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KCC A2200093 KZZ
07/01/2022
Ir 111
MINISTÈRE
DE LA TRANSITION
ÉCOLOGIQUE
Liberté
Égalité
Fraternité
Paris, le
3 1 DEC, 2021
Réf : BDC_CM/2021-1
2
/
4
6858
La ministre
a
Monsieur le Premier Président
de la Cour des comptes
Objet : Remarques du Ministère de la Transition écologique sur les observations définitives de la
Cour intitulées « Analyse des coûts du système de production électrique en France ».
Par courrier en date du 4 novembre 2021, vous m'avez adressé le relevé d'observations définitives
intitulées « Analyse des coûts du système de production électrique en France
».
J'en ai pris
connaissance avec intérêt et souhaite vous faire part de mes observations en application de
l'article R. 143-13 du code des juridictions financières.
Je vous remercie pour ce travail approfondi réalisé par la Cour sur les coûts des différents moyens
de production d'électricité, et ce alors que des choix importants se profilent concernant notre
mix
électrique, qui auront un impact sur plusieurs décennies. Ces choix seront discutés dans le
cadre des travaux d'élaboration de la stratégie française sur l'énergie et le climat qui aboutiront à
l'adoption d'une loi de programmation énergie-climat d'ici mi-2023 et à la révision de la
programmation pluriannuelle de l'énergie et de la stratégie nationale bas carbone d'ici mi-2024.
Comme vous le soulignez, la connaissance des coûts de production doit permettre d'éclairer les
choix à venir concernant notre
mix
électrique à moyen et long termes, et ceux concernant la mise
en place d'une nouvelle régulation du nucléaire.
S'agissant de la recommandation n° 1 sur la définition et la publication d'une méthodologie
d'établissement des coûts du nucléaire, le Gouvernement a missionné en 2019 la CRE pour établir
cette méthodologie dans la perspective d'une nouvelle régulation du nucléaire existant, qui
viendrait prendre la suite du dispositif de l'AREN
H.
Hôtel de Roquelaure
246 boulevard Saint-Germain — 75007 Paris
Tél : 33(0)1 40 81 21 22
www.ecologie.gouv.fr
Sur la base des travaux menés par la CRE, les échanges avec les services de la Commission
européenne ont permis d'aboutir à une méthodologie partagée d'établissement du coût du
nucléaire à prendre en compte pour cette nouvelle régulation. Les négociations globales, en
particulier sur la réforme d'EDF, ont vocation à se poursuivre avec la Commission pour aboutir à
une nouvelle régulation. Je partage votre recommandation de rendre publique, en particulier dans
un objectif de transparence, la méthodologie qui sera retenue.
S'agissant de la recommandation n° 2 sur l'intérêt de prendre en compte le coût complet du
mix
électrique, je partage l'intérêt et la nécessité de comparer les coûts complets relatifs aux analyses
économiques associées à chaque scénario de
mix
électrique, comme l'a fait RTE dans ses travaux
« Futurs Energétiques 2050 » dont les premiers résultats ont été publiés le 25 octobre dernier. En
effet, comme le souligne la Cour, il est nécessaire de considérer le système électrique comme un
ensemble indissociable où doivent être pris en compte les coûts de production des différentes
filières mais également l'ensemble des autres coûts dont les coûts de réseaux et les moyens de
flexibilité, et ainsi d'aller au-delà des seules analyses en coût moyen actualisé de chaque
technologie (dite méthode LCOE). En particulier, les synergies entre les éléments constitutifs du
système électrique peuvent avoir un impact significatif sur le coût global du système. Certains
arbitrages sont en particulier possibles entre des investissements dans les moyens de production
ou dans la flexibilité (notamment les effacements).
Sur les coûts du nouveau nucléaire, comme le prévoit la programmation pluriannuelle de l'énergie
2019-2028, le Gouvernement conduit depuis 2019, en lien avec la filière nucléaire, un programme
de travail pour disposer des éléments d'expertise sur les enjeux que posera la construction de
nouveaux réacteurs nucléaires en France. Ces travaux incluent l'appréciation à date des coûts et
des calendriers de conception et de construction de réacteurs de type EPR2. Les premiers
éléments issus de ces travaux ont été utilisés par RTE dans son étude « Futurs énergétiques 2050».
La Cour rappelle qu'EDF a transmis à RTE une estimation des coûts de prolongation du parc
nucléaire existant. Je partage le constat de la Cour qu'une identification précise des coûts
d'investissement nécessaires à la prolongation du parc nucléaire, selon les scénarios de
prolongation ou d'arrêt retenus, ainsi que leur communication régulière aux pouvoirs publics, et à
RTE, sont nécessaires. RTE a réalisé des variantes sur les coûts des différentes technologies, en y
intégrant la réalisation des « stress-tests » pour certaines filières pour lesquelles les incertitudes
sur l'évolution des coûts dans les prochaines décennies sont les plus importantes (nucléaire,
éolien en mer flottant).
La Cour souligne également l'importance des taux d'actualisation utilisés dans ces évaluations
pour prendre en compte les risques liés à certaines technologies moins matures. Si RTE, comme
indiqué dans les premiers résultats de l'étude « Futurs énergétiques 2050 », a prévu d'étudier des
variantes sur les taux d'actualisation, il convient également de souligner l'impact déterminant que
peuvent avoir les modalités de soutien public (régulation, obligation d'achat...) sur les taux
d'actualisation et les risques de financement de chaque filière. En particulier, le choix de RTE
d'utiliser un unique taux d'actualisation dans ses scénarios de référence apparait justifiable au
regard du niveau d'intervention publique et de régulation dans le domaine de l'énergie, pour la
plupart des filières de production considérées. Par ailleurs, il convient de noter que, du point de
vue d'un investisseur, le risque d'investissements ne se limite pas au seul risque technologique.
Certaines filières, pour lesquelles le risque technologique est relativement limité, connaissent
néanmoins des difficultés et des incertitudes dans la mise en oeuvre des projets, liées par exemple
à des contentieux.
S'agissant de la recommandation n° 3 sur la prise en compte des investissements associés à l'aval
du cycle du combustible dans les scénarios comprenant une hypothèse de renouvellement du
parc nucléaire, les coûts liés à la stratégie de traitement-recyclage, notamment si des opérations
de jouvence importantes de l'usine de La Hague étaient à prévoir, pourraient être importants à
moyen terme et doivent donc être pris en compte. C'est d'ailleurs le cas dans l'étude « Futurs
énergétiques 2050 » de RTE, qui intègre dans ses analyses économiques des investissements dans
l'aval du cycle à hauteur de plusieurs centaines de millions d'euros par an dans ses différents
scénarios, soit de 3 à 7 € par MWh nucléaire produit. Les travaux à venir du ministère, en
préparation des prochaines programmations pluriannuelles de l'énergie, permettront d'affiner ces
coûts associés à l'aval du cycle, afin d'éclairer les décisions à prendre s'agissant des perspectives
de poursuite de la stratégie de traitement-recyclage du combustible au-delà de l'horizon 2040.
S'agissant de la recommandation n° 4 sur la prise en compte des analyses présentées par RTE
dans l'étude d'impact de la future loi de programmation sur l'énergie et le climat prévue par
l'article L.100-1A du code de l'énergie, je souligne que les travaux prospectifs réalisés par RTE sur
le
mix
électrique étaient prévus dans la
PPE
2019-2028 afin de préparer les décisions des périodes
ultérieures.
L'étude de RTE apporte un éclairage déterminant sur les enjeux et défis du système électrique sur
lesquels la décision publique de choix du
mix
électrique à horizon 2050 prendra appui. Je partage
l'appréciation de la Cour selon laquelle cette décision ne peut être prise sur le seul fondement
d'une évaluation économique, quand bien même celle-ci prendrait en compte les coûts complets
du système électrique. En effet, les incertitudes à long terme sont tout à fait substantielles et les
coûts seuls ne prennent pas en compte les enjeux sociétaux, politiques et environnementaux
qu'une décision sur le
mix
électrique doit nécessairement intégrer également. Ainsi, l'étude
«Futurs énergétiques » étudie les impacts environnementaux (sur la trajectoire et l'empreinte
carbone, sur l'occupation des sols, sur la consommation de matières premières, etc.) et sociétaux
(acceptabilité des moyens de production, acceptabilité en termes de sobriété énergétique et de
flexibilité de la demande) des différents scénarios. Des résultats complémentaires à ceux publiés
en octobre dernier devraient être disponibles début 2022.
Je partage ainsi pleinement la nécessité de prendre en compte les analyses de RTE, dans toutes
leurs composantes, dans l'étude d'impact de la loi future loi de programmation sur l'énergie et le
climat, afin de permettre le bon déroulement du processus démocratique sur le choix du
mix
électrique à long terme.
Telles sont les observations sur les recommandations du ressort du ministère de la transition
écologique dont je souhaitais vous faire part.
Barbara POMPILI