Sort by *
15, rue d'Escures
BP 2425
45032 ORLÉANS CEDEX 1
T
+33 2 38 78 96 00
F
+33 2 77 41 05 91
centrevaldeloire@crtc.ccomptes.fr
Site internet www.ccomptes.fr
Jugement n° 2021-0006
Audience publique du 8 septembre 2021
Jugement prononcé le 8 octobre 2021
Centre hospitalier de Vierzon
Cher
018 042 202
Exercices 2016 et 2017
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA CHAMBRE,
Vu le code des juridictions financières ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu l'article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 modifié ;
Vu les textes législatifs et réglementaires relatifs à la comptabilité des établissements publics
de santé ;
Vu le décret 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable
publique ;
Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI
de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié ;
Vu l’arrêté du 8 décembre 2015 relatif au jugement des comptes et à l’examen de la gestion de
certaines catégories d’établissements publics nationaux et l’arrêté du 12 décembre 2017 relatif
à la délégation par la Cour des comptes aux chambres régionales et territoriales des comptes du
jugement des comptes et du contrôle des comptes et de la gestion de certaines catégories
d’organismes publics ;
Vu les textes législatifs et réglementaires applicables ;
Vu le réquisitoire du ministère public n° R/21/005/REQ du 28 avril 2021 ;
Vu les comptes rendus en qualité de comptables du centre hospitalier de Vierzon par MM. X et
Y, respectivement en fonction du 1
er
janvier 2016 au 30 juin 2016 et du 1
er
janvier 2017 au 31
décembre 2017 ;
2 / 6
Jugement n° 2021-0006 – centre hospitalier de Vierzon (Cher)
Vu les justifications produites au soutien des comptes ou communiquées au cours de
l’instruction ;
Vu l’ensemble des pièces du dossier ;
Vu le rapport n° 2021-0059 de M. Matthieu Waysman, premier conseiller, communiqué au
ministère public le 26 juillet 2021 ;
Vu les conclusions n° C/21/055/JAFJ du 10 août 2021 du procureur financier ;
Après avoir entendu lors de l’audience publique du 8 septembre 2021 M. Matthieu Waysman,
premier conseiller, en son rapport et M. Marc Simon, procureur financier, en ses conclusions ;
les autres parties, dûment avisées de la tenue de l’audience n’étant ni présentes, ni représentées ;
Entendu en délibéré M. Olivier Cuny, premier conseiller, réviseur, en ses observations ;
Sur les présomptions de charge n° 1 et n° 2 soulevées à l’encontre de MM. X et Y au titre
des exercices 2016 et 2017
1-
Sur le rappel du réquisitoire
ATTENDU que par réquisitoire susvisé du 28 avril 2021, le procureur financier, ayant saisi la
chambre régionale des comptes aux fins de statuer sur la responsabilité encourue par MM. X et
Y, comptables successifs du centre hospitalier de Vierzon, a estimé que leur responsabilité
personnelle et pécuniaire pouvait être mise en jeu pour avoir pris en charge les mandats de
paiement n° 2016/2861 et n° 2017/6296 les 7 avril 2016 et 5 juillet 2017 pour un montant de
7 098,19
et 321,09
et les avoir imputés en section d'investissement à l'article 23823 «
Constructions sur sol propre » en lieu et place d’une imputation en section de fonctionnement
au compte de charge 6168 alors que l’objet du mandat 2016/2861 « IRM assurances DO » ainsi
que les pièces justificatives à l'appui des deux mandats faisaient explicitement référence au
paiement d'une assurance dommage ouvrage ;
ATTENDU qu’en ne s’assurant pas de l’exacte imputation comptable des dépenses, M. X,
comptable en fonction au premier semestre 2016, et M. Y, comptable en fonction en 2017,
semblaient avoir engagé leur responsabilité personnelle et pécuniaire respectivement au titre de
2016 pour un montant de 7 098,19
(charge n° 1) et au titre de 2017 pour un montant de
321,09
(charge n° 2) ;
3 / 6
Jugement n° 2021-0006 – centre hospitalier de Vierzon (Cher)
2-
Sur le manquement des comptables à leurs obligations
-
Sur le droit applicable
ATTENDU qu’aux termes des dispositions du 1
er
alinéa du I de l'article 60 de la loi du
23 février 1963 susvisée, « les comptables publics sont personnellement et pécuniairement
responsables […] du paiement des dépenses […]/ les comptables publics sont personnellement
et pécuniairement responsables des contrôles qu’ils sont tenus d’assurer en matière […] de
dépenses […]dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique./
La responsabilité personnelle et pécuniaire prévue ci-dessus se trouve engagée dès lors […]
qu’une dépense a été irrégulièrement payée […] » ;
ATTENDU qu’en application de l’article 18 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif
à la gestion budgétaire et comptable publique, « dans le poste comptable qu’il dirige, le
comptable est seul chargé (…) 4° De la prise en charge des ordres de recouvrer et de payer qui
lui sont remis par les ordonnateurs ; 7° Du paiement des dépenses, soit sur ordre des
ordonnateurs, soit au vu des titres présentés par les créanciers, soit de leur propre initiative
» ;
ATTENDU qu’aux termes de l’alinéa 2 de l’article 19 de ce même décret les comptables publics
assurent, en matière de dépenses, le contrôle
«
de l’exacte imputation des dépenses au regard
des règles relatives à la spécialité des crédits
» ;
ATTENDU qu’aux termes de son article 38 : « Sans préjudice des dispositions prévues par le
code général des collectivités territoriales et par le code de la santé publique, lorsqu'à l'occasion
de l'exercice des contrôles prévus au 2° de l'article 19 le comptable public a constaté des
irrégularités ou des inexactitudes dans les certifications de l'ordonnateur, il suspend le paiement
et en informe l'ordonnateur. Ce dernier a alors la faculté d'opérer une régularisation ou de
requérir par écrit le comptable public de payer. » ;
-
Sur les éléments de faits
ATTENDU que les mandats de paiement n° 2016/2861 et 2017/6296 précités ont été imputés
en section d'investissement à l'article 23823 « Constructions sur sol propre » en lieu et place
d’une imputation en section de fonctionnement au compte de charge 6168 tel que le prévoit la
nomenclature comptable M21 ;
ATTENDU que l’intitulé du mandat n° 2016/2861 précisait la mention « IRM-Assurance
D.O. », qu’il était accompagné de la facture émanant de la SMACL assurance avec pour
mention « objet du marché : Assurance Dommages ouvrages » ; que le mandat n° 2017/6296
comportait l’intitulé « Assurance dommage ouvrage : ajustement de cotisation au 17 mai 2017 »
et qu’il était également accompagné de la facture émanant de la SMACL assurance avec pour
objet du marché « Assurance Dommages ouvrages » ; qu’ainsi la nature exacte de ces dépenses
était connue des comptables en cause ;
-
Sur l’application du droit au cas d’espèce
ATTENDU que le contrôle de l’exacte imputation de la dépense se fonde sur l’application de
de l’instruction codificatrice M21 applicable aux établissements publics de santé ; qu’en
l’espèce, cette instruction précise que « Les primes d'assurance obligatoires destinées à couvrir
4 / 6
Jugement n° 2021-0006 – centre hospitalier de Vierzon (Cher)
les éventuels dommages qui interviendraient pendant la période décennale sur un ouvrage que
l'établissement a fait construire doivent être inscrites en charge (compte 6168) » ;
ATTENDU que les éléments dont disposaient les comptables en cause au moment de la prise
en charge étaient suffisants pour procéder à la correcte imputation comptable des mandats lors
de leur prise en charge ; que les deux comptables en cause confirment les erreurs d’imputation ;
ATTENDU qu’il résulte de ce qui précède que l’imputation en section d’investissement au
compte 23823 retenue par les comptables en cause ne correspond pas à la nature réelle des
dépenses considérées ; que celles-ci auraient dû être prises en charge au compte 6168 concerné
de la classe 6, compte de charges, et non sur un compte de d’immobilisation de la classe 2
destiné à enregistrer les dépenses d’investissement ;
ATTENDU que dans ces conditions, à défaut d’avoir suspendu les paiements, MM. X et Y ont
manqué aux obligations auxquelles ils étaient tenus en application des articles 19 et 38 du décret
du 7 novembre 2012 précités ;
ATTENDU qu’il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de mettre en jeu la responsabilité des
comptables en cause à raison de la présomption de charge n° 1 à l’encontre de M. X, comptable
du centre hospitalier de Vierzon au titre de sa gestion des comptes de 2016 et de la présomption
de charge n° 2 à l’encontre de M. Y, comptable du centre hospitalier de Vierzon au titre de sa
gestion des comptes de 2017 ;
3-
Sur l’existence d’un préjudice financier
ATTENDU qu’aux termes du paragraphe VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963
susvisée :
« (…)
lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I a causé
un préjudice financier à l’organisme public concerné ou que, par le fait du comptable public,
l’organisme public a dû procéder à l’indemnisation d’un autre organisme public ou d’un tiers
ou a dû rétribuer un commis d’office pour produire les comptes, le comptable a l’obligation de
verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante
»
;
ATTENDU qu’un préjudice financier résulte d'une perte provoquée par une opération de
décaissement ou un défaut de recouvrement d'une recette, donnant lieu à une constatation dans
la comptabilité de l'organisme et se traduisant par un appauvrissement patrimonial de la
personne publique non recherché par cette dernière ;
ATTENDU que pour déterminer si le paiement irrégulier d'une dépense par un comptable
public a causé un préjudice financier à l'organisme public concerné, il appartient au juge des
comptes de vérifier, au vu des éléments qui lui sont soumis à la date à laquelle il statue, si la
correcte exécution, par le comptable, des contrôles lui incombant aurait permis d'éviter que soit
payée une dépense qui n'était pas effectivement due ; que, lorsque le manquement du comptable
porte sur l'exactitude de la liquidation de la dépense et qu'il en est résulté un trop-payé, ou
conduit à payer une dépense en l'absence de tout ordre de payer ou une dette prescrite ou non
échue, ou à priver le paiement d'effet libératoire, il doit être regardé comme ayant par lui-même,
sauf circonstances particulières, causé un préjudice financier à l'organisme public concerné ;
qu’à l'inverse, lorsque le manquement du comptable aux obligations qui lui incombent au titre
du paiement d'une dépense porte seulement sur le respect de règles formelles que sont l'exacte
imputation budgétaire de la dépense ou l'existence du visa du contrôleur budgétaire lorsque
celle-ci devait, en l'état des textes applicables, être contrôlée par le comptable, il doit être
5 / 6
Jugement n° 2021-0006 – centre hospitalier de Vierzon (Cher)
regardé comme n'ayant pas par lui-même, sauf circonstances particulières, causé de préjudice
financier à l'organisme public concerné ; que le manquement du comptable aux autres
obligations lui incombant, telles que le contrôle de la qualité de l'ordonnateur ou de son délégué,
de la disponibilité des crédits, de la production des pièces justificatives requises ou de la
certification du service fait, doit être regardé comme n'ayant, en principe, pas causé un préjudice
financier à l'organisme public concerné lorsqu'il ressort des pièces du dossier, y compris
d'éléments postérieurs aux manquements en cause, que la dépense repose sur les fondements
juridiques dont il appartenait au comptable de vérifier l'existence au regard de la nomenclature,
que l'ordonnateur a voulu l'exposer, et, le cas échéant, que le service a été fait ;
ATTENDU que l’ensemble des parties font valoir que les manquements n’ont pas causé de
préjudice au centre hospitalier de Vierzon ;
ATTENDU que si les inscriptions comptables avaient été correctement réalisées sur le compte
6168, les crédits inscrits étaient suffisants pour assurer une dépense de 7 098,19
en 2016 et
de 321,09
en 2017 ;
ATTENDU qu’ainsi, il ne résulte donc pas pour le centre hospitalier de Vierzon de préjudice
financier du fait des manquements des comptables ;
4-
Sur le montant de la somme non rémissible
ATTENDU que le VI de l’article 60 de la loi de finances du 23 février 1963 susvisée dispose
que « Lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I n’a pas causé de
préjudice financier à l’organisme public concerné, le juge des comptes peut l’obliger à
s’acquitter d’une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances de
l’espèce. Le montant maximal de cette somme est fixé par décret en Conseil d’État en fonction
du niveau des garanties mentionnées au II » ; que ce montant est fixé par le décret du
10 décembre 2012 susvisé à « un millième et demi du montant du cautionnement prévu pour le
poste comptable considéré » ;
ATTENDU que le montant du cautionnement prévu pour le poste comptable était fixé à
243 000
pour les exercices 2016 et 2017 ; qu’il s’ensuit que le montant maximum de la somme
non rémissible à la charge de MM. X et de Y s’élève pour chacun des comptables en cause à la
même somme de 364,50
;
ATTENDU que M. X fait valoir les considérables difficultés de trésorerie rencontrées par le
centre hospitalier de Vierzon ; que M. Y fait valoir qu’au cas d’espèce la correcte application
du contrôle hiérarchisé de la dépense en 2016 et 2017 est de nature à atténuer sa responsabilité
et celle de son prédécesseur ;
ATTENDU qu’en considération de la nature formelle du manquement et la modicité des
sommes en jeu au regard des difficultés de gestion liées à la situation financière de
l’établissement ; il sera fait une exacte appréciation des circonstances de l’espèce en arrêtant
cette somme à 182
pour chacun des comptables en cause au titre des exercices 2016 et 2017 ;
ATTENDU qu'une somme non rémissible est d'une autre nature que les débets, seuls visés par
le paragraphe III de l'article 60 de la même loi du 23 février 1963 ; qu'elle n'est, dès lors, pas
productive d'intérêts ;
6 / 6
Jugement n° 2021-0006 – centre hospitalier de Vierzon (Cher)
PAR CES MOTIFS,
ORDONNE CE QUI SUIT :
Article 1
er
:
M. X devra s’acquitter au titre de sa gestion du 1
er
janvier 2016 au 30 juin 2016
d’une somme de cent quatre-vingt-deux euros (182
), en application du deuxième alinéa du
paragraphe VI de l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 (charge n° 1). Cette somme
ne peut faire l’objet d’une remise gracieuse en vertu du paragraphe IX de l’article 60 précité.
Article 2 :
M. Y devra s’acquitter au titre de sa gestion du 1
er
janvier 2017 au 31 décembre
2017 d’une somme de cent quatre-vingt-deux euros (182
), en application du deuxième alinéa
du paragraphe VI de l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 (charge n° 2). Cette
somme ne peut faire l’objet d’une remise gracieuse en vertu du paragraphe IX de l’article 60
précité.
Article 3
: Il est sursis à la décharge de M. X pour sa gestion du 1
er
janvier 2016 au 30 juin 2016
jusqu’à la constatation de l’apurement de la somme non rémissible prononcée à son encontre.
Article 4
: Il est sursis à la décharge de M. Y pour sa gestion du 1
er
janvier 2017 au 31 décembre
2017 jusqu’à la constatation de l’apurement de la somme non rémissible prononcé à son
encontre.
Après avoir délibéré, hors la présence du rapporteur et du procureur financier ;
Fait et jugé par Mme Brigitte Beaucourt, présidente de section, présidente de séance,
Mme Annick Nenquin, première conseillère, M. Olivier Cuny, premier conseiller,
MM. Sylvain Maréchal et Nicolas Francillon, conseillers ;
En présence de Mme Isabelle Martin-Vallet, greffière de séance.
La greffière de séance
Isabelle Martin-Vallet
La présidente de séance,
présidente de section
Brigitte Beaucourt
En conséquence, la République mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de
mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République
près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la
force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
Voies et délais de recours :
En application des articles R. 242-19 à R. 242-21 du code des juridictions financières, les jugements prononcés par la
chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel devant la Cour des comptes dans le délai de deux mois à
compter de la notification, et ce selon les modalités prévues aux articles R. 242-22 à R. 242-24 du même code. Ce délai
est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l’étranger. La révision d’un jugement peut être demandée
après expiration des délais, et ce dans les conditions prévues à l’article R. 242-29 du même code.