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REPUBLIQUE FRANÇAISE
C
OMMUNAUTÉ D’AGGLOMERATION DU
NORD BASSE-TERRE
Exercices 2012 à 2018
Poste comptable :
Trésorerie de Sainte-Rose
Jugement n° 2022-0001
Séance publique du 20 janvier 2022
Prononcé le 10 février 2022
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS,
LA CHAMBRE REGIONALE DES COMPTES DE LA GUADELOUPE,
Vu,
le code des juridictions financières ;
Vu,
le code général des collectivités territoriales ;
Vu,
l
article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 portant loi de finances pour 1963
modifiée, notamment, par l
article 90 de la loi de finances rectificative
n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 ;
Vu,
le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et
comptable publique ;
Vu,
le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du VI de
l
article 60 de la loi de finances pour 1963 modifiée ;
Vu,
l’arrêté n°
2022-01 du 20 janvier 2022 portant organisation et détermination de la
compétence des formations de délibéré des chambres régionales des comptes de
Guadeloupe, de Guyane et de Martinique et des chambres territoriales des comptes
de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin ;
Vu,
les comptes produits, en leur qualité de comptable de la communauté
d’agglomération du Nord Bass
e-Terre, par Mme X, du 1
er
janvier 2012 au
1
er
janvier 2015, M. Y, du 2 janvier 2015 au 31 janvier 2017 et par M. Z, du
1
er
février 2017 au 31 décembre 2018 ;
2
Vu,
le réquisitoire n° 2021-010 du 9 juin 2021 de M. Christian PAPOUSSAMY,
procureur financier près la chambre régionale des comptes de la Guadeloupe,
saisissant la chambre à fin d
instruction sur des faits susceptibles d
engager la
responsabilité personnelle et pécuniaire de MM. Y et Z ;
Vu,
la décision n° 9/2021, en date du 15 juin 2021, du président de la chambre attribuant
à Mme Anne-Marie THIBAULT, premier conseiller, l
instruction du jugement des
comptes
de la communauté d’agglomération du Nord Basse
-Terre ;
Vu,
la notification de ce réquisitoire et de cette décision, le 16 juin 2021, à
M. Guy LOSBAR, président
de la communauté d’agglomération du Nord Basse
-
Terre, qui en a accusé réception le 17 juin 2021 ;
Vu,
la notification de ce réquisitoire et de cette décision à M. Y le 16 juin 2021 et à M. Z
le 28 juin 2021, et leur réception, respectivement, les 17 juin 2021 et 7 juillet 2021 ;
Vu,
les lettres, en date du 1
er
juillet 2021, invitant l
ordonnateur et les comptables à faire
part de leurs observations et à produire toutes les pièces utiles complémentaires ;
Vu,
la lettre, en date du 2 juillet 2021, invitant la direction régionale des finances
publiques (DRFiP) de la Guadeloupe à communiquer le montant des garanties
constituées par les comptables sur la période en jugement ;
Vu,
les réponses de M. Y, en date du 15 juillet 2021, enregistrées au greffe de la
chambre le 15 juillet 2021,
Vu,
les réponses de M. Z, en date du 15 juillet 2021, enregistrées au greffe
le 6 octobre 2021 ;
Vu
, les lettres, en date du 3 janvier 2022, informant les parties de la clôture de
l
instruction, du dépôt du rapport et de la date de l
audience publique ;
Vu
,
les conclusions du procureur financier n° 2022-006-CJU-0114 du 7 janvier 2022 ;
Vu,
les pièces du dossier ;
Après avoir entendu, lors de l
audience publique, Mme Anne-Marie THIBAULT,
premier conseiller, en son rapport, et M. Christian PAPOUSSAMY, procureur financier,
en ses observations ;
M. Y et M. Z, comptables, et M. Guy LOSBAR, président de la communauté
d’agglomération du Nord Basse
-
Terre, n’étant ni présents, ni représentés
;
Après en avoir délibéré hors de la présence du rapporteur et du procureur financier ;
3
Considérant ce qui suit :
PREMIERE CHARGE :
LA COMMANDE PUBLIQUE
Règlement sans
avenant à un marché négocié- Exercice 2017
Les réquisitions du ministère public
Par le réquisitoire susvisé, le ministère public a requis de la chambre régionale des
comptes de la Guadeloupe qu’elle se prononce
sur la responsabilité personnelle et
pécuniaire de M. Z, au motif que le comptable aurait manqué aux obligations qui lui
incombent
en matière de contrôle de la validité de la dette, s’agissant de l’exactitude de
la liquidation et de la production des pièces justificatives, conformément aux articles 19
et 20 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et
comptable publique en payant le 9 février 2017 une somme de 133 631,92
€ résultant
d’un mandat émis le 2
février
2017 dont l’objet était «
paiement du 13
ème
mois
» dans le
cadre d’un marché négocié conclu avec une société de transport
.
Les obligations du comptable
Aux termes du paragraphe I de l
article 60 de la loi du 23 février 1963,
« les comptables
publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu
ils sont
tenus d
’assurer en matière […] de dépenses […] dans les conditions prévues par le
règlement général de la comptabilité publique. La responsabilité personnelle et
pécuniaire prévue ci-
dessus se trouve engagée dès lors […] qu’
une dépense a été
irrégulièrement payée […]
».
En vertu de l
article 17 du décret du 7 novembre 2012, applicable à compter du
1
er
janvier 2013, les comptables publics sont personnellement et pécuniairement
responsables de l
exercice régulier des contrôles prévus aux articles 19 et 20 dudit décret,
lesquels prévoient que «
Le comptable public est tenu d
exercer le contrôle
: [...] 2°.
s
agissant des ordres de payer
: [...]
de la validité de la dette dans les conditions prévues
à l
article 20
[...] » ; et que «
Le contrôle des comptables publics sur la validité de la dette
porte sur
:
la justification du service fait et l
exactitude des calculs de liquidation
;
l
intervention préalable des contrôles réglementaires ; la production des pièces
justificatives
[...] ».
Pour apprécier la validité des dettes, les comptables doivent exercer leur contrôle,
notamment, sur la production des justifications. A ce titre, il leur revient d
apprécier si
les pièces fournies présentent un caractère suffisant pour justifier la dépense engagée. Ils
ont l’obligation de
vérifier, en premier lieu, si l
ensemble des pièces requises au titre de
la nomenclature comptable applicable leur ont été fournies et, en deuxième lieu, si ces
pièces sont, d
une part, complètes et précises, d
autre part, cohérentes au regard de la
catégorie de la dépense définie dans la nomenclature applicable et de la nature et de l
objet
de la dépense telle qu
elle a été ordonnancée.
Au cas d’espèce
, l
’an
nexe 1 au code général des collectivités territoriales (CGCT) portant
nomenclature des pièces justificatives des dépenses des collectivités territoriales, en vertu
de son article D. 1617-19, dans sa rédaction alors en vigueur, issue du décret n° 2016-33
du 20 janvier 2016, prévoit, en sa rubrique 41
« Marchés publics, soumis au code des
marchés publics »
,
qu’
en cas de dépassement du montant contractuel prévu au marché,
4
un avenant doit être produit comme pièce justificative. Cette exigence vaut pour tous les
marchés, qu’ils soient passés sous la forme d’une procédure adaptée ou d’une procédure
formalisée.
Cet avenant doit préciser l’évolution de la prestation ou de la composition du prix. La
détermination de l’évolution de la prestation est appuyée par un service fait. L’évolution
de la composition du prix permet le calcul de liquidation du paiement.
L
existence de manquements de la part du comptable
Dans le cadre d’un marché
négocié conclu avec la société de transport CGTS, le
8 mars 2017, M. Z a payé le 9 février 2017, sur le budget annexe
« Transports »
, une
somme de 133 631,92
à ladite société, par mandat n° 22, émis le 2 février 2017
. L’obje
t
du mandat est le
« Paiement du 13
ème
mois »
.
Les pièces justificatives produites à l’appui du mandat
ou dura
nt l’instruction
sont :
-
une facture du 31 décembre 2016 ;
-
une délibération du conseil communautaire adoptée le 4 janvier 2017, par laquelle
l’assemblée délibérante autorise le président à
« modifier les conditions
financières du marché passé avec la CGTS, afin de permettre à la société CGTS
de se conformer aux termes de la convention collective régionale des transports
routiers et activités auxiliaires de transport de la Guadeloupe
». L’incidence
financière de cette modification était estimée à 186 068,42
€, de décembre à mars
2017 ;
-
L’extrait d’une convention collective régionale des transports routiers et activités
auxiliaires du transport de la Guadeloupe, de mai 2011 et plus précisément de
l’article 45.3 relatifs aux salaires et compléments de sala
ire qui prévoit que
« Les
salariés bénéficieront d’une prime annuelle dite de «
13eme mois
» dès lors qu’ils
justifieront d’une ancienneté minimale d’une année à la date de versement de
cette prime ».
M. Z devait vérifier la conformité des éléments détaillés sur la facture avec les clauses
figurant dans le contrat. Or, aucune clause du marché ne prévoit la prise en charge par la
CANBT des rémunérations des salariés des titulaires des marchés, fussent-ils directement
affectés
à l’exécution de ces dernier
s
. La collectivité avait uniquement l’obligation de
verser la compensation forfaitaire mensuelle, telle que prévue à l’article 16.2 du cahier
des clauses particulières. Si une augmentation de la contribution financière de la
collectivité était susceptible
d’intervenir, elle ne pouvait résulter que d’un avenant au
marché initial.
En l’absence d’un tel document manifestant l’accord de volonté des deux parties au
marché afin qu’il puisse être modifié, le comptable ne pouvait effectuer le moindre
paiement.
L’ordonnateur n’a pas répondu à la suite de la notification du réquisitoire.
M. Z ne conteste pas le manquement reproché.
En prenant en charge le mandat de paiement relatif au 13
ème
mois des salariés de
l’entreprise attributaire du marché
qui n’était p
as
prévu dans le contrat initial et n’a pas
5
fait l’objet d’un avenant de sorte qu’il n’était pas
accompagné des justifications
réglementaires, et en procédant à son paiement sans le suspendre, M. Z a manqué à son
obligation de contrôle imposée par l’ar
ticle 19 du décret du 7 novembre 2012 susvisé. Il
a ainsi engagé sa responsabilité personnelle et pécuniaire pour le mandat visé au
réquisitoire, pour un montant de 133 631,92
€, au titre de l’exercice 201
7 en vertu des
dispositions de l’article 60 de la loi 63
-156 du 23 février 1963.
Il n
en irait autrement que si le comptable pouvait exciper de la force majeure
telle qu’elle
résulte de l
article 60-V de la loi n° 63-156 lequel indique que
«
lorsque […] le
juge des
comptes constate l
existence
de
circonstances constitutives de la force majeure, il ne met
pas en jeu la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable public
».
En l’espèce,
le comptable ne fait pas valoir d
élément exonératoire de responsabilité et
les circonstances constitutives de la force majeure ne sont ni établies par l
instruction, ni
alléguées par le comptable.
Il résulte de ce qui précède que M. Z se trouve dans le cas prévu par les dispositions
précitées
de l
article 60 de la loi du 23 février 1963 et que sa responsabilité personnelle
et pécuniaire est engagée pour des dépenses irrégulièrement payées à concurrence de
133 631,92
.
L
existence d
un préjudice financier
Pour déterminer si le paiement irrégulier d’une
dépense par un comptable public a causé
un préjudice financier à l’organisme public concerné, il appartient au juge des comptes
de vérifier, au vu des éléments qui lui sont soumis à la date à laquelle il statue, si la
correcte exécution, par le comptable,
des contrôles lui incombant aurait permis d’éviter
que soit payée une dépense qui n’était pas effectivement due.
Lorsque le manquement du comptable porte sur l’exactitude de la liquidation de la
dépense et qu’il en est résulté un trop
-payé, ou conduit à pa
yer une dépense en l’absence
de tout ordre de payer ou une dette prescrite ou non échue, ou à priver le paiement d’effet
libératoire, il doit être regardé comme ayant par lui-même, sauf circonstances
particulières, causé un préjudice financier à l’organisme public concerné. A l’inverse,
lorsque le manquement du comptable aux obligations qui lui incombent au titre du
paiement d’une dépense porte seulement sur le respect de règles formelles que sont
l’exacte imputation budgétaire de la dépense ou l’existence
du visa du contrôleur
budgétaire lorsque celle-
ci devait, en l’état des textes applicables, être contrôlée par le
comptable, il doit être regardé comme n’ayant pas par lui
-même, sauf circonstances
particulières, causé de préjudice financier à l’organisme p
ublic concerné.
Le manquement du comptable aux autres obligations lui incombant, telles que le contrôle
de la qualité de l’ordonnateur ou de son délégué, de la disponibilité des crédits, de la
production des pièces justificatives requises ou de la certification du service fait, doit être
regardé comme n’ayant, en principe, pas causé un préjudice financier à l’organisme
public concerné lorsqu’il ressort des pièces du dossier, y compris d’éléments postérieurs
aux manquements en cause, que la dépense repose sur les fondements juridiques dont il
appartenait au comptable de vérifier l’existence au regard de la nomenclature, que
l’ordonnateur a voulu l’exposer, et, le cas échéant, que le service a été fait.
En l’espèce la dépense ne repose sur aucun fondement juridique dès lors qu’il a été relevé
que la délibération du 4 janvier
2017 ne comporte pas les caractéristiques d’un avenant,
6
notamment l’accord de la volonté des deux parties, attesté par leur signature.
Cette
délibération autorisant
l’ordonnateur à signer un tel acte ne peut s’y substituer.
En conséquence, l’absence de fondement juridique conduit à retenir qu’une dépense a été
payée en l'absence de tout ordre de payer.
Le manquement du comptable a donc causé un préjudice financier à la communauté
d’aggloméra
tion du Nord Basse-Terre.
Le lien de causalité entre les manquements du comptable et le préjudice financier
Le lien de causalité entre les manquements reprochés à M. Z et le préjudice causé à la
communauté d’agglomération
du Nord Basse-Terre est établi par le simple fait que la
dépense a été irrégulièrement payée. En effet, le comptable a ouvert sa caisse sans
effectuer les contrôles dont il était chargé.
La sanction des manquements
En application des dispositions du troisième alinéa du IV de l
article 60 modifié de la loi
du 23 février 1963 susvisée,
« lorsque le manquement du comptable
[…]
a causé un
préjudice financier à l’organisme public concerné,
[…]
le comptable a l’obligation de
verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante »
.
En application de ces dispositions, il y a lieu de constituer M. Z débiteur vis-à-vis de la
communauté d’agglomération du Nord Basse
-Terre, à hauteur de 133 631,92
.
Aux termes du paragraphe VIII de l
article 60 de la loi du 23 février 1963 précitée,
« les
débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la
responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics »
, c
est-à-dire à compter
du 7 juillet 2021, date de notification du réquisitoire à M. Z.
Le contrôle hiérarchisé de la dépense
Il revient au juge des comptes d’apprécier si le manquement du comptable s’est opéré
dans un champ couvert par un contrôle hiérarchisé de la dépense (CHD).
S’agissant de cet
te charge, si le CHD couvre bien la commande publique, il mentionne
un contrôle exhaustif de la dépense sur les marchés et les conventions. Aussi, la somme
laissée à la charge du comptable, par le ministre chargé du budget ne pourra être inférieure
à 3/1000
ème
du montant du cautionnement prévu pour le poste comptable conformément
au IX de l'article 60 de la loi du 23 février 1963 précité.
DEUXIEME CHARGE :
COMMANDE PUBLIQUE
Absence de contrat écrit
pour l’acquisition de trois bennes à ordures
- Exercices
2017 et 2018
Les réquisitions du ministère public
Par le réquisitoire n° 2021-010 du 9 juin 2021 susvisé, le ministère public a requis de la
chambre régionale de
s comptes de la Guadeloupe qu’elle se prononce
sur la responsabilité
personnelle et pécuniaire de M. Z, au motif que le comptable aurait manqué aux
7
obligations qui lui incombent
en matière de contrôle de la validité de la dette, s’agissant
de l’exactitude de la liquidation
et de la production des pièces justificatives en ayant pris
en charge et payé trois mandats n° 462, 463 et 464 émis le 25 mai 2018 sur le fondement
de trois factures du concessionnaire RENAULT en date du 21 novembre 2017 de
30 903,35
TTC chacune (30 486,08
€ HT), pour l’acquisition de trois bennes à ordures,
soit une somme totale de 92 710,05
TTC alors que chaque paiement unitaire dépassait
le seuil en vigueur de l’article 11 du code des
marchés publics nécessitant une forme écrite
sans qu’
aucun marché écrit ne soit produit.
Les obligations du comptable
Aux termes du paragraphe I de l
article 60 de la loi du 23 février 1963,
« les comptables
publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu
ils sont
tenus d
’assurer en matière […] de dépenses […] dans les conditions prévues par le
règlement général de la comptabilité publique. La responsabilité personnelle et
pécuniaire prévue ci-
dessus se trouve engagée dès lors […] qu’
une dépense a été
irrégulièrement payée […]
».
En vertu de l
article 17 du décret du 7 novembre 2012, applicable à compter du
1
er
janvier 2013, les comptables publics sont personnellement et pécuniairement
responsables de l
exercice régulier des contrôles prévus aux articles 19 et 20 dudit décret,
lesquels prévoient que «
Le comptable public est tenu d
exercer le contrôle
: [...] 2°.
s
agissant des ordres de payer
: [...]
de la validité de la dette dans les conditions prévues
à l
article 20
[...] » ; et que «
Le contrôle des comptables publics sur la validité de la dette
porte sur
:
la justification du service fait et l
exactitude des calculs de liquidation
;
l
intervention préalable des contrôles réglementaires ; la production des pièces
justificatives
[...] ».
Pour apprécier la validité des dettes, les comptables doivent exercer leur contrôle,
notamment, sur la production des justifications. A ce titre, il leur revient d
apprécier si
les pièces fournies présentent un caractère suffisant pour justifier la dépense engagée. Ils
ont l’obligation de
vérifier, en premier lieu, si l
ensemble des pièces requises au titre de
la nomenclature comptable applicable leur ont été fournies et, en deuxième lieu, si ces
pièces sont, d
une part, complètes et précises, d
autre part, cohérentes au regard de la
catégorie de la dépense définie dans la nomenclature applicable et de la nature et de l
objet
de la dépense telle qu
elle a été ordonnancée.
Au cas d’espèce
, l
’annexe 1 au code général des collectivités territoriales (CGCT) portant
nomenclature des pièces justificatives des dépenses des collectivités territoriales, en vertu
de son article D. 1617-19, dans sa rédaction alors en vigueur, issue du décret n° 2016-33
du 20 janvier 2016, prévoit, en sa rubrique 4 «
Commande publique
», la production des
pièces suivantes : «
412 - Marchés publics passés selon une procédure adaptée prévue par
les articles 28 ou 30 du code des marchés publics
(6) (…) 4123
- Dépense justifiée par un
marché public à procédure adaptée faisant l’objet d’un écrit (9)(10)
:
1. Contrat et, le cas échéant, avenant ;
2. Mémoire ou facture ;
(6) Les caractéristiques formelles d'un marché public passé selon une procédure adaptée
prévue par les articles 28 ou 30 du code des marchés publics, faisant l'objet d'un écrit
figurent au A de l'annexe G de la présente liste.
(9) Tout contrat mentionné dans une pièce justificative (facture ...) doit être produit à
8
l'appui du mandat. Lorsqu'un contrat doit être produit, il ne l'est qu'à l'appui du premier
paiement. Les caractéristiques formelles d'un marché public faisant l'objet d'un écrit et
entrant dans le champ d'application des articles 28 ou 30 du code des marchés publics,
figurent au paragraphe A de l'annexe G de la présente liste ».
(10)
En l’absence de production d’un marché écrit, certificat de l’ordonnateur prenant
la responsabilité de l’absence de marché écrit.
Le paragr
aphe A de l’annexe G à ladite nomenclature, intitulée «
Caractéristiques
formelles des marchés publics et des accords-cadres », indique que les mentions
nécessaires à un marché public passé selon une procédure adaptée prévue par les
articles 28 ou 30
du code des marchés publics […] faisant l'objet d'un écrit sont les
suivantes :
« 1. Identification des parties contractantes ;
2. Référence à la délibération autorisant la personne publique à passer le marché ;
3. Définition de l'objet du marché ;
4. Prix ou modalités de sa détermination ;
5. Conditions de règlement ».
Par ailleurs, d
ans sa rédaction en vigueur au moment des paiements, l’article
11 du code
des marchés publics prévoyait que
« les marchés et accords-
cadres d’un montant égal ou
supérieur à 25 000 euros HT sont passés sous forme écrite ».
L
existence de manquements de la part du comptable
Par le réquisitoire susvisé, il est reproché à M. Z
d’avoir
pris en charge et payé trois
mandats n° 462, 463 et 464, émis le 25 mai
2018. A l’appui
de chacun de ces mandats
figure une facture du concessionnaire RENAULT, en date du 21 novembre 2017, de
30 903,35
TTC chacune (30 486,08
€ HT), pour l’acquisition de trois bennes à ordures,
soit une somme totale de 92 710,05
TTC.
Aucun contrat écrit n’a été produit concernant
ces véhicules.
Si le juge des comptes a pu considérer qu'un contrat écrit peut
résulter d’
un accord sur le
prix et la chose constaté par écrit et
qu’il en est ainsi d'un bon de com
mande acceptant un
devis, les trois mandats en cause ne sont fondés que sur une facture qui ne fait elle-même
référence ni à un bon de commande ni à un devis accepté.
Il n’est pas plus produit de certificat de l’ordonnateur établi dans les conditions précisées
par l
’annexe 1 au code général des collectivités territoriales (CGCT) portant
nomenclature des pièces justificatives des dépenses des collectivités territoriales.
Ainsi, en prenant en charge les mandats de paiement relatifs à ces factures, qui, même
prises isolément, dépassent chacune
le seuil de l’article
11 du code des marchés publics
au-
delà duquel un contrat écrit est exigé et, en l’absence d’un certificat de l’ordonnateur
prenant la responsabilité de l’absence d’un marché écrit,
M. Z
est susceptible d’avoir
engagé sa responsabilité personnelle et pécuniaire à hauteur de 92 710,05
€,
en
application de l’article 60
-I de la loi n° 63-156 du 23 février 1963.
Il ne pourrait en être autrement que si le comptable pouvait exciper de circonstances de
force majeure. En effet, l
article 60-V de la loi n° 63-156 indique que «
lorsque […] le
juge des comptes constate l
existence de circonstances constitutives de la force majeure,
il ne met pas en jeu la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable public
».
9
En l
espèce, alors que l
ordonnateur n
a pas répondu au réquisitoire, M. Z ne fait pas
valoir d
élément exonératoire de responsabilité et les circonstances constitutives de la
force majeure ne sont ni établies par l
instruction, ni alléguées par le comptable.
Il résulte de ce qui précède que M. Z se trouve dans le cas prévu par les dispositions
précitées
de l
article 60 de la loi du 23 février 1963 et que sa responsabilité personnelle
et pécuniaire est engagée pour des dépenses irrégulièrement payées à concurrence de
92 710,05
.
L
existence d
un préjudice financier
Pour déterminer si le paiement irrégulier d
une dépense par un comptable public a causé
un préjudice financier à l
organisme public concerné, il appartient au juge des comptes
de vérifier, au vu des éléments qui lui sont soumis à la date à laquelle il statue, si la
correcte exécution, par le comptable, des contrôles lui incombant aurait permis d
éviter
que soit payée une dépense qui n
était pas effectivement due.
Lorsque le manquement du comptable porte sur l
exactitude de la liquidation de la
dépense et qu
il en est résulté un trop-payé, ou conduit à payer une dépense en l
absence
de tout ordre de payer ou une dette prescrite ou non échue, ou à priver le paiement d
effet
libératoire, il doit être regardé comme ayant par lui-même, sauf circonstances
particulières, causé un préjudice financier à l
organisme public concerné. A l
inverse,
lorsque le manquement du comptable aux obligations qui lui incombent au titre du
paiement d
une dépense porte seulement sur le respect de règles formelles que sont
l
exacte imputation budgétaire de la dépense ou l
existence du visa du contrôleur
budgétaire lorsque celle-ci devait, en l
état des textes applicables, être contrôlée par le
comptable, il doit être regardé comme n
ayant pas par lui-même, sauf circonstances
particulières, causé de préjudice financier à l
organisme public concerné.
Le manquement du comptable aux autres obligations lui incombant, telles que le contrôle
de la qualité de l
ordonnateur ou de son délégué, de la disponibilité des crédits, de la
production des pièces justificatives requises ou de la certification du service fait, doit être
regardé comme n
ayant, en principe, pas causé un préjudice financier à l
organisme
public concerné lorsqu
il ressort des pièces du dossier, y compris d
éléments postérieurs
aux manquements en cause, que la dépense repose sur les fondements juridiques dont il
appartenait au comptable de vérifier l
existence au regard de la nomenclature, que
l
ordonnateur a voulu l
exposer, et, le cas échéant, que le service a été fait.
En l’espèce
, sur la question du préjudice financier, M. Z précise dans sa réponse du
15 juillet 2021 que «
l’émission des mandats étant à l’initiative de la CANBT elle
-même
et le service ayant été fait, le préjudice éventuel subi par celle-ci ne semble pas
constitué
».
Le
comptable n’a produit aucun certificat de l’ordonnateur manifestant la volonté de ce
dernier de conclure un contrat oral. En outre, aucun bon de commande, ni devis accepté,
fondant juridiquement la dépense et, de ce fait, l’accord des parties n’a
été produit.
En conséquence, M. Z a manqué aux obligations qui lui incombent en matière de contrôle
de validité de la dette et de production des pièces justificatives.
Il doit être retenu
qu’une dépense a été payée en l'absence de tout ordre de payer
et que
le manquement du comptable a causé un préjudice financier à la CANBT.
10
Le lien de causalité entre les manquements du comptable et le préjudice financier
Le lien de causalité entre les manquements reprochés à M. Z et le préjudice causé à la
communauté d’agglomération
du Nord Basse-Terre est établi par le simple fait que la
dépense a été irrégulièrement payée. En effet, le comptable a ouvert sa caisse sans
effectuer les contrôles dont il était chargé.
La sanction des manquements
En application des dispositions du troisième alinéa du IV de l
article 60 modifié de la loi
du 23 février 1963 susvisée,
« lorsque le manquement du comptable
[…]
a causé un
préjudice financier à l’organisme public concerné,
[…]
le comptable a l’obligation de
verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante »
.
En application de ces dispositions, il y a lieu de constituer M. Z débiteur vis-à-vis de la
communauté d’agglomération du Nord Basse
-Terre, à hauteur de 92 710,05
.
Aux termes du paragraphe VIII de l
article 60 de la loi du 23 février 1963 précitée,
« les
débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la
responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics »
, c
est-à-dire à compter
du 7 juillet 2021, date de notification du réquisitoire à M. Z.
Le contrôle hiérarchisé de la dépense
Il revient au juge des comptes d’apprécier si le manquement du comptable s’est opéré
dans un champ couvert par un contrôle hiérarchisé de la dépense (CHD).
S’agissant de cet
te charge, si le CHD couvre bien la commande publique, il mentionne
un contrôle exhaustif de la dépense sur les marchés et les conventions. Aussi, la somme
laissée à la charge du comptable, par le ministre chargé du budget ne pourra être inférieure
à 3/1000
ème
du montant du cautionnement prévu pour le poste comptable conformément
au IX de l'article 60 de la loi du 23 février 1963 précité.
TROISIEME CHARGE :
RESTES A RECOUVRER
Exercices 2015 à 2018
Les réquisitions du ministère public
Par le réquisitoire susvisé du 9 juin 2021, le ministère public a requis de la chambre
régionale de
s comptes de la Guadeloupe qu’elle se prononce
sur la responsabilité
personnelle et pécuniaire de MM. Y et Z, au motif que les compt
ables n’auraient pas
effectué les diligences adéquates, complètes et rapides nécessaires au recouvrement d
’un
titre de recette de 133 764,33
, pris en charge le 31 décembre 2011 et dont l
action en
recouvrement pourrait avoir été prescrite le 31 décembre 2015.
Les obligations des comptables
Aux termes des dispositions du I de l
article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée,
« les
comptables
publics
sont
personnellement
et
pécuniairement
responsables
du
recouvrement des recettes
[…]
» ; «
[…]
La responsabilité personnelle et pécuniaire
11
prévue ci-dessus se trouve engagée dès lors
[…]
qu
une recette n
a pas été
recouvrée
[…]
».
La responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics en matière de
recouvrement des recettes s
apprécie au regard de leurs diligences, lesquelles doivent être
adéquates, complètes et rapides. Le IV du même article dispose que
« La responsabilité
pécuniaire d
un comptable public ne peut être mise en jeu que par le ministre dont il
relève, le ministre chargé du budget ou le juge des comptes ».
L’article
11
du
décret
n° 62-1587
du
29 décembre 1962
applicable
jusqu
au
31 décembre 2012, charge les comptables publics «
du recouvrement des ordres de
recettes qui leur sont remis les ordonnateurs
». A partir du 1
er
janvier 2013, le décret
n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 prévoit, à son article 18, que le comptable public est
seul chargé «
4. de la prise en charge des ordres de recouvrer et de payer qui lui sont
remis par les ordonnateurs
» et
« 5.°Du recouvrement des ordres de recouvrer et des
créances constatées par un contrat, un titre de propriété ou tout autre titre exécutoire ;
6.°De l
encaissement des droits au comptant et des recettes liées à l
exécution des ordres
de recouvrer ».
En outre, aux termes de l
article 60-III de la loi du 23 février 1963,
« La responsabilité
pécuniaire des comptables publics s
étend à toutes les opérations du poste comptable
qu
ils dirigent depuis la date de leur installation jusqu
à la date de cessation des
fonctions »
.
Les comptables sont tenus d
accomplir les diligences adéquates, complètes et rapides en
vue du recouvrement des créances publiques avant l
expiration du délai de prescription
régi par l
article L. 1617-5 du CGCT qui précise que
« L
action des comptables publics
chargés de recouvrer les créances des régions, des départements, des communes et des
établissements publics locaux se prescrit par quatre ans à compter de la prise en charge
du titre de recettes. Le délai de quatre ans mentionné à l
alinéa précédent est interrompu
par tous actes comportant reconnaissance de la part des débiteurs publics et par tous
actes interruptifs de la prescription […]
».
En matière de créances détenues à l
’encontre de débiteurs publics et compte
-tenu des
caractéristiques des diligences que le comptable est tenu
d’effectuer,
il lui appartient, pour
le moins, de veiller à l
interruption de la prescription quadriennale prévue par la loi
n° 68-1250 du 31 décembre 1968. Il peut aussi, soit, demander au préfet du département
de recourir à la procédure du mandatement d
office, soit, saisir la chambre régionale des
comptes d
une demande d
inscription d
office des crédits nécessaires à l
acquittement de
la créance au budget du débiteur public lorsqu
il relève de l
article L. 1612-15 du code
général des collectivités territoriales.
Seules les preuves matérielles, apportées par le comptable public, que le débiteur a eu
connaissance de son action telles que des commandements de payer, mises en demeure,
oppositions à tiers détenteur, lettres de relance pour les débiteurs publics, paiements
partiels, saisie-vente,
etc.
sont susceptibles d
exonérer le comptable de toute
responsabilité
personnelle
et
pécuniaire
en
application
de
la
loi
précitée
du 23 février 1963.
12
L
existence de manquements de la part des comptables
Parmi les restes à recouvrer du compte
4111
« Redevables Amiable »,
arrêtés au
31 décembre 2018,
figure un titre de recette n° 7/2011,
d’u
n montant de 133 764,33
,
pris en charge le 31 décembre 2011, sur le budget annexe
« Transports »
. Ce titre émis à
l’encontre de la caisse des écoles de Sainte
-Rose concerne le paiement de prestations de
transport des élèves de deux écoles de la commune de Sainte-Rose, suite à la fermeture
de ces dernières. Ces prestations auraient été assurées par la communauté d'agglomération
sur la base d'un marché public
qui n’a pas été produit durant l’instruction.
L’état de développement de solde fait apparaître
les diligences suivantes :
-
Autorisation de saisie, acte créé le 22/12/2013,
-
Lettre de relance standard notifiée le 21/05/2015
-
Mise en demeure standard, acte créé le 19/11/2017.
Ainsi, aucune preuve matérielle de la notification de ces actes à la caisse des écoles de
Sainte-
Rose n’a été apportée. De plus, l’autorisation de saisie se révèle être une diligence
inadéquate s’agissant d’un débiteur public.
I
l n’est justifié d’aucun paiement partiel au cours
de la période
susceptible d’interrompre
la prescription quadriennale. En conséquence, en
l’absence de toute diligence
interruptive,
l’action en recouvrement
du titre de recette en cause a expiré le
31 décembre 2015, soit sous la gestion de M. Y.
Par son inaction, M. Y a définitivement compromis le recouvrement du titre de recette
concerné. L’action en recouvrement est désormais éteinte.
Il résulte de l’analyse qui précède que
la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. Y
se trouve engagée en application
de l’article 60
-I de la loi n° 63-156 du 23 février 1963
.
Il n’en irait autrement que si le comptable pouvait exciper de la force majeure. En effet,
l’article 60
-V de la loi n° 63-156 indique que «
lorsque (…) le juge des comptes constate
l’existence de
circonstances constitutives de la force majeure, il ne met pas en jeu la
responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable public
».
L’ordonnateur n’a pas répondu au réquisitoire.
M. Z ne fait valoir aucun argument sur cette charge.
M. Y
s’exprime en ces termes
: «
Je n’ai pas d’observation à formuler sur le préjudice
financier subi ou non par la CANBT du fait que le titre n° 7/2011 aurait été atteint par la
prescription le 31 décembre
2015. N’étant plus en poste à la Trésorerie de Sainte
-Rose
depuis le 31 janvier
2017, il m’est impossible de répond
re à cette question. Le
recouvrement de cette créance aurait nécessité en parallèle l’émission d’un mandat par
la caisse des écoles de Sainte-Rose
; je n’ai pas souvenir que celui
-ci ait été établi par
cet établissement. Si tel était le cas, il convient alors de rappeler que le règlement des
mandats de la caisse des écoles s’effectuait sur le fondement des listes de priorité de
l’ordonnateur. La trésorerie de la caisse des écoles dépendait elle
-même de celle de la
commune, dont les difficultés en la matière sont notoirement connues ».
Les éléments de réponse apportés par M. Y ne constituent nullement une contestation du
manquement.
Aucune
circonstance constitutive de la force majeure n’est inv
oquée par le comptable. La
force majeure n’est pas établie par l’instruction
.
13
Il résulte de
l’ensemble de ces éléments
que la responsabilité personnelle et pécuniaire de
M. Y est engagée pour une recette non recouvrée à concurrence de 133 764,33
.
L
existence d
un préjudice financier
Lorsque le comptable a manqué aux obligations qui lui incombent au titre du
recouvrement des recettes, faute d’avoir exercé les diligences et les contrôles requis, le
manquement doit en principe être regardé comme ayant causé un préjudice financier à
l’organisme public concerné. Toutefois, lorsqu’il résulte des pièces du dossier, et en
particulier des éléments produits par le comptable, qu’à la date du manquement, la recette
était irrécouvrable en raison notamment
de l’insolvabilité de la personne qui en était
redevable, le préjudice financier ne peut être regardé comme imputable audit
manquement. Une telle circonstance peut être établie par tous documents, y compris
postérieurs au manquement.
En l’espèce, alors que
l’ordonnateur n’a pas répondu au réquisitoire,
par ses arguments,
M. Y ne démontre pas que le titre de recette en cause était irrécouvrable.
Par conséquent, le manquement du comptable a causé un préjudice financier à la
communauté
d’agglomération du Nord Basse
-Terre.
Le lien de causalité entre les manquements du comptable et le préjudice financier
Le lien de causalité entre les manquements reprochés à M. Y et le préjudice causé à la
communauté d’agglomération du Nord Basse
-Terre est établi par le simple fait que, faute
de diligences adéquates, complètes et rapides, le comptable a compromis les chances de
la collectivité de recouvrer la créance en cause.
La sanction des manquements
En application des dispositions du troisième alinéa du IV de l
article 60 modifié de la loi
du 23 février 1963 susvisée,
« lorsque le manquement du comptable
[…]
a causé un
préjudice financier à l’organisme public concerné,
[…]
le comptable a l’obligation de
verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante »
.
En application de ces dispositions, il y a lieu de constituer M. Y débiteur vis-à-vis de la
communauté d’agglomération du Nord Basse
-Terre, à hauteur de 133 764,33
,
correspondant au titre de recettes n° 7/2011 en cause.
Aux termes du paragraphe VIII de l
article 60 de la loi du 23 février 1963 précitée,
« les
débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la
responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics »
, c
est-à-dire à compter
du 17 juin 2021, date de notification du réquisitoire à M. Y.
14
QUATRIEME CHARGE : P
AIEMENT DE L’INDEMNITE DITE
«
DE VIE
CHERE »
- Exercices 2015 et 2017
Les réquisitions du ministère public
Par le réquisitoire susvisé du 9 juin 2021, le ministère public a requis de la chambre
régionale de
s comptes de la Guadeloupe qu’elle se prononce
sur la responsabilité
personnelle et pécuniaire de MM. Y et Z, en raison du paiement, en 2015 et 2017, de
mandats relatifs à la sur-rémunération, dite improprement «
prime de vie chère
», à
concurrence de 120 006,96
€ sans avoir procédé au contrôle de la validité de la dette, de
l
exactitude de la liquidation ainsi que de la production des pièces justificatives. Les
paiements en cause sont récapitulés dans les tableaux ci-après :
15
Tableau n° 1 :
Agents titulaires
Majoration de traitement de 40 % versée en septembre 2015
Mandat n° 1383 du 21 septembre 2015
Comptable : M. Y
Nom/Prénom
Grade
Service
Majoration
40%
Adjoint technique de 2e cl
Technique
622,32
Adjoint technique de 2e cl
Technique
512,77
Adjoint technique de 2e cl
Technique
512,77
Ingénieur principal
Technique
1 124,23
Adjoint technique de 2e cl
Technique
598,23
Adjoint technique de 2e cl
Technique
620,46
Agent de maîtrise
Technique
694,54
Adjoint technique de 2e cl
Technique
601,94
Adjoint technique de 2e cl
Technique
601,94
Agent de maîtrise
Technique
666,76
Adjoint technique de 2e cl
Technique
598,23
Adjoint technique de 2e cl
Technique
512,77
Ingénieur
Technique
770,48
Directeur général adjoint
Technique
1 140,90
Attaché territorial
Administration
696,40
Adjoint technique de 2e cl
Administration
607,49
Adjoint technique de 2e cl
Administration
600,08
Administrateur territorial
Administration
1 729,17
Attaché territorial
Administration
360,24
Adjoint technique de 2e cl
Administration
620,46
Attaché territorial
Administration
1 127,94
Adjoint technique de 2e cl
Administration
598,23
Adjoint technique de 2e cl
Technique
598,23
Adjoint technique de 2e cl
Technique
601,94
Adjoint technique de 1e cl
Technique
633,42
Adjoint technique de 1e cl
Technique
627,86
Attaché territorial
Administration
900,12
Adjoint technique de 2e cl
Technique
598,23
Adjoint technique de 2e cl
Technique
622,31
Adjoint technique de 1e cl
Technique
609,34
Rédacteur territorial
Administration
733,43
Adjoint technique de 2e cl
Technique
614,90
Adjoint technique de 2e cl
Technique
512,77
Agent de maîtrise
Technique
640,83
Adjoint technique de 2e cl
Technique
601,94
Adjoint technique de 2e cl
Administration
603,79
Adjoint technique de 2e cl
Administration
629,72
Adjoint technique de 2e cl
Technique
614,90
Adjoint technique de 1e cl
Technique
624,16
Adjoint technique de 2e cl
Technique
622,31
Adjoint technique de 2e cl
Technique
622,31
Adjoint technique de 2e cl
Technique
622,31
Adjoint technique de 2e cl
Technique
620,46
Ingénieur
Administration
787,15
Adjoint technique de 2e cl
Technique
598,23
16
Nom/Prénom
Grade
Service
Majoration
40%
Adjoint technique de 2e cl
Technique
512,77
Attaché principal
Administration
1 066,82
Adjoint technique de 2e cl
Technique
600,08
Adjoint technique de 2e cl
Technique
512,77
Adjoint technique de 2e cl
Administration
596,38
Adjoint technique de 1e cl
Technique
627,86
Adjoint technique de 2e cl
Administration
601,94
Adjoint technique de 2e cl
Administration
644,53
Adjoint technique de 1e cl
Technique
605,64
Adjoint technique de 2e cl
Administration
640,83
Adjoint technique de 2e cl
Administration
620,46
Adjoint technique de 2e cl
Technique
601,94
Adjoint technique de 2e cl
Technique
603,79
Adjoint technique de 2e cl
Technique
512,77
Total
39 307,59
Source : bulletins de salaire des intéressés.
Tableau n° 2 :
Agents non titulaires
Majoration de traitement de 40 % versée en septembre 2015
Mandat n° 1369 du 17 septembre 2015
Comptable : M. Y
Nom/Prénom
Emploi
Service
Majoration
40%
Agent développement économique
Administration
777,89
Attaché territorial
Technique
918,65
Attaché territorial
Administration
970,51
Adjoint technique de 2e cl
Technique
594,53
Rédacteur
Technique
663,06
chargé de mission
Administration
918,55
Adjoint technique de 2e cl
Administration
594,53
Attaché territorial
Technique
918,65
Adjoint technique de 2e cl
Technique
594,53
Adjoint administratif principal de 2e cl
Technique
198,18
chargé de mission
Administration
918,65
Adjoint technique de 2e cl
Administration
594,53
Adjoint technique de 2e cl
Technique
585,27
Adjoint technique de 2e cl
Technique
585,27
Adjoint technique de 2e cl
Technique
594,53
Adjoint technique de 2e cl
Administration
594,53
chargé de mission
Administration
687,13
chargé de mission
Administration
1 081,64
chargé de mission
Administration
648,24
Adjoint administratif de 2e cl
Administration
594,53
Adjoint administratif de 2e cl
Administration
648,24
Collaborateur de cabinet
Administration
1 305,18
Adjoint administratif de 2e cl
Administration
648,24
Adjoint administratif de 2e cl
Administration
594,53
Total
17 229,59
Source : bulletins de salaire des intéressés.
17
Tableau n° 3 :
Agents titulaires
Majoration de traitement de 40 % versée en septembre 2017
Mandat n° 1151 du 15 septembre 2017
Comptable : M. Z
Nom/Prénom
Grade
Service
Majoration
40%
Adjoint technique territorial
Technique
629,80
Adjoint technique territorial
Technique
629,80
Adjoint administratif territorial
Administration
687,91
Adjoint technique territorial
Technique
526,98
Adjoint technique territorial
Technique
526,98
Attaché territorial
Administration
749,76
Adjoint administratif territorial
Technique
687,91
Directeur général adjoint
Technique
1 220,24
Adjoint technique territorial
Technique
616,68
Agent de maîtrise
Technique
714,15
Adjoint technique territorial
Technique
612,93
Adjoint technique territorial
Administration
687,91
Agent de maîtrise
Technique
714,15
Adjoint administratif territorial
Administration
687,91
Adjoint technique territorial
Technique
618,55
Adjoint administratif territorial
Administration
612,93
Adjoint technique territorial
Technique
618,55
Agent de maîtrise
Technique
714,15
Adjoint technique territorial
Technique
616,68
Attaché territorial
Technique
687,91
Adjoint technique territorial
Technique
526,98
Adjoint administratif principal
2e cl
Technique
627,05
Adjoint technique territorial
Technique
612,93
Directeur général adjoint
Administration
1 220,24
Attaché territorial
Administration
783,50
Adjoint technique territorial
Administration
629,80
Adjoint technique territorial
Administration
616,68
Administrateur territorial
Administration
1 585,75
Adjoint administratif territorial
Administration
687,91
Attaché territorial
Administration
783,50
Adjoint technique territorial
Administration
622,30
Attaché territorial
Administration
1 105,90
Adjoint technique territorial
Administration
614,80
Adjoint technique territorial
Administration
633,55
Adjoint technique territorial
Technique
616,68
Ingénieur
Administration
877,22
Adjoint technique territorial
Technique
622,30
Adjoint administratif territorial
Administration
612,93
Adjoint technique territorial
Technique
656,04
Adjoint technique territorial
Technique
656,04
Attaché territorial
Administration
976,56
Adjoint technique territorial
Technique
614,80
Adjoint administratif principal
2e cl
Administration
712,27
18
Nom/Prénom
Grade
Service
Majoration
40%
Adjoint technique territorial
Technique
618,55
Adjoint technique territorial
Technique
612,93
Adjoint technique territorial
Technique
629,80
Adjoint technique territorial
Technique
627,18
Adjoint technique territorial
Technique
656,04
Rédacteur territorial
Administration
785,38
Adjoint administratif territorial
Technique
616,68
Adjoint technique territorial
Technique
641,05
Adjoint technique territorial
Technique
526,97
Agent de maîtrise
Technique
714,15
Adjoint technique territorial
Technique
618,55
Adjoint technique territorial
Administration
622,30
Adjoint technique territorial
Administration
616,68
Adjoint technique territorial
Administration
618,55
Adjoint administratif territorial
Technique
618,55
Adjoint administratif territorial
Administration
687,91
Adjoint administratif territorial
Technique
629,80
Adjoint administratif territorial
Technique
629,80
Adjoint technique territorial
Technique
641,05
Adjoint technique territorial
Technique
642,92
Adjoint technique territorial
Technique
622,30
Adjoint technique territorial
Technique
629,80
Adjoint technique territorial
Technique
629,80
Adjoint technique territorial
Technique
622,30
Adjoint technique territorial
Technique
618,55
Ingénieur
Administration
815,37
Adjoint administratif territorial
Administration
687,91
Technicien
Administration
657,92
Adjoint administratif territorial
Administration
663,54
Ingénieur
Technique
796,62
Adjoint technique territorial
Technique
526,98
Adjoint technique territorial
Technique
614,80
Attaché principal
Administration
1 220,24
Adjoint technique territorial
Technique
621,98
Adjoint technique territorial
Technique
526,98
Adjoint technique territorial
Administration
612,93
Adjoint technique territorial
Technique
642,92
Adjoint technique territorial
Administration
622,30
Adjoint technique territorial
Administration
659,79
Adjoint technique territorial
Technique
642,92
Adjoint technique territorial
Administration
622,30
Adjoint technique territorial
Administration
641,05
Adjoint technique territorial
Technique
618,55
Adjoint technique territorial
Technique
622,30
Adjoint technique territorial
Technique
614,80
Total
60 267,40
Source : bulletins de salaire des intéressés.
19
Tableau n° 4 :
Agents non titulaires
Majoration de traitement de 40 % versée en septembre 2015
Mandat n° 1175 du 15 septembre 2017
Comptable : M. Z
Nom/Prénom
Emploi
Service
Majoration
40%
Attaché territorial
Administration
717,90
Adjoint administratif territorial
Administration
609,18
Adjoint technique territorial
Technique
609,18
Adjoint administratif territorial
Administration
601,68
Adjoint administratif territorial
Administration
663,54
Total
3 201,48
Source : bulletins de salaire des intéressés.
Les obligations des comptables
Aux termes du paragraphe I de l
article 60 de la loi du 23 février 1963,
« les comptables
publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu’ils sont
tenus d’assurer en matière
[…]
de dépenses
[…]
dans les conditions prévues par le
règlement général de la comptabilité publique. La responsabilité personnelle et
pécuniaire prévue ci-dessus se trouve engagée dès lors
[…]
qu’une dépense a été
irrégulièrement payée
[…]
».
En vertu de l
’article
17 du décret du 7 novembre 2012, applicable à compter du
1
er
janvier 2013, les comptables publics sont personnellement et pécuniairement
responsables de l
exercice régulier des contrôles prévus aux articles 19 et 20 dudit décret,
lesquels prévoient que «
Le comptable public est tenu d
exercer le contrôle
: [...] 2°.
s
agissant des ordres de payer
: [...]
de la validité de la dette dans les conditions prévues
à l
article 20
[...] » ; et que «
Le contrôle des comptables publics sur la validité de la dette
porte sur
:
la justification du service fait et l
exactitude des calculs de liquidation
;
l
intervention préalable des contrôles réglementaires ; la production des pièces
justificatives
[...] ».
Pour apprécier la validité des dettes, les comptables doivent notamment exercer leur
contrôle sur la production des justifications. A ce titre, il leur revient d
apprécier si les
pièces fournies présentent un caractère suffisant pour justifier la dépense engagée. Ils ont
l
obligation de vérifier, en premier lieu, si l
ensemble des pièces requises au titre de la
nomenclature comptable applicable leur ont été fournies et, en deuxième lieu, si ces pièces
sont, d
une part, complètes et précises, d
autre part, cohérentes au regard de la catégorie
de la dépense définie dans la nomenclature applicable, de la nature et de l
objet de la
dépense telle qu
elle a été ordonnancée.
Le comptable doit donc disposer de l
ensemble des pièces justificatives, conformément à
l
’annexe
I du CGCT constitutive de la nomenclature des pièces justificatives des dépenses
des collectivités publiques applicable en l
espèce, établie en vertu de son article
D. 1617-
19, dans sa rédaction issue du décret n° 2016-33 du 20 janvier 2016 applicable à compter
du 23 janvier 2016
mais ressortant également dans les mêmes termes de l’instruction
codificatrice du 30 mars 2007.
20
La rubrique
« 210223. Primes et indemnités »
prévoit
la production de :
-
la décision de l
assemblée délibérante fixant la nature, les conditions d
attribution
et le taux moyen des indemnités,
-
la décision de l
autorité investie du pouvoir de nomination fixant le taux
applicable à chaque agent,
afin de pouvoir procéder au paiement d
une prime à un agent.
L
article 3 de la loi n° 50-407 du 3 avril 1950 concernant les conditions de rémunération
et les avantages divers accordés aux fonctionnaires en service dans les départements de
la Martinique, de la Guadeloupe, de la Guyane et de La Réunion dispose : «
Une
majoration de traitement de 25 % est accordée, à partir du 1
er
avril 1950, à tous les
fonctionnaires des départements considérés. L
indemnité dite de recrutement instituée
par le décret n° 48-167 du 31 mars 1948 est supprimée à partir de la même date
».
L
article 1 du décret n° 57-87 du 28 janvier 1957 portant majoration du complément
temporaire alloué aux fonctionnaires de l
Etat en service dans les départements de la
Guadeloupe, de la Martinique et de la Guyane française précise : «
À compter du
1
er
janvier 1957, le montant du complément temporaire institué par l
article 10 du décret
susvisé du 22 décembre 1953 est porté à 15 % à l
égard des fonctionnaires de l
Etat en
service dans les départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Guyane
française
».
La combinaison de ces deux dispositifs porte le taux du complément de rémunération
attribué aux fonctionnaires de l
Etat en service dans le département de la Guadeloupe
à 40 %. Ce complément de rémunération présente toutes les caractéristiques d
une
indemnité attachée à l
exercice des fonctions et est lié au séjour de l
agent dans un
département d
outre-mer.
Les articles précités de la loi n° 50-407 du 3 avril 1950 et du décret n° 57-87 du
28 janvier 1957 accordent respectivement 25 % et 15 % de majoration de traitement et de
complément temporaire aux seuls agents titulaires
de l’Etat.
Si, en vertu du principe de parité, les
collectivités territoriales ont la faculté d’accorder
un avantage équivalent à leurs agents titulaires, elles doivent en décider explicitement,
par une délibération. En effet, l
article 1 du décret n° 91-875 du 6 septembre 1991 pris
pour l
application du premier alinéa de l
article 88 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984
portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, applicable en
l’espèce, dispose
que
« les organes délibérants des collectivités territoriales et de leurs
établissements publics fixent les régimes indemnitaires, dans la limite de ceux dont
bénéficient les différents services de l
Etat ».
En l’absence de délibération
de l’organe
délibérant compétent, le versement de la majoration de traitement et du complément
temporaire
aux agents titulaires d’une collectivité es
t sans fondement.
S’agissant des non titulaires, aucun principe n’interdit de faire bénéficier un agent non
titulaire d’un régime indemnitaire prévu pour des titulaires.
Les indemnités doivent
impérativ
ement être prévues dans le contrat qui lie l’agent à la collectivité. Le contrat doit
donc viser la délibération prévoyant le versement de ces indemnités au bénéfice des
agents contractuels.
21
L
existence de manquements de la part des comptables
La liste des pièces justificatives des dépenses publiques locales jointe en annexe I à
l
article D. 1617-19 du CGCT est obligatoire, d
application stricte et ne souffre aucune
exception. Il appartenait au comptable d
exiger la production des pièces lui permettant de
vérifier la validité de la dette, conformément aux textes précédemment rappelés, et
d
effectuer le contrôle de la liquidation des indemnités en cause.
Durant leur gestion respective, MM. Y et Z
ont versé l’indemnité dite
« de vie chère »
à
des agents titulaires et non titulaires de la communauté d’agglomération du Nord Basse
-
Terre sans être en possession de la délibération autorisant le versement de ce complément
de rémunération.
En outre, les décisions individuelles n’ont pas été
produites et certains contrats de non
titulaires
ne comportaient pas la mention de l’indemnité de vie chère.
L
ordonnateur n
a pas répondu au réquisitoire.
Les comptables ne contestent pas l
’absence de délibération
. M. Y estime notamment que
« le manquement du comptable est objectif au regard des dispositions législatives et
réglementaires en vigueur, rappelées dans le réquisitoire, qui régissent le versement des
primes et indemnités. Pour autant, il est notoire que cette prime a été attribuée de manière
quasi généralisée dans la plupart des CEPL du département de la Guadeloupe, sur une
longue période »
.
Il fait également valoir que l’usage répandu et prolongé du paiement de ces indemnités a
entretenu la confusion d’autant que l’article 88 de la loi du 26 janvier 1984 et l’article 1
du décret du 6 septembre 1991 ont instauré un régime de parité entre les fonctionnaires
territoriaux et ceux de l’Etat. Il ajoute enfin que le contrôle de légalité n’a pas, à sa
connaissance, formulé d’observation sur le paie
ment de ces indemnités tant lors des
contrôles des budgets que de celui des contrats des agents non titulaires.
Cependant, en payant ces indemnités en l
absence de délibération autorisant ces
paiements et des décisions individuelles d’attribution,
MM. Y et Z ont manqué aux
obligations qui leur incombent en matière de contrôle préalable de la validité de la dette,
de sorte que leur responsabilité personnelle et pécuniaire se trouve engagée, à hauteur de
56 537,18
pour M. Y et 63 468,88
€ pour M.
Z, en application de l
article 60-I de la loi
n° 63-156 du 23 février 1963.
Il n
en irait autrement que si les comptables pouvaient exciper de la force majeure. En
effet, l
article 60-V de la loi n° 63-156 indique que «
lorsque
[…]
le juge des comptes
constate l
existence de circonstances constitutives de la force majeure, il ne met pas en
jeu la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable public
».
Les circonstances invoquées par MM. Y et Z, liées au difficultés internes puis au
déménagement du poste comptable de Sainte-Rose ainsi qu
’à
la situation financière
dégradée de la commune éponyme, ne constituent pas des circonstances revêtant les
caractéristiques d
extériorité, d
imprévisibilité et d
irrésistibilité propres à la force
majeure. Celle-ci ne pourra donc être retenue.
22
L
existence d
un préjudice financier
Pour déterminer si le paiement irrégulier d
une dépense par un comptable public a causé
un préjudice financier à l
organisme public concerné, il appartient au juge des comptes
de vérifier, au vu des éléments qui lui sont soumis à la date à laquelle il statue, si la
correcte exécution, par le comptable, des contrôles lui incombant aurait permis d
éviter
que soit payée une dépense qui n
était pas due.
Lorsque le manquement du comptable porte sur l
exactitude de la liquidation de la
dépense et qu
il en est résulté un trop-payé, ou conduit à payer une dépense en l
absence
de tout ordre de payer ou une dette prescrite ou non échue, ou à priver le paiement d
effet
libératoire, il doit être regardé comme ayant par lui-même, sauf circonstance particulière,
causé un préjudice financier à l
’organisme public concerné.
A l
inverse, lorsque le manquement du comptable aux obligations qui lui incombent au
titre du paiement d
une dépense porte seulement sur le respect de règles formelles que
sont l
exacte imputation budgétaire de la dépense ou l
existence du visa du contrôleur
budgétaire lorsque celle-ci devait, en l
état des textes applicables, être contrôlée par le
comptable, il doit être regardé comme n
ayant pas par lui-même, sauf circonstance
particulière, causé de préjudice financier à l
’organisme public concerné.
Enfin, le manquement du comptable aux autres obligations lui incombant, telles que le
contrôle de la qualité de l
ordonnateur ou de son délégué, de la disponibilité des crédits,
de la production des pièces justificatives requises ou de la certification du service fait,
doit être regardé comme n
ayant, en principe, pas causé un préjudice financier à
l
organisme public concerné lorsqu
il ressort des pièces du dossier, y compris d
éléments
postérieurs aux manquements en cause, que la dépense repose sur les fondements
juridiques dont il appartenait au comptable de vérifier l
existence au regard de la
nomenclature, que l
ordonnateur a voulu l
exposer et, le cas échéant, que le service a été
fait.
M. Y fait valoir que
« De mon point de vue, il ne peut aucunement être considéré que la
CANBT a subi un préjudice financier du fait de la mise en paiement des indemnités de
vie chèr
e, quand bien même cette prime aurait été versée en l’absence de toute décision
de l’assemblée délibérante.
Les agents ayant bénéficié de cette indemnité au mois de
septembre 2015 ont tous été recrutés bien avant 2015. Comme l’in
dique le réquisitoire,
la majoration de 40
% a été versée tant aux agents titulaires qu’aux agents contractuels,
qui l’ont perçu durant plusieurs années.
En liquidant et en mandatant cette prime, pour
laquelle les crédits ont été régulièrement ouverts dans les budgets successifs votés par
l’assemblée délibérante de la CANBT, l’ordonnateur a clairement exprimé sa volonté de
la mettre en paiement, de manière pérenne. Il ne saurait donc invoquer un quelconque
préjudice financier subi par l’EPCI. Le contrôle de
légalité n’a pour sa part, à ma
connaissance, jamais soulevé d’observations sur le versement de la prime de 40
%, tant
lors du contrôle des budgets, qu’au moment de l’examen des contrats des agents non
titulaires dont il a eu à connaître postérieurement au recrutement de ces agents »
.
On doit observer que l’
inscription annuelle des crédits au budget de la collectivité ne peut
fonder juridiquement la dépense. Dès lors, que ce complément de rémunération présente
toutes les caractéristiques d’une indemnité attachée à l’exercice de fonctions outre
-mer,
elle doit être fondée, comme toutes les autres indemnités, sur une délibération préalable.
23
Toutefois, il est clairement établi que les agents titulaires ou contractuels pouvaient avoir
droit, au regard des textes applicables, à la prime «
dite de vie chère
». S’il manquait
effectivement une délibération antérieure aux règlements litigieux, on peut constater que
le conseil communautaire de la CANBT, a adopté la délibération n° 3 du 29 octobre 2019
portant«
approbation de la majoration de traitement dite de vie chère aux agents titulaires
et non titulaires de la CANBT
» à savoir «
la majoration de traitement de 40 % qui est
versée men
suellement aux fonctionnaires statutaires stagiaires et titulaires, ainsi qu’aux
agents non titulaires, contractuels de droit public recrutés selon les dispositions de
l’article 3 de la loi du26 janvier 1984 et les emplois de collaborateurs de cabinet...
». Sa
rédaction peut être considérée comme induisant
la volonté de l’assemblée délibérante de
verser une majoration de traitement de 40 % sur la période litigieuse. Cette délibération
apporte dès lors un fondement juridique aux paiements litigieux.
Dans ces conditions, les manquements de M. Y et de M. Z à leurs obligations de contrôle
n’ont pas causé un préjudice financier à la
CANBT.
La sanction des manquements
Aux termes du troisième alinéa du VI de l’article 60 modifié de la loi du 23 février 1963
susvisée, «
Lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I n’a
pas causé de préjudice financier à l’organisme public concerné, le juge des compte
s peut
l’obliger à s’acquitter d’une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des
circonstances de l’espèce. Le montant maximal de cette somme est fixé par décret en
Conseil d’Etat en fonction du niveau des garanties mentionnées au II.
».
Le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 prévoit que ce montant est fixé «
à un
millième et demi du montant du cautionnement prévu par le poste comptable considéré
».
En application des dispositions précitées, le cautionnement de M. Y
pour l’exercice 20
18
s’élevant à
177 000
, le plafond de la somme rémiss
ible s’établit à la somme de 265,50
€.
Le cautionnement de M. Z pour
l’exercice 2018 s’élevant à 180
000
€, le plafond de la
somme rém
issible s’établit à la somme de 270
€.
Il est fait une juste ap
préciation des circonstances de l’espèce et des sommes en cause en
prononçant à l’encontre de M.
Y et de M. Z
l’obligation de s’acquitter d’une somme
irrémissible totale de 80
pour M. Y et de 100
€ pour M.
Z, en application du paragraphe
VI alinéa 2 de l’article 60 modifié de la loi n°
63 156 du 23 février 1963.
Par ces motifs,
DÉCIDE
Article 1
Charge n° 1
M. Z est constitué débiteur
de la communauté d’agglomération du Nord Basse
-Terre sur
le fondement du troisième alinéa du VI de l
article 60 de la loi n° 63-156 du
23 février 1963 modifiée, pour la somme de cent trente-trois mille six-cent trente et un
euros et quatre-vingt-douze centimes (133 631,92
), augmentée des intérêts de droit à
compter du 7 juillet 2021, date de la notification du réquisitoire au comptable.
24
Article 2
Charge n° 2
M. Z est constitué débiteur
de la communauté d’agglomération du Nord Basse
-Terre sur
le fondement du troisième alinéa du VI de l
article 60 de la loi n° 63-156 du
23 février 1963 modifiée, pour la somme de quatre-vingt-douze mille sept cent dix euros
et cinq centimes (92 710,05
), augmentée des intérêts de droit à compter du
7 juillet 2021, date de la notification du réquisitoire au comptable.
Article 3
Charge n° 3
M. Y est constitué débiteur
de la communauté d’agglomération du Nord Basse
-Terre sur
le fondement du troisième alinéa du VI de l
article 60 de la loi n° 63-156 du
23 février 1963 modifiée, pour la somme de cent trente-trois mille sept cent soixante-
quatre euros et trente-trois centimes (133 764,33
), augmentée des intérêts de droit à
compter du 17 juin 2021, date de la notification du réquisitoire au comptable.
Article 4
Charge n° 4
La responsabilité personnelle et pécuniaire de M. Y est engagée sur le fondement de
l’alinéa 2 du VI de l’article 60 de la loi n° 63
-156 du 23 février 1963 modifiée et une
somme de quatre-vingt euros (80
€) est mise à sa charge. Cette somme n’est pas
susceptible de remise gracieuse, conformément au para
graphe IX de l’article 60 précité.
La responsabilité personnelle et pécuniaire de M. Z est engagée sur le fondement de
l’alinéa 2 du VI de l’article 60 de la loi n° 63
-156 du 23 février 1963 modifiée et une
somme de cent euros (100
€) est mise à sa charge. Cette somme n’est pas susceptible de
remise gracieuse, conformément au paragraphe IX de l’article 60 précité.
Article 5
Sursis à décharge
M. Y ne sera déchargé de sa gestion du 2 janvier 2015 au 31 janvier 2017 qu
après
apurement des débets prononcés à son encontre.
M. Z ne sera déchargé de sa gestion du 1
er
février 2017 au 31 décembre 2018 qu
après
apurement des débets prononcés à son encontre.
Article 6
Décharge et quitus
Mme Marie-Michèle
X
est
déchargée
de
sa
gestion
du
1
er
janvier 2012
au
1
er
janvier 2015. Quitus lui est donné.
Fait et délibéré par la chambre régionale des comptes de la Guadeloupe,
le 20 janvier 2022.
25
Présents :
-
M. Patrick PLANTARD, président de section, président de séance,
-
M. Alexandre ABOU, réviseur ;
-
Mme Carole SAJ et M. René PARTOUCHE, premiers conseillers ;
-
Mme Louise AREND, conseillère ;
En présence de Mme AZARES, greffière de séance.
Ont signé : Mme Martine AZARES, greffière, M. Yves COLCOMBET, président.
Collationné, certifié conforme à la minute étant au greffe de la Chambre régionale des
comptes de la Guadeloupe et délivré par moi, secrétaire générale.
Aurélie ROSSAT
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de
mettre le présent jugement à exécution ; aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près
les tribunaux de grande instance, d
y tenir la main ; à tous commandants et officiers de la force publique
de prêter main-forte lorsqu
ils en seront légalement requis.
En application des articles R. 242-19 et R. 242-23 du code des juridictions financières, les jugements
prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d
appel devant la Cour des comptes
dans le délai de deux mois à compter de la notification, selon les modalités prévues aux articles R. 242-22
et R. 242-24 du même code. Ce délai est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l
étranger.
La révision d
un jugement peut être demandée après expiration des délais d
appel, et ce, dans les conditions
prévues à l
article R. 242-29 du même code.