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Jugement n° 2021-0005
Audience publique du 8 septembre 2021
Jugement prononcé le 8 octobre 2021
Communauté d'agglomération du Pays
de Dreux
Eure-et-Loir
028 036 895
Exercices 2016 et 2017
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA CHAMBRE,
Vu le code des juridictions financières ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code monétaire et financier ;
Vu l'article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 modifié ;
Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l’État, les
départements, les communes et les établissements publics ;
Vu les textes législatifs et réglementaires relatifs à la comptabilité des établissements publics
de coopération intercommunale ;
Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable
publique ;
Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI
de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié ;
Vu le réquisitoire du ministère public n° R/20/076/REQ du 29 décembre 2020 ;
Vu les comptes rendus en qualité de comptables de la communauté d'agglomération du Pays de
Dreux par MM. X et Y, respectivement en fonction du 1
er
janvier 2016 au 31 décembre 2016 et
du 3 juillet 2017 au 31 décembre 2017 ;
Vu les justifications produites au soutien des comptes ou communiquées au cours de
l’instruction ;
Vu l’ensemble des pièces du dossier ;
Vu le rapport n° 2021-0050 de M. Jean-Claude Meftah, premier conseiller, communiqué au
ministère public le 6 juillet 2021 ;
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Jugement n° 2021-0005 - Communauté d'agglomération du Pays de Dreux (Eure-et-Loir)
Vu les conclusions n° C/21/045/JAFJ du 20 juillet 2021 du procureur financier ;
Après avoir entendu lors de l’audience publique du 8 septembre 2021 M. Jean-Claude Meftah,
premier conseiller, en son rapport et M. Marc Simon, procureur financier, en ses conclusions,
les autres parties, dûment avisées de la tenue de l’audience, n’étant ni présentes ni représentées ;
Entendu en délibéré M. Sylvain Maréchal, conseiller, réviseur, en ses observations ;
Sur les présomptions de charges n° 1 et 2 soulevées respectivement à l’encontre de
M. X, au titre de l’exercice 2016, et de M. Y, au titre de l’exercice 2017
1-
Sur le rappel du réquisitoire
ATTENDU que, par réquisitoire susvisé du 29 décembre 2020, le procureur financier a saisi la
chambre régionale des comptes aux fins de statuer sur la responsabilité encourue par
MM. X et Y, comptables publics de la communauté d'agglomération du Pays de Dreux (CAPD),
à raison de deux présomptions de charges au titre de leurs gestions respectives du 1
er
janvier au
31 décembre 2016 et du 3 juillet au 31 décembre 2017 ; qu’il a estimé, d’une part, que la
responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X pouvait être mise en jeu à hauteur de
6 053,35
pour avoir procédé au paiement, en 2016, d’un mandat au compte 673 du budget
annexe de l’assainissement sans disposer de l’état requis par l’annexe I (rubrique 132) du code
général des collectivités territoriales (présomption de charge n° 1) ; qu’il a considéré, d’autre
part, que la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. Y pouvait être engagée à hauteur de
134 317,28
pour avoir procédé au paiement, en 2017, de dix mandats au compte 673 du budget
annexe de l’assainissement sans disposer de l’état requis par la même rubrique 132
(présomption de charge n° 2) ;
2-
Sur les manquements des comptables à leurs obligations
-
Sur le droit applicable
ATTENDU qu’en application de l'article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, les comptables
publics sont personnellement et pécuniairement responsables notamment du paiement des
dépenses, de la conservation des pièces justificatives des opérations et documents de
comptabilité ainsi que de la tenue de la comptabilité du poste comptable qu’ils dirigent ; que
leur responsabilité personnelle et pécuniaire se trouve engagée dès lors qu'une dépense a été
irrégulièrement payée ; que cette responsabilité s’apprécie au moment des paiements ;
ATTENDU qu’aux termes de l’article 19 du décret n° 2012-1246 susvisé, « le comptable est
tenu d’exercer le contrôle (...) de la validité de la dette dans les conditions prévues à
l’article 20 » ; que cette dernière disposition prévoit que le contrôle des comptables publics sur
la validité de la dette porte notamment sur « la production des pièces justificatives » ; qu’en
application de l’article 38 du même décret, « sans préjudice des dispositions prévues par le code
général des collectivités territoriales et par le code de la santé publique, lorsqu'à l'occasion de
l'exercice des contrôles prévus au 2° de l'article 19 le comptable public a constaté des
irrégularités ou des inexactitudes dans les certifications de l'ordonnateur, il suspend le paiement
et en informe l'ordonnateur. Ce dernier a alors la faculté d'opérer une régularisation ou de
requérir par écrit le comptable public de payer. » ;
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ATTENDU qu’aux termes de la rubrique 132 « Annulation ou réduction de recettes
» de la liste
des pièces justificatives annexée à l'article D. 1617-19 précité, dans sa version en vigueur du
23 janvier 2016 au 1
er
juillet 2021, il est exigé à l’appui du paiement d’un mandat procédant à
l’annulation d’une recette un « état précisant, pour chaque titre, l'erreur commise » ;
ATTENDU qu’en application de l’instruction budgétaire et comptable M4, « les réductions et
annulations de recettes ont pour objet de rectifier des erreurs matérielles. Elles sont constatées
au vu d’un document rectificatif établi par l’ordonnateur et comportant les caractéristiques du
titre de recettes rectifié (notamment date, numéro, montant, imputation) ainsi que les motifs de
la rectification » ;
-
Sur les éléments de fait
ATTENDU que, d’une part, M. X a procédé à l’annulation d’un titre émis à l’encontre de la
commune de Serazereux par mandat n° 811, d’un montant de 6 053,35
, pris en charge le 6
septembre 2016 sur le compte 673 du budget annexe « assainissement » de la CAPD ; que le
mandat litigieux était accompagné uniquement d’une mise en demeure établie par le comptable
et datée du 14 mars 2016 (présomption de charge n° 1) ;
ATTENDU que, d’autre part, M. Y a procédé l’annulation de dix titres par mandats n° 1258,
1259, 1260, 1261, 1262, 1263, 1264, 1266, 1267 et 1268, ainsi que détaillé dans le tableau ci-
dessous, à hauteur de 134 317,28
; que les mandats étaient accompagnés uniquement d’un
tableau énumèrant divers titres et d’échanges par messagerie électronique entre les services de
la CAPD et la trésorerie, datés des 12 et 27 mai 2016 (présomption de charge n° 2) ;
Bord.
Mandat
Date PEC
Objet
Montant
153
811
06/09/2016
Annulation Titre 595 2013 suite intégration commune de Sérazereux
ASST mise en demeure Sérazereux
7 239,81
383
1258
31/12/2017
Annulation Titre de 2013 T-700300000013 émis par le SIAVEURE
commune de Mézières
62 010,53
383
1259
31/12/2017
Annulation Titre de 2007 T-700300000013 émis par le SIAVEURE
CADD commune de Sainte-Gemme
6 682,24
383
1260
31/12/2017
Annulation Titre de 2007 T-700300000032 émis par le SIAVEURE
CADD commune de Sainte-Gemme
10 073,73
383
1261
31/12/2017
Annulation Titre de 2008 T-700300000011 émis par le SIAVEURE
CADD commune de Sainte-Gemme
8 944,36
383
1262
31/12/2017
Annulation Titre de 2008 T-700300000030 émis par le SIAVEURE
CADD commune de Sainte-Gemme
25 071,20
383
1263
31/12/2017
Annulation Titre de 2008 T-700300000039 émis par le SIAVEURE
CADD commune de Sainte-Gemme
1 628,00
383
1264
31/12/2017
Annulation Titre de 2008 T-700300000043 émis par le SIAVEURE
CADD commune de Sainte-Gemme
1 628,00
383
1266
31/12/2017
Annulation titre 433 BD 102 2014 - Role 15-14 commune de Brezolles
redevance assainissement
2 125,50
383
1267
31/12/2017
Annulation Titre de 2005 T-700300000011 émis par le SIAVEURE
CADD commune de Sainte-Gemme
7 084,56
383
1268
31/12/2017
Annulation Titre de 2006 T-700300000009 émis par le SIAVEURE
CADD commune de Sainte-Gemme
9 069,16
-
Sur les réponses des parties
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ATTENDU qu’en réponse au réquisitoire, M. X relève, en premier lieu, que la nature de la
dépense ressort sans équivoque de son libellé (« annulation titre 595/2013 suite à intégration de
la commune de Sérazereux – Assainissement ») ; qu’il soutient, en deuxième lieu, que
l’adhésion de la commune de Serazereux à la CAPD, à compter du 1
er
janvier 2014, a eu pour
effet le transfert de la compétence assainissement à cet établissement public de coopération
intercommunale et que, par suite, ce dernier « a recueilli un actif et un passif
« assainissement » » dans le budget annexe correspondant ; que, selon son analyse, la CAPD
s’est trouvée simultanément « en situation de créancière à la date du 17/09/2013 et de débitrice
à la date du 29/07/2016 » et qu’il n’y avait dès lors « d’autre alternative, pour la CAPD, que
d’annuler le titre 595 du 17/09/2013 en émettant le mandat 811 du 29/07/2016 » ; qu’il fait
valoir, en troisième lieu, que l’annulation du titre de recette s’apparente « à une opération
d’ordre budgétaire, sans mouvement du compte au trésor 515 » ;
ATTENDU qu’en réponse au réquisitoire, M. Y affirme, en premier lieu, que « la décision
d’annulation des titres non soldés du SIAVEURE a effectivement été prise d’un commun
accord suite à diverses réunions entre les services de la CAPD et la trésorerie » ; qu’il joint à sa
réponse le compte rendu « des réunions des 08/11/2017 et 08/12/2017 » auxquelles ont assisté
des représentants de la direction des finances de la CAPD et de la trésorerie de Dreux
agglomération ; qu’en deuxième lieu le comptable déduit l’accord de l’ordonnateur des « termes
de la réponse donnée au questionnaire n° 1 » ; que ce dernier document, dont l’auteur n’est pas
identifié, invoque la dissolution du budget assainissement de la commune de Brezolles et du
SAVIEURE et le transfert de la compétence correspondante à la CAPD le 1
er
janvier 2014 ;
qu’il fait valoir que « ce transfert de compétence s’est traduit par une reprise des actifs et passifs
de ces structures dans le budget annexe assainissement » de la CAPD et que « l’annulation des
titres concernés semblait la seule solution pertinente permettant de régler cette situation » ; que
le comptable se prévaut, en troisième lieu, des termes de « l’arrêté préfectoral actant la
dissolution de SAVIEURE et la prise de compétence assainissement par la CAPD » ;
ATTENDU que l’ordonnateur, dûment sollicité, n’a pas répondu ;
-
Sur l’application du droit au cas d’espèce
ATTENDU qu’il résulte de l'article 60 de la loi du 23 février 1963 et du décret n° 2012-1246
du 7 novembre 2012 que, pour apprécier la validité de la dette, les comptables doivent
notamment exercer leur contrôle sur la production des justifications ; qu'à ce titre, il leur revient
d'apprécier si les pièces fournies présentent un caractère suffisant pour justifier la dépense
engagée ; que, pour établir ce caractère suffisant, il leur appartient de vérifier, en premier lieu,
si l'ensemble des pièces requises au titre de la nomenclature comptable applicable leur ont été
fournies et, en deuxième lieu, si ces pièces sont, d'une part, complètes et précises, d'autre part,
cohérentes au regard de la catégorie de la dépense définie dans la nomenclature applicable et
de la nature et de l'objet de la dépense telle qu'elle a été ordonnancée ; que si ce contrôle peut
conduire les comptables à porter une appréciation juridique sur les actes administratifs à
l'origine de la créance et s'il leur appartient alors d'en donner une interprétation conforme à la
réglementation en vigueur, ils n'ont pas le pouvoir de se faire juges de leur légalité ; qu'enfin,
lorsque les pièces justificatives fournies sont insuffisantes pour établir la validité de la créance,
il appartient aux comptables de suspendre le paiement jusqu'à ce que l'ordonnateur leur ait
produit les justifications nécessaires ;
ATTENDU qu’en premier lieu, les mandats susmentionnés n’étaient pas accompagnés de l’état
prévu par la rubrique 132 de la liste des pièces justificatives ; que, pour la présomption de
charge n° 1, la seule pièce jointe à l’appui du mandat n° 811 était constituée d’un document
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intitulé « mise en demeure » et établi par le comptable de la CAPD ; que l’ordonnateur n’en est
pas à l’origine ; qu’il comporte les caractéristiques du titre de recettes, mais n’a pas pour objet
de rectifier une erreur matérielle et n’apporte aucune précision sur les motifs de l’annulation
devant bénéficier à la commune de Serazereux ; que, s’agissant de la présomption de charge
n° 2, le tableau et le courrier électronique joints aux mandats n° 1258, 1259, 1260, 1261, 1262,
1263, 1264, 1266, 1267 et 1268 ne sont pas datés et signés par l’ordonnateur ; qu’ils ne
comportent aucune mention au terme de laquelle les montants restant à recouvrer doivent être
annulés ou réduits pour la commune de Brezolles et le SAVIEURE ; qu’aucune erreur de
liquidation ou d’identification d’un tiers n’y est signalée ; qu’aucun de ces documents ne peut
être regardé comme l’état rectificatif prévu par la rubrique 132 de l’annexe I du code général
des collectivités territoriales ; que les seules mentions portées sur les mandats ne pouvaient
suffire à établir l’existence d’une erreur matérielle justifiant l’annulation ; qu’ainsi les pièces
produites à la date des paiements n’étaient ni complètes, ni cohérentes au regard de la nature et
de l'objet de la dépense telle qu'elle a été ordonnancée ;
ATTENDU qu’en deuxième lieu, les transferts de compétences au profit de la CAPD ne
pouvaient dispenser les comptables d’exiger les pièces requises au titre de la nomenclature
comptable ; qu’il leur appartenait seulement de contrôler la production de l’état établissant
l’erreur commise, sans qu’ils aient à se prononcer sur la substitution de la CAPD aux débiteurs
initiaux ; qu’ils n’avaient pas le pouvoir de se faire juges de la légalité des actes à l’origine de
l’annulation ; que, pour la gestion de 2016, M. X n’était pas fondé à substituer sa propre
appréciation à celle de l’ordonnateur pour déduire du transfert de compétence qu’il n’y avait
pas « d’autre alternative, pour la CAPD, que d’annuler le titre » émis à l’encontre de la
commune de Serazereux ; que, pour la gestion de 2017, M. Y ne pouvait pas davantage fait
valoir que la dissolution du SAVIEURE entraînait la reprise des actifs et passifs de ce
groupement dans le budget annexe assainissement de la CAPD et que « l’annulation des titres
concernés semblait la seule solution pertinente permettant de régler cette situation » ;
ATTENDU qu’en troisième lieu, les mandats susmentionnés ont bien donné lieu à un
paiement ; qu’en application des articles 33 et 34 du décret n° 2012-1246 susvisé, « le paiement
est l'acte par lequel une personne morale mentionnée à l'article 1
er
se libère de sa dette » et « est
fait par tout moyen ou instrument de paiement prévu par le code monétaire et financier, dans
les conditions précisées par arrêté du ministre chargé du budget » ; que l’article 133-3 du code
monétaire et financier dispose qu’ « une opération de paiement est une action consistant à
verser, transférer ou retirer des fonds, indépendamment de toute obligation sous-jacente entre
le payeur et le bénéficiaire, initiée par le payeur, ou pour son compte, ou par le bénéficiaire » ;
qu’aux termes de l’instruction M4, « le compte 673 enregistre l’annulation des titres de recettes
émis au cours de l’exercice précédent ou d’un exercice antérieur et se rapportant à la section
d’exploitation » ; que ce compte est débité par le crédit du compte de classe 4 où figure la
créance restant à recouvrer ; qu’en procédant à une annulation par un mandat sur le compte 673,
l’ordonnateur se substitue au débiteur qui ne s’est pas acquitté de sa dette pour le paiement de
celle-ci ; que ce transfert se traduit par la sortie de la comptabilité d’une créance, au bénéfice
d’un tiers qui est libéré de sa dette au sens de l’article 33 précité ; qu’en prenant en charge le
mandat n° 811 au compte 673, le comptable doit être regardé comme ayant payé une dépense
irrégulièrement en application de l’article 60 de la loi n° 63-156 susvisée ; qu’en outre les
annulations de titres émis sur exercices antérieurs ne sont pas au nombre des opérations d’ordre
budgétaire énumérées par l’instruction M4 ; qu’ainsi M. X n’est pas fondé à contester
l’existence d’un paiement et à faire valoir que l’annulation s’apparente à « une opération
d’ordre budgétaire, sans mouvement du compte au trésor 515 » ;
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ATTENDU qu’en quatrième lieu, l’existence d’un accord sur « la décision d’annulation des
titres non soldés du SIAVEURE » préalable au paiement n’est pas établie ; que, dans la copie
des courriers électroniques joints aux mandats n° 1258, 1259, 1260, 1261, 1262, 1263, 1264,
1266, 1267 et 1268, un agent de la trésorerie relève que le maire de la commune de Mézières
en Drouais conteste le montant restant dû et que le titre correspondant « devrait être annulé par
CAP Dreux dans la mesure où tout l’assainissement a été transféré » ; que, toutefois, cette pièce
n’est pas accompagnée d’une décision signée par l’ordonnateur et donnant une suite favorable
à la demande du maire de Mézières ; qu’aucune précision n’y est apportée sur l’annulation des
créances détenues sur Ste Gemme et Brezolles ; que le compte rendu « des réunions des
08/11/2017 et 08/12/2017 » apparaît également comme un simple document préparatoire ; que,
d’après les termes de ce document, « le SAVIEURE a été dissous le 01/01/2014 par intégration
dans la CAPD », que les créances détenues par ce syndicat « n’ont plus lieu d’être. Il convient
de les annuler par mandats au compte 673 » et que « les autres dettes doivent faire l’objet d’un
examen plus approfondi pour déterminer si la dette et/ou le débiteur sont corrects » ; que ce
compte rendu renvoie à une décision ultérieure de l’ordonnateur pour l’annulation des titres et
ne peut être regardé comme l’état prévu par la rubrique 132 précitée de la liste des pièces
justificatives ; qu’ainsi M. Y n’est pas fondé à soutenir que la décision d’annulation des titres
du SAVIEURE aurait été prise d’un « commun accord » à la date des paiements ;
ATTENDU que, constatant l’absence des pièces prévues par la réglementation à l’appui des
mandats, les comptables en cause auraient dû en suspendre le paiement, conformément à
l’article 38 du décret n° 2012-1246 susvisé ; qu’en s’en abstenant, MM. X et Y ont manqué à
leurs obligations de contrôle de la validité de la dette et, notamment, de la production des pièces
justificatives ; qu’il y a donc lieu de mettre en jeu leur responsabilité personnelle et pécuniaire
à raison des présomptions de charges n° 1 et 2 ;
3-
Sur l’existence d’un préjudice financier pour chacune des deux charges
ATTENDU qu’aux termes du paragraphe VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963
susvisée : « (…) lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I a causé
un préjudice financier à l’organisme public concerné ou que, par le fait du comptable public,
l’organisme public a dû procéder à l’indemnisation d’un autre organisme public ou d’un tiers
ou a dû rétribuer un commis d’office pour produire les comptes, le comptable a l’obligation de
verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ;
ATTENDU que, pour déterminer si le paiement irrégulier d'une dépense par un comptable
public a causé un préjudice financier à l'organisme public concerné, il appartient au juge des
comptes de vérifier, au vu des éléments qui lui sont soumis à la date à laquelle il statue, si la
correcte exécution, par le comptable, des contrôles lui incombant aurait permis d'éviter que soit
payée une dépense qui n'était pas effectivement due ; que lorsque le manquement du comptable
porte sur l’exactitude de la liquidation de la dépense et qu’il en est résulté un trop-payé, ou
conduit à payer une dépense en l’absence de tout ordre de payer ou une dette prescrite ou non
échue, ou à priver le paiement d’effet libératoire, il doit être regardé comme ayant par lui-même,
sauf circonstances particulières, causé un préjudice financier à l’organisme public concerné ;
qu’à l’inverse, lorsque le manquement du comptable aux obligations qui lui incombent au titre
du paiement d'une dépense porte seulement sur le respect de règles formelles que sont l’exacte
imputation budgétaire de la dépense ou l’existence du visa du contrôleur budgétaire lorsque
celle-ci devait, en l’état des textes applicables, être contrôlée par le comptable, il doit être
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regardé comme n’ayant pas par lui-même, sauf circonstances particulières, causé de préjudice
financier à l'organisme public concerné ; que le manquement du comptable aux autres
obligations lui incombant, telles que le contrôle de la qualité de l’ordonnateur ou de son
délégué, de la disponibilité des crédits, de la production des pièces justificatives requises ou de
la certification du service fait, doit être regardé comme n'ayant, en principe, pas causé un
préjudice financier à l'organisme public concerné lorsqu'il ressort des pièces du dossier, y
compris d'éléments postérieurs aux manquements en cause, que la dépense repose sur les
fondements juridiques dont il appartenait au comptable de vérifier l'existence au regard de la
nomenclature, que l'ordonnateur a voulu l'exposer et, le cas échéant, que le service a été fait ;
ATTENDU que M. X estime qu’
«
il n’y a eu, pour la CAPD, aucun préjudice financier au motif
que la CAPD se trouvait simultanément créancière et débitrice du fait du transfert de la
compétence assainissement, qu’il n’y avait pas d’autre possibilité, pour la CAPD, que d’annuler
le titre et que la dépense correspondante s’apparente à « une opération d’ordre sans mouvement
du compte au trésor 515 » ; que M. Y fait valoir que l’annulation des titres du SAVIEURE a
« été prise d’un commun accord suite à diverses réunions entre les services de la CAPD et la
trésorerie » ; que l’émission des mandats « est une prérogative de l’ordonnateur » et
manifesterait son accord sur les annulations en cause et que l’accord serait confirmé par le
compte rendu produit en cours d’instance, les éléments de réponse aux questionnaires et
« l’arrêté préfectoral actant la dissolution de SAVIEURE et la prise de compétence
assainissement par la CAPD » dont une copie figure à l’appui de ses écritures ;
ATTENDU que, dans ses conclusions, le procureur financier écarte l’existence d’un préjudice
financier pour les deux présomptions de charges ; qu’en ce qui concerne la présomption de
charge n° 1, il considère comme étant établi à la date du jugement que le service assainissement
de la commune de Serazereux est géré par la CAPD ; que toute opération de reprise des actifs
et des passifs dans le cadre d’une fusion ou d’une absorption a pour effet d’éteindre les créances
et les dettes détenues antérieurement entre les organismes fusionnés ou absorbés ; qu’il estime,
dès lors et en l’état du dossier, qu’il n’est pas avéré que le manquement ait causé un préjudice
financier à la CAPD ; qu’en ce qui concerne la présomption de charge n° 2, le procureur
financier considère que l’arrêté préfectoral produit lors de l’instruction est suffisant pour
démontrer que les créances du SAVIEURE (mandats 1258 à 1264, 1267 et 1268) étaient
devenues irrécouvrables compte-tenu de la disparition des entités créancières et débitrices et de
la fusion des comptabilités correspondantes avec celle de la CAPD ; que certaines d’entre elles
étaient prescrites ; qu’il estime que les pertes de recettes n’ont pas été générées par le
manquement du comptable et qu’elles ne peuvent dès lors avoir causé un préjudice à la CAPD ;
que pour le mandat 1266, les pièces produites lors de l’instruction ne permettent pas d’établir
que le titre annulé pouvait être encore recouvré ; qu’en conséquence le ministère public estime
qu’aucun préjudice ne peut être allégué ;
ATTENDU qu’en premier lieu, le réquisitoire invite la chambre à se prononcer sur des
présomptions de charges en dépense et non en recettes ; que, s’agissant d’un manquement du
comptable à son obligation de contrôle de la production des pièces justificatives, il lui revient
notamment de vérifier, que la dépense repose sur les fondements juridiques dont il appartenait
au comptable de vérifier l'existence au regard de la nomenclature ; que les arrêtés aux termes
desquels que la CAPD se substitue aux entités débitrices et créancières permettent seulement
d’établir l’irrécouvrabilité des titres ayant fait l’objet de l’annulation ; qu’ils n’apportent aucun
élément sur l’existence d’une erreur matérielle pour chacun des titres ainsi que le prévoit la
nomenclature ; que le constat de leur irrécouvrabilité et, pour certains d’entre eux, de leur
prescription ne suffit pas, en tant que tel, pour fonder juridiquement une annulation ; qu’ainsi
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Jugement n° 2021-0005 - Communauté d'agglomération du Pays de Dreux (Eure-et-Loir)
les comptables et le procureur financier ne sont pas fondés à déduire de cette seule circonstance
que les dépenses d’annulation étaient bien dues ;
ATTENDU qu’en deuxième lieu, M. X ne fait pas état d’une erreur matérielle qui aurait été
reconnue directement ou indirectement par l’ordonnateur, y compris par un acte postérieur au
paiement, et qui fonderait l’annulation ; qu’à la date du jugement aucun acte de l’ordonnateur
n’établit que la dette de la commune de Serazereux se rattachait aux éléments de passifs
transférés à la CAPD et que ce groupement se trouvait simultanément créancier et débiteur pour
un même objet ; que seule une décision expresse de l’ordonnateur aurait permis de donner un
fondement juridique à l’annulation ainsi que le prévoit la nomenclature applicable ; qu’il
n’appartenait pas au comptable de substituer son appréciation à celle de l’ordonnateur pour
établir directement le fondement de l’annulation ; qu’à supposer établi que le transfert de
compétence ait privé la CAPD de toute possibilité de recouvrement du titre, cette situation
n’aurait pas été constitutive d’une erreur matérielle justifiant une annulation, mais aurait
représenté uniquement une cause d’irrécrouvrabilité ; que, dans une telle hypothèse, seule une
décision d’admission en non valeur était requise et aurait dû conduire le comptable à suspendre
le paiement, faute de décision expresse de l’organe délibérant ; qu’ainsi il ne ressort pas des
pièces du dossier, y compris d'éléments postérieurs aux manquements en cause, que la dépense
repose sur les fondements juridiques dont il appartenait au comptable de vérifier l'existence au
regard de la nomenclature ;
ATTENDU qu’en troisième lieu, M. Y ne fait pas état d’une erreur matérielle qui aurait été
reconnue directement ou indirectement par l’ordonnateur, y compris par un acte postérieur au
paiement, et qui fonderait l’annulation ; que le compte-rendu « des réunions des 08/11/2017 et
08/12/2017 » dont il se prévaut n’identifie pas une telle erreur, pas plus que le libellé « du
mandat », les « termes de la réponse donnée au questionnaire n° 1
», dont l’auteur n’est pas
identifié, et « l’arrêté préfectoral actant la dissolution de SAVIEURE et la prise de compétence
assainissement par la CAPD » ; que seule une décision expresse de l’ordonnateur aurait permis
de donner un fondement juridique à l’annulation ainsi que le prévoit la nomenclature
applicable ; qu’à supposer établi que le transfert de compétence du SAVIEURE, du CADD et
de la commune de Brezolles ait privé la CAPD de toute possibilité de recouvrement des titres
en cause, cette situation n’aurait pas été constitutive d’une erreur matérielle justifiant une
annulation, mais aurait représenté uniquement une cause d’irrécouvrabilité ; que dans une telle
hypothèse, seule une décision d’admission en non valeur était requise et aurait dû conduire le
comptable à suspendre le paiement, faute de décision expresse de l’organe délibérant ; qu’ainsi
il ne ressort pas des pièces du dossier, y compris d'éléments postérieurs aux manquements, que
la dépense repose sur les fondements juridiques dont il appartenait au comptable de vérifier
l'existence au regard de la nomenclature ;
ATTENDU qu’en quatrième lieu, s’agissant des deux présomptions de charges, le paiement des
mandats d’annulation se traduit par la sortie de la comptabilité de créances, au bénéfice de tiers
qui sont définitivement libérés de leur dette, ainsi que cela a été démontré ;
ATTENDU qu’en conséquence le manquement des comptables à leurs obligations a causé un
préjudice financier à la CAPD au sens des dispositions du troisième alinéa du paragraphe VI de
l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée ; qu’à la date de la présente décision, le
préjudice demeure, aucun reversement à la caisse du comptable n’étant intervenu à hauteur du
montant des sommes indument payées ;
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4-
Sur le débet
ATTENDU qu’il y a lieu de constituer M. X débiteur de la CAPD à hauteur de 6 053,35
pour
sa gestion du 1
er
janvier 2016 au 31 décembre 2016 ;
ATTENDU qu’il y a lieu de constituer M. Y débiteur de la CAPD à hauteur de 134 317,28
pour sa gestion du 3 juillet 2017 au 31 décembre 2017 ;
ATTENDU qu’aux termes du paragraphe VIII de l’article 60 de la loi du 23 février 1963
précitée, « les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu
de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics » ; qu’en l’espèce, cette
date est le 7 janvier 2021, date de notification du réquisitoire à MM. X et Y ;
5-
Sur le contrôle sélectif de la dépense
ATTENDU qu’aux termes du paragraphe IX de l’article 60 de la loi n° 63-156 susvisée, « les
comptables publics dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu peuvent
obtenir du ministre chargé du budget la remise gracieuse des sommes mises à leur charge.
Hormis le cas de décès du comptable ou du respect par celui-ci, sous l’appréciation du juge des
comptes, des règles de contrôle sélectif des dépenses, une remise gracieuse totale ne peut être
accordée au comptable public dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu
par le juge des comptes, le ministre chargé du budget étant dans l’obligation de laisser à la
charge du comptable une somme au moins égale au double de la somme mentionnée au
deuxième alinéa dudit VI (…)
» ;
ATTENDU que les modalités du contrôle sélectif des dépenses par le comptable public sont
déterminées par le décret n° 2012-1246 et son arrêté d'application du 25 juillet 2013 susvisés ;
qu’en application de l’article 11 de cet arrêté, « le comptable sollicite, selon des modalités
définies par le directeur général des finances publiques, l'approbation par son supérieur
hiérarchique de son plan de contrôle hiérarchisé des dépenses » ;
ATTENDU que, si un plan de contrôle hiérarchisé de la dépense (CHD) a été validé au titre de
l’exercice 2014, il ne prévoit pas expressément d’application sur une durée de trois ans ; que le
seul autre plan de CHD produit a été établi en 2018 et n’a trouvé à s’appliquer qu’à compter de
cet exercice ; qu’ainsi aucun plan de CHD valide n’a été produit pour la période du
1
er
janvier 2016 au 31 décembre 2017 ;
ATTENDU que pour l’application des dispositions du second alinéa du paragraphe IX de
l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, le montant du cautionnement constitué par
M. Jean François Casadei au titre de la période allant du 1
er
janvier 2016 au 31 décembre 2016
s’élève à 179 000
; que le montant du cautionnement constitué par M. Y au titre de la période
allant du 3 juillet 2017 au 31 décembre 2017 s’élève à 177 000
: qu’ainsi le montant du laissé
à charge de MM. X et Y, en cas de remise gracieuse partielle correspond à une somme au moins
égale au double de « un millième et demi du montant du cautionnement prévu pour le poste
comptable considéré », soit respectivement un montant au moins égal à 537
et 531
;
PAR CES MOTIFS,
ORDONNE CE QUI SUIT :
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Article 1
er
: M. X est constitué débiteur, au titre de l’exercice 2016, de la communauté
d'agglomération du Pays de Dreux pour un montant de six mille cinquante-trois euros et trente-
cinq centimes (6 053,35
), augmenté des intérêts de droit à compter du 7 janvier 2021.
Article 2
: M. Y est constitué débiteur, au titre de l’exercice 2017, de la communauté
d'agglomération du Pays de Dreux pour un montant de cent trente-quatre mille trois cent dix-
sept euros et vingt-huit centimes (134 317,28
), augmenté des intérêts de droit à compter du 7
janvier 2021.
Article 3
:
Il est sursis à la décharge de M. X, pour sa gestion de l’exercice du 1
er
janvier 2016 au
31 décembre 2016, jusqu’à la constatation de l’apurement du débet prononcé à son encontre.
Article 4 :
Il est sursis à la décharge de M. Y, pour sa gestion du 3 juillet 2017 au 31 décembre
2017, jusqu’à la constatation de l’apurement du débet prononcé à son encontre.
Après en avoir délibéré hors de la présence du rapporteur et du procureur financier ;
Fait et jugé par Mme Brigitte Beaucourt, présidente de section, présidente de séance,
Mme Annick Nenquin, première conseillère, M. Olivier Cuny, premier conseiller,
MM. Sylvain Maréchal et Nicolas Francillon, conseillers.
En présence de Mme Isabelle Martin-Vallet, greffière de séance ;
La greffière de séance
Isabelle Martin-Vallet
La présidente de section,
présidente de séance
Brigitte Beaucourt
En conséquence, la République mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre
ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les
tribunaux judiciaires d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter
main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
Voies et délais de recours :
En application des articles R. 242-19 à R. 242-21 du code des juridictions financières, les jugements prononcés par la
chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel devant la Cour des comptes dans le délai de deux mois à
compter de la notification, et ce selon les modalités prévues aux articles R. 242-22 à R. 242-24 du même code. Ce délai
est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l’étranger. La révision d’un jugement peut être demandée
après expiration des délais, et ce dans les conditions prévues à l’article R. 242-29 du même code.