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Première section
Jugement n° 2021- 0034 J
Audience publique du 3 septembre 2021
Prononcé du 24 septembre 2021
Commune de Guyancourt (78)
Poste comptable :
Saint-Quentin-en-Yvelines
Exercices contrôlés : 2013 à 2017
Exercice jugé : 2017
République Française
Au nom du peuple français
La Chambre,
Vu le réquisitoire du 26 mai 2020, par lequel le procureur financier a saisi la chambre en vue
de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de Mme X… et M. Y…,
comptables successifs de la commune de Guyancourt (Yvelines), au titre d’opérations
relatives à l’exercice 2017, notifié le 4 juin 2020 aux comptables et à l’ordonnateur ;
Vu les réponses de l’ordonnateur du 20 juillet 2020, de Mme X… du 23 septembre 2020, de
M. Y… du 23 septembre 2020 ;
Vu les justifications produites au soutien du compte en jugement ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu code général des collectivités territoriales ;
Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;
Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction
publique territoriale ;
Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable
publique ;
Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI
de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié dans sa rédaction issue de l’article 90 de
la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;
Vu le rapport de M. Paul Prigent, premier conseiller, magistrat chargé de l’instruction ;
Vu les conclusions de la procureure financière ;
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Vu les pièces du dossier ;
Entendu lors de l’audience publique du 3 septembre 2021, M. Paul Prigent, premier conseiller,
en son rapport, Mme Isabelle Banderet-Rouet, procureure financière, en ses conclusions et
M. Y…, comptable public, celui-ci ayant eu la parole en dernier ;
Entendu en délibéré M. Guillaume Dumay, premier conseiller, réviseur, en ses observations,
hors la présence du rapporteur et de la procureure financière ;
Attendu que, par le réquisitoire susvisé, le procureur financier a saisi la chambre à fin de
statuer sur la responsabilité personnelle et pécuniaire de Mme X… et M. Y…, comptables
successifs de la commune de Guyancourt, pour avoir payé au cours de l’exercice 2017, une
prime annuelle à 736 agents de la commune (présomption de charge n°1), et une prime de fin
d’année aux agents de la commune (présomption de charges n°2 et n°3), en l’absence des
pièces justificatives requises ;
Attendu qu'aux termes du I de l'article 60 de la loi du 23 février 1963 : « Les comptables publics
sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu'ils sont tenus
d'assurer en matière […] de dépenses […] dans les conditions prévues par le règlement
général sur la comptabilité publique. / La responsabilité personnelle et pécuniaire prévue
ci-dessus se trouve engagée dès lors […] qu'une dépense a été irrégulièrement payée […] » ;
qu’aux termes de l’article 19 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion
budgétaire et comptable publique, applicable au moment des paiements : « Les comptables
sont tenus d'exercer [...] en matière de dépenses, le contrôle […] de la validité de la créance
dans les conditions prévues à l'article 20 ci-après» ; que selon l’article 20 du même décret :
« le contrôle des comptables publics sur la validité de la dette porte sur : (…) 2° l’exactitude
de la liquidation (…) 5° la production des pièces justificatives (…). » règlementaires et la
production des justifications […] » ; qu’aux termes de l’article 38 du même texte, « lorsqu’à
l’occasion de l’exercice de leur contrôle, les comptables publics constatent des irrégularités,
ils doivent suspendre les paiements et en informer l’ordonnateur » ;
Attendu que l’article 88 de la loi du 26 janvier 1984 dispose que : « L’assemblée délibérante
de chaque collectivité territoriale […] fixe les régimes indemnitaires […] » ; que
l’article D.1617-19 du code général des collectivités territoriales […] dispose que : « Avant de
procéder au paiement d’une dépense ne faisant pas l’objet d’un ordre de réquisition, les
comptables publics des collectivités territoriales […] ne doivent exiger que les pièces
justificatives prévues pour la dépense correspondante dans la liste définie à l’annexe 1 du
présent code » ; que cette annexe I indique, en sa rubrique n°210223 « primes et indemnités»,
que pour procéder au paiement les comptables doivent disposer des pièces suivantes :
« 1. Décision de l’assemblée délibérante fixant la nature, les conditions d’attribution et le taux
moyen des indemnités ; 2 Décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination, fixant le
taux applicable à chaque agent. » ;
Sur la première présomption de charge, relative au paiement d’une prime annuelle à
736 agents de la commune ;
Sur le manquement
Attendu que le comptable en poste au cours de l’année 2017 a payé, en décembre 2017, une
prime annuelle, par deux mandats collectifs, à 736 agents de la commune, pour un montant
total de 220 891,87 €, sans avoir disposé au moment des paiements de la délibération requise
par les textes susmentionnés ;
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Attendu que le comptable en fonction au moment du paiement ne produit ni la délibération du
conseil municipal fondant le paiement de ce complément de rémunération, ni les décisions
individuelles attributives telles que prévues par la rubrique n°210223 susvisée ; qu’en
l’absence des pièces justificatives requises, le comptable aurait dû suspendre les paiements
et demander à l’ordonnateur des justifications complémentaires ;
Attendu qu’il résulte de ce qui précède qu’en payant une prime annuelle à 736 agents de la
commune de Guyancourt en l’absence d’une délibération du conseil municipal, M. Y… a
manqué à son obligation de contrôle de la validité de la dépense et de la production des pièces
justificatives, et commis un manquement de nature à engager sa responsabilité personnelle
et pécuniaire au titre de l’exercice 2017 à hauteur de
220 891,87 € ;
Sur le préjudice
Attendu que le comptable comme l’ordonnateur défendent que le manquement n’a pas causé
de préjudice financier à la commune ;
Attendu que le manquement doit être regardé comme n’ayant pas causé de préjudice financier
lorsqu’il ressort des pièces du dossier, y compris des éléments postérieurs aux manquements
en cause, que la dépense reposait sur les fondements juridiques dont il appartenait au
comptable de vérifier l’existence au regard de la nomenclature, que l’ordonnateur a voulu
exposer la dépense et, le cas échéant, que le service a été fait ;
Attendu qu’en l’absence de la délibération instaurant la prime annuelle en cause, celle-ci n’était
pas due ; qu’ainsi le manquement du comptable a causé un préjudice financier à la commune
de Guyancourt ;
Attendu qu’aux termes du VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée : « Lorsque le
manquement du comptable […] a causé un préjudice financier à l'organisme public concerné
[…], le comptable a l'obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme
correspondante » ; qu’ainsi, il y a lieu de constituer M. Y…, débiteur de la commune de
Guyancourt, pour un montant de 220 891,87 €, au titre de l’exercice 2017 ;
Attendu qu’aux termes du VIII de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 précitée, « les débets
portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité
personnelle et pécuniaire des comptables publics », qu’en l’espèce, il s’agit de la date de
notification du réquisitoire à l’intéressé, soit le 5 juin 2020 ;
Sur les deuxième et troisième présomptions de charges, relative au paiement d’une
prime de fin d’année à tous les agents de la commune ;
Sur le manquement
Attendu que les comptables en poste au cours de l’année 2017, ont payé une prime de fin
d’année aux agents de la commune pour la somme totale de, respectivement, 740 308,96 €,
de janvier à octobre 2017, et 710 648,25 €, en novembre et décembre 2017, sans avoir
disposé au moment des paiements, des décisions individuelles de l’autorité investie du pouvoir
de nomination fixant le taux et le montant applicable à chaque agent, permettant de vérifier la
correcte liquidation de la prime de fin d’année versée au titre de l’exercice 2017 ;
Attendu que les comptables successifs soutiennent qu’il ne leur appartient pas d’effectuer le
contrôle de la légalité des actes de l’ordonnateur et de vérifier que la prime, considérée comme
un avantage collectivement acquis, avait été instituée avant 1984 ;
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Attendu cependant que la chambre ne demande pas aux comptables de juger de la légalité
des actes de la collectivité, mais de satisfaire à leurs obligations de contrôle de la validité de
la dépense et de l’exactitude de sa liquidation, au regard des pièces requises par la
nomenclature des dépenses publiques locales ; que la question de la légalité du versement
des primes litigieuses n’est pas en cause devant la juridiction financière ; que le moyen précité
est par conséquent inopérant ;
Attendu que la délibération du 28 juin 1985, transmise par les comptables publics, qui prévoit,
en son article 2, que la prime de fin d’année, versée jusque-là par le comité des œuvres
sociales, le sera désormais à tout le personnel communal, sauf aux agents remplaçants, est
trop imprécise pour permettre de justifier les modalités de versement de la prime, les
évolutions de la « base horaire », ainsi que les calculs des montants individuels par référence
à l’assujettissement des agents au « 1 % solidarité
; qu’en tout état de cause la deuxième des
pièces exigée par la nomenclature, à savoir la décision, pour chaque agent concerné, de
l’autorité investie du pouvoir de nomination fixant le taux et le montant de la prime qui lui sont
applicables, n’est pas produite, un tableau Excel, ni daté ni signé de l’autorité investie du
pouvoir de nomination, explicitant, pour 12 agents, le calcul de la prime, ne pouvant suppléer
cette absence ;
Attendu qu’il résulte de ce qui précède qu’en payant une prime de fin d’année aux agents de
la commune de Guyancourt en l’absence d’une part, d’une délibération suffisamment précise
et d’autre part, des décisions individuelles de l’autorité investie du pouvoir de nomination,
accompagnées des décomptes individuels relatifs aux agents concernés, Mme X… et M. Y…
ont manqué à leur obligation de contrôle de la validité de la dépense et engagé leur
responsabilité personnelle et pécuniaire ;
Sur le préjudice
Attendu que les comptables comme l’ordonnateur défendent que les manquements n’ont pas
causé de préjudice financier à la commune ;
Attendu que le manquement doit être regardé comme n’ayant pas causé de préjudice financier
lorsqu’il ressort des pièces du dossier, y compris des éléments postérieurs aux manquements
en cause, que la dépense reposait sur les fondements juridiques dont il appartenait au
comptable de vérifier l’existence au regard de la nomenclature, que l’ordonnateur a voulu
exposer la dépense et, le cas échéant, que le service a été fait ;
Attendu qu’en l’absence tout à la fois d’une délibération suffisamment précise créant la prime
en cause et des décisions individuelles établies par l’autorité investie du pouvoir de
nomination, fixant pour chaque agent, le taux applicable et les bases de la liquidation de cette
prime de fin d’année, celle-ci n’était pas due ; qu’ainsi les manquements des comptables ont
causé un préjudice financier à la commune de Guyancourt ;
Attendu qu’aux termes du VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée : « Lorsque le
manquement du comptable […] a causé un préjudice financier à l'organisme public concerné
[…], le comptable a l'obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme
correspondante » ; qu’ainsi, il y a lieu de constituer Mme X… et M. Y…, débiteurs de la
commune de Guyancourt pour un montant respectivement de 710 648,25 € et 740 308,96 €,
au titre de l’exercice 2017 ;
Attendu qu’aux termes du VIII de l’article 60 de la loi du 23 février susvisée : « Les débets
portent intérêts au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité
personnelle et pécuniaire des comptables publics » ; que les débets mentionnés ci-dessus
porteront intérêt au taux légal à compter de la date de notification du réquisitoire à Mme X…
soit du 4 juin 2020 et M. Y… du 5 juin 2020 ;
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Sur le contrôle hiérarchisé de la dépense ;
Attendu qu’aux termes du IX de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée : « Les
comptables publics dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu dans les
cas mentionnés au troisième alinéa du même VI peuvent obtenir du ministre chargé du budget
la remise gracieuse des sommes mises à leur charge. Hormis le cas de décès du comptable
ou de respect par celui-ci, sous l'appréciation du juge des comptes, des règles de contrôle
sélectif des dépenses, aucune remise gracieuse totale ne peut être accordée au comptable
public dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu par le juge des
comptes, le ministre chargé du budget étant dans l'obligation de laisser à la charge du
comptable une somme au moins égale au double de la somme mentionnée au deuxième
alinéa dudit VI. » ; qu’aux terme de l’article 1er du décret du 10 décembre 2012 susvisé : « La
somme maximale pouvant être mise à la charge du comptable, conformément aux dispositions
du deuxième alinéa du VI de l'article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, est fixée à un
millième et demi du montant du cautionnement prévu pour le poste comptable considéré. » ;
Attendu que le plan de contrôle sélectif de la dépense applicable pour l’année 2017 ne
prévoyait ni le contrôle de la prime annuelle ni celui de la prime de fin d’année ; qu’il précisait
toutefois qu’« au regard de l’analyse des risques et des enjeux effectuée par le comptable, les
autres éléments relatifs à la paye, non mentionnés ci-dessus, ne donnent lieu à aucun contrôle
pour 2017 » ; qu’il y a donc lieu de conclure que les comptables ont respecté le plan de contrôle
sélectif de la dépense ;
Attendu que, dans ces conditions, en cas de remise gracieuse du débet prononcé, le ministre
chargé du budget pourra laisser à la charge des comptables, une somme inférieure à trois
millièmes du montant du cautionnement de leur poste comptable, soit 531 €;
Attendu que les débets prononcés au titre des charges précitées peuvent être regroupés pour
chacun des comptables en un seul, les manquements étant de même nature et portant sur un
même exercice ;
Par ces motifs,
DÉCIDE :
Article 1
er
: Mme X… est constituée débitrice de la commune de Guyancourt, pour la somme
de 740 308,96 €, augmentée des intérêts de droit à compter du 4 juin 2020.
Article 2 : En cas de remise gracieuse du débet mentionné à l’article 1
er
, le ministre chargé du
budget pourra laisser à la charge de Mme X… une somme inférieure à trois millièmes du
montant du cautionnement de son poste comptable, soit 531 €.
Article 3 : Il est sursis à la décharge de Mme X… pour sa gestion de l’exercice 2017 du 1
er
janvier au 1
er
novembre 2017 jusqu'à la constatation de l'apurement du débet prononcé ci-
dessus.
Article 4 : M. Y… est constitué débiteur de la commune de Guyancourt, pour la somme de
931 540,12 €, augmentée des intérêts de droit à compter du 5 juin 2020.
Article 5 : En cas de remise gracieuse du débet mentionné à l’article 4, le ministre chargé du
budget pourra laisser à la charge de M. Y… une somme inférieure à trois millièmes du montant
du cautionnement de son poste comptable, soit 531 €.
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Article 6 : Il est sursis à la décharge de M. Y… pour sa gestion de l’exercice 2017 du 2
novembre au 31 décembre 2017 jusqu'à la constatation de l'apurement du débet prononcé ci-
dessus.
Fait et jugé par M. Patrick Prioleaud, président de section, président de séance ;
MM. Ahmed Slimani, Guillaume Dumay, premiers conseillers.
En présence de M. Patrick Leinot, greffier de séance.
Nadia Dumoulin
Patrick Prioleaud
Greffière
Président de section
En conséquence, la République Française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur
ce requis, de mettre les dispositions définitives dudit jugement à exécution, aux procureurs
généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir
la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en
seront légalement requis.
En application des articles R. 242-14 à R. 242-16 du code des juridictions financières, les
jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel
devant la Cour des comptes dans le délai de deux mois à compter de la notification, et ce
selon les modalités prévues aux articles R. 242-17 à R. 242-19 du même code. Ce délai est
prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l’étranger. La révision d’un jugement
peut être demandée après expiration des délais d’appel, et ce dans les conditions prévues à
l’article R. 242-26 du même code.