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E-mail : grandest@crtc.ccomptes.fr
Audience publique du 10 mars 2022
Centre hospitalier de Bar-le-Duc
Jugement n° 2022-05
N° de poste comptable : 055046
Prononcé du 31 mars 2022
Service de gestion comptable de Bar-le-Duc
Exercices 2014 à 2018
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
La Chambre régionale des comptes Grand Est,
Vu le code des juridictions financières ;
Vu le code général des collectivités territoriales, notamment son article D. 1617-19 et son
annexe ;
Vu le code de la santé publique, notamment son article R. 6152-611 ;
Vu
l’article 60 de
la loi n° 63-156 du 23 février 1963 portant loi de finances pour 1963 modifiée ;
Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique
et notamment ses articles 19 et 20 ;
Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI
de
l’article 60 de la loi de finances de 1963
;
Vu le réquisitoire n° 2021-0052 du 1
er
septembre 2021 du procureur financier près la chambre
régionale des comptes Grand Est, notifié le 11 octobre 2021 à M. X, directeur du centre
hospitalier de Bar-le-Duc et à Mme Y et à MM. Z et A, comptables successifs du centre
hospitalier de Bar-le-Duc, qui en ont accusé réception le 11 octobre 2021 ;
Vu les observations de M. X en date du 7 décembre 2021, enregistrées au greffe de la
chambre le 9 décembre 2021 ;
Vu les observations de M. Z en date du 30 novembre 2021, du 14 décembre 2021 et du
7 mars 2022 enregistrées respectivement au greffe de la chambre le 1
er
décembre 2021, le 15
décembre 2021 et le 8 mars 2022 ;
Vu les observations de M. A en date du 1
er
et du 16 décembre 2021, enregistrées au greffe de
la chambre le 1
er
et le 17 décembre 2021 ;
Vu les observations de Mme Y en date du 29 novembre 2021 et du 15 décembre 2021,
enregistrées au greffe de la chambre le 2 décembre 2021 et le 16 décembre 2021 ;
J 2022-05- Centre hospitalier de Bar-le-Duc
2.
Vu le rapport n° 2022-0012 du 24 janvier 2022 de M. Erwann Dumont, conseiller, magistrat
chargé de l’instruction
;
Vu les lettres du 27 janvier 2022
informant les parties de la clôture de l’instruction
;
Vu les conclusions n° 2022-0012 du procureur financier du 1
er
mars 2022 ;
Vu les lettres du 21 février 2022 aux comptables et
à l’ordonnateur
informant les parties de
l’inscription de l’affaire à l’audience publique
;
Vu les autres pièces du dossier ;
Entendu, lors
de l’audience publique du
10 mars 2022, M. Erwann Dumont en son rapport,
puis M. Benoît Boutin, procureur financier, en ses conclusions ; M. X, ordonnateur, et Mme Y
et MM. Z, A,
comptables, dûment informés de la tenue de l’audience, n’étaient ni présents, ni
représentés ;
Après avoir entendu en délibéré M. Frédéric Fessan, premier conseiller, réviseur, en ses
observations et avoir délibéré, hors la présence du rapporteur et du procureur financier ;
Sur la première présomption de charge portant sur
l’absence de recouvrement
de
créances et
soulevée à l’encontre de
M. Z
au titre de l’exercice 201
4, de M. A au titre des
exercices 2015 et 2017 et de Mme Y au titre des exercices 2017 et 2018
Sur le manquement présumé du comptable
1.
Par le réquisitoire n° 2021-0052 du 1
er
septembre 2021 susvisé, le ministère public a relevé
qu’
en l'absence de diligences interruptives de prescription adéquates, complètes, rapides
et pouvant être dûment établies, le recouvrement des titres n° 10-0051956 (4 252,28
€)
et
n° 10-0052015 (28 599,39
€)
aurait été définitivement compromis le 10 décembre 2014
sous la gestion de M. Z, le recouvrement des titres n° 11-0060743 (4 252,28
€)
et
n° 13-0033742 (5 202,85
€) aurait été
définitivement compromis respectivement le
31 décembre 2015 et le 3 juillet 2017 sous la gestion de M. A et le recouvrement des titres
n° 13-0060954 (5 310,85
€), n°
14-1000238 (5 716,52
€),
n° 14-0022217 (4 252,28
€),
n° 14-0063459 (5 202,85
€)
et n° H-0067278 (5 712,45
€) aurait été
définitivement
compromis respectivement le 27 décembre 2017, le 26 août 2018, le 10 avril 2018 et le
31 décembre 2018 pour les deux derniers titres sous la gestion de Mme Y. Les comptables
en fonction devant répondre du montant total des créances non recouvrées du fait de
diligences insuffisantes, la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. Z est susceptible
d’être engagée au titre de l’exercice 2014, celle de M.
A
au titre de l’exercice 2015 et de
l’exercice 2017, celle de Mme
Y
au titre de l’exercice 2017 et de 20
884,10 € au titre de
l’exercice 2018
;
2. Le
I de l’article 60 de la loi du 23
février 1963 susvisée dispose que
« les comptables sont
personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu’ils sont tenus d’assurer
en matière de recettes […] dans les conditions prévues par le règlement
général sur la
comptabilité publique […]
»
. Cette responsabilité se trouve engagée
« dès lors […] qu’une
recette n’a pas été recouvrée
[…]
»
;
3.
L’article L.
6145-8 du code de la santé publique dispose que
« les comptables des
établissements publics de santé sont des comptables publics de l'État ayant qualité de
comptable principal »
. Ils sont soumis aux dispositions applicables aux comptables publics
et aux dispositions spécifiquement applicables aux comptables publics des établissements
publics de santé prévues aux articles L. 6145-1 à L. 6145-17 du même code.
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3.
L’article
L. 6145-9 du même code dispose que
« I. Les créances des établissements
publics de santé sont recouvrées selon les modalités définies aux articles L. 1611-5 et
L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales »
;
4.
L’article 18 du décret n°
2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et
comptable publique dispose que
, « Dans le poste comptable qu'il dirige, le comptable
public est seul chargé (…)
5° Du recouvrement des ordres de recouvrer et des créances
constatées par un contrat, un titre de propriété ou tout autre titre exécutoire (…)
; que leur
rôle consiste, par des diligences complètes, rapides et adéquates, à tenter d’assurer le
recouvrement des créances qui leur s
ont confiées d’une part, et d’empêcher leur
déchéance d’autre part
» ;
5.
L’article L. 1617
-5 du code général des collectivités territoriales dispose que «
3°L’action
des comptables publics chargés de recouvrer les créances (…) se prescrit par quatre ans
à
compter de la prise en charge du titre de recettes. Le délai de quatre ans (…) est
interrompu par tous actes comportant reconnaissance de la part des débiteurs et par tous
actes interruptifs de la prescription »
;
6.
Il ressort de l’instruction que les
titres n° 10-0052015, n° 10-0051956, n° 11-0060743,
n° 13-0033742, n° 13-0060954, n° 14-0022217, n° 14-0063459, n° 14-1000238 et
n° H-067278 émis entre 2010 et 2014 figurent au 31 décembre
2018 dans l’état des restes
à recouvrer du centre hospitalier ;
Sur les titres n° 14-1000238 et n° H-067278
7.
La prescription des titres n° 14-1000238 et n° H-067278 fonde la présomption de charge
à l’encontre de Mme
Y ;
8. Mme Y et M. X, ordonnateur, contestent tous deux
l’absence de recouvrement des titres
n° 14-1000238 et n° H-067278 visés par le réquisitoire.
Ils font valoir qu’ils ont été
soldés
respectivement le 14 septembre 2021 et le 2 juillet 2021 et Mme Y produit les pièces
comptables relatives au bon règlement de ces deux titres ;
9. Bien que Mme Y
n’apporte pas de preuves
de diligences adéquates, rapides et complètes,
ces deux créances
ayant été recouvrées, il n’y a pas de
manquement en caisse au moment
de l’audience publique. L
e recouvrement ainsi réalisé dégage de fait la responsabilité de
Mme Y à hauteur des sommes recouvrées ;
Sur les titres n° 10-0052015, n° 10-0051956, n° 13-0033742, n° 11-0060743, n° 14-0022217
et n° 14-0063459
10. Concernant les titres n° 10-0052015, n° 10-0051956 dont la prescription fonde la
présomption de charge à l’égard de M.
Z, les titres n° 13-0033742 et n° 11-0060743 qui
fonde celle de M. A et les titres n° 14-0022217 et n° 14-0063459 celle de Mme Y, les
comptables font valoir que les caisses primaires d’assurance maladie à l’encontre
desquelles ils ont été émis les ont rejetés et considèrent q
ue l’ordonnateur aurait
dû les
annuler dès réception de la notification de rejet ;
11.
Une attestation d’annulation de ces
titres par
l’ordonnateur
est intervenue le
29 novembre 2021. La directrice des finances y indique «
procéder à l’annulation des titres
suivants suite à des rejets liés à des problèmes de paramétrage ». Des courriers des
caisses concernées, précisant les motifs de rejet de chacun des titres en cause, ont été
également produits par les comptables ;
12. Le défaut de diligences complètes adéquates et rapides pour un titre peut être constaté,
nonobstant l’annulation de celui
-ci survenue après sa prescription, faute de justifications
apportées quant à l’inexistence de la créance
;
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4.
13.
Or, aucun mandat d’annulation accompagné de la justification de l’erreur commise n’a été
produit au jour de l’audience par les comptables. Une telle production aurait été de nature
à justifier de la disparition des titres de recettes et à exonérer la responsabilité des
comptables concernés ;
14. Par ailleurs, MM. Z et A produisen
t des copies d’écran de l’application Hélios montrant
l’enregistrement des mises en demeure
envoyées en recommandé ;
15. Les
simples copies d’écran ne suffisent pas, à elles seules, à établir la preuve que le
comptable a mis en
œuvre
des diligences complètes, rapides et adéquates.
En l’absence
de la production des accusés de réception correspondants,
les comptables n’apportent
pas la démonstration d’une
quelconque reconnaissance de dette par le débiteur. Dans ces
conditions, aucun des comptables
n’a justifié d’un acte interruptif de prescription des
créances susmentionnées ;
16.
En l’absence d’accusés de réception relatifs aux actes de relance, en l’absence de pièce
comptable attestant de l’annulation effective des titres concernés, le
s moyens soulevés
par les comptables doivent être écartés ;
Sur l’admission en non
-valeur du titre n° 13-0060954
17. La prescription du titre n° 13-0060954 émis le 27 décembre 2013 et prescrit en 2017 fonde
la présomption de charge à l’encontre de Mme
Y ;
18. M. X et Mme Y font valoir que
l’a
dmission du titre en non-valeur prononcée par
l’ordonnateu
r le 27 novembre 2020 démontre que la créance était irrécouvrable dès sa
prise en charge mais aucune
justification de l’insolvabilité du débiteur
n’est produite
;
19. Mme Y indique que la créance ne
s’est pas é
teinte du fait de son inaction. Elle produit des
copies de recommandés adressées au débiteur mais ne peut fournir la preuve de la
notification de ces actes ;
20. Si l'admission en non-valeur a un effet budgétaire et comptable pour l'avenir, elle ne peut
exonérer le comptable de la responsabilité qu'il encourt à raison de
l’éventuelle
absence
ou insuffisance des diligences auxquelles il était tenu. Elle ne démontre en rien que la
créance était irrécouvrable dès sa prise en charge ;
21. L
e moyen tiré de l’admission en non
-valeur du titre n° 13-0060954 doit être écarté ;
22.
En conséquence, sur le fondement des dispositions précitées du I de l’article 60 de la loi
du 23 février 1963 modifiée, les comptables successifs ont manqué à leurs obligations
concernant le recouvrement des titres n° 13-0060954, n° 14-0022217 et n° 14-0063459
pour Mme Y, n° 10-0052015 et n° 10-0051956 pour M. Z et n° 13-0033742 et n° 11-
0060743 pour M. A ;
Sur
l’existence de circonstances constitutives d’un cas de force majeure
23.
Aux termes du V de l’article 60 de la loi
n° 63-156 du 23 février 1963 de finances pour
1963, «
Lorsque […] le juge des comptes constate l'existence de circonstances
constitutives de la force majeure, il ne met pas en jeu la responsabilité personnelle et
pécuniaire du comptable public » ;
la force majeure est constituée par un événement
imprévisible, irrésistible et extérieur ;
24. Mme Y et MM. Z et A font fait état de difficultés importa
ntes quant à l’organisation et au
fonctionnement du poste comptable durant leurs gestions respectives ;
25. Toutefois, aucun des éléments présentés n
e relèvent d’évènements à la fois extérieurs,
imprévisibles et irrésistibles. Par ailleurs, il ne ressort des pièces du dossier aucune autre
circonstance présentant un caractère de force majeure ;
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5.
26. En conséquence ,la responsabilité pécuniaire et personnelle de Mme Y est engagée pour
les titres n° 13-0060954 (5 310,85
€), n°
14-0022217 (4 252,28
€)
et n° 14-0063459
(5 202,85
€),
de M. Z pour les titres n° 10-0052015 (28 599,39
€)
et n° 10-0051956
(4 252,28
€)
et de M. A pour les titres n° 13-0033742 (5 202,85
€) et
n° 11-0060743
(4 252,28
€)
;
Sur l’existence d’un préjudice financier
27. Aux
termes du VI de l’article 60 de la loi n°
63-156 du 23 février 1963 modifié,
« lorsque le
manquement du comptable aux obligations mentionnées au I a causé un préjudice
financier à l'organisme public concerné
[…]
, le comptable a l'obligation de verser
immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante »
;
28.
L’ordonnateur indique que l’absence de recouvrement et d’alerte sur le non recouvrement
de ces recettes constitue un préjudice financier pour l’établissement. Les comptables
considèrent que les annulations et les admissions en non-
valeur n’ont pas causé de
préjudice financier à l’hôpital
;
29. L
orsque l’instance est ouverte devant le juge des comptes, le constat de l’existence ou non
d’un préjudice financier relève de son appréciation
. Au regard du caractère contradictoire
de la procédure, s’il
doit tenir compte, pour cette appréciation, des dires et actes éventuels
de l
’établissement
qui figurent au dossier, il n’est pas lié par une déclaration de l’organe
délibérant ou de l’ordonnateur indiquant que la collectivité n’aurait subi aucun préjudice
ou
l’inverse
;
30.
En matière de recette, le manquement d’un comptable entraîne
en principe un préjudice
financier à hauteur du montant des créances non recouvrées. L’absence d’un tel préjudice
ne peut être cons
tatée que s’il est établi que l’établissement n’aurait pu être désintéressé
même si les comptables avaient satisfait à leurs obligations ;
31.
Au cas présent, aucune preuve n’a été apporté
e que des diligences rapides, complètes et
adéquates ont été entreprises
à l’égard des débiteurs. L’insolvabilité du débiteur du titre
n° 13-
0060954 n’a pu être
établie et les
mandats d’
annulations des titres n° 10-0052015,
n° 10-0051956, n° 13-0033742, n° 11-0060743, n° 14-0022217 et n° 14-0063459 émis à
l’encontre de la CPAM
,
qui auraient établi l’inexistence de ces créances
,
n’ont
pas été
produits ;
32. Au vu de ces éléments, les manquements des comptables ont causé un préjudice financier
à l’établissement
;
33. En conséquence, Mme Y doit être déclarée débitrice du centre hospitalier de Bar-le-Duc
pour un montant de 5 310,85
au titre de l’exercice 2017 et de 9
455,13
€ au titre de
l’exercice 2018, M.
Z débiteur du centre hospitalier de Bar-le-Duc pour un montant de
32 851,67
au titre de l’exercice 2014 et M.
A débiteur du centre hospitalier de Bar-le-Duc
pour un montant de 4 252,28
€ au titre de l’exercice 2015 et de 5
202,85
€ au titre de
l’exercice 2017
;
34. Aux termes du paragraphe
IX de l’article
60 de la loi du 23 février 1963 modifié,
«
les comptables publics mis en débet par le juge des comptes peuvent obtenir du ministre
chargé du budget la remise gracieuse des sommes mises à leur charge
.
Hormis le cas de
décès du comptable ou de respect par celui-
ci, sous l’appréciation du juge des comptes,
des règles de contrôle sélectif des dépenses, aucune remise gracieuse totale ne peut être
accordée au comptable public dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise
en jeu par le juge des comptes, le ministre chargé du budget étant dans l’obligation de
laisser à la charge du comptable une somme au moins égale au double de la somme
mentionnée au deuxième alinéa dudit VI »
;
35.
S’agissant du recouvrement de recettes, le contrôle sélectif de la dépense est inopérant.
Le double de la somme mentionnée au deuxième alinéa du VI
de l’art
icle 60 de la loi du
23 février 1963 modifié correspondant à 3
‰ du montant du cautionnement prévu pour le
J 2022-05- Centre hospitalier de Bar-le-Duc
6.
poste comptable de Bar-le-Duc
, lequel s’élève à 177
000
, le montant minimal de la
somme laissée à la charge de chaque comptable en cas de remise gracieuse ne pourra
être inférieur à 531
par type de charge et par exercice ;
36. Aux
termes du paragraphe VIII de l’article 60 de la loi du 23
février 1963 modifié, le débet
porte intérêts au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité
personnelle et pécuniaire des comptables publics ;
37.
En l’espèce
, le point de départ du calcul des intérêts est fixé au 11 octobre 2021, date à
laquelle Mme Y et MM. Z et A ont accusé réception du réquisitoire susvisé ;
Sur la seconde présomption de charge
soulevée à l’encontre de M.
A
pour l’exercice
2017 et Mme Y pour les exercices 2017 et 2018 portant sur le paiement
en l’absence de
s
pièces justificatives requises de rémunérations, de diverses indemnités et de frais de
déplacements
38. P
ar le réquisitoire susvisé, le ministère public a relevé qu’au
cours des exercices 2017 et
2018, M. A et Mme Y ont payé à trois praticiens hospitaliers contractuels du centre
hospitalier de Bar-le-Duc, MM. B, gynécologue, C, radiologue et D, urgentiste, des
rémunérations principales et diverses indemnités ainsi que des remboursements de frais
de déplacement sans disposer des pièces justificatives exigibles. Les opérations en
question sont présomptives d’irrégularités susceptibles de fonder la mise en jeu de la
responsabilité personnelle et pécuniaire de M. A à hauteur de 15 352,75
€ au titre de
l’exercice 2017
et de Mme Y à hauteur de 142 945,97
€ au titre de
l’exercice
2017 et à
hauteur de 339 063
€ au titre de l’exercice 2018 à raison d’une absence de pièces
justificatives précises et cohérentes et de l’absence de vérification des calculs de
liquidation ;
39.
L’article 60 de la loi de finances n°
63-156 du 23 février 1963 modifié précise que
«
les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des
contrôles qu’ils sont tenus d’assurer en matière de […]
de dépenses
[…]
. La responsabilité
personnelle et pécuniaire prévue ci-dessus se trouve engagée dès lors
[…]
qu’une
dépense a été irrégulièrement payée […]
» ;
40.
L’article L.
6145-8 du code de la santé publique dispose que
« les comptables des
établissements publics de santé sont des comptables publics de l'État ayant qualité de
comptable principal »
. Ils sont soumis aux dispositions applicables aux comptables publics
et aux dispositions spécifiquement applicables aux comptables publics des établissements
publics de santé prévues aux articles L. 6145-1 à L. 6145-17 du même code ;
41. L
’article 19 du
décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 susvisé précise
qu’en matière de
dépenses, les comptables publics sont notamment tenus de procéder au contrôle de la
validité de la dette dans les conditions prévues à l’article 20 du
décret précité, notamment
sur l’
exactitude des calculs de liquidation et la production des pièces justificatives ;
42. Aux
termes de l’article D.
1617-19 du code général des collectivités territoriales susvisé,
applicable aux établissements publics de santé : «
Avant de procéder au paiement
d’une
dépense (…), les comptables publics des collectivités territoriales, des établissements
publics locaux (…) ne doivent exiger que les pièces justificatives prévues pour la dépense
correspondante dans la liste définie à l’annexe I du présent code
» ;
43. Il résulte des dispositions précitées que, pour apprécier la validité de la dette, les
comptables doivent notamment exercer leur contrôle sur la production des justifications ;
qu’à ce titre, il leur revient d’apprécier si les pièces fournies présentent un
caractère
suffisant pour justifier la dépense engagée ; que pour établir ce caractère suffisant, il leur
appartient de vérifier, en premier lieu, si l’ensemble des pièces requises au titre de la
nomenclature comptable applicable leur ont été fournies et, en deuxième lieu, si ces pièces
J 2022-05- Centre hospitalier de Bar-le-Duc
7.
sont, d’une part, complètes et précises, d’autre part, cohérentes au regard de la catégorie
de la dépense définie dans la nomenclature applicable, de la nature et de l’objet de la
dépense telle qu’elle a été ordonnancée
; qu’
enfin, lorsque les pièces justificatives fournies
sont insuffisantes pour établir la validité de la dette, il appartient aux comptables de
suspendre le paiement jusqu’à ce que l’ordonnateur leur ait produit les justifications
nécessaires ;
44.
L’annexe
I de l
’article D.
1617-19 du code général des collectivités territoriales prévoit,
dans sa rubrique «
220224 . Service de permanence
» relative aux personnels médicaux,
que le versement de primes soit justifié par la fourniture
d’un «
état récapitulatif
périodique
» et par un «
tableau mensuel de service définitif distinguant pour chaque
praticien les obligations hebdomadaires de service, le temps additionnel et les heures
effectuées au-delà la nuit, le dimanche ou jour férié
» ;
45.
L’annexe I de l’article D.
1617-19 du code général des collectivités territoriales prévoit,
dans sa rubrique «
2251 . Prise en charge des frais de déplacement engagés sur le
territoire
»,
que le versement d’indemnités soit justifié par la fourniture d’un état de frais
visé par le directeur et, pour les établissements publics de santé, par la décision du
directeur fixant les taux du remboursement forfaitaire des frais d’hébergement
.
L’article 50
du décret n° 2012-1246 prévoit que
« lorsqu'une opération de dépense n'a pas été prévue
par une nomenclature mentionnée ci-dessus, doivent être produites des pièces
justificatives permettant au comptable d'opérer les contrôles mentionnés aux articles 19 et
20 » ;
46. En matière de rémunération hospitalière, les articles R. 6152-416 et D. 6152-417 du code
de la santé fixent les conditions de rémunération des personnels contractuels.
L’a
rticle
R. 6152-416 dispose que «
1° Les praticiens contractuels recrutés en application des 1°,
2°, 4° et 5° de l'article R. 6152-402 sont rémunérés sur la base des émoluments
applicables aux praticiens hospitaliers ou aux praticiens des hôpitaux recrutés en début de
carrière, proportionnellement à la durée de travail définie au contrat en ce qui concerne les
praticiens des hôpitaux. Ces émoluments peuvent être majorés dans la limite des
émoluments applicables aux praticiens parvenus au 4e échelon de la carrière, majorés de
10 %
» ;
47. Les contrats signés par le centre hospitalier de Bar-le-
Duc prévoient le paiement d’une
rémunération mensuelle nette dont les modalités de calcul varient selon le praticien
concerné. Les pièces produites pour le paiement des rémunérations des trois praticiens
sont les bulletins de salaires, les contrats et les tableaux de service signés des directeurs
adjoints selon les exercices ;
Sur le montant net mensuel versé en application des contrats
48. Les contrats de M. D au titre de la période courant du 1
er
juillet 2017 au 31 décembre 2018
prévoyaient une rémunération nette basée sur un forfait horaire. Les bulletins de paie font
apparaître les lignes traitement de base, congés payés, divers, frais de déplacement et
indemnités de sujétions. L’état récapitulatif périodique mentionné
à l
’annexe
I
de l’article
D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales dans la rubrique «
220224 .
Service de permanence »
relative aux personnels médicaux n’est jamais fourni
à l’appui
de chacun des paiements. Par ailleurs, les montants payés ne correspondent pas aux
montants recalculés sur la base des contrats figurant en annexe 1 du présent jugement au
regard des éléments des contrats ;
49. Les contrats de M. C des mois de juin, juillet, septembre et octobre 2017 prévoyaient une
rémunération de «
650
€ nets par jour + 150
€ net par astreinte réalisée du lundi au
vendredi inclus
(…)
. Cette rémunération est calculée à partir des émoluments
correspondant au 4
ème
échelon + 10 % de la grille des praticiens hospitaliers à temps
plein
». A compter du 1
er
novembre 2017, les contrats de M. C prévoyaient une
rémunération «
fixée au 4
ème
échelon + 10 % de la grille des praticiens hospitaliers temps
J 2022-05- Centre hospitalier de Bar-le-Duc
8.
plein, majorée, le cas échéant, des indemnités statutaires et d’une indemnité
compensatrice
». Cette rémunération ne fait plus référence à un forfait journalier et devait
être versée «
au vu du service fait
» pour une activité à temps plein comprise «
entre 12 et
14 journées par mois
». Ses contrats font également référence à des avantages en nature
en matière de nourriture et de logement ;
50. Les bulletins de paie de M. C font apparaître les lignes traitement de base, congés payés,
divers et astreintes
. L’état récapitulatif périodique mentionné à l’annexe
I
de l’article
D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales dans la rubrique «
220224 .
Service de permanence »
relative aux personnels médicaux
n’est jamais fourni à l’appui
de chacun des paiements. Les contrats ne déterminent pas les modalités de paiement des
astreintes et les montants payés ne correspondent pas aux montants recalculés sur la
base des contrats figurant en annexe 2 du présent jugement au regard des éléments des
contrats. Les
comptables en fonction ne pouvaient s’assurer, lors du paiement, de la bonne
liquidation du montant net proposé par les services de l’ordonnateur
;
51. Le contrat de M. B au titre de la période courant du 1
er
juillet 2017 au 31 décembre 2017
prévoyait une rémunération de «
800
€ net par jour de travail, congés et déplacements
inclus, calculés à partir des émoluments correspondant au 4
ème
échelon + 10 % de la grille
des praticiens hospitaliers à temps plein
». Au titre de la période courant du 1
er
juillet 2018
au 31 décembre 2018, le contrat prévoyait une rémunération de «
800
€ net par jour de
travail, congés et déplacements inclus, calculée sur base mensuelle de 20 jours lissée
trimestriellement » ;
52.
L’état récapitulatif périodique mentionné à l’annexe
I
de l’article D.
1617-19 du code
général des collectivités territoriales dans la rubrique «
220224. Service de permanence »
relative aux personnels médicaux n’est jamais fourni à l’appui de chacun des
paiements.
En l’absence de précisions quant au nombre de jours effectivement travaillés chaque mois,
considérant en outre qu’à compter de décembre 2017, les bulletins de salaire indiquaient,
à tort, un service continu du premier au dernier jour du mois, le comptable en fonction ne
pouvait s’assurer, lors du paiement, de la bonne liquidation du montant net proposé par
les services de l’ordonnateur
. Les montants payés ne correspondent pas ainsi aux
montants recalculés sur la base des contrats figurant en annexe 3 du présent jugement au
regard des éléments des contrats ;
Sur l’indemnité compens
atrice et les avantages en nature
53. La rubrique «
220223 . Primes et indemnités des personnels médicaux
» d
e l’
annexe I de
l’article D.
1617-19 du code général des collectivités territoriales ne prévoit la possibilité
d’un versement d’une prime que pour deux types d’indemnités
: «
l’allocation liée à
l'occupation d'un poste à recrutement prioritaire et indemnité d'engagement de service
public exclusif
» et
«
l’indemnité pour exercice dans plusieurs établissements
».
La
possibilité de verser une prime compensatrice
, telle qu’elle figure au contrat des docteurs
D, C et B
n’est
donc pas prévue par les textes ;
54. Par ailleurs, les contrats ne déterminent pas les montants ou les modalités de paiement
de l’indemnité compensatrice. Si une ligne «
divers
» apparaît sur les bulletins de paie des
médecins, aucune pièce justificative ne vient appuyer et justifier une telle dépense ;
55.
En l’espèce, aucune d
es pièces dont disposaient Mme Y et M. A ne permettait à ces
derniers de s’assurer, lors du paiement, de la bonne liquidation de cette indemnité
compensatrice ;
56. Sur la compensation des avantages en nature concernant les contrats de M. C, la rubrique
« 220226 . Remboursements opérés au titre des avantages en nature »
de
l’
annexe I de
l’article D.
1617-19 du code général des collectivités territoriales prévoit que pour le
paiement de la compensation des avantages en nature,
le comptable doit disposer d’un
e
«
décision du directeur précisant la liste des emplois concernés, la nature des avantages
J 2022-05- Centre hospitalier de Bar-le-Duc
9.
et leurs conditions d'attribution
», d’une «
décision individuelle d'attribution
» et des
«
factures acquittées
» ;
57. M. A et Mme Y
n’ont pas apporté la preuve qu’ils
disposaient de ces justificatifs à l’appui
des versements effectués en faveur de M. C ;
Sur le remboursement des frais de déplacement
, de l’indemnité de sujétion et
l’indemnité d’astreinte
58.
L’annexe
I
de l’article D.
1617-19 du code général des collectivités territoriales, dans sa
rubrique «
2251 . Prise en charge des frais de déplacement engagés sur le territoire
»
prévoit que le versement d’indemnités soit justifié par la fourniture d’un «
état de frais visé
par le directeur et, pour les établissements publics de santé, par la décision du directeur
fixant les taux du remboursement forfaitaire des frais d’hébergement
» ;
59. M. A et Mme Y
n’ont pas apporté la preuve qu’ils disposaient de ces justificatifs à l’appui
des remboursements en faveur de M. D ;
60.
Sur l’indemnité de sujétion et l’indemnité d’astreinte
, la rubrique «
220224 . Service de
permanence
» de
l’annexe
I
de l’article D.
1617-19 du code général des collectivités
territoriales,
prévoit que pour le paiement de l’indemnité de
sujétion
et de l’indemnité
d’astreinte, les comptables devaient disposer d’un «
tableau mensuel de service
»
détaillant nominativement le temps de travail de jour, de nuit et d’astreinte à domicile et
d’un «
état récapitulatif périodique
établi en fin de mois pa
r l’établissement, à partir du
tableau mensuel de service initial et tenant compte des modifications apportées en cours
de mois
» ;
61. Mme Y a produit les tableaux de service « Urgences
» comme pièce justificative à l’appui
des mandats correspondants au verse
ment de l’indemnité de
sujétion au bénéfice de M. D
mais elle n’a pas produit l’état récapitulatif périodique prévu par la nomenclature
;
62. M. A et Mme Y
ont produit les tableaux de service de l’unité d’imagerie médicale dont ils
disposaient à l’appui du versement de l’
indemnité
d’astreinte au bénéfice de M.
C, mais
ces documents ne permettent pas de distinguer le service réalisé dans le cadre des
obligations de service et celui réalisé en astreinte comme le prévoit la nomenclature
susvisée ;
63. Au surplus, les bulletins de paie de M. C ne sont pas cohérents avec les tableaux de
service de l’unité d’imagerie produits quant au nombre d’astreintes réalisées chaque mois.
Mme Y et M. A
ont produit les tableaux de service à l’appui des indemnités d’astreinte
versées à M. B. Ces documents prévisionnels, signés a posteriori par le chef de service,
ne sont pas cohérents avec les bulletins de paie de M. B
quant au nombre d’astreintes
réalisées ;
J 2022-05- Centre hospitalier de Bar-le-Duc
10.
Sur les congés payés
64.
L’annexe
I
de l’article D.
1617-19 du code général des collectivités territoriales prévoit,
dans sa rubrique «
2236 . Indemnité compensatrice de congés non pris
» que les
comptables doivent disposer d’un «
décompte certifié, détaillant le nombre de jours de
congés dus et non pris du fait de l'administration liquidant l'indemnité de congés payés qui
en résulte
» ;
65. Mme Y et M. A
n’ont pas produit les décomptes précités pour les rémunérations visées par
le réquisitoire ;
66. Au regard des éléments précédemment exposés, il apparaît que les comptables ne
disposaient pas de pièces suffisamment complètes et précises au regard de l
’annexe
I de
l’article D.
1617-19 du code général des collectivités territoriales ou alors que celles-ci
n’étaient pas cohérentes avec les ordres de paiement.
Il appartenait dès lors aux
comptable
s de suspendre les paiements des émoluments des médecins jusqu’à ce que
l’ordonnateur ait produit les justifications nécessaires. En payant ces dépenses litigieuses
sans disposer des pièces justificatives requises, et sur le fondement des dispositions
préc
itées du I de l’article
60 de la loi du 23 février 1963 modifiée, les comptables ont
manqué à leurs obligations de contrôle de l’exactitude de la liquidation et de la validité des
dettes ;
Sur l’existence de
circonstances
constitutives d’un cas de force ma
jeure
67.
Aux termes du V de l’article
60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 de finances pour
1963, «
Lorsque […] le juge des comptes constate l'existence de circonstances
constitutives de la force majeure, il ne met pas en jeu la responsabilité personnelle et
pécuniaire du comptable public ».
La force majeure est constituée par un événement
imprévisible, irrésistible et extérieur ;
68. Mme Y et M. A
ont fait état de difficultés importantes quant à l’organisation et au
fonctionnement du poste comptable durant leurs gestions respectives ;
69. Toutefois, aucun des éléments
présentés ne relèvent d’évènements à la fois extérieurs,
imprévisibles et irrésistibles. Par ailleurs, il ne ressort des pièces du dossier aucune autre
circonstance présentant un caractère de force majeure ;
70. En conséquence,
sur le fondement des dispositions précitées du I de l’article
60 de la loi
du 23 février 1963 modifiée, la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables
successifs est engagée à hauteur des écarts entre les rémunérations perçues et celle dues
en application dess contrats, (calcul en annexes 1 à 3), soit 711,01
pour M. A au titre de
l’exercice 2017
, 9 326,52
pour Mme Y
au titre de l’exercice 2017
, et 76 889,41
€ pour
Mme Y
au titre de l’exercice 2018
;
Sur l’existence d’un préjudice financier
71. L
’article 60 de la loi n°63
-156 du 23 février 1963 de finances pour 1963 modifié dispose :
«
VI. […]
.
Lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I n’a pas
causé de préjudice financier à l’organisme public concerné, le juge des comptes peut
l’obliger à s’acquitter d’une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des
circon
stances de l’espèce. Le montant maximal de cette somme est fixé par décret en
Conseil d’Etat en fonction du niveau des garanties mentionnées au II. Lorsque le
manquement du comptable aux obligations mentionnées au I a causé un préjudice
financier à l’organisme public concerné […], le comptable a l’obligation de verser
immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante […]
» ;
72. Pour déterminer si le paiement irrégulier d'une dépense par un comptable public a causé
un préjudice financier à l'organisme public concerné, il appartient au juge des comptes de
vérifier, au vu des éléments qui lui sont soumis à la date à laquelle il statue, si la correcte
J 2022-05- Centre hospitalier de Bar-le-Duc
11.
exécution, par le comptable, des contrôles lui incombant aurait permis d'éviter que soit
payée une dépense qui n'était pas effectivement due. Lorsque le manquement du
comptable porte sur l'exactitude de la liquidation de la dépense et qu'il en est résulté un
trop-payé, il doit être regardé comme ayant par lui-même, sauf circonstances particulières,
causé un préjudice financier à l'organisme public concerné. Le manquement du comptable
à
d’autres
obligations lui incombant, telles que le contrôle de la production des pièces
justificatives requises, doit être regardé comme n'ayant, en principe, pas causé un préjudice
financier à l'organisme public concerné lorsqu'il ressort des pièces du dossier, y compris
d'éléments postérieurs aux manquements en cause, que la dépense repose sur les
fondements juridiques dont il appartenait au comptable de vérifier l'existence au regard de
la nomenclature, que l'ordonnateur a voulu l'exposer, et, le cas échéant, que le service a été
fait ;
73. M. A et Mme Y font valoir que les attestations produit
es par l’ordonnateur du centre
hospitalier de Bar-le-Duc
établissent l’absence de préjudice financier
;
74.
Le juge des comptes n’étant pas lié par l’appréciation que porte l’ordonnateur sur un
éventuel préjudice financier, c’est au regard des éléments matériels de l’affaire que la
chambre apprécie les incidences des manquements constatés. Pour ce faire, elle
recherche notamment à établir les fondements juridiques de la dépense, la volonté de
l’ordonnateur d’engager celle
-ci et la réalité du service fait ;
75. Les tableaux de service fournis attestent de la réalité du service fait par les docteurs B, D
et C ;
76. Les contrats signés par le directeur adjoint du centre hospitalier de Bar-le-Duc attestent de
la volonté de l’ordonnateur d’engager des dépenses à haute
ur des montants nets
journaliers ou horaires fixés contractuellement ;
77.
L’absence ainsi que l’incohérence des
autres pièces justificatives attendues pour fonder le
caractère liquide de la dette ne permet pas, en revanche, d’établir le caractère
juridiquement fondé de l
’intégralité de l
a dépense payée.
S’il n’appartenait pas au
comptable de vérifier la légalité des rémunérations fixées par contrat, celui-ci devait
procéder au contrôle de la liquidation des sommes versées au regard des éléments
figurant aux contrats. Dans ces conditions, chaque paiement au-delà de ce qui était dû au
regard du service fait constitue une dépense indue et est constitutif, pour les montants en
cause, d’un préjudice financier
;
78. Il ressort en effet des vérifications menées par la chambre que les rémunérations nettes
versées par le centre hospitalier de Bar-le-Duc ont, de manière récurrente, excédé les
sommes prévues aux contrats et ont, de ce fait, exposé ce dernier à un préjudice financier
dont les montants
s’élève
nt par médecin et par exercice, aux trop-perçus indiqués dans
les annexes 1 à 3. Ces trop-perçus déterminent ainsi le préjudice financier subi par le
centre hospitalier de Bar-le-Duc ;
79. Au regard des écarts figurant en annexe de ce jugement, M. A doit être déclaré débiteur
du centre hospitalier de Bar-le-Duc de la somme de 711,01
€ au titre de l’exercice 2017 et
Mme Y doit être déclarée débitrice du centre hospitalier de Bar-le-Duc de la somme de
9 326,52
€ au titre de l’exercice 2017 et de 76
889,41
€ au titre de l’exercice 2018
;
80. Aux termes du paragraphe
VIII de l’article
60 de la loi du 23 février 1963 modifié, le débet
porte intérêts au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité
personnelle et pécuniaire des comptables publics. En conséquence, le point de départ du
calcul des intérêts au taux légal est fixé au 11 octobre 2021, date à laquelle M. A et Mme Y
ont accusé réception du réquisitoire susvisé ;
81.
Aux termes du IX de l’article
60 de la loi du 23 février 1963, «
les comptables publics dont
la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu dans les cas mentionnés au
troisième alinéa du même VI peuvent obtenir du ministre chargé du budget la remise
gracieuse des sommes mises à leur charge. Hormis le cas du décès du comptable ou de
J 2022-05- Centre hospitalier de Bar-le-Duc
12.
respect par celui-ci, sous l'appréciation du juge des comptes, des règles de contrôle sélectif
des dépenses, aucune remise gracieuse totale ne peut être accordée au comptable public
dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu par le juge des
comptes
(…)
» ;
82. Le plan de contrôle hiérarchisé de la dépense applicable au centre hospitalier de
Bar-le-
Duc pour l’exercice 2017 signé le 19
janvier 2017 ne prévoyait pas la réalisation
d’un contrôle sélectif de la rém
unération des praticiens contractuels.
Il s’ensuit que le
contrôle des rémunérations des médecins devait être pratiqué de manière exhaustive ;
83. Le plan de contrôle hiérarchisé de la dépense applicable au centre hospitalier de
Bar-le-
Duc pour l’exercice 2018
prévoyait la réalisation d’un contrôle sélectif des payes
supérieures à 5 000
€ mais celui
-
ci s’avère dépourvu d’effets en raison de l’absence de
signature des autorités compétentes pour le mettre en œuvre
;
84. Les sommes mises au débet de M. A au titre de 2017 et de Mme Y au titre des exercices
2017 et
2018 ne peuvent, dès lors, faire l’objet d’une remise gracieuse totale
;
85. Le ministre chargé du budget devra laisser à la charge des comptables une somme au
moins égale au double du plafond prévu pour la somme non rémissible, soit trois millièmes
du montant du cautionnement prévu pour le poste comptable, lequel s’élève à 177
000
pour les exercices 2017 et 2018. Le montant minimal de la somme laissée à la charge de
M. A et de Mme Y en cas de remise gracieuse ne pourra être inférieur à 531
€ par charge
et par exercice ;
Par ces motifs, décide :
Première charge :
Article 1
: La responsabilité de M. Z
est engagée au titre de l’exercice 2014 à raison de
diligences insuffisantes en matière de recouvrement de créances pour un montant total de
32 851,67
.
Ce manquement ayant causé un préjudice financier à l’établissement, M.
Z est mis en débet
pour la somme trente-deux mille huit cent cinquante et un euros et soixante-sept centimes
(32 851,67
€) au titre de l’exercice
2014. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter
de la date de notification du réquisitoire, soit le 11 octobre 2021.
Article 2
: La responsabilité de M. A est engagée au titre des exercices 2015 et 2017 à raison
de diligences insuffisantes en matière de recouvrement de créances pour un montant total de
9 455,13
.
Ce manquement ayant causé un préjudice financier à l’établissement, M
. A est mis en débet
pour la somme de quatre mille deux cent cinquante-deux euros et vingt-huit centimes
(4 252,28
€) au titre de l’exercice
2015 et pour la somme de cinq mille deux cent deux euros
et quatre-vingt cinq centimes (5 202,85
€) au titre de l’e
xercice 2017. Ces sommes porteront
intérêts au taux légal à compter de la date de notification du réquisitoire, soit le
11 octobre 2021.
Article 3
:
Il n’y a pas lieu de mettre en jeu la responsabilité personnelle et pécuniaire de
Mme Y au titre de
l’exercice
2018 à raison de diligences insuffisantes en matière de
recouvrement de créances pour un montant total de 11 428,97
.
J 2022-05- Centre hospitalier de Bar-le-Duc
13.
Article 4
: La responsabilité de Mme Y est engagée au titre des exercices 2017 et 2018 à
raison de diligences insuffisantes en matière de recouvrement de créances pour un montant
total de 14 765,98
.
Ce manquement ayant causé un préjudice financier à l’établissement, M
me Y est mise en
débet pour la somme de cinq mille trois cent dix euros et quatre-vingt-cinq centimes
(5 310,85
€) au titre de l’exercice
2017 et pour la somme de neuf mille quatre cent
cinquante-cinq euros et treize centimes (9 455,13
€) au titre de l’exercice
2018. Ces sommes
porteront intérêts au taux légal à compter de la date de notification du réquisitoire, soit le
11 octobre 2021.
Deuxième charge :
Article 5
: La responsabilité de M. A
est engagée au titre de l’exercice 2017 à raison du
paiement en l’absence des
pièces justificatives requises de rémunérations, de diverses
indemnités et de frais de déplacements pour un montant total de 711,01
.
Ce manquement ayant causé un préjudice financier à l’établissement, M.
A est mis en débet
pour la somme de sept cent onze euros et un centime (711,01
€) au titre de l’exercice
2017.
Cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la date de notification du réquisitoire,
soit le 11 octobre 2021.
Article 6
: La responsabilité de Mme Y est engagée au titre des exercices 2017 et 2018 à
raison du
paiement en l’absence des pièces justificatives requises de rémunérations, de
diverses indemnités et de frais de déplacements pour un montant total de 86 215,93
.
Ce manquement ayant causé un préjudice financier à
l’établissement, M
me Y est mise en
débet pour la somme de neuf mille trois cent vingt-six euros et cinquante-deux centimes
(9 326,52
€) au titre de l’exercice
2017 et pour la somme de soixante-seize mille huit cent
quatre-vingt-neuf euros et quarante et un centimes (76 889,41
€)
au titre de l’exercice 2018
.
Ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la date de notification du
réquisitoire, soit le 11 octobre 2021.
Article 7
: Il est sursis à statuer sur la décharge de M. Z pour sa gestion
au titre de l’exercice
2014, de M. A pour sa gestion
au titre de l’exercice
2017 et de Mme Y pour sa gestion des
exercices 2017 et 2018
jusqu’à apurement
des débets ci-dessus prononcés.
Article 8
: Le présent jugement sera notifié à M. Z, M. A et à Mme Y, comptables, à M. X,
directeur du centre hospitalier de Bar-le-Duc,
ainsi qu’au ministère public près la chambre.
Fait et jugé à la chambre régionale des comptes Grand Est, hors la présence du rapporteur et
du procureur financier, le dix mars deux mille vingt-deux, par M. Bruno Baumann, président
de section, président de séance, MM. Cédric Macron et Frédéric Fessan, premiers conseillers.
J 2022-05- Centre hospitalier de Bar-le-Duc
14.
La greffière,
Signé : Corinne GERTSCH
Le président de séance,
Signé : Bruno BAUMANN
République Française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre
ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près
les tribunaux judiciaires d'y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique
de prêter main forte lorsqu'ils seront légalement requis.
En foi de quoi, le présent jugement a été signé par le président de la chambre régionale des
comptes Grand Est et par le secrétaire général.
Le secrétaire général,
Signé : Patrick GRATESAC
Le président de la chambre,
Signé : Dominique ROGUEZ
En application des articles R. 242-19 à R. 242-21 du code des juridictions financières, les
jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel
devant la Cour des comptes dans le délai de deux mois à compter de leur notification selon
les modalités prévues aux articles R. 242-22 à R. 242-24 du même code.
J 2022-05- Centre hospitalier de Bar-le-Duc
15.
Annexe 1 : Trop-versé au titre des rémunérations de M. D
J 2022-05- Centre hospitalier de Bar-le-Duc
16.
Annexe 2 : Trop-versé au titre des rémunérations de M. C
J 2022-05- Centre hospitalier de Bar-le-Duc
17.
Annexe 3 : Trop-versé au titre des rémunérations de M.
B