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ENTITÉS ET POLITIQUES PUBLIQUES
LA RECHERCHE
EN INFECTIOLOGIE
Un enjeu fort insuffisamment piloté
Rapport public thématique
Synthèse
Février 2022
2
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
g
AVERTISSEMENT
Cette synthèse est destinée à faciliter la lecture et l’utilisation du
rapport de la Cour des comptes.
Seul le rapport engage la Cour des comptes.
Les réponses des administrations, des organismes et des collectivités
concernés figurent à la suite du rapport
.
3
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Sommaire
1
Une recherche en infectiologie réputée mais une priorité
insuffisante accordée aux maladies infectieuses émergentes
et réémergentes
5
2
Des fragilités en matière de pilotage et d’attractivité
du métier de chercheur
7
3
Une réaction rapide à la crise sanitaire
9
4
Un passage entre recherche et innovation freiné
par le manque de coordination des acteurs et l’absence
de maturité de l’écosystème public-privé
11
5
Les pistes pour ériger la recherche sur les maladies
infectieuses en priorité nationale .
13
Recommandations. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
5
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
1
Une recherche en infectiologie
réputée mais une priorité
insuffisante accordée
aux maladies infectieuses
émergentes et réémergentes
La recherche française en infectiologie,
ensemble des disciplines médicales
consacrées à l’étude des maladies
infectieuses, se situe à un niveau
très honorable dans les classements
internationaux,
si
l’on
en
juge
par
l’analyse
bibliométrique
des
travaux
de
cette
discipline .
Ainsi,
sur la période 2014-2018, la France
occupait le 4
ème
  rang par le nombre
de ses publications dans ce domaine,
performance d’autant plus signalée
que
notre
pays
n’occupe
que
le
8
ème 
rang pour les recherches en
sciences de la vie dans leur ensemble .
La crise pandémique de la covid 19 a
cependant mis en lumière le manque
de préparation, d’anticipation et de
priorité accordées par la France à la
lutte contre les maladies infectieuses
émergentes . Notre pays avait pourtant
démontré, s’agissant de la lutte contre
le sida, à partir de 1988, sa capacité
à structurer une communauté de
chercheurs et à maintenir un haut
niveau de financement aux études et
essais concernant le VIH . La création
de
l’ANRS
(Agence
nationale
de
recherches sur le sida et les hépatites
virales), agence de coordination et
de moyens consacrée à la recherche
contre
le
VIH/sida,
contre
les
hépatites virales peu après 2020,
contre la tuberculose et les infections
sexuellement
transmissibles
(IST),
apparaît avoir été une des conditions
de ce succès . La France n’a pas su
construire
la
même
mobilisation
autour de la lutte contre les maladies
infectieuses émergentes . De fait, elle
n’a pas été en mesure de produire
rapidement
un
vaccin
ou
une
prophylaxie médicamenteuse contre
la covid 19 .
Au cours des vingt dernières années,
plusieurs
épisodes
épidémiques
ont constitué des signaux d’alerte
précoces (Zika, Ebola, H1N1, SARS-
CoV-1, etc .) . Pourtant, ces évènements
n’ont pas entrainé de mouvement
de
structuration
ou
de
définition
d’une
stratégie
particulière
de
la
part des pouvoirs publics en ce qui
concerne les maladies émergentes,
notamment liées au coronavirus . Des
sommes
conséquentes
ont
certes
été accordées
via
les programmes
d’investissements
d’avenir
(PIA)
à
certaines structures . Mais ces diverses
mesures ont été prises en l’absence
de vision d’ensemble et sans souci
prospectif . Il en a résulté que des
équipements indispensables à cette
recherche, tels les cryo-microscopes
électroniques, ont manqué en nombre
au moment de la crise de la covid 19 .
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Les financements globaux accordés
à la recherche en infectiologie ne
font, par ailleurs, l’objet d’aucun suivi
spécifique de la part des ministères
chargés de la recherche et de la santé .
Si l’on observe dans ce domaine une
légère progression, de l’ordre de 14 %
entre 2015 et 2020 (contrairement aux
financements accordés à la recherche
en sciences de la vie, qui diminuent
d’environ 12 % sur la période), ces
ressources n’ont pas fait l’objet d’une
priorité marquée .
Par comparaison,
le
montant
moyen
annuel
des
financements par appels à projets
accordés par l’ANRS à la recherche
contre le sida et les hépatites sur la
période 2014-2020 (41,4 M€) a été
près de trois fois supérieur au total des
financements accordés par l’Agence
nationale
de
la
recherche
(ANR)
au reste des maladies infectieuses
(16,2 M€) .
Une recherche en infectiologie réputée mais
une priorité insuffisante accordée aux maladies
infectieuses émergentes et réémergentes
Crédits consacrés à la recherche en infectiologie hors universités
de 2015 à 2020 (dotations budgétaires, PIA et ressources propres)
Source : Cour des comptes d’après les données financières recueillies auprès
des organismes suivants : IP Paris et Lille, Inserm, CNRS, Cirad, IRD, CEA, INRAE,
ANRS et ANRS-MIE
Comparaison des montants de financement accordés par l’ANRS et l’ANR
aux projets de recherche en infectiologie en M€ de 2014 à 2020
Source : Cour des comptes, d’après les données de l’ANR et de l’ANRS
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Des fragilités en matière
de pilotage et d’attractivité
du métier de chercheur
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Acteurs de la recherche en infectiologie
LES PRINCIPAUX ACTEURS DE LA POLITIQUE DE RECHERCHE EN INFECTIOLOGIE
Orientation /
conception /
pilotage
MESRI
MSS
Évaluation
HCERES
Cour des comptes
Capnet pendant
la crise Covid19
Contractualisation :
contrats d’objectifs
Alliance
AVIESAN
Itmo-13 M
Coordination
Pilotage
européen
HERA
SGPI
Bpifrance
Financement
ANR (Agence de
financement des AAP)
ANRS / MIE
Crédits européens H2020
/ horizon Europe not. ERC
Crédits budgétaires des
organismes de recherche
et des universités
Programme
d’investissement
d’avenir (PIA)
Ressources propres
(appels à projets ANR,
legs, dons, mécénat)
Valorisation de la recherche
SATT (société d’accélération
de transferts de technologies)
CVT (consortium de valorisation)
Office de transfert
des technologies des
organismes de
recherche
(Inserm transfert,
CNRS innovation)
Commercialisation
Opérateurs :
CNRS, Insern, Inraé,
Cirad, Instituts Pasteur,
IRD, CEA, SSA
Essais cliniques
ANSM
Commité de
protection des
personnes
Établissements de santé
(crédits MERRI et PHRC)
Mise en oeuvre
Universités
UMR
Labex
Equipex
Idex
IHU / RHU
Entreprises :
(LEEM France,
Biotech)
Source : Cour des comptes
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
La
pluralité
des
organismes
de
recherche, qui disposent chacun de
leurs propres systèmes d’information
et
règles
de
gestion,
rend
plus
complexe la gestion des unités de
recherche, qui sont placées pour la
plupart sous la tutelle de plusieurs
institutions . Cette complexité, que
nourrit également la part croissante
prise par les appels à projets et leur
faible taux de succès sur la période
sous revue, pèse directement sur le
travail des chercheurs en infectiologie .
Ces derniers consacrent un temps
réduit à la recherche, ce qui, conjugué
à des rémunérations d’un niveau
inférieur
aux
standards
des
pays
comparables, réduit l’attractivité des
laboratoires français . La crise a illustré
ces faiblesses, que les pouvoirs publics
se sont efforcés de combler .
À l’instar du reste de la recherche
biomédicale,
la
recherche
en
infectiologie souffre d’une insuffisance
de pilotage des nombreux acteurs
impliqués, qu’il s’agisse des ministères ou
de l’alliance nationale pour les sciences
de la vie et de la santé (AVIESAN),
laquelle est chargée de coordonner les
opérateurs de recherche et d’établir une
feuille de route commune . En dehors du
rôle fédérateur joué par l’ANRS dans le
domaine du VIH et du sida, les initiatives
ne sont pas coordonnées et le nombre
de projets communs demeure limité . Ce
constat vaut également pour le réseau
de soutien à la recherche à l’étranger,
dont l’existence est particulièrement
importante en matière d’infectiologie
et où la France dispose, grâce à des
forces de recherche importantes, d’un
avantage comparatif de premier plan .
Des fragilités en matière de pilotage
et d’attractivité du métier de chercheur
Structures de recherche disposant de plus de quatre projets financés
par le Conseil européen de la recherche (ERC) en infectiologie –
Nombre de projets et montants cumulés, 2014-2020
Structures de recherche
à plus de quatre projets
Nombre
de projets
Budget cumulé
(en €)
CNRS
11
22 154 578
INSERM
7
12 950 029
Pasteur Institute
7
12 392 610
Weizmann Institute
6
10 999 999
Tel Aviv University
6
10 663 875
University of Cambridge
5
9 721 749
University of Glasgow
5
9 294 698
Helmholtz Centre for Infection Research
5
7 997 391
Hebrew University of Jerusalem
4
13 186 421
University of Copenhagen
4
7 287 168
ETH Zurich
4
7 241 705
University of Edinburgh
4
6 660 379
Max Planck Society
4
5 990 043
Source : Représentation permanente de la France auprès de l’Union européenne
9
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
La réaction de la recherche française
en infectiologie au moment de la
crise
sanitaire
a
été
rapide .
Des
financements
spécifiques
contre
la covid 19, par appels à projets et
par d’autres canaux, ont été mis en
place dès les premières semaines
de l’émergence . Près de la moitié
des chercheurs en infectiologie ont
réorienté leurs travaux sur le nouveau
virus . Des publications importantes
ont été produites, aussi bien sur des
aspects fondamentaux que sur une
recherche plus appliquée, permettant
d’éclairer les pouvoirs publics dans la
gestion de la crise, par exemple sur
la modélisation épidémiologique ou
l’efficacité de telle ou telle molécule
ou thérapeutique . Toutefois, comme
l’a déjà souligné la Cour dans son audit
flash de juillet 2021 sur le financement
de la recherche publique dans la
lutte contre la pandémie, l’absence
de pilotage stratégique a conduit à
une dispersion des financements et
des essais cliniques, au détriment des
projets les plus prometteurs .
Une réaction rapide à la crise
sanitaire
3
11
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
4
Un passage entre recherche
et innovation freiné par le manque
de coordination des acteurs
et l’absence de maturité
de l’écosystème public-privé
Le continuum entre la recherche
fondamentale, la recherche clinique
et l’innovation reste encore insuffisam-
ment développé . Les cloisonnements
perdurent,
notamment
en
raison
d’une séparation entre le finance-
ment de la première par l’ANR et de la
seconde par le programme hospitalier
de recherche clinique (PHRC), et d’un
manque d’attractivité de la recherche
pour les personnes ayant une formation
de médecin .
Les liens entre recherche publique et
industrie peuvent encore s’améliorer,
notamment en ce qui concerne les
délais de négociation des licences
pour le transfert de technologies .
Surtout, le passage de la recherche
vers
l’innovation
thérapeutique
rencontre une difficulté spécifique au
secteur de l’infectiologie . Les maladies
infectieuses,
concentrées
dans
les
pays à faible revenu, souffrent d’un
désintérêt de la part des industriels,
faute
de
modèle
économique
rentable .
L’absence
de
structure
telle
que
la
BARDA
(
Biomedical
Advanced Research and Development
Authority
 / Autorité de recherche et de
développement avancés) américaine
ne permet pas d’encourager l’initiative
privée et explique, avec l’insuffisance
du capital risque pour financer les
dernières
phases
de
déploiement
des innovations thérapeutiques, la
faible taille des biotechs françaises du
secteur à la veille de la crise sanitaire .
S’il convient de ne pas négliger l’aléa
scientifique propre au développement
d’un nouveau produit, ces faiblesses
structurelles du lien entre recherche
et innovation en infectiologie ainsi que
le manque de prise de risque ont pesé
sur le possible développement d’un
vaccin par un acteur français durant la
crise sanitaire .
Les recherches d’innovation de rupture
devraient, toutefois, faire l’objet d’un
encadrement au niveau international
conditionnant
leur
réalisation
à
une analyse coût/bénéfice et à des
conditions
de
sécurité
adéquates,
en commençant par les expériences
qui
consistent
à
augmenter
la
virulence d’un virus en laboratoire,
dites de « gains de fonction » . Si ces
dernières
permettent
d’améliorer
les connaissances scientifiques, elles
constituent un risque non négligeable
d’émergence d’une maladie infectieuse .
13
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
L’extension du champ de compétences,
en
janvier
2021,
de
l’ANRS
aux
maladies
infectieuses
émergentes
(ANRS-MIE) constitue une première
réponse au manque de coordination
du financement et des projets au
cours des premiers mois de la crise
sanitaire .
Toutefois,
le
périmètre
de compétences, les moyens et le
rôle de cette agence doivent encore
être
clarifiés
dans
le
sens
d’une
extension, certes progressive, de ses
compétences à toutes les maladies
infectieuses . Cette extension doit aller
de pair avec l’octroi, le fléchage et la
traçabilité d’une allocation financière
pérenne et constante pour l’exercice
de cette mission élargie .
Cependant, la pérennité des moyens
mis à disposition de l’Agence n’est pas
garantie à ce jour . Pour que l’ANRS-
MIE soit réellement à même d’exercer
sa mission, l’Agence pourrait aussi se
voir confier progressivement un rôle
de chef de file sur la recherche en
infectiologie réalisée par les différents
organismes de recherche à l’étranger,
afin de mieux coordonner les forces
françaises dans les pays à faible revenu
et de favoriser l’approche dite
One
Health
À partir d’une cartographie
des forces en présence, un travail
partenarial et de concertation devra
être mené en vue d’élaborer une
stratégie partagée .
Une Agence de l’innovation en santé
a été annoncée dans le cadre du plan
innovation santé 2030, qui s’inscrit
dans un mouvement international de
création d’agences de financement de la
recherche de rupture . Son articulation
avec
l’ANRS-MIE
et
la
structure
européenne HERA (
Health Emergency
Preparedness and Response Authority
 /
Autorité européenne de préparation
et d’intervention en cas d’urgence
sanitaire) devra être clarifiée, afin de ne
pas multiplier les centres de décision,
notamment en période de crise .
Les pistes pour ériger la recherche
sur les maladies infectieuses
en priorité nationale
5
15
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
1. 
Veiller au caractère pérenne des
financements
publics
consacrés
à la recherche sur les maladies
infectieuses
(MESRI, MSS)
2. 
Assurer priorité et traçabilité aux
crédits
consacrés
aux
maladies
infectieuses émergentes
(MESRI, MSS)
3. 
Élargir progressivement le rôle de
l’ANRS-MIE à l’ensemble du spectre des
maladies infectieuses, en lui confiant
le financement des appels à projets
en France comme dans le réseau à
l’étranger
(MESRI, MSS, MEAE)
4. 
À partir de la cartographie des
forces de recherche françaises en
infectiologie présentes à l’étranger,
définir une stratégie et des actions
communes
(ANRS-MIE, MEAE)
5.
Réformer
et
renforcer
les
dispositifs de soutien à la recherche
en infectiologie, en particulier par
une forte mutualisation des services
administratifs, de façon à accroître
l’efficacité de la recherche dans les
unités mixtes
(MESRI, ANR)
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