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LA SANTÉ
DES ENFANTS
Une politique à refonder pour réduire les
inégalités sociales et territoriales de santé
Communication à la commission des affaires sociales
de l’Assemblée nationale
Décembre 2021
La santé des enfants - décembre 2021
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Sommaire
PROCÉDURES ET MÉTHODES
........................................................................................................................
5
SYNTHÈSE
............................................................................................................................................................
9
RECOMMANDATIONS
.....................................................................................................................................
13
INTRODUCTION
................................................................................................................................................
15
CHAPITRE I UN ÉTAT DE SANTÉ CONTRASTÉ
......................................................................
17
I - UN ÉTAT DE SANTÉ DANS LA MOYENNE DES PAYS EUROPÉENS
...............................................
17
A - Des améliorations
............................................................................................................................................
17
B - Des marges de progrès
.....................................................................................................................................
18
II - UN ÉTAT DE SANTÉ MARQUÉ PAR DES INÉGALITÉS SOCIALES ET TERRITORIALES
.......
19
A - Des inégalités sociales marquées dès le plus jeune âge
...................................................................................
19
B - Des disparités terr
itoriales moins marquées, à l’exception de l’Outre
-mer
......................................................
24
III - UN SYSTÈME PERFECTIBLE DE SUIVI ET DE SURVEILLANCE
.................................................
27
A - Des données issues des dispositifs à vocation universelle quasiment inexploitables
.......................................
27
B -
Des données majoritairement issues d’enquêtes ou de travaux de recherche
...................................................
29
C - Des aspects de la santé des enfants non documentés
.......................................................................................
31
CHAPITRE II UNE POLITIQUE DE RÉDUCTION DES INÉGALITÉS DE SANTÉ
AUX EFFETS MODESTES
................................................................................................................
37
I - MALGRÉ UNE PRIORITÉ RÉGULIÈREMENT AF
FICHÉE, L’ABSENCE D’
UNE
VÉRITABLE POLITIQUE PARTAGÉE DE LA SANTÉ DES ENFANTS
..................................................
37
A - Une stratégie nationale de santé renouvelée mais toujours éclatée
..................................................................
37
B -
Une déclinaison opérationnelle et une évaluation d’ensemble insuffisantes
....................................................
42
C -
L’absence de vision
consolidée des dépenses
..................................................................................................
44
II -
UN JEU D’ACTEUR
S COMPLEXE AU PILOTAGE À RÉAFFIRMER
..............................................
46
A - Une mise en cohérence nécessaire des acteurs de la santé des enfants
............................................................
47
B - Une animation territoriale tout aussi complexe
................................................................................................
50
III -
DES LEVIERS D’
ACTION AUX RÉSULTATS PERFECTIBLES
.......................................................
55
A -
Des dispositifs s’adressant à tous les enfants
...................................................................................................
56
B -
Des instruments pour lever les freins financiers d’accès aux soins
..................................................................
66
C - Des parcours de santé encore marqués par les inégalités sociales et territoriales
............................................
75
CHAPITRE III RÉORGANISER LA POLITIQUE DE SANTÉ DES ENFANTS
......................
80
I - CLARIFIER LE POSITIONNEMENT DES ACTEURS SPÉCIFIQUES
DE LA SANTÉ DES
ENFANTS, AUJOURD’HUI
EN DIFFICULTÉ
...............................................................................................
80
A - La PMI, une place essentielle dans le parcours de santé des enfants
...............................................................
80
B - La santé scolaire, une institution aux multiples missions difficiles à satisfaire
...............................................
83
C - Une disparition progressive des compétences spécialisées en libéral
..............................................................
85
II - METTRE LA PRÉVE
NTION AU CŒUR DE L’A
PPROCHE DE LA SANTÉ DES ENFANTS
........
89
A - Renforcer la promotion en santé à destination des enfants et de leurs parents
................................................
90
B -
L’école, lieu de diffusion des messages de prévention et de promot
ion de la santé
.........................................
91
C - Investir davantage dans la prévention en termes humains et financiers
...........................................................
93
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COUR DES COMPTES
4
III - RÉORGANISER LA PRISE EN CHARGE DE LA SANTÉ DES ENFANTS
......................................
94
A -
Réaffirmer l’importance du médecin traitant de l’enfant
.................................................................................
94
B - Garantir la réalisation des examens obligatoires
..............................................................................................
97
C - Développer une approche centrée sur les enfants et déclinée par territoire
......................................................
99
IV - DÉVELOPPER LES OUTILS NUMÉRIQUES AU SERVICE DE LA SANTÉ DES ENFANTS
.....
101
A -
Un développement très inégal des systèmes d’information
...........................................................................
102
B - Une dématérialisation des documents de suivi des enfants à la peine
............................................................
103
LISTE DES ABRÉVIATIONS
.........................................................................................................................
109
ANNEXES
..........................................................................................................................................................
113
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Procédures et méthodes
Les rapports de
la Cour des comptes sont réalisés par l’une des six chambres que comprend la
Cour ou par une formation associant plusieurs chambres et/ou plusieurs chambres régionales ou
territoriales des comptes.
Trois principes fondam
entaux gouvernent l’organisation et l’activité de la Cour ainsi que des
chambres régionales et territoriales des comptes, donc aussi bien l’exécution de leurs contrôles et
enquêtes que l’élaboration des rapports publics : l’indépendance, la contradiction et la collégialité.
L’indépendance institutionnelle des juridictions financières et l’indépendance statutaire de
leurs membres garantissent que les contrôles effectués et les conclusions tirées le sont en toute liberté
d’appréciation.
La contradiction implique que toutes les constatations et
appréciations faites lors d’un contrôle
ou d’une enquête, de même que toutes les observations et recommandations formulées ensuite, sont
systématiquement soumises aux responsables des administrations ou organismes concernés ; elles ne
peuvent être rendues
définitives qu’après prise en compte des réponses reçues et, s’il y a lieu, après
audition des responsables concernés.
Sauf pour les rapports réalisés à la demande du Parlement ou du Gouvernement, la publication
d’un rapport est nécessairement précédée par
la communication du projet de texte, que la Cour se
propose de publier, aux ministres et aux responsables des organismes concernés, ainsi qu’aux autres
personnes morales ou physiques directement intéressées. Dans le rapport publié, leurs réponses sont
présentées en annexe du texte de la Cour.
La collégialité intervient pour conclure les principales étapes des procédures de contrôle et de
publication. Tout contrôle ou enquête est confié à un ou plusieurs rapporteurs. Le rapport
d’instruction, comme les projets ultérieurs d’observations et de recommandations, provisoires et
définitives, sont examinés et délibérés de façon collégiale, par une formation comprenant au moins
trois magistrats. L’un des magistrats assure le rôle de contre
-rapporteur et veille à la qualité des
contrôles.
Le Parlement peut demander à la Cour des comptes la réalisatio
n d’enquêtes, sur la base du
de l’article 58 de la loi organique n° 2001
-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances
(commissions des finances), de l’article L
O. 132-3-1 du code des juridictions financières
(commissions des affaires sociales) ou de l’article L
. 132-6 du code des juridictions financières
(présidents des assemblées).
La Cour des comptes a été saisie par la présidente de la commission des affaires sociales de
l’Assemblée nationale, par courrier du 15 décembre 2020 en application de l’article L.
132-3-1 du
code des juridictions financières, d’une demande d’enquête portant sur les politiques de réduction des
inégalités sociales et territoriales de
santé dans l’enfance. Cette demande a été acceptée par le Premier
président le 6 janvier 2021 (cf. annexe 1).
Le présent contrôle a été réalisé en application des normes professionnelles des juridictions
financières.
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COUR DES COMPTES
6
Les diligences accomplies
Le lancement des travaux de la Cour a été notifié aux administrations et organismes publics
concernés par lettres en date du 14 décembre 2020, du 5 janvier 2021, du 23 avril 2021 et du
3 mai 2021.
Les rapporteurs ont conduit une soixantaine d’entretiens
et entendu presque 300 personnes
malgré le contexte sanitaire, au premier rang desquels le ministère de la santé, l’Assurance maladie,
les agences et autorités sanitaires.
Ont également été sollicités les représentants ordinaux, professionnels et syndicaux des
professions de santé impliquées auprès des enfants, le Haut conseil de la santé publique (HCSP), les
associations ou réseaux de collectivités territoriales (Association des départements de France,
Association des maires de France, réseau des villes santé de
l’OMS), et des membres de France Assos
santé pour la représentation des usagers du système de santé.
Des analyses plus approfondies ont été menées dans quatre régions et neuf départements
: l’Ile
-
de-France (Paris, Seine-Saint-Denis, Seine-et-Marne), les Hauts-de-France (Nord, Somme), la
Réunion et l’Occitanie (Aveyron, Haute
-Garonne, et Lot). Y ont été rencontrés de façon systématique
des représentants des ARS et des caisses primaires d’assurance maladie, et ponctuellement, des
représentants des rectorats, des conseils départementaux notamment pour les services spécialisés de
la protection maternelle et infantile, des associations prévention ou promotion de la santé et des
structures de soins primaires (communautés professionnelles de territoire de santé, maisons de santé
pluri-professionnelles ou centre de santé).
Quatre déplacements en région (Centre-Val-de-Loire, Pays-de-la-Loire, Paca, Hauts-de-
France) ont été organisés dans le contexte difficile de la crise sanitaire, pour analyser la déclinaison
à cet échelon de la stratégie nationale de santé en matière de prévention et les acteurs territoriaux de
la prévention.
Les comparaisons internationales ont été menées à partir d’une revue de la littérature et
d’entretiens réalisés avec l’OCDE, l’OMS e
t les rapporteurs pour la Commission européenne des
études de la faisabilité pour la
Child guarantee
.
Le comité d’accompagnement
Il comprend les personnalités suivantes (par ordre alphabétique) : Patrick Castel (sociologue),
Carine Franc (économiste de la
santé), Fabienne Kochert (pédiatre, présidente de l’association
française de pédiatrie ambulatoire), Pierre Lombrail (médecin et professeur de santé publique), Lidia
Panico (sociologue et démographe de la santé) et Catherine Salinier (pédiatre). Il a été consulté à
quatre reprises
: au lancement de l’enquête, à la suite des entretiens nationaux, après les entretiens en
région, et à l’achèvement du rapport.
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PROCÉDURES ET MÉTHODES
7
Le partenariat avec l’I
ned
La Cour et l’institut national des études démographiques (Ined) ont mis
en œuvre un partenariat
afin de documenter les inégalités de santé dans l’enfance à partir de la cohorte Elfe (Etude
Longitudinale Française dans l’enfance). Cette cohorte est portée par l’Ined en collaboration avec
l’institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et l’établissement français du sang
(EFS) et vise à suivre l’état de santé et le développement, de leur naissance à l’âge adulte, de 18
329
enfants nés en 2011 et recrutés dans 349 maternités sélectionnées aléatoirement parmi les 540
maternités métropolitaines. Ce partenariat fructueux a permis de disposer de données originales, en
particulier pour documenter les inégalités sociales de santé (événements de santé et professionnels ou
structures consultés).
Le projet de rapport a été délibéré, le 9 novembre 2021 par la deuxième section de la sixième
chambre présidée par M. François de la Guéronnière, et composée de MM. Jean-Pierre Viola,
Véronique Hamayon, Anne Mondoloni et Stéphane Seiller, conseillers maître, ainsi que, en tant que
rapporteurs, Mme Clélia Delpech, conseiller référendaire, Mme Isabelle Burkhard, rapporteure
extérieure et M. Charles Persoz, rapporteur extérieur, et en tant que contre-rapporteur M. François de
la Guéronnière, conseiller maître.
Le comité du rapport public et des programmes de la Cour des comptes, composé de
M. Moscovici, premier président, Mme Camby, rapporteure générale du comité, MM. Morin,
Andréani, Mme Podeur, MM. Charpy et Gautier, Mme Démier et M. Bertucci, présidents de chambre,
MM. Martin, Meddah, Lejeune, Advielle, Mmes Bergogne et Renet, présidents de chambre régionale
des comptes, ainsi que Mme Hirsch, Procureure générale, a été consulté sur ce rapport le 23 novembre
2021. Le premier président a donné son accord pour la publication le 15 décembre 2021.
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Synthèse
Un état de santé contrasté, marqué par des inégalités sociales et territoriales
L
’état de santé des enfants âgés de moins de douze ans en France apparaît comme
contrasté par rapport aux pays comparables de l’Union européenne ou de l’OCDE, même s’il
est difficile à caractériser avec précision, en raison du manque de données régulièrement
produites et de leur caractère lacunaire. Certains indicateurs tels que la mortalité, le surpoids ou
la santé dentaire se sont améliorés. Des progrès restent possibles comme pour la santé
périnatale, pour laquelle la France occupe toujours une place médiocre, la vaccination anti-
rougeole, ou les comportements de santé appréciés à partir de la consommation de produits
sucrés, du temps passé devant un écran ou de la sédentarité.
De plus, cette amélioration globale masque des inégalités sociales de santé très marquées
dès le plus jeune âge, et des disparités territoriales moins prononcées, sauf dans les territoires
d’Outre
-mer. Elles ont été documentées grâce à une étude originale produite pour la Cour par
l’institut national d’études démographiques
(Ined) à partir des données de la cohorte Elfe. Ainsi,
le poids des facteurs socio-économiques familiaux comme les revenus du foyer ou le niveau de
diplôme de la mère est déterminant sur la plupart des événements de santé des enfants. En
particulier, le poi
ds des enfants, qu’il s’agisse de petits poids à la naissance, ou de poids élevé
puis de surpoids et d’obésité, dépend de situation de vulnérabilité des foyers.
Le système de suivi et de surveillance de l’état de santé des enfants souffre de lacunes et
de fragilités identifiées depuis longtemps, ce qui prive les pouvoirs publics des éléments de
connaissance indispensables à la définition des priorités de santé publique et au suivi des actions
mises en œuvre pour remédier aux inégalités sociales et territor
iales de santé. En particulier, la
surveillance à partir des certificats de santé obligatoires ou des examens réalisés en milieu
scolaire est rendue impossible par leur caractère insuffisamment systématique et la piètre
qualité des informations renseignées. Seules des enquêtes permettent de documenter cet état de
santé, mais leur actualisation comme leur granularité territoriale sont faibles, et certaines
informations sur les comportements de santé sont manquantes. C’
est pourquoi la Cour
recommande d’améliorer l’outil épidémiologique en s’appuyant davantage sur l’exploitation
des bases de données médico-administratives enrichies et appariées avec des bases de données
sociales et en renforçant la coordination entre les acteurs notamment pour la production et
l’exploitation des enquêtes.
Une politique de réduction des inégalités aux effets modestes
Une priorité régulièrement affichée, une mise en cohérence des stratégies
et des actions encore perfectible
Il apparaît to
ut d’abord que l
a lutte contre les inégalités sociales et territoriales de santé
est une priorité régulièrement affichée par les pouvoirs publics. La loi du 26 janvier 2016 de
modernisation de notre système de santé a été un virage important, qui s’est tra
duit dans la
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COUR DES COMPTES
10
stratégie nationale de santé. Cette dernière repose sur une approche transversale de réduction
des inégalités de santé, tout en portant une attention particulière aux enfants.
Elle se heurte cependant à la pluralité des acteurs institutionnels impliqués
ministère de
la santé, ministère de l’éducation nationale, assurance maladie et services départementaux de la
protection maternelle et infantile, etc. En fonction de leurs priorités et de leurs missions premières,
chacun de ces acteurs adopte des objectifs en matière de santé des enfants, qui ne permettent pas
de définir dans la durée une véritable politique cohérente de réduction des inégalités sociales et
territoriales. En dépit de la création d’un comité interministériel de la santé, et d’u
ne instance
propre à la santé des enfants et des jeunes, le CoSEJ
, l’affirmation de priorités partagées ne
s’incarne pas dans des actions concrètes, mesurables et suivies. Le ministère de la santé, en
particulier la Direction générale de la santé (DGS), ne dispose ni des instances ni des instruments
de suivi minimaux pour apprécier la mise en œuvre des priorités de la stratégie nationale de santé.
Ce constat se retrouve au niveau régional, renforcé par le décalage entre le niveau d’action
régional des AR
S et celui départemental de l’assurance maladie, de l’éducation nationale et de la
Protection maternelle et infantile (PMI).
Les dépenses de santé des enfants qui ne font l’objet d’aucun suivi en routine par les
pouvoirs publics, ont été est
imées à l’occasion de cette enquête par la Cour à environ 8,9
Md€
en 2019. Cette estimation inclut les dépenses de soins en ville et en établissements de santé,
celles de prévention, y compris relevant de l’éducation nationale et de la PMI, et celles liées
à
la couverture santé solidaire.
Des leviers d’action aux résultats perfectibles
Afin de réduire dès le plus jeune âge les inégalités sociales et territoriales de santé,
plusieurs leviers sont mobilisés par les pouvoirs publics. Certains, anciens, sont propres aux
enfants comme les examens dits obligatoires et la vaccination, et reposent sur les médecins
généralistes ou pédiatres et des professionnels de santé spécifiques (santé scolaire, PMI).
D
’autres sont aussi déployés pour l’ensemble de la population
, afin de lutter contre les freins
financiers
d’accès à la santé.
M
algré la mise en œuvre de ces dispositifs,
les parcours de santé
des enfants se caractérisent néanmoins par des différences de recours aux professionnels et aux
structures de santé en fonction du gradient social des familles et de leur lieu de résidence.
Le suivi de la santé des enfants s’articule, en effet, essentiellement autour des vingt
examens et des cinq examens bucco-dentaires, définis par le code de la santé publique, et
réalisés à des âges clés, par différents professionnels exerçant en ville, en PMI ou en milieu
scolaire, et sur la vaccination. Ces dispositifs ont, par leur caractère obligatoire et universel,
vocation à réduire les inégalités sociales et territoriales de santé en détectant et dépistant
précocement les principaux problèmes de santé ou retards de développement et en permettant
la délivrance de messages de prévention et de promotion de la santé adaptés. Mais leurs
résultats, très difficiles à suivre, n’ont qu’une portée
limitée. Ainsi, en 2019, seuls
60 000 examens du 9
ème
et du 24
ème
mois ont été cotés par mois en moyenne contre
125 000 attendus au regard des effectifs des enfants de ces âges
, et moins d’un enfant sur cinq
a bénéficié d’un examen par un médecin scol
aire au cours de sa sixième année, en 2018.
C’est pourquoi la
Cour recommande de renforcer le pilotage de la politique de réduction
des inégalités sociales et territoriales de santé dans l’enfance tant au niveau national en
s’appuyant sur un CoSEJ, renouvelé dans ses missions et son fonctionnement, qu’au niveau
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SYNTHÈSE
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territorial. À cet égard, la définition d’un cadre de contractualisation unique entre l’agence
régionale de santé, l’assurance maladie, le service départemental de la PMI et l’éducation
nationale permettrait de garantir la cohérence des actions et des financements tout en renforçant
les compétences d’animation des ARS au niveau départemental
.
Réorganiser la politique de santé des enfants
Les
deux réseaux d’acteurs historiques que sont la PMI et la
santé scolaire connaissent
des difficultés importantes, régulièrement relevées, qui hypothèquent leur capacité à remplir
leurs missions en matière de santé des enfants et de lutte contre les inégalités sociales et
territoriales de santé. D’une part, seule
compétence de santé décentralisée aux départements, la
PMI a vu ses missions considérablement élargies, y compris en dehors du champ sanitaire, sans
modification substantielle de ses modes de financement et alors que ses effectifs, en particulier
médicaux,
ont eu tendance à décroître. D’autre part, la santé scolaire, à laquelle la Cour a
consacré un rapport en avril 2020, ne parvient plus à remplir sa mission de suivi individuel des
enfants mais reste un lieu propice pour des actions de prévention et de promotion de la santé en
direction des enfants et des parents, dont la portée reste peu évaluée
. Cette situation s’explique
notamment par la pénurie de médecins scolaires et des problème
s d’organisation. Ces difficultés
rencontrées par la PMI et la santé scol
aire s’inscrivent plus largement dans un mouvement de
disparition progressive et d’éparpillement des compétences médicales et paramédicales
spécialisées de l’enfant, en particulier en ville. La prise en charge des soins pour les enfants
repose désormais ma
joritairement sur les médecins généralistes, les pédiatres n’assurant que
33 % des consultations des enfants de moins de 12 ans en 2019 et concentrant leur activité sur
les enfants de moins de deux ans, habitant dans de grands pôles urbains et des milieux sociaux
favorisés. Alors que la co-existence de plusieurs professions de santé dédiées à la santé des
enfants,
qu’il s’agisse de prévention ou de soins
,
aurait pu pallier les difficultés d’accès au
système de santé, elles ont tendance à se cumuler dans certains territoires.
Par conséquent, renforcer la politique de santé en faveur des enfants pour lutter contre les
inégalités sociales et territoriales de santé nécessite de redéfinir le parcours de santé des enfants
autour de la prévention et du médecin trai
tant, en l’inscrivant dans un cadre d’action
territorialisé adapté aux besoins et aux ressources du territoire, et en s’appuyant sur le levier de
la transformation numérique. Il s’agit de mieux allouer, autour de priorités plus lisibles et
davantage piloté
es, des ressources aujourd’hui dispersées, et de clarifier les missions des acteurs
en favorisant leur complémentarité dans le cadre d’exercices coordonnés. Cette réallocation de
ressources dans un cadre financier maîtrisé devrait constituer une priorité pour réduire les
inégalités de santé des enfants, améliorer leur état de santé actuel et futur, et limiter ainsi les
dépenses évitables.
Mettre la prévention au cœur de l’approche de la santé des enfants suppose de mieux
informer et accompagner les parents
par la mise à disposition d’informations facilement
accessibles et fiables, et les enfants pour en faire des acteurs de leur santé en développant leurs
compétences psycho-sociales. Cet effort implique notamment de poursuivre la dynamique de
soutien aux PMI en consolidant leur financement par la reconnaissance de certains actes de
puériculture et l’extension du périmètre des actes et produits pris en charge par l’assurance
maladie.
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Compte tenu du contexte démographique des professionnels impliqués, une telle
réorganisation de la prise en charge de la santé des enfants
n’est pas envisageable sans évolution
des modes d’organisation en ville, reposant en particulier sur une revalorisation du rôle du
médecin traitant de l’enfant et de sa mission préventive, et
sur une inscription plus nette dans
une démarche pluriprofessionnelle territorialisée. Afin de garantir la réalisation des examens
obligatoires et des dépistages, il conviendrait de les confier au médecin traitant de l’enfant et
de s’appuyer sur la complém
entarité des professionnels de santé libéraux, donc sur des
délégations d’actes ou la reconnaissance en libéral des infirmiers de puériculture, en recentrant
en conséquent l
’intervention des personnels de santé scolaire sur l’accompagnement des enfants
à besoins particuliers et des équipes éducatives.
Ces évolutions ont vocation à s’inscrire dans une approche déclinée par territoire et par
population, reposant sur un cadre de contractualisation renforcé entre les acteurs institutionnels,
et entre les professionnels de santé, fondé sur un état des lieux des besoins et des ressources
disponibles. L’expérimentation d’une maison de santé des enfants, lieu unique qui regrouperait
les différents professionnels sans considération de leur mode d’exercice, permettra
it non
seulement d’améliorer la lisibilité du système pour les parents, mais aussi d’encourager l’exercice
coordonné et pluriprofessionnel et ainsi de pallier la pénurie de l’offre dans certains territoires.
Des marges de manœuvre existent donc pour dével
opper une politique de prévention et
de promotion de la santé ambitieuse à destination des enfants. Il pourrait s’agir du point de
départ d’un investissement social dont l’efficience se mesurerait à terme par l’amélioration de
l’état de santé des adultes.
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Recommandations
Améliorer la gouvernance et le pilotage
1.
Améliorer le suivi épidémiologique en exploitant davantage les données médico-
administratives, en enrichissant les indicateurs produits, en facilitant l’appariement avec des
bases de données sociales, et en réalisant des enquêtes régulières et ciblées sur certains
problèmes de santé
(m
inistère de la santé, ministère de l’éducation nationale, Santé
publique France, Cnam).
2.
Renforcer le pilotage interministériel pour la santé des enfants en s’appuyant
sur un CoSEJ
renouvelé dans ses missions et son fonctionnement
(ministère de la santé).
3.
Unifier le cadre de contractualisation entre l’ARS, l’assurance maladie, la PMI et
l’éducation nationale pour garantir la cohérence des actions et des financements
relatifs à
la santé des enfants pour
renforcer les compétences d’animation
des ARS au niveau
départemental
(SGMAS, Cnam).
5.
Confier aux ARS le pilotage et le suivi renforcé des actions de promotion de la santé menées
dans les établissements scolaires par des associations dans le cadre de la contractualisation
unique
(SGMAS, DGESCO).
Renforcer l’offre de soins à destination des enfants
4.
Conforter les missions de la PMI en étendant le périmètre des actes et produits remboursés
par l’assuran
ce maladie aux conseils départementaux pour une meilleure prise en compte
de l’activité réalisée
(DGS, DSS, Cnam).
6.
Renforcer le rôle préventif du médecin traitant de l’enfant en lui confiant la responsabilité
de tous les examens obligatoires, en les revalorisant comme consultation complexe dans le
cadre de cahiers des charges précis et en développant les délégations d’actes et le travail
aidé
(DSS, Cnam).
7.
Reconnaître dans la nomenclature générale des actes professionnels (NGAP) des actes de
puériculture afi
n de développer l’exercice en ambulatoire des infirmiers de puériculture aux
côtés du médecin traitant de l’enfant
(DSS, Cnam, HAS).
8.
Centrer l’intervention des médecins scolaires sur leur mission d’accompagnement des
enfants à besoins particuliers et les infirmiers sur leur mission de proximité, en confiant la
réalisation des examens de la 6
ème
et de la 12
ème
années aux médecins traitants
(DGS,
DGESCO).
11.
Réaliser prioritairement
l’intégration du carnet de santé
dématérialisé dans
l’espace
numérique de santé
(DGS, Cnam).
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COUR DES COMPTES
14
Construire un parcours de soins territorialisé
9.
S’appuyer sur un diagnostic territorialisé des besoins en santé de l’enfant et des ressources
disponibles pour construire un parcours de prise en charge (
SGMAS
).
10.
Expérimenter un label de maison
de santé de l’enfant regroupant, à partir des structures
existantes, les professionnels de santé d’un territoire sur la base d’un diagnostic local des
besoins de santé des enfants, afin d’améliorer l’accès aux soins et à l’accompagnement des
enfants et enc
ourager l’exercice pluriprofessionnel coordonné (
SGMAS, Cnam
).
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Introduction
Au 1
er
janvier 2021, les enfants de moins de 12 ans représentent 9,4 millions de personnes
en France soit 14
% de la population, cette part diminuant progressivement sous l’effe
t de la
baisse de la natalité. L’état de santé des enfants aujourd’hui et leur prise en charge par le
système de santé seront l’un des principaux déterminants de l’état de santé des prochaines
générations d’adultes et des dépenses de santé.
Si l’état de s
anté des enfants est difficile à caractériser avec précision, en raison du manque
de données régulièrement produites, la France se situe dans la moyenne des pays comparables
avec des améliorations notamment en matière de surpoids et de santé dentaire. Cependant, des
progrès restent possibles comme pour la vaccination anti-rougeole ou la santé périnatale. Cette
amélioration globale cache des inégalités sociales de santé très marquées dès le plus jeune âge et
des disparités territoriales moins prononcées, sau
f dans les territoires d’Outre
-mer.
La lutte contre les inégalités sociales et territoriales de santé est une priorité régulièrement
affichée par les pouvoirs publics. La loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système
de santé a été un virage important, prolongé par la loi du 24 juillet 2019 relative à l'organisation
et à la transformation du système de santé, et traduit dans la stratégie nationale de santé. Cette
dernière repose sur une approche transversale de réduction des inégalités de santé, et porte une
attention particulière aux enfants. Elle se heurte cependant à la pluralité des acteurs
institutionnels et à leurs propres objectifs qui ne permettent pas de définir dans la durée une
véritable politique de réduction des inégalités sociales e
t territoriales de santé dans l’
enfance.
En effet, aux termes de l
’article L. 2111
-1 du code de la santé publique, la promotion et la
protection de la santé des enfants sont une mission partagée entre l
’État, les collectivités
territoriales et les organismes de sécurité sociale. Il revient, en premier lieu, au ministère de la
santé de définir la stratégie de prévention et les modalités d’organisation des soins en
s’appuyant notamment sur le ministère de l’éducation nationale et les professionnels d
e santé
scolaire (médecins et infirmiers en particulier), sur les conseils départementaux à travers les
services de protection maternelle et infantile, sur les communes parfois
et sur l’assurance
maladie. Les professionnels de santé pouvant intervenir auprès des enfants sont eux aussi
nombreux : pédiatres, médecins généralistes et auxiliaires médicaux qu
’ils exercent en ville ou
en établissement de santé, personnels médicaux ou non des services de PMI, médecins et
infirmiers scolaires.
Les dépenses de sant
é des enfants qui n’avaient jusqu’à présent fait l’objet d’aucune
évaluation globale apparaissent limitées au vu de la taille de cette population : elles représentent
près de 4,5
% des dépenses nationales d’assurance maladie. Elles ont été estimées en 2019
à
8,9 Md
€ en incluant les dépenses de soins en ville et en établissements de santé, celles de
prévention et celles liées à la couverture santé solidaire. L’importance de ces dépenses peut
laisser penser qu’il existe donc des marges de manœuvre pour développer une
politique de
prévention et de promotion de la santé ambitieuse à destination des enfants. Il pourrait s’agir
du point de départ d’un investissement social dont l’efficience se mesurerait à terme par
l’amélioration de l’état de santé des adultes.
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COUR DES COMPTES
16
Les inéga
lités de santé dans l’enfance sont marquées (
chapitre I
). Cependant l’insuffisante
coordination d’ensemble et la complexité de la gouvernance et du pilotage réduisent l’efficacité
et la lisibilité de cette politique de réduction des inégalités de santé dan
s l’enfance. Des outils
et mécanismes à vocation universelle visant à réduire les inégalités sociales et territoriales de
santé existent, mais leurs résultats n’ont qu’une portée limitée en raison des difficultés à
atteindre toutes les catégories de la population (chapitre II). Alors que les acteurs historiques
comme la médecine scolaire et la protection maternelle et infantile (PMI), et plus largement les
médecins spécialisés en santé de l’enfant sont en situation de fragilité, il conviendrait de
réorganis
er l’
ensemble de la prise en charge pour redéfinir le parcours de santé des enfants
autour de la prévention et du médecin traitant, en l’inscrivant dans un cadre d’action
territorialisé adapté aux besoins et aux ressources du territoire, et en s’appuyant s
ur le levier de
la transformation numérique (chapitre III).
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Chapitre I
Un état de santé contrasté
En l’absence d’indicateur global, l’état de santé des enfants est suivi à l’aide d’indicateurs
reposant principalement sur les incidences ou prévalences
1
de troubles ayant soit un impact
sanitaire significatif (asthme, santé dentaire), soit une répercussion directe sur leur scolarité
(troubles des apprentissages, santé visuelle), soit un lien potentiel avec les maladies chroniques
à l’âge adulte (surpoids et obésité).
Ceci n’est ni satisfaisant ni suffisant, l’enjeu étant de disposer de données prédictives de
l’évolution de l’état de santé des enfants. Le suivi des déterminants de santé (comportements
de santé, habitudes alimentaires, sédentarité ou capacités motrices) fournit à ce titre des
informations essentielles.
I -
Un état de santé dans la moyenne des pays européens
2
A -
Des améliorations
L
’état de santé des enfants en France observé à l’échelle nationale, tel que décrit par les
données disponibles, apparaît contrasté
en comparaison des autres pays de l’Union européenne
ou de l’OCDE. Si certains indicateurs de santé se sont améliorés, d’autres ont stagné à des
niveaux préoccupants. Comme dans la plupart des pays, une diminution très nette de la mortalité
des moins de 15 ans a été observée en France depuis la seconde moitié du XX
ème
siècle.
Les maladies chroniques restent globalement rares chez les enfants à deux exceptions
près
: l’asthme qui concerne environ 11
% des enfants et le surpoids et l’obésité dont la
prévalence tend à diminuer depuis quelques années, ce qui place la France plutôt favorablement
parmi les pays européens.
Concernant la santé dentaire, la situation continue à s’améliorer depuis 2007 et le
lancement du programme M’T
Dents, même si le manque de données au niveau national ou
international ne permet pas de positionner clairement la France par rapport aux autres pays.
1
L’incidence correspond au nombre de nouveaux cas d’une pathologie sur une période donnée (le taux d’incidence
est rapporté à la population considérée). La prévalence correspond au nombre de cas d’une pathologie à un instant
donné (le taux de prévalence est rapporté à la population considérée).
2
Voir
annexe 5 pour un descriptif détaillé de l’état de santé des enfants.
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COUR DES COMPTES
18
B -
Des marges de progrès
Un certain nombre de difficultés persistent cependant
. Tout d’abord, les indicateurs
relatifs à la santé périnatale en général sont mauvais, et notamment concernant la morti-natalité
3
pour laquelle la France est dans une situation très défavorable par rapport à ses voisins
européens, avec une stagnation de son taux à un niveau préoccupant
4
.
La couverture vaccinale ensuite est globalement en demi-teinte avec une situation
toujours aussi problématique pour la vaccination anti-rougeole situant la France parmi les
derniers pays européens.
Enfin, les comportements de santé sont perfectibles. Alors que la situation de la France vis-
à-
vis du surpoids et de l’obésité infantiles semble plutôt favorable et celle vis
-à-vis de la santé
dentaire globalement maîtrisée, les indicateurs associés à certains déterminants de santé sont
préoccupants. Ainsi, selon l’enquête européenne
Health behavior in school-aged children survey
(HBSC)
, la France se situe parmi les derniers pays concernant la pratique de l’activité physique.
Seuls 38 % des enfants de 11 ans (26 % pour les filles et 50 % pour les garçons) déclaraient
pratiquer une activi
té physique intense, c’est
-à-dire au moins quatre fois par semaine, quand la
moyenne des pays était de 48,5 %. De même, à peine 13 % des enfants de 11 ans déclaraient
pratiquer une activité physique modérée à intense (9 % chez les filles et 17 % chez les garçons),
au moins 60 minutes par jour, contre 24
% en moyenne dans l’ensemble des pays.
Le positionnement de la France en matière de consommation de produits sucrés est
médiocre. Un enfant de 11 ans sur cinq consomme des sucreries tous les jours, cette proportion
s’aggravant à 13 et à 15 ans. Malgré des progrès entre 2014 et 2018, la France se situe
parmi
les pays d’Europe avec les consommations moyennes de boissons sucrées les plus élevées.
Selon les études internationales, la France se situe dans la moyenne basse des pays
industrialisés pour le temps passé devant les écrans, indicateur qui renseigne indirectement sur
la sédentarité des enfants. D’après la
Direction de la recherche, des études, de l
’évaluation et
des statistiques (Drees
5
), en 2013, 83,4 % des élèves de grande section de maternelle passait
plus d’une heure par jour devant un écran. En 2015, près de la moitié des élèves de CM2
passaient 2 heures ou plus par jour devant un écran.
Les effets de la crise lié à la covid 19
sur l’état de santé de
s enfants
Dans l’ensemble, les enfants ont été assez peu exposés à l’infection à SARS
-COV-2, même si
certaines formes graves ont été ponctuellement rapportées. La crise due
à l’épidémie de covid
19 a
cependant eu des conséquences parfois marquées sur l’éta
t de santé des enfants, notamment sur leur
santé mentale.
3
Taux d’enfants mort
-nés pour 1 000 naissances.
4
D’après les résultats de la dernière enquête du réseau Euro
-
Peristat (2015), selon l’indicateur considéré, la France
se situe soit en
dernière position (mortinatalité totale comprenant les morts fœtales spontanées et les interruptions
médicales de grossesses), soit 25
ème
(mortinatalité spontanée après 24 semaines de gestation), soit 21
ème
(mortinatalité spontanée après 28 semaines de gestation) sur les 33 pays couverts.
5
Le temps passé devant un écran est apprécié pour les jours sans classe.
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UN ÉTAT DE SANTÉ CONTRASTÉ
19
Selon une étude réalisée auprès des enfants inclus dans les cohortes Elfe (Étude Longitudinale
Française dans l’enfance)
et Epipage 2
6
, le premier confinement, même s’il a peu affecté le clima
t
familial, a pu conduire à une augmentation du temps passé devant un écran et à une détérioration de
la qualité du sommeil. Un peu plus d’un enfant sur dix a éprouvé des difficultés comme l’isolement,
l’anxiété, la difficulté à se concentrer ou l’impulsiv
ité, qui se sont accrues au fil du confinement. Une
autre étude menée par Santé publique France chez des enfants et adolescents de 9 à 18 ans
7
a mis en
évidence les effets de ce confinement sur la détresse psychologique des enfants ayant des conditions
de vie difficiles.
Le recours aux soins et à la prévention des enfants a aussi été significativement modifié. Selon
des études menées par Epi-Phare
8
, le nombre de vaccinations a diminué pendant le confinement du
printemps 2020 pour rester durablement bas, ju
squ’à sa fin. Si la vaccination des nouveau
-nés semble
avoir été moins affectée, l’ensemble des vaccins a connu une baisse très importante (
- 16 % en
particulier pour le ROR) de sorte que «
le nombre de vaccins non réalisés sur l’ensemble des
8 semaines de confinement et à rattraper atteignait respectivement 44 000 nourrissons pour les
vaccins penta/hexavalents des 3 à 18 mois, 123 000 pour le ROR et 450 000 pour les vaccins
antitétaniques destinés aux rappels des enfants, adolescents et adultes
»
9
.
Ce
s chiffres s’expliquent en grande partie par la diminution des consultations physiques,
indispensables à l’administration des vaccins. La HAS
, dans son avis de juin 2020, avait insisté sur
le maintien essentiel des vaccinations obligatoires des nourrissons malgré les mesures de confinement
et avait appelé à une reprise de l’ensemble de ces activités de vaccination à la faveur de la levée
progressive des mesures de confinement.
II -
Un état de santé marqué par des inégalités sociales
et territoriales
Les inégal
ités de santé sont présentes dès l’enfance, et concernent aussi bien les
comportements de santé et les facteurs de risques
, que l’état de santé ou le parcours de soins.
Il est difficile d’apprécier précisément l’évolution de ces inégalités dans le temps e
n raison du
nombre limité d’études. Cependant, le constat dressé ces dernières années est sans équivoque
et montre des disparités fortes selon la catégorie sociale du foyer des enfants.
A -
Des inégalités sociales marquées dès le plus jeune âge
Les inégalités sociales de santé chez les enfants sont marquées, systématiques et manifestes
dès le plus jeune âge : tous les indicateurs périnataux sont fortement liés aux indicateurs socio-
économiques des mères (diplôme, revenu et catégorie socio-professionnelle)
10
.
6
Ined, Populations et société n° 585,
Les enfants à l’épreuve du premier confinement
, janvier 2021.
7
Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) n° 20-21,
Premiers résultats des facteurs associés à la résilience et
à la santé mentale des enfants et adolescents lors du premier confinement lié à la Covid
19 en France
, mai 2021.
8
Epi-
phare est le groupement d’intérêt scientifique
de pharmaco-épidémiologie, associant
la Cnam et l’Ansm
.
9
Cnam, Rapport
Charges et produits
pour 2021.
10
BEH n° 6-7,
Surveillance des inégalités sociales de santé périnatale au niveau national à partir
des caractéristiques sociales de la commune de résidence des mères
, février 2015.
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COUR DES COMPTES
20
À
partir d’une étude originale produite pour la Cour sur l’état de santé des enfants de la
cohorte Elfe, ce lien fort entre la condition socio-
économique des foyers et l’état de santé des
enfants a été mis en évidence pour la plupart des événements de santé observés.
La cohorte Elfe
Dans le cadre de cette enquête, un partenariat a été conclu entre la Cour et
l’Institut
national
d’études démographiques (Ined) afin de documenter les inégalités de santé dans l’enfance à partir des
données de la cohorte Elfe
qui permet de suivre l’état de santé et le développement, de leur naissance à
l’âge adulte, de 18
329 enfants nés en 2011. C’est à ce jour la plus grande cohorte d’enfants en France.
Cette cohorte permet ainsi de décrire les principales problématiques sanitaires des enfants, ainsi
que leur recours aux soins et les acteurs du parcours de santé mobilisés. Les données consolidées sont
aujourd’hui celles relatives aux questionnaires adressés aux parents pour les enf
ants âgés de 2 mois à
5,5 ans. L’annexe 6
présente la méthodologie de ce suivi de cohorte et les principaux résultats des
analyses réalisées dans le cadre de ce partenariat.
1 -
Le poids déterminant des facteurs socio-
économiques sur l’état de santé physique
La plupart des événements de santé des enfants de la cohorte Elfe
11
dépendent de facteurs
socio-économiques familiaux comme les revenus du foyer ou le niveau de diplôme de la mère,
ou de facteurs de dimension collective comme l’indice de désavantage social
(Fdep
12
).
a)
Le poids des enfants, marqueur fort de disparités sociales
La proportion d’enfants ayant un petit poids ou un poids élevé entre 8 et 16 mois est plus
grande lorsque la mère a un niveau scolaire inférieur ou égal au bac. Le même constat est
effectué en fonction des revenus du foyer (cf. annexe 6, tableau 17).
11
En l’absence d’indicateur global sur l’état de santé des enfants, l’analyse a porté sur les événements de santé les
plus fréquents et les plus communs, à savoir le surpoids et l’obésité, la santé dentaire, l’asthme et pathologies
respiratoires, le développement psychomoteur et langagier,
etc.
12
Le Fdep
(French DEPrivation index)
est un indice créé par le CépiDc pour fournir un indicateur géographique
en population générale du désavantage social spécifiquement adapté aux études de santé sur la population
française. Le Fdep de la commune de résidence a été utilisé pour ces analyses.
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UN ÉTAT DE SANTÉ CONTRASTÉ
21
Tableau n° 1 :
fréquence (%) des poids extrêmes entre 8 et 16 mois
selon le diplôme de la mère
Poids des enfants selon
les références françaises
Niveau bac ou
inférieur
1
er
cycle
(bac +2)
2
nd
cycle
(Licence-Maitrise)
>=Master
Petit poids
3,74
2,68
2,97
2,79
Poids normal
93,55
95,59
95,68
95,65
Poids élevé
2,71
1,73
1,35
1,56
Source : cohorte Elfe, analyses pour la Cour des comptes
Note : Poids relevés dans les carnets de santé : catégories extrêmes correspondant aux valeurs au-delà de deux Z-scores par
rapport aux références françaises de 2019 pour l’âge et le sexe (soit environ en
-dessous du 2,5
ème
percentile et au-dessus du
97,5
ème
percentile).
Entre 2 et 4
,5 ans, la proportion d’enfants souffrant de surpoids ou d’obésité
13
est trois
fois plus élevée chez les enfants vivant dans les foyers à faibles revenus (11,1 %) que dans les
foyers les plus aisés (3,6
%) comme l’illustre le graphique ci
-dessous. Le rapport est même de
1 à 7 pour les enfants att
eints d’obésité entre les quintiles de revenus extrêmes.
Graphique n° 1 :
surpoids ou obésité chez les enfants (3,5 ans)
en fonction du revenu du foyer
Source : cohorte Elfe, analyses pour la Cour des comptes
Note
: selon la définition internationale IOTF pour l’âge
et le sexe, calcul à partir des poids et tailles relevés dans le carnet
de santé ; revenus du ménage mensuel par unité de consommation.
13
Selon la référence de l’
International obesity taskforce
(IOTF).
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COUR DES COMPTES
22
D’autres facteurs sociaux, qui ne sont pas sans lien avec le niveau de revenu, peuvent
jouer, comme le niveau de diplô
me du père ou de la mère, et l’inactivité d’un des parents
: les
enfants dont la mère est
titulaire d’un diplôme au moins de niveau master sont près de deux fois
moins touchés (5,5 %) à cet âge-
là par le surpoids ou l’obésité que les enfants de mère titula
ire
d’un diplôme égal ou inférieur au baccalauréat (9,4
%)
14
.
b)
Des inégalités sociales nettes en matière de santé bucco-dentaire
Comme le montrent des études menées dans de nombreux pays dont les Pays-Bas, le
Royaume-Uni et les États-Unis
15
, les inégalités sociales sont aussi très nettes en matière de
santé bucco-dentaire chez les enfants en France. Plus les revenus des foyers sont faibles, plus
les parents déclarent que leurs enfants ont des caries dentaires, traitées ou non, et ce dès le plus
jeune âge : à 3,5 ans, quand moins de 2
% des parents d’enfants des 20
% des foyers les plus
aisés déclarent une ou plusieurs caries, ils sont trois fois plus (6,4 %) dans les 20 % des foyers
les plus pauvres. À 5,5 ans, ce rapport de 1 à 3 se maintient, avec des prévalences plus élevées.
Ces différences s’observent alors que les parents des foyers les plus aisés sont deux fois plus
nombreux (21 %) que ceux des foyers les plus modestes (13 %) à déclarer à 3,5 ans une
consultation chez le dentiste pour leur enfant.
Graphique n° 2 :
fréquence de caries au sein de la cohorte Elfe
en fonction du revenu du foyer
Source : cohorte Elfe, analyses pour la Cour des comptes
14
Cf. annexe 6, tableau 18.
15
Voir par exemple T. Marquillier et coll
. Inégalités sociales de santé
orale et caries précoces de l’enfant
:
comment prévenir efficacement ? Une revue de portée des prédicteurs de la maladie
.
Revue d’épidémiologie et
de santé publique, août 2020 ; L. Kragt et coll.
Social inequalities in children’s health related quality of
life: the
Generation R
Study, Quality of life research, décembre 2017; P. Rouxel et T. Chandola,
Socioeconomic and ethnic
inequalities in oral health among children and adolescents living in England, Wales and Northern Ireland
,
Community dentistry and oral epidemiology, octobre 2018.
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UN ÉTAT DE SANTÉ CONTRASTÉ
23
c)
L’asthme
La fréquence de
s symptômes respiratoires évocateurs d’asthme rapportés par les parents
augmente lorsque les revenus des foyers ou le niveau de diplôme de la mère diminuent : une
différence de 3 points s’observe entre les enfants des foyers aux revenus les plus élevés (13,5
%
à 3,5 ans et 10,7 % à 5,5 ans) et ceux des foyers les plus pauvres (16,3 % et 13,7 %,
respectivement).
2 -
Des différences en matière de développement et de comportements de santé
Le niveau de langage et le développement psychomoteur des enfants en école maternelle
dépendent de l’activité ou non des parents, de leur profession ou de la compositi
on du foyer.
Selon l’étude Elfe
-PMI décrivant les bilans de santé réalisés en petite ou moyenne section de
maternelle dans 30 départements métropolitains, les taux d’enfants présentant des difficultés de
langage ou de développement psychomoteur à 3,5 ans sont nettement plus élevés au sein des
familles monoparentales et des familles ayant au moins un des parents inactifs.
Tableau n° 2 :
retard de développement chez les enfants de 3,5 ans (en %)
En couple
Foyer
mono-
parental
Mère en
activité
Mère sans
activité
Père en
activité
Père sans
activité
Difficultés de langage
4,5
8,0
2,5
10,2
4,0
10,9
Difficultés de développement
psychomoteur
8,4
11,5
6,7
13,5
7,9
14,4
Source : Enquête Elfe-PMI
Les différences observées sur le niveau de langage des enfants en fonction de la catégorie
sociale des parents sont en réalité déjà notables à l’âge de 2 ans
16
.
Les comportements de santé des enfants varient aussi en fonction des caractéristiques
socio-économiques des parents, comme la Drees
l’a mis en évidence
. Les enfants des foyers
aux revenus les plus faibles ou de parents les moins diplômés, passent davantage de temps
devant des écrans, leur alimentation est moins équilibrée et diversifiée, la consommation de
boissons et d’aliments sucrés est plus fréquente et leur activité physique
est plus réduite. Ce
gradient sur les comportements explique en partie les différences observées sur les indicateurs
relatifs à l’état et aux événements de santé.
3 -
L’impact des déterminants liés à l’environnement de vie des enfants
L’analyse des inégalités sociales et territoriales de santé repose également sur l’étude de
déterminants qui ont une nature collective comme l’indice de désavantage social de la commune
de résidence
. Ceci permet de s’affranchir partiellement des composantes purement indiv
iduelles
16
BEH n° 1,
Inégalités socioéconomiques dans le développement langagier et moteur des enfants à 2 ans
, juillet 2019.
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COUR DES COMPTES
24
ou familiales tels que les revenus ou la composition du foyer, ou uniquement géographiques,
même si ces paramètres sont potentiellement corrélés.
Ainsi, le taux d’enfants souffrant de caries augmente avec l’indice de désavantage social
de la comm
une de résidence. A 5,5 ans dans l’étude Elfe, il y a deux fois plus d’enfants dont
les parents rapportent une ou plusieurs caries, dans les communes à fort désavantage social
(17,4 %) que dans les communes les plus favorisées (8,8 %).
Ces différences se r
etrouvent également pour la fréquence du surpoids et de l’obésité
entre 2 ans et 4,5 ans (9,6 % contre 6,4 % entre les deux classes extrêmes selon le désavantage
social) ainsi que pour celle de l’asthme diagnostiqué à 5,5 ans (17,4
% contre 15,1 %).
Comme le montre le tableau suivant, les enfants scolarisés dans des établissements
relevant de l’
éducation prioritaire avaient une fréquence de troubles dépistés très nettement
supérieure à la moyenne des enfants.
Tableau n° 3 :
troubles dépistés chez les enfants lors du bilan de santé
en école maternelle
Type de trouble dépisté
Ensemble des enfants (%)
Enfants scolarisés en éducation
prioritaire (%)
Surpoids (dont obésité)
12,6 (2,2)
17,9 (3,7)
Dents cariées (dont non traitées)
9,3 (7,3)
20,2 (16,5)
Examen psychomoteur anormal
9
12,4
Retard de langage
4,1
10
Source : étude Elfe-PMI. Années 2014 à 2016.
Pour les seuls problèmes d’obésité et de surpoids, les inégalités se sont creusées entre
2000 et 2013 selon les enquêtes réalisées par la Drees en grande section de maternelle
17
.
Les inégalités sociales de santé sont donc très précoces et marquées, quels que soient les
indicateurs employés pour définir les catégories sociales. Dès l’entrée en maternelle, et même
certainement avant, la catégorie sociale du foyer a un impact
significatif sur l’état de santé des
enfants et leur développement.
B -
Des disparités territoriales moins marquées,
à l’exception de
l’
Outre-mer
Même si des données fines notamment au niveau départemental manquent
, l’existence de
disparités territoriales associées aux indicateurs de santé des enfants est réelle. Ces disparités
sont très dépendantes des indicateurs, des pathologies, et des événements de santé observés,
mais peu de la taille de l’aire urbaine de résidence
. Ainsi la fréquence du surpoids et d
e l’obésité,
la prévalence de l’asthme ou des caries dentaires rapportées par les parents sont identiques chez
les enfants de la cohorte Elfe quelle que soit la taille de l’aire urbaine.
17
Dress, Études et résultats, n° 924,
La santé des élèves de grande section de maternelle en 2013 : des inégalités
sociales dès le plus jeune âge
, juin 2015.
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UN ÉTAT DE SANTÉ CONTRASTÉ
25
1 -
Des disparités territoriales des maladies chroniques au caractère hétérogène
À
l’exception de l’asthme et du surpoids (dont l’obésité), la répartition géographique des
maladies chroniques appréhendées par les affections de longue durée (ALD) est assez uniforme
selon les départements chez les enfants de moins de 12 ans.
La
prévalence de l’asthme diagnostiqué chez les enfants dessine un gradient est
-ouest,
visible dès 3,5 ans et davantage marqué à 5,5 ans (voir figure suivante), selon les données issues
de la cohorte Elfe. Les prévalences pondérées de l’asthme passent ainsi
du simple au double
entre la Bourgogne-Franche-Comté (10,9 %) et les Pays de la Loire (21,6 %) et pourraient être
reliées à des expositions environnementales différentes (notamment aux allergènes, pollens et
moisissures), aux caractéristiques climatiques ou encore à certains modes de vie ou pratiques
alimentaires
18
.
Carte n° 1 :
prévalence du surpoids
(dont obésité) chez les enfants
de la cohorte Elfe à 3,5 ans
Carte n° 2 :
p
révalence de l’asthme
chez les enfants de la cohorte Elfe
à 5,5 ans
Source : Cohorte Elfe, analyses pour la Cour des comptes. Représentation par la Cour des comptes.
Concernant le surpoids et l’obésité à 3,5 ans, le constat est différent
: les prévalences les
plus élevées se situe aux extrêmes nord et sud.
18
Rocchi S et coll.,
Indoor microbiome: quantification of exposure and association with geographical location,
meteorological factors, and land use in France
, Microorganisms, 2020.
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COUR DES COMPTES
26
2 -
Une couverture vaccinale dégradée le long de
l’arc
méditerranéen
Selon les données 2020 de Santé publique France, la couverture vaccinale au titre du ROR
est plus faible dans les départements de l’arc méditerranéen que la moyenne nati
onale comme
l’illustre la carte ci
-dessous.
Comme la Cour l’avait montré en 2018, l’hésitation vaccinale suit également un gradient
nord-sud
; l’adhésion à la vaccination est nettement plus faible dans le sud de la France. Lors
des fortes épidémies de rou
geole (2018 et 2019), la majorité des cas s’est concentrée par
conséquent dans ces mêmes départements, comme le montrent les cartes suivantes.
Carte n° 3 :
c
ouverture vaccinale à l’âge
de
33 mois contre la rougeole en 2020 (en %)
Carte n° 4 :
nombre de cas de rougeole
déclarés par département en 2019
Source
: Santé publique France d’après les données
du DCIR/SNDS, représentation Cour des comptes
Note : données manquantes pour les départements
en gris sur la carte.
Source
: Santé publique France d’après les données
de
la déclaration obligatoire
Note
: aucun cas n’a été rapporté en 2019 en Guyane,
en Martinique et en Guadeloupe.
3 -
Un état de santé systématiquement
dégradé dans les territoires d’Outre
-Mer
Quels que soient les indicateurs considérés, l’état de santé
des enfants dans les Outre-mer
est préoccupant, comparé à celui des enfants en métropole, à des degrés variables. Tous les
indicateurs de périnatalité et de mortalité infantile y sont plus défavorables, à des niveaux
inquiétants notamment à Mayotte. Le su
rpoids et l’obésité chez les enfants sont plus fréquents
en Martinique, en Guadeloupe et à Mayotte qu’en métropole comme l’ont montré de
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UN ÉTAT DE SANTÉ CONTRASTÉ
27
nombreuses études
19
. Le constat est plus nuancé pour la Réunion même si les taux restent plus
élevés qu’en métropole. La
Guyane semble encore préservée. La prévalence de l’asthme chez
les enfants est aussi plus élevée à la Réunion et aux Antilles qu’en France hexagonale
20
. Selon
une étude de la Drees en 2013, les enfants scolarisés dans les
départements et régions d’
Outre-
mer (Drom) avaient deux fois plus de dents cariées non soignées que les enfants métropolitains.
Mayotte présente de nombreuses particularités sur le plan sociodémographique. Ce
territoire concentre des indicateurs sanitaires particulièrement dégradés comme
la Cour l’avait
déjà rapporté en 2014
21
.
C’est le seul département d’Outre
-mer à avoir 5 à 10
% d’enfants
souffrant de malnutrition.
III -
Un système perfectible de suivi et de surveillance
La production de données fiables sur la santé des enfants est un prérequis indispensable
à l’amélioration de leur état de santé, à la compréhension de ses déterminants et à la définition
d’une politique publique adaptée.
Dans leur avis commun en 2019
22
, le Haut conseil de la santé
publique (HCSP) et le Haut conseil de la famill
e, de l’enfance et l’âge
(HCFEA) ont dressé un
constat en demi-
teinte sur les outils statistiques et épidémiologiques permettant de décrire l’état
de santé des enfants en France. Les données sont assez nombreuses, mais dispersées, mal
articulées, incomplètes et peu exploitées.
Deux grands types de sources de données peuvent être exploités pour produire des
indicateurs sur la santé des enfants : les bases de données issues de dispositifs universels prévus
pour l’ensemble des enfants d’une génération
comme les certificats de santé ou les bilans de
santé scolaire, et les données issues de travaux de recherche,
ou d’enquêtes, à partir
d’échantillons d’enfants et de questionnaires standardisés
.
A -
Des données issues des dispositifs à vocation universelle
quasiment inexploitables
1 -
Des certificats de santé de moins en moins renseignés
Au plan national, en dehors des données associées au premier certificat du 8
ème
jour rempli
en général en maternité, les données issues des certificats de santé sont quasiment inexploitables.
Les certificats de santé du 9
ème
mois et du 24
ème
mois sont assez mal renseignés, en
particulier sur les données sociales ou comportementales, et sur certaines affections. De plus,
19
Institut de recherche pour le développement (IRD), Expertise collective, «
Alimentation et nutrition dans les
départements d’Outre
-mer
», 2020.
20
Anses,
État des connaissances sur l’impact sanitaire des pollens et moisissures allergisants de l’air ambiant
sur la population générale des départements et régions d’outre
-mer
, 2017.
21
Cour des comptes,
La santé dans les Outre-mer : une responsabilité de la République
, rapport public thématique,
2014, (disponible sur ccomptes.fr).
22
Avis du HCSP et du HCFEA du 15 octobre 2019 relatif aux données de recherche et études sur la santé et le
développement global de l'enfant.
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28
seul un faible taux de certificats est transmis aux PMI
23
, ce qui re
nd l’exploitation des données
consolidées inutile ou hasardeuse. Selon la Drees, la représentativité des données issues des
certificats de santé
n’est pas assurée.
Désormais, même si les données de couverture vaccinale
à partir du certificat de santé du 24
ème
mois sont toujours produites et publiées par Santé
publique France, les estimations des taux de couverture vaccinale sont de plus en plus réalisées
à partir des données de la base de remboursement de l’assurance maladi
e.
2 -
Une consolidation impossible des données issues des bilans de santé
en milieu scolaire
Les bilans en milieu scolaire comprennent le bilan de santé de 3-4 ans réalisé par les
services de PMI en école maternelle, la visite médicale au cours de la sixième année et le
dépistage infirmier au cours de la douzième année. Selon les codes de la santé publique et de
l’éducation, tous les enfants doivent bénéficier de ces examens, aux âges prévus.
Les données de santé issues des bilans à 3-4 ans ne permettent pas de produire
d’indicateurs de santé à l’échelle nationale
. Comme le soulignent le HCSP et la fédération
nationale des observatoires régionaux de santé
24
(Fnors), la
grande disparité de l’organisation
du bilan et du recueil des données les rend inutilisables au niveau national. Cependant des
études territoriales ponctuelles permettent de dresser des constats locaux assez fins lorsque le
taux de couverture est satisfaisant.
Les examens réalisés par les personnels de l’éducation nationale so
nt en théorie très
complets. Ils doivent faire l’objet d’une saisie dans le dossier médical scolaire de l’enfant et d’un
recueil statistique par âge et par année. Cependant, plusieurs rapports
25
ont souligné les immenses
difficultés rencontrées par la santé scolaire dans la réalisation de ces examens, et le défaut de
remontée statistique. De trop nombreux paramètres obèrent à moyen terme toute perspective
visant à décrire l’état de santé des enfants à partir des données de la médecine scolaire
: taux de
réalisation des visites insuffisants, absence de données sur les élèves du secteur privé, faible
exhaustivité des données, qualité relative des items renseignés, système d’information peu
efficace et ne permettant pas de consolider les données issues des visites des 6
ème
et 12
ème
années.
À ce stade, a
ucune cartographie nationale de l’état de santé des enfants ne peut reposer
sur ces examens, et encore moins sous une forme longitudinale
qui permettrait de suivre l’état
de santé des enfants dans le temps. De même, aucun indicateur territorial fiable ne peut être
produit en routine.
23
Moins d’un
sur trois et moins d’un sur quatre, respectivement pour les certificats du 9
ème
et du 24
ème
mois.
24
Fnors.
Bilans de santé des enfants âgés de 3-4 ans en France en 2017 : les pratiques des services départementaux
de PMI et des services municipaux de santé scolaire
, octobre 2019.
25
Voir notamment :
La santé des enfants et des adolescents en milieu
scolaire, Rapport aux ministres de la santé et de
l’
Éducation nationale de D. Jourdan et P. Lombrail, mai 2015 ; rapport Igas/IGEN/IGAENR n° 2015-083-
R
,
Évaluation
de politique publique. Place de la santé scolaire dans la santé des jeunes
, avril 2016 ; Académie de médecine,
La
médecine scolaire en France
, octobre 2017 et Cour des comptes,
Les médecins et personnels de santé scolaire
,
communication à la commission des finances de l’Assemblée nationale, mai
2019 (disponible sur ccomptes.fr).
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UN ÉTAT DE SANTÉ CONTRASTÉ
29
B -
Des données majoritairement issu
es d’enquêtes
ou de travaux de recherche
Il n’y a pas de système de surveillance sanitaire relatif aux enfants après un an, en dehors
des deux registres de cancer nationaux
26
. L’état de santé des enfants est donc documenté à l’aide
d’enquêtes périodiques ou ponctuelles mises en place d’une façon assez peu coordonnée.
1 -
Les enquêtes de la Drees en milieu scolaire
Les enquêtes de la Drees constituent la princ
ipale source d’information
s périodiques sur
la santé des enfants et des adolescents en France. Ces enquêtes sont réalisées depuis l’année
scolaire 1999-2000. Elles concernent alternativement les élèves de grande section de maternelle
(5-6 ans), les élèves de CM2 (10-11 ans) et les adolescents des classes de 3
ème
(14-16 ans). Ces
enquêtes couvrent les Drom (hors Mayotte) malgré des échantillons de faibles effectifs dans
ces territoires.
Tableau n° 4 :
d
escription des vagues d’enquêtes réalisées par la
Drees
en milieu scolaire
Niveau
Effectif de l’échantillon initial
Années
GSM
30 000
1999-2000 ; 2005-2006 ;2012-2013
CM2
10 000
2001-2002 ; 2004-2005 ; 2007-2008 ; 2014-2015
3
ème
10 000
2000-2001 ; 2003-2004 ; 2008-2009
Source : Drees.
C’est à partir de ces enquêtes qu
e la majorité des résultats sur la santé des enfants à
l’échelle nationale ont ét
é obtenus depuis vingt ans, et que des disparités sociales et spatiales
ont été documentées. Elles sont donc essentielles.
Néanmoins, les échantillons actuels
27
restent trop faibles pour réaliser des diagnostics à
l’échelle départementale. De plus, l’écart entre deux vagues d’enquête pour un même niveau
scolaire (au moins six ans), l’important travail de coordination pour la production des données,
et les délais nécessaires aux analyses, aboutissent à dresser des constats avec un décalage de
deux à trois ans, et parfois cinq ans. Par ailleurs, le choix de se reposer principalement sur ces
enquêtes au périmètre large induit des limites sur leur fiabilité. Concernant la santé dentaire, les
indicateurs dans ces enquêtes sont moins précis que
ceux obtenus à partir d’
études transversales
spécifiques, comme celles réalisées
jusqu’en 2006
par l’
Union française pour la santé bucco-
dentaire (UFSBD)
pour lesquelles l’examen était
réalisé par un chirurgien-dentiste. Ces
dernières
enquêtes sont en réalité les seules qui permettent de décrire l’indice carieux avec
précision
et offrir ainsi les conditions pour comparer les résultats avec d’autres pays.
26
Tumeurs solides et hémopathies malignes.
27
La dernière vague en grande section de maternelle a concerné 18 793 élèves et celle en CM2 8 124.
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30
Il pourrait alors être intéressant de coupler, par exemple avec une fréquence quinquennale
ou décennale, des enquêtes spécialisées sur la santé dentaire et visuelle : même sur de faibles
effectifs, de telles enquêtes permettraient de pondérer ou d’interpréter les résultats obtenus par
la Drees avec davantage de fiabilité.
2 -
Une grande diversité d’enquêtes thématiques
sans
cohérence d’ensemble
L’état de santé des enfants ou la description de leurs comportements de santé sont
également documentés à l’aide de travaux et d’enquêtes thématiques, dont l’organisation
générale est assez dispersée. Localement, certains observatoires régionaux de santé (ORS)
réalisent des diagnostics et des études, basés sur les données récoltées par les PMI notamment
ou sur des enquêtes ad hoc.
a)
L’enquête nationale pé
rinatale
Depuis 1995, cinq enquêtes périnatales nationales ont été réalisées
par l’Inserm, le
ministère de la santé et Santé publique France
28
.
Il s’agit
de décrire
avec précision l’état de
santé des mères et des nouveau-nés, les pratiques médicales pendant la grossesse et
l’accouchement, et les caractéristiques démographiques et sociales des mères et des familles
afin de documenter
l’évolution de la situation périnatale en France et de la comparer aux pays
européens à travers le programme Euro-peristat.
L’échantillon de l’
enquête nationale périnatale (ENP)
représente l’ensemble des
naissances survenues sur l’équivalent d’une s
emaine en France métropolitaine et dans les
DROM
et permet d’obtenir des indicateurs précis notamment concernant l’état de santé
des
enfants (prématurité, morti-natalité, mortalité néonatale) et représentatif au niveau national de
naissances dans l’année étudiée
. Avec une centaine de naissances en moyenne par département,
les données ne sont pas représentatives au niveau départemental et le sont difficilement au
niveau régional. Les données seront appariées au système national des données de santé (SNDS)
pour l’enquête 2021. C
ertains indicateurs périnataux sont complétés indépendamment, par la
Drees, chaque année à partir des données du programme de médicalisation des systèmes
d’information (PMSI)
.
b)
Des enquêtes
ad hoc
Plusieurs enquêtes, anciennes pour la plupart, ont porté sur les comportements
alimentaires des enfants comme les études Inca
29
réalisées tous les sept
ans. D’autres ont décr
it
la corpulence des enfants au sein d’analyse plus large sur la santé nutritionnelle et
environnementale ou l’activité physique comme l’ENNS
30
en 2006-2007, puis Esteban en 2015.
Une étude périodique sur la corpulence des élèves de CE1-CE2 (2000, 2007 et 2016) réalisée
28
En 1995, 1998, 2003, 2010 et 2016. Une nouvelle enquête a eu lieu en mars 2021 avec un suivi des mères à
deux mois, dont les résultats ne sont pas encore disponibles.
29
Études individuelles nationales des consommations alimentaires (1998-1999, 2006-2007 et 2014-2015) réalisées
par
l’agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses).
30
Étude nationale nutrition-santé, portant sur 1 675 enfants.
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UN ÉTAT DE SANTÉ CONTRASTÉ
31
par Santé publique France (SPF) en lien avec la DGESCO est la source française du programme
international Cosi
31
porté par l’OMS Europe. D’autres enquêtes se concentrent sur la santé
nutritionnelle des nourrissons comme l’enquête
Epifane portée par Santé publique France en
2012 et 2021.
3 -
Des enquêtes de comparaisons internationales
Depuis 1994, la France participe à l’enquête
Health behaviour in school-aged children
(HBSC)
32
sur les comportements de santé des élèves réalisée sous l’égide de l’OMS dans une
cinquantaine de pays d’Europe et d’Amérique du Nord. Tous les quatre ans, des élèves de 11,
13 et 15 ans sont interrogés en classe, de manière anonyme, sur leur santé, leurs comportements
de santé, leur bien-
être, leur vécu à l’école et leurs déterminants. À l’issue de chaque vague, les
données sont rendues publiques au niveau international et national.
Les résultats des différentes vagues de cette enquête HBSC sont précieux pour suivre les
dynamiques dans le temps et les comparer entre
pays. Néanmoins, s’
agissant de données
déclaratives, il faut interpréter les indicateurs qui en sont issus avec prudence. Il est ainsi délicat
de les comparer avec des travaux employant d’autres méthodologie
s. Pour le surpoids et
l’obésité
par exemple
, les taux déduits des déclarations de l’enquête HBSC sont, pour les
enfants de 11 ans, très largement inférieurs à ceux observées en CM2 par la Drees qui sont
établis à partir de mesures réalisées par des professionnels de l’éducation nationale.
C -
Des aspects de la santé des enfants non documentés
Différents aspects de la santé des enfants sont encore trop peu documentés. Ceci est en
partie dû aux limites de l’exploitation des bases de données médico
-administratives et à une
logique de suivi épidémiologique construite principalement sur les pathologies.
1 -
Une sous-exploitation des bases de données médico-administratives
La construction des bases de données médico-administratives, en dehors du Centre
d’épidémiologie des causes médicales de décès
(CépiDc
) de l’Inserm
, repose avant tout sur une
logique de facturation et non pas sur l’objectif de construire des outils épidémiologiques.
En
particulier, l’exploitation des données du
système national inter-
régimes de l’assurance maladie
(Sniiram)
est complexe, faute d’actes ou de médicaments traceurs des pathologies fréquentes
rencontrées dans l’enfance.
La base du PMSI permet quant à ell
e principalement d’identifier les diagnostics de
maladies nécessitant une prise en charge hospitalière. Elle
est peu utilisée pour décrire l’état de
santé des enfants en dehors de travaux de recherche ciblés et de la production en routine des
indicateurs périnataux par la Drees.
31
Childhood obesity surveillance initiative
.
32
Le volet français de l’enquête
HBSC est coordonné par le service médical du rectorat de Toulouse (jusqu'en
2018), l’UMR 1295 Inserm
-Université Toulouse III (équipe SPHERE),
l’OFDT et Santé publique France.
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32
Enfin, l
a base du CépiDc permet d’identifier les causes associées à la mortalité des
enfants, peu fréquente au-delà de 1 an. Les données sont mises à jour avec retard, la dernière
année validée étant aujourd’hui 2016.
Ces bases composant
aujourd’hui le système national des données de santé (SNDS)
contiennent très peu d’informations de nature sociale, ce qui complique les analyses sur les
inégalités de santé. La Drees
a récemment réalisé l’appariement entre les données de
l’échantil
lon démographique permanent (Insee) et le SNDS ce qui permet de lever cette
difficulté pour un échantillon de 4
% de la population. Les perspectives d’analyses offertes par
cet appariement apparaissent prometteuses.
Globalement, les données médico-administratives sont encore trop peu exploitées pour
décrire l’état de santé des enfants, en dehors de certains thèmes particuliers comme la vaccination.
2 -
Un suivi épidémiologique incomplet et centré sur les pathologies
La santé mentale des enfants reste un champ pour lequel les données sont extrêmement
lacunaires. En dehors des travaux permettant
d’apprécier
le bien-être ressenti des enfants et des
adolescents (HBSC)
ou l’impact du premier confinement sur les enfants des cohortes E
lfe et
Epipage 2
33
, très
peu d’informations sont disponibles. De même, les données de prévalence des
troubles des apprentissages sont pour la plupart très anciennes. Aucune description des parcours
de soin dans ces champs n’est disponible. Pour pallier ce manque, Santé publique Fr
ance, sous
l’impulsion des ministères en charge de la santé et de l’éducation, va lancer une étude sur la
santé mentale des enfants de 3 à 11 ans au printemps 2022, qui couvrira la métropole et les
Outre-mer. Cette étude devrait permettre de renseigner les indicateurs de bien-
être et d’estimer
les prévalences des différents troubles de santé mentale et d
en préciser les déterminants, y
compris de nature sociale.
Même si leur fréquence chez les enfants est faible, les maladies chroniques nécessiteraient
un suivi épidémiologique plus fin que celui existant actuellement, réalisé principalement à partir
de l’exploitation des données du SNDS.
Enfin, l
a santé des enfants est principalement décrite sous l’angle pathologique avec des
indicateurs de prévalence ou d’
incidence, alors que les aspects comportementaux et psycho-
sociaux sont essentiels. Les données sur les comportements ou l’environnement psychoaffectif
sont très rares. Une compréhension du mécanisme régissant des inégalités sociales de santé
nécessite de disposer, au-delà des informations de santé, de données sur l
’éducation, l’emploi
des parents et leur niveau de revenus
, l’alimentation, l’activité physique,
ou le logement, qui
sont autant de facteurs qui influent sur la santé.
33
D’autre travaux sont actuellement en cours sur la santé mentale des enfants à partir de
la cohorte Elfe.
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UN ÉTAT DE SANTÉ CONTRASTÉ
33
3 -
Un système insuffisamment puissant pour des analyses territoriales
et régulièrement actualisées
Les limites et les lacunes du système de surveillance et de suivi épidémiologique relatif à
la santé des enfants sont identifiées depuis longtemps.
Des données doivent être produites et analysées avec une plus grande fréquence et leur
granularité territoriale améliorée
34
. Le modèle en place aujourd’hui conduit à un décalage très
important entre deux vagues d’enquêtes
réalisées par la Drees, ne repose pas sur les outils à
vocation universelle existants (certificats de santé, bilans et dépistages en milieu scolaire)
, n’a
pas de portée longitudinale
35
et intègrent peu d’informations de nature sociale
. Les résultats de
ces enquêtes
sont produits plusieurs années après (parfois jusqu’à cinq an
s
; ce délai s’est réduit
à environ deux ans lors des dernières vagues), ce qui rend
difficile l’adaptation des instruments
de politiques publiques à la situation sanitaire. Il y a aussi un manque important de données sur
les départements et régions d’Outr
e-mer dans ces études qui concernent majoritairement des
échantillons d’enfants métropolitains.
Les seuls outils épidémiologiques qui permettent de réaliser un suivi longitudinal des
enfants sont les cohortes. Ces outils visent à suivre durant plusieurs années un groupe de sujets
partageant des caractéristiques préalablement définies. Ils sont précieux malgré leur coût très
élevé qui limite souvent la taille des échantillons inclus. Il existe en France plusieurs cohortes
d’enfants, souvent de taille réduite
, incluant moins de 4 000 individus. Depuis 2011, la cohorte
nationale de naissance Elfe à vocation généraliste incluant 18 000 enfants a été mise en place par
l’Ined et l’Inserm. Elle est articulée avec une cohorte sœur, de taille plus petite (E
pipage 2) qui a
pour objectif de suivre spécifiquement le développement et l’état de santé d’enfants nés
prématurés.
À défaut de réussir à fiabiliser le recueil des données issues des dispositifs de surveillance
universels, seules les enquêtes ou les cohortes
permettent de renseigner l’évolution de l’état de
santé des enfants et les facteurs sociaux associés. C’est donc un constat insatisfaisant qui appelle
une forte mobilisation pour se doter d’un système de recueil des données à la hauteur des enjeux
épidémi
ologiques, de recherche et de pilotage d’une politique publique de santé des enfants.
Les initiatives
dans le champ de l’épidémiologie et de la surveillance de l’état de santé des
enfants devraien
t faire l’objet d’une coordination d’ensemble
et d’une prior
isation au niveau du
ministère de la santé. Celles-ci sont
aujourd’hui clairement insuffisante
s et elles laissent la place
à trop de champs insuffisamment couverts.
En particulier, comme l’ont souligné le HCSP et le
HCFEA en 2019, plusieurs points apparaissent toujours comme prioritaires : la production de
données régulières et fiables sur la santé des enfants, leur environnement, leur développement
socio-affectif et cognitif et leur santé mentale
; la construction d’outils épidémiologiques
permettant d’ana
lyser les trajectoires, les parcours et les interactions entre les différents
environnements de vie des enfants sur leur santé
; et l’accès à de telles données permettant leur
exploitation à l’échelle la plus large possible par les professionnels de santé
et les chercheurs,
34
L
a caractérisation de l’état de santé des enfants à une maille territoriale fine nécessite des effectifs très
importants. Avec 101 départements, seuls des effectifs de 50 000 voire 100 000 enfants permettraient une analyse
na
tionale déclinée au niveau départemental. En raison de l’hétérogénéité des territoires d’Outre
-mer, il faudrait
nécessairement des sous-échantillons représentatifs de chaque Drom.
35
Les études longitudinales permettent de suivre les mêmes individus sur plusieurs années.
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34
dans le respect de la réglementation en matière de protection des données de santé. Il
conviendrait de renforcer la coordination entre les acteurs pour la réalisation et l’exploitation
des enquêtes afin de définir un programme de travail partagé et cohérent avec les priorités de
santé publique sur les enfants.
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UN ÉTAT DE SANTÉ CONTRASTÉ
35
___________________ CONCLUSION ET RECOMMANDATION ___________________
S’il est difficile à caractériser avec précision, en raison du manque de données
régulièrement produites et de leur caractère lacunaire, l’état de
santé des enfants âgés de moins
de douze ans en France apparaît comme contrasté par rapport aux pays comparables de
l’Union européenne ou de l’OCDE.
Certains indicateurs tels que la mortalité, le surpoids ou
la santé dentaire se sont améliorés. Des difficultés persistent néanmoins en matière de santé
périnatale, de vaccination anti-rougeole ou de comportements de santé.
L’état de santé des enfants se caractérise aussi par des inégalités sociales très marquées
dès le plus jeune âge. Ainsi, le poids des facteurs socio-économiques familiaux est déterminant
sur la plupart des événements de santé des enfants. Les disparités territoriales sont, quant à
elles,
moins prononcées, sauf dans les territoires d’Outre
-mer qui cumulent les indicateurs
défavorables.
Le s
ystème de suivi et de surveillance de l’état de santé des enfants souffre de lacunes et
de fragilités identifiées depuis longtemps, ce qui prive les pouvoirs publics des éléments de
connaissance indispensables à la définition des priorités de santé publique et au suivi des
actions mises en œuvre pour remédier aux inégalités sociales et territoriales de santé. En
particulier, la surveillance à partir des certificats de santé obligatoires ou des examens réalisés
en milieu scolaire est rendue impossible par la faiblesse de leur taux de réalisation et la piètre
qualité des informations renseignées. Seules des enquêtes spécifiques permettent de
documenter cet état de santé, mais leur actualisation comme leur granularité territoriale sont
faibles. Par ailleurs, les informations sur les comportements de santé comme sur des problèmes
de santé émergents sont manquantes.
En conséquence, la Cour formule la recommandation suivante :
1.
Améliorer le suivi épidémiologique en exploitant davantage les données médico-
administr
atives, en enrichissant les indicateurs produits, en facilitant l’appariement avec
des bases de données sociales, et en réalisant des enquêtes régulières et ciblées sur certains
problèmes de santé (ministère de la santé,
ministère de l’éducation
nationale, Santé
publique France, Cnam).
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Chapitre II
Une politique de réduction des inégalités de santé
aux effets modestes
La lutte contre les inégalités sociales et territoriales de santé est une priorité consensuelle,
régulièrement affichée par les pouvoirs publics, qui se heurte cependant à la pluralité des acteurs
institutionnels impliqués
ministère de la santé, ministère de l’éducation nationale, assurance
maladie, et services départementaux de la protection maternelle et infantile, etc.
Cette priorité pei
ne à s’incarner dans des actions concrètes, mesurables et suivies, que ce
soit au niveau national ou territorial. Si certains dispositifs existent depuis longtemps comme
les examens obligatoires ou la vaccination, leur portée réelle sur la réduction des inégalités de
santé est modeste, en dépit de leur vocation universelle. Il y a donc un enjeu de mise en visibilité
et en cohérence des actions en faveur de la réduction des inégalités sociales et territoriales de
santé dans l’enfance afin de garantir leur efficacité par l’implication dans le temps long
d’acteurs aux très nombreuses missions et priorités.
I -
Malgré une priorité régulièrement affichée, l
’absence
d’une véritable politique partagée de la santé des enfants
A -
Une stratégie nationale de santé renouvelée mais toujours éclatée
La stratégie nationale de santé pour 2018-2022
36
marque une double rupture en portant
l’ambition d’une réduction des inégalités de santé par une intervention plus précoce en matière
de prévention et en consacrant un volet spécifique
à la santé de l’enfant. Jusque
-là, aucun des
plans de santé publique élaborés ne portait spécifiquement sur la santé des enfants, à l’exception
des plans relatifs à la périnatalité
37
, ciblant majoritairement des pathologies, des facteurs de
risques ou des thématiques de santé publique.
36
Décret n° 2017-1866 du 29 décembre 2017 portant définition de la stratégie nationale de santé pour la période
2018-2022.
37
De tels plans
se sont succédés de 1971 à 2007. Depuis, il n’y a eu aucun plan spécifique en dépit de la po
sition
toujours médiocre de la France dans les comparaisons internationales.
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38
Retenant la promotion de la santé (axe 1) et la réduction des inégalités sociales et
territoriales de santé (axe 2) en population générale parmi ses quatre orientations stratégiques,
elle fixe sept priorités en faveur de la s
anté de l’enfant
: l’amélioration du repérage et de la prise
en charge précoce des troubles et maladies de l’enfant, le développement dès le plus jeune âge de
l’éducation pour la santé et les compétences psychosociales
38
, la prévention de la violence et de
la maltraitance chez les enfants, et l’adaptation de l’offre de soins aux spécificités des enfants.
Cette stratégie offre un cadre suffisamment large pour que les différents plans
thématiques puissent y être rattachés, en mélangeant toutefois des actions très spécifiques et
des orientations plus générales. Comme l’illustre le schéma ci
-dessous, ces plans thématiques
nationaux comportant des mesures en faveur des enfants sont nombreux, non-synchronisés,
alors qu’ils abordent des sujets très intriqués, et pi
lotés par des acteurs institutionnels différents.
38
Définition des compétences psychosociales par l’OMS
:
«
la capacité d’une personne à répondre avec efficacité
aux exigences et aux épreuves de la vie quotidienne. C’est l’aptitude d’une personne à maintenir un état de bien
-
être mental en adoptant un comportement approprié et positif à l’occasion des relations entretenues avec les
autres, sa propre culture et son environnement
».
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39
Schéma n° 1 :
stratégie nationale de santé et plans nationaux thématiques
Source : Cour des comptes
1 -
La stratégie de lutte contre l’autisme au sein des troubles
du neuro-développement
La stratégie de lutte co
ntre l’autisme au sein des troubles du neuro
-développement (2018-
2022) s’inscrit dans la continuité des trois précédents plans «
autisme
» et d’un plan d’actions
interministériel relatif aux troubles spécifiques du langage oral et écrit, couvrant la période 2001-
2004. Le développement des troubles du neuro-développement (TND) dans leurs différentes
composantes constitue encore aujourd’hui un enjeu de santé publique, notamment en matière de
repérage précoce, de diagnostic et d’orientation vers le bon niveau
de prise en charge.
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40
Confiée à une délégation interministérielle placée auprès du Premier ministre, la stratégie
qui est structurée autour de cinq engagements et vingt mesures porte sur l’ensemble du parcours
de vie des personnes, de la toute petite enfanc
e à l’âge adulte. Elle précise le montant global
des besoins de financement. Elle est déclinée en un plan d’actions présentant une fiche pour
chaque mesure, précisant les pilotes, les échéances et les indicateurs de mesure.
La délégation interministériell
e permet de structurer et de coordonner l’intervention de
neuf ministères, trois opérateurs nationaux et de nombreux partenaires, dont les familles, et sur
un conseil national des troubles du spectre autistique et des troubles du neuro-développement,
installé le 3 juillet 2018. Au plan régional, des référents autisme et TND ont été désignés au
sein de chaque agence régionale de santé (ARS) et une gouvernance territoriale de proximité a
été mise en place.
Depuis 2018, 344
M€ ont été dégagés
pour
mettre en œuvre les mesures de la stratégie
nationale pour l’autisme au sein des troubles du neuro
-développement. À ces nouveaux moyens
s’ajoutent 53
M€
de crédits non dépensés du 3
ème
plan autisme (2013-2017). Au total, près de
400
M€
sont donc dédiés à l’amélioration de la réponse aux besoins des personnes qui
présentent un trouble du neuro-développement.
Adossée à une structure bien identifiée et rattachée directement au Premier ministre, avec
des moyens financiers spécifiques, cette stratégie présente un taux de réalisation de ses objectifs
et actions plus élevé que la stratégie nationale de santé dans son volet « enfant ».
2 -
La stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté
La stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté (2018-2022) repose sur
cinq engagements, dont l’égalité des chances dès les premiers pas afin de rompre la
reproduction de la pauvreté, et trois leviers de transformation, dont la contractualisation pour
piloter la stratégie à partir des territoires.
Mobilisant de nombreux acteurs, elle a été confiée à une délégation interministérielle placée
sous l’autorité conjointe du ministre des solidarités et de la santé et du ministre du travail, de
l’emploi et de l’insertion. L’enjeu de c
oordination étant fort au plan local comme au plan national,
des commissaires régionaux à la prévention et à la lutte contre la pauvreté ont été nommés et
placés sous l’autorité directe du préfet de région. Ils s’attachent à mettre en place une méthode de
coordination pour mobiliser les services de l’
État, les agences, et les organismes de sécurité
sociale et piloter avec les élus eux-mêmes les actions afin de répondre aux besoins des territoires.
Le budget consacré à la stratégie dans son ensemble s’élève
à 8,5 M
d€, dont 1,2
Md€
pour l’égalité des chances dès les premiers pas et 271
M€ pour la garantie des droits
fondamentaux des enfants au quotidien. Les actions déployées dans ce cadre en direction des
enfants sont très intriquées à celles portées par la feuille de route « santé mentale et
psychiatrie », celle « des 1000 premiers jours » et par la stratégie nationale de prévention et de
protection de l’enfance. Une même mesure peut répondre aux enjeux de réduction des
inégalités, de protection de l’enf
ance et de renforcement du parcours des 1000 premiers jours.
Le rapprochement des stratégies présente des éléments redondants pouvant nuire à leur lisibilité
et à leur compréhension par les acteurs de terrain, d’autant plus que les projets régionaux de
santé de deuxième génération (2018-2022) comportent un volet de réduction des inégalités.
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41
3 -
Un engagement renouvelé à lutter contre les inégalités de santé
dès le plus jeune âge : les « 1000 premiers jours »
L’évolution des connaissances sur le développement de l’enfant pendant les
1 000
premiers jours (de la période préconceptionnelle aux deux ans révolus de l’enfant), en
particulier les corrélations établies entre les affections néonatales et postnatales et le risque pour
l’enfant de développer une maladie chronique à l’âge adulte
39
, a conduit l’OMS en 2005, puis
de nouveau en 2010, à consacrer le concept des « 1 000 premiers jours ». Initialement centré
sur le double enjeu de la nutrition et du développement cérébral
40
, le concept est désormais
étendu à tous les déterminants de santé.
Dans la continuité des orientations portées par la stratégie nationale de santé et le plan
priorité prévention, en France, un groupe d’experts scientifiques qui comportait peu de pédiatres
généralistes a remis un rapport sur les « 1 000 premiers jours »
42
. Les propositions très orientées
sur le développement psycho-social, le sont beaucoup moins sur les aspects strictement
somatiques, jusqu’à ne pas aborder la morti
-natalité et la mortalité néonatale, malgré les mauvais
résultats de la France en la matière par rapport aux autres pays européens (cf. annexes 4 et 5).
Les premières mesures annoncées en septembre 2020 traduisent la volonté de construire
une politique publique de la petite enfance (jusqu’à l’âge de deux ou trois
ans) privilégiant une
approche de santé publique, globale, systémique, dans ses dimensions somatiques,
psychologiques, environnementales et sociales. Elles s’articulent autour de cinq axes
: le
renforcement du parcours des 1 000 premiers jours autour de trois moments-clés (le 4
ème
mois
de grossesse avec la généralisation de l’entretien prénatal précoce, le séjour à la maternité, le
retour à domicile), des actions «
d’aller
-vers » pour les personnes dans les situations les plus
vulnérables, la mise à dispos
ition de ressources pour les parents et l’entourage de l’enfant, la
réforme des congés parentaux, et l’amélioration de la qualité de l’accueil du jeune enfant.
Cette
feuille
de
route
semble
davantage
portée
politiquement
et
structurée
administrativement q
ue la stratégie nationale de santé. En effet, elle s’incarne dans une cheffe
de projet, rattachée au secrétariat général du ministère des solidarités et de la santé, s’appuie
sur un comité de pilotage et des modalités de déploiement territorial définies par instruction
43
et bénéficie de financements fléchés. Le financement total est estimé entre 335 et 337
M€, dont
260
M€ au titre de la mesure allongeant le congé paternité et le rendant obligatoire.
Les « 1 000 premiers jours », sans constituer une politique de santé unifiée, en donne un
fil conducteur en portant une attention particulière aux déterminants sociaux. Le risque de
rupture dans le parcours de santé des enfants à 2-3 ans a été identifié : lorsque les
problématiques le justifient, cette période des 1 000 premiers jours couvre une période plus
large pouvant aller jusqu’à 3 ans.
39
DJ Barker,
Fetal origins of coronary heart disease
, BMJ, 1995.
40
Manifeste pour les 1000 premiers jours de vie, une période clé dans les stratégies de prévention nutritionnelle
, 2014.
42
« Les 1000 premiers jours : là où tout commence
», rapport de la commission d’experts pour les 1000 premiers
jours, septembre 2020.
43
Instruction n° SGMCAS/2021/74 du 1
er
avril 2021 relative aux engagements du
Gouvernement pour l’année
2021 autour de la politique des 1000 premiers jours de l’enfant et de ses modalités de déclinaison territoriale, ainsi
qu’aux leviers supplémentaires mis à disposition des acteurs locaux.
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42
4 -
La
stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance
Dans son rapport de novembre 2020
44
, la Cour soulignait les défaillances du pilotage de
la protection de
l’enfance, souffrant
d’une trop grande complexité et d’une insuffisante
coordination des acteurs, tant au niveau national que territorial.
La stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance (2020
-2022) apporte
une réponse aux difficultés
de gouvernance. Elle a pour objectifs l’accès à la prévention en
santé pour tous les enfants, l’amélioration de la situation des enfants protégés et la production
d’une meilleure convergence des réponses aux besoins des enfants et des familles. Elle est
di
rectement portée par le secrétaire d’
État
en charge de l’enfance et des familles auprès du
ministre des solidarités et de la santé. Sous sa responsabilité, son déploiement opérationnel est
piloté par la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) et l
a DGS s’agissant de son volet
« prévention en santé ».
Bien que la protection de l’enfance soit une compétence décentralisée des conseils
départementaux, cette stratégie affirme le rôle de l’
État sur les questions relevant de la santé,
de l’éducation et de la sécurité en particulier. Sa mise en œuvre fait l’objet d’une
contractualisation renforcée avec les conseils départementaux convergente avec les actions
visant à renforcer les ressources des PMI (cf. infra).
En 2020, la mise en œuvre de la stratégie a
mobilisé trois sources de financement pour un
budget de 80
M€ (50
M€ sur le budget de l’
État, 15
M€ sur le fonds d’intervention régional
(FIR) pour 30 départements, 15
M€ sur l’objectif national des dépenses d’assurance maladie
(Ondam) médico-social). Les
montants mobilisés pour l’année 2021 s’élèvent à 155
M€
(107
M€ sur le budget de l’
État, 33
M€ sur le FIR pour 70 départements, et 15
M€ sur l’Ondam
médico-social).
B -
Une déclinaison opérationnelle et une évaluation
d’ensemble insuffisantes
1 -
Au niveau national
Conçue pour fournir une vision stratégique partagée, la stratégie nationale de santé ne
constitue pas un cadre de programmation ; elle ne définit ni ses modalités de pilotage ni sa mise
en œuvre ce qui fragilise sa portée structurante. Sa déclinaison opérationnelle s’appuie sur le
plan national de santé publique Priorité prévention et les autres plans thématiques nationaux.
Le plan Priorité prévention, ne déclinant que l’axe relatif à la promotion de santé, n’a pas été
suffisant pour donner de la lisibilité sur les engagements en matière de santé des enfants.
Comme l’a souligné
le HCSP
45
, de nombreux objectifs fixés dans la stratégie nationale de santé
n’ont pas été traduits en objectifs opérationnels, sans pour autant renvoyer aux autres plans
thématiques de santé publique. Cette insuffisante structuration aboutit à une construction
parcellaire ne permettant pas aux très nombreux acteurs de se l’approprier et d’y inscrire leurs
44
Cour des comptes,
La protection de l’enf
ance
: une politique inadaptée au temps de l’enfant
, rapport public
thématique, novembre 2020 (disponible sur ccompte.fr).
45
HCSP,
Évaluation de la pertinence et de la cohérence du plan national de santé publique
, mars 2019.
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43
propres initiatives ni au ministère de la santé de le piloter. L’absence de pr
écision sur les
modalités de conduite de projets (responsabilités, moyens, échéances) limite de fait son
caractère opérationnel. En outre, conçu pour être évolutif et adaptatif, le plan Priorité prévention
ne couvrait que les années 2018-2019. Son premier
bilan en début d’année 2019 a témoigné de
la dynamique engagée, mais la crise liée à la covid 19 a interrompu la démarche.
L
es pouvoirs publics ne se sont pas dotés au niveau national d’un document consolidé
recensant de façon exhaustive les mesures concernant les enfants extraites des différents plans,
à même de garantir un pilotage et un suivi efficace de leur exécution.
L’évaluation de la stratégie nationale de santé a été confiée à la
Drees. Parmi les vingt-
deux indicateurs de suivi retenus, deux sont spécifiques à la santé des enfants : la couverture
vaccinale pour les onze vaccins obligatoires et la proportion d’enfants de 6 ans ayant consulté
au moins une fois un chirurgien-
dentiste au cours de l’année suivant leur sixième anniversaire.
Le volet rela
tif à l’Outre
-mer comporte un indicateur sur le taux de mortalité périnatale.
L’évaluation
in itinere
du plan Priorité prévention a été réalisée par le HCSP en 2020.
L’évaluation continue n’a pas été poursuivie
telle que prévue, en raison de la crise sanitaire.
Selon la DGS, l
’évaluation ex
-post du plan priorité prévention est en cours de réalisation.
Au-
delà du plan Priorité prévention, chaque plan thématique fait l’objet d’un suivi
spécifique sans consolidation d’ensemble.
2 -
Au niveau territorial
La dispersion des actions et des priorités relatives à la santé des enfants parmi les
nombreux axes et objectifs rassemblés au sein des projets régionaux de santé (PRS) rend
complexe l’identification d’une politique régionale de santé de l’enfant.
Après examen des différents programmes régionaux de santé (PRS), construits selon une
logique matricielle qui croise des approches thématiques ou ciblées
46
, transversales
47
,
construites autour de parcours ou sectorielles (hôpital, médico-social, ville), la santé des enfants
ne fait généralement pas l’objet d’un axe spécifique. Elle est très majoritairement abordée de
manière dispersée dans plusieurs axes d’orientations stratégiques dont il faut extraire et
rassembler les projets ou actions pour avoir une vision globale sur les enfants. La santé des
enfants est une priorité identifiée dans deux cadres d’orientation stratégiques (Hauts
-de-France,
Océan Indien) ; neuf ARS
48
ont défini des parcours spécifiques pour enfants et adolescents.
La méthodologie de construction et de pilotage des projets concernant la santé des enfants
est variable. Certaines ARS ont missionné un chef de projet santé des jeunes (Occitanie), ou
santé mère-enfant (ARS Hauts-de-France, La Réunion, Île-de-France
) s’appuyant soit sur des
groupes préexistants et les dynamiques antérieures (ARS Hauts-de-France), soit mis en place à
l’occasion du PRS.
L’identification des territoires prioritaires, résultant de diagnostics territoriaux et d’une
concertation avec les instances de démocratie sanitaire est un élément structurant de la
46
Par exemple sur le cancer, la santé mentale ou le handicap.
47
Par exemple sur la lutte contre les inégalités de santé ou la promotion de la santé.
48
Bourgogne-Franche Comté, Normandie, Nouvelle Aquitaine, Grand Est, Hauts-de-France, Île-de-France, et
Occitanie.
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44
territorialisation de la politique de santé. Elle sous-tend la sélection des actions prioritaires pour
la construction des contrats locaux de santé (CLS), ou des projets de communautés
professionnelles de territoire de santé (CPTS), les dispositifs «
d’aller
-vers », et le lancement
des expérimentations, etc
. Elle doit donc faire l’objet d’une attention particulière et d’une
construction partagée entre tous les acteurs impliqués, y compris l’éducation nationale, les
collectivités territoria
les et l’assurance maladie.
L’exemple des Hauts
-de-France
Afin que les spécificités territoriales soient mieux prises en considération et partagées avec les
différents partenaires de chacun des cinq territoires de démocratie sanitaire de la région
49
, les priorités
de santé ont été déterminées en cinq phases : publication de diagnostic territorialisé et présentation
lors de la réunion d’installation de chaque conférence territoriale de santé (CTS) en janvier 2017
;
rencontre entre l’ARS et les membres du b
ureau de la CTS pour présenter les spécificités du territoire
en mars 2017
; temps d’appropriation par les membres de la CTS, à partir de recherche d’informations
complémentaires, combinées à l’expertise et la connaissance du terrain
; définition de cinq priorités
en avril ; puis de mai à novembre 2017, mise en regard des cinq priorités des CTS et des chantiers
définis par l’ARS pour aboutir à un PRS cohérent.
L’ARS a croisé les indicateurs sociaux et sanitaires issus de différentes bases de données
nation
ales (CépiDc, Inserm, Cnaf, ministère de l’économie et des finances, Drees, Asip
-
santé, …)
pour établir les diagnostics territoriaux et élaborer son programme régional d’accès prioritaire aux
soins. Ces éléments ont été complétés par un diagnostic territor
ialisé, réalisé par l’observatoire
régional de la santé et du social des Hauts-de-France.
Il manque dès lors une vision d’ensemble du degré d’atteinte des objectifs stratégiques et
opérationnels d’autant que le suivi en comité interministériel de la santé
a été mis à mal par la
crise sanitaire. De plus, les données à visée épidémiologique et statistique, les outils de recueil
et d’évaluation des actions probantes et les éléments de suivi des dépenses engagées sont
perfectibles. Tous ces facteurs se conjuguent empêchant les pouvoirs publics de mesurer
l’efficacité des multiples dispositifs d’action publique qu’ils mobilisent.
C -
L’absence de vision consolidée des dépenses
50
Il n’existe pas d’étude récente sur le
s dépenses de prévention ou de prise en charge des
soins ou biens médicaux, consacrées aux enfants en France. Les seules estimations ont été
produites par le haut conseil pour la famille : en 2009, la dépense de soins engagée pour les
enfants de moins de vingt ans avait été estimée à 16
Md€
51
, et en 2014
52
, à 18
Md€,
auxquels
le haut conseil suggérait d’ajouter les 1,1
Md€ affectés par les départements à la prévention
médico-sociale et incluant donc les dépenses liées aux services de PMI.
Alors qu’il s’agit d’une priorité régulièrement affichée, les pouvoi
rs publics, au niveau
national comme territorial, ne se sont dotés d’aucun instrument de suivi des dépenses de santé
49
L’Aisne, le Hainaut, la métropole Flandres, l’Oise, et la Somme.
50
Voir analyse détaillée en annexe 7.
51
Haut conseil pour la famille,
Présentation générale des dispositifs en faveur des familles
, octobre 2009.
52
Institut de recherche économiques et sociales (Ires),
Les dépenses consacrées par la société pour les enfants
.
Étude réalisée pour le haut conseil pour la famille, août 2014.
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45
consacrées aux enfants. En raison de la multiplicité des acteurs concourant à la santé des
enfants, des différentes sources de financement,
de la faiblesse des systèmes d’information
disponibles, reconstituer les dépenses de santé des enfants dans leur globalité est donc malaisé.
Les dépenses de prévention et de prise en charge des soins et biens médicaux pour les enfants
de moins de 12 ans ont été estimées par la Cour pour 2019 à environ 8,9
Md€ comme le résume
le tableau ci-dessous.
Tableau n° 5 :
synthèse des dépenses relatives à la santé des enfants de moins de 12 ans
en 2019
Assurance Maladie
État
Collectivités
Dépenses de ville
3 286
M€
Dépenses en établissements de santé
(MCO, CS et HAD)
3 277
M€
Dépenses Complémentaire Santé
Solidaire
400
M€
Dépenses de prévention
dont médecine scolaire
1 260
M€
dont PMI
500
M€
dont FIR
63
M€
dont FNPEIS
85
M€
Total 2019
8 871
M€
1 -
Les dépenses de soins
En 2019, les dépenses de santé des enfants à la charge de l’assurance maladie s’élèvent à
6,6
Md€, répartis à parts égales entre les soins de ville et les établissements de santé, soit 4,3
%
des dépenses totales de l’assurance maladie alors
que les enfants représentent 14 % de la
population totale.
Les dépenses de soins de ville se sont élevées entre 2016 et 2019 à un peu plus de 3
Md€,
en légère croissance sur la période (+ 3,3 %) avant la rupture de 2020 due à la crise sanitaire.
La majori
té des dépenses de ville se concentre en 2019 sur la pharmacie d’officine ou les
médicaments (23 %), la médecine (31 % dont 22 % de médecine générale et 6 % de pédiatrie),
l’orthophonie (12
%) et les soins dentaires (7 %).
Les dépenses hospitalières prises en
charge par l’assurance maladie obligatoire, ont atteint
3,3
Md€ en 2019 dont 89
% correspondent aux activités de médecine, chirurgie et obstétrique
(MCO). Les dépenses de MCO pour les enfants de moins de 12 ans se sont élevées à 2,96
Md€
en 2019, en légère diminution sur la période 2016-2019, soit 5,4 % des dépenses hospitalières
totales. En 2020, elles ont diminué de 8
% sous l’effet de la crise sanitaire.
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46
2 -
Les dépenses de prévention
Les dépenses de prévention sont difficiles à circonscrire, les frontières étant parfois ténues
entre la prévention et les soins. Ainsi, les examens médicaux obligatoires, qui ont une vocation
préventive, sont des dépenses de soins de ville facturées sur le risque maladie alors que les
examens bucco-dentaires sont des dépenses de prévention institutionnelle, financées par le
fonds national de prévention, d’éducation et d’information sanitaire (FNPEIS). Pour la
vaccination ROR, une partie relève du risque maladie et l’autre du FNPEIS.
Outre les examens médicaux obligatoires et les examens bucco-dentaires, les dépenses de
prévention relatives aux enfants correspondent principalement à la PMI, la médecine scolaire
et aux fonds de prévention tels que le FIR et le FNPEIS.
Au total, les dépenses de prévention à destination des enfants, en dehors des actions prises
en charge sur le risque maladie, sont estimées à 2
Md€, soit environ 11
% des dépenses totales
de prévention, dont la plus grande part correspond à la médecine scolaire (1,3
Md€) et à la PMI
(0,5
Md€).
II -
Un
jeu d’acteurs complex
e au pilotage à réaffirmer
A
ux termes de l’article L. 2111
-1 du code de la santé publique, la promotion et la
protection de la santé maternelle et infantile sont une mission partagée entre l’État, les
collectivités territoriales et les organismes de sécurité sociale. Elle comprend notamment des
mesures de prévention (incluant les vaccinations), de dépistage des handicaps, d’information
sur les risques pour la santé, liés à des facteurs environnementaux et la réalisation d’examens
médicaux obligatoires à des âges clés
53
, complétés par des examens bucco-dentaires
54
. Il
revient, en premier lieu, au ministère de la santé de définir la stratégie de prévention et les
modalités d’organisation des soins en s’appuyant sur d’autres acteurs
:
-
l
e ministère de l’éducation
nationale, dont les missions en matière de santé scolaire
sont axées sur la prévention et le repérage des troubles susceptibles d’entraver les
apprentissages, et sur des actions collectives d’éducation à la santé et de promotion
de la santé ;
-
les collectivités territoriales, et plus particulièrement les départements qui sont
chargés de l’organisation des services de la PMI, et certaines communes qui
continuent parfois à exercer une compétence en matière de santé des enfants ;
-
l
’assurance maladie, qui dév
eloppe des actions particulières à destination des enfants
comme la promotion de la déclaration du médecin traitant, la sensibilisation sur les
soins bucco-
dentaires ou des expérimentations de prévention de l’obésité.
53
Art. R. 2132-1 du CSP.
54
Art. L. 2132-2-1 du CSP.
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47
A -
Une mise en cohérence nécessaire des acteurs de la santé des enfants
1 -
Un pilotage interministériel encore limité
Comme le rappelle l’OMS, améliorer la santé suppose une approche collaborative pour
vérifier l’impact potentiel de toute politique sur la santé des personnes et rechercher les syne
rgies.
Ce principe figure aussi en introduction du plan Priorité prévention : «
promouvoir la santé
: c’est
avant tout promouvoir la concertation et la coordination des politiques publiques
».
À cet égard, la création du comité interministériel pour la santé en 2014
55
constitue une
amélioration notable en matière de coordination des ministères et des administrations à
mobiliser. Placé sous l’autorité du Premier ministre, le comité a pour mission de suivre les plans
ou programmes d’actions susceptibles d’avoi
r un impact significatif sur la santé et la réduction
des inégalités sociales et territoriales de santé. Plus de douze ministères et trente administrations
centrales sont associés dont les ministères de l’agriculture, de la justice, de l’éducation
nationale, de la transition écologique et solidaire, ou encore des solidarités et de la santé. Il est
chargé du pilotage de la stratégie nationale de santé, en particulier son comité permanent
restreint
56
présidé par le directeur général de la santé et qui comporte des représentants de neuf
ministères. Il a adopté le plan Priorité prévention le 26 mars 20
18 ce qui témoigne d’une volonté
manifeste d’insuffler une nouvelle culture interministérielle et transversale de promotion de la
santé. Son rythme de réunion est cependant trop irrégulier pour permettre un pilotage et un suivi
efficace de la stratégie nationale de santé. Il ne s’est pas réuni depuis mars 2019.
Le comité pour la santé des enfants et des jeunes (CoSEJ
57
) est devenu
l’instance de
pilotage unique des politiques concernant les moins de 25 ans. Rattaché au comité permanent
restreint pour la santé, il a été mis en place le 29 janvier 2019 pour se substituer aux comités de
pilotage des conventions cadres de partenariat conclues entre les ministères de la santé et de
l’éducation nationale,
de
l’enseignement supérieur,
de
l’agriculture et
de la justice. Cette
instance interministérielle doit en particulier piloter la mesure n° 7 du plan Priorité prévention
relative à l’école promotrice de santé. Composé de plus
de vingt personnes, avec des taux de
participation et des niveaux de représentation hétérogène, ce comité s’est réuni deux fois
en 2019, puis en janvier 2021 sur la santé mentale des jeunes. Il correspond davantage à une
instance de présentation des init
iatives de chaque acteur que de débat et de définition d’une
stratégie commune, avec une mise en cohérence et une priorisation des actions.
Ces diverses instances de pilotage interministériel devraient permettre de structurer une
politique globale de santé des enfants, en partageant des priorités, des objectifs et un calendrier,
et en s’appuyant sur des instances ou des coopérations à un niveau plus technique et
opérationnel pour leur mise en œuvre. Leur rôle est cependant trop méconnu et insuffisamment
re
layé à un niveau permettant l’action. Il conviendrait de renforcer le rôle du Co
SEJ en matière
55
Décret n° 2014-629 du 18 juin 2014 portant création du comité interministériel pour la santé.
56
Art. D. 1411-32 du CSP.
57
Le comité est composé : de la DGS, de la DGOS, de la DGCS, de la DSS ; de la DGESCO ; de la DGESIP
(étudiants) ; de la DPJJ
; de la DGER (jeunes de l’enseignement agricole)
; de la DGEFP ; de la DJEPVA (pour
les enfants de plus de 3 ans dans le cadre des accueils de loisirs à caractère éducatif, et pour les 18-25 ans dans le
milieu associatif) ; de la DGOM ; de la DS (direction des sports) ; de la Cnam
; d’un représentant de c
hacune des
administrations territoriales suivantes : ARS, rectorats, DRPJJ, DRAAF, DIRECCTE et DRJSCS.
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48
de santé des enfants, en désignant une personnalité afin de porter et d’incarner la politique de
santé des enfants, de coordonner et de mobiliser les différents acteurs impliqués, et en précisant
dans le CSP ses modalités de fonctionnement.
2 -
L’assurance maladie
: l’efficacité d’un réseau très structuré
pour décliner les priorités nationales
L’assurance maladie ne développe pas d’approche populationnelle, mais str
ucture sa
démarche par pathologie ou par dispositif. Elle a néanmoins identifié dans s
on contrat d’objectif
et de gestion (COG) 2018-
2022 un ensemble d’actions ciblées sur les enfants
58
. Il s’agit de
promouvoir la déclaration du médecin traitant pour les enfants, de poursuivre les actions de
sensibilisation sur les soins bucco-dentaires dans les classes de CP
et d’expérimenter plusieurs
actions ou programmes de prévention tels que le dépistage précoce des troubles du langage ou
de la fonction visuelle ou auditive en milieu scolaire ou la prévention des maladies liées à la
nutrition, notamment de l’obésité et du diabète.
Les programmes de prévention déployés ont également pour objectif la réduction des
inégalités sociales et territoriales d’accès aux soins en mettant en œuvre des actions
spécifiquement à destination des personnes les plus socialement défavorisées et les plus
éloignées des programmes de prévention.
La logique d’organisation et de fonctionnement de l’assurance maladie demeure très
centralisée
et ses priorités fondées sur la gestion du risque et l’identification des principaux
postes de dépenses pour l’assurance maladie obligatoire.
Les caisses primaires d’assurance maladie déclinent les priorités nationales de la COG,
sans adaptation aux spécificités des territoires ou de manière limitée, et sans véritable
articulation avec le PRS. De manière générale, le PRS ne semble pas être le cadre de référence
des interventions en matière de prévention des Cpam malgré leur participation aux instances
rég
ionales d’élaboration et de suivi.
Les ARS pilotent la territorialisation de la politique de santé sur la base de diagnostics
territoriaux, présentés et validés en conférences territoriales de santé, notamment pour guider
les démarches «
d’aller
-vers » et
d’accompagnement renforcé. Les Cpam interviennent dans les
seules zones d’éducation prioritaire par exemple pour déployer le programme «
M’T Dents
»,
indépendamment des territoires identifiés par les ARS.
Le déploiement du programme de retour à domicile
(Prado) de l’assurance maladie
59
constitue un autre exemple d’une priorité définie au plan national mais dont les modalités de
mise en œuvre sont insuffisamment concertées avec les acteurs locaux. Dans le département du
Nord, le déploiement du Prado
n’a pas
tenu compte des organisations locales pré-existantes et
a mis un terme aux initiatives engagées. Onze ans plus tard, les priorités d’intervention du
Prado
évoluant, la recherche de solutions alternatives pour poursuivre les visites à domicile est de
nouveau nécessaire.
58
Action 2.2 de la COG 2018-2022.
59
Proposé depuis 2010 pour accompagner les femmes à domicile après leur accouchement, le service est
aujourd’hui prop
osé en priorité aux mères quittant la maternité dans le cadre d'une sortie précoce (dans les 24 à 72
heures après un accouchement par voie basse ou dans les 96 heures après une césarienne).
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UNE POLITIQUE DE RÉDUCTION DES INÉGALITÉS DE SANTÉ AUX EFFETS MODESTES
49
Enfin, dans le cadre de la stratégie de prévention et de protection de l’enfance, la
caisse
primaire d’assurance maladie (
Cpam)
conclut seule une convention avec la PMI, alors qu’une
autre convention lie la préfecture le conseil département
al, et l’ARS. De la même manière, les
rectorats conventionnent directement avec les Cpam, en parallèle de la convention conclue avec
l’ARS. Afin de renforcer la cohérence des priorités, des actions et des financements, il
conviendrait de définir un cadre d
e contractualisation unique entre l’ARS, l’assurance maladie,
la PMI et le rectorat, dans le respect des orientations stratégiques de chacun des acteurs.
3 -
La PMI, la difficile animation
d’une
politique nationale décentralisée
Seule compétence santé décentralisée depuis 1983
60
, la protection maternelle et infantile
(PMI) fait figure d’exception dans l’organisation du système de santé français. Initialement
dédiée aux consultations préventives à destination des femmes enceintes, des enfants de la
naissance à six ans, des femmes et des jeunes dans le cadre de la planification, son champ
d’intervention a été fortement élargi. Elle prend notamment en charge des actions de prévention
auprès des mineurs en danger, des activités d’agrément et de contrôle des modes d’accueil de
la petite enfance, ou encore des traitements d’informations épidémiologiques.
Disposant d’un fort ancrage territorial dans une logique de proximité et d’accessibilité,
assurant une continuité du parcours avant, pendant et après la naissance de
l’enfant, dotés de
professionnels variés dont l’exercice coordonné permet une prise en charge globale médicale,
sociale, psycho-éducative, à la fois individuelle et collective, les services de PMI constituent un
acteur central de la politique publique de santé en faveur des enfants et de réduction des inégalités
sociales et territoriales. Ils mettent en œuvre un principe d’universalisme proportionné
garantissant un accès pour tous, en portant une attention particulière aux personnes en situation
de vulnérabilité. Leur mission de « service public » a été établie par la loi relative à la santé
publique d’août 2004. La loi de modernisation du système de santé du 26
janvier 2016 a confirmé
cette inscription des services de PMI dans la politique nationale de santé.
Alors que l’importance de la PMI a été soulignée par plusieurs rapports dont celui de la
députée Michèle Peyron
61
ou de la commission des 1000 premiers jours, les modalités de
pilotage sont complexes.
D’une part, les services départementaux de PMI ne c
onstituent pas un réseau, avec une
représentation unifiée ce qui rend le dialogue avec les pouvoirs publics au niveau national
difficile. En effet, les priorités et l’organisation de chaque service relèvent de la responsabilité du
président du conseil départemental, en vertu du principe de libre administration des collectivités
territoriales. Ces services sont rattachés à des directions aux périmètres et compétences variés en
fonction des départements. Selon le rapport Peyron, les PMI ont été victimes d’un
défaut de
définition d’une vision stratégique commune et d’une fonction d’animation et de régulation. La
mise en place en janvier 2017 d’un comité technique pour l’animation nationale des actions de
protection maternelle et infantile (CANA-PMI), co-animé p
ar la DGS et l’association des
départements de France (ADF), ne répond que partiellement à ce besoin de pilotage national et
60
Loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 complétant la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de
compétences entre les communes, les départements, les régions et l'État.
61
Michèle Peyron,
Pour sauver la PMI, agissons maintenant !
, rapport au Premier ministre, mars 2019.
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50
d’échanges sur des bonnes pratiques. Il n’a pas vocation à porter les sujets politiques. Outre les
services de PMI, représentés par des médecins de PMI
62
, participent à ce comité les directions
centrales des ministères
63
, des agences sanitaires et la caisse nationale d’assurance maladie, des
représentants des associations professionnelles (médecins, puéricultrices, sages-femmes,
psychologiques) et des familles (UNAF et ATD quart Monde).
D’autre part, le recours à la contractualisation pour inscrire les PMI dans des priorités
nationales pose aussi question, même s’il offre des moyens financiers supplémentaires. Car il
y a, dans les faits, un double dispositif de contractualisation renforcée : le premier dans le cadre
du déploiement de la stratégie nationale de protection et de prévention de l’enfance
64
et le
second dans le cadre d’un partenariat rénové avec l’assurance maladie
65
pour répondre aux
orientations stratégiques fixées par la convention d’objectifs de gestion.
De
manière générale, l’ensemble des acteurs regrettent la complexité induite par un
fonctionnement encore trop en silos. En l’espace de moins d’une année, les services de PM
I ont
été invités à répondre à au moins trois cahiers des charges différents
66
, sans compter les
démarches engagées par le réseau des Cpam. Ce fonctionnement cloisonné qui est chronophage
et nécessiterait une coordination renforcée, porte le risque d’un sau
poudrage de crédits.
La succession de plusieurs plans en faveur de la santé des enfants, du soutien à la
parentalité, de la prévention et de la lutte contre la pauvreté, ou la feuille de route « les
1000 premiers jours
» même s’ils font de la PMI un acteur essentiel, ne résolvent pas l’absence
d’une vision stratégique commune en faveur des PMI.
B -
Une animation territoriale tout aussi complexe
1 -
Le fonctionnement inégal des commissions de coordination
des politiques publiques de santé
En miroir du comité interministériel en santé au plan national, et en complément de la
commission régionale de santé et de l’autonomie, la commission de coordination des politiques
62
Une ambiguïté subsiste sur la participation des directeurs compétents des services départementaux.
63
Principalement : la DGS pour les questions de santé, la DGCS pour les questions sociales, la DGCL pour les
sujets ressources humaines.
64
Un financement FIR est accordé sur 3 ans pour les départements engagés dans la contractualisation autour des
5 objectifs fondamentaux : en 2020 un financement de 15 millions
d’euros (30 départements), inscrit «
en base »
pour les deux années suivantes ; en 2021 un financement complémentaire prévu de près de 18 millions
d’euros
pour 40 nouveaux départements.
65
Lettre réseau LR-DDGOS-54/2020
: actes et prestations concernées par l’extension du périmètre de
remboursement : pour le suivi prénatal (bilan de prévention réalisé par une sage-femme de PMI à partir de la
déclaration de grossesse, les visites à domicile en cas de besoin médical, réalisé par une sage-femme), pour le suivi
postnatal
: (forfait de surveillance à domicile pour la mère et l’enfant réalisé e
ntre J1 et J12 par une sage-femme
de PMI, les visites à domicile en cas de besoin médical, réalisé par une sage-femme), les dépistages de déficiences
prévues à la NGAP/CCAM.
66
Dans le cadre de la stratégie d
e prévention et de protection de l’enfance, dans
le cadre de la stratégie de lutte
contre les inégalités et dans le cadre de la feuille de route des « 1000 premiers jours ».
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51
publiques de santé (CCPP)
67
dans le domaine de la prévention, de la santé scolaire, de la santé
au travail et de la protection maternelle et infantile réunit les nombreux acteurs
68
contribuant
aux PRS afin d’assurer la cohérence et la complémentarité de leurs actions.
Le bilan de leur fonctionnement est très inégal, notamment en matière de mobilisation
des représentants des conseils départementaux. Lorsqu’elles fonctionnent, ces commissions se
heurtent à la difficile conciliation des débats politiques et des échanges techniques. Si dans les
Hauts-de-
France la CCPP constitue un lieu d’échanges et de pilotage, ce n’est pas le cas en
Occitanie, où l’ARS peine à réunir au sein d’une même instance les 13 conseils départementaux.
Ceci nuit à la construction et à l’animation partenariale des PRS et en affaiblit la portée, y
compris en matière de pilotage des projets concernant la santé des enfants. Les échanges
bilatéraux entre l’ARS et les principaux acteurs continuent à être privilégiés, confortant souvent
un fonctionnement en silos.
Faute d’une instance de gouvernance stratégique légitime et efficace, les ARS s’appuient
sur des groupes de travail ou comités de pilotage
ad hoc
. Dans les Hauts-de-France, la
commission régionale de la petite enfance
a été étendue pour piloter la mise en œuvre du projet
santé des enfants. En Ile-de-France, la structure de pilot
age des projets enfants n’a pas encore
été formalisée. En Occitanie, l’ARS s’appuie sur la dynamique d’innovation que portent les
acteurs, comme avec le comité de pilotage du projet de repérage précoce des troubles
spécifiques du langage et de l’apprentiss
age.
Afin de renforcer la gouvernance stratégique de réduction des inégalités de santé à
l’échelle régionale, une circulaire de janvier 2021
69 laisse aux ARS la possibilité de renforcer
les commissions spécialisées au sein des commissions de coordination ou des CRSA ou de créer
une nouvelle instance stratégique ad hoc de réduction des inégalités.
Enfin, si l’échelon régional est affirmé comme le niveau pertinent de planification et de
régulation du système de santé, l’asymétrie entre le niveau régional et
le niveau départemental
affaiblit la construction partenariale. L’échelon de déploiement des actions de l’assurance
maladie reste le département, ce qui se heurte à l’organisation des ARS, et rejoint plus ou moins
le partage des responsabilités entre le niveau départemental et le niveau régional au sein des
académies. Plus globalement, l
a crise liée à l’épidémie de covid 19
a révélé le besoin de
renforcer le rôle des délégations départementales dans l’animation territoriale, notamment vis
-
à-vis des conseils départementaux.
Dans la continuité de la loi du 24 juillet 2019
70
et des orientations issues du processus de
concertation avec les acteurs de la santé, formalisées dans le cadre des accords du Ségur de la santé,
une réflexion sur la gouvernance au niveau régional et infrarégional est en cours. Le renforcement
du rôle des délégations départementales et de la stratégie d’animation territoriale en direction des
conseils départementaux sur le volet de santé des enfants peut s’effectuer également au sein des
conseils territoriaux de santé, dans lesquels siègent des élus départementaux et des représentants
des services départementaux de protection maternelle et infantile.
67
Décret n° 2010-346 du 31 mars 2010 relatif aux commissions de coordination des politiques publiques de santé.
68
Préfet de région, représentants des collectivités territoriales, des organismes de sécurité sociale, des directions
régionales des services de l’État, ou d’associations des usagers, et personnalités qualifiées.
69
Instruction SGMAS/pôle santé-ARS/DIPLP/2021/2 du 4 janvier
2021 relative à la mise en œuvre d’une
gouvernance stratégique de réduction des inégalités de santé à l’échelle régionale.
70
Loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé.
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52
2 -
Des relations à renforcer avec les rectorats
Dans son rapport
71
d’avril 2020, la Cour a salué
la relance de l’action interministérielle
entre le ministère de l’éducation nationale et le ministère de la santé, à travers la signature d’une
convention cadre de partenariat le 29 novembre 2016 qui fait l’objet d’une déclinaison en
région. La Cour a rel
evé également l’absence de coordination à l’échelle académique
72
pourtant
nécessaire à la mise en œuvre du parcours éducatif de santé, priorité de la SNS. Le dialogue
stratégique et de gestion en 2019 conduit par la direction générale de l’enseignement scol
aire
confirme une hétérogénéité des dynamiques selon les régions.
L’ensemble des acteurs ont insisté sur le renforcement du travail en réseau à la faveur de
la gestion de la crise sanitaire, élément qui devrait faciliter la préparation et la mise en œuvre
d’un nouveau cycle de conventions.
Les conventions passées entre les ARS et les rectorats nécessitent d’être révisées pour
renforcer la vision commune des territoires et modalités d’action, la précision des responsabilités
entre le niveau départemental et le niveau régional devant permettre de gagner en efficacité tout
en respectant la singularité de l’organisation de l’éducation nationale autour des académies.
3 -
Une place importante des associations, à mieux définir afin de les conforter
En matière de santé des enfants et de lutte contre les inégalités sociales et territoriales de
santé, la préparation, le déploiement des PRS et leur suivi mobilisent, parfois de longue date,
de nombreuses associations spécialisées. Il convient de distinguer les associations à qui sont
confiées des missions quasi-institutionnelles, notamment de veille épidémiologique et de suivi
statistique comme les observatoires régionaux de santé (ORS), et les associations portant des
actions de promotion, de prévention de la santé, et de dépistage.
Par exemple, de nombreuses associations interviennent en milieu scolaire pour proposer
des actions collectives de promotion et de prévention de la santé, parfois dans le cadre des
conventions régionales de partenariat entre l’ARS et le
rectorat, mais pas nécessairement.
Comme le relevait la Cour dans son rapport d’avril 2020, les chefs d’établissement peuvent
solliciter des associations sans informer ni le rectorat ni l’ARS, y compris en demandant des
financements auprès d’autres acteurs publics
comme les conseils départementaux ou la
Mildeca. Interrogées à cette occasion, les ARS ont déclaré allouer, à partir du FIR, environ
17
M€ tous les ans pour des actions d’éducation à la santé ou de développement des
compétences psychosociales, au sein des
établissements. L’ARS de La Réunion finance ainsi à
hauteur de 103
600 € par an (sur 3 ans aux termes du contrat pluriannuel d’objectifs et de
moyens (CPOM)
signé en 2017), l’institut régional d’éducation nutritionnelle (
Iren) qui est
intervenu, en 2019, avant la crise sanitaire, dans 22 écoles maternelles et 29 écoles élémentaires
de 6 communes de La Réunion, à travers des actions d’éducation nutritionnelle (hors prévention
de l’obésité) auprès des enfants, des ateliers de sensibilisation et d’information
pour les parents,
71
Cour des comptes,
Les médecins et les personnels de santé scolaire,
avril 2020.
72
Circulaire n° 2014 du 20 mai 2014 relatives aux modalités de la gouvernance de la politique éducative sociale
et de santé en faveur des élèves. L’objectif est de donner cohérence et lisibilité à la
politique éducative, sur la base
des diagnostics de territoires et grâce à une construction des partenariats nécessaires dans une démarche globale
et fédératrice.
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53
et des actions d’accompagnement de l’équipe éducative afin qu’ils mettent en place des actions
et des actions auprès des professionnels de la restauration scolaire de l’école. L’intervention de
l’I
ren se fait principalement dans les quartiers prioritaires. Les facteurs de réussite de ce type
d’intervention sont une approche parents
-enfants-équipe éducative-professionnels de la
restauration.
Les conditions d’intervention en milieu scolaire des associations
Sans être juridiquement obligatoire, un agrément national ou académique peut être sollicité par
une association qui souhaite intervenir en milieu scolaire. C’est une façon, selon le
vademecum
du
ministère de l’éducation nationale, d’entretenir des relations constructives et approfond
ies avec les
responsables de l’éducation nationale à ses différents échelons, et notamment avec les directeurs
d’école. C’est un gage de qualité en matière d’actions éducatives, qui peut servir de repère aux équipes
éducatives.
Comme toute intervention d’une association est soumise à l’autorisation du directeur d’école
et de l’inspecteur d’académie, cet agrément revêt une certaine importance. La question qui peut alors
se poser est celle de l’articulation entre la sélection des associations par l’ARS ou le
s CPAM, incarnée
par des financements sur les crédits du FIR ou du FNPEIS par exemple, et cet agrément. Il y a
potentiellement un risque que des associations pourtant reconnues pour leur action en matière de
prévention et de promotion de la santé, non agréées, ne puissent intervenir dans les établissements
scolaires. Une procédure commune d’agrément entre l’éducation nationale et les ARS, aboutissant
pour chaque région à une liste partagée d’associations agréées dans lesquelles les chefs
d’établissement pou
rraient identifier leurs intervenants, permettrait une mise en cohérence des
interventions réalisées par les acteurs associatifs en milieu scolaire.
Si le statut d’association facilite le développement d’initiatives locales et des innovations,
il se caractérise également par une fragilité en termes de compétences, notamment pour évaluer
l’efficacité des dispositifs déployés et leur transférabilité. L’évaluation des dispositifs engagés
et de leur caractère probant demeure une problématique non résolue. L’ap
pui de Santé publique
France sur ce volet est à ce jour limité ; le catalogue mis à disposition ne fournit pas encore
d’évaluation médico
-économique. Le positionnement, les missions, les statuts des instances
régionales d’éducation et de promotion de la santé (Ireps), des structures régionales d’appui et
d’expertise doivent être réinterrogées sous cet angle.
Par ailleurs, le financement des associations est aussi révélateur des difficultés de pilotage
et du fonctionnement en silos des pouvoirs publics sur la santé des enfants. Les associations
peuvent solliciter des financements auprès des ARS, des CPAM au titre par exemple du fonds
national de prévention, d’éducation et d’information en santé (FNPEIS), ou de leurs fonds
d’action sociale, ou encore des colle
ctivités territoriales, sans que les priorités ne soient
clairement établies et partagées. Au mieux les financements publics sont redondants, au pire,
ils révèlent des différences d’approche du rôle des associations et de leur performance.
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54
Dans les Hauts-de-France
: l’exemple du dépistage des troubles visuels, auditifs
et du langage confié à deux associations, selon des modalités différentes
L’association de prévention et d’éducation en santé locale, APESAL, a été créée en 1985 à
l’initiative de la Cpam du Nord et de la mutualité française, pour accompagner le déploiement d’un
programme de promotion et de prévention en santé bucco-dentaire dans les écoles avant la mise en place
du programme «
M’T Dents
». Son champ d’intervention a ensuite été étendu au dé
pistage précoce des
troubles pouvant entraver le bon déroulement de la scolarité de l’enfant. L’ARS finance l’association
depuis 1986 pour la réalisation d’actions de dépistage en amont des bilans de santé en école maternelle
(BSEM) réalisés par les services départementaux des PMI ; elle a demandé plus récemment à
l’association de veiller à l’effectivité de l’accès aux soins, une fois les dépistages réalisés.
Dans le cadre du déploiement de la stratégie de la prévention et de la protection de l’enfance
2020-
2022, l’ARS a souhaité confier aux conseils départementaux le pilotage de ces actions de
dépistage précoce, pour, en particulier, s’assurer de leur juste articulation avec le contenu des bilans
réalisés en école maternelle. L’ARS arrêtant progressivement
les financements, l’association s’est
tournée vers d’autres financeurs, dont la Cpam du Nord, le conseil départemental souhaitant tout
d’abord établir un état des lieux afin de définir les orientations prioritaires.
L’association de prévention et de réduc
tion des insuffisances sensorielles, devenues en santé,
APRIS, a été créée sous l’égide de la mutualité française du Pas
-de-
Calais. Dès l’origine, dans le
cadre d’un partenariat fort avec la PMI, l’association a suivi l’effectivité de l’accès aux soins au
-delà
des dépistages. La contractualisation État/ARS/Conseil départemental ne déstabilise pas
l’organisation déjà mise en place, l’association ayant développé un fort partenariat avec les services
de la PMI dès l’origine.
A l’instar du rôle confié aux
conférences de financeurs pour impulser et accompagner les
projets de prévention de la perte d’autonomie chez les personnes âgées, le besoin d’une plus
grande transparence sur les financements des projets en matière de promotion, prévention en
santé chez l
’enfant exige une concertation structurée afin d’optimiser le recours aux ressources
mobilisées au titre du FIR côté ARS, ou au titre du FNPEIS côté assurance maladie, a minima.
4 -
Une implication croissante des communes dans la santé des enfants
La santé d
es enfants âgés de 0 à 11 ans est au cœur du périmètre d’intervention des
communes, responsables en particulier des crèches, des écoles maternelles et élémentaires.
L’adoption d’un contrat local de santé leur confère un rôle de catalyseur de l’action publi
que :
au vu d’un diagnostic de territoire, les projets soutiennent des initiatives locales qui peuvent
bénéficier d’un financement dans le cadre des orientations du PRS.
A minima
signés par l’ARS,
les communes ou communautés d’agglomérations, et le préfet
de département, les contrats
locaux de santé peuvent associer la Cpam, une structure de soins, l’éducation nationale, et le
conseil départemental.
La crise sanitaire a valorisé le pouvoir d’action des maires. Certaines communes par
ailleurs interpellées p
ar leurs habitants sur les difficultés d’accès aux soins apportent leur
soutien à des structures d’exercice collectif, voire gèrent des centres municipaux de santé.
Certaines d’entre elles sont délégataires de la compétence de santé scolaire ou de la PMI,
réussissant ainsi à créer une synergie entre les actions des équipes.
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55
La délégation de la médecine scolaire aux villes
Onze villes
73
ont fait le choix de prendre en charge la mission de santé scolaire dans le cadre
d’une convention de délégation négociée pa
r chaque académie en tenant compte des spécificités locales.
Selon
le rapport d’avril 2020 de la Cour,
« si les villes délégataires sont plus efficaces que
l’
Éducation nationale [pour la réalisation des visites individuelles obligatoires], elles ont des moyens
humains plus importants
», notamment parce
que leurs médecins n’exercent qu’auprès des élèves du
premier degré. Leurs actions s’étendent aussi à la prévention et à la promotion de la santé, souvent
dans le cadre des contrats locaux de santé.
La ville de Paris gère en particulier la compétence de médecine scolaire depuis 2006. Le service
est placé sous la responsabilité de la direction de l’action sociale, de l’enfance et de la santé. La grande
proximité de travail avec les équipes de la PMI constitue une très forte valeur ajoutée. Il permet une
meilleure articulation et synergie des compétences par comparaison aux organisations de travail très
fractionnées soumises à des logiques catégorielles entre médecins et infirmiers au sein de l’éducation
nationale.
Cette volonté croissante des villes de s’investir sur les questions de santé est portée par le
réseau français des villes santé de l’OMS, qui réunit 92 villes et intercommunalités représentant
13 millions d’habitants. Il prône en particulier une action
décloisonnée dans les domaines de la
petite enfance et de l’enfance sur les sujets de qualité du logement, de protection de
l’environnement,
de
dispositifs
périscolaires,
d’alimentation
et
d’activité
physique,
d’infrastructures d’accueil, ou de politique
de transports et de déplacements. Le réseau organise
les échanges et retours d’expérience entre les villes adhérentes et constitue ainsi un vivier
d’initiatives. À titre d’exemple, le contrat local de santé de Bordeaux
comporte une thématique
relative à la
santé de l’enfant et
au soutien à la parentalité structurée autour de cinq axes : accès
aux soins des enfants dépistés lors des bilans de santé scolaire, prévention bucco-dentaire, accès
aux structures d’accompagnement en périnatalité, sensibilisation des
parents aux déterminants
de la santé, suivi du carnet vaccinal. Lille a déployé au sein des écoles, un projet éducatif global,
mobilisant les différents partenaires sport-culture-santé. Ce projet englobe une politique de la
réussite, s’appuyant elle
-même sur la politique de la ville et portant des objectifs plus ciblés
avec les partenaires associatifs. Ces différent
s niveaux d’intervention permettent de mutualiser
les compétences et de mobiliser tous les niveaux de responsabilités.
III -
Des
leviers d’action au
x résultats perfectibles
Malgré la mise en œuvre de dispositifs spécifiques aux enfants ou définis pour l’ensemble
de la population, mais trouvant aussi à s’appliquer aux enfants, les parcours de santé des enfants
restent caractérisés par des différences de recours aux professionnels et aux structures de santé
en fonction du gradient social des familles et de leur lieu de résidence. Ceci renvoie aussi à des
questions de répartition territoriale de l’offre de soins primaires, et des réseaux spécialisés de
la
protection maternelle et infantile et de l’éducation nationale.
73
Antibes, Bordeaux, Clermont-Ferrand, Lyon, Nantes, Rennes, Grenoble, Paris, Strasbourg, Vénissieux et
Villeurbanne.
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56
A -
Des
dispositifs s’adressant à tous les enfants
Au-delà des dépistages systématiquement proposés à la naissance couvrant sept maladies
dont la surdité permanente néonatale, des examens obligatoires réguliers sont prévus par le code
de la santé publique aux différents âges clés du développement des enfants. Ils n’ont cependant
d’obligatoire que le nom.
1 -
Les examens obligatoires
a)
Des examens de santé à visée universelle, peu réalisés dans les faits
Tous les enfants bénéficient de 20 examens médicaux obligatoires institués dès 1962
74
et
prévus par les articles L. 2132-2 et R. 2132-1 du CSP. Ces examens ont pour objet la
surveillance de la croissance staturo-pondérale et du développement physique, psychoaffectif
et neuro-
développemental de l’enfant ainsi que le dépistage précoce des anomalies, de
déficiences ou de troubles sensoriels, la pratique et la vérification des vaccinations. Ils
permettent aussi depuis 2019
75
de promouvoir des comportements et environnements
favorables à la santé, et depuis 2021
76
de dépister d’éventuelles contre
-indications à la pratique
sportive. Le contenu détaillé de ces examens figure dans le carnet de santé dans lequel les
résultats doivent être reportés.
Tout d’abord,
l
e calendrier de ces examens obligatoires qui s’étalaient de la naissance à
la fin de la 6
ème
année a peu évolué jusqu’au 1
er
mars 2019
77
, et reste mal articulé avec les
examens pratiqués en milieu scolaire
. L’article 56 de la loi de financement pour la sécurité
sociale pour 2019 a rééchelonné ces 20 examens obligatoires jusqu’à 16 ans, en rendant le suivi
annuel après 2 ans et en instaurant des examens à 8-9 ans, 11-13 ans et 15-16 ans. Le surcoût
transitoire estimé par la DSS est relativement modeste pour l’assurance maladie à hauteur de
1
M€ pour 2019 et de 6,5
M€ en cumulé jusqu’à 2028.
L’articulation avec les bilans prévus en milieu scolaire n’est pas claire en raison des
professionnels qui les réalisent. En effet, le CSP prévoit que ces 20 examens sont réalisés par
des médecins alors que le bilan de santé de 3-4 ans est principalement fait par des infirmiers
puériculteurs et celui de la 12
ème
année exclusivement par les infirmiers scolaires. Cette visite
de dépistage ne se substitue pas à l’examen obligatoire de santé prévu entre 11 et 13 ans, mais
vient s’y ajouter sans aucune coordination ni recherche de complémentarité.
Ensuite, les modalités de tarification et de cotation des examens obligatoires sont
complexes et peu traçantes ce qui rend impossible un suivi fin de la réalisation de ces examens.
Jusqu’à la réforme de 2019 ces examens relevaient d’une consultation prise en charge à 100
%
74
Article 9 du décret du 19 juillet 1962 relatif à la protection maternelle et infantile.
75
Décret n° 2019-137 du 26 février 2019 relatif aux examens médicaux obligatoires de l'enfant et au contrôle de
la vaccination obligatoire.
76
Décret n° 2021-613 du 18 mai 2021 relatif aux examens médicaux obligatoires de l'enfant.
77
Calendrier fixé initialement par un arrêté du 22 février 1965 relatif à la fréquence minimum des examens
médicaux préventifs auxquels doivent être soumis les enfants du premier et du second âge, et modifié par un arrêté
du 26 mars 1973 pour introduire notamment les trois certificats de santé obligatoires.
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57
sur le risque maternité
; elles relèvent désormais jusqu’au 12
ème
jour de l’enfant du risque
maternité
78
et ensuite du risque maladie avec une nomenclature applicable très complexe. En
fonction de l’âge de l’enfant et de l’examen, il y a cinq cotations pour les médecins généralistes
et cinq pour les pédiatres, entraînant des tarifications différentes.
Schéma n° 2 :
modalités de facturation des examens de santé
obligatoires de l’enfant
Source : Cnam.
Note : Applicable aux secteur 1, secteur 1dp et 2 Optam (avec ou sans dépassement), secteur 2 non Optam (sans dépassement
d'honoraires).
En particulier, les trois examens associés à des certificats de santé, cotés COE, sont
facturés comme des consultations complexes (46
€), réalisés à tarif opposable et sans avance
de frais, et remboursés à 100 %. Le tiers payant intégral, simple pour les praticiens et les parents,
permet en théorie de lever toute barrière financière pour la réalisation de ces examens. Pourtant,
en 2019, seuls 60 000 examens en moyenne par mois ont été côtés en COE pour les examens
du 9ème et du 24ème mois, contre 125
000 attendus au regard des effectifs d’enfants de ces
tranches d’âge.
78
Le deuxième examen obligatoire est pratiqué dans la 2
ème
semaine de l’enfant
; il est donc pris en charge par le
risque maternité jusqu’au 12
ème
jour de l’enfant, ou par le risque maladie s’il est réalisé à partir du 13
ème
jour.
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58
Les 17 autres examens sont associés à des cotations qui ont été créées en 2019. Facturés
comme des consultations simples
79
, ils sont pris en charge à 100
% par l’assurance maladie sur
la base du tarif de responsabilité et théoriquement sans avance de frais, mais les dépassements
d’honoraires sont autorisés, ce qui rend très complexe l’application du tiers payant. Depuis le
1
er
septembre 2019, moins de 10
% de ces 17 examens par rapport à l’objectif théorique ont été
spécifiquement cotés. Eu égard à la complexité de la
cotation et à sa mise en œuvre récente, il
est très probable que ces examens, lorsqu’ils sont réalisés, soient cotés par les médecins en
consultations simples, avec les éventuelles majorations.
Il est donc très délicat de suivre la réalisation effective de ces 20 examens obligatoires à
partir du Sniiram
, en attendant que les praticiens s’approprient cette nouvelle nomenclature. En
tout état de cause, la portée réelle de ces 20 examens à vocation universelle peut être
questionnée au regard de la faiblesse, même estimée, de ces taux de réalisation. Comme le
soulignait le HCSP dans son avis de 2016
80
, la dimension obligatoire de ces examens ne
s’impose ni aux médecins ni aux parents. Il s’agit davantage d’un calendrier des examens à
réaliser aux âges clés du d
éveloppement de l’enfant, qui nécessite un accompagnement et une
information accrus des praticiens et des parents pour augmenter leur réalisation, au-delà de leur
mention dans le carnet de santé
, comme l’assurance maladie s’y est engagée depuis 2019 en
adressant des messages individualisés. Le principe du tiers payant, leur calendrier précis, leur
objectif, et leur lien avec les examens réalisés en milieu scolaire et les vaccinations obligatoires
sont autant de paramètres partiellement maîtrisés par les familles.
b)
Les examens bucco-dentaires et le programme M
T Dents
Aux termes de l’article L. 2132
-2-1 du CSP, to
us les enfants, jusqu’à leur
16
ème
anniversaire, doivent se soumettre à des examens bucco-dentaires de prévention réalisés
par un chirurgien-dentist
e ou un médecin qualifié en stomatologie. L’ensemble de ces examens
est regroupé au sein du programme M’T Dents, initié en 2007 par l’assurance maladie, qui
ciblait les 6-
18 ans jusqu’en 2018, avant d’être étendu aux 3
-24 ans. Entre 3 et 16 ans, cinq
examens sont prévus
81
, pour lesquels l’assurance maladie envoie, à la date anniversaire de
l’enfant, un courrier personnalisé accompagné d’un bon de prise en charge à remettre à son
chirurgien-
dentiste pour bénéficier du tiers payant total. L’assurance maladie p
rend
intégralement en charge la consultation et les soins qui en découlent dans les conditions prévues
par la nomenclature, via le FNPEIS. Le tarif de l’examen (30
€, sans radiographie) est supérieur
à une consultation classique et donc incitatif pour les praticiens.
Comme la Cour l’avait déjà souligné
82
, l’état de santé bucco
-
dentaire des enfants s’est
significativement amélioré sous l’effet notamment de la politique de prévention, portée par le
79
Soit de 25
€ à 32 € en fonction
notamment de la spécialité et du secteur
du médecin et de l’âge de l’enfant.
80
« Le terme jusque-là utilisé d
’«
examen obligatoire »
devrait être remplacé par «
examen systématiquement
proposé
» (donc financièrement pris en charge) dans la mesure où aucune disposition réglementaire ne rend
contraignante cette obligation. Il s’agit d’examens périodiquement réalisés qu’il faut distinguer des examens à la
demande qui correspondent au parcours de santé individualisé. »
81
L
’année qui suit les 3, 6, 9, 12 et 15 ans des enfants.
82
Cour des comptes, «
Les soins bucco-dentaires : une action publique à restaurer, une prise en charge à
refonder
», Ralfss 2016, chapitre VI.
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59
pro
gramme M’T Dents même s’il est difficile d’en apprécier finement les effets et le taux de
réalisation.
Jusqu’en 2019, l’assurance maladie suivait le taux d’examens bucco
-
dentaires M’T Dents
réalisés en ne comptant que les examens réalisés sur présentation du bon (EBD). Mais cet
indicateur présente des biais puisque, par exemple, les familles bénéficiaires de la CSS,
dispensées de l’avance des frais lors d’une consultation chez le chirurgien
-
dentiste, n’ont pas à
présenter le bon M’T Dents pour bénéficier d
u tiers payant. Ce taux est stable depuis 2016, avec
un enfant sur trois en moyenne qui participe au programme, tous âges confondus. En 2020, la
crise sanitaire a eu un impact net sur le taux de recours à ces examens comme l’illustre le tableau
ci-dessous.
Tableau n° 6 :
t
aux de réalisation des EBD M’T Dents et montants correspondants
du FNPEIS
2016
2017
2018
2019
2020
Taux de réalisation de l’EBD (tous âges)
34,3 %
32,6 %
36,0 %
32,7 %
22,1 %
FNPEIS EBD
51,5
M€
51,1
M€
61,5
M€
75,7
M€
65,1
M€
Source : Cnam.
Depuis 2019, l’assurance maladie suit le taux de recours au chirurgien
-dentiste aux âges
concernés par un examen M’T Dents
: ce taux qui est en moyenne de 60 % en 2016 et 2019, a
chuté à 46,3 % en 2020.
Ces deux taux moyens masquent cependant des disparités de recours en fonction des
territoires ou des âges des enfants concernés.
Ainsi, en 2018, si le taux moyen de réalisation de l’examen bucco
-dentaire tous âges
confondus était de 36 %, il
s’établissait à 47,6
% pour l’examen de 6 ans et à 26,8
% pour
l’examen de 15 ans. Le taux de recours à un chirurgien
-dentiste augmente en fonction des âges :
en 2019, plus d’un enfant sur deux (56
%) a consulté un chirurgien-
dentiste dans l’année suivant
ses 6 ans, et environ les 2/3 à 9 ans, et à 12 ans. En 2020, première année de suivi possible pour
les examens bucco-dentaires à 3 ans, seul un enfant sur cinq âgé de 3 ans a consulté un
chirurgien-
dentiste ce qui s’explique par le contexte de crise sanit
aire
83
, le caractère récent de
ce dispositif, encore peu identifié par les familles, et les difficultés de prise en charge d’enfants
de 3 ans par les chirurgiens-dentistes (disponibilités, et adaptations nécessaires des examens et
de la relation aux patients pour faire preuve de davantage de pédagogie).
Par ailleurs, les taux de recours dans les territoires ultramarins sont systématiquement
inférieurs à ceux observés dans les départements métropolitains, parfois avec des écarts
significatifs, comme l’illust
re le tableau suivant.
83
Les taux de recours à tous les âges concernés ont diminué de 5 à 10 points en 2020.
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60
Tableau n° 7 :
taux de recours aux chirurgiens-dentistes dans les DROM (2020)
3 ans
6 ans
9 ans
12 ans
15 ans
Total national
21,48 %
47,36 %
60,67 %
64,29 %
64,45 %
Guadeloupe
19,01 %
40,70 %
43,05 %
40,04 %
42,21 %
Martinique
21,06 %
43,83 %
47,56 %
45,18 %
44,79 %
Guyane
4,81 %
18,31 %
21,98 %
22,58 %
25,02 %
La Réunion
19,12 %
45,26 %
47,71 %
47,62 %
45,69 %
Mayotte
1,33 %
6,73 %
4,97 %
3,89 %
4,42 %
Source : Cnam.
Note : taux de recours global aux chirurgiens-dentistes pour les classes
d’âge concernées par l’examen b
ucco-dentaire (EBD)
jusqu’à 15 ans. Les âges 18 et 24 ans ne sont pas présentés.
En 2020, seuls 31,2
% des enfants habitant dans l’Oise et 33,6
% de ceux vivant dans
l’Yonne avaient eu recours au chirurgien
-dentiste dans
l’année suivant leur 6ème anniversaire,
quand ils étaient 62,1
% dans l’Orne et 61,2
% en Haute-Garonne.
Des initiatives complémentaires
d’accompagnement
, souvent portées par les caisses
primaires d’assurance maladie et leurs partenaires, ont été adossées localement au programme
M’T Dents afin de renforcer la portée du dispositif auprès des familles les plus éloignées du
système de santé.
Dans certains départements
, des dépistages ou des séances de sensibilisation à l’hygiène
bucco-dentaire sont réalisées dans les écoles, en particulier celles en zones REP et REP+,
souvent en lien avec l’éducation nationale. En Haute
-Garonne par exemple, des séances de
sensibilisation ont été organisées dans 22 classes de CP de zones défavorisées à Toulouse et
Colomiers, soit auprès de 308 enfants. Le taux de recours à un chirurgien-dentiste a atteint 73 %
après cette action, et 51 des 308 enfants ont pu bénéficier d’un dépistage en
classe.
Par ailleurs, certaines Cpam comme celle de Seine-Saint-
Denis ont mis en œuvre
récemment des relances ciblées avec des campagnes téléphoniques faisant augmenter le taux
de recours au chirurgien-dentiste chez les enfants de 3 ans concernés de 15,7 % à 24,2 %.
2 -
Le cas particulier des examens obligatoires réalisés en milieu scolaire
a)
Le bilan de santé en école maternelle
Seul le bilan de santé en école maternelle auprès des enfants de 3-
4 ans, prévu à l’article
L. 2112-2 du CSP, continue à être réalisé très largement. Ce bilan permet de surveiller le
développement physique, psychomoteur et affectif de l’enfant, de dépister certaines anomalies
ou déficiences et de pratiquer des vaccinations. Depuis la loi du 26 juillet 2019 pour une école
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61
de la confiance
84
qui a abaissé
l’âge de la scolarité obligatoire à 3 ans, précisée par arrêté du 20
août 2021
85
, cette visite est organisée à l’école maternelle et effectuée par la PMI, ou à défaut
par les professionnels de santé de l’éducation nationale.
En l’absence de remontées d’informations collectées de façon homogène sur l’ensemble
du territoire français, la DGS a confié à la fédération nationale des observatoires régionaux de
santé (Fnors) une étude relative à la réalisation des bilans de santé de 3-4 ans
86
. En 2017-2018,
près de 76
% des enfants concernés ont bénéficié d’un bilan de santé, cette
proportion allant de
13,5 % à 100
% en fonction des départements comme l’illustre la carte ci
-dessous.
Carte n° 5 :
t
aux d’enfants de 3
-
4 ans vus* lors d’un bilan de santé
en école maternelle en 2017
Source : Fnors
* Nombre d’enfants vus (source
: enquête nationale 2018- bilans de santé des enfants
de 3-4 ans, Fnors
) rapportés au nombre d’enfants de 4 ans scolarisés (source
: constat
de rentrée 2017, DEPP).
84
Loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance.
85
Arr
êté du 20 août 2021 modifiant l’arrêté du 3 novembre 2015 relatif à la périodicité et au contenu des visites
médicales et de dépistages obligatoires prévues à l’article L. 541
-
1 du code de l’éducation.
86
Fnors,
Bilans de santé des enfants âgés de 3-4 ans en France en 2017 : les pratiques des services
départementaux de PMI et des services municipaux de santé scolaire
, octobre 2019. Une enquête par questionnaire
a été réalisée auprès des 101 services départementaux de PMI et des 11 services municipaux délégataires de la
compétence santé, du 26 novembre 2018 au 1
er
février 2019. Il y a eu 91 répondants, soit un taux de participation
de 85
% et une proportion d’enfants potentiellement concernés par ce bilan en 2017 de 84
%.
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62
Les modalités de réalisation, les professionnels impliqués et le contenu de ces bilans
diffèrent cependant selon les départements. Généralement réalisés par des infirmiers de
puériculture, ces examens comportent le plus souvent un dépistage des troubles sensoriels
(visuels avec 94 % des enfants vus, auditifs avec 87 % des enfants vus, et du langage avec 80 %
des enfants vus), une vérification du statut vaccinal à partir du carnet de santé (dans 8 bilans
sur 10) et du développement staturo-pondéral (80 % des enfants vus). Les examens cliniques
par un médecin (24 % des enfants) et de santé bucco-dentaire (62 % des enfants) sont moins
fréquents. Selon 64 % des services, cette organisation est principalement liée à un manque de
moyens humains.
b)
Les visites médicales au cours de la sixième année
Depuis la loi du 8 juillet 2013 de refondation de l’école de la République, précisée par un
arrêté du 3 novembre 2015
87
, modifié par l’arrêté du 20 août 2021, la visite obligatoire pour
tous les élèves au cours de leur sixième année est réalisée par le médecin scolaire, sans mention
d’une éventuelle collaboration avec l’infirmier scolaire. Elle est réalisée en grande section de
maternelle ou en CP afin de repérer le plus précocement possible ce qui pourrait entraîner des
difficultés d’apprentissa
ge, et de dépister depuis la loi de 2019 les troubles spécifiques du
langage et des apprentissages.
Comme la Cour l’a relevé en 2020
88
, ces visites médicales ont concerné moins d’un enfant
sur cinq en 2018
89
, leur taux de réalisation ayant chuté à environ 8 % pour les années scolaires
2019-2020 et 2020-2021
90
, dans le contexte de crise sanitaire et de sollicitation accrue des
médecins scolaires. Ce taux moyen de réalisation masque de très fortes disparités territoriales
allant d’aucun élève vu dans l’Indre à
plus de 8 enfants sur 10 dans les Alpes-de-Haute-
Provence (83,6 %)
comme l’illustre la carte n°
6 ci-après.
Corrélativement, plus d’un enfant sur deux (58
%) n’a été vu par aucun professionnel de
santé de l’éducation nationale dans sa sixième année en 2018
-
2019 alors qu’ils n’étaient que
26 % en 2013-2014. Cette tendance concerne la quasi-totalité des départements.
Ces différences entre départements ne sont que peu corrélées au taux d’encadrement, qui
rapporte le nombre d’élèves aux ETP de médecins en incl
uant les vacataires, sauf aux deux
extrêmes, comme l’a souligné la troisième chambre dans son rapport.
87
Arrêté du 3 novembre 2015 relatif à la périodicité et au contenu des visites médicales et de dépistage obligatoires
prévues à l’article L. 541
-
1 du code de l’éducation, modifié par l’arrêté du 20 août 2021.
88
Cour des comptes,
Les médecins et les personnels de santé scolaire
.
89
Le taux de réalisation des visites médicales prend en compte l’ensemble des enfants scolarisés dans le
public et
dans le privé, selon la méthodologie retenue par la 3
ème
chambre.
90
Ces taux de réalisation moyens ont été établis à partir des données transmises par 18 académies sur 29. N’ont
pas répondu, ou n’ont pas été en mesure de fournir les données corr
espondantes, les académies de Versailles,
Normandie (ex-Rouen et Caen), Rennes, Poitiers, Orléans-Tours, Nantes, Montpellier, Martinique, Guyane,
Créteil et Nancy-Metz.
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63
c)
Les dépistages infirmiers au cours de la douzième année
Il revient aux infirmiers scolaires depuis la loi du 8 juillet 2013 et son arrêté d’application
du 3 novembre 2015
91
de réaliser pour tous les élèves dans leur douzième année un dépistage
obligatoire, alors qu’avant cette date ce dépistage était organisé en fonction des besoins
conformément à la circulaire du 12 janvier 2001
92
.
À la différence des visites médicales de la 6
ème
année, le taux de réalisation des dépistages
infirmiers a augmenté de 6,2 points entre 2013 et 2018, comme la 3
ème
chambre l’a souligné,
pour atteindre 62 % des élèves des secteurs public et privé, et 78 % des élèves scolarisés dans
des établissements publics. Il est tombé à 44 % en 2019-2020 et 2020-2021. Ce taux moyen très
satisfaisant varie cependant en fonction des départements comme l’illustre la
carte n° 7 ci-après.
Carte n° 6 :
taux de réalisation
de la visite médicale de la 6
e
année
de l’enfant en 2018
-2019
Carte n° 7 :
taux de réalisation
du dépistage infirmier de la 12
e
année
de l’enfant en 2018
-2019
Source : données des académies et de la DEPP,
calcul 3
ème
chambre.
Source : données des académies et de la DEPP,
calcul 3
ème
chambre.
91
Arrêté du 3 novembre 2015 relatif à la périodicité et au contenu des visites médicales et de dépistage obligatoires
prévues à l’article L. 541
-
1 du code de l’éducation.
92
Circulaire n° 2001-
014 du 12 janvier 2001 relative aux missions des infirmier(ère)s de l’éducation nationale
,
aux termes de laquelle «
l’infirmier(ère) organise, si besoin est, le suivi de l’état de santé des élèves en complément
des visites médicales obligatoires, en vue de repérer les difficultés éventuelles de santé ou les élèves fragilisés.
[…] Il peut s’agir, soit des élèves signalés lors du bilan de la 6
ème année, soit des élèves signalés au cours de leur
scolarité comme étant en situation de fragilité
».
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64
3 -
Une obligation vaccinale élargie aux effets timides
Alors que près de la moitié des pays de l’Union européenne
93
n’impose aucun vaccin, la
France est le deuxième pays, après la Lettonie, en termes de vaccins obligatoires, qui doivent
pour la plupart être réalisés
dans l’enfance, comme l’illustre le tableau ci
-dessous, depuis
l’extension de l’obligation vaccinale en janvier 2018
94
.
Tableau n° 8 :
calendrier simplifié des onze vaccins obligatoires
depuis le 1
er
janvier 2018
Source : Santé publique France et DGS. Représentation compilée par la Cour des comptes
Selon le premier bilan réalisé par Santé publique France
95
, l’impact de la réforme de 2018
sur l’amélioration de la couverture vaccinale est réel, mais d’importance inégale en fonction
des vaccins concernés. Cette dynamique fragile a, par ailleurs, été interrompue par la crise
sanitaire liée à la Covid-19, les injections pour le ROR ayant par exemple diminué de 16 % au
premier semestre 2020.
93
Les vaccinations contre la diphtérie, le tétanos, la polio, la coqueluche, les infections à Haemophilus Influenzae
de type B (Hib), la rougeole, la rubéole et les oreillons sont néanmoins recommandés pour tous. Cf. vaccine-
schedule.ecdc.europa.eu.
94
Loi n° 2017-1836 de financement de la sécurité sociale pour 2018. Art. L. 3112-2 du CSP et décret n° 2018-42
du 25 janvier 2018 relatif à la vaccination obligatoire.
95
Santé publique France, ANSM, Cnam.
Premier bilan annuel des obligations vaccinales du nourrisson
, décembre 2019.
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65
Tableau n° 9 :
effet
de l’extension vaccinale
Vaccins
Progression de la couverture vaccinale complète
générations 2017/2019 (couverture 2020)
DTP, VHB, HiB, Coqueluche
+ 6,4 % (90,5 %)
Méningocoque C
+ 9,2 % (90,2 %)
ROR*
+ 2,4 % (84,0 %)
Pneumocoque
+ 1,7 % (91 %)
Source : Santé publique France, Bulletin de santé publique, mai 2021.
*La progression est observée à 33 mois sur le ROR entre les générations 2016 et 2018.
La France se singularise par la diminution du taux de réalisation entre les différentes
injections nécessaires pour avoir un schéma vaccinal complet. Ainsi, si les taux de couverture
vaccinale sont proches de 100 % pour la première injection du DTP, VHB, HiB
96
, coqueluche
et du pneumocoque, ils diminuent de 8 à 10 points pour la couverture vaccinale complète.
C’est
aussi l
e cas pour le ROR. Ce phénomène pourrait être lié à l’articulation peu lisible entre le
calendrier vaccinal et celui des examens obligatoires, avec des difficultés amplifiées pour les
schémas vaccinaux alternatifs
97
.
a)
L’absence d’effet de la prise en charge
à 100 % de vaccin
par l’assurance maladie obligatoire
Les vaccins sont pris en charge par l’assurance maladie obligatoire à 65
%, le reste étant
pris en charge par l’assurance maladie complémentaire. Seul le ROR est remboursé à 100
%
depuis 1999 sans intervention des assurances maladies complémentaires, à hauteur de 65 % par
l’AMO et de 35
% par le FNPEIS. Cette particularité n’a cependant pas contribué à améliorer
le taux de couverture vaccinal, et invite à se poser la question de son maintien, même si les
montants en jeu pour l’assurance maladie ne sont pas très élevés (8,58
€ par enfant et par an,
soit 7,1
M€ pour les moins de 18 ans en 2019).
b)
Une obligation de vaccination peu contrôlée par l’éducation nationale
Aux termes de l
’article L.
3111-2 du CSP, complété par le décret du 25 janvier 2018
relatif à la vaccination obligatoire, les parents sont tenus personnellement responsables de
l'exécution de l'obligation vaccinale et doivent en fournir la preuve pour l'admission ou le
maintien dans toute école, garderie ou autre collectivité d'enfants.
96
Diphtérie, tétanos, poliomyélite
; virus de l’hépatite B
;
Haemophilus
influenzae
B.
97
Le schéma des vaccins obligatoires du nourrisson est, dans la très grande majorité des cas, associé à une
combinaison comprenant 10 injections : trois communes aux DTP, coqueluche, Hib et hépatite B (VHB) dans un
vaccin hexavalent, trois pour le pneumocoque, deux pour le méningocoque C et deux pour le ROR (rougeole-
oreillons-
rubéole). D’autres combinaisons substituent les injections du vaccin hexavalent par des vaccins
pentavalents (sans VHB), voire quadravalents (sans VHB ni HiB).
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66
Depuis l’extension de l’obligation vaccinale, le ministère de l’éducation nationale tarde à
adopter une doctrine claire sur l’accueil des enfants ne respectant pas cette obligation, en
laissant aux directeur
s d’établissement en lien avec la médecine scolaire le soin de convaincre
les parents. En effet, le décret prévoit que «
lorsqu'une ou plusieurs des vaccinations
obligatoires font défaut, le mineur est provisoirement admis. Le maintien du mineur dans la
collectivité d'enfants est subordonné à la réalisation des vaccinations faisant défaut qui peuvent
être effectuées dans les trois mois de l'admission provisoire conformément au calendrier prévu
à l'article L. 3111-1
».
Alors qu’au moins 15
% des enfants nés en 2018 ne respectent pas cette obligation
vaccinale, il conviendrait de préciser les modalités d’accueil et d’accompagnement des parents
et des enfants concernés par l’éducation nationale pour la rentrée 2021. Une association des
professionnels de la PMI
et de la santé scolaire pour proposer, avec l’accord des parents, un
rattrapage vaccinal, le cas échéant dans les écoles, pourrait être envisagée.
B -
Des
instruments pour lever les freins financiers d’accès aux soins
Différents instruments ont vocation à ga
rantir l’accès aux soins des foyers aux revenus
les plus faibles, en levant les freins financiers, qu’ils permettent de bénéficier d’une couverture
maladie, obligatoire ou complémentaire, ou de réduire les restes à charge après intervention de
l’assurance
maladie obligatoire.
Régulièrement documenté sans être précisément chiffré, le renoncement aux soins pour
raisons financières est fréquent dans les populations les plus précaires. Seul un rapport du Cetaf
de 2011
98
propose une estimation du renoncement pour raisons financières pour les enfants qui
serait de 9,8
% et concernerait principalement l’orthodontie
99
(4,4 %), les médicaments (3,3 %),
et divers autres soins (chirurgien-dentiste, ophtalmologie, dermatologie, ergothérapie pour un
total de 3,1 %).
1 -
Les
dispositifs facilitant l’accès à une
couverture maladie
Depuis le 1
er
janvier 2016, la protection maladie universelle (PUMa) qui a remplacé la
CMU permet de couvrir la part obligatoire des frais de santé des personnes résidant en France
de façon stable et régulière en cas de maladie ou de maternité. Les enfants sont ayant droits de
leurs parents jusqu’à leur majorité.
a)
20 % des enfants de moins de 12 ans, couverts par la complémentaire santé solidaire
La complémentaire santé solidaire
100
(CSS) remplace depuis le 1
er
novembre 2019 les
anciennes CMU-C (désormais CSS non contributive) et ACS (désormais CSS contributive). En
98
Cetaf,
Renoncements aux soins des bénéficiaires de la CMU-C
: enquête dans les CES de l’Assurance maladie
,
mars 2011.
99
Les soins d’orthodontie font cependant l’objet d’une prise en char
ge intégrale par le panier de soins de la
complémentaire santé solidaire.
100
Cette complémentaire est gérée par 131 organismes complémentaires habilités en grande majorité des mutuelles
(85 %). Elle est financée par la taxe de solidarité additionnelle (TSA) due par les mutuelles, les institutions de
prévoyance et les compagnies d’assurance intervenant dans le remboursement des frais de santé.
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67
2020, 25 % des bénéficiaires de la CSS sont des enfants de moins de 12 ans, ce qui représente
1,8 million d’individus, nombre stable depuis
2017. Un enfant de moins de 12 ans sur cinq est
couvert par ce dispositif.
Les effectifs et le taux d’enfants bénéficiant de la CSS sont très variables en fonction des
territoires comme l’illustre la carte ci
-dessous. Dans certains départements, seul un enfant sur
dix environ bénéficie de la CSS, contre un sur trois en Seine-Saint-Denis 57 % à La Réunion.
Carte n° 8 :
t
aux départementaux (%) d’enfants de moins de 12 ans couverts
par la CSS en 2020
Source : Données de la Cnam/DSES. Les effectifs proviennent des données Insee
Traitement, calculs et représentation par la Cour des comptes.
Aucun chiffre consolidé n’est disponible sur le volume de dépenses prises en charge pour
les enfants de moins de 12 ans par la CSS, qui peut cependant être estimé à environ 400
M€
101
.
Même si les enfants représentent des effectifs importants au sein des bénéficiaires de la CSS,
les coûts supportés sont proportionnellement moindres que pour les adultes puisque le reste à
101
Calcul par la Cour des comptes.
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68
charge moyen post-AMO pour les enfants est plus faible. Selon la Drees
102
, il était en 2017 de
179
103
en moyenne par an pour les moins de 6 ans puis de 209
€ pour les 6 à 10 ans (contre
plus de 605
€ pour les 51
-55ans ans et plus de 800
€ après 70 ans).
Cet outil reste essentiel pour les familles en situation de fragilité financière, pour garantir
un accès aux soins dentaires
104
ou à certains dispositifs médicaux. Selon des travaux anciens,
la CMU-C a contribué à réduire significativement le reste à charge final (post-complémentaire)
chez les enfants sans le supprimer. Il était en 2010 de 22
€ en moyenne par an chez les moins
de 5 ans couverts par la CMU-C et de 44
€ chez les 5
-9 ans
105
.
b)
L’AME
Les enfants en situation irrégulière sont couverts pour leurs soins médicaux et dentaires
par l’aide médicale d’état (AME)
106
, sauf à Mayotte. Les enfants mineurs en situation
irrégulière bénéficient de conditions plus favorables que les adultes pour y accéder
puisqu’elle
est attribuée sans conditions de ressources ni de durée de séjour sur le territoire national.
Le nombre d’enfants de moins de 12 ans bénéficiaires de l’AME a légèrement augmenté
depuis 2016 pour atteindre 62 361 enfants en 2020, soit près de 20 % des bénéficiaires de
l’AME. La grande majorité des enfants, comme les bénéficiaires des autres classes d’âge, est
principalement située en Île-de-France et en Guyane.
D’après l’inspection générale des affaires sociales (Igas)
et l’
inspection générale des
finances (IGF)
107
, la dépense moyenne annuelle pour les bénéficiaires de l’AME quel que soit
leur âge est de 2 675
€. On peut
donc considérer que les moins de 12 ans pris en charge par
l’AME sont associés au total à une dépense maximale de 167
M€ annuellement. Étant donné la
spécificité des événements de santé et des pathologies prises en charge par l’AME, avec une
surreprésenta
tion de l’obstétrique, de l’insuffisance rénale, du diabète et de la cancérologie
-
hématologie, les dépenses de santé des enfants de moins de 12 ans sont probablement très
nettement inférieures à ce montant.
c)
Une prise en charge perfectible des frais de san
té des enfants à l’AME et à la CSS
Même si ces deux dispositifs ont vocation à lever les freins de nature financière dans
l’accès aux soins et à la prévention, ils ne garantissent pas, à eux seuls, l’effectivité de l’accès.
Tout d’abord, aux termes des ar
ticles L. 215-
2 du code de l’action sociale
et des familles
(CASF) et L. 160-8 du code de la sécurité sociale (CSS), sont exclus du panier de soins pris en
charge par l’AME le programme M’T Dents, et les frais d’hébergement et de traitement des
102
Drees,
Études et Résultat
s n° 1171,
Pour 1 % des patients, le reste à charge après assurance maladie
obligatoire dépasse 3 700 euros annuels
, novembre 2020.
103
Tous régimes hors Assemblée nationale et Sénat, hors AME.
104
Le RAC post-AMO reste élevé pour les adolescents, à 378
€ en moyenne par an en par
ticulier à cause des frais
d’orthodontie.
105
Drees, Études et statistiques,
Reste à charge des personnes bénéficiant de la CMU-C en 2010
, novembre 2011.
106
L’AME, qui a succédé à l’aide médicale gratuite (AMG) et à l’aide médicale départementale (AMD) est un
dispositif financé par le programme 183 de la mission Santé - Protection maladie (927
M€ en 2020) et couvre
l’AME de droit commun, l’AME «
soins urgents » et les autres AME.
107
Igas-IGF,
L’aide médicale d’
État : diagnostic et proposition
, octobre 2019.
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69
enfants ou
adolescents handicapés. Même si les enfants bénéficiaires de l’AME ont
théoriquement accès aux chirurgiens-dentistes sans avance de frais, leur exclusion de ce
programme est contre-productive et discriminante. En effet, des consultations de prévention
précoces seront toujours moins onéreuses que la prise en charge ultérieure des soins
conservateurs qui sera elle aussi assurée par l’AME. Au vu des enjeux financiers limités et de
la sous-
exécution du FNPEIS, il conviendrait d’intégrer le programme M’T Dents a
u périmètre
de l’AME.
Ensuite, les refus de soins opposés aux bénéficiaires de ces deux dispositifs qui sont assez
largement documentés en population générale, concernent selon toute vraisemblance aussi les
enfants même si aucune étude récente n’existe. Selon une étude d’octobre 2019
108
, le refus de
soins dentaires a été évalué à 25 % pour les bénéficiaires de ces deux dispositifs (dont 9 % de
refus spécifiquement discriminatoires). De même le refus de soin, sans être systématique, a été
mis en évidence pour 22
% des bénéficiaires sans domicile de l’AME et de la CMU pour l’accès
aux soins de ville
109
. Il conviendrait de documenter cette question pour les enfants.
Enfin, l’accès à ces dispositifs n’est pas toujours simple. En effet, les populations les plus
éloignées du système de santé ou isolées dans des « poches de précarité » ne les ont pas toujours
identifiés et les démarches administratives, qui ont pourtant été largement simplifiées sous
l’impulsion de l’assurance maladie
110
, peuvent rester une barrière pour
l’accès aux droits. En
parallèle, l’assurance maladie a expérimenté dans le Gard à partir de 2014, avant de la
généraliser en 2018, une démarche d’accompagnement personnalisé des personnes en situation
de renoncement à des soins, dite plateforme d’intervention départementale d’aide à l’accès aux
soins et à la santé (Pfidass). En 2020, cette démarche a été élargie avec la création de missions
d’accompagnement santé afin de proposer une offre plus globale et intégrée, quel que soit le
mode de détection des situations de fragilité. Si une attention particulière est portée aux familles
monoparentales, ce dispositif est
d’abord
centré sur les assurés, partant du principe que
l’amélioration des droits et de la situation des parents a mécaniquement un effet
positif sur celle
des enfants, et ensuite des ayants droit lorsque des besoins spécifiques sont détectés. Il pourrait
être intéressant d’approfondir les partenariats avec les caisses d’allocations familiales, les
structures d’accueil du jeune enfant ou le
s PMI pour cibler davantage les enfants.
Une attention particulière de l’assurance maladie et de l’État à l’exercice de leurs droits
par les parents permettrait une meilleure prise en charge sanitaire des enfants.
108
S. Chareyron et coll.,
Les refus de soins discriminatoires : tests multicritères et représentatifs dans trois
spécialités médicales
, octobre 2019.
109
BEH n° 17-18,
Les refus de soins à cause de la CMU ou de l’AME rapportés par les femmes en famille, sans
domicile
, hébergées en Île-de-France, juin 2019.
110
Les délais de traiteme
nt des dossiers de CSS ou d’AME se sont considérablement réduits ces trois dernières
années. Les demandes d’AME déposées dans les CPAM sont désormais instruites dans quatre pôles de gestion qui
centralisent leur instruction (Paris, Bobigny, Poitiers et Marseille) et sont aussi en charge du contrôle du dispositif.
Les bénéficiaires de l’AME ne disposent ni de carte vitale ni de DMP.
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70
2 -
Des mesures ciblées de modération des restes à charge
Afin de lutter contre les freins financiers d’accès aux soins et aux équipements médicaux,
des actions ont été engagées depuis 2016 pour limiter le reste à charge supporté par les assurés.
a)
Le 100 % santé, une réforme qui concerne assez peu les enfants
111
La réforme « 100 % santé »
112
qui se déploie progressivement depuis le 1er janvier 2020
doit permettre la prise en charge d’un panier de soins et d’équipements pour tous dans le
domaine de l’optique, des prothèses auditives et dentaires, sans res
te à charge après une
intervention combinée de l’assurance maladie obligatoire et de l’assurance maladie
complémentaire. Par construction, elle ne concerne que peu les enfants âgés de moins de douze
ans, sauf pour l’optique.
Dans la mesure où les différents documents de suivi de la montée en charge de cette
réforme ne proposent pas d’approche populationnelle, il n’est pas possible d’évaluer son impact
sur le reste à charge pour les familles en cas d’équipement optique. Il serait à cet égard
intéressant qu’
une attention particulière soit portée lors des prochains rapports de suivi à la
catégorie des enfants.
Les enfants bénéficient, en effet, de conditions de renouvellement adaptées, avec un délai
fixé à un an (au lieu de deux ans), qui peut être ramené à 6
mois pour les enfants jusqu’à 6 ans
si la monture n’est pas adaptée à la morphologie du visage et entraîne ainsi une perte
d’efficacité. Par ailleurs, aucun délai de renouvellement minimal des verres sur prescription
médicale n’est prévu. Le principal point d’amélioration pourrait concerner la possibilité de
renouveler un équipement complet d’optique en cas de perte ou de casse pour lequel aucune
prise en charge n’est prévue.
b)
La régulation des
dépassements d’honoraires pratiqués par les p
édiatres
Dans un contexte de diminution des effectifs libéraux de cette spécialité, la proportion
des pédiatres autorisés à pratiquer des dépassements d’honoraires
113
a augmenté depuis 2015,
pour atteindre 45,8 % en 2020 (contre 49,8 % en moyenne pour les spécialistes, hors médecins
généralistes. L’exercice en secteur 1 sans dépassement d’honoraire est majoritaire en France,
mais avec de fortes disparités en fonction des départements comme l’illustre la carte ci
-dessous.
111
Cour des comptes,
Les complémentaires santé : un système très protecteur mais peu efficient
, communication
à la commission de
s affaires sociales de l’assemblée nationale, juin 2021
(disponible sur ccompte.fr).
112
Article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019.
113
Secteur 1 avec droit à dépassement permanent (secteur 1dp) et secteur 2.
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71
Carte n° 9 :
part des pédiatres en secteur 1dp et secteur 2 en 2020 (%)
Source : Cnam, représentation par la Cour des comptes.
Note
: Part des pédiatres en secteur 1dp et en secteur 2 parmi l’ensemble des pédiatres
libéraux ou mixtes (en %).
Cependant, le taux moyen de dépassement d’honoraires
des pédiatres reste supérieur à
celui des médecins généralistes de plus de 10 points et à celui de l’ensemble des spécialistes de
5 points en 2020. Ces écarts se sont réduits depuis 2016.
Selon l’assurance maladie, 63
% des consultations réalisées en 201
8 par les pédiatres l’ont
été en secteur 1, 21 % en secteur 1dp ou 2 Optam et 16 % en secteur 2 hors Optam. La
répartition est différente pour les médecins généralistes, avec 97 % des consultations en secteur
1, 2 % en secteur 1dp et 2 Optam et 1,8 % en secteur 2 hors Optam, pour des enfants de moins
de 16 ans.
Depuis la mise en place en janvier 2017 de l’option pratique tarifaire maîtrisée (ou
Optam)
114
, le nombre de pédiatres adhérents a augmenté de près de 25 %, passant de
521 adhérents en décembre 201
7 à 694 en décembre 2020. Le taux d’adhésion a quant à lui
progressé de 6 points pour atteindre 60 % en février 2020. Cette dynamique a contribué à
114
Art. 40 à 58 de la convention médicale de 2016.
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72
diminuer le taux de dépassement des pédiatres adhérents de 4 points entre 2017 et 2019, et à
augmenter la part des actes pratiqués à tarif opposable de plus de 7 points, mais sans véritable
effet de modération sur les pédiatres qui n’adhèrent pas au dispositif
.
Elle n’a pas contribué à
réduire les écarts observés entre région dans les taux de dépassement moyen pour les non
adhérents à l’
Optam. Si en 2017 le taux de dépassement régional maximum était de 113,3 % en
Île-de-France et le minimum de 34,4 % dans les Pays de la Loire, il était de 117 % en
Île-de-France en 2019. Le taux moyen de dépassement le plus élevé, pratiqué par les pédiatres
adhérents à l’
Optam
en fonction de leur région d’exercice a diminué entre 2017 et 2019, passant
de 63,9 % en Outre-Mer à 52,9 % en Ile-de-France en 2019, mais le taux moyen régional
minimum a augmenté, passant de 0 % en 2017 à 10,5 % dans les Pays de la Loire en 2020.
En complément de cette politique de maîtrise des dépassements d’honoraires, l’assurance
maladie peut engager des actions individualisées de sensibilisation engagées auprès des
médecins aux pratiques tarifaires exce
ssives. Ces dernières n’ont concerné depuis 2016 que
8
pédiatres avec l’envoi d’un courrier d’information générale en septembre 2017. Leur pratique
tarifaire ayant changé, aucune procédure conventionnelle n’a été lancée.
3 -
Les expérimentations de l’article
51, entre solvabilisation de la demande
et structuration des parcours
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 a introduit en son article 51
115
un
dispositif permettant d’expérimenter de nouvelles organisations en santé reposant sur des
modes de financement inédits, dès lors que ces nouvelles organisations contribuent à améliorer
le parcours des patients, l’efficience du système de santé, l’accès aux soins ou encore la
prescription des produits de santé. À
titre d’exemple, parmi les expériment
ations couvrant la
santé des enfants, trois d’entre elles illustrent l’intérêt de financer une prise en charge
pluridisciplinaire dans le cadre de parcours coordonnés.
a)
La prévention et la prise en charge des troubles de l’apprentissage
Appartenant aux troubles du neuro-développement, les troubles spécifiques du langage et
des apprentissages (TSLA)
116
sont à la fois fréquents chez les enfants, durables, en partie sous-
diagnostiqués, et susceptibles d’avoir des répercussions importantes sur leur scolarité et
leur
vie sociale et familiale. Ces conséquences peuvent néanmoins être atténuées grâce à un repérage
précoce et une prise en charge adaptée.
En Occitanie, le repérage précoce des troubles du développement et des apprentissages
est une priorité des PRS. L’a
ssociation Occitadys a été créée en juin 2018 pour poursuivre le
déploiement dans l’ensemble de la région d’un maillage structurant la prévention, l’accessibilité
115
Article L.162-31-1 du CSS.
116
Il s’agit des troubles du langage (ou dysphasies), des troubles spécifiques des appr
entissages (dyslexies,
dysorthographies, dyscalculies), du trouble développemental de la coordination (dyspraxies) et du déficit de
l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH). Selon des estimations anciennes, 6 à 8
% des enfants d’âge scolaire
seraient concernés par ces troubles, qui peuvent être sévères chez 1 à 2
% d’entre eux.
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73
aux soins et des accompagnements, et fédérer les professionnels autour de ces enjeux dans le
respect des recommandations publiées par la HAS
117
en 2018.
Quatre obstacles sont à lever pour répondre à ces objectifs
: l’insuffisante formation des
professionnels
; l’inadéquation de la valorisation financière des consultations longues
d’évaluation, de s
ynthèse ou de suivi, ainsi que de la coordination des parcours sollicitant
l’intervention de plusieurs professionnels
; pour les familles, le coût d’interventions de
professionnels
non
remboursés
par
l’assurance
maladie
(notamment
psychologue,
ergothérapeute, psychomotricien) ; enfin découlant en partie des deux premiers, celui du
manque d’offres de soins.
Avec l’appui de l’ARS, Occitadys a présenté un projet «
d’expérimentation article 51
»
de mise en place d’un parcours de santé coordonné pour les enfants
porteurs d’un ou plusieurs
troubles spécifiques du langage et des apprentissages. Ce parcours comprend notamment la
mise en place d’un correspondant d’entrée de parcours ayant vocation à orienter le patient vers
une prise en charge adaptée et le financement, sous forme de forfait, du diagnostic
pluridisciplinaire, des rééducations en psychomotricité, ergothérapie et de l’accompagnement
psychologique.
Validée en juillet 2020, l’expérimentation «
projet régional parcours de santé TSLA
Occitanie » est prévue
pour une durée de trois ans. L’assurance maladie la finance à hauteur de
21
M€ pour le diagnostic et la prise en charge en Occitanie de 10
000 enfants entre 6 et 15 ans.
Cette démarche s’inscrit dans la dynamique portée par la stratégie de lutte contre
l’autisme au sein des troubles du neuro
-développement, en particulier la mise en place de forfait
précoce et des plateformes de coordination et d’orientation. Il convient de souligner à cet égard
ce choix stratégique structurant d’harmoniser et d’établir des synergies entre les différentes
filières autour des troubles du neuro-dévelo
ppement, qu’elles qu’en soient les origines
: TSLA,
déficience intellectuelle, troubles du spectre de l’autisme, troubles syndromiques ou troubles
liés à la prématurité ou aux conditions périnatales.
L’initiative portée par Occitadys, conduite en partenariat étroit avec l’éducation nationale
permet d’envisager une extension de ce parcours de santé au niveau national en 2023. Il se
double d’un projet de recherche autour de la prévention des troubles du langage oral, écrit et
calcul avec l’ambition de valider la mise en place d’une politique de prévention au niveau
régional.
Cette expérimentation, fondée sur une démarche évaluative très précise, s’inscrit dans une
dynamique d’amélioration continue des pratiques pour enrichir une politique de prévention sur
d
es principes d’intervention précoces, notamment au sein des écoles.
117
Niveau 1
: repérage et diagnostic des troubles simples par les médecins de PMI, les médecins de l’
Éducation
nationale et les médecins de l’enfants
; niveau 2 : un centre par territoire pour les situations nécessitant un
diagnostic et une coordination pluridisciplinaires ; niveau 3 : centres de références des troubles du langage et des
apprentissages pour les situations complexes relevant de pathologie génétique ou neurologique.
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74
b)
La prévention et la prise en charge de l’obésité chez les enfants
S’agissant des enfants, des expérimentations sont au nombre de deux, l’une portant sur le
dépistage et la prise en charge
d’enfants à risque d’obésité et l’autre sur la prise en charge
d’enfants en état d’obésité morbide.
D’une part, lancé en 2018 dans les départements du Nord
-Pas-de-Calais, de la Seine-
Saint-Denis et La Réunion, le dispositif « Mission : retrouve ton cap » a pour objectif de
favoriser, grâce à la mise en place d’un forfait spécifique, une prise en cha
rge pluridisciplinaire
précoce,
adaptée aux besoins des enfants de trois à huit ans à risque d’obésité
118
ainsi qu’à ceux
de leur entourage, dans le respect des recommandations formulées en 2011 par la HAS
119
. Il
devrait être généralisé dès 2022.
Le médecin qui suit l’enfant est à l’initiative de l’orientation
dans le dispositif et coordonne la prise en charge pluridisciplinaire s’échelonnant sur deux
années
120
. Le financement
des forfaits est assuré par l’a
ssurance maladie. Le montant du forfait
annuel par enfant est fixé à 240
€ maximum et comprend la prise en charge des bilans et des
consultations de suivi prescrits par le médecin, et réalisés par des professionnels rattachés à la
structure. Au mois de janvier 2021, 2086 enfants et 47 structures participent à cette
expérimentation qui a été prolongée jusqu’au 31 décembre 2020. La majorité des enfants se
sont vus prescrire les trois bilans (60 %). Pour près de 4 enfants sur dix (38 %), la prescription
initiale proposait un forfait complet. La part des enfants inclus bénéficiaires de la CMU-C est
nettement supérieure à la moyenne nationale (37 % à La Réunion et 27 % en Nord-Pas de Calais
et en Seine-Saint-Denis contre une moyenne nationale de 7,6 %), de même que ceux qui ne sont
pas couverts par une complémentaire santé
, qui représentent près d’un tiers des participants
.
Les enfants inclus sont majoritairement issus de milieux modestes, puisque les catégories socio-
professionnelles les plus représentées (hors inactifs) sont les ouvriers et les employés même si
les critères d’inclusion sont uniquement physiologiques
.
L’un des principaux constats tient à la
difficulté d’atteindre l’objectif d’intervention précoce pour des e
nfants présentant uniquement
des facteurs de risque d’obésité en amont de l’apparition d’un surpoids. Dans leur grande
majorité (71 %), les enfants inclus étaient déjà en situation de surpoids avec obésité. Cette
expérimentation a permis d’améliorer au moi
ns une habitude alimentaire chez 82 % des enfants.
D’autre part, l’expérimentation «
Obepedia » (obésité pédiatrique) est destinée aux
enfants et adolescents atteints d’obésité sévère. Il s’agit de mettre en place un parcours de soins
s’appuyant sur un projet médical de soins et d’accompagnement personnalisé qui inclut des
coopérations multidisciplinaires à l’hôpital et en ville. Elle repose sur le paiement d’un forfait
global pour la prise en charge des patients par les professionnels médicaux et non médicaux
intégrant des prestations de diététique et de psychologie, non prises en charge dans le droit
commun. D’une durée de quatre ans, il est prévu d’inclure 900 enfants pour un budget de
2,7
M€ maximum (3
000 € par enfant sur la durée de la l’expérimentation soit 750 € par enfant
par an). Comme le souligne la Cour dans son rapport de 2019
, l’expérimentation a pâti de
118
Le suivi de l’indice moyen corporel, de la courbe de corpulence et du rebond d’adiposité précoce permet
d’identifier le risque d’obésité.
119
Haute autorité de santé,
Surpoids et obésité de l’enfant et de l’adolescent
- Recommandations de bonne pratique
,
septembre 2011.
120
Première année
: trois bilans diététique (systématique), psychologique (selon besoin), d’activité physique (selon
besoin) et six consultations de suivi diététique et/psychologique ; deuxième année : douze consultations de suivi
diététique et/ou psychologique.
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75
retards pris au moment de son démarrage. Son évaluation n’étant prévue qu’en 2024, les
enseignements seront tirés 10 ans après la parution du plan obésité.
Ces trois exemples d’expérimentation article 51 soulignent l’intérêt d’évoluer vers des
prises en charge pluridisciplinaires forfaitisées, dans le respect des références en matière de
bonnes pratiques et de recommandations de la HAS, et de manière complémentaire à une
graduation de l’offre de soins pour lutter contre les ren
oncements aux soins et les inégalités
d’accès.
C -
Des parcours de santé encore marqués par les inégalités sociales
et territoriales
Des différences de recours aux professionnels de santé existent en fonction du gradient
social des familles et de leur lieu de résidence, renvoyant aussi à des questions de répartition
territoriale de l’offre de soins primaires.
1 -
Un recours plus important aux urgences dans les milieux sociaux moins favorisés
Selon une étude de la Drees sur des données de 2013
121
, le recours aux urgences des
enfants est plus élevé que celui des adultes, à l’exception des 85 ans ou plus
; les enfants de
moins de deux ans représentaient 6 % des passages aux urgences contre 2 % de la population.
Des résultats similaires sont observés en 2019, à partir
d’une exploitation de la statistique
annuelle des établissements : sur plus de 22 millions de passages aux urgences, 7,5 millions
(soit 26 %) concernent des patients de moins de 18 ans. En 2019, les enfants de moins de deux
ans représentent 31 % des passag
es aux urgences, soit presqu’autant que pour les enfants âgés
de deux à cinq ans (34,5 %), et que pour les enfants de 6 à 11 ans (34,3 %).
Avec une proportion importante de consultations non justifiées aux urgences, comme l’a
souligné l’
Igas, le recours c
roissant aux urgences hospitalières des enfants témoigne d’un report
sur l’hôpital, en raison de difficulté pour trouver une consultation non programmée en ville, et
sans doute de l’inquiétude des parents. Le besoin de réassurance et de conseils, notamment
pour
les parents de très jeunes enfants, expliquerait ce recours aux urgences pédiatriques.
Ce recours aux urgences dépend aussi du gradient social et de la commune de résidence
des parents. Ainsi, les enfants de la cohorte Elfe ont davantage été aux urg
ences lorsqu’ils
appartenaient à des foyers défavorisés, y compris avec des passages multiples, et lorsqu’ils
n’habitaient pas dans des communes rurales. Les motifs de consultation en revanche ne sont
pas différents selon le gradient social ou le territoire de résidence.
121
Drees, Études et résultats n° 1 128,
Urgences : plus du quart des passages concernent les enfants de moins de
15 ans
, octobre 2019. Les analyses de cette étude utilisent les donn
ées de l’enquête nationale sur les structures des
urgences de juin 2013, réalisée par la Drees
auprès de 736 points d’accueil d’urgences.
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76
2 -
Un recours plus fréquent aux pédiatres pour les enfants de moins de deux ans,
urbains et des milieux sociaux favorisés
En 2019, les pédiatres n’assuraient que 33
% des consultations d’enfants âgés de moins
de 12 ans (contre 67 % pour les g
énéralistes). Cette proportion diminue quand l’âge augmente,
et se concentre avant deux ans pour représenter la moitié des dépenses remboursées de pédiatrie
par l’assurance maladie obligatoire (soit 105
M€ en 2019).
Le recours à un pédiatre plutôt qu’à un médecin généraliste dépend aussi du milieu social
de l’enfant, et plus particulièrement du niveau de revenu (ce qui renvoie à la pratiq
ue répandue
de dépassements d’honoraires). Ainsi, quel que soit l’âge, la proportion d’enfant consultant au
moins une fois dans l’année un pédiatre double presque entre les 20
% des foyers les plus
modestes et les 20 % les plus aisés (cf. tableaux 27, 32 et 37
de l’annexe
6) selon les résultats
issus de la cohorte Elfe : elle est par exemple respectivement de 35 % et 68 % à 1 an, ou de
25 % et 44 % à 5,5 ans.
Par ailleurs, la place du pédiatre dans le parcours de santé de l’enfant varie fortement en
fonc
tion des départements et des communes de résidence, ce qui est lié à l’inégale répartition
territoriale des pédiatres libéraux et donc à la disponibilité de l’offre. Comme le montre la carte
ci-dessous la part des consultations de pédiatre est plus importante dans les départements les
plus urbanisés et à proximité des grandes métropoles, à l’exception des Hauts
-de-France. Si la
taille de l’aire urbaine de résidence n’a aucun impact sur le fait de consulter un médecin, elle
modifie la spécialité : la proportion des enfants âgés de 3,5 ans de la cohorte Elfe ayant consulté
un pédiatre dans l’année est de 32,2
% pour les enfants vivant dans des communes rurales, de
50 % pour ceux des grandes aires urbaines
122
et de 61,5 % à Paris
123
.
122
Aires urbaines de 500 000 à 1 000
000 d’habitants.
123
Voir annexe 6 tableau 34.
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77
Carte n° 10 :
part (en %) des consultations de pédiatrie en médecine de ville (2019)
Source : Cnam. Données 2019. Calculs et représentation par la Cour des comptes
Note : Consultations pour les enfants de moins de 2 ans. Données non disponibles pour
la Corse et les DROM.
Les médecins généralistes jouent un rôle croissant dans la prise en charge de la santé des
enfants. Cependant, selon une étude de la Cnam
de 2012, citée par l’
Igas, les pratiques des
médecins généralistes et des pédiatres diffèrent : le principal motif de consultation chez les
pédiatres est préventif alors que les 2/3 des consultations chez les généralistes concernent des
maladies aigües, ce qui se retrouve aussi dans les différences observées dans les montants
moyens de rémunération sur objectif de santé publique (ROSP).
3 -
Des recours variables aux autres professionnels de santé
Si la majorité des dépenses de ville remboursées par l’assurance maladie obligatoire en
2019 pour les enfants de moins de 12 ans concerne la médecine (31 %) et la pharmacie (23 %,
en particulier avant deux
ans en raison des vaccins), l’orthophonie représente 12
%, les soins
dentaires 7
% et les soins visuels en incluant l’optique 5
% des dépenses totales.
Alors que le recours aux chirurgiens-dentistes comme aux ophtalmologistes varie
fortement en fonction
du gradient social quel que soit l’âge des enfants, la prise en charge par
une orthophoniste est plus importante dans les départements ruraux et au sein des foyers les
plus modestes comme l’illustre le tableau ci
-dessous. Ainsi, à 5,5 ans, 36 % des enfants de la
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78
cohorte Elfe avaient consulté un chirurgien-
dentiste au cours de l’année précédente, mais
seulement 32,2 % pour les enfants des mères les moins diplômées contre 41,3 % pour ceux des
mères les plus diplômées.
Tableau n° 10 :
p
roportion d’enfants ayant consulté un
orthophoniste à 5,5 ans
Résidence
Commune hors aire
urbaine
< 199 999
200 000
499 999
500 000
999 999
Aire de Paris*
16,3 %
14,6 %
15,7 %
18 %
11,6 %
Revenus
Quintile 1 (inférieur)
Quintile 2
Quintile 3
Quintile 4
Quintile 5
18,3 %
15,8 %
13,4 %
13,1 %
11,7 %
Source : cohorte Elfe, analyse pour la Cour des comptes.
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79
___________________CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS __________________
La stratégie nationale de santé (SNS) 2018-2022 consacre un volet spécifique à la santé
des enfants et porte l’ambition de réduire les inégalités de
santé par une intervention plus
précoce en matière de prévention. La structuration insuffisante de sa déclinaison
opérationnelle ne permet ni un pilotage ni une évaluation des projets et actions engagés.
En premier lieu, la persistance de nombreux plans nationaux thématiques, non
synchronisés bien qu’abordant des sujets très intriqués, ne porte pas une vision unifiée et lisible
de la santé des enfants. Au plan territorial, la dispersion des actions et priorités relatives à la
santé des enfants parmi les nombreux axes et objectifs des projets régionaux de santé rend tout
aussi complexe l’identification d’une politique régionale de santé de l’enfant.
En l’absence dommageable de vision consolidée des dépenses consacrées à la santé des
enfants, liée à la multiplicité des sources de financement et à la faiblesse des systèmes
d’information disponibles
, la Cour les a estimées à 8,9
Md€
en 2019.
Malgré les efforts en faveur
d’une approche plus transversale et coordonnée
de la santé
des enfants, qui se donne à voir dans le comité interministériel pour la santé et son instance
dédiée aux enfants et aux jeunes, le CoSEJ, le fonctionnement en silo persiste. Les grands
acteurs de la santé des enfants que sont le ministère de la santé, l
’Assurance maladie, la
protection maternelle et infantile, ou l’Éducation nationale,
poursuivent leurs propres
logiques : très structurée pour décliner les
priorités nationales pour l’assurance maladie
;
répondant au principe de libre administration pour les services départementaux de la PMI sans
représentation nationale identifiée.
Enfin, l’efficacité des dispositifs définis soit spécifiquement aux enfants
au premier rang
desquels
les examens et vaccinations obligatoires, soit pour l’ensemble de la population mais
s’appliquant également aux enfants
comme la complémentaire santé solidaire, ou la régulation
d
es dépassement d’honoraires pratiqués
par les pédiatres, est à nuancer. En effet, les parcours
de santé des enfants restent marqués par des inégalités de recours aux professionnels et aux
structures de santé, en fonction du gradient social des familles et de leurs lieux de résidence.
C’est po
urquoi la Cour formule les recommandations suivantes :
2.
Renforcer le pilotage interministériel pour la santé des en
fants en s’appuyant sur un CoSEJ
renouvelé dans ses missions et son fonctionnement (ministère de la santé).
3.
Unifier le cadre de contractua
lisation entre l’ARS, l’assurance maladie, la PMI et
l’éducation nationale pour garantir la cohérence des actions et des financements relatifs à
la santé des enfants pour
renforcer les compétences d’animation
des ARS au niveau
départemental (SGMAS, Cnam).
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COUR DES COMPTES
80
Chapitre III
Réorganiser la politique de santé des enfants
L’existence d’inégalités sociales de santé très précoces et marquées non compensées par
des dispositifs conçus selon le principe d’universalisme appelle la refonte dans son ensemble
de l’organi
sation de la prise en charge de la santé des enfants. Celle-
ci doit s’appuyer sur la
clarification des missions et de l’articulation des acteurs spécifiques que sont notamment la
PMI et l’éducation nationale, afin de renforcer leur mobilisation et leur com
plémentarité, afin
de mettre la prévention au cœur d’une approche globale de la santé des enfants, et de redéfinir
des parcours de prise en charge plus cohérents.
I -
Clarifier le positionnement des acteurs spécifiques
de la santé des enfants, aujourd’hui en
difficulté
A -
La PMI, une place essentielle dans le parcours de santé des enfants
Selon plusieurs rapports
124
, les services départementaux de PMI constituent un levier
important de prévention et de réduction des inégalités sociales de santé en raison de leur
accessibilité géographique
125
, financière et administrative, même si leur activité auprès des
enfants s’est progressivement modifiée.
1 -
Un rôle majeur pour les familles les plus vulnérables
D’après l’enquête «
Aide sociale » de la Drees, les services de PMI auraient réalisé en
2019, en France hors Mayotte, plus de 50 000 actions collectives à destination des enfants,
550 000 visites à domicile par des puéricultrices pour 270 000 enfants différents vus au moins
une fois, et 1,4
M d’examens cliniques par un méde
cin qui auraient concerné entre 530 et
550 000 enfants. Plus de 500
000 enfants auraient aussi bénéficié d’au moins un acte de
puériculture ou d’infirmière. Même approximatives, ces données d’activité restent cohérentes,
avec celles du rapport Peyron, mais
orientées à la baisse. En 2016, l’activité de la PMI avait
essentiellement concerné les enfants de moins de deux ans avec 550 000 consultants pour 1,5M
d’examens, déjà en baisse de 45
% par rapport à 1995 alors que les visites à domicile avaient
124
Rapport d’information n°
1234 (XV
ème
législature) de E. Bareigts et C. Isaac-Sibille relatif à la prévention
santé en faveur de la jeunesse, septembre 2018 ; rapport précité de M. Peyron, mars 2019 ;
Les 1000 premiers
jours : là où tout commence
, rapport précité, septembre 2020.
125
Avec près de 4 400 points de consultati
on, fixes en 2019 auxquels s’ajoutent des environ 160 lieux de
consultations infantiles desservis par des camions itinérants selon la Drees, enquête Aide sociale, volet PMI,
champ : France métropolitaine et Drom
(hors Mayotte). Il s’agit de donné
es brutes non-redressées, avec des
données manquantes pour certains départements.
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RÉORGANISER LA POLITIQUE DE SANTÉ DES ENFANTS
81
été divisées par deux (580
000 en 2016). La baisse du nombre d’enfants de moins de 6 ans en
France, bien que marquée, n’explique pas à elle seule cette diminution de l’activité.
L’étude originale produite à partir des données de la cohorte Elfe souligne que la PMI
est
un interlocuteur bien identifié par les familles, en particulier les moins favorisées, qui s’y
rendent de façon régulière.
Dès la période post-natale, 10
% des mères d’enfants de la cohorte Elfe ayant les revenus
les plus faibles ont eu après la naiss
ance la visite à domicile d’une sage
-femme de PMI et 28,9 %
celle d’une puéricultrice de PMI, quand ces taux étaient respectivement de 3,3
% et 15,5 % pour
les mères aux revenus les plus élevés. Cette place dans le parcours de santé se conforte ensuite :
13,6 % de ces enfants ont consulté au moins une fois un médecin en PMI dans leur première
année de vie, en s’y présentant en moyenne 7 fois. Lors de leur deuxième année, ils étaient
8,8 % avec en moyenne 4 consultations médicales, et 8,2 % entre 4,5 ans et 5,5 ans. Le recours
à la PMI s’inscrit dans un processus durable de suivi des enfants.
De même, plus la commune de résidence des parents a un indice de désavantage social
élevé, plus les enfants sont suivis en PMI. La taille de la commune n’a pas d’effet
sur le recours
à la PMI, sauf pour Paris et sa petite couronne où les parents ont davantage recours à la PMI.
2 -
Des difficultés de fonctionnement bien identifiées
Depuis le début des années 2000, la PMI connaît une crise majeure liée à plusieurs
facteurs, bien documentés dans le rapport de Michèle Peyron, parmi lesquels une diversification
des missions non sanitaires, un mode de financement hybride et fragile, et des moyens humains,
en particulier médicaux, sous forte tension. Un projet de transfert aux cais
ses d’allocations
familiales de la mission d’agrément et de suivi des assistantes maternelles devrait être
prochainement expérimenté.
a)
Un financement complexe
La PMI étant une compétence décentralisée, son financement incombe aux conseils
départementaux, dans le cadre de leur budget général. Les moyens accordés résultent donc des
arbitrages politiques des exécutifs départementaux, en application du principe de libre
administration. Ces financements, qui ne sont pas précisément connus (cf. partie 2),
représentaient en 2016 moins de 1 % des dépenses sociales des départements, part variable
selon les départements.
À ce financement s’ajoutent des versements de l’assurance maladie au titre de la prise en
charge des actes pratiqués par les médecins et sages-femmes de PMI, et de remboursement de
la part obligatoire des vaccins administrés, sur le prix négocié par le service de PMI (et non sur
le prix de vente pratiqué en officine). Ne sont donc pris en charge que les examens médicaux
obligatoires réalisés par un médecin de PMI, avec une application stricte du calendrier, et les
autres actes inscrits à la classification commune des actes médicaux (CCAM) ou à la NGAP ce
qui exclut les actes pratiqués par les infirmières ou les auxiliaires de puériculture par exemple.
La caisse primaire verse directement le montant des prestations dues au département, au budget
général ce qui est peu efficace pour inciter les PMI à déclarer au plus juste des actes pratiqués.
En 2017, ce sont ainsi 35
M€ qui ont été remboursés aux consei
ls départementaux. Les
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82
organismes locaux d’assurance maladie peuvent aussi par voie de convention participer sur
leurs fonds d’action sanitaire et sociale aux actions de prévention médico
-sociale menée par les
PMI. Mais sur les huit caisses rencontrées, au
cune n’a mentionné un tel financement.
Enfin, dans le cadre de la stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance,
l’assurance maladie a renforcé son partenariat avec les conseils départementaux en étendant le
périmètre des actes et presta
tions remboursables lorsqu’ils sont réalisés en PMI, qui concernent
surtout les 1000 premiers jours (entretien prénatal précoce, visite à domicile par une sage-
femme en période pré- et post-natale) et la prise en compte des dépistages de déficience prévues
à la NGAP ou à la CCAM, notamment les dépistages visuels et auditifs, ceux des troubles de
l’apprentissage et des troubles du spectre autistique.
b)
Des ressources humaines, en particulier médicales, fragiles
Une pluralité de professionnels de la santé et du social intervient dans les services de
PMI : médecins, sages-
femmes, infirmières qu’elles soient puéricultrice ou non, auxiliaires de
puériculture, psychologues, acteurs du soutien à la parentalité comme les conseillers conjugaux,
ou les éducateurs de jeunes enfants, et plus marginalement auxiliaires médicaux.
Selon l’enquête «
Aide sociale », les effectifs
126
des principaux personnels des services
de PMI intervenant auprès des publics étaient de 12 300 fin 2019. En équivalent temps plein
(ETP), ces effectifs globaux diminuent très légèrement depuis 2016 et le rapport de M. Peyron,
mais de façon très variable selon les professions. Ainsi, les ETP de médecins diminuent de près
de 14 % sur la période, quand ceux des puéricultrices et des infirmières augmentent de 2 % et
ceux des sages-femmes de 6 %. Ces quatre professions représentent, fin 2019, 82 % des ETP
des PMI. La densité moyenne de professionnels de PMI exerçant auprès des enfants serait de
174 pour 100 000 enfants de moins de 6 ans, allant de 33 pour 100 000 dans le Maine-et-Loire
à 331 pour 100 000 dans le Val-de-Marne.
Selon le
Conseil national de l’Ordre des médecins (
Cnom), les effectifs de médecins de PMI
ont diminué de 14,6 % entre 2016 et 2021 ce qui est partiellement compensé par la diminution du
nombre d’enfants âgés de 0 à 6
ans sur la même période, de sorte que la densité moyenne des
médecins de PMI n’a diminué que de 4 points (de 35 en 2015 à 31 pour 100
000 en 2019).
Les perspectives démographiques sont néanmoins préoccupantes puisque près des 2/3 des
médecins seraient proches de la retraite, et que, selon les estimations du haut conseil de la santé
publique et du rapport Peyron, le besoin en consultations de PMI serait 10 fois supérieur aux
consultations actuellement réalisées pour couvrir tous les enfants de 0 à 6 ans, et du double si
leur action se concentrait sur les enfants des catégories les plus défavorisées.
Afin de renforcer l’attractivité de l’exercice médical en PMI, il conviendrait de chercher
à harmoniser ou à tout le moins de à rapprocher la rémunération des médecins de la fonction
publique territoriale de celle des médecins hospitaliers. L’examen du statut et de la grille de
rémunération des médecins des services de protection maternelle et infantile, par comparaison
126
En 2019, l’effectif total était de 12
310 agents selon l’enquête «
Aide sociale » dont 2 240 médecins (18 %)
auxquels il convient d’ajouter entre 1
000 et 1 500 médecins vacataires (ayant réalisé au total près de 200 000
heures de vacations), 4 960 infirmières puéricultrices (40 %), 1 490 infirmières (12 %), 1 290 sages-femmes
(10 %) et 970 auxiliaires de puériculture (8 %).
La santé des enfants - décembre 2021
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