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ENTITÉS ET POLITIQUES PUBLIQUES
LA LOI DE
PROGRAMMATION
MILITAIRE (LPM)
2019-2025 ET
LES CAPACITÉS
DES ARMÉES
Rapport public thématique
Mai 2022
La loi de programmation militaire 2019-2025 et les capacités des armées - mai 2022
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
Sommaire
Préface
............................................................................................................
5
Procédures et méthodes
...............................................................................
11
Synthèse
........................................................................................................
13
Récapitulatif des recommandations
...........................................................
17
Introduction
..................................................................................................
19
Chapitre I
Les trois premières années d’exécution de
la loi
de programmation militaire
........................................................................
23
I - Un objectif de remontée en puissance après un quart de siècle
de décroissance
..............................................................................................
24
A - La montée des menaces a conduit à mettre fin à un quart de siècle
de réduction des moyens des armées
....................................................................
25
B - La remontée en puissance vise à atteindre en deux étapes
un «
modèle d’armée complet
et équilibré »
..............................................................
28
C -
La construction de la loi de programmation militaire n’a pas reproduit
les erreurs du passé
...............................................................................................
30
II - Une exécution conforme à la programmation sur la période 2019-2021
.......
33
A -
L’exécution budgétaire au cours de la période 2019
-2021 a été
conforme à la programmation
...............................................................................
33
B - Les premiers jalons de la remontée en puissance ont été posés,
même si des risques budgétaires demeurent
.........................................................
37
Chapitre II Les capacités des armées françaises en 2021
........................
41
I - Une armée fortement employée, qui remplit les missions
qui lui sont confiées
.......................................................................................
42
A -
Les armées françaises réalisent l’engagement opérationnel
qui leur est actuellement demandé
........................................................................
42
B - Les armées contribuent aussi à de nombreuses missions de service public
........
45
II -
Des armées dont certaines insuffisances n’ont pas encore été redressées
..........
48
A - Les armées françaises présentent encore des fragilités
...................................
49
B - Beaucoup reste à faire pour atteindre «
l’ambition
2030 »
.............................
55
Chapitre III Vers des choix nécessaires
....................................................
61
I -
Une croissance de l’effort de défense de plus en plus ardue à soutenir
...........
62
A -
L’impact de la crise sanitaire sur les finances publiques complique
la
poursuite de l’effort de défense
.........................................................................
62
B -
L’actualisation stratégique de 2021 a confirmé la
montée
et la diversification des menaces
..........................................................................
64
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4
II - Des marges
de manœuvre à identifier et à
exploiter davantage
...............
67
A - Mieux exploiter les opportunités offertes par la coopération européenne
...........
68
B - Réexaminer le périmètre des activités des armées
..........................................
71
III -
Un modèle d’armée qui pourrait être
contraint d’évoluer
.......................
73
A - La confirmation de «
l’ambition
2030 » nécessite de poursuivre
les efforts budgétaires
...........................................................................................
74
B - Une nouvelle réduction homothétique des capacités des armées
mettrait à mal leur cohérence
................................................................................
75
C -
Modifier les priorités entre grandes capacités, comme l’a fait
le Royaume-Uni en 2021, implique des choix difficiles
.......................................
76
IV - Des processus de décision à améliorer pour préparer les choix
..............
78
A - Mieux anticiper les évolutions stratégiques et adapter
la programmation en conséquence
........................................................................
79
B - Mieux informer les décideurs politiques des enjeux opérationnels,
budgétaires et industriels
......................................................................................
80
C -
Améliorer la conduite des programmes d’armement pour mieux capter
l’innovation et être plus réactif
.............................................................................
81
Liste des abréviations
..................................................................................
85
Réponses des administrations et organismes concernés
...........................
87
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Préface
Le présent rapport est une synthèse de travaux conduits par la Cour
des comptes en 2020 et 2021. Il a été achevé en janvier 2022, avant
l’invasion de l’Ukraine par la Russie le 24 février. Dans le contexte créé par
le lancement des opérations russes, la Cour a choisi de différer la publication
du rapport, initialement prévue le 2 mars
. Quelques semaines plus tard, s’est
ouverte la période de réserve observée par la Cour des comptes pendant les
campagnes électorales. Ces deux circonstances, qui se sont enchaînées, ont
conduit à reporter la publication du présent rapport après l’élection
du
Président de la République.
Les constats de la Cour restent valables et actuels. Ils doivent
désormais se lire à la lumière du nouveau contexte stratégique créé par la
guerre d’Ukraine.
Les constats de la Cour
Dans le présent rapport, la Cour des comptes a fait le bilan des trois
premières années d’exécution de la LPM 2019
-2025. Elle a constaté que
l’exécution budgétaire de ces premières années avait été conforme à la
programmation, ce qui constitue un progrès notable par rapport aux périodes
précédentes. Toutefois, le niveau élevé des restes à payer est un point
d’attention pour la suite de l’exécution de la loi. En termes de résultats, la
restauration des capacités des armées n’est pas encore achevée
:
l’entraînement, les dotations en munitions, l
a disponibilité et le
renouvellement des matériels doivent encore progresser. L’aptitude des
armées à conduire dans la durée un combat de haute intensité n’a pas encore
été restaurée.
Le rapport n’y voit pas un signe de défaillance dans l’exécution de
la L
PM. La remontée en puissance programmée devait s’inscrire dans le
temps long, après trois décennies de diminution de l’effort de défense. Aussi
bien, la LPM a-t-elle été conçue comme une première étape, qui doit être
prolongée par un nouveau cycle d’effort
s, de 2025 à 2030, devant conduire
à un modèle d’armée complet et équilibré, «
l’ambition 2030
».
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6
En outre, depuis le vote de la loi en 2018, les armées ont dû répondre à
des menaces accrues, ou développer des capacités qui n’avaient pas été
pleinement anticipées. Il en est allé ainsi de la nouvelle stratégie spatiale de
défense,
définie postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi, ou encore du
développement des besoins dans le domaine cyber. Cette montée et cette
diversification des menaces ont été mi
ses en lumière par l’Actualisation
stratégique de 2021, alors qu’après une décennie de restructurations,
le ministère
des armées ne disposait guère de marges de manœuvre. Par ailleurs, les armées
ont été fortement engagées en opérations extérieures, et dans une moindre
mesure sur le territoire national, au titre de la lutte contre le terrorisme et de la
continuité du service public dans le contexte de la crise sanitaire, engagements
qui ont pesé sur l’entraînement des forces et la disponibilité des matériel
s.
Or, la poursuite de l’effort de régénération des capacités des armées,
au titre de la fin de la programmation actuelle et des cinq ans qui la suivront,
suppose le maintien d’une trajectoire budgétaire exigeante, alors même que le
pays doit faire face à une dégradation des finances publiques qui va imposer
un important effort de redressement. Pour réaliser «
l’ambition 2030
» inscrite
dans la LPM, il sera nécessaire de tenir compte de ce contexte.
La Cour a choisi de ne pas définir les équilibres qui seront à trouver
pour répondre à ce dilemme.
Elle a néanmoins cherché à en montrer la teneur, en développant trois
scénarios. Le premier est celui d’une poursuite de l’effort tel qu’il a été
dessiné dans la LPM en le prolongeant jusqu’en 2030. Le second
est celui
d’une réduction homothétique des capacités envisagées, comme cela a pu
être pratiqué lors des précédentes programmations. Le troisième scénario
consiste à effectuer des choix parmi les capacités des armées, pouvant aller
jusqu’à modifier le modèle d’armées, à l’instar de ceux qu’a faits le
Royaume-
Uni. La Cour n’a pas favorisé l’un de ces scénarios
: le rapport se
borne à en illustrer les avantages et les inconvénients et souligne d’ailleurs
que la dégradation de la situation internationale pourr
ait ne laisser d’autre
choix que celui d’une augmentation soutenue des dépenses.
Pour autant, ces scénarios illustrent la difficulté des choix à faire, et
le rapport formule plusieurs recommandations de méthode destinées à
préparer les arbitrages en vue de la future programmation militaire,
réflexion pouvant aller jusqu’à une évolution du modèle d’armée. Ces
recommandations sont de quatre ordres :
-
Réduire le périmètre de certaines missions intérieures par nature
exceptionnelles, dont la principale est la mission Sentinelle afin de
dégager des marges de manœuvre ;
-
Exploiter davantage les synergies et les opportunités européennes, en
particulier dans le domaine de l’armement
;
-
Approfondir les réformes engagées des processus de développement et
d’acquisition
des armements ;
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PRÉFACE
7
-
Développer la fonction d’anticipation des armées, tout en rendant compte de
façon plus transparente et plus exhaustive de leurs capacités, à la faveur
d’actualisations plus régulières et plus réactives de la programmation militaire.
Dans le nouveau contexte international créé par l’agression militaire
de la Russie, les constats résumés ci-
dessus en matière d’exécution
budgétaire gardent toute leur pertinence. Ils sont d’ailleurs
confortés par les
travaux conduits par la Cour des comptes au premier trimestre 2022 sur
l’exécution du budget 2021. Ces travaux confirment les risques, soulignés
dans le rapport, de financement du reste à payer qui s’élève à 83
Md€ à la
fin de 2021 et sera proche de 100
Md€ à la fin de 2025.
En ce qui concerne
l’activité des armées, les récents développements
ne modifient pas fondamentalement le constat d’un emploi opérationnel de
nos armées soutenu et durable et de ses conséquences sur la « régénération »
des forces prévue par la LPM 2019-2025.
Les mesures de déploiement avancé, décidés au titre de la solidarité
envers nos alliés à la suite de l’opération russe en Ukraine, témoignent de la
réactivité des armées et accroissent encore le niveau très soutenu de leur
emploi opérationnel. Ces mesures comprennent notamment le renforcement
de la mission Lynx en Estonie, le déploiement d’un contingent de
500 militaires en Roumanie
1
, le maintien d’un exercice amphibie majeur en
Norvège, et la réalisation de missions de défense aériennes au profit de la
Pologne à partir des bases aériennes de métropole, et de la Roumanie, à partir
du groupe aéronaval déployé en Méditerranée orientale, ainsi que la livraison
d’équipements militaires à l’Ukraine. Ces missions opérationnelles sont
engagées à un moment où les armées conduisent par ailleurs une délicate
opération de réarticulation de leur déploiement au Sahel.
Les conséquences de la guerre d’Ukraine
La guerre d’Ukraine est, par sa violence, par l’ampleur des
souffrances qu’elle a déjà provoquées, par ses coûts humains et finan
ciers
et ses implications stratégiques, actuelles et potentielles, le conflit le plus
grave survenu depuis la fin de la deuxième guerre mondiale sur le sol
européen. Il est trop tôt pour tirer les leçons de cette guerre, dont le
déclenchement a remis en cause bien des hypothèses établies depuis la fin
de la guerre froide, et notamment l’éloignement de l’horizon d’une guerre
interétatique majeure. Les dynamiques en cours de ce conflit, son issue et
ses conséquences restent lourdes de risques et d’incertitude
s.
1
Dans le cadre de la force de réaction rapide de l’Alliance atlantique, dont la France
assure cette année le commandement.
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8
À
ce stade, l’on peut dire que l’événement valide rétrospectivement
le double objectif, central dans la loi de programmation 2019-2025,
d’accroître la résilience des forces armées et de les mettre en mesure de faire
face à une guerre de haute intensité. La partie du présent rapport consacrée
aux capacités des armées montre que la perspective d’une pleine capacité
des forces à agir dans le cadre d’un «
engagement majeur » est encore
relativement éloignée. Il sera sans doute nécessaire de la rapprocher et, à
cette fin, d’intensifier les efforts relatifs au matériel et au personnel, ainsi
qu’à certaines capacités transverses de soutien.
Plus généralement, il ne fait guère de doute que la programmation
militaire actuelle devra être revisitée à la lumière du conflit en Ukraine et de la
situation stratégique, peut-être durablement instable, qui en résultera. Cette
analyse s’effectuera dans un cadre national, mais aussi européen et
transatlantique. À
cet égard, l’on peut relever que nombre de nos partenaires
e
uropéens convergent déjà sur la nécessité d’augmenter leurs budgets de défense.
L’augmentation de l’effort budgétaire la plus spectaculaire a été
annoncée par l’Allemagne le 27
février. Afin de «
disposer à terme d’une
Bundeswehr […] qui nous assure une pr
otection fiable », le chancelier
allemand a annoncé la création d’un «
fonds spécial » de 100 milliards
d’euros pour rattraper le retard dans les investissements de défense
dès 2022, de façon à porter le budget allemand de la défense à 2 % du PIB,
niveau qui correspondrait à une augmentation de plus du tiers de celui-ci et
mettrait l’Allemagne au troisième rang mondial pour les dépenses
militaires. La première ministre danoise indiquait également le 6 mars une
augmentation progressive du budget de défense visant à lui faire atteindre
2
% du PIB sous dix ans, dans le cadre d’une programmation militaire
encore à établir. Un tel objectif a été, depuis, également souscrit par l’Italie
et les Pays-
Bas, la Suède et l’Espagne. Le président de la Roumanie, dont
les dépenses de défense atteignent déjà cet objectif, a indiqué le 11 mars
qu’elles seraient portées à 2,5
% du PIB.
Au-
delà des États, l’Union européenne s’est affirmée comme un acteur
de la défense européenne. Alors que le budget de l’Union prévoyait déjà de
s
enveloppes conséquentes pour le Fonds européen de la défense, la politique
spatiale et la Facilité européenne pour la paix, elle a ainsi annoncé débloquer
500
M€ en urgence dans ce dernier cadre pour l’aide militaire à l’Ukraine.
Enfin, le conseil européen du 24 mars a annoncé la détermination des
États membres à accroître leurs budgets de défense et à renforcer leur base
industrielle et technologique de défense. Il a par ailleurs annoncé la création
d’une
capacité
de
déploiement
r
apide
pouvant
compter
jusqu'à
5 000 militaires [...],
le
développement
de
capacités
d’analyse
du
renseignement
[...], d’une stratégie spatiale de l'UE pour la sécurité et la défense.
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PRÉFACE
9
S’il est ainsi probable que
la programmation militaire doive
s’inscrire dans la perspective de hausses concertées des budgets de défense
européens, deux préconisations de méthode identifiées par la Cour dans la
troisième partie du rapport s’en trouvent validées, tout en débouchant sur
des perspectives élargies et qui devront être encore précisées.
D’abord, la programmation militaire pourra, moins que jamais,
s’affranchir du contexte général, marqué par la dégradation des finances
publiques et la montée des menaces, et qui risque de se détériorer encore du
fait du conflit.
La guerre d’Ukraine risque de peser négativement sur la croissance
et donc les rentrées fiscales, tout en suscitant des besoins budgétaires non
anticipés, liés notamment à la situation sur les marchés de l’énergie,
l’impact des sanctions sur l’activité économique et l’accueil des réfugiés.
On peut craindre, de la part de la Russie, une logique d’escalade qui oblige
à
un
accroissement
des
dépenses
militaires
pour
y
faire
face,
indépendamment même des réorientations de moyen et long terme à opérer
à la lumière des leçons stratégiques tirées du conflit. Cette situation
correspond au scénario 1 évoqué dans le rapport, où la situation
internationale nous contraindrait à une poursuite, voire un accroissement de
l’effort programmé. Le Président de la Républiq
ue a ainsi déclaré le 2 mars :
«
nombre de secteurs économiques souffrent et vont souffrir […]. Notre
croissance sera immanquablement affectée
(…)
. Notre pays amplifiera donc
l’investissement dans sa défense décidé dès 2017
».
Cet effort reste néanmoins tributaire de la situation économique, comme
l’a récemment illustré l’annulation de 300,3 M€ de crédits de paiement mis en
réserve sur la mission « Défense
» (dont 202,3 M€ pour le programme 146
« Équipement des forces
») par décret d’avance, visant à finan
cer le plan de
résilience économique et sociale décidé du fait des conséquences en France des
sanctions décidées à l’encontre de la Russie. Cette annulation, si elle n’était pas
compensée d’ici à la fin de l’année budgétaire comme le Gouvernement en a
émis
l’intention, constituerait un premier signe des besoins d’arbitrage dus aux
contraintes budgétaires dans un contexte où, comme la Cour le souligne dans
son rapport en analysant le plan « France relance », la défense n’est pas la seule
priorité de l’action
gouvernementale.
Ensuite, les marges de manœuvre budgétaires que la Cour
recommande de rechercher dans le Fonds européen de la défense et dans les
coopérations européennes d’armement vont se trouver à la fois élargies et
modifiées par les augmentations annoncées, en particulier du budget allemand
de la défense. En effet, l’
accroissement
du budget d’investissement allemand
va élargir le champ des coopérations possibles, tout en posant le problème du
maintien des équilibres financiers et industriels qui présidaient aux
coopérations déjà décidées, et qui seront peut-être appelés à évoluer. En outre,
la hausse concomitante des budgets de défense européens ouvre à la réflexion
le champ de spécialisations des rôles et de priorités différenciées selon les
pays, pour orienter au mieux les ressources nouvelles correspondantes.
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COUR DES COMPTES
10
Plus que jamais, le contexte européen doit donc être pris en compte
pour décider de l’allocation des moyens alloués à la défense, comme le
rappelle la Déclaration de Versailles adoptée à l’issu
e du sommet européen
des 10 et 11 mars.
Ce nouveau contexte pourrait présenter pour les armées françaises
des «
marges de manœuvre » européennes plus favorables, mais différentes
dans leur nature de celles anticipées dans le rapport de la Cour des comptes.
Le troisième scénario présenté dans le présent rapport pourrait en tirer parti,
dans une logique où la France s’appuierait davantage sur ses partenaires
2
ou
développerait avec eux des complémentarités nouvelles. Cela permettrait,
en contrepartie,
d’identifier le renforcement de certaines
capacités
opérationnelles françaises.
Enfin, la nécessité de prévoir des rendez-vous de programmation plus
fréquents (le rythme de la révision à mi-parcours semblant le plus adapté),
autre recommandation de mé
thode du rapport de la Cour, trouve à l’évidence
à s’appliquer à la séquence stratégique évolutive, et sans doute durablement
instable qui s’est ouverte avec la guerre d’Ukraine. Quelle qu’en soit la forme
livre blanc, revue stratégique ou révision de la LPM étayée par un bilan de
mi-parcours
une réflexion stratégique actualisée paraît indispensable. Elle
doit inciter à repenser les termes de l’arbitrage entre projets d’équipement à
longue échéance et résorption plus immédiate des difficultés capacitaires
rencontrées par les armées. Il s’agirait de mieux combiner la logique de
moyen-long terme qui a consisté à privilégier la préservation des compétences
dans l’industrie de défense
, qui contribuent à
l’autonomie stratégique
nationale, et une logique de court et moyen terme privilégiant les besoins
opérationnels des forces dans un contexte de montée des menaces.
De ce point de vue, les recommandations formulées par la Cour
restent d’actualité pour préparer les choix structurants de programmation
militaire qui devront être effectués par les pouvoirs publics. Ces
recommandations de méthode visent à permettre un processus de décision
alliant une plus grande réactivité, une plus grande transparence dans
l’information des décideurs publics, notamment du
Parlement et de ses
commissions, et une mise en cohérence de la trajectoire budgétaire de
défense avec la trajectoire générale des finances publiques.
2
À l’instar d’ailleurs de certaines coopérations en matière d’armement où le principe retenu
est celui de la «
dépendance mutuelle
» (
revue stratégique de défense nationale
, 2017).
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Procédures et méthodes
En application de l’article L. 143
-6 du code des juridictions
financières, la Cour des comptes publie chaque année un rapport public
annuel et des rapports publics thématiques.
C
es travaux et leurs suites sont réalisés par l’une des s
ept chambres
que comprend la Cour ou par une formation associant plusieurs chambres
et/ou plusieurs chambres régionales ou territoriales des comptes.
Trois principes fondamentaux gouvernent l’organisation et l’activité
de la Cour ainsi que des chambres régionales et territoriales des comptes,
donc aussi bien l’exécution de leurs contrôles et enquêtes que l’élaboration
des rapports publics ;
l’indépendance, la contradiction et la collégialité.
L’
indépendance
institutionnelle des juridictions financières et
l’indépendance statutaire de leurs membres garantissent que les contrôles
effectués et les conclusions tirées le sont en toute liberté d’appréciation.
La
contradiction
implique que toutes les constatations et
appréciations faites lors d’un contrôle ou d’une enquête, de même que toutes
les
observations
et
recommandations
formulées
ensuite,
sont
systématiquement soumises aux responsables des administrations ou
organismes concernés ; elles ne peuvent être rendu
es définitives qu’après
prise en compte des réponses reçues et, s’il y a lieu, après audition des
responsables concernés.
Sauf pour les rapports réalisés à la demande du Parlement ou du
Gouvernement, l
a publication d’un rapport est nécessairement précédée
par
la communication du texte que la Cour se propose de publier aux ministres
et aux responsables des organismes concernés, ainsi qu’aux autres
personnes morales ou physiques directement intéressées, afin que leurs
réponses puissent être publiées en annexe du rapport de la Cour.
La
collégialité
intervient pour conclure les principales étapes des
procédures de contrôle et de publication. Tout contrôle ou enquête est confié
à un ou plusieurs rapporteurs. Le rapport d’instruction, comme les projets
ultérieurs
d’observations et de recommandations, provisoires et définitives,
sont examinés et délibérés de façon collégiale, par une formation
comprenant au moins trois magistrats. L’un des magistrats assure le rôle de
contre-rapporteur et veille à la qualité des contrôles.
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COUR DES COMPTES
12
Le présent rapport est un
travail de synthèse s’appuyant sur
des
travaux conduits en 2020 et en 2021 par la quatrième chambre, notamment
un
bilan d’étape de la loi de programmation militaire (LPM) 2019
-2025, un
contrôle de la déclinaison des objectifs stratégiques de la LPM dans les
contrats opérationnels des trois armées et une enquête sur la gestion des
personnels civils et militaires du ministère des armées.
Les instructions conduites dans le cadre de ces travaux ont été
réalisées sur pièces et
sur place auprès de l’état
-major des armées, de la
direction générale de l’armement et du secrétariat général pour
l’administration du ministère des armées
. Elles ont également inclus des
déplacements auprès des forces.
Dans le cadre du processus de contradiction, la section défense de la
quatrième chambre a auditionné Mme Isabelle Saurat, secrétaire générale
pour l’administration du ministère des armées
, le 19 octobre 2021, le général
d’armée aérienne Éric Autellet, major général des armées, représentant
le
chef d’état
-major des armées, le 10 novembre 2021, et
l’ingénieur général
de l’armement de classe exceptionnelle
Joël Barre, délégué général pour
l’armement
, le 15 novembre 2021.
Le projet de rapport a été préparé, puis délibéré le 23 novembre 2021,
par la quatrième chambre, présidée par M. Andréani, président de chambre,
et composée de MM. Ténier, Le Méné, Homé, Chailland et Colin de
Verdière, conseillers maîtres, M. Autran, conseiller maître en service
extraordinaire, ainsi que, en tant que rapporteurs, M. Jourdan, conseiller
référendaire et M. Chardin, conseiller référendaire en service extraordinaire
et, en tant que contre-rapporteur, M. Chatelain, conseiller maître.
Il a été examiné et approuvé le 14 décembre 2021 par le comité du
rapport public et des programmes de la Cour des comptes, composé de
M. Moscovici, Premier président, Mme Camby, rapporteure générale du
comité, MM. Morin et Andréani, Mme Podeur, MM. Charpy et Gautier,
Mme Démier, M. Bertucci, présidents de chambre, MM. Martin, Meddah,
Lejeune et Advielle, Mmes Bergogne et Renet, présidents de chambre
régionale des comptes, ainsi que de Mme Hirsch, Procureure générale,
entendue en ses avis.
Les rapports publics de la Cour des comptes sont accessibles en ligne
sur le site internet de la Cour et des chambres régionales et territoriales des
comptes ; www.ccomptes.fr.
Ils sont diffusés par la Documentation Française.
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Synthèse
Une exécution budgétaire conforme à la programmation
pour la première fois depuis deux décennies
Après une série de réductions du format des armées et de réformes
structurelles qui ont conduit à supprimer plus de 60 000 emplois lors de la
dernière décennie, la loi du 13 juillet 2018 relative à la programmation
militaire (LPM) pour les années 2019 à 2025 a prévu une remontée des moyens
accordés à la défense. Elle prévoit sur cette période une croissance du budget
qui permettra d’
atteindre 2 % du PIB en 2025 et de créer 6 000 emplois. Il
s’agit dans un premier temps, jusqu’en 2025, de
régénérer les armées et de
combler certaines lacunes capacitaires, avant de poursuivre l’effort pour
atteindre, à l’horizon 20
30, un
modèle d’armée
« complet et équilibré »
apte à
répondre à l’ensemble des menaces.
Cet effort s’inscrit dans un contexte
international marqué par une compétition stratégique accrue entre les
principales puissances et par une montée des menaces décrites dans la
Revue
stratégique de défense et de sécurité nationale
publiée le 13 octobre 2017.
Les premières années d’exécution de la LPM
ont vu les crédits
augmenter, passant de 35,9 Md
€ en 2019 à
40,9 M
d€ en 202
2,
conformément à la programmation. Les ressources prévues
ont
effectivement bénéficié au ministère des armées, y compris au profit de
l’équipement des forces, domaine qui n’avait pas reçu l’ensemble des
crédits prévus lors des précédentes LPM. Le ministère des armées a su
éviter certains travers précédemment relevés par la Cour des comptes :
sous-budgétisation chronique des opérations extérieures et renégociations
de
commandes
fermes
d’armement
;
surestimation
des
recettes
exceptionnelles de cessions, des
hypothèses d’exportation d’armement et
des économies attendues des réformes. Les ajustements annuels de la
programmation militaire de la période 2019-2021 ont été conduits de façon
souple ; ils ont permis de financer, sans crédit supplémentaire, des besoins
non prévus par la loi, comme ceux de la stratégie spatiale de défense, de la
réponse à la crise sanitaire et du plan de relance aéronautique, en décalant
certaines dépenses, mais sans en supprimer à ce stade.
Néanmoins, plusieurs questions méritent attention. L
estimation des
autorisations d’e
ngagement restant à couvrir par des crédits de paiement a
fortement augmenté pour atteindre 54 M
d€ fin 2021 et 72
M
d€ fin 2025.
L’évolution des coûts de pro
duction des armements, un temps ralentie par
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14
la crise sanitaire, risque de repartir à la hausse, alors que des tendances
inflationnistes se manifes
tent dans l’économie
. Le coût du remplacement
des avions
Rafale
prélevés sur le parc de l’armée de l’air et de l’espace
pour les ventes d’occasion à l’exportation, n’était pas prévu dans la
programmation initiale.
L’ensemble de ces éléments
fait
peser un risque d’éviction sur les
investissements programmés par la LPM qui restent à réaliser. Surtout, le
fait que, dès la conception de la LPM, la plus grande partie de
l’augmentation du budget et des créations d’emplois aient été programmée
en fin de période, au-delà de 2023, constitue un risque important pour la
réalisation des capacités visées par la loi.
Des capacités militaires fortement employées mais qui présentent
encore des fragilités
La période 2019-2021 a été marquée par un haut niveau
d’activité
opérationnelle au titre des missions dites permanentes des armées, notamment
celles liées à la posture nucléaire et à la
protection du territoire, de l’espace
aérien et des approches maritimes. Il en est allé de même pour les déploiements
au titre de la prévention des conflits et des opérations extérieures, notamment
Barkhane
au Sahel et
Chammal
au Levant. Les armées contribuent aussi à
diverses missions de service public, comme la mission
Sentinelle
au titre de la
lutte contre le terrorisme, les opérations
Résilience
pendant la crise sanitaire et
Apagan
pour l’évacuation de Kaboul
à l’été 2021
, et les
missions d’
action de
l’État
en mer. Elles participent, enfin, au soutien des
exportations d’armement.
Si elles
ont réalisé l’ensemble des missions qui leur ont été demandé
es,
les forces n’ont pu atteindre
c
e haut niveau d’engagement qu’
au détriment de
la « régénération
3
» prévue par la loi de programmation, qui est encore loin
d’être achevée. Le niveau d’entraîneme
nt et le taux de disponibilité du matériel
demeurent inférieurs aux objectifs fixés, malgré
d’
importants moyens alloués
à la maintenance. La remontée des effectifs met également en évidence des
difficultés
d’attractivité, de fidélisation et de gestion des compétences.
Le comblement des lacunes capacitaires et la réponse aux nouvelles
menaces s’inscri
vent, quant à eux,
dans le temps long. Enfin, l’objectif de
participer, aux côtés de nos alliés, à une opération classique majeure de
coercition face à un adversaire étatique constitue un défi de taille pour une
armée qui ne présente plus la masse nécessaire, ni le niveau de préparation
qu’impliquerait une telle
perspective.
3
Le rapport annexé à la LPM définit présente ainsi la « régénération » : «
Il s'agit
d'abord
[dans la perspective de «
l’ambition 2030
»]
d'un impératif immédiat visant à
régénérer le capital opérationnel des armées, soumis à une usure accélérée découlant
de l'emploi des parcs de matériels déjà anciens et de l'intensité des engagements récents
des forces au-delà des contrats opérationnels définis dans le Livre Blanc de 2013.
»
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SYNTHÈSE
15
Vers des choix nécessaires
Les évolutions majeures intervenues depuis 2019 sont de nature à
remettre en cause les termes de la LPM 2019-2025, dont les ressources
n
’ont pas été
fixées par la loi au-delà de 2023, faute
d’avoir procédé en
2021 à une actualisation à mi-parcours de la loi, comme cela avait été le
cas pour les LPM précédentes
. D’une part,
la crise sanitaire a dégradé les
finances publiques, conduisant le Gouvernement à adopter une nouvelle
trajectoire budgétaire visant à réduire le déficit public à 3 % du PIB en
2027,
au prix d’un
effort important de maîtrise des dépenses publiques. Elle
a également fait émerger de nouvelles priorités budgétaires
. D’autre part,
l’
Actualisation stratégique
de 2021 a mis en exergue une accélération de
la montée des menaces avec une multiplication des zones de crise et le
réarmement des principaux compétiteurs de la France. Un risque
d’escalade entre puissances rivales
menant à un affrontement de haute
intensité paraît ainsi moins improbable.
Il est donc nécessaire que le ministère des armées exploite davantage
les marges de manœuvre qui s’offrent à lui
et en identifie de nouvelles,
notamment dans le domaine de la coopération européenne et
s’agissant de
la définition du périmètre des missions des
armées, afin d’alléger la charge
qui pèse sur elles. Ces m
arges de manœuvre sont
toutefois limitées.
Une révision du choix retenu de modèle
d’armée
risque donc
d’être
nécessaire afin de préserver la cohérence entre les ambitions et les moyens
alloués au ministère des armées.
Confirmer les orientations de la LPM 2019-2025 et tendre vers le
«
modèle d’armée complet
»
à l’horizon 2030 suppose
rait la poursuite de la
croissance de l’effort budgétaire
au profit de la défense, avec une accélération
en fin de période de programmation qui devra vraisemblablement être
poursuivie
jusqu’
en 2030, après un point de passage à 50 M
d€ en 2025. Tenter
de préserver le modèle d’armée complet en réduisant
homothétiquement les
moyens, comme lors des révisions stratégiques de 2008 et de 2013, risquerait
de mettre à mal la cohérence des armées. À défaut, il serait envisageable de
faire le choix de rééquilibrages majeurs entre capacités, comme ceux réalisés
par le Royaume-Uni lors de sa dernière revue stratégique en 2021. Un tel choix
risquerait cependant
d’entraîner
des renoncements irréversibles, sans
nécessairement permettre des économies budgétaires importantes à court
terme, comme le montre le cas du Royaume-Uni.
Pour préparer la réflexion qui débouchera sur les décisions à prendre
au plus t
ard à l’issue de la LPM en cours
, le ministère des armées devrait
adopter un processus de décision plus réactif, permettant de s’adapter plus
rapidement aux évolutions, en effectuant plus fréquemment des revues
stratégiques. Dans le domaine des programmes
d’armement, cela doit se
traduire par une meilleure captation des innovations et une plus grande
capacité d’évolution des équipements.
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16
Ce processus doit s’accompagner d’un renforcement des capacités
d’anticipation à moye
n et long termes, indispensable dans un contexte
stratégique en évolution rapide, ce qui suppose une association étroite des
capacités d’anticipation de la direction générale de l’armement et de celles des
armées. Il est enfin nécessaire de prévoir une meilleure information des
pouvoirs publics et une plus grande association des commissions compétentes
du Parlement sur les capacités actuelles des armées et leur évolution envisagée.
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Récapitulatif des recommandations
1.
Chiffrer les crédits budgétaires de 2024 et 2025 correspondant aux
besoins issus des ambitions de la LPM, en tenant compte du dernier
ajustement annuel de la programmation militaire et établir une
trajectoire budgétaire ju
squ’à l’horizon de stabilisation du déficit
public prévu en 2027
(ministère des armées).
2.
Identifier et exploiter les marges de manœuvre
budgétaires qui peuvent
exister, notamment dans le domaine de la coopération européenne et
s’agissant de la définition
du périmètre des missions confiées aux
armées
(ministère des armées).
3.
Adopter un processus d’actualisation
stratégique et de programmation
militaire plus réactif, plus transparent et reposant sur une plus grande
capacité
d’anticipation
(ministère des armées)
.
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Introduction
Après
plus d’
un quart de siècle de
réduction de l’effort de défense
et du format des armées, amorcé à la fin de la guerre froide, la loi de
programmation militaire (LPM) 2019-2025
4
a prévu de porter la part des
dépenses militaires dans le produit intérieur brut (PIB) à 2 % en 2025, ainsi
que la création de 6 000 emplois. Cette trajectoire budgétaire en croissance
vise à permettre la « régénération » des armées. Elle constitue une première
étape vers un «
modèle d’armée complet
», apte à répondre
à l’horizon
2030 à la montée des menaces décrites dans la
Revue stratégique de défense
et de sécurité nationale
publiée en octobre 2017. Le format des armées qui
en résulte en 2020 est indiqué, pour les principales capacités, dans le
schéma présenté à la fin de l’introduction
.
La LPM devait faire l’objet d’une actualisation en 2021
, en
application de son article 7. En effet, seuls les crédits des annuités 2019 à
2023 sont inscrits dans l’article 3 de la loi,
pour un montant total de
197,8
Md€ hors pensions. Ils doivent passer
de 35,9
Md€ en 2019 à
44
Md€ en 2023. Dans la programmation interne du ministère des armées,
l’objectif de 2
% du PIB en 2025 conduisait, au moment du vote de la LPM,
à les porter à 47
Md€ en 20
24 et à 50
Md€ en 2025. Le Gouvernement a
estimé qu’une actualisation par voie législative n’était pas nécessaire et a
effectué une communication au Parlement,
suivie d’un vote en juin 2021,
sur la base de l’article 50
-1 de la Constitution
5
. À l’issue de c
ette procédure,
la trajectoire budgétaire jusqu’en 2023 a été confirmée par le
Gouvernement, ainsi que l’objectif d’atteindre 2
% du PIB en 2025, mais
les annuités budgétaires 2024 et 2025 n
ont toujours pas été fixées.
La déclaration du Gouvernement et les débats parlementaires
n’ont
cependant pas levé toutes les incertitudes sur la poursuite de la trajectoire
adoptée en 2018. D’une part, l’
Actualisation stratégique
publiée par le
ministère des armées en janvier 2021 a mis en évidence une accélération,
une augmentation et une diversification des menaces par rapport aux
analyses de
2017, rendant moins improbable l’hypothèse d’un affrontement
4
Loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les
années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense.
5
« Devant l'une ou l'autre des assemblées, le Gouvernement peut, de sa propre
initiative ou à la demande d'un groupe parlementaire au sens de l'article 51-1, faire,
sur un sujet déterminé, une déclaration qui donne lieu à débat et peut, s'il le décide,
faire l'objet d'un vote sans engager sa responsabilité »
.
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COUR DES COMPTES
20
interétatique conventionnel. D’autre part, la crise sanitaire a
suscité une
dégradation de l’état d
es finances publiques, tout en faisant émerger de
nouvelles priorités. Elle a, par ailleurs, modifié la trajectoire du PIB qui
servait de référence aux crédits de défense.
Schéma n° 1 :
l
es armées françaises aujourd’hui (chiffres clés)
Source : Les chiffres clés de la défense (édition 2021)
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INTRODUCTION
21
Afin d’éclairer les décisions à venir en matière de politique de
défense et d’alimenter le débat public, la Cour des comptes présente un
rapport de synthèse, issu
des travaux qu’elle a conduits en 2020 et en 2021
pour établir un bilan d’étap
e de la loi de programmation militaire
2019-2025 et examiner la déclinaison des objectifs stratégiques de la LPM
dans les contrats opérationnels des forces armées. Elle constate que les trois
premières années d’exécution budgétaire de la LPM
ont été conformes à la
programmation (1), tout en relevant que, même si les armées ont rempli
l’ensemble des missions qui leur ont été confiées, leurs capacités présentent
toujours des fragilités (2). Constatant que le contexte budgétaire et la
montée des menaces risque
nt de compromettre la poursuite de l’exécution
de la LPM, dans un contexte où les marges de manœuvre sont limitées, elle
indique les modalités selon lesquelles il pourrait être nécessaire de rouvrir
la réflexion sur le modèle d’armée visé à horizon 2030
(3).
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Chapitre I
Les trois premières années d’exécution
de la loi de programmation militaire
Ce premier chapitre présente la façon dont la programmation
budgétaire de la LPM 2019-2025 a été construite et montre que sa mise en
œuvre
a été conforme à la programmation durant les trois premières années
de son exécution.
Dans un contexte marqué par la montée des menaces et la
compétition stratégique accrue entre les puissances qui se réarment, la
LPM 2019-2025 rompt avec un quart de siècle de réduction du format des
armées et avec une décennie de réformes structurelles intenses. Après une
période consacrée à la « régénération »
des capacités militaires jusqu’en
2025, cette loi prépare le renforcement du modèle d’armée complet dans le
cadre de «
l’ambition 2030
».
Le modèle d’armée complet
Le
modèle d’armée complet vise à
«
permettre d’atteindre les eff
ets
militaires recherchés
[décrits dans le rapport annexé à la LPM]
sur la
totalité du spectre des menaces et des engagements possibles, y compris les
plus critiques
». Cela implique de
doter les armées françaises de l’ensemble
des capacité militaires nécessaires pour remplir toutes les missions qui leur
sont allouées au titre des cinq fonctions stratégiques de la défense : la
connaissance/anticipation, la prévention des conflits, la dissuasion
nucléaire, l’intervention et la protection du territoire et des
populations,
afin de «
préserver l’autonomie stratégique de notre pays
».
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COUR DES COMPTES
24
La programmation a su éviter les travers autrefois dénoncés par la
Cour, en budgétisant mieux les opérations extérieures, en renonçant aux
financements issus de recettes exceptionnelles aléatoires et en évitant les
coûteuses renégociations de programmes d’armement. Sa faiblesse réside
dans le fait que l’essentiel de l’effort budgétaire est attendu en fin de
période, avec des annuités 2024 et 2025 non fixées à ce jour.
Durant la période 2019-2021, les crédits budgétaires consacrés à la
défense ont été conformes à la programmation, y compris pour
l’équipement des forces. Le ministère des armées a su faire preuve d’agilité
pour absorber en gestion les effets de la crise sanitaire et pour financer des
besoins non prévus, dans le domaine spatial notamment. Néanmoins, des
risques budgétaires existent en raison d’un niveau élevé de reste
s à payer,
de la reprise de l’inflation et de la nécessité de financer des besoins non
prévus. Aussi les dépenses programmées sur la période 2022-2025 sont-
elles soumises à
des risques d’éviction.
I -
Un objectif de remontée en puissance après
un quart de siècle de décroissance
Depuis la fin de la guerre froide, l’effort de défense avait été réduit
,
ce qui s’é
tait traduit par une réduction importante des effectifs et des moyens
des armées. La montée des menaces, illustrée par les attentats de 2015, a
conduit à adopter une LPM 2019-
2025 marquant un coup d’arrêt à cette
diminution des moyens et adoptant une stratégie de remontée en puissance.
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LES TROIS PREMIÈRES ANNÉES D
’EXÉCUTION DE LA LOI
DE PROGRAMMATION MILITAIRE
25
A -
La montée des menaces a conduit à mettre fin
à un quart de siècle de réduction des moyens des armées
1 -
Depuis la fin de la guerre froide, les économies budgétaires
ont entraîné une baisse des équipements et des effectifs
Graphique n° 1 :
évolution des dépenses militaires en % du PIB
Source: Stockholm International Peace Research Institute
Après la fin de la guerre froide, les principales puissances militaires
ont diminué fortement leurs dépenses, exprimées en pourcentage de la
richesse nationale. Néanmoins, si le Royaume-Uni, la France et
l’Allemagne ont poursuivi cette diminution jusqu’à l
a fin des années 2010,
d’autres pays, dont
les États-Unis et la Russie, ont réinvesti dans leur
défense dès le tournant des années 2000, pour faire face aux nouvelles
menaces (conséquences des attentats du 11 septembre 2001
pour l’un
, des
guerres de Tchétchénie
pour l’autre
). Les États-Unis ont ainsi pu soutenir
des engagements militaires massifs en Afghanistan et en Irak, tout en
maintenant leur avance technologique, tandis que la Russie a restauré un
outil de défense affaibli après la dissolution
de l’Uni
on soviétique. La Chine
a suivi une trajectoire différente,
le maintien dans la durée d’un effort de
défense modéré, de l’ordre de 1,7
% du PIB, ayant suffi à la positionner en
rivale des États-Unis, du seul fait de la forte croissance de son économie.
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26
Les deux premières décennies du vingt-unième siècle ont été marquées
par une forte diminution des moyens des armées françaises, bien que le niveau
de menace ait plutôt eu tendance à augmenter sur la période par rapport aux
années 1990, comme les
Livres blancs sur la défense et la sécurité nationale
de 2008 et de 2013 l’ont mis en évidence
. Le ministère des armées a perdu
63 250 emplois entre 2008 et 2019, soit 20 % de ses effectifs. Entre 2003 et
2020, le nombre de chars Leclerc est passé de 406 à 222, celui des avions de
combat de 393 à 261 (y compris ceux de l’aéron
autique navale) et celui des
frégates de premier rang de 17 à 15, en comptant les frégates de type
La Fayette
, dont les capacités sont pourtant limitées.
Cela s’est aussi traduit par une diminuti
on des ambitions. La LPM
2003-
2008 envisageait l’intervention de la France dans une opération
classique majeure de coercition en coalition interalliée à hauteur de
50 000
soldats et d’une centaine d’avions de combat
. Dix ans plus tard, la
LPM 2014-2019 a réduit la participation à une telle opération à
15 000 soldats et 45 avions de combat. La comparaison est encore plus
spectaculaire avec le volume des armées françaises de la fin des
années 1980.
2 -
Les réformes structurelles se sont enchaînées
Après
avoir
connu
une
transformation
majeure
avec
la
professionnalisation, à la suite de la décision de suspendre le service
national en 1996, le ministère des armées est entré dans un cycle de
réformes structurelles intenses à partir de 2008, afin de dégager des
économies. Ces réformes ont entraîné une refonte de la carte militaire, avec
de nombreuses dissolutions d’unités
(une vingtaine de régiments et une
dizaine de bases aériennes notamment), une mutualisation des soutiens
dans des circonscriptions administratives nouvelles, les bases de défense,
ainsi qu
’une
série de réformes de processus et
d’organisation visant à
diminuer les effectifs. Si les économies recherchées n’ont pas toujours été
au rendez-vous, la dégradation des soutiens
et de l’environnement des
forces s
’est fait
e sentir. La Cour a notamment relevé dans ses travaux deux
cas emblématiques : la perte de contrôle du processus de paye des militaires
dans le cadre de l’écosystème
Louvois
et la dégradation de l’entretien des
infrastructures. Enfin, ces réformes ont été concomitantes à des
engagements exigeants, avec des opérations extérieures dans la durée en
Afghanistan, puis au Sahel, et des interventions «
d’entrée en premier
6
»
en Libye en 2011 et au Mali en 2013.
6
La notion «
d’entrée en premier
» vise la capacité à engager des forces, dans le cadre
d’une coalition, dès le début de l’intervention, face à un adversaire dont les défenses
n’ont pas encore été neutralisées.
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LES TROIS PREMIÈRES ANNÉES D
’EXÉCUTION DE LA LOI
DE PROGRAMMATION MILITAIRE
27
3 -
La
Revue stratégique de défense et de sécurité nationale
de 2017
a relevé une montée des menaces dans un monde qui réarme
Selon le
Stockholm International Peace Research Institute
7
,
la
France se positionne en 2020 au septième rang des dépenses militaires
mondiales
. L’environnement internationa
l est marqué par la compétition
stratégique que se livrent les États-
Unis et la Chine et par l’émergence de
nouveaux acteurs dont la puissance économique a crû au cours des
dernières décennies, notamment en Asie. En Europe, la France a reculé en
position r
elative sous l’effet du maintien d’un effort de défense plus
important du Royaume-
Uni, seul pays d’Europe de l’Ouest à
y consacrer
plus de 2 % de son PIB, et
du dynamisme économique de l’Allemagne, qui
lui permet d’augmenter ses dépenses militaires plus ra
pidement que ne le
fait la France.
Carte n° 1 :
principaux budgets militaires mondiaux en 2020
Source: Stockholm International Peace Research Institute
7
Le Sipri, Institut de recherche international sur la paix de Stockholm, est un institut
de recherche indépendant créé en 1966 par le parlement suédois et financé
majoritairement par le gouvernement suédois, pour l’étude des conflits, de l’armement,
du contrôle des armes et du désarmement. (https://sipri.org/)
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28
Les décisions récentes traduisent cependant une prise de conscience
de la montée des menaces. Les attentats de Paris en 2015 avaient déjà
conduit à arrêter la diminution des moyens de la défense lors de
l’actualisation de la LPM 2014
-2019. La
Revue stratégique de défense et
de sécurité nationale
de 2017 a mis
l’accent sur
un environnement plus
agressif et la nécessité, pour y faire face, de renforcer les moyens des
armées. Elle préconise notamment
le maintien d’une autonomie stratégique
nationale, une ambition européenne exigeante, une industrie de défense
forte et un modèle d’armée complet.
B -
La remontée en puissance vise à atteindre
en deux étapes un «
modèle d’armée complet
et équilibré »
1 -
La loi de programmation militaire 2019-2025 vise à rétablir
la cohérence des armées, première étape de leur « régénération »
Le rapport annexé à la LPM 2019-2025 présente «
l’
ambition de la
France pour ses armées à l’horizon 2030
». Il décrit
un modèle d’armée
complet apte à répondre aux menaces décrites dans la
Revue stratégique de
défense et de sécurité nationale
de 2017.
Cette ambition doit être atteinte en deux étapes. La première étape,
de
« régénération »
des armées, organisée par la LPM 2019-2025, vise leur
cohérence en
« redonnant dès à présent aux armées les moyens et les
capacités nécessaires pour remplir durablement leurs missions ».
La
cohérence d’une force
est le résultat de
l’
adéquation entre sa doctrine
d’emploi, son organisation, ses ressources humaines, son entraînement, son
soutien et son équipement. La LPM prévoit, dans ce but, de porter un effort
particulier sur
l’entra
înement, sur le soutien du matériel pour en augmenter
la disponibilité et sur le renouvellement des équipements.
Ainsi, la loi
accorde au ministère des armées des moyens en croissance sensible :
1,7 M
d€ d’augmentation du budget
chaque année entre 2019 et 2022 puis
3 M
d€ d’augmentation en 2023, sans pour autant
accroître les ambitions.
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LES TROIS PREMIÈRES ANNÉES D
’EXÉCUTION DE LA LOI
DE PROGRAMMATION MILITAIRE
29
2 -
Une deuxième étape après 2025 vise à réaliser un modèle
d’armées complet
et équilibré conforme à «
l’ambition 2030
»
La seconde étape pour atteindre «
l’ambition 2030
» présentée dans
la LPM 2019-2025 demandera de poursuivre la croissance des ressources
budgétaires au cours de la période 2026-2030. Selon le ministère des
armées, le
modèle d’armée complet
décrit par cette ambition 2030 est
nécessaire
pour
remplir
pleinement
cinq
fonctions
stratégiques
permanentes, réaffirmées en 2017 :
la dissuasion nucléaire,
« clé de voûte de la stratégie de défense »,
assurée en permanence par deux composantes océaniques et aéroportées
modernisées ;
la
protection du territoire, de l’espace aérien et des approches maritimes
,
assurée en permanence en métropole et outre-mer ;
la connaissance
et l’
anticipation, érigées en
« priorité stratégique »,
avec des moyens accrus pour le renseignement et le cyberespace ;
une fonction de prévention,
s’appuyant notamment
sur des bases à
l’étranger
et des déploiements navals et aériens ponctuels ;
u
ne capacité d’intervention dans une opération majeure
interalliés de
coercition, combinée à une capacité de réaction rapide autonome et à une
capacité de gestion de crise (du type des opérations extérieures
actuelles).
Certes,
ce modèle d’armée complet n’avait jamais été abandonné
.
Cependant sa cohérence avait été fragilisée par les réductions importantes
de moyens intervenues depuis trois décennies. «
L’ambition 2030
» vise à
lui redonner
cette cohérence et à restaurer l’équilibre des armées. Elle vise
aussi à rechercher à leur profit de la masse
8
et des moyens, afin notamment
de pouvoir peser au sein d’une coalition, dans l’hypothèse d’une opération
majeure de coercition conduite contre un adversaire étatique
capable d’une
action de haute intensité.
8
La notion de « masse
» correspond à l’objectif assigné à une armée de disposer de capacités
militaires en volume suffisant pour, d’une part, peser politiquement au sein d’une coalition
et, d’autre part, pouvoir soutenir dans la durée un engagement contre un adversaire étatique
dans le cadre d’un conflit de haute intensité impliquant des pertes importantes.
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COUR DES COMPTES
30
C -
La construction de la loi de programmation
militaire
n’a pas reproduit
les erreurs du passé
1 -
La trajectoire de ressources repose sur des crédits budgétaires
et évite le recours à des recettes exceptionnelles aléatoires
Le ministère des armées espérait, dans les programmations
précédentes, des recettes exceptionnelles attendues de cessions de bandes
de fréquences hertziennes et d’emprises immobilières,
pour 3,47 M
d€ dans
la LPM 2009-2014 et 6,10 M
d€ dans la LPM 2014
-2019. Ces ressources
étaient incertaines, tant dans leur montant que dans leur calendrier, et les
hypothèses retenues ne se sont pas réalisées. L
es programmes d’entretien
des infrastructures et d’équipement des forces auxquelles étaient destinées
ces recettes avaient par conséquent pris du retard.
Au-delà de ces recettes exceptionnelles, la Cour avait dénoncé
9
,
dans la LPM 2009-2014, le recours à des financements incertains, comme
les économies attendues des réformes structurelles qui devaient financer
l’équipement des forces et la revalorisation d
es rémunérations. La Cour
avait aussi critiqué les hypothèses d
’exportation de l’avion
Rafale
,
en
l’absence desquelles le programme des
commandes nationales n
’était
pas soutenable.
Pour la LPM 2019-2025, le ministère des armées a eu recours à un
financement
reposant
sur
des
crédits
budgétaires.
Les
recettes
exceptionnelles
qui
lui
sont
attribuées
proviennent
de
cessions
immobilières, pour des montants connus (400 M
€ en 2019) ou limités
(entre 15 et 25 M
€ par an les années suivantes).
2 -
Les opérations extérieures font l’objet d’une
provision mieux
évaluée dès la programmation initiale
Dans ses notes d’exécution budgétaire, la Cour des comptes avait
relevé depuis la fin des années 2000 une sous-budgétisation importante du
surcoût des opérations extérieures, alors même que les principales
interventions s’inscrivaient
dans le long terme (Afghanistan puis Sahel), ce
qui rendait leur surcoût prévisible. Or, le financement interministériel de
ces surcoûts, pourtant inscrit dans la loi, était souvent incomplet et tardif.
Cet affichage conduisait le ministère des armées à financer en gestion le
montant non budgété, au détriment des investissements destinés à
l’équipement des forces.
9
Notamment Cour des comptes :
Le bilan à mi-parcours de la LPM 2009-2014
, rapport
public thématique, juillet 2012.
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LES TROIS PREMIÈRES ANNÉES D
’EXÉCUTION DE LA LOI
DE PROGRAMMATION MILITAIRE
31
Le ministère des armées a programmé une augmentation de la
provision pour le surcoût des opérations extérieures dans la LPM 2019-
2025, qui est passé de 450
M€ à 1,1
Md€ par an.
La Cour a souligné cette
amélioration, qui mérite d’être menée à terme, des écarts, moindres que par
le passé, étant encore constatés entre la prévision et l’exécution budgétaire.
Graphique n° 2 :
couverture du surcoût des opérations
extérieures en
M€
Note : OPEX : opérations extérieures
MISSINT : missions de sécurité intérieure
Source
: Cour des comptes à partir des données d’exécution budgétaire
3 -
Les renégociations en position de faiblesse des commandes
fermes de matériel de guerre ont été évitées
Lors des précédentes LPM, en 2009 et en 2014, le ministère des
armées avait
renégocié les grands programmes d’armement en cours pour
dégager des marges budgétaires à court terme. Il s’agissait notamment
d’annuler des commandes fermes et d’étaler des livraisons, moyennant des
compensations financières pour l’industrie.
La Cour avait critiqué cette
approche, qui affaiblissait la capacité des forces et
s’est révélée
très
coûteuse pour les finances publiques à moyen terme. Dans un contexte
facilité par l’augmentation
des ressources budgétaires prévu par la LPM
2019-2025, le ministère des armées a tiré les enseignements du passé en
prenant soin de poursuivre les programmes en cours.
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COUR DES COMPTES
32
Le cas des frégates européennes multi-missions (FREMM)
En 2003, le ministère des armées avait passé une commande ferme
de 17 FREMM
. Il s’agissait alors de re
nouveler le parc de frégates de
premier rang pour disposer de 21 unités modernes à la fin de la décennie
2010 (17 FREMM et quatre frégates de défense aérienne du type
Horizon
).
Il a ensuite renégocié ce programme en 2009 et en 2014 pour réduire le
nombre de FREMM à 11 puis à 8 et pour étaler les calendriers de livraisons,
moyennant des compensations aux entreprises titulaires du marché et des
modifications de la configuration des frégates. Le résultat à long terme pour
les finances publiques
s’est avéré
très négatif : les huit FREMM vont au
total coûter aussi cher que les 17 prévues initialement, soit un doublement
de leur prix unitaire. En outre, ces réductions ont entraîné une dégradation
des capacités de la marine, qui dispose en 2020 de seulement 15 frégates de
premier rang (six FREMM, deux Horizon, deux F70 et cinq de type
La
Fayette
) dont certaines, les
La Fayette
, ont des capacités moindres,
d’autres
les F 70
datant des années 1970. Les missions confiées à la marine n'ont
pourtant pas été réduites depuis
2003. Le modèle d’armée 2030 prévoit
toujours un format à 15 frégates de premier rang, constitué d’unités
modernes : deux
Horizon
, huit FREMM, cinq frégates de défense et
d’intervention (
FDI).
4 -
La programmation prévoit une croissance forte des ressources,
dont l’essentiel
est attendu en 2024 et 2025
La LPM 2019-2025 prévoit une augmentation importante des crédits
budgétaires annuels de la défense, de 22,5 % entre 2019 et 2023. À partir de
2023, les ambitions de la loi votée en 2018 sont construites
sur l’hypothèse
d’une augmentation des budgets de 3
Md€ par an, jusqu’à atteindre
50 M
d€
en 2025, correspondant à la cible de 2 % du PIB selon les prévisions de
croissance au moment du vote. Une augmentation de 6 000 emplois est
également prévue : elle est certes modeste, mais succède à une longue
période de forte réduction d’effectifs. Cette croissance programmée des
ressources est cohérente avec
l’objectif affiché de
faire de la période couverte
par la LPM 2019-2025 une période de régénération des forces armées.
Tableau n° 1 :
ressources de la LPM 2019-2025 (hors pensions)
2019
2020
2021
2022
2023
Total
2024
2025
Total
général
Crédits (en
Md€
courants)
35,9
37,6
39,3
41,0
44,0
197,8
Objectif 2 % du PIB en 2025
Augmentation
d’effectifs
+ 450
+ 300
+ 300
+ 450
+ 1 500
+ 3 000
+ 1 500
+ 1 500
+ 6 000
Source : Articles 3 et 5 de la LPM 2019-2025
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LES TROIS PREMIÈRES ANNÉES D
’EXÉCUTION DE LA LOI
DE PROGRAMMATION MILITAIRE
33
Cependant, l’effort
budgétaire, déjà important depuis 2019, porte
surtout sur les deux dernières années de la programmation. Or, les annuités
budgétaires 2024 et 2025 n’ont pas été fixées
, malgré les dispositions de
l’article 7 de la LPM qui prévoyait une actualisation en 2021
de la trajectoire
budgétaire de la LPM. Pourtant, la préparation des investissements, comme
des recrutements, amène le ministère des armées à réaliser chaque année un
exercice d’ajustement de la programmation portant sur six années glissantes
.
Les besoins sont donc connus.
II -
Une exécution conforme à la programmation
sur la période 2019-2021
Contrairement à c
e qui s’était produit depuis deux décennies pour
les précédentes lois de programmation militaire, l’exécution budgétaire a
été globalement conforme à la programmation, même si des risques
existent pour la fin de période couverte par la LPM.
A -
L
’exécution bud
gétaire au cours de la période
2019-2021 a été conforme à la programmation
1 -
Les lois de finances ont ouvert des crédits conformes à la loi
de programmation militaire qui ont été effectivement consommés
Le tableau ci-après montre la bonne exécution de la programmation
budgétaire : l
écart entre les annuités budgétaires programmées par la
LPM, les crédits votés en loi de finances initiale et les crédits de paiement
qui ont effectivement été consommés par le ministère des armées est très
faible. Cela montre que les ressources budgétaires ont été votées par le
Parlement en adéquation avec la programmation et que le ministère des
armées a su les utiliser.
Tableau n° 2 :
exécution budgétaire de la LPM entre 2019 et 2021
En Md€
2019
2020
2021
2022
LPM
35,90
37,60
39,30
41,00
Loi de finances initiale
35,90
37,51
39,21
40,90
Crédits consommés
35,85
37,49
39,42
-
Écart entre LPM et consommation
- 0,05
- 0,11
+ 0,12
-
Source : Direction des affaires financières du ministère des armées
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34
Dans cette masse budgétaire, l’agrégat
« équipement » revêt une
importance particulière : il
regroupe les programmes d’armement pour
équiper les forces et
l’entretien programmé du matériel pour assurer la
maintenance et les
dépenses d’
infrastructures. Sa trajectoire ascendante, de
19,5 M
d€ en 2019 à 31,5
M
d€
en 2025, soit 172,8 M
d€ d’investissements
sur la période 2019-2025, vise la régénération des forces
par l’amélioration
de la disponibilité et le renouvellement du matériel. Le ministère des
armées est ainsi, de loin, le premier investisseur de l’État. L
a trajectoire de
cet agrégat fait l’objet d’une présentation dans le rapport annexé à la LPM.
Le tableau ci-après montre que, sur la période 2019-2021,
l’exécution des
crédits correspondants a été conforme à la trajectoire programmée.
Tableau n° 3 :
exécution budgétaire
de l’agrégat équipement
En Md€
2019
2020
2021
Agrégat équipement de la LPM
19,54
20,83
22,36
Loi de finances initiale
19,56
20,90
22,33
Crédits consommés
19,66
21,25
-
Écart consommation/LPM
+ 0,11
+ 0,42
Source : Direction des affaires financières du ministère des armées
Sur les trois
premières années d’exécution de la LPM, les
paiements
au titre de l’équipement ont même
été supérieurs à ce que prévoyait la
programmation. Il s’agit d’une évolution notable par rapport au passé
,
lorsque le ministère des armées réduisait ses
dépenses d’
investissement
pour couvrir les dépassements, au regard des lois de finances initiales, de
la masse salariale et du fonctionnement. Les précédents travaux de la Cour
avaient ainsi montré que, sur les périodes couvertes par les LPM 2003-
2008 et 2009-2014,
l’équivalent de près d’une année d’investissement
par
LPM avait ainsi été perdu par rapport à la programmation initiale.
La trajectoire
d’évolution des effectifs
prévue par la LPM a
également été respectée. Le ministère a effectué les créations de postes et
les recrutements programmés, comme le montre le tableau ci-après :
Tableau n° 4 :
augmentation nette des effectifs entre 2019 et 2021
2019
2020
2021
Total
Trajectoire LPM
+ 450
+ 300
+ 300
+ 1 050
Réalisation
+ 391
+ 416
+ 221
+ 1 028
Source : Ministère des armées
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LES TROIS PREMIÈRES ANNÉES D
’EXÉCUTION DE LA LOI
DE PROGRAMMATION MILITAIRE
35
2 -
Les ajustements annuels de la programmation militaire
ont permis des adaptations
sans effet d’éviction à ce stade
Chaque année,
lors de l’actualisation annuelle de la programmation
militaire (A2PM), le ministère des armées effectue des arbitrages sur la
trajectoire de l’agrégat équipement, sous enveloppe budgétaire inchangée.
Ces arbitrages visent notamment à tenir compte des aléas rencontrés dans
la conduite des programmes d’
armement, à prendre en compte des besoins
nouveaux
et à ajuster les priorités en matière d’équipements.
Les ajustements réalisés sur la période 2019-2021 ont modifié
l’affectation
de 3,1 M
d€,
soit un montant
de l’ordre d’un milliard d’euros
par an. Ont ainsi été financés des besoi
ns nouveaux qui n’avaient pas été
programmés dans la LPM, notamment
pour l’espace
exo-atmosphérique,
conformément à la
Stratégie spatiale de défense
approuvée par le Président
de la République en septembre 2019, et pour la lutte dans le cyberespace,
à la suite de
l’
Actualisation stratégique
de 2021, qui a mis en exergue la
montée des menaces dans ce domaine. Les conséquences des évènements
survenus depuis 2019, comme la participation du ministère des armées au
plan de relance aéronautique en 2020 et la réparation du sous-marin
nucléaire d’attaque
Perle
à la suite de son incendie lors de son arrêt
technique en juin 2020, ont également été intégrées.
Le ministère des armées est parvenu à financer ces besoins
nouveaux en tirant parti des moindres consommations de crédits constatées
par ailleurs : moindres dépenses de masse salariale en 2019, du fait
notamment de recrutements intervenus plus tardivement que prévu,
décalage d’investissements
au-delà de 2020 du fait des retards de livraison
de certains équipements dans le contexte de la crise sanitaire, augmentation
moins forte que prévue du coût des facteurs
10
du fait du ralentissement
économique observé pendant la crise sanitaire en 2020 et 2021. Les effets
d’éviction
de ces engagements nouveaux sur les équipements programmés
ont été limités à ce stade.
10
Le coût des facteurs renvoie au coût de réalisation des programmes d’armement, qui
dépend notamment des évolutions de prix des matières premières, des composants et de la
masse salariale. Son évolution sur la durée des programmes est estimée lors de leur
lancement et mise à jour chaque année en fonction des évolutions effectives observées.
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COUR DES COMPTES
36
3 -
Les effets budgétaires immédiats de la crise sanitaire
ont été gérés avec souplesse
La crise sanitaire a eu des effets importants sur le fonctionnement et
l’équipement des
armées en 2020. Ils ont toutefois été gérés avec souplesse
pour ne pas compromettre la mise en œuvre de la LPM.
Tableau n° 5 :
impact budgétaire de la crise sanitaire en 2020
Crédits de paiement en M€
Moindres
dépenses
Dépenses
supplémentaires
Solde
Programme 144
11
21
- 9
Programme 146
264
263
1
Programme 178
755
758
- 3
Programme 212
111
52
59
Total
1 141
1 094
48
Source : Direction des affaires financières du ministère des armées
Concernant le programme 178
Préparation et emploi des forces
,
les armées ont lancé le 25 mars 2020 l’opération
Résilience
pour renforcer
le service public dans la lutte contre la pandémie, en sollicitant le service
de santé des armées, la marine nationale et l’armée de l’air et de l’espace
.
A contrario
, certaines activités de préparation opérationnelle ont dû être
annulées ou réduites, notamment les exercices interalliés, ce qui a permis
d’autofinancer une partie
importante
de l’opération
Résilience.
Concernant le programme 146
Équipement des forces
,
l’industrie
de défense française a dû faire face à des difficultés financières. Elles ont
affecté notamment les entreprises ayant une part significative de leur
activité dans l’aéronautique civile.
La crise a eu un impact sur la chaîne
logistique de certains secteurs, ce qui
s’est
traduit par des retards de
livraison. Ainsi,
dans le domaine de l’armement terrestre, la crise a conduit
à des retards importants pour les blindés
Griffon
, dont 90 des 128
exemplaires prévus ont été livrés en 2020. Face à cela, la direction générale
de l’armement a
créé une
task force
pour suivre les difficultés rencontrées
au sein de l’industrie de défense et mettre en place des mesures de rebond
destinées à alimenter les trésoreries défaillantes des industriels, avec
notamment des anticipations de commandes. Le ministère des armées a
ainsi contribué au
plan de relance de l’aéronautique
par des anticipations
de commandes portant, entre autres, sur trois avions A330, qui ont été
payés en partie dès 2020. Ces commandes supplémentaires ont été rendues
possibles par la moindre dépense liée aux retards observés par ailleurs.
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LES TROIS PREMIÈRES ANNÉES D
’EXÉCUTION DE LA LOI
DE PROGRAMMATION MILITAIRE
37
B -
Les premiers jalons de la remontée en puissance ont
été posés, même si des risques budgétaires demeurent
1 -
Des programmes ont été lancés
pour préparer l’avenir et
le renouvellement des équipements majeurs se poursuit
La période 2019-2021 a
été l’occasion de franchir des étapes
importantes pour des programmes d’armement destinés à préparer l’avenir,
au-
delà de l’horizon 2030. Il s’agit notamment du programme du système
de
combat aérien du futur (SCAF),
lancé en coopération avec l’Allemagne et
l’
Espagne. Il comporte, dans un premier temps,
le développement d’un
prototype du futur avion de combat de nouvelle génération et, à terme, une
aviation de combat composée de vecteurs pilotés et non pilotés connectés par
un « système de combat collaboratif »
. Il s’agit aussi du programme de sous
-
marins nucléaires
lanceurs d’engins de troisième génération (
SNLE 3G) qui
s’inscrit dans le cadre de la modernisation de la dissuasion nuclé
aire. Enfin,
les études
d’avant
-projet
ont été lancées pour le développement d’un porte
-
avions à propulsion nucléaire destiné à succéder au
Charles de Gaulle
.
Ces programmes portent sur des équipements qui entreront en
service à l’horizon 2040. Ils
figurent parmi les plus exigeants en termes
d’engagements budgétaires à long terme et
de haute technologie.
La décision de lancer le programme SCAF et de renouveler la flotte de
SNLE et le porte-avions témoigne
donc d’une volonté de maintenir dans la
durée
la France parmi les puissances disposant d’une dissuasion nucléaire
autonome, mettant en œuvre un groupe aéronaval et disposant d’une
industrie aéronautique capable de concevoir, développer et produire des
systèmes de combat aérien et des navires à propulsion nucléaire.
Le lancement de ces programmes s’
est accompagné
d’une augmentation
importante des crédits consacrés à la recherche. Ainsi, les crédits dévolus à la
prospective de défense sont passés de 1,08
Md€ en 2018 à 1,33
Md€
au titre du
projet de loi de finances pour 2022
. L’essentiel de l’augmentation
est allé aux
études amont,
dont l’allocation budgétaire
est passée de 723
M€ en 2018 à
1 002
M€ en 2022. Ces études concernent la levée de
s risques relatifs à des
briques technologiques en
préparation de programmes d’armement futurs, mais
s’appuient
aussi sur
l’innovation ouverte
et
l’analyse de technologies
émergentes susceptibles
d’introduire des ruptures stratégiques (armes à énergie
dirigée, calcul quantique, etc.), dont la Cour a encore récemment relevé
l’importance
11
. Elles permettront par exemple la préparation
d’un premier vol
de démonstration de missile hyper-véloce au premier semestre 2022.
11
Cour des comptes,
L’innovation de
défense
, un outil d’indépendance stratégique et
économique à renforcer
, rapport public annuel 2021.
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COUR DES COMPTES
38
Dans le même temps, les programmes d’armement majeurs destinés
à renouveler le matériel vieillissant, dont certains datent de plus de trente
ans, se sont poursuivis. Entre 2019 et 2021, ont ainsi été livrés 336 blindés
Griffon
dans le cadre du programme SCORPION
12
. Cela permet d’initier
le remplacement des anciens véhicules de l’avant blindés (VAB)
par des
engins permettant à l’armée de terre d’entrer dans l’ère
de la numérisation
du champ de bataille. L’armée de terre a également reçu
16 hélicoptères
NH90
Caïman
pour remplacer les antiques
Puma
, tandis que l’armée de
l’air et de l’espace
recevait quatre avions A400M en plus des 14 déjà livrés
avant le début de la LPM, ce qui contribue à combler les graves lacunes
capacitaires du transport aérien militaire. La marine nationale a quant à elle
pris livraison de deux FREMM, la dernière sur huit étant attendue en 2022,
ainsi que du premier sous-
marin nucléaire d’attaque de la classe
Suffren
,
issu du programme BARRACUDA.
Enfin, le ministère des armées prépare les capacités nécessaires pour
répondre aux nouvelles menaces dans le domaine spatial, avec le lancement du
programme d’action
et résilience spatiale (ARES) dans le cadre de la stratégie
spatiale de défense de 2019, ainsi que dans le domaine du cyberespace.
2 -
Plusieurs risques budgétaires demeurent néanmoins
La soutenabilité de la trajectoire budgétaire de la LPM doit
s’apprécier en tenant compte
notamment
de l’évolution des restes à payer,
c’est
-à-dire des dépenses engagées mais non encore payées du fait,
notamment, du délai de réalisation des équipements et des prestations qui
s’étalent sur plusieurs années
. Ces restes à payer ont augmenté de 12 % en
2019 et de 8 % en 2020. Ils devraient atteindre 54
Md€ à la fin de 2021 et
72 M
d€ à la fin de 2025, selon les prévisions du ministère des armées.
La
trajectoire a ainsi été revue à la hausse depuis le début de la LPM, quand
le montant prévu à la fin de 2021 était de 45 M
d€ e
t celui à la fin de 2025
de 61 M
d€.
Le ministère des armées explique cette croissance notamment
par la conclusion de contrats de maintenan
ce d’un nouveau type,
caractérisés par une durée plus longue et par une plus grande
responsabilisation des industriels. Ces contrats nouveaux offrent la
perspective d’une
meilleure maîtrise des coûts
et d’une
amélioration de la
disponibilité des équipements majeurs, en particulier dans le domaine
aéronautique.
Cependant leur mise en œuvre génère mécaniquement une
augmentation des restes à payer.
12
Programme de l’armée de terre c
omprenant des véhicules blindés interconnectés au
sein d’un réseau d’information collaboratif.
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LES TROIS PREMIÈRES ANNÉES D
’EXÉCUTION DE LA LOI
DE PROGRAMMATION MILITAIRE
39
Le ministère des armées est parvenu à gérer au mieux les
ajustements annuels de la programmation militaire depuis 2019 en
bénéficiant d’une conjoncture favorable en
matière
d’évolution des coûts
des facteurs. Tout indique que cette situation risque de changer avec, en
2021, un début de reprise économique caractérisé par une augmentation
des prix des matières premières, des composants et des salaires. En
augmentant le besoin en crédits de paiement nécessaires pour solder les
engagements passés, cette indexation à la hausse des coûts des équipements
privera le ministère des marges dont il a bénéficié l’an dernier
.
Par ailleurs, certains contrats
remportés à l’exportation pour l’avion
Rafale
ont entraîné
des prélèvements sur le parc de l’armée de l’air pour
fournir rapidement les avions d’occasion commandés.
Le prélèvement sera
de douze appareils dès 2021 pour le contrat grec, à prendre parmi les
102 appareils en service à la fin de 2020
. S’y ajoutera le prélèvement de
douze autres avions dans le cadre du contrat croate.
En raison de l’écart de
prix entre les appareils neufs
et ceux qui sont vendus d’occas
ion, le
remplacement des avions ainsi prélevés crée un besoin de ressources
budgétaires non programmées pour garantir que, conformément à la LPM,
l’armée de l’air dispose de
129
Rafale
en 2025. Le
maintien d’un format
de l’ordre de 250 avions de combat (en
incluant ceux de l’aéron
autique
navale) en dépend.
La conjonction de restes à payer élevés
, d’un
financement de besoins
non prévus
par la LPM, de la reprise de l’inflation et du besoin de remplacer
les avions prélevés pour l’exportation
agrège un ensemble de risques pesant
sur les ressources du ministère des armées, qui pourraient compromettre sa
capacité à
financer la totalité des programmes d’armement prévus
par la
LPM.
Ces risques sont d’autant plus importants qu’une incertitude pèse sur
les annuités budgétaires 2024 et 2025 de la LPM.
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COUR DES COMPTES
40
______________________ CONCLUSION ______________________
Après un quart de siècle de réduction des moyens des armées, la loi
de programmation militaire 2019-2025 a prévu une augmentation
importante des ressources budgétaires du ministère des armées, autorisant
un ambitieux plan d’équipement et une progression des effectifs. Cette loi
s’inscrit dans le cadre d’une stratégie visant
,
jusqu’en 2025
, à régénérer les
forces et à réduire leurs lacunes capacitaires. Elle constitue une première
étape, avant de tendre
, à l’horizon 2030,
vers un modèle d’armée complet
,
renforcé, apte à répondre à la montée et à la diversification des menaces.
Le bil
an de l’
exécution budgétaire des premières années de la LPM
est po
sitif. L’augmentation effective
des crédits de paiement de 35,9 M
d€
en 2019 à 40,9 M
d€ en 202
2 et celle, plus forte, des autorisations
d’engagement
, ont permis aux
armées de mettre l’accent sur l’équipe
ment
des forces et d’augmenter
les effectifs d
’environ
1 000 postes après une
décennie marquée par plus de 60
000 suppressions d’emplois. Le
financement des nouveaux besoins non programmés, notamment dans le
domaine spatial et dans le cyberespace, et les effets de la crise sanitaire
ont pu, à ce stade, être gérés à budget inchangé
sans effet d’éviction
sur
les autres programmes d’
armements, dont certains avaient pris du retard.
Les travers autrefois relevés par la Cour en matière de sous-budgétisation
des opérations extérieures, de recours aux recettes exceptionnelles et de
renégociation
des programmes d’armement ont aussi pu être évités.
Néanmoins, des risques demeurent pour la soutenabilité de la
trajectoire budgétaire de la LPM, ce qui pourrait avoir un effet
d’éviction
sur certains investissements programmés. Le fait que la plus grande partie
de l’effort d’augmentation des budgets et des effectifs ait été programmé
e
au-delà de 2023, alors que les annuités budgétaires de 2024 et de 2025
n’ont pas été confirmées par l’actuali
sation prévue mais finalement non
votée en 2021, fait peser un risque fort sur la fin de la période. Le niveau
des restes à payer a augmenté pour atteindre 54 M
d€ à la fin de 2021
et
poursuivra sa croissance, pesant sur les crédits de paiement futurs. Les
coûts des facteurs risquent de repartir à la hausse
, mettant fin à l’effet
d’aubaine qui a permis le financement de besoins non prévus par la LPM
sans ressource supplémentaire. Enfin, le remplacement des avions Rafale
prélevés pour fournir les contrats à l’exportation
crée des besoins
budgétaires
nouveaux qu’il faudra financer
.
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Chapitre II
Les capacités des armées françaises
en 2021
Ce deuxième chapitre dresse un bilan des premiers résultats obtenus
par la LPM en termes de performances des armées dans la double perspective
de la « régénération » prévue pour 2025 puis de «
l’ambition 2030
».
Ce bilan est contrasté. D’une part, les armées parviennent à réaliser
l’ensemble des missions qui leur sont aujourd’hui demandées, au titre des
cinq grandes fonctions stratégiques (connaissance et anticipation,
dissuasion, protection du territoire, intervention, en particulier en
opérations extérieures, et prévention des conflits), dans un contexte
d’activité militaire particulièrement soutenue. Les armées réalisent aussi
d’autres missions, la plus importante
étant le soutien aux forces de sécurité
intérieure sur le territoire national sur réquisition de l’autorité publique,
spécialement au titre de l’opération
Sentinelle.
D’autre part, les armées n’ont pas encore accompli leur
régénération. Les faiblesses con
cernent le niveau d’entraînement des
forces, les difficultés de recrutement et de fidélisation du personnel, et la
disponibilité toujours insuffisante des matériels malgré les efforts
importants consentis
pour l’améliorer
. Ces faiblesses sont problématiques
dans le contexte stratégique actuel, en particulier pour faire face au retour
du risque d’engagement majeur, qui nécessite également de combler les
lacunes capacitaires existantes
: l’enjeu est
d’acquérir la masse et le niveau
de préparation que supposerait un conflit symétrique.
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COUR DES COMPTES
42
I -
Une armée fortement employée, qui remplit
les missions qui lui sont confiées
Les armées françaises ont une activité opérationnelle intense,
occasionnée par de nombreux déploiements au titre des fonctions
stratégiques de la LPM comme de leur contribution, sur le territoire
national, à des missions de service public.
A -
Les armées françaises réalisent l
’engagement
opérationnel qui leur est actuellement demandé
Les opérations en cours des armées françaises sont résumées par la
carte ci-dessous. Leur volume, notamment au titre des opérations
extérieures, correspond à l’objectif fixé par la LPM 2019
-2025 de pouvoir
engager dans la durée 7 500 militaires dans des opérations de gestion de
crise. En revanche, l’engagement maximal
de 15 000 militaires qui serait
nécessaire
dans le cadre d’une opération interalliée de coercition, n’a pas
été réalisé depuis la première guerre du Golfe en 1991.
À l’époque,
cet
engagement était, en volume, très inférieur aux attentes des
Livres blancs
guidant la stratégie nationale jusqu’en 2008
; aujourd’hui,
une telle
mobilisation atteindrait les limites du contrat opérationnel des armées et
nécessiterait des arbitrages avec leur activité opérationnelle courante.
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LES CAPACITÉS DES ARMÉES FRANÇAISES EN 2021
43
Carte n° 2 :
déploiements opérationnels des forces armées françaises
Source : chiffres-clés de la défense (2021)
1 -
La dissuasion nucléaire et la protection du territoire
et de ses approches mobilisent en permanence des moyens
Les fonctions stratégiques de dissuasion nucléaire comme de
protection se traduisent par des postures permanentes que la marine
nationale et
l’armée de l’air et de l’espace doivent assurer sans rupture
.
Pour la dissuasion,
il s’agit d’abord de la présence
permanente à la mer des
sous-
marins nucléaires lanceurs d’engin
s, qui suppose par ailleurs de
déployer d’importants
moyens en appui (frégates anti-sous-marines, avions
de patrouille maritime, etc.). I
l s’agit ensuite
de la permanence d’alerte de
moyens de l’armée de l’air et de l’espace
(notamment des avions de combat
Rafale
et de ravitaillement). Sa crédibilité est entretenue, pour la
composante océanique, par des tirs réguliers de missiles balistiques et, pour
la composante aéroportée, par l’organisation d’exercices représentatifs
d’une mission de frappe nucléaire
. Les exercices
Poker
mobilisent ainsi
une cinquantaine d’aéronefs
quatre fois par an en moyenne.
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COUR DES COMPTES
44
La « posture permanente de sûreté aérienne »
13
garantit la capacité
de détecter puis
d’intercepter dans des délais très brefs tout aéronef suspect
dans l’espace aérien m
étropolitain. Elle repose sur des moyens de détection
radar des menaces et de contrôle aérien, sur un commandement unique
permanent, le centre national des opérations aériennes, ainsi que sur des
avions de combat et hélicoptères en alerte sur de nombreux sites
métropolitains. Les rapports annuels de performance du programme
budgétaire 178
Préparation et emploi des forces
rendent compte d’une
posture sans faille, malgré le nombre croissant
d’
événements : en 2018,
298 situations anormales ont occasionné 88 décollages de chasseurs sur
alerte et 61 décollages
d’hélicoptères
; en 2020, 560 situations anormales
ont occasionné 350 interventions de chasseurs et d’hélicoptères
.
Enfin, la « posture permanente de sauvegarde maritime »
14
intègre, en
plus de la défense maritime du territoire
, des missions relevant de l’action de
l’État en mer
, dont la marine nationale fournit 80 % des moyens en
métropole et 98 % en intégrant les outre-mer (bâtiments de surface,
hélicoptères, avions de surveillance). Ces missions, coordonnées par les
préfets maritimes
15
, recouvrent notamment la fonction de garde-côtes, la
lutte contre les pollutions maritimes et la police des pêches, la lutte contre les
trafics illicites et
l’aide d’urgence aux populations après le passage d’un
cyclone. Ell
es s’exercent sur une zone économique exclusive de
10,2 millions de kilomètres carrés, la seconde mondiale, très majoritairement
située outre-mer, dont la moitié dans le Pacifique. Elles mobilisent, pour les
outre-mer, les principaux moyens de la marine nationale, avec chaque année
environ 2 200 jours de mer pour les frégates de surveillance, patrouilleurs et
bâtiments de soutien et 1 500 heures de vol de patrouille maritime.
2 -
L’engagement en opérations extérieures au titre de la fonction
intervention est important et concerne plusieurs théâtres
La partie la plus visible des missions d’intervention remplies par les
armées est la gestion de crise, au titre de laquelle elles sont déployées en
opérations extérieures. La plus importante au regard des moyens militaires
engagés,
Barkhane
, vise à lutter contre les groupes armés terroristes au Sahel, à
accompagner les capacités des forces armées de cinq pays du Sahel (G5 Sahel) et
à agir au profit des populations locales. En septembre 2021, les forces françaises
sur place comptaient 5 100 militaires, sept avions de chasse, six drones,
20 hélicoptères, cinq à huit avions de transport tactiques et stratégiques,
13
Articles D. 1441-1 et suivants du code de la défense.
14
Articles D. 1431-1 et suivants du code de la défense.
15
Décret n° 2004-112 du 6 février 2004 relatif à
l’organisation de l’action de l’État en
mer et décret n° 2005-
1514 du 6 décembre 2005 relatif à l’organisation outre
-mer de
l’action de l’État en mer.
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LES CAPACITÉS DES ARMÉES FRANÇAISES EN 2021
45
280 véhicules blindés lourds, 400 véhicules logistiques et 220 véhicules blindés
légers. L
es forces de l’opér
ation
Barkhane
ont mené 128 actions de combat en
2020. Elles ont aussi formé 18 000 militaires de la force du G5 Sahel depuis 2014.
L
’opération
Chammal
, qui constitue la participation française à
l’opération
multinationale
Inherent Resolve
contre Daech au Levant,
implique près de 600 militaires, 11
Rafale
et une frégate. Le groupe
aéronaval
y contribue également, de façon ponctuelle, lorsqu’il est de
passage en méditerranée orientale.
3 -
Au titre de la prévention des conflits,
une forte présence militaire
est maintenue hors d’Europe
La prévention des crises repose sur deux dispositifs.
Le premier est composé des forces terrestres et aériennes dites
« de présence », pré-positionnées dans des bases opérationnelles avancées
(Côte-
d’Ivoire, Djibouti, Émirats ar
abes unis) et des « pôles opérationnels
de coopération » (Gabon, Sénégal). Ces forces remplissent des missions de
partenariat locales, en particulier de formation, et permettent à la France de
disposer d’une meilleure réactivité
au cas où une crise surviendrait dans
la région.
Le deuxième dispositif repose sur
des manœuvres aériennes ou des
déploiements navals, par exemple les opérations
Corymbe
visant à lutter
contre la piraterie dans le golfe de Guinée en appui des autorités locales,
Atalanta
avec les mêmes objectifs au large de la Somalie,
Agenor
pour
protéger les flux commerciaux dans le détroit d’Ormuz
. Y contribuent
également des déploiements de forces terrestres, comme dans le cadre de
l’opération
Lynx
dans les pays baltes. Ces activités sont pour la plupart
conduites dans le cadre
de missions de l’Union européenne
ou
de l’OTAN.
B -
Les armées contribuent aussi à de nombreuses
missions de service public
Au-delà de leur intervention au titre des postures permanentes de sûreté
aérienne et de sauvegarde maritime, les forces armées peuvent intervenir sur le
territoire national, sur réquisition des autorités civiles, dans le cadre de la règle
dite des « 4I » c
’est
-à-dire lorsque les moyens civils sont inexistants, insuffisants,
inadaptés ou indisponibles
16
. Fréquemment mises en œuvre
, par exemple dans
le cadre des secours d’urgence
après une catastrophe naturelle, ces missions
16
Instruction interministérielle relative à l’engagement des armées sur le territoire national
lorsqu’elles interviennent sur réquisition de l’autorité civile, n°
10100/SGDSN/PSE/PSN/NP
du 14 novembre 2017.
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COUR DES COMPTES
46
prennent
également la forme d’inter
ventions, parfois de longue durée,
impliquant des moyens importants des armées.
« Contribution solidaire des
armées, ultima ratio »
, ces interventions
«
ne font pas l’objet d’une facturation
interne »
17
. Les dépenses associées relèvent en effet de la provision budgétaire
relative aux surcoûts des opérations extérieures et missions intérieures.
1 -
La mission
Sentinelle
a un impact durable
sur l’organisation de l’armée de terre
L
’opération
Sentinelle
a été lancée au lendemain des attentats de janvier
2015. Elle a été inscrite dans la loi
à l’occasion d’
une actualisation de la LPM
2014-2019
18
, qui intègre à la posture de protection terrestre
l’objectif
de pouvoir
mobiliser 7 000 militaires des forces terrestres dans la durée, soit 10 % de la
force opérationnelle terrestre (et davantage que le nombre de militaires déployés
dans le cadre de l’opération
Barkhane
), et
jusqu’à 10
000 militaires pendant un
mois, sur le territoire national. Ces effectifs
s’ajoutent aux 2
200 militaires qui
assurent la protection des sites du ministère des armées. Le déclenchement de
la mission
Sentinelle
a conduit en 2015 à la décision de porter de 66 000 à
77 000 les effectifs militaires de la force opérationnelle terrestre.
Six ans après son lancem
ent, l’opération
Sentinelle
est toujours
active. O
r l’intervention des armées sur le territoire national, par nature,
doit avoir un terme, ce qui invite à réexaminer régulièrement la justification
de leur participation à la sécurité intérieure du pays en temps de paix
19
.
2 -
La contribution à la lutte contre la pandémie
a également mobilisé des moyens des armées
L
e 25 mars 2020, l’opération
Résilience
a été lancée pour contribuer
à la lutte contre la pandémie de covid 19. Elle a mobilisé le service de santé
des armées, pour la mise en place d’un élément militaire de réanimation à
Mulhouse, soit 91 soignants et 30 personnes chargées de la logistique, ainsi
que
l’armée de l’air (avions A330
Phénix
, hélicoptères) et la marine
nationale (porte-hélicoptères amphibies
Tonnerre
en Corse,
Dixmude
aux
Antilles et en Guyane et
Mistral
à Mayotte et La Réunion) pour le transfert
17
Audition de la ministre des armées, par la commission de la défense nationale des
forces armées de l’Assemblée nationale, le 5 octobre 2021.
18
Loi n° 2015-917 du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les
années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense.
19
«
La décision de réduire de manière importante le niveau d’engagement des armées
est prise […] lorsque le
s critères de fin de crise majeure sont réunis ou que les moyens
à disposition de l’autorité civile sont estimés à nouveau disponibles, suffisants et
adaptés pour y faire face »
(instruction n°10100 précitée).
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LES CAPACITÉS DES ARMÉES FRANÇAISES EN 2021
47
de patients entre régions et l’acheminement de matériel médical. L’armée
de terre a également été mise à contribution pour des missions
d’appui
sanitaire et logistique,
notamment l’intervention d’équipes spécialisées
dans les risques NRBC
20
pour la décontamination de sites, ainsi que pour
la protection de sites et la sécurisation de convois.
3 -
L’évacuation humanitaire d
e Kaboul en 2021 a été réalisée
grâce à un important pont aérien
Du 15 au 27 août 2021, les armées françaises ont conduit l’opération
Apagan
. Planifiée comme une opération d’évacuation de ressortissants,
elle a rapidement été transformée en opération d
’évacuation humanitaire
de plus de 2 800 personnes vers Paris. Les armées françaises ont eu la
charge du double pont aérien
mis en œuvre à ce titre
, de Kaboul à la base
aérienne 104, située aux Émirats arabes unis,
puis de cette base jusqu’à la
métropole. Elles ont ainsi été amenées à déployer plusieurs dizaines de
militaires à Kaboul et à mobiliser les capacités logistiques et de transit de
la base d’Al
Dhafra, ainsi que des avions de transport (A400M
Atlas
et
C130 pour assurer 26 vols depuis et vers Kaboul, du fait notamment de
leu
rs capacités d’
autoprotection et de vol de nuit, et A330
Phénix
pour
réaliser 16 vols depuis et vers la métropole), en coopération avec les
ministères des affaires étrangères
et de l’intérieur
pour les aspects
consulaires et de sécurité.
Sa réalisation rapide et efficace a été favorisée par une
« conjoncture
assez favorable »
, caractérisée par
l’absence
de grande relève à assurer
concurremment pour l’opération
Barkhane
et une bonne disponibilité des
flottes acquise malgré une
« capacité A400[M] toujours en phase de
montée en puissance »
21
.
4 -
Le soutien aux exportations d’armement
consomme
des ressources significatives
Les armées concourent également au soutien des exportations
d’armement. L’impact le plus
important est occasionné par le prélèvement
de matériel
en dotation, faute de disponibilité d’un stock industriel apte à
répondre à une demande de livraison rapide à l’export
ation. Ainsi, douze
avions
Rafale
d’occasion doivent être livrés à la Grèce en 2021 et 202
3. La
commande du ministère des armées permettant de les remplacer ne donnera
lieu à des livraisons qu’à partir de 2024. Aucune commande n’a en
core été
20
Nucléaire, radiologique, bactériologique et chimique.
21
Audition du chef du centre de planification et de conduite des opérations par la
commission de la défense nationale des forces armées de l’Assemblée nationale, le
29 septembre 2021.
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COUR DES COMPTES
48
annoncée pour le remplacement des douze
Rafale
d’occasion vendus à la
Croatie. Ces contrats incluent la vente de pièces de rechange, de munitions
et d’é
quipements de mission (radars, optronique, etc.), dont les stocks sont
également sous tension. De façon indirecte, le prélèvement de deux
frégates de défense et d’intervention
(FDI) sur la chaîne de production de
Naval Group
, dans le cadre d’un contrat d’e
xportation également conclu
avec la Grèce, retardera la pleine réalisation du format à 15 frégates de
premier rang prévu à l’horizon 2030 par la LPM
,
pour l’instant
tenu grâce
à des frégates de type
La Fayette
, dont les capacités opérationnelles sont
moindres que celles des FDI.
L
e soutien aux exportations d’armement implique un engagement
de plusieurs administrations. Ce soutien pèse sur les armées, sollicitées
pour attester et démontrer les capacités opérationnelles des équipements
proposés et, dans le cas du
Rafale
, former les pilotes. Entre 2016 et 2021,
49 pilotes qatariens, égyptiens, indiens et grecs ont été formés par l’armée
de l’air sur la base aérienne 113 de Saint
-Dizier (la durée de leur formation
est comprise entre quatre et neuf mois). Il mobilise aussi la direction
générale de l’armement
, chargée de garantir le bon déroulement du contrat
d’exportation
et les performances techniques des équipements livrés.
Les exportations bénéficient en retour à la France car elles contribuent
au
maintien de l’industrie de défense
. Elles offrent aussi des opportunités de
coopérations opérationnelles avec les pays clients, comme dans le cas du
contrat conclu avec la Belgique en marge du marché CAMO visant à équiper
la composante terrestre de cet allié avec des blindés
Jaguar
et
Griffon
.
Ces activités, certes prévues par la LPM au titre du soutien au tissu
industriel de défense national, prennent toutefois une ampleur qui pourrait
mettre les armées sous tension pour la réalisation de certaines missions.
II -
Des armées dont certaines insuffisances
n’ont
pas encore été redressées
Si les efforts consentis depuis 2018 ont permis d’entreprendre le
processus de « régénération » des armées, de nombreuses fragilités
organiques restent à réparer. E
n parallèle, l’atteinte de l’ensemble des
capacités prévues par «
l’ambition 2030
» nécessite de combler certaines
lacunes capacitaires et d’augmenter la masse des armées, en vue d’une
possible opération de coercition majeure.
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LES CAPACITÉS DES ARMÉES FRANÇAISES EN 2021
49
A -
Les armées françaises présentent encore
des fragilités
1 -
Le haut niveau d’engagement opérationnel se fait
au détriment de l’entraînement
Chaque armée gère de façon particulière l’équilibre entre
les activités
opérationnelle
s et l’entraînement, qui garantit le maintien des capacités
opérationnelles dans la durée. Toutes cependant, selon leurs modalités
propres, ont été amenées, dans la période récente, à réduire l
entraînement
pour répondre aux nombreuses sollicitations opérationnelles qui mobilisent
leurs moyens
. Pour l’armée de terre,
par exemple, et en particulier
l’infanterie et la cavalerie, l’activité connaît des cycles de 24
mois sur
lesquels les missions intérieures, notamment
Sentinelle
, pèsent fortement
(voir le schéma ci-dessous). Ce cycle à cinq temps (projection, remise en
condition opérationnelle, préparation opérationnelle en garnison, préparation
opérationnelle centralisée, mise en condition avant projection), initialement
conçu en vue de la participation aux opérations extérieures et des prises
d’
alerte, a dû intégrer les participations à la mission
Sentinelle
, au détriment
du temps consacré à l’entra
înement, comme le montre le schéma ci-dessous.
Schéma n° 2 :
activité des forces terrestres
Note : à gauche, cycle théorique en 2015 ; à droite, cycle adapté en 2020 avec les besoins
des missions intérieures
Source :
Cour des comptes, d’après des données de l’
armée de terre
Pour les bâtiments de surface de la marine nationale, la contrainte
principale tient à des considérations de ressources humaines qui limitent
l’activité à environ 110 jours de mer
par an et par unité. La marine nationale
estime de plus
que l’entraînement qualifiant, réalisé essentiellement sous
forme de « stages », consomme environ 25 % de cette activité. Si cet objectif
était atteint en 2017, il ne représentait plus que 21 % des jours de mer en 2019.
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COUR DES COMPTES
50
Les bâtiments de la marine nationale à double équipage
Le double équipage,
mis en œuvre
de longue date pour les sous-marins,
p
ermet une optimisation de l’emploi des
bâtiments en augmentant le nombre de
jours de mer
lorsqu’
ils ne sont pas en maintenance. Il permet également
d’assurer
l’entraînement de l’
équipage resté à terre, sur des simulateurs dont la
qualité s’accroît
, pendant que
l’
autre équipage en mer réalise les missions. Les
bâtiments de soutien sont aussi déjà armés par des équipages doubles.
Pour les frégates multi-missions et patrouilleurs de service public,
le
passage au double équipage permet d’
atteindre 180 à 200 jours de mer par
an. Par ailleurs il améliore les conditions de travail des équipages en leur
donnant plus de visibilité sur les périodes à terre. La principale contrainte
redevient alors la disponibilité technique du bâtiment.
Déjà mis en œuvre sur
les frégates
Aquitaine
et
Languedoc
et sur les patrouilleurs
Flamant
,
Cormoran
et
Pluvier
, le double équipage sera étendu aux autres frégates selon
le retour d’expérience qui
est attendu de ces premières expérimentations.
L’accroissement de l’activité peut
toutefois entraîner un vieillissement
plus rapide des bâtiments et limiter leur durée de service. Le ministère des
armées devra donc compléter le retour d’expérience sur la gestion des
ressources humaines et la conduite des opérations par des études techniques.
Pour l’armée de l’air et de l’espace, c’est la faible disponibilité des
aéronefs qui contraint, voire compromet
l’entraînement
, le nombre limité
d’heures de vol disponible
s étant affecté en priorité aux opérations
22
.
En définitive, pour les trois armées, le niveau de réalisation des
activités et de l’entraînement est durablement inférieur
d’environ 10
%
(jusqu’à 30
% pour les pilotes d’hélicoptères de l’armée de terre et les
pilotes d’avions de transport de l’armée de l’air)
à la norme fixée par
la LPM, comme le montre le tableau ci-après.
Tableau n° 6 :
n
iveau de réalisation des activités et de l’entraînement
Norme LPM
2018
2019
2020
2021
Cible 2023
Journées de préparation
opérationnelle (Terre)
90 jours
81
82
79
81
83
Pilote d’hélicoptère (Terre) *
200 heures de vol
154
173 163
142
158
Pilote de chasse (Air)
180 heures de vol
161
159 152
164
170
Pilote de transport (Air)
320 heures de vol
201
185 176
219
245
Bâtiment de surface (Marine) *
110 jours de mer
101
109 102
95
110
Note
: pilotes d’hélicoptère terre
hors forces spéciales, bâtiments de surface hauturiers
Source : rapport annuel de performances 2020 (réalisé 2018-2020) et projet annuel de performances 2021
(prévision 2021, cible 2023) du programme budgétaire 178
Préparation et emploi des forces
22
Audition du che
f d’état
-
major de l’armée de l’air et de l’espace sur l’actualisation de
la LPM 2019-2025, par la commission de la défense nationale et des forces armées de
l’Assemblée nationale, le 30 juin 2021.
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LES CAPACITÉS DES ARMÉES FRANÇAISES EN 2021
51
2 -
La remontée des effectifs est compliquée par les problèmes
du recrutement et de la fidélisation
La remontée des effectifs prévue par la LPM
, pour l’instant réalisée à
quelques postes près, laisse toutefois
perdurer d’importants déficits de
compétences dans des spécialités où elles sont longues à acquérir (par exemple
la maintenance aéronautique, la propulsion nucléaire dans la marine, le
contrôle aérien) ou convoitées par le secteur privé (notamment pour la mise en
œuvre des systèmes d’information et de com
munication). Ces difficultés sont
aggravées par le fait que les nouvelles embauches sont presque toujours
réalisées en bas de pyramide. Il en résulte une charge de travail accrue pour les
sous-officiers qualifiés, parfois en nombre insuffisant dans leur spécialité, et
qui doivent en outre encadrer et former les nouvelles recrues.
La
Revue stratégique
de 2017 a appelé
à poursuivre l’effort
de
recrutement déjà initié par la LPM 2014-2019 actualisée, dans les spécialités
de la cyberdéfense et du renseignement. La LPM 2019-2025 a
d’ailleurs
prévu qu’une part importante des augmentations d’effectifs soit dirigée vers
ces spécialités. En outre, la ministre des armées a annoncé en septembre 2021
le recrutement,
d’ici à 2025
, de 770 cyber-combattants, en supplément des
1 100 recrutements initialement prévus par la LPM. Ces spécialités sont
toutefois
particulièrement exposées à la difficulté d’attirer et de fidéliser les
candidats qui touche, plus largement, presque toutes les filières.
En effet, la sélectivité pour le recrutement baisse, comme le montre
le graphique ci-dessous, pour les sous-officiers et les militaires du rang.
Les armées ont du mal à susciter autant de vocations qu
’il serait nécessaire
pour faire face à
l’augmentation des besoins de recrutement
. Cette tendance
moyenne recouvre cependant des disparités importantes selon les
spécialités, surtout pour les sous-officiers.
De ce fait, le ministère des armées a accru le recours au personnel
civil sous contrat : les recrutements civils représentaient ainsi 211 personnes
au titre des nouveaux emplois prévus en 2019 par la LPM, soit 48 % du flux
de recrutement annuel, bien au-delà de leur proportion au sein du ministère
(23 % en 2020).
L’évolution de cette tendance, en particulier en fin de
période
d’applic
ation de la
LPM où l’effort de recrutement sera le plus
important, devra faire l’objet de toute la vigilance du ministère
. Il devra en
particulier être attentif à la gestion différenciée des emplois et aux
contraintes opérationnelles que cela pourrait occasionner.
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COUR DES COMPTES
52
Graphique n° 3 :
sélectivité des recrutements
Source
: haut comité d’évaluation de la condition militaire, revues annuelles de la condition
militaire 2015-2020
3 -
L’effort consenti en faveur de l’entretien programmé
du
matériel n’a pas encore permis de restaurer
sa disponibilité
La Cour s’est exprimée plusieurs fois publiquement sur les enjeux
du maintien en condition opérationnelle du matériel
23
,
qui a fait l’objet
de
nombreuses réformes
. L’effort budgétaire est important, puisque
le volume
fléché vers
l’
« entretien programmé du matériel »
du programme
178
Préparation et emploi des forces
représente en 2021, hors dépenses
de personnel, un total de 4,12
Md€ de crédits de paiement (dont 0,94
Md€
pour les forces terrestres, 1,50
Md€ pour la marine nationale, 1,63
Md€
pour l’armée de l’air)
, contre 3,22
Md€ en 2015.
Néanmoins, les
performances observées montrent que la disponibilité des matériels
majeurs reste souvent insuffisante. Ainsi, sauf pour ce qui concerne les
frégates de la marine nationale et les hélicoptères
de l’armée de
terre, les
documents annuels de performance du programme budgétaire 178
Préparation et emploi des forces
ne montrent pas
d’amélioration de la
disponibilité des équipements par rapport aux exigences des contrats
opérationnels (indicateur 5.2) entre 2018 et 2020.
Le tableau ci-dessous présente
le niveau et l’évolution de
la
disponibilité technique opérationnelle (DTO) de quelques équipements
majeurs. La DTO mesure le nombre de matériels disponibles en
pourcentage du besoin prévu par les contrats opérationnels.
23
Notamment Cour des comptes :
Le maintien en condition opérationnelle des matériels
militaires : des efforts à poursuivre
, rapport public thématique, septembre 2014.
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LES CAPACITÉS DES ARMÉES FRANÇAISES EN 2021
53
Tableau n° 7 :
disponibilité de quelques équipements majeurs
% du besoin opérationnel
Réalisation
2018
2019
2020
Char Leclerc
85 %
80 %
87 %
Véhicules blindés de combat d’infanterie
74 %
67 %
58 %
H
élicoptères de manœuvre de l’armée de terre
36 %
39 %
45 %
Frégates
51 %
70 %
66 %
Hélicoptères marine
50 %
51 %
49 %
Avions de transport tactique
64 %
57 %
65 %
Avions de combat
86 %
85 %
82 %
Source : projets et rapports annuels de performance 2018, 2019 et 2020 du programme
budgétaire 178 « préparation et emploi des forces ».
Pour le matériel aéronautique, des réformes importantes ont été
lancées avec la création de la direction de la maintenance aéronautique en
2017, la mise en œuvre de contrats
dits « verticalisés » responsabilisant un
industriel unique sur la base de la disponibilité globale
d’une flotte,
et
l’augmentation
importante des moyens financiers
consacrés à l’entretien
programmé du matériel. Il s’agit en effet du domaine qui présente le plus
d’enjeux, dans
la mesure où la disponibilité des aéronefs est souvent
décevante et que les ressources budgétaires allouées représentent plus de la
moitié de l’ensemble des budgets de maintenance.
À ce stade, les effets
attendus de ces réformes sur l’augmentation de la d
isponibilité des aéronefs
ne sont pas encore observés, comme le montrent l’encadré ci
-dessous et le
tableau n° 7 ci-avant.
La disponibilité du matériel aéronautique
Pour rendre compte de la disponibilité de ses équipements, le
ministère des armées utilise deux notions complémentaires :
-
la disponibilité technique (DT), qui décrit le nombre d'avions
effectivement disponibles, rapporté au parc total
: elle permet d’évaluer
l’efficacité de la maintenance
;
-
la disponibilité technique opérationnelle (DTO), qui module la
disponibilité technique selon les besoins des contrats opérationnels : elle
permet entre autres d’estimer
la marge dont les armées disposent pour
s’entraîner
.
La DTO est un indicateur de performance du programme 178
Préparation et emploi des forces.
En revanche le ministère des armées a
souhaité, après 2017, restreindre la diffusion des données relevant de la DT,
jugée plus sensible.
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COUR DES COMPTES
54
L
indicateur de la DTO est une valeur moyenne établie par catégorie
d
’appareil
(par exemple, pour l
’ensemble d
es avions de combat,
Mirage
et
Rafale
confondus).
La DT, au contraire, est propre à chaque type d’appareils
et sa dégradation peut traduire le vieillissement des équipements. En outre,
le matériel déployé en opération est plus à jour de ses visites de
maintenance,
tandis
que
le
matériel
restant
en
métropole
pour
l’entraînement
concentre, pour certaines flottes critiques, les problèmes de
disponibilité.
La Cour relève que,
s’agissant
des avions de combat de l’armée de
l’air
et sur la base de déclarations publiques de responsables du ministère
des armées :
-
en 2017, la DTO était de 92
% pour l’ensemble
des avions de combat,
tandis que la DT, alors publique,
n’atteignait que 44,5
% ;
-
pour les
Rafale
, cette même DT était de 55,9 % au premier semestre
201724 ;
-
en 2021, la DTO prévue
, actualisée en cours d’année, reste de
85 %, sans
amélioration par rapport au début de la LPM ;
concernant la DT des
Rafale
, le ministère des armées annonçait par
ailleurs pour le premier semestre 2021 une amélioration de + 50 % par
rapport à 2017, soit une disponibilité technique
de l’ordre de 84
%, ce qui
semble élevé
alors même qu’au moins 14
avions sur les 102 en parc
(13,7
%) n’étaient pas en état de vol du fait de leur utilisation comme
« réservoirs de pièces détachées »25, en sus des avions indisponibles du fait
de pannes.
La disponibilité du matériel terrestre demeure un enjeu important
malgré les réformes mises en place depuis une dizaine d’année
: création de
la structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels
terrestres (SIMMT), évolution de la contractualisation avec des contrats
transverses prenant en compte de nombreux accessoires (pneus, piles,
batteries, etc.), plus grande responsabilisation de certains industriels avec des
contrats prévoyant des engagements de disponibilité sur les parcs
d’entra
î
nement et amélioration des systèmes d’information
logistiques. Les
problèmes rencontrés proviennent notamment du vieillissement de certains
parcs (dont le segment des blindés médians, en attendant leur remplacement
par les
Griffon
et
Jaguar
livrés au titre du programme SCORPION
26
), de
24
Rapport pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées de
l’Assemblée nationale sur le projet de loi de finances 2018, n°
277 tome VI, octobre 2017.
25
Audition de la ministre des armées par la commission des affaires étrangères, de la
défense et des forces armées du Sénat, le 6 octobre 2021.
26
Les premiers
Griffon
livrés à l’armée de terre sont déjà employés en opérations.
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LES CAPACITÉS DES ARMÉES FRANÇAISES EN 2021
55
l’engagement intensif en opérations extérieur
es sur des terrains accélérant
l’usure d
u matériel
(c’est par exemple le cas de l’artillerie
CAESAR,
employée
au titre de l’opération
Chammal
)
et de l’hétérogéné
ité des parcs,
qui multiplie les chaînes de maintenance et les nombres de pièces à détenir
(par exemple en ce qui concerne les
hélicoptères de l’aviation légère de
l’armée de terre)
. Pour pallier les effets de cette disponibilité insuffisante,
l’armée de terre a mis en place il y a une dizaine d’année une gestion
mutualisée des engins,
dans le cadre de la politique d’emploi et de gestion
des parcs (PEGP),
qui a fait l’objet d’une réforme en 2016 avec la pol
itique
de gestion des parcs au contact (PAC), visant notamment à augmenter la
dotation des régiments pour faciliter la préparation opérationnelle.
Pour le matériel naval, la création du service de soutien de la flotte
en 2000 et la mise en place de contrats verticalisés par flotte ont permis de
mettre en œuvre un système de soutien abouti, avec une bonne implication
de l’ensemble des acteurs
. L
e taux de disponibilité des bâtiments s’est
stabilisé autour d’une
valeur très proche du maximum théorique,
correspondant au calendrier prévisionnel des arrêts techniques. Il importe
néanmoins de rester vigilant sur cette performance, le vieillissement de
certaines unités, prolongées
dans l’attente de la livraison de leur
remplaçant, pouvant faire augmenter leur indisponibilité pour avarie.
B -
Beaucoup reste à faire pour atteindre
«
l’ambition
2030 »
En complément des difficultés organiques, le déficit de matériel dans
certains segments occasionne des réductions de capacités dont la résorption, qui
dépend de la livraison de nouveaux équipements, suppose une poursuite dans
la durée des travaux engagés. En outre, atteindre d’ici à 2030 l’ensemble des
ambitions fixées par la LPM, en ce qui concerne l’éventualité d’une opération
de coercition majeure, suppose une montée en puissance globale des armées.
1 -
Le comblement des lacunes capacitaires et la prise en compte
des nouvelles menaces
s’inscri
vent dans le temps long
Trop peu anticipée ou sujette à des retards, la réalisation de
nouveaux programmes
d’armement
visant à remplacer du matériel
vieillissant ou déjà retiré du service peut occasionner dans les armées des
ruptures de capacités plus ou moins temporaires. C’est par exemple le cas
pour le transport aérien tactique, où la forte indisponibilité des
C130H
Hercules
et le retrait de service des C160
Transall
de l’armée de
l’air occasionne de fortes contraintes qui ne trouveront leur terme qu’en
2028, une fois l’ensemble des A400M livrés et mis à niveau
. Les premiers
avions ont en effet été livrés aux armées dans une version « incomplète »,
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56
limitée pour l’essentiel au transport de matériel et de passagers sur longue
distance. Aussi font-ils
l’objet de chantiers de mise à niveau jusqu’en 2026
.
Les contraintes dans le segment du transport aérien stratégique
conduisent l’armée de l’air à faire appel à des vols affrétés ou à l’aide de
nos partenaires. De même,
comme la Cour l’a déjà souligné
publiquement
27
, les retards du programme européen de drone MALE
28
contraignent les capacités de reconnaissance et de frappe sur les théâtres
d’opérations
, et la livraison très progressive des drones
Reaper
américains
ne permet pas à ce jour de répondre pleinement aux besoins des armées.
Pour le matériel naval, c’est surtout le segment hauturier qui
présente un déficit depuis 1995, avec un nombre de frégates de premier
rang inférieur à 15
unités jusqu’à 2030, après un creux
à 10 ou 11 unités
entre 2014 et 2025. Le retard du lancement des programmes de
patrouilleurs hauturiers occasionne également des manques, jusqu’à 2025
outre-mer et 2030 en métropole. Enfin, le retrait progressif du service des
pétroliers-ravitailleurs, dont seuls la
Marne
et la
Somme
sont encore en
service,
respectivement jusqu’en 2023 et 2025
, pour un format théorique
de quatre unités, limitera
l’autonomie des déploiements navals jusqu’à la
livraison du dernier bâtiment ravitailleur de force, en 2029.
Les moyens de patrouille maritime sont de plus en plus sollicités, en
métropole pour lutter contre les migrations illégales en Manche, comme outre-
mer en raison
de l’
intensification des besoins de police des pêches dans
l’
Indopacifique et de lutte contre le trafic de stupéfiants aux Antilles et en
Guyane. Alors que les forces navales interviennent régulièrement en
opérations (missions du groupe aéronaval et des trois porte-hélicoptères
amphibies jusqu’en
Indopacifique, missions de prévention des crises au large
du Mozambique et de la Guinée, etc.), ces ruptures capacitaires
sont d’autant
plus pénalisantes qu’elles s’inscri
vent dans la durée. En outre, la dispersion des
unités hauturières entre les différentes bases navales, en métropole et outre-
mer (hormis à Toulon, port-
base de l’ensemble des bâtiments de surface
« de haut du spectre ») les rend davantage sensibles aux aléas de toute nature
29
.
Pour l’armée de terre enfin, c’est avant tout la livraison des
véhicules blindés légers du programme SCORPION (véhicules
Griffon
et
Serval
) qui
constitue, jusqu’en 2030, l’enjeu majeur de renouvellement des
27
Cour des comptes,
Les drones militaires aériens, une rupture stratégique mal
conduite
, Rapport public annuel 2020.
28
Drone de moyenne altitude et longue endurance.
29
L’incendie survenu à l’été 2021 sur le BSAOM
d’Entrecasteaux
, alors que la frégate
de surveillance
Vendémiaire
était indisponible pour entretien, a par exemple fortement
compromis les capacités hauturières de la marine nationale en Nouvelle-Calédonie
audition du chef d’état
-major de la marine par la commission des affaires étrangères,
de la défense et des forces armées du Sénat, le 27 octobre 2021.
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LES CAPACITÉS DES ARMÉES FRANÇAISES EN 2021
57
équipements. Les systèmes de drones tactiques
Patroller
sont également
très attendus, en remplacement des drones
Sperwer
, employés à titre
intérimaire depuis 2001.
Enfin, l’effort porté sur les véhicules du segment
médian, très employés en opérations, principalement grâce au véhicule
blindé
Griffon
, a conduit à repousser les travaux portant sur les
équipements lourds
, dans le domaine des chars et de l’artillerie.
La longue durée
des programmes d’armement
correspondant à ces
équipements a deux corollaires : une stabilité des objectifs fixés et une
continuité des moyens budgétaires permettant leur bonne réalisation. Leur
mise en œuvre
risque en conséquence de faire obstacle au développement
rapide de nouvelles capacités pour prendre en compte
l’
évolution des
menaces. Ainsi les capacités développées par le programme « action et
résilience spatiale », lancé en application de la stratégie spatiale de défense
présentée en 2019, ne seront effectives qu’à l’horizon 2030.
2 -
L’opération de coercition majeure constitue
un défi
pour des armées qui ne disposent plus de la masse nécessaire
Le contrat fixé aux armées de pouvoir intervenir, au sein d’une
coalition,
dans
une
opération
de
coercition
majeure
regroupant
d’
importants
moyens (jusqu’à deux brigades
interarmes soit environ
15 000 hommes, le porte-avions et son groupe aérien ainsi que deux porte-
hélicoptères amphibies et
jusqu’à 45 avions de combat)
30
répond au
scénario d’un affrontement symétrique entre États
ou alliances. Ce scénario
devient moins improbable dans un contexte marqué par l’affirmation de
puissance de certains États, dont la
Revue stratégique
de 2017 et
l’
Actualisation stratégique
de 2021 ont relevé
qu’elle suscite un risque
d’escalade
accru. Le réarmement des principaux compétiteurs stratégiques
traduit le durcissement du contexte, alors que le format des armées
françaises prévu par la LPM va présenter une stabilité importante
jusqu’
à
2030. Malgré les moyens engagés dans la LPM, le risque de déclassement
existe donc. Par exemple, la flotte de 250 avions de combat, en incluant
l’aéron
autique navale, ne
place la France qu’au treizième rang mondial.
Trois puissances, les États-Unis, la Chine et la Russie, disposent de plus de
1
600 avions de combat et une dizaine d’autres États possèdent des flottes
plus importantes que celle de la France.
Dans la mesure où presque tous les moyens disponibles des armées
sont engagés en opérations ou en entraînement, dans le cadre de la situation
opérationnelle de référence, une opération majeure nécessiterait une bascule
importante entre les théâtres d’opérations actuelleme
nt ouverts et le lieu
30
Rapport annexé à la LPM 2019-2025, paragraphe 2.2.
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COUR DES COMPTES
58
d’une telle opération
. De plus, les missions sanctuarisées de protection du
territoire et le soutien à la dissuasion devraient sans doute être renforcés à
cette occasion
, en puisant dans le même réservoir de moyens d’où serait
tirée la contribution des armées à cet engagement majeur.
Au-delà de la disponibilité des moyens, un engagement majeur
suppose une préparation accrue
de l’ensemble des forces
à ce type de
scénario, qui
exige le déploiement de capacités d’un volume très supérieur
à
celui de chacune des opérations extérieures récentes. L
’exercice interarmées
Orion
, que les armées prévoient de réaliser en 2023, répond à cette nécessité.
La préparation des armées demande aussi des exercices majeurs pour
entraîner les forces à la « haute intensité ». Or, en raison de leur complexité
et du nombre d’unités y concourant
, ces exercices subissent particulièrement
les aléas de la disponibilité du matériel et des besoins opérationnels.
En ce qui concerne plus spécifiquement l’armée de terre
, les constats
réalisés à l’occasion de l’exercice
Warfighter
, organisé par les États-Unis
pour simuler une opération aéroterrestre d’ampleur dans le cadre d’une
intervention interalliée de haute intensité, montrent les défis qui restent à
relever
si l’on
veut atteindre les ambitions les plus élevées de la LPM au
titre de la fonction stratégique « intervention ». Une des deux divisions
françaises (la troisième division) a participé à cet exercice simulé conduit
au niveau du volume d’un corps d’armée, soit e
nviron 100 000 hommes,
regroupant trois divisions alliées. E
lle était complétée d’une troisième
brigade américaine de 5
000 hommes pour les besoins de l’exercice. Le
chef d’état
-
major de l’armée de terre
a présenté
le résultat de l’exercice
pour la contribution française : dans le cadre du scénario de
Warfighter
,
«
au bout de 10 jours et 10 nuits d’opérations, l’arbitrage a été établi à
1 700 morts et 11 000 blessés »
31
.
Compte tenu de l’impact d’une telle
opération majeure sur le format des armées, et des difficultés de relève que
cela poserait, ces premiers résultats montrent le défi que représente la
réalisation de
ce type d’opérations
dans la durée, pour une armée française
qui ne dispose plus de la masse nécessaire.
Au-delà des pertes humaines, le haut
niveau d’attrition attendu
concerne aussi les équipements (dont les plus importants, par exemple les
bâtiments de la marine, ne pourront pas être remplacés rapidement), les
rechanges et les munitions, notamment les missiles. La RAND corporation
concluait ainsi une note de recherche sur les capacités françaises :
« La France est prête pour la guerre, mais pas pour une guerre qui dure »
32
.
31
Audition du chef d’état
-
major de l’armée de terre, sur l’actualisation de la LPM 2019
-
2025, par la commission de la défense nationale et des f
orces armées de l’Assemblée
nationale, le 23 juin 2021.
32
« France is ready for war, but not a long war »
Rapport de recherche de la RAND
Corporation de 2021 intitulé «
A Strong Ally Stretched Thin
: An Overview of France’s
Defense Capabilities from a Burdensharing Perspective
», 2021.
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LES CAPACITÉS DES ARMÉES FRANÇAISES EN 2021
59
______________________ CONCLUSION ______________________
Fortement engagées sur le territoire national métropolitain et outre-
mer comme en opérations extérieures, les armées remplissent en 2021
l’ensemble de
leurs missions militaires et des missions de service public
qui leur sont confiées. Elles interviennent ainsi dans le cadre de deux
opérations extérieures majeures, Barkhane au Sahel et Chammal au
Levant, tout en maintenant de nombreux déploiements pour la prévention
des crises et en assumant les postures permanentes de dissuasion
nucléaire, de protection du territoire ainsi que, depuis 2015, la mission
Sentinelle de lutte contre le terrorisme.
Cette soll
icitation opérationnelle très forte n’est pas sans
conséquences sur l
entraînement et sur la disponibilité des matériels. Sur
ces deux plans, les objectifs fixés par la LPM au titre de la régénération
des armées ne sont pas atteints à ce jour. Les armées pâtissent également
d’un déficit de compétences dans certains domaines, que les récentes
augmentations d’effectifs n’ont pas encore pu combler
. Cela les amène à
porter une attention accrue à l’attractivité du métier des armes.
Enfin, dans un contexte stratégique de montée des menaces, le
manque de masse et d’équipements dans certains domaines capacitaires
fait peser un risque sur l’atteinte à l’horizon 2030 du modèle d’armée
complet et équilibré qu’ambitionne la LPM
, afin de rendre les armées aptes
à
s’enga
ger dans une opération majeure de haute intensité dans le cadre
d’une coalition
.
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Chapitre III
Vers des choix nécessaires
Le troisième chapitre présente les enjeux de la programmation
militaire, qui nécessitent des choix de la part des pouvoirs publics. En effet,
la réalisation de «
l’ambition 2030
» annoncée par la LPM est confrontée
au double défi de la dégradation des finances publique
s à l’issue de la crise
sanitaire et de l’accélération de la montée des menaces décrite dans
l’
Actualisation stratégique
de 2021. Dans ce contexte tendu, la Cour invite
le ministère des armées à se saisir de toutes les marges de manœuvre qui
pourraient se présenter à lui, en tirant un meilleur parti des possibilités
offertes par les coopérations européennes et en réexaminant le périmètre
des missions des armées.
C
es marges de manœuvre sont
toutefois limitées. Des choix portant
sur le modèle d’armée lui
-même risquent donc
d’être nécessaires. Pour les
éclairer, le chapitre esquisse trois scénarios. Le premier est la confirmation
de «
l’ambition 2030
» de la LPM : il suppose une poursuite de la
croissance de l’effort budgétaire de défense, qu’il sera difficile
de concilier
avec la réduction du déficit public à 3 % du PIB en 2027 à laquelle la
France s’est engagée. Le second est celui d’une réduction homothétique
des moyens, comme cela a été fait en 2008 et en 2013 : la réalisation de ce
scénario risque de mettre à mal la cohérence des armées et leur aptitude à
remplir leurs missions. Le dernier est celui de choix capacitaires,
à l’image
de ce qu’a commencé à faire le
Royaume-Uni. Cependant il ne produit pas
d’économie budgétaire à court terme et implique des reno
ncements.
Pour préparer ces choix, le ministère des armées doit améliorer ses
processus de décision, en renforçant
sa capacité d’anticipation stratégique
à moyen et long termes, en informant mieux les pouvoirs publics des
enjeux stratégiques et opérationnels et de leur traduction budgétaire, et en
gagnant en réactivité dans la conduite des programmes d’armement pour
livrer plus vite, mieux capter l’innovation et s’adapter à l’évolution des
besoins opérationnels.
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COUR DES COMPTES
62
I -
Une
croissance de l’
effort de défense
de plus en plus ardue à soutenir
La
remontée en puissance de l’
outil de défense prévue par la LPM
2019-2025 se heurte à la conjonction de deux évolutions défavorables.
D’une part, les finances publiques se sont dégradées sous l’effet de la crise
sanitaire, imposant un effort de réduction du déficit public d’ici à
2027 qui
peut contrarier la pou
rsuite d’une forte croissance des budgets de défense.
D’autre part, l’accélération et la diversification de la montée des menaces
mises en évidence
par l’
Actualisation stratégique
de 2021 tendent
parallèlement à augmenter les besoins en matière de défense.
A -
L’impact de la crise sanitaire sur les finances
publiques complique la poursuite de
l’effort de défense
1 -
Les annuités budgétaires 2024 et 2025 de la loi
de
programmation militaire n’ont pas été confirmées en 2021
Selon les termes des articles 3 et 7 de la LPM, la trajectoire des crédits
budgétaires pour 2024 et 2025 aurait dû être consolidée par une actualisation
mise en œuvre avant la fin de l’année 2021,
« prenant en compte la situation
macroéconomique à la date de l’actualisation
»
. Celle-ci devait, par ailleurs,
permettre de
« vérifier la bonne adéquation entre les objectifs fixés
[…]
, les
réalisations et les moyens consacrés »
. Elle
devait s’inscrire dans
l’objectif
fixé par la loi en 2018 (article 2) «
de porter l’effort national de défense à
hauteur de 2 % du produit intérieur brut
» en 2025. Considérant que, du fait
des conséquences économiques de la crise sanitaire, cet objectif de 2 %
n’
était
plus une référence, la ministre des armées a proposé de
«
[se concentrer]
sur
la relance de notre économie avant de réévaluer nos perspectives de
croissance pour l’horizon 2025. C’est alors qu’il sera pertinent de consolider
les ressources de nos armées pour les années 2024 et 2025 »
33
.
Pour autant, la programmation militaire du ministère des armées a
été construite
sur l’hypothèse
d’
un budget de 47
Md€ en 2024 et de 50
Md€
en 2025. L
a visibilité sur les crédits futurs est nécessaire à la mise en œuvre
d’une programmation pluriannuelle
et les besoins financiers doivent
d’ores
et déjà être exprimés par le ministère pour ces deux exercices. À défaut de
permettre de conclure quant à la situation macroéconomique, comme le
prévoit l’article 3 de la LPM, ils permettront de vérifier la bonne
adéquation entre ambitions et moyens appelée par son article 7.
33
Audition de la ministre des armées par la commission de la défense nationale des
forces armées de l’Assemblée nationale, le 4 mai 2021.
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63
2 -
La crise sanitaire a fragilisé les finances publiques de la Nation
et a fait émerger d’autres priorités
publiques
Dans son rapport de juin 2021 relatif à la situation et aux
perspectives des finances publiques, la Cour des comptes relevait que les
conséquences économiques de la crise sanitaire, et notamment les mesures
de soutien à l’économie et le plan de relance, avaient
eu un impact sans
précédent sur les finances publiques. Leur principal effet mesuré était, en
2020, un déficit public de 9,2 % du PIB et une dette publique représentant
désormais 115,1 % du PIB (soit 2 650
Md€). Malgré le rebond économique
de
2021, l’ambition du
Programme de stabilité 2021-2027
34
de ramener le
déficit public en-dessous de 3 % en 2027, niveau qui permettrait au ratio
de dette sur PIB de
commencer à s’infléchir, suppose un effort important
de maîtrise de la dépense publique : celle-ci ne devrait croître, hors charges
d’intérêts, que de 0,6
% en volume sur cette période, soit une économie
supplémentaire en dépense de près de 9
Md€
chaque année, selon les
calculs présentés par la Cour dans le rapport précité.
En outre, la crise économique a fait émerger de nouvelles priorités
publiques, qui se sont traduites dans un premier temps par le plan
France
relance
: emploi des jeunes, transition écologique, soutien de l’innovation
et en particulier des petites et moyennes entreprises. Hormis les mesures
de soutien à l’aéronautique, qui intégraient notamment des achats de
matériel, très peu de ces mesures concernent spécifiquement la défense.
Dans la mesure où le budget du ministère des armées en 2021
représente 10,5
% de celui de l’État hors charge de la dette, le contexte de
finances publiques présenté ci-
dessus s’accorde mal avec les objectifs
d’augmentation en volume visant à réaliser l’ensemble des ambitions
décrites par la LPM, sauf à orienter une partie plus importante des
ressources destinées à la relance de l’économie vers l’effort de défense
.
Cette
orientation n’
a pas à ce stade été retenue par le Gouvernement.
34
Le
Programme de stabilité
d’avril 2021 a actualisé les prévisions de croissance et la
trajectoire de finances publiques que le Gouvernement s’est fixée pour les années 2021 à 2027.
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64
B -
L’actualisation stratégique de 2021
a confirmé
la montée et la diversification des menaces
1 -
Le risque de conflit de haute intensité entre États
est moins improbable que par le passé
En 2017 déjà, la
Revue stratégique de défense et de sécurité nationale
constatait une remise en cause de l’ordre multilatéral
, marquée par la posture
de certains États privilégiant ouvertement les rapports de force, contestant
l’ordre établi ou bloquant le fonctionnement d’institutions internationales
:
c
e type d’actions ser
ait de nature à
« faciliter la propagation rapide des effets
des crises »
. L’
Actualisation stratégique
de janvier 2021 ne dit pas autre
chose, constatant même une accélération de cette dégradation du contexte
stratégique. Cette dégradation stratégique conduit l’état
-major des armées à
considérer que l’état de compétition est désormais permanent
,
qu’il est d’ores
et déjà exacerbé localement ou dans certains champs stratégiques par de
multiples formes de contestations, pouvant déboucher sur des affrontements
ouverts plus facilement que par le passé.
Pour les responsables du ministère des armées,
« les trois menaces
principales
[identifiées dès 2017]
, le terrorisme djihadiste, la prolifération
des armes de destruction massive et le retour de la compétition stratégique
entre puissances
[…]
s’aggravent et s’accélèrent
»
35
. Il s’agit en particulier
de l’affirmation
de puissances régionales, qui ont pu, par exemple, justifier
de la part de la France des missions de réassurance en Méditerranée
orientale
à l’été 2020
, ou aux difficultés rencontrées par la marine nationale
à l’occasion de sa participation à la mission
Irini
de contrôle de l’embargo
sur la vente d’armes à la
Libye en juin 2020. L
’opération
Agenor
, visant à
sécuriser le trafic pétrolier dans le détroit d’Ormuz
,
s’inscrit
également
dans ce contexte général de montée des tensions.
Le durcissement des menaces rend plus concrète
l’ambition de
disposer d’un modèle d’armée apte à faire face à l’ensemble du spectre de
s
menaces, y compris en participant à une opération de coercition majeure.
Le réarmement des principales puissances, en particulier dans le domaine
naval, qui est illustré par la carte ci-après, pourrait même nécessiter, selon
les objectifs stratégiques retenus par le Gouvernement, une croissance du
format des armées. Or cette perspective
n’est pas envisagé
e dans la LPM
au titre de «
l’
ambition 2030 ».
35
Audition du chef d’état
-
major des armées, sur l’adaptation de la LPM 2019
-2025 aux
enjeux stratégiques, par la commission de la défense nationale et des forces armées de
l’Assemblée nationale, le 2 juin 2021.
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65
Carte n° 3 :
capacités des principales flottes mondiales
Source :
centre d’études stratégiques de la marine, mai 2020
2 -
Les
zones géographiques pouvant nécessiter l’intervention
des armées sont de plus en plus nombreuses
L
es zones d’engagement
possible de la France, identifiées dans la
Revue stratégique de défense et de sécurité nationale
de 2017
l’
« arc de
crise » incluant la bande sahélo-saharienne en Afrique et le Proche et
Moyen-Orient
et les zones de tensions
flanc Est de l’Europe,
Méditerranée et rive Sud
restent des aires d’intérêts. Ces zones mobilisent
toujours fortement les armées françaises, notamment l’armée de terre et
l’armée de l’air, qui y sont déployées régulièrement au titre de la prévention
ou de la gestion des crises.
S’y ajoutent désormais de nouvelles régions, notamment maritimes
:
la Baltique et l’Atlantique Nord, ainsi que la mer de Chine méridionale.
Cela augmente pour la marine nationale le nombre de zones nécessitant des
passages régulie
rs à défaut d’une présence permanente
: missions jusque
dans le Grand Nord, par exemple, pour le bâtiment de soutien et d’appui
métropolitain (BSAM)
Rhône
en août 2021, mission
Marianne
dans le
Pacifique pour le SNA
Émeraude
et le BSAM
Seine
en mai 2021.
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66
E
nfin le regain d’intérêt des principales puissances pour
l’Indopacifique
met sous tension
le modèle d’action de la marine nationale,
qui doit y assurer le contrôle de l’État sur une zone économique exclusive
particulièrement vaste.
Cela conduit à un fort éparpillement des forces armées, amenées à
intervenir partout en même temps. Dans une récente analyse de la capacité
de la France à être un allié des États-Unis, la RAND corporation a ainsi
résumé sa situation dans les termes suivants :
« Un allié puissant mis à rude
épreuve »
36
.
3 -
Les menaces émergent de plus en plus rapidement,
dans de nouveaux champs de la conflictualité
L’introduction de nouvelles technologies et leur dissémination,
notamment en matière de défense anti-missiles et antiaérienne, ont
tendance à niveler les capacités opérationnelles de nombreux acteurs
stratégiques. La prolifération de menaces, par exemple NRBC, la
généralisation des cyberattaques et le changement de contexte stratégique
dans l’espace exo
-atmosphérique multiplient par ailleurs les champs de
conflictualité. Cela exige des armées une réactivité plus forte, tant par la
technologie que dans sa
doctrine, pour s’adapter sans cesse à de nouvelles
formes de confrontation.
Ces évolutions technologiques, rapides voire en rupture, demandent
un effort de modernisation constant des équipements fournis aux armées ;
c’est d’ailleurs une des ambitions de la
LPM. Elles peuvent également
nécessiter la création de nouvelles capacités, ce qui s’est par exemple
traduit, depuis le vote de la LPM, par l’adoption d’une nouvelle
stratégie
cyber des armées
puis d’une
stratégie spatiale de défense
en 2019
; il s’agit
désormais de maîtriser les technologies de missiles hyper-véloces ou
encore de réinvestir les grands fonds marins. Dans le volet de la défense
civile, la création en septembre 2021 du service à compétence nationale de
vigilance et de protection contre les ingérences numériques étrangères
Viginum
fait écho aux récentes campagnes de désinformation menées en
Afrique à l’encontre de la force
Barkhane
.
36
« A strong ally stretched thin »
Rapport de recherche de la RAND Corporation de
2021, cité.
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67
La stratégie spatiale de défense
En septembre 2019, le Président de la République a approuvé une
nouvelle stratégie spatiale de défense, visant à renforcer les capacités des
armées selon quatre piliers capacitaires : le soutien aux capacités spatiales,
la connaissance de la situation spatiale, l’appui aux opérations et l’action
dans l’espace.
Le premier pilier a
notamment consisté en la création d’un
commandement de l’espace, rattaché à l’armée de l’air
,
devenue à l’occasion
armée de l’air et de l’espace
. L
’installation
à Toulouse du commandement de
l’espace
et la montée en puissance de ses effectifs doivent,
d’ic
i à 2025, lui
permettre
d’assurer l’ensemble des missions qui lui sont dévolues, dont le
maintien en orbite des satellites militaires avec le concours du CNES.
Le renforcement de la connaissance de la situation spatiale et de
l’action dans l’espace a donné
lieu à des programmes d’équipement
ambitieux, qui doivent permettre de franchir une première étape dans le
processus de remplacement du radar GRAVES37
d’ici à 2025, puis
de
réaliser
un démonstrateur de capacités d’
« action et résilience dans
l’espace
» pour 2030 (permettant par exemple aux satellites militaires
français de détecter voire de se défendre contre des objets effectuant des
manœuvres ambiguës ou hostiles à leur approche)
.
Le développement de l’appui aux opérations vise quant à lui à faciliter
l’a
ccès aux moyens spatiaux pour les forces déployées. Il comprend une
augmentation des capacités de télécommunications spatiales et une
amélioration des capacités de traitement et de transmission des données au sol.
La stratégie spatiale de défense est ainsi source de besoins nouveaux, non
programmés au titre de la LPM, dans un domaine où la France ne disposera des
moyens opérationnels pour faire face aux nouvelles menaces qu’à l’horizon 2030.
II -
Des marges de manœuvre à identifier
et à exploiter davantage
Dans le contexte actuel, il est important que le ministère des armées
identifie et exploite au mieux l
es marges de manœuvre qui
, bien que
limitées, pourraient contribuer à desserrer la tension entre les contraintes
liées à la montée des menaces et celles liées à la dégradation des finances
publiques. Sur la base de ses travaux passés, la Cour des comptes présente
ci-après quelques pistes qui pourraient être explorées.
37
Développé par l’ONERA dans les années 2000, le
système GRAVES permet de
suivre quotidiennement et cataloguer plus de 3 000 objets spatiaux en orbite basse.
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68
A -
Mieux exploiter les opportunités offertes
par la coopération européenne
1 -
Consolider et diversifier les coopérations interétatiques
en
matière d’armement
Le ministère des armées dispose d’une solide expérience de la
coopération avec les États européens dans le do
maine de l’armement. Dans
son rapport public thématique d’avril 2018
, consacré à
La coopération
européenne en matière d’armement
, la Cour des comptes avait souligné les
aspects positifs qui pouvaient être attendus de ces coopérations, en termes
de partage
des coûts de développement et de consolidation de l’industrie de
défense,
dans une perspective d’autonomie stratégique européenne. Le
rapport soulignait néanmoins certains travers, notamment des dérives de
coûts et de délais, qu’il convenait de limiter, en
réalisant dès le départ les
conditions nécessaires à une coopération réussie. Parmi ces conditions,
figurent l’harmonisation des besoins opérationnels des partenaires,
l’alignement de
leurs contraintes budgétaires et calendaires et
l’
organisation
d
’une
ma
îtrise d’ouvrage et d’une
maîtrise d’œuvre permettant
de prendre
rapidement des décisions. Cela devrait le plus souvent conduire à limiter le
nombre de partenaires au début de la coopération.
Aujourd’hui,
beaucoup
d’enjeux
se
concentrent
sur
le
développement du système de combat aérien du futur (SCAF), lancé en
coopération avec l’Allemagne et l’Espagne.
Les exigences techniques de
l’intégration
, dans un système collaboratif, des vecteurs, pilotés ou non,
des armements et des moyens de communication et de coordination de ce
système, font naître des projets de « systèmes de systèmes » dont la
réalisation demande des crédits
considérables, de l’ordre de plusieurs
dizaines de milliards d’euros,
qui rendent nécessaire la mutualisation des
coûts de développement avec des partenaires.
La réussite d’un tel système
favoriserait
le maintien au meilleur niveau mondial de l’industrie
aéronautique européenne. Son échec placerait les États européens dans une
situation de dépendance accrue envers les États-Unis. Un retour à la voie
nationale, comme pour le
Rafale
dans les années 1980, engendrerait des
besoins budgétaires très importants, sans garantie sur l
’interopérabilité
avec
nos partenaires et l’articulation des di
fférents systèmes entre eux.
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69
2 -
Mieux tirer parti des financements de l’Union européenne
,
en cohérence avec
l’
implication de la France
dans
l’Alliance atlantique
Au-delà de la coopération interétatique à laquelle le ministère des
armées est habitué de longue date, le contexte actuel est marqué par une
activité croissante
de l’Union européenne
sur les questions de défense. Cet
intérêt se traduit par la mobilisation de ressources budgétaires européennes
qui peuvent offrir des opportunités
pour la France. L’Union
européenne a
commencé par investir le domaine spatial, qui a longtemps été un champ des
coopérations interétatiques au sein de l’Agence spatiale européenne, avec le
cofinancement de projets, comme la constellation de satellites
Galileo
dont
les applications sont à la fois civiles et militaires. Ainsi, le budget spatial de
l’Union européenne s’élève à
13,2
Md€ sur la période 2021
-2027.
Plus récemment, l’Union européenne a prévu des moyens
budgétaires pour la politique de l’armement afin de contribuer, au
côté des
États membres, au financement de la recherche de défense et au
développement de certains équipements. Le budget du fonds européen de
la défense est doté de 8,5
Md€ pour la période 2021
-2027. Enfin, les efforts
que l’Union européenne déploie, au cô
té des États, pour la relance de
l’économie après la crise sanitaire, pourraient être orientés en partie vers
les industries utiles pour la défense.
En 2021, dans le cadre du fonds européen de la défense
, l’Union
européenne a déjà décidé de financer 23 projets pour un montant de
1,2
Md€, dont 700 M€ pour le développement de programmes majeurs
dans le domaine de l’aviation de combat de nouvelle génération, des
navires modulaires et des dispositifs de défense antimissiles. Elle va
également consacrer
100 M€
au développement de technologies de rupture
dans le domaine de l’intelligence artificielle, du
cloud
de défense et des
semi-conducteurs. Par ailleurs, les premiers résultats obtenus par la France
dans le cadre de l’action préparatoire de recherche sont posi
tifs : 14 projets
sur 16 intègrent
une participation de l’industrie française
, et 24 autres États
membres de l’Union européenne y participen
t.
Comme l’a indiqué la Cour dans le chapitre du rapport public annuel
2021 consacré à l’innovation de défense, il e
st important que le ministère des
armées
s’investisse davantage auprès des institutions européennes et de nos
partenaires de l’Union européenne
pour tirer le meilleur parti des ressources
budgétaires européennes et des coopérations qu’elles encouragent
, en
s’assurant que l’
autonomie stratégique européenne en sera renforcée et que
les priorités décidées sont cohérentes avec les enjeux nationaux.
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COUR DES COMPTES
70
3 -
Développer les coopérations opérationnelles
avec nos partenaires stratégiques
La coopération européenne ne se limite pas aux questions
d’armement
. Elle concerne aussi des enjeux opérationnels. Ainsi, le
commandement européen du transport militaire «
European Air Transport
Command
» (EATC)
mis en place en 2016 permet de mutualiser l’usage de
220 avions de transports ap
partenant à sept États membres de l’Union
européenne, qui sont aussi membres
de l’Alliance atlantique. Plus
récemment, en 2021,
à l’initiative de la France,
a été déployée au Sahel la
Task Force Takuba
, force européenne
à laquelle participent l’Estonie, la
France, la Grèce, l’Italie, la République tchèque et
la Suède.
Cette coopération suppose toutefois de surmonter certaines limites
actuelles, comme celles mises en évidence
à l’occasion de
la réalisation de
l’opération
Apagan
d’évacuation
de Kaboul. Dans les circonstances de
cette opération, il n’a pas été possible de mener une opération coordonnée
sous l’égide de l’Union européenne
, du fait du
tempo
particulièrement
rapide de
la décision de lancer l’opération
comme de divergences
d’approche
opérationnelle
en matière de points d’appui ou de logique
de
programmation des vols
38
.
De même, l
es financements de l’Union européenne ne se limitent
pas à la recherche et au développement des armements. Ils peuvent jouer
un rôle impor
tant pour le financement d’opérations extérieures communes
conduites par l’Union européenne. Ainsi, 10,
5
Md€ sont prévus sur la
période 2021-2027 pour le nouveau dispositif de Facilité européenne pour
la paix «
European Peace Facility
» qui succède au dispositif
Athéna
.
L’Union européenne dispose déjà de l’expérience de telles opérations dont
dix sont actuellement en cours, par exemple au large de la Somalie contre
la piraterie
(à laquelle la France participe au titre d’
Atalanta
), en
Méditerranée contre le terrorisme (
Irini
), en Bosnie pour le maintien de la
paix et au Mali, en Centrafrique et en Somalie pour la formation des forces
militaires locales. Certes, ces opérations sont de tailles diverses, celles
consacrées à la lutte contre la piraterie absorbant la plus grande part des
crédits, mais elles illustrent les possibilités de coopération opérationnelle
dans le cadre de l’Union européenne.
38
Audition du chef du centre de planification et de conduite des opérations par la
commission de la défense nationale des forces armées de l’Assemb
lée nationale, le
29 septembre 2021.
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71
Enfin, il est important que les coopérations européennes soient
conduites en synergie avec celles qui sont développé
es au sein de l’Alliance
atlantique, et que la France se montre impliquée dans ces deux cadres,
auxquels nos partenaires sont également attachés.
Depuis qu’elle a réintégré
le commandement de l’Alliance, la France dispose en son sein d’un effectif
militair
e de l’ordre de 900 personnes
39
, qu’elle pourrait mieux utiliser pour
promouvoir les coopération
s d’armement et opérationnelles les plus utiles au
développement des outils de défense européens et à leur efficience. À titre
d’exemple, dans le cadre de la coopération entre l’Union européenne et
l’Alliance atlantique, une force de réassurance a été déployée en Estonie et
en Lituanie depuis 2017
: c’est l’opération
Lynx
, à laquelle participe la
France. La présence française dans
Lynx
, celle de plusieurs pays nordiques
et baltes dont la Lettonie dans la force
Takuba
au Sahel, attestent de l’intérêt
qui s’attache à ce que
l’OTAN et l’UE
agissent en synergie.
B -
Réexaminer le périmètre des activités des armées
1 -
Rééquilibrer la réalisation des missions actuelles
et la
préparation de l’opération majeure de coercition
La décision de réaliser
en 2023 l’
exercice interarmées de grande
ampleur
Orion
témoigne d’une prise de conscience de la nécessité de
consacrer davantage de ressources
à la préparation d’une opération majeure
de coercition, qui verrait la France engager, au côté de ses alliés, une force
interarmées face à un adversaire étatique. Si, du fait de leurs missions, la
marine nationale et l’armée de l’air et de l’espace
ont maintenu des
exercices réguliers pour préparer le combat de haute intensité, il s’agira du
premier exercice conduit en terrain libre par l’armée de terre
, au niveau
divisionnaire, depuis plusieurs décennies.
Néanmoins, une telle orientation remet en question les priorités du
ministère des armées en matière d’affectation de ressources.
En effet,
depuis une quinzaine d’années, le cycle d’entraînement de l’armée de terre
est prioritairement orienté vers la préparation des opérations extérieures,
c’est
-à-dire essentiellement des conflits asymétriques, et vers la tenue des
dispositifs d’alerte liés à la capacité d’engager une force de réaction rapide.
À partir de 2015, ces cycles d’entraînement ont intégré la contribution à la
mission
Sentinelle
sur le territoire national. En revanche, la préparation à
39
Cour des comptes,
La réintégration de la France dans le commandement intégré de
l’OTAN
: quel coût et quelles pistes d’économies possibles
?
, communication à la
commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de
l’Assemblée nationale, septembre 2012.
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COUR DES COMPTES
72
des combats de haute intensité reste limitée. De même, les programmes
d’armement donnent la priorité au segment des blindés médians, VBCI
puis
Griffon
,
Jaguar
et
Serval
dans le cadre du programme SCORPION,
les plus utiles pour les opérations actuelles. Cela a conduit à renvoyer à
plus tard le programme TITAN, portant sur les chars et l’artillerie lourde,
et à reporter à un futur plus lointain encore le programme VULCAIN de
robotisation. Or les équipements issus de ces programmes pourraient être
nécessaires à une opération majeure de coercition.
2 -
Envisager de se désengager de certaines missions
Les missions des armées relèvent de choix politiques qui sont
traduits dans le rapport annexé à la LPM par la description de ce qui est
attendu au titre des cinq fonctions stratégiques de la défense. Néanmoins,
le ministère des armées pourrait proposer de réexaminer
l’étendue de
certaines missions susceptibles d
associer davantage
d’autres ministères ou
plus éloignées de ces fonctions stratégiques.
Ainsi, au titre de la prévention, les armées disposent d’implantations
permanentes à l’étranger et effectuent des déploiement maritimes et aériens
dans un périmètre géographique qui s’étend en même temps que les
menaces. À la suite de
s enquêtes qu’elle a conduites sur les forces de
souveraineté et de présence et sur la coopération de sécurité et de défense,
la Cour
40
a recommandé l’examen périodique des résultats obtenus par ces
politiques en associant les autres ministères concernés. L
a mise en œuvre
de cette recommandation constituerait la première étape d’un réexamen qui
pourrait aboutir à des priorités géographiques révisées.
Une revue de la mission
Sentinelle
, qui constitue une charge lourde
pour l’armée de terre, pourrait
également
être engagée afin d’apprécier sa
cohérence avec la doctrine d’intervention des armées sur le territoire
national, son efficacité et la possibilité de son éventuel transfert vers les
forces normalement chargées de la sécurité intérieure, selon des modalités
faisant intervenir les réservistes de ces forces. En 2020, le surcoût au titre
des missions de sécurité intérieure s’est élevé à
140
M€
. À ce chiffre, il
convient d’ajouter les
dépenses de personnel,
qu’il est possible d’estimer à
environ 200
M€
chaque année
41
. Au-delà de la charge budgétaire,
40
Cour des comptes :
Les missions et l’organisation des forces de souveraineté et de
présence,
référé à la ministre des armées, juin 2021.
41
Estimation effectuée sur la base du coût moyen de la rémunération hors pensions des
militaires (titre 2) tel qu’il apparaît dans le rapport annuel de performance de 2020 de
la mission budgétaire défense appliqué à un effectif de 7 000 militaires, regroupant les
moyens déployés et ceux mis en alerte pour remplir cette mission.
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VERS DES CHOIX NÉCESSAIRES
73
la mission
Sentinelle
présente surtout l’inconvénient majeur de perturber le
cycle d’entra
înement des militaires et de réduire
l’attractivité du métier
pour les militaires du rang, qui se trouvent employés sur une mission de
sécurité de basse intensité très éloignée de leurs savoir-faire.
Les modalités les plus coûteuses du soutien des armées aux
exportations d’armement, à défaut de la mission elle
-même, pourraient
également être revues.
Pour certaines d’entre
elles, les conséquences pour
les armées ne sont pas négligeables
lorsque le soutien à l’exportation
implique le prélèvement sur leurs moyens déjà comptés (matériels et pièces
de rechange) et la réalisation de prestations de formation, en vue de remplir
les engagements contractuels. Ainsi, le seul
contrat d’exportation d’avions
Rafale
vers la Grèce entraîne le prélèvement de 12 avions sur le parc de
l’armée de l’air, soit plus de 10
% des avions
Rafale
en service, le
pourcentage étant plus élevé si on ne prend en compte que les appareils
disponibles. Cette décision intervient en outre alors que
l’exportation des
avions
Rafale
est moins essentielle que par le passé au respect de la LPM,
puisque sa construction budgétaire ne repose pas sur des hypothèses
d’exp
ortation. En outre, la formation des pilotes étrangers par l
industriel
permettrait de dégager des marges de manœuvre
en termes de disponibilité
tant des pilotes que des avions.
III -
Un modèle d’armée qui
pourrait
être
contraint d’évoluer
Les marges de manœuvre
du ministère des armées sont limitées,
surtout après plus d’une décennie d’importantes réformes structurelles.
Dans ce contexte, il n’est pas exclu qu’il soit nécessaire de rouvrir une
réflexion sur le modèle d’armée.
Afin de susciter la réflexion, trois
scénarios sont présentés ci-après. Le premier, celui de la poursuite de
«
l’
ambition 2030 »
, est le scénario de référence actuellement mis en œuvre
par le ministère des armées. Le second est celui d’une réduction
homothétique des moyens sous contrainte budgétaire : il est assez proche
de ce que le ministère des armées a mis en œuvre en 2008 et en 2013.
Le troisième repose sur des choix de capacités qui font évoluer en
profondeur le modèle
d’armée
: ce scénario est illustré par les décisions
prises par le Royaume-Uni dans sa revue stratégique de 2021.
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74
A -
La confirmation de «
l’ambition 2030
»
nécessite de poursuivre les efforts budgétaires
La première option consisterait à confirmer les ambitions fixées par
la LPM 2019-2025 aux armées françaises, consistant à disposer en 2030
d’un
«
modèle d’armée complet et équilibré
»
pour répondre
à l’ensemble
des contrats opérationnels qu’elle établit. C’est l’option actuellement suivie
par le ministère des armées, qui considère dans sa communication publique
(en particulier lors des auditions parlementaires de ses responsables) que
l’évolution du contexte stratégique place l’évolution correspondante du
modèle d’armée dans la continuité des ambitions
de la LPM 2019-2025.
Cela suppose
d’abord
la poursuite des efforts visant à augmenter les
effectifs, à renouveler les équipements les plus vieillissants, à augmenter le
niveau de préparation opérationnelle des forces et à améliorer la disponibilité
technique du matériel. Mais «
l’ambition 2030
» demande aussi «
d’être
capable de faire face aux défis futurs, en disposant des matériels et des
technologies, ainsi que des compétences indispensables pour garantir, sur le
long terme, la supériorité opérationnelle des armées françaises
»
42
. Le
maintien de cette supériorité demande donc un effort complémentaire visant
à acquérir
d’ici à 2030 de
s moyens supplémentaires, à la hauteur des menaces
nouvelles identifiées par l’
Actualisation stratégique
de 2021 et de celles qui
suivront, alors que la programmation 2019-2025 est limitée aux menaces
identifiées dans la
revue stratégique
de 2017. Cela implique également de
continuer à intégrer à la programmation budgétaire, au cours de son
exécution, les inflexions rendues nécessaires pour la prise en compte de
technologies de rupture ou de capacités émergentes, comme la réarticulation
des dispositifs opérationnels pour s’adapter aux enjeux de nouveaux espaces
et thèmes de confrontation.
Outre une augmentation du budget de la défense de 3
Md€ par an en
2024 et en 2025 pour atteindre les 50
Md€
visés en 2025, «
l’
ambition
2030 » repose sur une trajectoire tout aussi dynamique après 2025. Cela
constitue un défi majeur dans un contexte de finances publiques affaiblies
par les conséquences de la crise sanitaire et
contraintes par l’engagement
de ramener le déficit public à 3
% du PIB d’ici à 2027.
42
Rapport annexé à la LPM 2019-2025, paragraphe 1.2.4.
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75
B -
Une nouvelle réduction homothétique des capacités
des armées mettrait à mal leur cohérence
La seconde option consisterait à adopter une trajectoire de ressources
moins ambitieuse pour la défense tout en conservant la volonté de disposer
du spectre complet des capacités militaires. Cette voie conduirait à une
réduction des capacités et équipements également répartie dans tous les
domaines pour ne renoncer à aucun. Une telle réduction, dite homothétique,
serait analogue à celle
déjà mise en œuvre
dans le cadre des lois de
programmation militaire 2009-2014 et 2014-2019, avec pour conséquence
de réduire certaines capacités et compétences au niveau d’un échantillon et
de rejeter dans un avenir lointain
et au prix d’efforts budgétaires prolongés
la reconstitution des capacités ainsi interrompue. Une telle approche
risquerait de remettre en cause la cohérence des armées et de se traduire, en
fait, par des pertes de capacités subies plutôt que choisies.
Cette réduction remettrait en cause la construction des armées en
réponse à leurs contrats opérationnels. En effet
, l’effectif actuel de la force
opérationnelle terrestre
répond d’une part aux besoins
de ses missions
actuelles, et d’a
utre part à
ceux d’un possible engagement majeur
. Réduire
ce format reviendrait donc à renoncer à conduire simultanément un
engagement majeur, les missions de protection du territoire et une partie
des engagements en opérations extérieures. Ce choix prolongerait le choix
implicite fait dans les deux décennies ayant suivi la guerre froide consistant
à ne conserver du corps de bataille qu’une série d’échantillons permettant
de le reconstituer si la nécessité s’en faisait sentir un jour
.
Pour la marine nationale, la flotte hauturière est largement
dimensionnée par le maintien de la capacité de dissuasion nucléaire
océanique
(missions d’escorte notamment)
et de déploiement des
principales unités aéronavales (protection du porte-avions et des porte-
hélicoptères amphibies par exemple), notamment par la lutte anti-sous-
marine. Réduire le nombre de navires imposerait des arbitrages
opérationnels difficiles, dans un contexte de possibles interventions de la
marine nationale dans des zones très éloignées les unes des autres. De
même, la taille des flottes de plus petit tonnage conditionne directement
l’efficacité de sa contribution à l’action de l’État en mer, notamment outre
-mer.
P
our l’armée de l’air et de l’espace, les capacités majeures (aviation
de combat et de ravitaillement) sont déjà fortement dimensionnées par les
missions de la dissuasion nucléaire, la protection de l’espace aérien et la
capacité d’intervention dans une éventuelle opération de coercition
majeure nécessitant le déploiement de 45 avions de combat.
Les capacités transverses relatives aux nouveaux champs de
confrontation (espace exo-atmosphérique, lutte informatique) sont, pour
leur part, de création récente. Leur montée en puissance serait compromise
par une limitation des crédits.
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76
Par ailleurs, la baisse des ressources pèse sur la
cohérence d’ensemble
des forces armées, qui
permet d’assurer l’entraînement du personnel et la
disponibilité du matériel à un niveau adéquat, tout en ayant la capacité de
soutenir les forces, notamment dans le domaine des rechanges, des
équipements de mission et des munitions. Ces derniers domaines prennent
d’ailleurs une importance toute particulière en cas d’engagement majeur, qui
pourrait soumettre les armées à des taux d’attrition auxquelles elles n’ont pas
eu à faire face récemment. De ce point de vue, les travaux conduits par la
Cour sur les nombreuses réformes du soutien opérées depuis une quinzaine
d’années ont montré que les économies
ne sont pas toujours au rendez-vous
et que les risques de dégradation de la c
ohérence du modèle d’armée
sont
forts
en l’absence de correction
.
Enfin, la régénération des forces
s’appuie aussi sur le personnel. C’est
pourquoi la LPM a engagé un effort majeur pour renforcer
l’attractivité du
métier des armes, traduit par le terme de
«
LPM à hauteur d’homme
»
.
C -
Modifier les priorités entre grandes capacités,
comme
l’a fait
le Royaume-Uni en 2021,
implique des choix difficiles
La troisième option consiste à choisir les capacités opérationnelles à
conserver, voire à développer, et donc à décider celles pour lesquelles
l’effort sera réduit. C’est la voie suivie par le Royaume
-
Uni à l’occasion de
sa revue stratégique en 2021
43
, qui met l’accent sur la protection du
territoire, par la dissuasion nucléaire et le contre-terrorisme, sur la
projection de forces au sein de coalitions et d’alliances de sécurité
collective, ainsi que sur le maintien de l’ascendant technologique au
combat. L
’avance technologique serait maintenue grâce aux
capacités
spatiales et de cyberdéfense,
à l’
investissement dans un système de combat
aérien du futur (
Future Combat Air System
), au développement de frégates
de nouvelle génération et du successeur des SNA de classe
Astute
, ainsi qu’à
l’achat d’avions de combat F
-35 américains supplémentaires en contrepartie
de la réduction du nombre d’avions de guet aérien Boeing 737
Wedgetail.
A contrario
, l’ambition pour la force terrestre est réduite. Elle doit
devenir
«
plus agile, intégrée […] et expéditionnaire
»
44
et s’appuyer
davantage sur les capacités de reconnaissance-
feu et d’artillerie ainsi que sur
les forces spéciales. Son volume sera réduit de 82 000 à 72 500 hommes,
l’effort portant principalement sur l’infanterie et les soutiens. Du point de
vue des équipements, le segment des blindés sera le porteur du principal
43
Global Britain in a Competitive Age : the Integrated Review of Security, Defence,
Development and Foreign Policy
, juillet 2021.
44
Defence in a competitive age
, juillet 2021.
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VERS DES CHOIX NÉCESSAIRES
77
rééquilibrage capacitaire : le blindé lourd
Challenger III
sera réalisé par
modernisation de 148
Challenger II
plutôt que grâce au développement d’un
nouvel équipement, ce qui acte par ailleurs une diminution du parc de plus
de moitié par rapport à sa taille initiale (dans le prolongement de sa réduction
à 227 unités à ce jour, notamment du fait de leur âge). Les véhicules de
combat d’infanterie
Warrior
ne seront quant à eux pas remplacés.
Un tel scénario revient pour le Royaume-Uni à renouer avec le modèle
de force expéditionnaire qui avait été le sien jusqu’au XIX
ème
siècle. Il prolonge
le choix qu’il a fait, à la fin des années 1990, de renoncer à la composante
aérienne de la dissuasion. Il prés
ente l’avantage à court et moyen terme de
concentrer les efforts sur les capacités prioritaires, pour contenir les ressources
budgétaires nécessaires. C’est ce que montre l’évolution du budget de défense
du Royaume-Uni, détaillée dans le tableau ci-après, où la forte augmentation
jusqu’en 2022/2023 est suivie d’une relative stabilisation des dépenses
.
Graphique n° 4 :
évolution prévue du budget de défense britannique
Source: UK defense expenditures
House of Commons Library (21 juin 2021)
L’application en France de
cette démarche pourrait limiter
l’augmentation à venir de l’effort budgétaire
en le concentrant sur les
capacités prioritaires au regard de l’évolution des menaces
. Elle présente
cependant des
inconvénients. Au plan budgétaire d’abord, la réduction des
investissements devrait porter sur des matériels majeurs en début de phase
de développement et qui ne se seraient pas encore traduits par des contrats
en cours d’exécution, dont l’annulation serait particulièrement coûteuse
.
Sur les capacités industrielles, il faudrait assumer des renoncements
durables à certaines compétences difficiles à reconstituer une fois
perdues
45
.
Enfin, notre modèle d’armées met en son centre une capacité de
45
Voir, pour l’exemple des sous
-marins de classe
Astute
, le rapport réalisé par la RAND
Corporation à la demande de la Royal Navy :
Learning from Experience vol. III :
Lessons from the Uni
ted Kingdom’s Astute Submarine Program
, 2011.
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78
dissuasion à deux composantes, dont des éléments essentiels devront être
renouvelés simultanément dans les deux décennies à venir : réaliser des
choix drastiques en les laissant à l’écart risquerait de faire peser l’effort de
façon disproportionnée sur la force terrestre, qui a été, en pratique, la plus
sollicitée en opérations depuis la fin de la guerre froide.
Ces scénarios n’ont qu’une valeur illustrative, et leur probabilité
dépendra de circonstances encore incertaines : un durcissement du contexte
stratégique pourrait rendre incontournable le premier scénario ; une
brusque dégradation des finances publiques forcer au second, qui est la
ligne de pente naturelle sous la pression budgétaire ; le troisième
supposerait, pour réaliser les choix difficiles qu’il implique, une mûre
délibération dont les conditions ne seront pas aisées à réunir. Tous engagent
des décisions de niveau politique.
À s’en tenir au strict point de vue des finances publiques, cependant,
le premier scénario ne pourra pas être inscrit sans grandes difficultés dans
le contexte du nécessaire redressement d’ensembl
e des finances publiques ;
le second serait le plus préjudiciable au bon emploi des ressources
budgétaires du ministère des armées, comme on l’a vu dans le passé.
En tout état de cause, des évolutions de méthode doivent aider à
éclairer les choix difficiles qui devront être faits ; elles sont présentées dans
la partie ci-après.
IV -
Des processus de décision à améliorer
pour préparer les choix
Afin d’être en mesure de présenter à l’arbitrage
politique des options
adaptées au contexte actuel, les processus de décision doivent être améliorés
dans trois domaines principaux. Il faudrai
t d’abord pouvoir mieux anticiper
à moyen et long termes les évolutions du contexte stratégique et réaliser des
révisions stratégiques plus fréquentes. Il conviendrait ensuite
d’
améliorer la
transparence et le niveau d’information des
pouvoirs publics, notamment du
Parlement. Une troisième priorité porte sur
l’
amélioration de la conduite des
programmes d’armement
, pour la rendre plus réactive aux changements
stratégiques et plus prompte à intégrer les innovations
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VERS DES CHOIX NÉCESSAIRES
79
A -
Mieux anticiper les évolutions stratégiques
et adapter la programmation en conséquence
1 -
Les actualisations de la programmation militaire doivent
répondre à un processus plus itératif de revue stratégique
L’accélération de la montée des menaces et leur diversification
plaident pour que les revues stratégiques soient conduites de façon plus
régulière. Leur fréquence s’est d’ailleurs considérablement accrue
depuis
1972, si on en juge par les dates des
Livres blancs
et des
revues stratégiques
de défense
des dernières décennies : 1972, 1994, 2008, 2013 puis 2017.
Compte tenu des évolutions récentes, et de leurs conséquences sur la
programmation militaire
s’agissant d
u développement de capacités
nouvelles
(par exemple l’introduction de la
stratégie spatiale de défense
en
2019), il semble désormais indispensable que chaque nouvelle loi de
programmation militaire soit précédée d’une mise à jour de la revue
stratégique de défense et de sécurité nationale.
Le caractère pluriannuel de la programmation militaire reste
cependant indispensable, car la réalisation des objets technologiques les
plus complexes demande du temps et des orientations stables pour leur
conception, leur développement et leur production, tandis que la dimension
liée aux ressources humaines et à la gestion des compétences du modèle
d’armée a des effets d’inertie forts, liés au temps nécessaire à la formation
et au gain en expérience.
L
Actualisation stratégique
réalisée par le ministère des armées en
2021 a révélé
l’utilité d’une revue stratégique qui précède de quelque
s mois
le bilan à mi-parcours
et l’éventuelle révision de la LPM. L’
accélération
des évolutions stratégiques et technologiques justifie que cette séquence
devienne régulière et rythme l’exécution de la programmation militaire
.
Pour être exhaustives, ces révisions ne peuvent être le seul produit d’une
réflexion interne au ministère des armées ; elles doivent tendre vers
l’organisation retenue p
our les
revues stratégiques
, qui impliquent
notamment le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale et,
à travers lui, les autres ministères concernés, ainsi que des experts
extérieurs au ministère des armées.
2 -
Le rythme des actualisations doit répondre à celui
des évolutions stratégiques
La prise en compte des évolutions stratégiques de plus en plus rapides
repose sur
les exercices d’ajustements annuels de la programmation mil
itaire.
Ceux-ci pourraient faire davantage de place que par le passé aux priorités
opérationnelles et aux enjeux des « revoyures stratégiques », au-delà des
contraintes industrielles et budgétaires qui sont déjà bien appréhendées.
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80
Enfin, la surface financière de ces exercices pourrait être augmentée
en cas de besoin. E
n 2021, l’exercice a porté sur la réallocation d
e
seulement
un milliard d’euros
, comparable aux montants des ajustements
des années précédentes, malgré la prise en compte des conséquences de la
crise sanitaire. Ce montant est faible au regard de la masse
d’investissement
de l’agrégat équipement
. Son financement a toutefois nécessité, outre le
réemploi des crédits libérés par le retard de certains programmes, de
décaler des commandes et livraisons.
Les réorientations de trajectoire ne se limitent pas aux investissements.
Ainsi, le recrutement de 770 cyber-combattants supplémentaires, annoncé par
la ministre des armées en septembre 2021 sans changer le niveau des
augmentations d’effectif déjà inscrits dans la LPM
implique, quant à lui, de
modifier substantiellement
l’organisation des armées.
B -
Mieux informer les décideurs politiques des enjeux
opérationnels, budgétaires et industriels
La connaissance précise des capacités actuelles des armées, comme
des enjeux opérationnels, budgétaires et industriels des choix à effectuer,
constitue un préalable à la prise de décision éclairée. Pourtant, le ministère
des armées communique peu, notamment envers le Parlement, sur les
inflexions réalisées chaque année au titre des exercices d’ajustement de la
programmation militaire. Les informations correspondantes mériteraient
pourtant
d’
être diffusées
à l’ensemble des autorités responsables de
l’élaboration
, comme de la validation de la programmation militaire,
qu’elles relèvent du Gouvernement
ou du Parlement. De nombreuses
instances existent pour améliorer le niveau d’information des
pouvoirs
publics, dans le respect des considérations relatives à la protection des
informations sensibles et relevant du secret de la défense nationale ; elles
pourraient être davantage utilisées.
Ainsi, les conseils de défense et de sécurité nationale constituent un
cadre dans lequel les informations les plus sensibles peuvent être
communiquées, en particulier pour établir le lien entre la programmation
militaire et l’évolution de
s capacités opérationnelles des armées. En outre,
les commissions compétentes du Parlement devraient recevoir davantage
d’informations relatives aux enjeux opérationnels, capacitaires et
budgétaires, lors des
exercices d’ajustement annue
l de la programmation
militaire, et
a fortiori
au titre des exercices d’actualisation, afin d’être en
mesure d’en
apprécier les implications à moyen et long termes. Sur ce
dernier point, le ministère des armées considère que les documents de
performance pourvoient à l’inform
ation du Parlement. Toutefois la Cour a
constaté que
les indicateurs qu’ils contiennent ne donnent qu’une vision
très partielle, qui ne suffit pas pour apprécier dans toutes leurs dimensions
les capacités des armées. Des progrès à cet égard sont souhaitables.
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VERS DES CHOIX NÉCESSAIRES
81
C -
Améliorer la conduite des programmes d’armement
pour mieux capter l’innovation et être plus réactif
Dans un monde caractérisé par l’accélération technologique, avec
les possibilités de rupture stratégique que cela implique, et par la mutation
rapide du contexte international, il est nécessaire de renforcer la capacité
d’anticipation
du ministère des armées.
La mise en œuvre d’une
programmation actualisée plus fréquemment
et plus régulièrement
, comme l’impose le contexte
stratégique, demande aussi
une
plus grande réactivité dans la conduite des programmes d’armement.
Le
chapitre du rapport public annuel 2021 de la Cour
consacré à l’innovation de
défense relevait que la nouvelle instruction de conduite des programmes
d’armement
46
allait dans ce sens. Ce texte promeut le raccourcissement des
cycles de développement et de production, et un travail plus collaboratif entre
la direction générale de l’armement, les armées et les industriels
afin de
garantir une plus grande agilité dans la conduite des programmes
. Il s’agit
d’identifier et de réaliser le meilleur compromis entre l’ensemble des
performances du système
d’armes, replacé dans son environnement
opérationnel,
au titre d’
une approche capacitaire globale visant à obtenir un
effet militaire plutôt
qu’à rem
placer un à un les équipements qui y concourent.
De même, favoriser les
capacités d’
adaptation des équipements dès
leur développement, en promouvant les architectures modulaires et les
évolutions incrémentales, augmente les possibilités d
’adapter l’évolution
des équipements à celle des technologies et des besoins, dès le stade de la
conception et tout au long de la durée de vie des systèmes.
L’évolution
incrémentale des armements permet également de réduire les délais
d’adaptation des équipements,
sans attendre une nouvelle génération de
matériel. Cette optimisation doit être anticipée et tenir
compte de l’impact
des nécessaires mises à niveau ultérieures des premiers équipements livrés.
L’anticipation technique
, permanente et interdisciplinaire, permet
de croiser les regards et les expertises. De ce point de vue, la mise en
plateau des ingénieurs de la direction générale de l’armement travaillant à
la préparation de l’avenir et des officiers de l’état
-major des armées
travaillant sur la cohérence capacitaire va dans la bonne direction.
En complément, les armées devraient tenir compte dans leurs
spécifications, le cas échéant, du coût et de la durée de production
des équipements comme de leur facilité de maintenance, par exemple en
visant une plus grande convergence des diverses flottes répondant à des
besoins spécifiques.
46
Instruction n° 1618/ARM/CAB du 15 février 2019 sur le déroulement des opérations
d’armement.
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COUR DES COMPTES
82
__________
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS __________
La programmation militaire se heurte aujourd’hui à un double défi.
D’une part, la
nécessité de réduire le déficit public à moins de 3 % du PIB,
planifiée par le Programme de stabilité 2021
à l’horizon
2027, dans un
contexte de dégradation des finances publiques à la suite de la crise
sanitaire, rend plus incertaine
la poursuite de l’
augmentation du budget
de la défense initiée par la LPM 2019-2025. D
’autre part, l’accélération
et la diversification des menaces confirmées
par l’
Actualisation
stratégique de 2021 suscitent de nouveaux besoins qui n’étaient pas prévus
par la LPM 2019-2025.
Dans ce contexte, le ministère des armées doit mieux identifier et
exploiter les marges de
manœuvre
qui peuvent se présenter à lui,
notamment dans le domaine de la coopération européenne et
s’
agissant de
la définition du périmètre des missions des armées. Toutefois, après une
décennie marqué
e par d’intenses réformes structurelles, ces marges de
manœuvre
sont limitées et sans doute insuffisantes pour permettre au
ministère des armées de s’épargner une nouvelle réflexion et, s’il y a lieu,
de nouveaux arbitrages sur l
e modèle d’armée
lui-même.
Pour favoriser cette réflexion, la Cour présente trois scénarios. Le
premier est celui de la confirmation de «
l’
ambition 2030 » : scénario de
référence du ministère des armées, il suppose la poursuite de l’augmentation
du budget de la défense. Le second est celui de la réduction homothétique
des capacités des armées et des ambitions : ce choix avait été retenu par
défaut en 2008 et en 2013, non sans dommage pour les capacités des
armées ; il
risquerait aujourd’hui de mettre à mal la cohérence
du modèle.
Le troisième consiste à faire des choix capacitaires, comportant des
renoncements probablement irréversibles,
ce qu’a commencé à effectuer le
Royaume-Uni dans sa révision stratégique en 2021.
Pour que ces choix fondamentaux soient effectués dans les meilleures
conditions possibles, la Cour estime que le processus de décision du
ministère des armées pourrait être amélioré par un renforcement des
capacités d’anticipation à long terme
, conjugué avec des revues stratégiques
plus fréquentes, à mi-parcours des LPM, une meilleure information des
décideurs politiques, notamment du Parlement, et la poursuite de
l’amélioration de la conduit
e
des programmes d’armement
, pour la rendre
plus réactive, plus adaptable et plus prompte à capter l’innovation.
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VERS DES CHOIX NÉCESSAIRES
83
Afin de préparer ces choix, la Cour des comptes formule trois
recommandations à destination du ministère des armées :
1.
chiffrer les crédits budgétaires de 2024 et 2025 correspondant aux
besoins issus des ambitions de la LPM, en tenant compte du dernier
ajustement annuel de la programmation militaire et établir une
trajectoire budgétaire
jusqu’à l’horizon de stabilisation
du déficit
public prévu en 2027 ;
2.
i
dentifier et exploiter les marges de manœuvre
budgétaires qui peuvent
exister, notamment dans le domaine de la coopération européenne et
s’agissant de la définition
du périmètre des missions confiées aux
armées ;
3.
a
dopter un processus d’actualisation
stratégique et de programmation
militaire plus réactif, plus transparent et reposant sur une plus grande
capacité d’anticipati
on.
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Liste des abréviations
A2PM
...........
Ajustement annuel de la programmation militaire
ARES
...........
Action et résilience spatiale
BSAM
..........
Bâtiment de soutien et d’appui métropolitain
BSAOM
.......
Bâtiment de soutien et d’appui outre
-mer
CAMO
..........
Capacité motorisée
DT
................
Disponibilité technique
DTO
.............
Disponibilité technique opérationnelle
EATC
...........
European Air Transport Command
FDI
...............
Frégate de défense et
d’intervention
FREMM
.......
Frégates européennes multi-missions
LPM
.............
Loi de programmation militaire
MALE
..........
Drone de moyenne altitude et longue endurance
NRBC
...........
Menace nucléaire, radiologique, bactériologique et chimique
PAC
..............
Politique de gestion des parcs au contact
PEGP
............
Politique de gestion et d’emploi des parcs
PIB
...............
Produit intérieur brut
VAB
.............
Véhicule de l’avant blindé
VBCI
............
Véhicule blindé de combat d’infanterie
SCAF
............
Système de combat aérien du futur
SIMMT
........
Service intégré de maintenance du matériel terrestre
SNA
..............
Sous-
marin nucléaire d’attaque
SNLE 3G
......
Sous-marin nucléaire
lanceur d’engins
de troisième génération
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Réponses des
administrations
et organismes concernés
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Sommaire
Réponse du Premier ministre
....................................................................
91
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RÉPONSE DU PREMIER MINISTRE
Vous avez bien voulu me transmettre un rapport public thématique sur
la loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025 et les capacités des
armées dont j'ai pris connaissance avec la plus grande attention.
Dans l'ensemble, je souscris aux constats dressés par la Cour des
comptes et aux orientations générales des trois recommandations exprimées.
Comme le souligne le rapport, la trajectoire de ressources fixée par
la LPM a été strictement respectée sur les trois premières annuités et il en
est de même pour l'année 2022. Après un quart de siècle de décroissance
des moyens et de lois de programmation sous-exécutées, la LPM 2019-
2025 consacre ainsi, comme le souligne la Cour, la remontée en puissance
des armées. Cet effort massif, maintenu dans le contexte de crise sanitaire,
montre la volonté du Gouvernement de consolider la programmation
militaire qui a été voulue par le Président de la République, ajustée
annuellement, tout en prenant en compte les évolutions du contexte
géostratégique soulignées par l'actualisation stratégique de 2021. À cette
occasion, un ajustement a été mené en cohérence avec cette analyse afin
d'accélérer la disponibilité d'aptitudes et de capacités utiles pour faire face
à l'évolution des menaces identifiée dans l'exercice d'actualisation de la
Revue stratégique, sans pour autant remettre en question l'Ambition
opérationnelle 2030, décidée par le Président de la République.
La première ambition de la LPM était de réparer des armées
particulièrement usées après des années de sous-investissement et de
suremploi. À cette fin, de nombreux efforts et investissements ont été
consentis. Je constate que les effets importants de la crise sanitaire sur le
fonctionnement et l'équipement des armées en 2020 ont été gérés avec
souplesse pour ne pas compromettre la mise en œuvre de la LPM, tout en
contribuant de manière significative à la relance économique de notre
pays, en particulier à travers le plan de soutien au secteur aéronautique.
S'agissant du niveau d'entraînement et de la disponibilité des matériels, la
Cour souligne que les résultats sont inférieurs aux objectifs. Cette situation
résulte en partie de la forte sollicitation opérationnelle à laquelle sont
soumises les armées dont les effets se font sentir sur l'entraînement.
Parallèlement, le second objectif de la LPM était de préparer la
supériorité opérationnelle future de nos armées, en poursuivant l'effort de
régénération mais également en stimulant l'innovation et la transformation
des armées et du ministère, en contribuant ainsi à la remontée en puissance
recherchée.
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Cet effort doit être poursuivi. La crise sanitaire que nous traversons
et ses conséquences économiques, n'ont pas été de nature à remettre en
cause l'ambition voulue par le Président de la République, de construire
un modèle cohérent susceptible de faire face aux menaces et aux risques
auxquels la France serait confrontée à l'horizon 2030, dans un
environnement international durablement instable et incertain. Sur la
période 2023-2025, une intensification significative du recrutement est
prévue par la LPM avec, pour les armées, la nécessité d'optimiser leur
vivier en conciliant temps court et temps long afin de disposer du personnel
qualifié. La forte concurrence sur le marché du travail et l'exigence
d'attractivité sont autant de points de vigilance comme le souligne la Cour.
Le rapport relève des risques budgétaires tels que les restes à payer
élevés, le besoin de financements non prévus par la LPM, en particulier
liés au remplacement des avions prélevés pour l'exportation et, enfin, la
reprise de l'inflation.
L'augmentation des restes à payer résulte notamment de la stratégie
mise en œuvre dans le domaine du maintien en condition opérationnelle de
nos matériels. Cette démarche de « verticalisation » du soutien vise à
engager un industriel maître d'œuvre principal sur des objectifs exigeants
de haut niveau (disponibilité de flotte) au travers un contrat global
(rassemblant de 10 à 20 contrats) sur une longue durée (5 à 10 ans de
tranche ferme), avec une rémunération incitative, assise majoritairement
sur l'activité réalisée tout en permettant une certaine souplesse en activité
aérienne autour du « point nominal » du besoin. Ces contrats concernent
nos principaux équipements (flottes Rafale, A400M, etc.) et l'augmentation
des restes à payer ne fait que traduire ce que les armées auraient dû payer
sur une même période avec des contrats successifs, sauf à ce que soit prise
la décision d'arrêter l'exploitation des matériels concernés
ce qui
semble peu envisageable. Ce partage du risque avec l'industrie à travers
un engagement de long terme permet aux armées de bénéficier de la
disponibilité nécessaire à la préparation et à l'engagement opérationnel à
un coût maîtrisé.
Au-delà et pour le périmètre du programme d'équipement des forces
qui semble être celui retenu par la Cour, l'augmentation du reste à payer
constatée est en cohérence avec les ambitions portées par la LPM en
matière de renouvellement des équipements.
La prise en compte de coûts non prévus fait l'objet d'une étude lors
de chaque exercice d'A2PM (Ajustement annuel de la programmation
militaire) comme le souligne la Cour des comptes. Cet exercice annuel
permet de recaler les calendriers de commande et de livraison afin de
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répondre au besoin capacitaire exprimé par les armées, tout en intégrant
les nécessités industrielles et le cadre budgétaire de la LPM. Dans cette
vision globale, le remplacement des avions prélevés doit avant tout être
considéré comme une opportunité tant du point de vue de nos armées que
de notre industrie et de nos alliances.
La Cour souligne les risques de soutenabilité à long terme de la
trajectoire de ressources de la mission « Défense ». Les prochains
exercices de programmation militaire et de finances publiques devront en
effet veiller à l'inscrire de façon réaliste dans un contexte de normalisation
progressive de nos comptes publics.
La Cour formule trois recommandations auxquelles je souscris sous
réserve des précisions suivantes.
S'agissant de la recommandation n°1 : « Chiffrer les crédits budgétaires
de 2024 et 2025 correspondant aux besoins issus des ambitions de la
LPM, en tenant compte du dernier ajustement annuel de la
programmation militaire et établir une trajectoire budgétaire jusqu'à
l'horizon de stabilisation du déficit public prévu en 2027 ».
Le point d'entrée du raisonnement politique en matière de défense
reste l'adéquation des capacités et moyens des armées à l'évolution de la
menace et des risques auxquels la France et les Français seraient exposés
à moyen terme. C'est le contexte de menaces durcies, mis en évidence puis
confirmé par les Revues stratégiques de 2017 et de 2021 ainsi que par les
actualités internationale et sanitaire récentes, qui justifie la hausse de
l'effort national de défense que le Président de la République a décidé pour
maintenir dans la durée le niveau d'engagement des armées.
Pour consolider la préparation de la supériorité opérationnelle, qui
permettra de garantir à long terme la protection de la France et des
Français face aux menaces et risques futurs, l'approche articulant jalons
capacitaires, d'une part, et trajectoire en crédits, d'autre part, est celle qui
continue d'inspirer le raisonnement physico-financier qui fonde la
programmation militaire.
À cet égard, je suis réservé sur une approche capacitaire consistant
à définir un « noyau dur » des capacités des armées. D'une part, la mise
en œuvre des orientations des précédents livres blancs a conduit à une
mutualisation et à une polyvalence étroites au sein des armées. Définir
l'existence d'un « noyau dur » aurait pour conséquence de réduire
l'optimisation d'un modèle d'armée qui permet à la France de répondre au
mieux à des besoins opérationnels variés. D'autre part, l'action des armées
en matière de soutien aux populations en période de crise sanitaire,
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d'événements climatiques, d'action de l'État en mer démontre l'intérêt
d'une armée capable d'agir ponctuellement et en fonction des besoins dans
un spectre de capacités qui dépasse celui de la lutte contre le terrorisme,
la gestion de crise ou les hypothèses d'engagement majeur.
En dernier lieu, la détermination d'un « noyau dur » pouvant
entrainer l'abandon de certaines capacités existantes ne correspond pas
aux objectifs politiques déterminés par le Président de la République visant
à consolider un modèle d'armée complet, durable et équilibré pour
répondre aux défis opérationnels à horizon 2030.
S'agissant de la recommandation n°2 : « Identifier et exploiter les
marges de manœuvres budgétaires qui peuvent exister, notamment dans
le domaine de la coopération européenne et s'agissant de la définition
du périmètre des missions confiées aux armées ».
Je souscris à cette recommandation de la Cour qui est d'ores et déjà
en cours de mise en œuvre. En effet, dans le cadre de son exercice annuel
d'ajustement de la programmation militaire, le ministère des armées
optimise les sources de financement, y compris en les recherchant au sein
de l'Union Européenne ou par la mise en place de partenariats qui
permettraient le partage des financements pour certains programmes
d'armement ou de capacités opérationnels (coopération franco-allemande
avec l'escadron binational de transport tactique de la base aérienne
d'Évreux, par exemple).
Dans le domaine des programmes d'armement, les développements
en coopération européenne représentent désormais une part significative
de la dépense d'équipement nationale, avec une dynamique qui se
maintiendra à la hausse dans les années à venir. La soutenabilité de
l'ambition militaire française inscrite en LPM est dorénavant en partie
dépendante d'une ressource communautaire (fonds européen de défense -
FED) qui est d'ores et déjà exploitée et fait l'objet d'une attention constante
de la part du ministère des armées.
L'obtention des ressources financières auprès de différents bailleurs
(conseil européen de l'innovation, programme Horizon Europe...) est un point
d'attention pour le ministère des armées ; l'Agence européenne de défense
(AED) sera en cela un relais, notamment dans le domaine de l'innovation.
Le ministère développe en particulier des actions d'influence auprès
des institutions européennes (Commission, Conseil, Service européen pour
l'action extérieure, AED...) afin d'orienter utilement les programmes vers
les capacités les plus immédiatement utiles aux besoins opérationnels des
armées françaises.
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En tout état de cause, l'objectif politique porté par la présidence
française de l'Union européenne est le franchissement d'une nouvelle étape
en matière d'Europe de la défense. Dans le domaine capacitaire, il s'agit
d'une opportunité pour mutualiser davantage le développement de
nouveaux systèmes et ainsi réaliser des économies d'échelle.
Dans le domaine opérationnel, pour certaines opérations, comme
Takuba, au Sahel, chaque État apporte ses propres moyens et financements ;
d'autres, comme Irini en Méditerranée ou les missions de formation de
l'Union européenne (European Union Training Missions), bénéficient de
financements européens ; enfin, des coûts communs, par exemple le soutien
médical, sont pris en charge pour partie lorsque des opérations sont menées
dans le cadre de la Facilité européenne pour la paix (FEP).
S'agissant des missions, celles confiées aux armées sont définies
dans le rapport annexé de la LPM. Celles-ci restent, en outre, susceptibles
d'évolution afin de tenir compte des besoins de réactivité et de résilience
que nécessite la protection de l'État dans un environnement incertain et
changeant. Le ministère des armées répond ainsi aux missions fixées par
le Président de la République, chef des armées.
S'agissant de la recommandation n° 3 : « Adopter un processus
d'actualisation stratégique et de programmation militaire plus réactif,
plus transparent et reposant sur une plus grande capacité d'anticipation ».
L'ajustement de la programmation militaire est à la fois réactif et
vertueux, puisqu'il actualise chaque année les conditions d'exécution de la
programmation militaire aux conditions de la gestion. Ce processus
s'inscrit ainsi pleinement dans les travaux préparatoires à la construction
du budget dans le cadre de l'élaboration de la loi de finances de l'année,
sans
remettre
en
cause
les
orientations
fondamentales
de
la
programmation militaire. Cet ajustement assure ainsi la bonne articulation
entre ces deux textes fondamentaux que sont la LPM et la LFI, dans la
cadre de la préparation budgétaire ministérielle.
Par ailleurs, cet ajustement permet de donner de la souplesse et de
l'agilité aux conditions d'exécution de la programmation militaire : par
exemple, si la réalité du développement d'un programme à effet majeur
(PEM) s'inscrit dans le temps long et que l'allocation de ressources
intervient très en amont de la livraison des équipements, rien n'empêche
d'intégrer aux réflexions capacitaires le retour d'expérience et le
renseignement relatifs aux crises et conflits auxquels nous sommes
confrontés et de procéder en continu aux priorisations nécessaires pour
garantir notre capacité à faire face à court, moyen et long termes aux
menaces les plus probables.
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Pour parfaire ce dispositif, plusieurs évolutions ont été conduites au
cours du quinquennat :
l'adoption d'une série de textes améliorant le déroulement des
opérations d'armement permet des prises de décisions plus éclairées, un
meilleur contrôle des opérations d'investissement, une meilleure
réactivité dans la conduite des programmes d'armement et des
programmes d'infrastructure ;
la création et le développement de l'AID (Agence de l'innovation de défense)
permettent d'orienter les travaux conduits dans le domaine de l'innovation
au sein du ministère, de développer les synergies et de proposer la mise en
place de coopérations avec les organismes publics et privés, étrangers et
internationaux, œuvrant dans le domaine de l'innovation
;
la création de l'Agence du numérique de défense répond de manière
adaptée aux enjeux de transformation numérique. À une échelle de temps
plus large, je considère que les actualisations stratégiques n'ont pas
vocation à être trop rapprochées les unes des autres. Elles s'inscrivent
dans la continuité du processus de cadrage par le livre Blanc et répondent
à une réorientation politique ou à une évolution majeure du contexte
géostratégique. Un espacement minimum est intéressant et nécessaire afin
de préserver un équilibre : s'inscrire dans un espace de temps de plus long
terme que celui de l'annualité budgétaire, qui est rendu nécessaire par le
temps de conception et de réalisation des programmes d'armement, tout
en permettant d'intégrer, à des intervalles intermédiaires, les évolutions
structurantes du contexte international et national.
Je note par ailleurs la question posée d'un relèvement de la provision
prévue au titre des opérations extérieures et des missions intérieures, dont
la sintérisation sur ce quinquennat a contribué à améliorer la qualité de la
gestion annuelle du budget du ministère des armées.
S'agissant de la transparence, qui doit s'accorder avec les nécessités
de protection du secret qui participent à la défense de la Nation, les échanges
avec le Parlement ont été nombreux, y compris au-delà des traditionnels
exercices de débat budgétaire. Ainsi, l'exécutif a apporté les réponses
demandées par la représentation nationale à l'occasion d'auditions
nombreuses au niveau ministériel mais aussi des armées, directions et
services (par exemple, au travers de 59 auditions sur le seul périmètre de
compétence du chef d'état-major des armées
CEMA
de début 2019 à
mi 2021, dont 44 à l'Assemblée nationale et 21 au Sénat). Je souligne en
particulier le débat que j'ai voulu au Parlement, dans le cadre de l'article
50-1 de la Constitution, qui a favorisé des échanges denses autour des
conditions d'exécution de la loi de programmation militaire pour 2019-2025
et permis de confirmer les principales orientations qu'elle porte.
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