3, place des Grands Hommes CS 30059 33064 BORDEAUX CEDEX - www.ccomptes.fr
Jugement n° 2022-0010
Audience publique du 5 mai 2022
Prononcé du 7 juin 2022
Centre hospitalier C
œur de Corrèze
(019 044 982)
Département de la Corrèze
Trésorerie hospitalière départementale de
Corrèze
Exercice 2018
République Française
Au nom du peuple français
La chambre,
VU le réquisitoire n° 2022-0001 en date du 5 janvier 2022, par lequel le procureur financier a saisi la
chambre régionale des comptes Nouvelle-Aquitaine en vue de la mise en jeu de la responsabilité
personnelle et pécuniaire de M. X
…
et M. Y..., comptables
du centre hospitalier Cœur de Corrèze
,
au titre d’opérations relatives à l’exercice 2018
, notifié à M. X
…
le 10 février et à M. Y...
ainsi qu’à
l’ordonnateur le
3 février 2022 ;
VU les comptes rendus en qualité de comptable
du centre hospitalier Cœur de Corrèze
par M. X...
du 1
er
janvier 2018 au 2 septembre 2018 et M.
Y
…
du 3 septembre 2018 au 31 décembre 2018 ;
VU
l’article 60 de la loi de finances n° 63
-156 du 23 février 1963 ;
VU le code des juridictions financières ;
VU le code général des collectivités territoriales ;
VU le code de la santé publique ;
VU le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;
VU le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de
l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié
e dans sa ré
daction issue de l’article 90 de la loi
n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;
VU la décision du 3 février 2022 par laquelle le président de la quatrième section de la chambre
régionale des comptes a désigné M. Christophe Gautier, premier conseiller, pour instruire le
réquisitoire susvisé ;
VU les réponses apportées par M. Y... le 4 mars 2022 et par M. X... le 15 mars 2022 ;
VU
la réponse apportée par l’ordonnateur le
7 mars 2022 ;
2
VU le rapport n° 2022-0080 à fin
d’examen des comptes du centre hospitalier Cœur de Corrèze
déposé au greffe de la chambre régionale des comptes le 05 avril 2022 ;
VU les conclusions du procureur financier ;
VU
l’ensemble des pièces à l’appui
du dossier ;
Entendu
lors de l’audience publique du
5 mai 2022, M. Gautier, premier conseiller, en son rapport,
M. Sébastien Heintz, procureur financier, en ses conclusions ;
Après en avoir délibéré hors la présence du rapporteur et du procureur financier ;
Sur les présomptions de charges n° 1 et n°2, soulevées
à l’encontre
de M. X... et de
M. Y... au
titre de l’exercice
2018 :
Sur le réquisitoire du procureur financier
CONSIDÉRANT que le réquisitoire susvisé soulève une présomption de charges pour un total de
197 771,91
€ à l’encontre de M
. X... et de 50
710,40 € à l’encontre de
M. Y..., qui ont mis en paiement
des prestations et fournitures sur les comptes 213518, 21821 et 21541, sans les justifications
requises
à l’appui
;
CONSIDÉRANT
qu’il rappelle que pour apprécier la validité des dépenses, les comptables doivent
notamment exercer leur contrôle sur la production des justifications et qu’à ce titre, il leur revient
d’apprécier si les pièces fournies présentent un caractère suffisant
pour justifier la dépense engagée ;
CONSIDÉRANT que le procureur financier relève que les montants des mandats susvisés
dépassaient tous le seuil de 25 000 € nécessitant ainsi une passation
de marché public en forme
écrite ;
CONSIDÉRANT
qu’il
relève que le comptable en fonctions a cependant produit six bons de
commandes ainsi qu’un certificat administratif
en date du 25 juillet 2018 du directeur du centre
hospitalier attestant que les achats de véhicules, l’ont été en l’absence de passation de marché p
ublic
pour des motifs d’urgence
;
CONSIDÉRANT que le p
rocureur rappelle que faute de disposer par ailleurs d’une facture associée
aux mandats en cause, il n’est pas possible d’établir de correspondance entre les bons de commande
produits par le comptable et les mandats en cause ;
CONSIDÉRANT
qu’il
constate également que les bons de commande produits émanent du centre
hospitalier, sans engagement signé du prestataire et
n’établissent donc pas un accord de volonté
des parties au sens de la nomenclature des pièces justificatives ;
CONSIDÉRANT
qu’il
constate également
que le certificat de l’ordonnateur
daté du 25 juillet 2018 ne
vise que des achats de véhicules, qu’il se trouve postérieur aux mises en paiement des trois premiers
mandats en cause sur 2018 et ne comporte aucune référence permettant de le rattacher à un ou des
mandats ;
CONSIDÉRANT
qu’’il
estime donc qu’il ne saurait constituer, pour chaque paiement en cause, un
« certificat administratif par lequel il déclare avoir passé un contrat oral et prend la responsabilité de
l’absence de contrat écrit
»
au sens de la jurisprudence du Conseil d’État susceptible de dégager la
responsabilité du comptable ;
3
CONSIDÉRANT
qu’il estime qu’il revenait, à chaque comptable, pour ce qui le concerne, de signaler
à l’ordonnateur l’insuffisance des pièces produites ou d’exiger la production d’un certificat
administratif de l’ordonnateur engageant sa responsabilité en justifiant l’absence de contrat écrit pour
chacun des mandats présentés ;
CONSIDÉRANT que le procur
eur estime donc que faute d’avoir suspendu les paiements, M.
X... et
M. Y... paraissent avoir manqué à leurs obligations définies aux articles 19 et 20 du décret n° 2012-
1246 du 7 novembre 2012 et
qu’ils ont
dès lors engagé leur responsabilité personnelle et pécuniaire
au titre de l’exercice 2018
;
Sur la réponse des comptables
CONSIDÉRANT
que dans sa réponse au questionnaire d’instruction
, M. X... précise que :
-
le mandat n° 2018-42770 émis pour un montant de 25 069,40
€ H.T. au profit de LD
Maçonnerie est justifié par trois factures,
dont le total, inférieur à 25 000 € H.T., s’établit à
22 831,66
€ H.T. ;
-
les mandats n° 2018-43246, 2018-46118 et 2018-46119 émis pour des montants respectifs
de 26 882,76
€ H.T., 26
204,45
€ H.T. et 25
526,14
€
H.T. au profit de Tulle Automobiles
représentaient un total cumulé inférieur au seuil de 90 000 H.T. et pouvaient à ce titre être
payés ;
-
les mandats suivants n° 2018-52476, 2018-52482 et 2018-52483 émis pour des montants
respectifs de 26 882,76
€ H.T., 26
882,76
€ H.T. et 40
324,14
€ H.T. au profit de Tulle
Automobiles s’appuyaient sur un certificat administratif de l’ordonnateur qui précisait que ce
dernier n’avait pas passé de marché public et dégageait à ce titre la responsabilité du
comptable ;
-
les mandats en cause étant qualifié
s par l’ordonnateur
de « mandat ordinaire
» n’ont pu être
identifiés dans l’applicatif CHD parmi les visas obligatoires ni, par suite, être examinés par le
poste comptable, étant considéré que le plan de contrôle prévoyait un visa
a priori
des
mandats qualifiés de « marché » mais non des mandats ordinaires ;
-
les factures correspondant au mandat n° 2018-42770 relatif à LD Maçonnerie font référence
à un devis préalable et mentionnent l’avis favorable de l’ordonnateur ;
-
les mentions portées sur les bons de commande relatifs à Tulle Automobiles font référence à
des devis, des demandes de livraison et à des engagements indiquant que l’ordonnateur avait
validé la commande en acceptant les devis ;
-
il n’y a par conséquent pas lieu d’évoquer la notion de préjudice financier
;
-
M. X... joint à cette réponse
l’ensemble des factures correspondant aux mandats en cause
;
CONSIDÉRANT que dans sa réponse au réquisitoire, M. Y... :
-
indique qu’aux dires de son successeur, M.
Z
…
, une facture était jointe en justification du
mandat n° 2018-56128
émis par le CH Cœur de Corrèze pour un montant de 50
710,40 €
H.T. au profit de Parsys Télémédecine et payé le 21 septembre 2018 ;
-
précise en outre
l’existence d’
un bon de commande ;
-
estime, en
s’appuyant sur l’article 1106 du code civil,
qu’
« un bon de
commande suivi d’une
facture émise en référence à une commande visée par les parties contractualise leur accord
tant sur le prix que sur l’objet de la prestation
»
et conclut à une absence totale de préjudice
financier pour l’établissement
;
Sur la répon
se de l’ordonnateur
CONSIDÉRANT que dans sa réponse,
l’ordonnateur en fonctions considère que le centre hospitalier
n’a subi aucun préjudice financier, les dépenses litigeuses étant toutes justifiées par
un service fait
par ce dernier ;
4
CONSIDÉRANT que les fiches mandats, les factures correspondantes et les éléments attestant le
service fait sont annexés à sa réponse ;
CONSIDÉRANT que c
oncernant spécifiquement les achats de véhicules, l’ordonnateur précise que
le contexte social d
e l’établissement a
u second semestre 2017 peut
« expliquer certaines décisions
urgentes prises par l’ordonnateur de l’époque pour acquérir des véhicules en vue d’augmenter
l’activité de notre service d’hospitalisation à domicile
»
et transmet à l’appui des documents de
caractérisation de ce contexte ;
Sur l’existence de circonstances constitutives de la force majeure
CONSIDÉRANT
qu’aux termes du para
graphe V de l
’
article 60 de la loi de finances n° 63-156 du
23 février 1963 modifiée :
«
lorsque […] le juge des comptes constate l’existence de circonstances
constitutives de la force majeure, il ne met pas en jeu la responsabilité personnelle et pécuniaire du
comptable public »
;
CONSIDÉRANT
qu’en l’espèce, aucune circonstance constitutive de la force majeure
n’est de nature
à exonérer les comptables de leur responsabilité, circonstance au demeurant non invoquée par
ceux-ci ;
Sur le manquement des comptables
CONSIDÉRANT
qu’aux termes de l’article 19 du décret n° 2012
-1246 du 7 novembre 2012 relatif à
la gestion budgétaire et comptable publique, portant règlement général sur la comptabilité publique :
«
Le comptable public est tenu d’exercer le contrôle : [...] 2° S’agissant des ordres de payer : [...]
d)
De la validité de la dette dans les conditions prévues à l’article 20 […]
»
;
CONSIDÉRANT
qu’aux termes de l’article 20 du même texte
:
« Le contrôle des comptables publics
sur la validité de la dette porte sur :
1° La certification du service fait ; 2° L’exactitude de la liquidation
;
3° L’intervention des contrôles préalables prescrits par la réglementation [...] ; 4° La production des
pièces justificatives [...] »
;
CONSIDÉRANT que
l’article 2 du décret n° 2015
-1163 du 17 septembre 2015 modifiant certains
seuils relatifs aux marchés publics fixe à 25 000
€ H.T. le seuil réglementaire des marchés au
-delà
duquel un contrat écrit doit être établi comme prévu au 1
er
alinéa de l’article 15 du décret
n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics, en vigueur au moment des paiements ;
CONSIDÉRANT
que l’annexe I visée à l’article D. 1617
-19 du CGCT, dans sa version applicable au
cours de l’exercice sous contrôle, prévoit à la rubrique
« 4123. Dépense justifiée par un marché public
faisant l’objet d’un écrit (9) (10) »
que le comptable doit disposer à l’appui des paiements des pièces
justificatives suivantes :
«
(9) Les caractéristiques formelles d’un marché public faisant l’objet d’un écrit et entrant dans le
ch
amp d’application des articles 28 ou 30 du code des marchés publics, figurent au paragraphe A de
l’annexe G de la présente liste. Au sens du présent texte, la notion de contrat peut s’entendre comme
convention signée des parties, devis précisant les conditions financières ou tout autre document écrit
constitutif d’un accord de volonté des parties.
(10) En l’absence de production d’un marché écrit, certificat de l’ordonnateur prenant la responsabilité
de l’absence de marché écrit.
1. Contrat et, le cas échéant, avenant.
2. Mémoire ou facture » ;
CONSIDÉRANT que selon
le point 4 de la partie
« définitions et principes »
de l’annexe I visée à
l’article D.
1617-19 du CGCT, dans sa version résultant du décret n° 2016-33 du 20 janvier 2016, la
liste des pièces justificatives est opposable aux ordonnateurs et aux comptables et constitue, pour
les dépenses qu’elle mentionne, à la fois le minimum et le maximum exigibles par le comptable
;
5
CONSIDÉRANT que s
’agissant du mandat n° 2018
-
42770, aucune pièce n’a été pro
duite par le
comptable dans le cadre de la phase non contentieuse ;
CONSIDÉRANT que l
’argument du comptable
, selon lequel le montant cumulé des factures
correspondantes s
’établissait à 22 381,86
€ H.T doit être écarté
, dès lors que le seuil de
25 000
€
H.
T. devait s’apprécier par rapport au montant
imputable du mandat, arrêté à
25 069,40
€
H.T ;
CONSIDÉRANT
qu’
aucun
bon de commande relatif à cette prestation n’a été communiqué dans le
cadre de l’instruction
;
CONSIDÉRANT
qu’a
u moment du paiement, le comptable di
sposait des factures mais pas d’un
document écrit constitutif d’un accord de volonté des parties
, pièce exigée par la nomenclature ;
CONSIDÉRANT
qu’
en ne suspendant pas le paiement du mandat n° 2018-42770, produit avec des
pièces justificatives insuffisantes, M. X... a manqué à ses obligations définies aux articles 19 et 20 du
décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 et dès lors engagé sa responsabilité personnelle et
pécuniaire au titre de l’exercice 2018
;
CONSIDÉRANT que concernant les achats de véhicules,
et sans qu’il soit besoin d’examiner
le
moyen tiré du contexte social d
e l’établissement pour
expliquer certaines décisions urgentes prises
pour acquérir des véhicules,
l’ordonnateur
a pu attester que la totalité des mandats en cause sont
justifiés par des factures reçues préalablement à la liquidation et que le service a été fait sur chaque
bien ou prestation
objet d’une
commande ;
CONSIDÉRANT que les fiches mandats relatives aux acquisitions de véhicules fournies par
l’ordonnateur dans le cadre de la phase contentieuse comportent les factures propres à chaque
véhicule commandé qui peuvent au total être rapprochées des bons de commande (quantités, types
et montants des véhicules, fournisseur) ;
CONSIDÉRANT que ces factures figuraient parmi les pièces justificatives de dépenses jointes aux
comptes de l’exercic
e 2018 déposés en format papier ;
CONSIDÉRANT que les bons de commande mentionnaient, à côté de la signature du directeur du
centre hospitalier, le devis préalable et la date prévisionnelle de livraison ainsi
que l’engagement
comptable en entête ;
CONSIDÉRANT que l
’existence ainsi attestée des devis caractérise
les propositions du fournisseur,
que la signature des bons de commande citant expressément les devis caractérise leur acceptation
par l’ordonnateur
, que ces éléments combinés permettent de considérer que les bons de commande
attestent d’un accord de volonté des parties pour l’ensemble des mandats
relatifs à l’acquisition des
véhicules ;
CONSIDÉRANT au surplus, que b
ien que rédigé de manière imprécise (absence d’information sur le
nombre et les modèles de véhicules, identification approximative du fournisseur), le certificat
administratif figure dans les liasses des pièces justificatives de dépenses jointes aux comptes de
l’exercice 2018 déposés au format papier
et qu’a
nnexé à chacun des trois mandats n° 2018-52476,
2018-52482, 2018-
52483, il permet d’établir un rapprochement c
ertain avec les dépenses
concernées et d’exonérer ainsi le comptable de la responsabilité de la prise en charge desdits
mandats ;
CONSIDÉRANT que le rapprochement des pièces justificatives produites aux différents stades de
l’instruction
permet de considérer que M. X... disposait des pièces requises par la nomenclature pour
procéder au paiement des mandats n° 2018-43246, 2018-46118, 2018-46119, 2018-52476, 2018-
52482, 2018-52483 et, partant, que le
manquement n’est pas constitué s’agissant de ces mandats
;
6
CONSIDÉRANT que le bon de commande communiqué par le comptable au stade non contentieux
de l’instruction pouvait être rattaché au mandat
n° 2018-56128 en cause (fournisseur, objet, montant
concordants) ;
CONSIDÉRANT que ledit bon de commande faisait référence, à côté de la signature du directeur
des services économiques du centre hospitalier, à une proposition commerciale précise du
fournisseur ;
CONSIDÉRANT que l
’existence ainsi attestée d’une proposition commerciale caractérise l’offre du
fournisseur, que la signature du bon de commande citant expressément cette proposition
commerciale caractérise so
n acceptation par l’ordonnateur et qu’ainsi c
es éléments combinés
permettent de considérer que le bon de commande atteste d’u
n accord de volonté des parties ;
CONSIDÉRANT que l
a fiche mandat fournie par l’ordonnateur dans le cadre de la phase contentieuse
comporte une facture, qui était, de fait, annexée au mandat dans les pièces justificatives de dépenses
jointes aux comptes de l’exercice 2018 déposés au format papier
;
CONSIDÉRANT que le rapprochement des pièces justificatives produites aux différents stades de
l’instruction
conduit à considérer que M. Y... disposait des pièces requises par la nomenclature pour
procéder au paiement du mandat n° 2018-
56128 et, partant, que le manquement n’est pas constitué
s’agissant de ce mandat
;
Sur l’existence d’un préjudice financier
CONSIDÉRANT
qu’a
ux
termes du paragraphe VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée
:
«
La responsabilité personnelle et pécuniaire […] est mise en jeu par […] le juge des comptes dans
les conditions qui suivent. […]
Lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I n'a pas causé de préjudice
financier à l’organisme public concerné, le juge des comptes peut l’obliger à s’acquitter d’une somme
arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances de l’espèce. Le montant maximal
de cette somme est fixé par décret en Conseil d’État en fonction du niveau des garanties mentionnées
au II.
Lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I a causé un préjudice
financier à l’organisme public concerné ou que, par le fait
du comptable public, l’organisme public a
dû procéder à l’indemnisation d’un autre organisme public ou d’un tiers ou a dû rétribuer un commis
d’office pour produire les comptes, le comptable a l’obligation de verser immédiatement de ses
deniers personnels
la somme correspondante […]
»
;
CONSIDÉRANT que l
a décision du Conseil d’État du 6 décembre 2019
précise les conditions de
constatation d’un préjudice financier
et notamment qu’en l’absence de pièce justificative, le préjudice
financier sera écarté si :
«
la dépense repose sur les fondements juridiques dont il appartenait au
comptable de vérifier l’existence au regard de la nomenclature ;
si
l’ordonnateur a voulu exposer cette
dépense ; si le cas échéant, le service a été fait » ;
CONSIDÉRANT
qu’à l’appui du mandat n° 2018
-
42770 n’est pas produit le contrat prévu par la
nomenclature s’agissant de l’application des dispositions de l’article 2 du décret n° 2015
-1163 du
17 septembre 2015 modifiant certains seuils relatifs aux marchés publics, fixant à
25 000 € H.T. le
seuil réglementaire des marchés au-delà duquel un contrat écrit doit être établi comme prévu au
1
er
alinéa de l’article 15 du décret n° 2016
-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics, en
vigueur au moment des paiements ;
CONSIDÉRANT que cette absence
fait obstacle à l’existence des fondements juridiques dont il
appartenait au co
mptable de vérifier l’existence
;
7
CONSIDÉRANT que cette circonstance ôte son
caractère certain à la dépense et qu’a
insi, en
l’absence de contrat répondant
aux exigences de la nomenclature, le paiement du mandat
n° 2018-42770 doit
être considéré comme indu, car effectué en l’absence de fondement juridique
adéquat ;
Sur le contrôle sélectif de la dépense
CONSIDÉRANT
qu’
aux
termes du paragraphe IX de l’artic
le 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963
de finances pour 1963 modifiée :
« […] Les comptables publics dont la responsabilité personnelle et
pécuniaire a été mise en jeu dans les cas mentionnés au troisième alinéa du même VI peuvent obtenir
du ministre chargé du budget la remise gracieuse des sommes mises à leur charge. Hormis le cas
de décès du comptable ou de respect par celui-ci, sous l'appréciation du juge des comptes, des
règles de contrôle sélectif des dépenses, aucune remise gracieuse totale ne peut être accordée au
comptable public dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu par le juge des
comptes, le ministre chargé du budget étant dans l'obligation de laisser à la charge du comptable
une somme au moins égale au double de
la somme mentionnée au deuxième alinéa dudit VI. […] »
;
CONSIDÉRANT que M. X... précise que le mandat n° 2018-42770 qualifié de « mandat ordinaire »
par l’ordonnateur n’a
pas été
identifié dans l’applicatif CHD parmi les visas obligatoires ni, par sui
te,
examiné par le poste comptable, le plan de contrôle prévoyant un visa
a priori
des mandats qualifiés
de « marché » mais non des mandats ordinaires ;
CONSIDÉRANT que si le mandat en cause
n’était pas
qualifié de « marché », il entrait par défaut
dans la catégorie « autres achats » pour laquelle un contrôle
a priori
indicatif était prévu à hauteur de
100 % de janvier à décembre pour les achats supérieurs à 25 000
€, selon la fiche Hélios des
caractéristiqu
es du plan pour l’exercice 2018
; que nonobstant le typage inapproprié du mandat, le
paiement entrai
t par conséquent dans une catégorie de dépenses faisant l’objet de règles de contrôle
sélectif, lesquelles prévoyaient que ce paiement devait être contrôlé ;
CONSIDÉRANT que par application du paragraphe
IX de l’article 60 de la loi n°63
-156 du
23 février
1963, le contrôle sélectif des dépenses doit être considéré comme n’ayant pas été
respecté ;
CONSIDÉRANT
qu’il résulte de ce qui précède que la somme mise à la charge de M
. X... ne pourra
faire l’objet d’une remise gracieuse totale de la part du ministre chargé du budget
;
Par ces motifs,
DÉCIDE :
Article 1
er
:
M. X... est constitué débiteur de la somme de vingt-cinq mille soixante-neuf euros et
quarante centimes (25
069,40 €). Ce débet ne pourra faire l’objet d’une remise gracieuse intégrale de
la part du ministre du budget ;
Article 2 :
M. Y... est déchargé de
sa gestion pour l’exercice 2018 ;
8
Article 3 :
En raison des charges ci-
dessus prononcées à l’article
1, il est sursis à la décharge
de M. X...
pour l’exercice 2018 ;
Fait et jugé par M. Hubert La Marle, président de section, président de séance,
Mme Catherine Accary- Bézard, première conseillère et M. Jaroslaw Rysinski, conseiller.
En présence de Mme Alexia Lemaitre, greffière de séance.
Alexia Lemaitre
Hubert La Marle
En application des articles R. 242-19 à R. 242-21 du code des juridictions financières, les jugements
prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel devant la Cour des comptes
dans le délai de deux mois à compter de la notification, et ce selon les modalités prévues aux articles R. 242-22
à R. 242-
24 du même code. Ce délai est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l’étranger.
La
révision d’un jugement peut être demandée après expiration des délais d’appel, et ce dans les conditions prévues
à l’article R. 242
-29 du même code.