Sort by *
1/7
jugement n° 2022-0002
RAPPORT N
°
2021-0316
C
OMMUNE DE
S
AINT
-G
ALMIER
JUGEMENT N
° 2022-0002
T
RESORERIE DE
L
OIRE
S
UD
AUDIENCE PUBLIQUE DU
17
JANVIER
2022
CODE N
°
042002222
DELIBERE DU
17
JANVIER
2022
EXERCICE
2019
PRONONCE LE
26
JANVIER
2022
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA CHAMBRE REGIONALE DES COMPTES AUVERGNE-RHÔNE-ALPES
STATUANT EN SECTION
Vu
le réquisitoire n° 12-GP/2021 du 29 avril 2021, par lequel le procureur financier a saisi la
chambre en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de
Mme X..., comptable de la commune de Saint-
Galmier, au titre d’opérations relatives à l’exercice
2019, ensemble
les
pièces
attestant
de
la
notification
du
réquisitoire
le
29 juin 2021 à la comptable concernée ;
Vu
les comptes rendus en qualité de comptable de la commune de Saint-Galmier, par
Mme X..., pour la période du 1
er
janvier 2019 au 31 décembre 2019 ;
Vu
l’article 60 de la loi de finances n° 63
-156 du 23 février 1963 ;
Vu
le code des juridictions financières ;
Vu
le code général des collectivités territoriales;
Vu
les lois et règlements relatifs à la comptabilité des communes ;
Vu
le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable
publique ;
Vu
le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de
l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié dans sa rédaction issue de l’article 90 de la loi
n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;
Vu
les observations écrites présentées par Mme X..., comptable mise en cause, enregistrées au
greffe de la juridiction le 29 octobre et le 13 décembre 2021 ; et celles produites par M. Y...,
ordonnateur, enregistrées au greffe de la juridiction le 2 aout 2021 ;
2/7
jugement n° 2022-0002
Vu
le rapport de M. Antoine LANG, premier conseiller, magistrat
chargé de l’instruction
;
Vu
les conclusions du procureur financier ;
Vu
l
’ensemble d
es pièces du dossier ;
Entendus
lors de l’audience publique
du 17 janvier 2022, M. Antoine LANG, premier conseiller, en
son rapport, M. Franck PATROUILLAULT, procureur financier, en ses conclusions, les parties
n’étant ni présentes ni représentées à l’audience publique
;
Entendu
en délibéré M. Gaël CHICHEREAU, premier conseiller, réviseur, en ses observations ;
Après
en avoir délibéré hors la présence du public, du rapporteur et du procureur financier ;
Sur la présomption de charge unique
, soulevée à l’encontre de
Mme X...
a
u titre de
l’
exercices
2019 :
Sur les réquisitions du ministère public,
Attendu
qu’en son réquisitoire le procureur financier relève
que Mme X..., comptable, aurait pris en
charge
sur l’exercice
2019 des mandats collectifs de paye entrainant
le paiement d’indemnités
horaires pour travaux supplémentaires (IHTS) à plusieurs agents de la commune sans disposer de
la
délibération fixant la liste des emplois dont les missions impliquent la réalisation effective d’heures
supplémentaires telle qu’exigée par la nomenclature des pi
èces justificatives ;
Attendu
que le procureur financier en conclut
qu’en ayant procédé au paiement de ces mandats,
Mme X...
est susceptible d’avoir engagé s
a responsabilité personnelle et pécuniaire, à hauteur de
51
084,82 €
au titre de sa gestion de l’exercice 2019
;
qu’elle se trouverait
ainsi dans le cas prévu
par les dispositions de l’article 60 de la loi du 23 février 1963, et qu’il y a donc lieu d’ouvrir l’instance
prévue par l’article L. 242
-4 du code des juridictions financières aux fins de déterminer la
responsabilité encourue ;
Sur les observations des parties,
Attendu
que Mme X... a produit des observations, dont le détail est mentionné dans la suite des
attendus, tendant à démontrer, selon elle, que le droit au paiement des IHTS était ouvert ;
Attendu
que M. Y..., maire de la commune de Saint-Galmier,
a répondu qu’il n’avait pas
d’observations à formuler et que la commune n’avait pas subi de préjudice financier
;
Sur la responsabilité des comptables,
Attendu
qu’aux
termes de l'article 60-1 modifié de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 de finances
pour 1963,
«
les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables (…) du
paiement des dépenses, (…) de la
conservation des pièces justificatives des opérations et
documents de comptabilité ainsi que de la tenue de la comptabilité
qu’ils dirigent
» ;
que «
les
comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables
des contrôles qu'ils sont
tenus
d'assurer en matière (…) de dépenses (…).
» ; que l
eur
« responsabilité personnelle et
pécuniaire prévue (ci-
dessus) se trouve engagée dès lors (…) qu’une dépense a été irrégulièrement
payée
» ;
Attendu
q
u’aux termes de l'article 60
-III de la même loi :
« la responsabilité pécuniaire des
comptables publics s'étend à toutes les opérations du poste comptable qu'ils dirigent depuis la date
3/7
jugement n° 2022-0002
de leur installation jusqu'à la date de cessation des fonctions » ;
Attendu
que selon l
’article 20 du
décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion
budgétaire et comptable publique
, applicable à compter de l’exercice 2013,
« le contrôle
des comptables publics sur la validité de la dette porte sur : (…) 5°/ la production des pièces
justificatives
» ;
Attendu
que pour apprécier la validité des créances, les comptables doivent notamment exercer
leur contrôle sur la production des justifications
; qu’à
ce titre, il leur revient d'apprécier si les pièces
fournies présentent un caractère suffisant pour justifier la dépense engagée, en vérifiant, en premier
lieu, si l'ensemble des pièces requises au titre de la nomenclature comptable applicable leur ont été
fournies et, en deuxième lieu, si ces pièces sont, d'une part, complètes et précises, d'autre part,
cohérentes au regard de la catégorie de la dépense définie dans la nomenclature applicable et de
la nature et de l'objet de la dépense telle qu'elle a été ordonnancée ; que, si ce contrôle peut conduire
les comptables à porter une appréciation juridique sur les actes administratifs à l'origine de la
créance et s'il leur appartient alors d'en donner une interprétation conforme à la réglementation en
vigueur, ils n'ont pas le pouvoir de se faire juges de leur légalité
; qu’e
nfin, lorsque les pièces
justificatives fournies sont insuffisantes pour établir la validité de la créance, il appartient aux
comptables de suspendre le paiement jusqu'à ce que l'ordonnateur leur ait produit les justifications
nécessaires ;
Attendu
qu’il résulte de
l’article D. 1617
-19 du code général des collectivités territoriales,
qu’
avant
de procéder au paiement d'une dépense ne faisant pas l'objet d'un ordre de réquisition, les
comptables publics des collectivités territoriales ne doivent exiger que les pièces justificatives
prévues pour la dépense correspondante dans la liste définie à l'annexe I dudit code ; que pour ce
qui concerne les IHTS, la rubrique 210224 de la liste des pièces justificatives des dépenses publiques
locales annexée au code général des collectivités territoriales prévoit, en son premier point, la
production d’une «
délibération fixant la liste des emplois dont les missions impliquent la réalisation
effective d’heure
s supplémentaires
» ;
Attendu
que
Mme
X...,
a
pris
en
charge,
pour
un
montant
total
de
51
084,82 € au cours de l’exercice 2019, des mandats collectifs de paye liquidant des indemnités
horaires pour travaux supplémentaires dont la liste est donnée en annexe ;
Attendu
qu
’en l’espèce
la comptable disposait, comme elle le confirme dans ses observations, de
la délibération
en date du 13 décembre 2012 prévoyant le versement d’IHTS aux agents de la
collectivité de la catégorie B et C ;
qu’elle
indique que cette délibération porte sur la mise en place
du nouveau régime indemnitaire et à ce titre liste l’ensemble des métiers concernés dans l’attribution
de ce régime indemnitaire au paragraphe B ; que le paragraphe F de cette délibération se borne à
définir la catégorie des agents éligibles au versement d’IHTS, sans toutefois préciser la liste des
emplois dont les missions impliquent la réalisation effective d’heures supplémentaires exigée par la
nomenclature des pièces justificatives ;
Attendu
que la
comptable considère qu’en récusant la délibération produite elle aurait outrepassé
ses prérogatives en exerçant un contrôle de légalité ; que, toutefois, le contrôle de la validité des
créances implique d’apprécier le caractère
suffisant des pièces justificatives ; que pour établir ce
caractère suffisant, il appartient au comptable de vérifier si l'ensemble des pièces requises ont été
fournies et si ces pièces sont complètes et précises ; que par conséquent, exiger une délibération
comportant le degré de précision requis entrait bien dans le champ du contrôle du comptable ;
Attendu
que la comptable indique avoir disposé des états liquidatifs mensuels nominatifs de
l’ordonnateur, des arrêtes nominatifs fixant le nombre maximal annuel d’heures supplémentaires,
ainsi que des bulletins de salaire détaillant le nombre d’heures supplémentaires et leur taux
; que
ces justificatifs ne peuvent se substituer à la délibération fixant la liste des emplois éligibles ;
Attendu
que
dès
lors,
co
ntrairement
à
ce
qu’elle
affirme
dans
ses
observations,
la comptable ne disposait pas des pièces justificatives requises au moment des paiements
; qu’elle
4/7
jugement n° 2022-0002
aurait dû alerter l’ordonnateur et suspendre les paiements
;
Attendu
que Mme X..., en mettant
en paiement au cours de l’exercice 2019 des IHTS sans disposer
d’une délibération comportant les précisions exigées par la nomenclature des pièces justificatives,
a manqué aux obligations de contrôle de la validité de la créance ; que dès lors, sa responsabilité
personnelle et pécuniaire se trouve engagée à hauteur de 51
084,82 €
au titre
l’exercice 2019
;
Sur le préjudice financier causé à la commune de Saint-Galmier,
Attendu
que le préjudice financier se traduit dans la comptabilité de la collectivité, soit par un
appauvrissement patrimonial non recherché par celle-ci, soit par une contrepartie non conforme à
son souhait
; qu’il est de jurisprudence constante que les actes requis par la nomenclature des
pièces jointes sont nécessaires pour considérer que les droits au paiement étaient ouverts par
l’autorité compétente au moment du paiement
;
Attendu
que selon la jurisprudence du Conseil d’État, invoquée par la comptable à l’appui de sa
contestation d’un éventuel préjudice, trois éléments cumulatifs doivent exister pour considérer qu’un
manquement n’a pas causé de préjudice
; 1/ le service fait, invoqué par la comptable, ne fait pas de
doute
; 2/ la volonté de l’autorité compétente d’exposer la dépense est e
xprimée, par la délibération
du 13 décembre 2012 fixant les catégories d’agents pouvant percevoir le versement d’IHTS, et
confirmé par la réponse de l’ordonnateur indiquant que la commune n’a pas subi de préjudice
; 3/
l’existence d’un fondement juridique de la dépense doit être examiné à l’aune de la jurisprudence
administrative récente ;
Attendu
que dans sa décision n° 436208 du 3 août 2021 relative à la commune de Commentry, le
Conseil
d’État
a considéré comme un fondement juridique régulier une délibération qui «
arrêtait le
principe du versement de l’IHTS aux agents de la
commune éligibles à cette indemnité en application
de l’article 2 du décret du 14 janvier 2002
» ;
Attendu
que la délibération du 13 décembre 2012 susmentionnée définit le régime indemnitaire des
agents titulaires et contractuels de droit public et ouvre le droit à l’attribution d’IHTS aux «
à tous les
fonctionnaires de catégories B et C dès lors qu’il y a dépassement de la durée réglementaire du
travail
» ; que cette délibération vise le décret n° 2002-60 du 14 janvier 2002, lequel prévoit que : «
Les indemnités horaires pour travaux supplémentaires peuvent être versées, dès lors qu'ils exercent
des fonctions ou appartiennent à des corps, grades ou emplois dont les missions impliquent la
réalisation effective d'heures supplémentaires, aux fonctionnaires de catégorie C et aux
fonctionnaires de catégorie B
» et
« à des agents non titulaires de droit public de même niveau »
précise expressément avoir pour objet de
« fixer dans les limites prévues par (le) texte susvisé »
les
modalités d’attributions des indemnités
;
Attendu
qu’adoptée antérieurement aux paiements, cette délibération peut être considérée comme
«
arrêtant le principe
» de l’attribution de l’IHTS aux
agents, titulaires et contractuels de droit public,
éligibles à cette indemnité en application des dispositions nationales réglementaires relatives aux
IHTS et en particulier de l’article 2 du décret n° 2002
-60 du 14 janvier 2002 et, de ce fait, fonde
juridiquement la dépense ;
Attendu
par conséquent que le manquement de la comptable à son obligation de détenir la
délibération fixant la liste des emplois éligibles aux IHTS
n’a pas causé d
e préjudice financier à la
commune de Saint-Galmier ;
5/7
jugement n° 2022-0002
Attendu
que l’article 60
-VI de la loi du 23 février 1963, modifié par la loi n° 2011-1978 du
28 décembre 2011, dispose que,
« lorsque le manquement du comptable aux obligations
mentionnées au I n'a pas causé de préjudice financier à l'organisme public concerné, le juge des
comptes peut l'obliger à s'acquitter d'une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte
des circo
nstances de l'espèce… »
;
qu’en
vertu du décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012, cette
somme est fixée dans la limite de 1,5 millième du montant du cautionnement du poste comptable
considéré ;
Attendu
que le montant du cautionnement du poste comptable
s’
élève à 155 000
€ pour l’exercice
2019 ;
qu’au regard des circonstances de l’espèce,
il sera fait une juste appréciation du montant de
la
somme
non
rémissible
laissée
à
la
charge
de
Mme
X...
en
la
fixant
à
232,50
au titre de sa gestion de
l’exercice
2019 ;
qu’u
ne somme non rémissible
n’est pas
productive d’intérêts
;
PAR CES MOTIFS,
DECIDE
Article 1
:
Une somme non rémissible est mise à la charge de Mme X...
, d’un montant de 232,50
au titre de l’exercice 2019
, sur le fondement de la présomption de charge unique
élevée à son encontre.
Article 2
:
Mme X... ne pourra être déchargée de sa gestion de la commune de Saint-Galmier,
pour la période du 1
er
janvier 2019 au 31 décembre 2019 qu’après avoir
justifié de
l’apurement de la somme non rémissible prononcée à son encontre.
Fait et jugé par M. Jean-Pierre ROUSSELLE, président de section, président de séance, M. Yvan
VIGIER, premier conseiller, et M. Gaël CHICHEREAU, premier conseiller, réviseur.
En présence de Mme Brigitte DESVIGNES, greffière de séance.
La greffière de séance
Le président de séance
Brigitte DESVIGNES
Jean-Pierre ROUSSELLE
6/7
jugement n° 2022-0002
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce
requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la
République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à
tous commandants et officiers
de la force publique de prêter main-
forte lorsqu’ils en seront
légalement requis.
1
En application des articles R. 242-19 à R. 242-21 du code des juridictions financières, les jugements
prononcés par la chambre régionale des
comptes peuvent être frappés d’appel devant la Cour des
comptes dans le délai de deux mois à compter de la notification, et ce selon les modalités prévues
aux articles R. 242-22 à R. 242-24 du même code. Ce délai est prolongé de deux mois pour les
personne
s domiciliées à l’étranger.
La révision d’un jugement peut être demandée après expiration
des délais d’appel, et ce dans les conditions prévues à l’article R. 242
-29 du même code.
1
Sauf si uniquement non-lieu à charge
7/7
jugement n° 2022-0002
Annexe :
Paiement d’
IHTS - exercice 2019 - Montant : 51
084,82 €
Comptable : Mme X...
Tableau non communiqué