de contrôle automatisé
permettant de comptabiliser de façon exacte les heures supplémentaires qu
’
ils auront
accomplies
[…]
»
.
17.
Il ressort de l
’
instruction qu
’
entre 2014 et 2016, l
’
INSEP a rémunéré des heures
supplémentaires à plusieurs agents de l
’
établissement, pour un montant total de 45 131,35
€
.
Faute notamment qu
’
aient été mis en place, comme l
’
exigent les dispositions réglementaires
citées au point précédent, des moyens de contrôle automatisé permettant de comptabiliser les
heures supplémentaires que les agents bénéficiaires auraient accomplies, il n
’
est pas établi que
ces versements aient été la contrepartie de la réalisation effective d
’
heures supplémentaires. Il
résulte, en outre, de l
’
instruction que certains paiements effectués étaient destinés à accorder
un complément de rémunération à des agents, sans lien avec les heures de services effectuées.
18.
Le fait d
’
avoir payé des heures supplémentaires en méconnaissance des dispositions
du décret du 14 janvier 2002 précité constitue une infraction aux règles relatives à l
’
exécution
des dépenses, au sens de l
’
article L. 313-4 du code des juridictions financières. De plus, ces
versements indus qui ne correspondaient pas à la contrepartie d
’
un surcroît de travail ou d
’
une
sujétion particulière, sont constitutifs d
’
un avantage injustifié octroyé aux agents concernés,
au sens de l
’
article L. 313-6 du code des juridictions financières, qui a entraîné un préjudice
financier pour l
’
INSEP à hauteur de 45 131,35
€
.
19.
Ces faits, commis entre 2014 et 2016, sont imputables à M. X... qui, en tant que
directeur général de l
’
établissement, devait s
’
assurer du respect de la réglementation relative
aux heures supplémentaires.
20.
La décision de renvoi de la procureure générale, en date du 2 mars 2022, comportait
également des poursuites relatives au dépassement mensuel du contingent d
’
heures
supplémentaires autorisé par le décret du 14 janvier 2002 mentionné au point 16. Au cours de
6
l
’
audience, la procureure générale a abandonné ces poursuites dont la Cour de discipline
budgétaire et financière n
’
est, de ce fait, plus saisie.
Sur l
’
occupation d
’
un logement de fonction
21.
L
’
article R. 2124-64 du code général de la propriété des personnes publiques dispose
que :
« Dans les immeubles dépendant de son domaine public, l
’
État peut accorder à ses
agents civils ou militaires une concession de logement par nécessité absolue de service ou
une convention d
’
occupation précaire avec astreinte, dans les conditions prévues au présent
paragraphe »
. Aux termes de son article R. 2124-68 :
« Lorsqu
’
un agent est tenu d
’
accomplir
un service d
’
astreinte mais qu
’
il ne remplit pas les conditions ouvrant droit à la concession
d
’
un logement par nécessité absolue de service, une convention d
’
occupation précaire avec
astreinte peut lui être accordée. Elle est accordée par priorité dans des immeubles
appartenant à l
’
État. / Une redevance est mise à la charge du bénéficiaire de cette
convention. Elle est égale à 50 % de la valeur locative réelle des locaux occupés. / Des
arrêtés conjoints du ministre chargé du domaine et des ministres intéressés fixent la liste des
fonctions comportant un service d
’
astreinte qui peuvent ouvrir droit à l
’
attribution d
’
une
convention d
’
occupation précaire »
. Parmi les fonctions mentionnées dans l
’
arrêté
interministériel du 23 décembre 2015 pris pour l
’
application de ces dispositions et applicable
à la date des faits litigieux, figure celle de «
gestionnaire de ressources humaines, matérielles
et financières de l
’
INSEP
»
.
22.
Il résulte de l
’
instruction que l
’
INSEP a recruté, le 18 juillet 2013, M. Z..., en qualité
de chargé de mission auprès du directeur général de l
’
INSEP. Un logement lui a été attribué
au sein du domaine de l
’
établissement en septembre 2015 sur le fondement d
’
une autorisation
d
’
occupation précaire et révocable moyennant une redevance mensuelle de 668,95
€
. M. Z...
a été nommé à compter du 1
er
janvier 2016 chef de cabinet du directeur général, fonctions
« pour lesquelles », aux termes de l
’
avenant n° 4 signé le 12 janvier 2016 modifiant l
’
article 2
de son contrat de travail, « il assure, en partie, des missions de gestionnaire des ressources
humaines, matérielles et financières à l
’
INSEP ». A compter de cette même date, il a
bénéficié d
’
une convention d
’
occupation précaire avec astreinte, pour un montant mensuel
de 393,50
€
, sur le fondement des dispositions de l
’
arrêté du 23 décembre 2015 précité. Le
24 avril 2017 cependant, il a été mis fin aux fonctions de chef de cabinet de M. Z...,
l
’
intéressé devenant alors préfigurateur du pôle accueil, à la tête duquel il a été nommé à
compter du 12 mars 2018.
23.
Il résulte de l
’
instruction qu
’
aucun élément matériel n
’
a permis d
’
établir que M. Z...,
après avoir quitté son emploi de chef de cabinet ait effectivement exercé des fonctions, de
quelque nature qu
’
elles soient, assimilables à celles de « gestionnaire de ressources
humaines, matérielles et financières », ni en sa qualité de préfigurateur du pôle accueil, ni en
sa qualité de chef de ce pôle. L
’
avenant n° 5 à son contrat de travail le nommant à ce poste
en 2018 ne mentionne au demeurant aucun lien entre ses nouvelles fonctions et celles de
« gestionnaire de ressources humaines, matérielles et financières » à la différence du
précédent avenant ainsi qu
’
il a été dit au point 22. La circonstance que la mention de telles
fonctions a été reproduite dans la nouvelle convention d
’
occupation précaire avec astreinte
accordée à M. Z... aux mêmes conditions financières que la précédente, dix jours après la
signature de l
’
avenant à son contrat de travail, le 31 mars 2018, ne suffit pas à apporter la
preuve de la réalité de l
’
exercice de ces fonctions. Il est indifférent, par ailleurs, qu
’
un arrêté
du ministre des sports du 24 décembre 2020 ait classé l
’
emploi de chef de pôle d
’
accueil de
l
’
INSEP dans la liste des fonctions ouvrant droit à une convention d
’
occupation précaire avec
astreinte, dès lors que cet emploi ne figurait pas, à la date des faits litigieux, sur cette liste
limitative.
7
24.
Il résulte de tout ce qui précède qu
’
à compter du 24 avril 2017, M. Z... n
’
avait plus
droit à la concession d
’
un logement, compte tenu de l
’
évolution de ses fonctions au sein de
l
’
établissement. Le fait d
’
avoir maintenu le bénéfice de ce logement en méconnaissance de
l
’
arrêté précité du 23 décembre 2015 constitue une infraction aux règles relatives à
l
’
exécution des dépenses au sens de l
’
article L. 313-4 du code des juridictions financières. De
plus, l
’
avantage dont a ainsi bénéficié M. Z..., évalué à 14 953
€
, soit la différence entre la
redevance mensuelle payée et la valeur locative mensuelle estimée par le service des
domaines, sur la période comprise entre mai 2017 et juin 2020, a privé l
’
INSEP d
’
une recette
équivalente. Ces faits sont ainsi constitutifs d
’
un avantage injustifié au sens de l
’
article
L. 313-6 du code des juridictions financières, octroyé à M. Z... et entraînant un préjudice
financier pour l
’
INSEP à hauteur de 14 953
€
.
25.
Ces faits sont imputables à M. Y... qui a maintenu, après sa prise de fonction, une
concession de logement au profit d
’
un agent qui n
’
occupait pas un emploi pouvant la justifier.
Sur l
’
achat de prestations à la société A...
26.
Aux termes de l
’
article 2 du code des marchés publics, en vigueur jusqu
’
au
31 mars 2016,
« Les pouvoirs adjudicateurs soumis au présent code sont : / 1° L
’
État et ses
établissements publics autres que ceux ayant un caractère industriel et commercial
[…]
»
.
Selon son article 5 :
« I. - La nature et l
’
étendue des besoins à satisfaire sont déterminées avec
précision avant tout appel à la concurrence ou toute négociation non précédée d
’
un appel à
la concurrence
[…]
»
. En vertu de l
’
article 26 de ce code, dans sa version en vigueur jusqu
’
au
1
er
janvier 2014,
« I.- Les pouvoirs adjudicateurs passent leurs marchés et accords-cadres
selon les procédures formalisées : / 1° Appel d
’
offres ouvert ou restreint ;
[…]
. / II.- Les
marchés et accords-cadres peuvent aussi être passés selon une procédure adaptée, dans les
conditions définies par l
’
article 28, lorsque le montant estimé du besoin est inférieur aux
seuils suivants : /
1° 130 000 € HT pour les marchés de fournitures et de services […]
de
l
’
État et de ses établissements publics
[…]
»
. À compter du 1
er
janvier 2014, ce seuil a été
porté à 134 000 € HT par le décret n° 2013
-1259 du 27 décembre 2013 modifiant les seuils
applicables aux marchés publics et autres contrats de la commande publique.
27.
Aux termes de l
’
article 27 du même code alors applicable
« I.- Le pouvoir adjudicateur
ne peut pas se soustraire à l
’
application du présent code en scindant ses achats ou en utilisant
des modalités de calcul de la valeur estimée des marchés ou accords-cadres autres que celles
prévues par le présent article. / II.- Le montant estimé du besoin est déterminé dans les
conditions suivantes, quel que soit le nombre d
’
opérateurs économiques auxquels il est fait
appel et quel que soit le nombre de marchés à passer.
[…]
/ 2° En ce qui concerne les
fournitures et les services, il est procédé à une estimation de la valeur totale des fournitures
ou des services qui peuvent être considérés comme homogènes soit en raison de leurs
caractéristiques propres, soit parce qu
’
ils constituent une unité fonctionnelle. La délimitation
d
’
une catégorie homogène de fournitures ou de services ne doit pas avoir pour effet de
soustraire des marchés aux règles qui leur sont normalement applicables en vertu du présent
code. Pour les marchés d
’
une durée inférieure ou égale à un an, conclus pour répondre à un
besoin régulier, la valeur totale mentionnée ci-dessus est celle qui correspond aux besoins
d
’
une année
[…]
»
. L
’
article 28 du même code prévoit, dans sa version en vigueur jusqu
’
au
1
er
octobre 2015, que :
«
[…]
/ III- Le pouvoir adjudicateur peut également décider que le
marché sera passé sans publicité ni mise en concurrence préalables si son montant estimé est
inférieur à 15 000 euros HT.
[…]
»
.
28.
Il ressort de l
’
instruction qu
’
entre 2013 et 2016, afin d
’
élaborer et de rédiger le projet
d
’
établissement de l
’
INSEP, puis de le décliner en plan d
’
actions, l
’
INSEP a commandé à la
8
société A... diverses prestations d
’
une valeur totale de 317 150
€
HT par trois marchés
distincts.
29.
Le premier marché a été conclu le 9 décembre 2013, sans publicité ni mise en
concurrence préalables, pour un montant de 15 000
€
HT. Il avait pour objet de
« définir la
vision de l
’
établissement public INSEP 2030 »
, de
« mettre en regard les objectifs stratégiques
assignés à l
’
INSEP »
et de
« partager les valeurs de l
’
INSEP pour créer une culture
commune ».
30.
Le deuxième marché conclu à l
’
issue d
’
une procédure adaptée, dont l
’
objet consistait
en
« assistance, conseils, accompagnement méthodologique et animation d
’
une démarche
relative à la déclinaison du projet d
’
établissement de l
’
INSEP »,
a été conclu le
28 février 2014, pour un montant de 50 000
€
HT.
31.
Enfin, à la suite d
’
une procédure de passation formalisée lancée sous la forme d
’
un
appel d
’
offres ouvert, un accord-cadre mono-attributaire du 30 avril 2015, notifié le
22 juin 2015, a confié à la société A..., aux termes de son article 8-3, la
«
mission d
’
assister
et d
’
accompagner
l’INSEP
au pilotage et au suivi du projet d
’
établissement, et dans les
réflexions organisationnelles pour faire aligner l
’
organisation fonctionnelle et structurelle de
l
’
INSEP sur le projet d
’
établissement. Il apportera également son appui à la mise en
œuvre
du projet d
’
établissement ».
En exécution de cet accord-cadre, ont été conclus quatre marchés
subséquents pour un coût total estimé de 252 150
€ HT
et un marché à bons de commande.
32.
Il est fait grief à l
’
INSEP d
’
avoir, en concluant ces trois marchés relatifs au même
projet d
’
établissement, méconnu les articles 26 et 27 précités du code des marchés publics en
scindant les achats de ce qui aurait dû constituer une unique commande et, ce faisant, de
n
’
avoir pas respecté dès 2013 la procédure de passation formalisée, alors que le montant total
du besoin était supérieur à 130 000
€
HT. L
’
Institut aurait également méconnu l
’
article 5 du
même code, en ne définissant pas préalablement avec précision la nature et l
’
étendue de ses
besoins.
33.
Le fait que les trois marchés conclus avec la société A... aient été relatifs au projet
d
’
établissement ne suffit pas à établir que les deux premiers, relatifs à l
’
élaboration de ce
projet, formeraient avec le troisième, relatif à sa mise en application effective et à sa traduction
dans l
’
organisation de l
’
INSEP, un tout indissociable, dès lors que l
’
Institut n
’
était pas tenu,
après avoir arrêté son projet d
’
établissement, de faire à nouveau appel, un an plus tard, à
l
’
assistance d
’
un prestataire extérieur pour en accompagner la traduction effective sur son
organisation, décision qui n
’
a été prise qu
’
au vu des difficultés alors rencontrées.
34.
Les deux premiers marchés signés en décembre 2013 et en février 2014 étant antérieurs
à la date de prescription mentionnée au point 2, et le troisième marché ayant été conclu à
l
’
issue d
’
un appel d
’
offres ouvert dans le respect de l
’
article 27 du code des marchés publics,
le grief n
’
apparait pas constitué.
Sur les circonstances
35.
Le fait que le versement de divers accessoires et compléments de rémunération résulte
de pratiques antérieures à la prise de fonction de MM. X... et Y... et la circonstance que les
tutelles de l
’
INSEP et l
’
agent comptable n
’
ont jamais exprimé de réserves sur ces pratiques
réitérées sur plusieurs années constituent des circonstances atténuantes de responsabilité pour
les intéressés.
9
Sur l
’
amende
36.
Il sera fait une juste appréciation des irrégularités commises et des circonstances de
l
’
espèce en infligeant à M. X... une amende de mille euros et à M. Y... une amende de
cinq-cents euros.
Sur la publication de l
’
arrêt
37.
Il y a lieu, compte tenu des circonstances de l
’
espèce, en application de l
’
article
L. 313-15 du code des juridictions financières, de publier le présent arrêt sous forme
anonymisée au
Journal officiel
de la République française et sur le site internet de la Cour.
ARRÊTE :
Article 1
er
: M. X... est condamné à une amende de 1 000
€ (mille
euros).
Article 2 : M. Y... est condamné à une amende de 500
€ (cinq
-cents euros).
Article 3 : Le présent arrêt sera publié, sous forme anonymisée, au
Journal officiel
de la
République française et sur le site internet de la Cour.
Copie en sera adressée à la ministre des sports et des jeux olympiques et paralympiques.
Délibéré par la Cour de discipline budgétaire et financière, seconde section,
le 20 mai deux-mille-vingt-deux par Mme Bergeal, présidente de la section des finances du
Conseil d
’
État, présidente ; MM. Yeznikian et Gueudar-Delahaye, conseillers d
’
État ;
M. Rolland, conseiller maître à la Cour des comptes.
Notifié le 20 juin 2022.
En conséquence, la République mande et ordonne à tous huissiers de justice sur ce
requis de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la
République près les tribunaux judiciaires d
’
y tenir la main, à tous les commandants et officiers
de la force publique de prêter main-forte lorsqu
’
ils en seront légalement requis.
En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par la présidente de la Cour et la greffière.
La présidente,
La greffière,
Catherine BERGEAL
Isabelle REYT