Chapitre VIII
La dématérialisation
des prescriptions médicales :
un
facteur d’efficience
du système de santé, des chantiers
ambitieux à faire aboutir
Sécurité sociale 2021 – octobre 2021
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes- @Courdescomptes
Sécurité sociale 2021 – octobre 2021
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes- @Courdescomptes
_____________________
PRÉSENTATION
_______________________
Les prescriptions médicales couvrent un large spectre : médicaments,
dispositifs médicaux, examens notamment biologiques, transports de
patients, actes d’auxiliaires médicaux et arrêts de travail pour maladie,
maternité, accidents du travail ou de trajet ou maladies professionnelles.
Au total, plus d’un milliard de prescriptions sont effectuées chaque année,
dont plus de la moitié sont exécutées en ville.
En 2019, le montant correspondant de dépenses d’assurance maladie,
hors prescriptions exécutées dans les établissements de santé, atteignait
57,2
Md€. Les prescriptions d’arrêts de travail, de dispositifs médicaux, de
transport et d’actes infirmiers, lorsqu’elles sont exécutées en ville,
constituent le poste le plus dynamique des dépenses d’assurance malad
ie.
L’assurance maladie propose aux médecins de ville, et parfois à ceux
exerçant en établissement de santé, des services de prescription
dématérialisée : arrêts de travail depuis 2011 ; transport de patients depuis
2017. De nouveaux services doivent voir
le jour d’ici 2022 afin de couvrir
également le champ des médicaments et des dispositifs médicaux, les actes
des auxiliaires médicaux et ceux de biologie.
La dématérialisation des prescriptions médicales suscite de fortes
attentes en termes d’amélioration
de la prise en charge sanitaire des
patients, d’efficience accrue des dépenses de santé et de réduction des
risques d’erreurs et de fraudes au détriment de l’assurance maladie.
Fin 2021, il est attendu des médecins qu’ils dématérialisent
l’ensemble des prescriptions d’arrêts de travail
; il en sera de même,
d’ici
fin 2024, des autres prescriptions exécutées en ville. Ces évolutions
s’inscrivent dans un cadre plus global
: le virage numérique en santé, qui
est l’un des volets du plan gouvernemental «
Ma santé 2022 », annoncé à
l’automne 2018
537
.
Alors que les échéances d’entrée en vigueur de ces obligations sont
proches, la Cour a souhaité dresser un état des lieux de la dématérialisation
des prescriptions. Malgré des apports potentiellement considérables, elle
connaît un développement encore limité en France, notamment par rapport
à la plupart de se
s voisins s’agissant des médicaments (I). Pour que nos
systèmes de santé et d’assurance maladie bénéficient pleinement des
multiples apports de la dématérialisation, les chantiers à mener à bien sont
très conséquents et dépassent pour partie ceux aujourd’hui engagés (II).
537
Les obligations correspondantes découlent de la loi n° 2017-774 du 24 juillet 2019
sur l’organisation et la transformation du système de santé.
Sécurité sociale 2021 – octobre 2021
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes- @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
296
I -
De fortes attentes à l’égard
de la dématérialisation des prescriptions, mais
un développement encore limité en France
L
’émission dématérialisée de
données de prescription codées par un
professionnel de santé
est l’un des quatre services socle prévus par la feuille
de route du numérique en santé arrêtée par le Gouvernement, avec le
dossier médical partagé du patient (DMP), les messageries sécurisées des
professionnels de santé et des services numériques territoriaux de
coordination de parcours.
Dans le cadre de cette feuille de route, les services socle prendront
appui sur des référentiels socle, notamment les identifiants des assurés, des
professionnels et des établissements de santé. Ils alimenteront d’une part,
l’espace numérique de santé (ENS
), censé permettre à partir de 2022 à
chaque usager d’accéder à des services pour partie à créer
538
, et, d’autre
part, le bouquet de services pour les professionnels de santé, constitués
autour des services de l’assurance maladie (Ameli).
Afin de concrétiser le virage numérique, la loi du 24 juillet 2019
relative à l’organisation et la transformation du système de santé a instauré
une obligation de dématérialisation des arrêts de travail à partir de fin 2021
et l’ordonnance
n° 2020-1408 du 18 novembre 2020, prise pour son
application, une obligation de dématérialisation des autres prescriptions
médicales, en ville ou en établissement, qui sont exécutées en ville au plus
tard le 31 décembre 2024. Le champ de cette obligation couvre les examens
par un médecin spécialiste dans le cadre du parcours coordonné de soins, les
actes d’auxiliaires médicaux et de biologie médicale, ainsi que les
prescriptions de médicaments et de dispositifs médicaux. Les textes
d’application, précisant le champ exact et le calendrier d’e
ntrée en vigueur
de ces obligations de dématérialisation, n’ont toutefois pas été pris à ce jour.
La dématérialisation des prescriptions médicales pourrait procurer
des gains d’efficience considérables à nos systèmes de santé et d’assurance
maladie, mais e
lle connaît encore un développement limité, qui, s’agissant
des médicaments, distingue la France de la plupart de nos voisins.
538
L’ENS comprendra notamment le
DMP, une messagerie sécurisée pour échanger
avec les professionnels et établissements de santé et des accès à des services de
télésanté.
Sécurité sociale 2021 – octobre 2021
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes- @Courdescomptes
LA DÉMATÉRIALISATION DES PRESCRIPTIONS MÉDICALES :
UN FACTEUR D’EFFICIE
NCE DU SYSTÈME DE SANTÉ,
DES CHANTIERS AMBITIEUX À FAIRE ABOUTIR
297
A -
Des apports de la dématérialisation
des prescriptions potentiellement considérables
Les apports de la dématérialisation des prescriptions concernent
quatre champs distincts : la qualité et la sécurité des soins aux patients,
l’efficience des dépenses de santé, la lutte contre les erreurs et fraudes et
les gains de productivité. À la connaissance de la Cour, l’assurance maladie
et le ministère de la santé n’ont cependant pas effectué d’étude d’ensemble
permettant d’apprécier les gains possibles sur ces différents champs
539
. À
ce stade, ces gains restent, au demeurant, pour l’essentiel à réaliser.
1 -
La qualité et la sécurité des soins aux patients
La dématérialisation permettra de mettre fin aux prescriptions
perdues ou endommagées, et de réduire les erreurs éventuelles de
médication, en faisant disparaître les difficultés de lecture inhérentes aux
ordonnances papier.
Les prescriptions dématérialisées alimenteront automatiquement le
dossier médical partagé (DMP), ainsi que le dossier pharmaceutique du
patient (DP). La loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d'accélération et de
simplification de l'action publique (Asap) a prévu l’ouverture
automatique
d’un dossier médical partagé (DMP) pour chaque patient, sauf opposition
de ce dernier, ainsi que celle, dans les mêmes conditions, du dossier
pharmaceutique (DP). Le DMP doit regrouper l’ensemble des informations
relatives aux traitements en co
urs et passés, ce qui est loin d’être le cas
aujourd’hui
; les prescriptions dématérialisées contribueront à enrichir son
contenu.
La consultation du DMP par les médecins de ville ou hospitaliers
avant de nouvelles prescriptions ou interventions favorisera la cohérence
du parcours de soins et la réduction des risques de iatrogénie, par la
prévention et la détection de certaines incompatibilités de prescription
(interactions médicamenteuses, allergies, etc.). Des procédés automatisés
implantés dans les logiciels de prescription des médecins pourraient
également y contribuer.
539
L’étude d’impact de la loi de 2019 mentionne une économie annuelle de 20
M€ pour
l’assurance maladie, mais ce montant
vise uniquement la réduction des erreurs et des
fraudes et des frais de fonctionnement interne. Il apparaît très modeste.
Sécurité sociale 2021 – octobre 2021
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes- @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
298
Les prescriptions dématérialisées
auront d’autant plus d’intérêt pour
les patients si, comme le prévoit la feuille de route gouvernementale du
numérique en santé, ceux-ci peuvent progressivement accéder à des
services à valeur ajoutée à partir de leurs espaces numériques en santé
personnels, dont l’ouverture est prévue en 2022
: alertes, applications
numériques développées par les éditeurs de logiciels et les start-ups,
applications et dispositifs médicaux connectés développés par les
industriels (permettant par exemple de suivre le rythme cardiaque ou le
taux de glycémie dans le sang).
2 -
Une efficience accrue des dépenses de santé
Pour réaliser une prescription dématérialisée des médicaments, le
médecin doit être muni d’un logiciel d’aide à la prescription (Lap),
conforme au référentiel fixé par la Haute autorité de santé et agréé par un
organisme certificateur.
L’utilisation de ce type de logiciel facilite le codage des données
prescrites par le médecin, ce qui est de nature à permettre la prescription
en dénomination commune (DC)
540
, et non en nom de marque, de tous les
médicaments, quel que soit le lieu d’exercice des médecins (ville, hôpital,
établissements médico-sociaux). Malgré sa relative ancienneté (depuis
2009 pour les médicaments génériques et 2015 pour les princeps),
l’obligation de prescription en DC est souvent inappliquée.
La prescription dématérialisée de médicaments pourrait favoriser
une prescription accrue de médicaments génériques, alors que le
développement de l’usage des génériques en France est moindre que dans
d’autres pays européens (une boîte délivrée sur trois contre quatre sur cinq
au Royaume-
Uni) et qu’il repose principalement sur la substitution par le
pharmacien du médicament princeps prescrit par le médecin.
Par ailleurs, la dématérialisation des prescriptions doit fournir à
l’assurance maladie des données dont elle ne dispose pas à ce jour, de
manière globale mais aussi détaillée par prescripteur. Pour ce qui concerne
les médicaments, il s’agit de la posologie et de la durée des traitements.
Ces informations inédites pourraient permettre à l’assurance maladie
d’affiner les actions de maîtrise médicalisée des dépenses.
540
En application de l’article R.
5125-55 du code de la santé publique, la prescription en
DC comporte le principe actif du médicament désigné par sa DC, le dosage en principe
actif, la voie d'administration et la forme pharmaceutique (comprimé, gélule…).
Sécurité sociale 2021 – octobre 2021
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes- @Courdescomptes
LA DÉMATÉRIALISATION DES PRESCRIPTIONS MÉDICALES :
UN FACTEUR D’EFFICIE
NCE DU SYSTÈME DE SANTÉ,
DES CHANTIERS AMBITIEUX À FAIRE ABOUTIR
299
S’agissant des arrêts de travail, la
prescription dématérialisée permet
à l’assurance maladie de mieux appréhender leurs motifs. En effet,
les
motifs
des arrêts de courte durée n’ont pas à être renseignés sur les
ordonnances papier
et cette information n’est pas toujours renseignée pour
les arrêts de longue durée.
En outre, dans le téléservice de prescription dématérialisée des arrêts
de travail maladie et maternité ouvert aux médecins prescripteurs par
l’assurance maladie en 2011, la liste des motifs d’arrêt, comportant une
durée indicative pour les principales pathologies courantes, validée par la
HAS, a été enrichie en 2019. Il s’agit de fournir aux médecins des
références externes pertinentes pour dialoguer avec leurs patients. La Cour
a préconisé que lorsque les pratiques de prescription s’écartent de manière
significative de ces durées indicatives, les médecins concernés soient
contraints de motiver ces dépassements. Lorsque cette justification s
’avère
insuffisante, il est également prévu que la rémunération sur objectifs de
santé publique (Rosp) qui leur est versée soit réduite
541
.
3 -
La réduction des erreurs et des fraudes
affectant la prise en charge des frais de santé
La
prescription
dématérialisée
supprime
certains
risques
d’irrégularités et de fraudes
542
: l’absence de prescription ; la surcharge ou la
réutilisation à plusieurs reprises d’une même ordonnance, pour obtenir par
exemple les mêmes médicaments ou dispositifs médicaux, dans plusieurs
pharmacies différentes
; l’antidatage des prescriptions, en dehors même
d’une situation d’urgence, par rapport à la date de la réalisation des actes, des
biens et des prestations rendues. Comme la Cour l’a montré, cette dernière
situation affecte un grand nombre de prescriptions de transports
543
.
541
Voir Cour des comptes, « Les indemnités journalières : des dépenses croissantes
pour le risque maladie, une nécessaire maîtrise des arrêts de travail », in
Rapport sur
l’application des lois de financement de la sécurité sociale
, octobre 2019, p. 137-174,
La Documentation française, disponible sur www.ccomptes.fr.
542
À moins d’une collusion entre tout ou partie des trois acteurs concernés
: assuré,
médecin prescripteur et professionnel prescrit.
543
Voir Cour des comptes, « Les transports programmés dans les secteurs sanitaires et
médico-social : des enjeux à mieux reconnaître, une régulation à reconstruire », in
Rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale
, octobre 2019,
p. 249-284, La Documentation française, disponible sur www.ccomptes.fr.
Sécurité sociale 2021 – octobre 2021
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes- @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
300
En outre, le professionnel qui exécute la prescription ne peut la
modifier sans justification
(substitution d’un médicament à un autre).
Par ailleurs, la dématérialisation des prescriptions intègre des
contrôles automatisés de données par rapport à des référentiels de
l’assurance maladie (données relatives aux patients), qui écartent d’emblée
des anomalies de prise en charge (catégorie administrative de l’assuré et
taux de prise en charge).
De manière générale, les divergences entre les facturations et les
prescriptions qui en sont à l’origine représentent une grande partie des
erreurs, volontaires ou non, qui affectent les prises en charge de frais de
santé par l’assurance maladie. En 2020, selon la Cnam, ces erreurs aur
aient
représenté 2,4 % du montant des prestations versées, soit 1,9
Md€, pour
l’essentiel au détriment de l’assurance maladie
; ces niveaux sont
cependant sous-évalués
544
. La dématérialisation est de nature à les réduire.
Alors qu’une indemnité journalière
sur 12 nouvellement attribuée
est affectée par une erreur de portée financière
545
, majoritairement au
détriment de l’assurance maladie, l’avis d’arrêt de travail
(AAT)
dématérialisé permet une meilleure maîtrise des risques externes et internes
: réduction des erreurs dans le remplissage des AAT, amélioration des
délais (routage automatique) et des circuits entre service médical et service
administratif facilitant la liquidation et le contrôle des prestations.
4 -
Des gains de productivité pour l’assurance maladi
e
et les professionnels de santé
Pour l’assurance maladie, la
dématérialisation des prescriptions
permet de réduire les signalements affectant les facturations adressées par
les professionnels de santé et donc la charge de travail liée à leur traitement.
544
Voir Cour des comptes,
Rapport de certification des comptes du régime général de
sécurité sociale
, exercice 2020, mai 2021, La Documentation française, disponible sur
www.ccomptes.fr.
545
Ibid.
Sécurité sociale 2021 – octobre 2021
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes- @Courdescomptes
LA DÉMATÉRIALISATION DES PRESCRIPTIONS MÉDICALES :
UN FACTEUR D’EFFICIE
NCE DU SYSTÈME DE SANTÉ,
DES CHANTIERS AMBITIEUX À FAIRE ABOUTIR
301
En outre, elle facilite la réalisation des contrôles de factures, en
assurant un lien immédiat entre une prescription et une facture. Pour ce
même motif, la prescription dématérialisée permettra de mettre fin au
dispositif Scor de numérisation des ordonnances papier pour les
professionnels de santé qui entrent dans le champ de l’obligation
546
.
B -
Des services de dématérialisation des prescriptions
aujourd’hui limités aux arrêts de travail
et aux transports de patients
1 -
Un service de dématérialisation des prescriptions des arrêts
de travail déjà ancien, dont l’utilisation obligatoire
fin 2021 n’est toujours pas sécurisée
La loi du 24 juillet
2019 relative à l’organisation et la transformation
du système de santé
a prévu qu’au plus tard au 31
décembre 2021, les
médecins de ville devront prescrire les arrêts de travail, sauf exception, de
manière dématérialisée.
Le calendrier de mise en œuvre de cette obligation nouvelle et les
exceptions à celle-ci doivent être fixés par des conventions entre
l’assurance maladie
et les représentants des médecins, des chirurgiens-
dentistes et des sages-
femmes prescripteurs d’arrêts de travail.
À défaut
d’avoir été adopté conventionnellement dans les six mois suivant la
publication de la loi, soit fin janvier 2020, le calendrier devait être fixé par
un arrêté pris avant fin mars 2020. À ce jour, ni les conventions ni l’arrêté
ne sont intervenus.
a)
Un téléservice proposé depuis 10 ans et récemment amélioré
Depuis fin 2011, les médecins peuvent saisir en ligne les arrêts de
travail maladie et maternité depuis leur espace personnel dans le portail
546
Ce dispositif, proposé aux différ
entes professions, permet d’assurer la traçabilité des
ordonnances papier et de libérer du temps administratif. Les pièces justificatives
numérisées sont automatiquement classées et archivées en lots, de manière sécurisée,
par le logiciel du professionnel
de santé. Néanmoins, l’absence d’apposition du numéro
de prescription sur les factures limite en pratique les possibilités de contrôle de la
conformité des facturations aux prescriptions par l’assurance maladie.
Sécurité sociale 2021 – octobre 2021
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes- @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
302
internet ouvert aux professionnels de santé par l’assurance maladie,
Amelipro. À partir de 2012, ce service a été intégré à leurs logiciels métier
547
.
En 2019, la Cnam a amélioré l’ergonomie du service afin d’en
faciliter l’utilisation. Selon un test de l’Agence du numérique en santé
auprès de 31 médecins, la saisie du nouvel avis d’arrêt de travail prend en
moyenne 1 minute et 5 secondes sur le serveur de l’assurance maladie.
Ces évolutions
mettent en œuvre une partie des propositions d’un
rapport de janvier 2019 au Premier ministre sur les arrêts de travail
548
, qui
préconisait, entre autres, de simplifier les modalités de saisie sur Amelipro
et de permettre à tous les médecins d’avoir accès à
la plateforme, ce qui est
encore loin d’être le c
as dans le secteur hospitalier.
b)
Une utilisation en hausse, mais inférieure aux objectifs
Pour la première fois, la convention d’objectifs et de gestion (COG)
de l’assurance maladie avec l’
État pour la période 2014-2017 a fixé des
objectifs chiffrés de dématérialisation des avis d’arrêt de travail pour
maladie ou maternité (AAT). Faute d’atteinte des cibles fixées, la COG
2018-
2022 a abaissé l’objectif à 40
% pour 2018, ce taux étant ensuite
appelé à augmenter pour atteindre 60 % en 2020 et 75 % en 2022.
Depuis 2018, les taux de réalisation se sont rapprochés des cibles
ainsi redéfinies, sans cependant les atteindre. En 2020, un peu plus de 54 %
des avis étaient dématérialisés.
547
Le service ne peut être utilisé pour certains assurés, notamment pour les agents de la
fonction publique, une partie des organismes délégataires de la gestion des prestations
maladie (MGEN par exemple) n’étant pas connectés à Amelipro.
Dans ce cas, un
impr
imé Cerfa est remis au patient. Le médecin peut toutefois saisir l’ensemble des
données sur le formulaire du portail Amelipro.
548
Jean Luc Bérard, Pr. Stéphane Oustric et Stéphane Seiller,
Plus de prévention,
d’efficacité, d’équité et de maîtrise des arrêts
de travail. Neuf constats, vingt
propositions,
Rapport fait à la demande du Premier ministre, janvier 2019.
Sécurité sociale 2021 – octobre 2021
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes- @Courdescomptes
LA DÉMATÉRIALISATION DES PRESCRIPTIONS MÉDICALES :
UN FACTEUR D’EFFICIE
NCE DU SYSTÈME DE SANTÉ,
DES CHANTIERS AMBITIEUX À FAIRE ABOUTIR
303
Tableau n° 30 :
cibles et taux de réalisation de la dématérialisation
des avis d’arrêt de travail maladie et maternité (en %)
Années
2011
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
Cible
interne
10,0
10,0
25,0
-
-
-
-
-
-
-
Cible COG
-
-
-
30,0
40,0
50,0
60,0
40,0
50,0
60,0
Taux de
réalisation
4,5
11,4
19,8
23,7
Nc
25,4
35,0
38,2
45,1
54,2
Écart en
points
-5,5
+1,4
-5,2
-6,3
Nc
-24,6
-25,0
-1,8
-4,9
-5,8
Source : COG 2014-2017 et 2018-2022 et Cnam
Ces taux de réalisation sont des moyennes nationales, qui recouvrent
de fortes disparités entre les caisses locales. Les CPAM atteignent
inégalement les objectifs individualisés que leur fixe la Cnam
549
. Ainsi,
celle de l’Ariège connaît un retard persistant, de l’ordre de 8 à 10 points
depuis 2011
; d’autres, comme la CPAM de la Marne, dépassent leurs
objectifs, pourtant parmi les plus ambitieux.
c)
En 2021, une dématérialisation qui intègre mieux les AT-MP,
mais sera loin
d’être
systématique
À l’heure actuelle, les médecins établissent la prescription d’arrêt de
travail au titre d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle
(AT-MP) en remplissant un certificat médical particulier, qui fournit les
éléments d’information nécessaires à l’instruction de la demande de
reconnaissance du caractère professionnel de l’accident ou de la maladie.
Les COG 2014-2017 et 2018-2022 ont fixé des objectifs chiffrés de
dématérialisation. Si le taux de dématérialisation prévu pour 2022 (35 %)
a été atteint en 2020, seule une minorité de certificats est dématérialisée.
Le téléservice des arrêts de travail pour AT ou MP est plus récent (fin 2015)
que celui des arrêts pour maladie ou maternité. Il en va de même de son
intégration aux logiciels métier des médecins (à partir de fin 2018).
549
En 2019, le taux de dématérialisation était par ailleurs pris en compte pour fixer la
part variable de la rémunération des directeurs des cinq CPAM aux taux les plus faibles.
Sécurité sociale 2021 – octobre 2021
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes- @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
304
Tableau n° 31 :
cibles et taux de réalisation de la dématérialisation
des certificats médicaux d’accidents du travail –
maladies professionnelles (en %)
Années
2016
2017
2018
2019
2020
Cible COG
30,0
40,0
17,0
21,0
26,0
Taux de
réalisation
10,6
17,9
22,7
27,8
35,3
Écart en point
- 19,4
- 22,1
+ 2,7
+ 6,8
+ 10,7
Source : COG 2014-2017 et 2018-2022 et Cnam
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 a prévu
l’intégration des prescriptions initiales d’arrêt de travail, dématérialisées
ou en version papier, des AT-
MP au formulaire d’avis d’arrêt de travail,
qui deviendra ainsi commun aux risques maladie-maternité et AT-MP.
L’injection automatisée de ce formulaire dans l’application de gestion des
indemnités journalières doit raccourcir les délais de mise en paiement de
ces prestations (près de 50 jours en moyenne pour les AT-MP, contre
moins de 30 pour les risques maladie et maternité pour les indemnités non
subrogées par l’employeur). Cette mesure impliquant une refonte du
certificat médical AT-
MP, ainsi que de l’avis d’arrêt de travail, elle sera
applicable à compter du 1
er
novembre 2021.
Cependant, malgré ces progrès, au vu des résultats 2020 et de
l’absence, à ce jour, de textes d’application de la loi du
24 juillet 2019 pour
leur prescription
, il est probable qu’une grande partie des arrêts de travail
ne sera pas dématérialisée à fin 2021.
2 -
Des services de dématérialisation peu utilisés
pour la prescription des transports de patients
Depuis mai 2017, la Cnam propose aux médecins de ville un service
de prescription électronique (SPE),
qui leur permet de créer, de consulter et
de gérer une prescription médicale de transport en ligne pour les assurés dont
la prise en charge des frais de santé est gérée par le régime général. Depuis
cette même année,
l’assurance maladie expérimente un
service de
prescription électronique des transports intégré (SPEi), destiné aux
établissements de santé. Le nombre de médecins qui utilisent SPE augmente
Sécurité sociale 2021 – octobre 2021
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes- @Courdescomptes
LA DÉMATÉRIALISATION DES PRESCRIPTIONS MÉDICALES :
UN FACTEUR D’EFFICIE
NCE DU SYSTÈME DE SANTÉ,
DES CHANTIERS AMBITIEUX À FAIRE ABOUTIR
305
lentement, stagne ou recule selon les départements et reste très minoritaire.
Seuls sept établissements participent à l’expérimentati
on de SPEi
550
.
Tableau n° 32 :
un recours très limité à la e-prescription
des transports de patients (2020)
Catégories
Nombre de
prescripteurs
Nombre de
prescriptions
Médecins généralistes
17 180
237 654
Médecins spécialistes
2 166
32 967
Établissements et Samu
26
6 008
Total
19 372
276 629
Source : Cnam
L’utilisation généralisée de SPEi par les établissements de santé
comporte un préalable
: la mise en place d’une plateforme de commande
de prestations de transport en lien avec le dossier patient informatisé,
comme seu
ls l’ont à ce jour l
es CHU de Dijon et de Montpellier.
L’absence d’essor de la prescription
dématérialisation des transports
par les établissements de santé est d’autant plus problématique que les
trajets entre le domicile et l’établissement, notamment
pour le traitement
d’affections
chroniques (séances de dialyse, de chimiothérapie ou de
radiothérapie notamment), engendrent près des deux-tiers des dépenses de
transport.
C -
Un retard de la France pour les médicaments et les
dispositifs médicaux, supposé disparaître
d’ici
2024
Les médicaments représentent environ la moitié des prescriptions.
La prescription dématérialisée des médicaments est encore expérimentale
en France, alors que la précédente
convention d’objectifs et de gestion de
l’assurance maladie avec l’
État prévoyait une généralisation entre 2014 et
2016 et que la plupart de nos voisins la pratiquent à grande échelle.
550
En juin 2020, la Cnam recensait les établissements suivants : CHU de Montpellier
et de Dijon
, trois sites de l’Ugecam Provence
-Alpes-
Côte d’Azur, le centre hospitalier
de Castres-
Mazamet et un établissement en Artois d’un
groupe privé non lucratif. Les
travaux préalables à l’expérimentation à l’hôpital Lariboisière de l’AP
-
HP n’ont pas
abouti ; le projet serait relancé au second semestre 2021.
Sécurité sociale 2021 – octobre 2021
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes- @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
306
Néanmoins, des travaux sont engagés afin que la dématérialisation des
prescriptions s’étende, outre aux arrêts de travail et aux transports de
patients, aux médicaments, aux dispositifs médicaux, aux actes des
auxiliaires médicaux et aux examens biologiques.
1 -
La prescription dématérialisée des médicaments,
une norme pour la plupart de nos voisins européens
Plusieurs pays européens
551
ont déployé avec succès des solutions
de dématérialisation des prescriptions de médicaments, dès les années 2000
en Suède, au début des années 2010 au Royaume-Uni, en Norvège et en
Belgique et à partir de 2015 en Espagne
552
et en Italie. L’Allemagne est
moins avancée : introduit en 2020, le dispositif de dématérialisation serait
opérationnel en juillet 2021 ; il sera obligatoire en janvier 2022.
La Cour a examiné la dématérialisation des prescriptions en
Belgique, en Espagne, en Italie et au Royaume-Uni. Dans ces pays, la
prescription de médicaments est toujours le point de départ de la
construction du processus de dématérialisation des prescriptions dans leur
ensemble. Huit à dix ans s’écoulent en moyenne, entre le lancement du
projet pilote, les expérimentations et le déploiement au niveau national.
En Belgique, la dématérialisation est limitée à la prescription des
produits dont la délivrance et la facturation sont du ressort du pharmacien,
qui sont seuls à être enregistrés dans la source authentique des
médicaments (SAM)
; un projet vise toutefois à l’étendre
, notamment aux
dispositifs médicaux délivrés par d’autres fournisseurs que les pharmacies
(« la prescription de renvoi »). En Italie, la dématérialisation concerne
également une partie des dispositifs médicaux, ainsi que les consultations
de spécialistes et les examens par des établissements de santé prescrits par
des médecins généralistes. Au Royaume-Uni, peuvent être prescrits de
manière dématérialisée certains dispositifs médicaux (nébuliseurs,
dis
positifs d’autocontrôle de la glycémie, vêtements de contention post
-
chirurgicaux), ainsi que les examens de biologie et de radiologie. En
551
La Cour s’est référée aux sources d’information suivantes
: Cnam,
e-prescription.
Analyse des mécanismes en place dans plusieurs pays
, mars 2018 ; direction des
affaires européennes et internationales (DAEI) des ministères sociaux,
La prescription
électronique,
[…]
Contributions des conseillers pour les affaires sociales (CAS)
Allemagne, Espagne, Italie, Québec, Norvège, Royaume-Uni
, mars 2018. La Cour a par
ailleurs interrogé, par l’intermédiaire de la DAEI, les ambassades de France en
Allemagne, Espagne, Italie et au Royaume-Uni. Pour la Belgique, la Cour a bénéficié
d’informations
de la part de la Cour des comptes belge.
552
En Espagne, où chaque communauté territoriale a son propre système de
e-
prescription, un système national d’interopérabilité permet la délivrance des produits
de santé en tout lieu, indépendamment de celui de la prescription.
Sécurité sociale 2021 – octobre 2021
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes- @Courdescomptes
LA DÉMATÉRIALISATION DES PRESCRIPTIONS MÉDICALES :
UN FACTEUR D’EFFICIE
NCE DU SYSTÈME DE SANTÉ,
DES CHANTIERS AMBITIEUX À FAIRE ABOUTIR
307
Espagne, l’utilisation d’un code national de prescription permet la
prescription dématérialisée des dispositifs médicaux.
Lorsque la prescription dématérialisée est obligatoire, elle fait
l’objet
de
certaines
exceptions.
En
Belgique,
l’obligation
de
dématérialisa
tion des médicaments ne s’applique pas aux médecins de
64 ans et plus au 1
er
janvier 2020
; par ailleurs, l’or
donnance papier peut
être utilisée lorsqu’elle est établie en dehors du cabinet du prescripteur ou
en cas de force majeure. En Espagne, la prescription reste manuscrite pour
les assurés de trois mutuelles de fonctionnaires et pour les personnes sans
carte individuelle de santé (migrants, travailleurs transfrontaliers,
touristes).
Par ailleurs, la délivrance au patient d’une copie sur papier de la
prescription dématérialisée reste la norme au Royaume-Uni et en Italie. En
Belgique, à compter du 1
er
juin 2021, pour autant que le patient soit
d’accord, le prescripteur n’aura plus à la lui remettre.
Les modalités d’authentification varient selon les pays
: pour
accéder aux prescriptions, les professionnels de santé qui les exécutent
doivent disposer d’une
smartcard
(Royaume Uni, Espagne), de la carte de
santé du patient (l’équivalent de la carte Vitale, en Italie), ou de la carte
d’identité électronique du prescripteur et du pharmacien (Belgique).
Un important retard de la France
par rapport à ses voisins européens
La Belgique a démarré en 2007 le projet de prescription
dématérialisée (« Recip-e ») des médicaments. En 2010, elle lançait un
projet pilote auprès de médecins généralistes et de pharmaciens, ensuite
déployé à l’ensemble du pays à partir de 2013. En f
évrier 2021, plus de 6,5
millions de prescriptions ont été introduites dans le système Recip-e, contre
4 millions par mois fin 2017 ; le nombre de médecins généralistes ou
spécialistes ayant dématérialisé des prescriptions a été multiplié par 2,3
entre ces deux périodes.
La prescription dématérialisée de médicaments et de produits
pharmaceutiques est devenue obligatoire au 1
er
janvier 2020. Cette
obligation ne couvre pas les dispositifs médicaux. Depuis 2014, la Belgique
compte également un service de messagerie sécurisée et, depuis 2018, un
portail en ligne où chacun peut accéder à ses données individuelles.
Sécurité sociale 2021 – octobre 2021
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes- @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
308
En Espagne, le décret 1718/2010 du 17 décembre 2010 a uniformisé
le modèle de prescription dans l
’
ensemble du pays, puis, trois ans après, un
projet pilote était testé dans deux communautés autonomes (Estrémadure et
Iles Canaries), avant d
’ê
tre étendu aux autres. En 2017, 90 % des
prescriptions de médicaments étaient dématérialisées en Espagne. En 2020,
98 % des centres de santé et ambulatoires, hôpitaux et pharmacies avaient
déployé le service de prescription dématérialisée interopérable entre les
communautés.
En 2018, 85 % des prescriptions étaient dématérialisées en Italie
(moyenne nationale), sept ans après la prise du décret définissant les
caractéristiques de ces prescriptions.
Selon
NHS Digital
, en Angleterre, en novembre 2020, plus de
60 millions
de patients étaient enregistrés au système de prescription
électronique. La quasi-totalité des centres de médecine générale (soit 97 %)
et des pharmacies (99,8 %) dématérialisent leur prescriptions.
2 -
En France, une expérimentation qui pourrait prochainement
déboucher sur de nouveaux services de prescription électronique
En France, les travaux relatifs à la prescription dématérialisée de
médicaments ont débuté il y a près de dix ans. Jusqu’à récemment, les
représentants des médecins se sont cependant opposés à
ce que l’assurance
maladie acquière, à travers la dématérialisation, des données détaillées sur
les prescriptions.
Dans ces conditions, la Cnam a d’abord expérimenté, entre octobre
2017 et avril 2019, un dispositif de dématérialisation limité à la simple
impression d’un QR code sur l’ordonnance papier
553
.
Depuis juillet 2019, elle mène une seconde expérimentation, dans
les trois mêmes départements que la première (Maine-et-Loire, Saône-et-
Loire et Val-de-Marne), avec un nombre de participants (68 médecins et
54
pharmaciens) guère plus élevé et le maintien de l’ordonnance papier.
Cette nouvelle expérimentation comporte néanmoins une différence
essentielle : la prescription est
enregistrée dans une base de l’assurance
maladie. L’existence de cette base
lui permet de connaître les prescriptions
553
Un module supplémentaire sur le Lap des médecins participant à l’expérimentation
générait l’impression sur l’ordonnance papier d’un QR code contenant l’ensemble des
informations relatives à la prescription. Le pharmacien scannait le QR code, accédait
au contenu de la prescription et assurait la dispensation.
Sécurité sociale 2021 – octobre 2021
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes- @Courdescomptes
LA DÉMATÉRIALISATION DES PRESCRIPTIONS MÉDICALES :
UN FACTEUR D’EFFICIE
NCE DU SYSTÈME DE SANTÉ,
DES CHANTIERS AMBITIEUX À FAIRE ABOUTIR
309
effectuées par chaque médecin au titre de chaque patient grâce au numéro
unique de prescription et aux médecins d’être informés de la bonne
dispensation des médicaments prescrits. Les informations nominatives
relatives aux prescriptions dispensées
554
sont conservées dans la base
pendant cinq années, soit la durée au-delà de laquelle les indus frauduleux
ne peuvent plus être mis en recouvrement.
Les médecins et pharmaciens ont souligné la simplicité d’utilisation
de ce nouveau dispositif dans leur processus métier et dans leurs logiciels,
la sécurisation de la prescription qu’il procure, l’intérêt pour les médecins
de pouvoir consulter les délivrances réalisées par les pharmaciens et la
qualité de l’accompagnement par le
s CPAM et les éditeurs de logiciels. La
Cnam a décidé d’élargir l’expérimentation à l’ensemble des médecins
volontaires des trois départements concernés. Cependant, le contexte de
crise sanitaire a provoqué un retard de six mois dans le calendrier prévu.
L
a Cnam a pour objectif d’ouvrir un téléservice de prescription des
médicaments et des dispositifs médicaux d’ici fin 2021 et d’utiliser un
dispositif technique similaire pour la dématérialisation des prescriptions
des actes des auxiliaires médicaux et des examens biologiques. En
application de l’article 2 de l’ordonnance du 18 novembre 2020, des décrets
doivent fixer l’entrée en vigueur de l’obligation, en tenant compte des
professions concernées, de leurs conditions d’exercice, ainsi que des
catégories de
soins, produits ou prestations prescrites, d’ici fin 2024.
II -
Faire de la dématérialisation des prescriptions
un vecteur effectif de modernisation
du système de santé
Si les progrès sont notables, une grande partie des gains d’efficience
dont est porteuse la dématérialisation des prescriptions médicales dépend
toutefois d’évolutions plus profondes que celles aujourd’hui engagées.
Pour réussir le virage numérique du système de santé, il convient de
faire de la dématérialisation le mode de droit commun de prescription et de
554
Les prescriptions non dispensées restent non nominatives dans la base, où elles sont
conservées durant les 12 mois de validité de l’ordonnance, puis effacées en cas de non
dispensation. Suivant les attentes des représentants des médecins, aucun agent de
l’assurance maladie n’a accès et ne peut intervenir sur les prescriptions préalablement
à leur dispensation. Il en résulte que l’assurance maladie ne peut analyser les
prescriptions non dispensées.
Sécurité sociale 2021 – octobre 2021
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes- @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
310
codifier un vaste champ de données selon des normes communes, en
évitant d’installer des modalités durablement dégradées. À cette fin, les
acteurs du système de santé devront être plus fortement accompagnés par
le ministère chargé de la santé et la Cnam.
A -
L
a dématérialisation, un mode de prescription
à généraliser à l’ensemble des acteurs
du système de santé
1 -
Dématérialiser l’ensemble des prescriptions
des établissements de santé exécutées en ville
Les prescriptions effectuées et exécutées au sein des établissements
sont très largement dématérialisées dans le cadre des circuits de suivi
interne des patients et n’entrent pas dans le champ de l’obligation fixée par
l’ordonnance du 18 novembre 2020.
Les prescriptions effectuées en établissement, mais exécutées en
ville auprès de pharmaciens d’officine, de laboratoires d’analyses
biologiques et d’auxiliaires médicaux sont soumises à l’obligation posée
par l’ordonnance du 18
novembre 2020. Toutefois, le précédent du recours
quasi-inexistant des établissements de santé au service de e-prescription
des transports de patients proposé par l’assurance maladie (voir
supra
)
laisse augurer une difficulté certaine de participation de ces derniers à la
généralisation de la e-prescription pour les soins de ville.
Par ailleurs, l’obligation de dématérialisation des arrêts de travail
fixée par la loi du 24 juillet 2019 s’applique aux arrêts de travail prescrits
par les médecins exerçant en libéral dans des établissements de santé
privés, mais non à ceux prescrits p
ar les médecins salariés d’établissements
de santé publics ou privés non lucratif.
L’exclusion, en droit ou en pratique, des prescriptions hospitalières
de la dématérialisation des prescriptions exécutées en ville compromettrait
une grande partie des apports attendus de la dématérialisation à la maîtrise
des dépenses de soins de ville. E
n 2019, les prescriptions d’origine
hospitalière, avec 19,5
Md€ de dépenses pour le régime général
d’assurance maladie, représentaient 22
% des prescriptions exécutées en
ville ainsi que des indemnités journalières maladie et maternité, contre
17 % en 2004 (voir tableau
infra
).
Sécurité sociale 2021 – octobre 2021
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes- @Courdescomptes
LA DÉMATÉRIALISATION DES PRESCRIPTIONS MÉDICALES :
UN FACTEUR D’EFFICIE
NCE DU SYSTÈME DE SANTÉ,
DES CHANTIERS AMBITIEUX À FAIRE ABOUTIR
311
Tableau n° 33 :
p
art des prescriptions d’origine hospitalière (en M€)
dans les dépenses de soins de ville, en 2019 (en dates de soins)
Source : commission des comptes de la sécurité sociale, décembre 2020
Pour que les prescriptions hospitalières exécutées en ville soient
effectivement dématérialisées, il convient donc que les textes soient
adaptés afin d’étendre le champ de l’obligation de dématérialisation des
arrêts de travail à ceux prescrits en établissement de santé et que les
systèmes d’information hospitaliers soient raccordés aux téléservices de
dématérialisation développés par la Cnam.
Dépenses totales
de soins de ville,
en M€
dont dépenses
prescrites
à l'hopital,
en M€
Part prescrite
à l'hopital
Transports
4 490
2 360
53%
Médicaments
23 640
9 770
41%
Rétrocessions
2 270
2 130
94%
Médicaments
(hors rétrocédés)
21 370
7 640
36%
Dispositifs médicaux
remboursés et produits
humains
7 300
2 340
32%
Autres
3 520
760
22%
Biologie
3 680
700
19%
Indéminités journalières
12 230
1 720
14%
Honoraires paramédicaux
13 320
1 850
14%
Infirmier
7 770
1 140
15%
Orthoptiste-orthophoniste
890
130
15%
Masseur-kiné
4 230
550
13%
Sages-femmes
350
30
9%
Pédicure-podologue
80
5
6%
Honoraires
des dentistes
3 400
10
0%
Honoraires
des médecins
18 610
30
0%
Total
90 200
19 540
22%
Sécurité sociale 2021 – octobre 2021
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes- @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
312
2 -
Combler les lacunes de
l’obligation
de dématérialisation
des prescriptions exécutées en ville
S’agissant
des
professionnels
prescrits,
l’ordonnance
du
18 novembre 2020 vise uniquement les professionnels de santé.
De ce fait, si le médecin doit procéder à une prescription
dématérialisée, les prestataires de service et distributeurs de matériels ayant
la qualité de dispositifs médicaux et les taxis conventionnés ne sont, eux,
pas tenus d’adresser à l’assurance maladie les informations relatives aux
prescriptions réalisées.
Il convient d’adapter les textes fixant les obligations de
dématérialisation des prescriptions afin de
combler ces lacunes. S’agissant
des taxis conventionnés, la sécurisation des facturations à l’assurance
maladie en fonction des données de prescription dépend
in fine
de
l’instauration d’une obligation de
dématérialisation.
Le service de facturation intégré des prestations de transport
(Sefi) : des apports qui dépendent en grande partie
de la dématérialisation des prescriptions
En application de l’avenant n°
10 à la convention collective des
transports sanitaires privés (22 décembre 2020), les transporteurs sanitaires
(ambulances et VSL) doivent utiliser le service de facturation intégrée (Sefi)
de l’assurance maladie pour facturer à cette dernière des prestations de
transport de patients. Ce même service est par ailleurs en cours
d’expérimentation pour les
taxis conventionnés.
L’utilisation de Sefi permet de réduire certains risques d’erreur de
facturation
: les informations relatives à l’identité et aux droits des assurés
sont saisies directement, ce qui fiabilise les données de facturation ; les
anomalies sont traitées par le transporteur avant envoi de sa facture ; les
caisses n’ont plus à effectuer de
rejets ou à traiter des signalements.
La prescription dématérialisée procure un niveau supplémentaire de
fiabilité, lorsqu’elle est utilisée avec Sefi, en garantissant la confor
mité des
données de facturation à celles de prescription.
S’agissant des transports sanitaires, la conjonction de l’avenant n°
10
précité et de l’obligation de prescription
dématérialisée va permettre de
garantir effectivement cette conformité, alors que seule une part infime des
facturations de transport sont dématérialisées (0,1
%). Il importe qu’un
progrès identique soit réalisé pour les transports par taxi conventionné, ce
qui nécessite de mener à bien l’expérimentation de l’utilisation de Sefi, de
rendre cette utilisation obligatoire et de la coupler avec une obligation de
prescrire de manière dématérialisée.
Sécurité sociale 2021 – octobre 2021
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes- @Courdescomptes
LA DÉMATÉRIALISATION DES PRESCRIPTIONS MÉDICALES :
UN FACTEUR D’EFFICIE
NCE DU SYSTÈME DE SANTÉ,
DES CHANTIERS AMBITIEUX À FAIRE ABOUTIR
313
3 -
Dématérialiser les prescriptions
ou demandes
d’avis
entre médecins
La dématérialisation des prescriptions ou des
demandes d’avis d’un
médecin à un autre médecin, de ville ou en établissement de santé est
également à programmer
, alors qu’elle n’est pas envisagée à ce stade, sauf
pour les prescriptions de biologie.
À cet égard, il y a lieu de souligner que
l’obligation de
dématérialisation des prescriptions
s’applique aussi sans ambiguïté aux
actes (par exemple d’imagerie ou de cardiologie) des médecins
spécialistes, en ville ou à l’hôpital, effectués sur le fondement d’une
prescription d’un autre médecin
, notamment le médecin traitant
555
.
B -
Une dématérialisation de données structurées
à accélérer
1 -
Le risque d’une dématérialisation dégradée par défaut
de codage et de structuration des données
Pour assurer la mise en place d’une solution opérationnelle de
prescription dématérialisée d’ici fin 2021, la Cnam a estimé qu’il ne lui était
pas possible d’attendre que les posologies et durées de prise de
médicaments
et l’ensemble des dispositifs médic
aux soient codifiés
556
. Forte des résultats
de l’expérimentation menée dans trois départements
depuis 2019, elle a lancé
555
Par application combinée des dispositions de, l’article L.
162-5-3 du code de
sécurité sociale et de la convention nationale médicale du 25 août 2016, qui prévoit une
médecine de parcours et de proximité organisée autour du patient et coordonnée par le
médecin traitant (spécialiste de premier recours) en lien avec les différents médecins
correspondants (spécialistes de second recours).
556
Contrairement aux médicaments, il n’existe pas de référentiel qui listerait de manière
exhaustive les dispositifs médicaux commercialisés. Seuls 3 400 dispositifs,
représentant 11 % environ de ceux pris en charge par l
’assurance maladie, étaient
codifiés lors de l’expérimentation e
-prescription.
Sécurité sociale 2021 – octobre 2021
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes- @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
314
une nouvelle phase d’expérimentation, la
prescription dite « unifiée »
557
,
reposant sur l’utilisation du texte libre pour les
nombreuses données de la
prescription dématérialisée qui ne sont pas codifiées.
L’assurance maladie prévoit également d’utiliser la prescription
unifiée pour dématérialiser les prescriptions d’actes d’auxiliaires médicaux
et de biologie médicale, elles aussi non codifiées dans des bases.
Toutefois, la place très importante laissée au texte libre affectera les
possibilités d’analyse de données par l’assurance maladie
; des requêtes
pourront être réalisées, mais elles n’auront pas la même granularité ou
fiabilité que des requêtes automatisées sur des données codifiées. De plus,
le texte libre pourrait faire obstacle à l’évolution souhaitable des pratiques
de prescription de dispositifs médicaux : il sera plus facile et rapide pour
un médecin de remplir la partie en texte libre que de rechercher un produit
dans des bases codifiées. Enfin, un recours durable au texte libre plutôt
qu’à des données structurées pourrait amoindrir les perspectives
d’utilisation des DMP par les professionnels de santé, en gênant
l’éta
blissement de bilans de synthèse de la situation des patients.
La normalisation nécessaire des données des prescriptions
L’interopérabilité sémantique des systèmes d’information désigne à
la fois le codage des données unitaires, qui permet d’attribuer à c
hacune une
signification unique pour l’ensemble des acteurs d’échanges informatisés,
et la structuration syntaxique des groupes de données, qui permet leur
exploitation après échange.Une prescription ne désignant pas seulement un
acte ou un produit, mais apportant un ensemble de précisions sur les
conditions de sa réalisation ou de sa dispensation, comme par exemple le
dosage ou la durée de prise d’un médicament, la normalisation des syntaxes
de prescription est nécessaire pour étendre les possibilité
s d’analyse des
données par de
multiples systèmes d’information. Elle doit aussi prévenir
les risques de mésinterprétation par le logiciel du pharmacien de
l’information que lui a adressée celui du médecin, du fait de l’absence
d’homogénéité de la syntaxe
des posologies ou des durées de prise entre les
bases de médicaments auxquelles leurs logiciels respectifs peuvent se
référer.
557
La prescription unifiée
doit permettre aux médecins d’utiliser un seul service de
prescription en ligne
: d’un côté, les médicaments et certains dispositifs médicaux déjà
codifiés seront prescrits numériquement
; de l’autre, les autres dispositifs médicaux, les
plus nombreux, ainsi que les posologies et durées de prise des médicaments seront saisis
en texte libre. Les cahiers des charges de la prescription unifiée ont été diffusés aux
éditeurs de logiciels en juillet 2020. Les premiers tests, une fois les logiciels autorisés,
sont prévus au deuxième semestre 2021 et s’étaleront sur plusieurs mois.
Sécurité sociale 2021 – octobre 2021
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes- @Courdescomptes
LA DÉMATÉRIALISATION DES PRESCRIPTIONS MÉDICALES :
UN FACTEUR D’EFFICIE
NCE DU SYSTÈME DE SANTÉ,
DES CHANTIERS AMBITIEUX À FAIRE ABOUTIR
315
Or, les données de prescription ne font aujourd’hui l’objet d’aucune
codification opposable aux éditeurs de logiciels
s’agissant de la posologie
et de la durée de prise des médicaments, de la plupart des dispositifs
médicaux, des actes d’auxiliaires médicaux, des examens de biologie
médicale et des actes médicaux prescrits par un autre médecin.
2 -
Un vaste ensemble de données à codifier et à rendre opposables
aux éditeurs de logiciels
Afin de circonscrire la place du texte libre dans le contenu des
futures prescriptions dématérialisées
, l’Agence du numérique de santé
(ANS) doit poursuivre ou engager de nombreux chantiers de codification
dont les résultats devront être rendus opposables aux éditeurs de logiciels
par des arrêtés ministériels.
En particulier, il convient que les prescriptions de médicaments
dématérialisées fassent rapidement application de codes en dénomination
commune internationale (DCI), et non plus, comme cela sera le cas dans
un premier temps, des codes d’identification (CIS ou CIP) utilisés dans le
cadre de la procédure d’autorisation de mise sur le marché des
médicaments à la demande des entreprises pharmaceutiques, ce qui
limiterait les possibilités de développement de la dématérialisation des
génériques
558
. À cette fin, il convient de donner force obligatoire au
procédé dit du médicament virtuel, qui associe DCI, dosage, forme
pharmaceutique (comprimé, gélul
e…) et voie d’administration. Dès à
présent, une base de médicaments (Medicabase), issue du regroupement de
plusieurs bases préexistantes, intègre les codifications des médicaments
virtuels.
Les dispositifs médicaux et les actes de biologie devront aussi être
codifiés pour être intégrés à la prescription dématérialisée. Cette
codification pourra s’appuyer sur des nomenclatures internationales
559
.
De manière générale, le niveau d’exigence des règles fixées par les
référentiels d’interopérabilité approuvés par
arrêté du ministre chargé de la
santé devra être rehaussé afin de garantir un déploiement des solutions de
dématérialisation des prescriptions conforme aux objectifs ministériels.
558
La dernière version de la doctrine du numérique en santé prévoit, parmi les chantiers
techniques à mener, de renforcer la codification de la prescription en DCI,
Doctrine
technique du numérique en santé
, version 2020.
559
Pour les dispositifs médicaux, il s’agit de la nomenclature européenne
European
Medical Device Nomenclature
et pour les actes de biologie le référentiel
Logical
Observation Identifiers Names & Codes
ou Loinc, qui comporte 504 500 codes.
Sécurité sociale 2021 – octobre 2021
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes- @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
316
Il est regrettable à cet égard que la Cnam n’ait pas utilisé pour les
expérimentations de la prescription dématérialisée des médicaments les
standards et profils d
’interopérabilité, pourtant déjà connu
s des industriels et
des éditeurs de logiciels et
que l’
Agence du numérique en santé lui avait
recommandés.
La problématique
de l’interopérabilité des logiciels sur le marché
Le marché de l’édition de logiciels en santé comprend environ
150 entreprises. Concernant la structuration des données, les éditeurs
doivent respecter des référentiels permettant l’échange et le partage de
données de santé à caractère personnel (article L. 1110-4-1 du code de la
santé publique), élaborés par l’ANS et approuvés par arrêté du ministre
chargé de la santé
560
.
Cependant, les solutions proposées par les éditeurs sont souvent
éloignées
des
attendus
en
termes
d’urbanisation,
de
sécurité
et
d’interopérabilité décrits dans la doctrine technique et le cadre
d’interopérabilité des systèmes d’information de santé
561
.
Pour renforcer l’effectivité de ces référentiels, la loi de juillet 2019 a
prévu une nouvelle procédure de vérification de conformité. Un décret doit
définir le cadre applicable aux procédures d'évaluation de la conformité aux
référentiels d'interopérabilité et les conditions selon lesquelles l’État pourra
prévoir des incitations à la mise en con
formité. À ce stade, ce décret n’a pas
été publié.
C -
Un changement pour les acteurs du système de santé
à organiser et accompagner
1 -
Garantir l’authentification des professionnels à l’hôpital
Selon la direction générale de l’offre de soins (DGOS), l’applicatio
n
de l’obligation de dématérialisation aux prescriptions de médicaments
rétrocédés par les pharmacies hospitalières sera facilitée par les nombres
limités de logiciels de pharmacie concernés et de postes à équiper.
560
Pour assurer le transfert de données du prescripteur au prescrit, l’ANS a ainsi retenu
le standard
Integrating the Healthcare Enterprise
(IHE), qui permet de rapprocher les
données de celles sous le standard européen HL 7 utilisé par nos voisins.
561
Au vu des résultats de l’outil «
Convergence
» de l’ANS, qui permet aux éditeurs de
logiciels d’évaluer la conformité de leurs solutions aux principes d’interopérabilité.
Sécurité sociale 2021 – octobre 2021
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes- @Courdescomptes
LA DÉMATÉRIALISATION DES PRESCRIPTIONS MÉDICALES :
UN FACTEUR D’EFFICIE
NCE DU SYSTÈME DE SANTÉ,
DES CHANTIERS AMBITIEUX À FAIRE ABOUTIR
317
En revanche, pour l’ensemble des
prescriptions
faites à l’hôpital et
exécutées en ville, une difficulté essentielle porte
sur l’authentification des
praticiens hospitaliers prescripteurs.
Comme pour les professionnels libéraux, les prescriptions en
établissement doivent être identifiées par prescripteur en application du
code de la sécurité sociale
562
. Le respect de cette obligation demande
l’attribution aux praticiens hospitaliers de numéros d’inscription au
répertoire partagé des professionnels de santé (RPPS) et la diffusion des
cartes de professionnel de santé (CPS) à ces praticiens.
Or, la carte CPS est très peu utilisée à l’hôpital. En effet, son
utilisation est ressentie comme une gêne par les professionnels
563
.
Deux dispositifs
d’authentification dématérialisés sont aujourd’hui
envisagés dans le cadre de la feuille de route gouvernementale du
numérique en santé : le projet e-CPS de dématérialisation de la carte CPS
et le projet Air (authentification indirecte renforcée) expérimenté dans le
cadre du DMP
564
,
qui repose sur l’authentification de l’établissement
, et
non du professionnel lui-même. Cette alternative à la e-CPS présente
toutefois l’inconvénient majeur de ne pas assurer la traçabilité complète,
de bout en bout, de la prescription. En outre, son efficacité dépendra des
données auxquelles il sera
possible d’avoir accès.
Si le projet Air était retenu, il conviendrait en tout état de cause qu’il
s’accompagne de modalités destinées à garantir une traçabilité des auteurs
des prescriptions au sein de l’hôpital.
2 -
Inciter financièrement les acteurs du système de santé
à s’adapter
en privilégiant les enveloppes existantes
S’agissant des soins de ville, des modules devront être ajoutés aux
logiciels métier afin de permettre la dématérialisation des prescriptions par
562
Article L. 162-5-15 du code la sécurité sociale.
563
Pour les médecins libéraux des établissements privés lucratifs, et pour l’activité
libérale des médecins exerçant à l’hôpital public, il n’a en revanche pas été si
gnalé à la
Cour de difficulté particulière dans l’acceptabilité ou l’utilisation de la carte CPS,
nécessaire
il est vrai
à la sécurisation de la facturation de leurs actes par télétransmission
individualisée à l’assurance maladie.
564
Les solutions envisagée
s correspondent à deux modes d’accès distincts :
le médecin
à l’hôpital consulte le DMP depuis un logiciel médical du système d’information
hospitalier, ou bien il appelle l’URL du DMP par le navigateur d’un poste du système
d’information de l’établissement.
Sécurité sociale 2021 – octobre 2021
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes- @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
318
les professionnels prescripteurs et leur exploitation par les professionnels
prescrits.
Dans le cadre d
’une
enveloppe
de 300 M€,
prévue par
l’avenant 9 à
la convention médicale conclu le 30 juillet 2021 et consacrée au
développement des usages du numérique en santé, la Cnam prévoit en
particulier
qu’en 2023 une valorisation de 40 points du forfait structure
(voir encadré)
serait accordée aux médecins pour l’atteinte d’un taux de
50 % de prescription dématérialisée de produits de santé réalisé via la
service e-prescription.
Le forfait structure : un outil incitatif à la modernisation
du cabinet médical
Au titre de 2019, l’assurance maladie a versé à 65
425 médecins, un
forfait dit structure représentant un montant total de 223
M€ et 3
4
00 €
environ en moyenne par médecin. Il se compose de deux volets comprenant
des indicateurs avec chacun des cibles à atteindre. Pour 2020, les médecins
atteignant toutes les cibles pouvaient recevoir au maximum 6
195 €.
Afin que les cabinets médicaux soient équipés en solutions
logicielles permettant la e-prescription unifiée des produits de santé, le
ministère de la santé prévoit par ailleurs de financer directement les
éditeurs dans le cadre du volet numérique du Ségur de la santé pour
procéder aux évolutions informatiques et les mettre à disposition
gratuitement des médecins.
S’agissant des établissements de santé, d
epuis 2011, le programme
Hôpital numérique, puis le programme Hop’en, qui en a pris la suite, ont
contribué à étendre la dématérialisation des actes, biens et prestations
prescrits et dispensés au sein des établissements de santé. La
dématérialisation des prescriptions dispensées en interne (qui bénéficie de
près de 36
M€ sur une enveloppe globale de 420
M€ au titre de
ce
programme entre 2018 et 2022) est le domaine pour lequel les
établissements répondent le plus aux prérequis techniques fixés par Hop’en
(à hauteur de 79 % en moyenne en 2018).
Il convient de prévoir les financements nécessaires au raccordement
des syst
èmes d’information hospitaliers aux services de prescription
dématérialisée
mis en place par l’assurance maladie et au déploiement de
solutions d’authentification des professionnels à l’hôpital. Ils relèvent
logiquement des enveloppes arbitrées par le Gouvernement en faveur des
investissements à l’hôpital au titre du Ségur de la santé et du programme
qui succèdera à Hop’en en 2023.
Sécurité sociale 2021 – octobre 2021
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes- @Courdescomptes
LA DÉMATÉRIALISATION DES PRESCRIPTIONS MÉDICALES :
UN FACTEUR D’EFFICIE
NCE DU SYSTÈME DE SANTÉ,
DES CHANTIERS AMBITIEUX À FAIRE ABOUTIR
319
3 -
Mieux accompagner les professionnels de santé
Les pratiques de codage sont absentes du cursus universitaire. Les
professionnels ne sont donc pas sensibilisés aux finalités et aux modalités
du codage des prescriptions. Les bénéfices du codage des prescriptions
pour la pratique médicale sont donc très largement méconnus par les
médecins. Leur formation initiale et continue devrait être adaptée afin de
les faire mieux partager.
Par ailleurs, les CPAM emploient des conseillers informatique
services (CIS) afin d’accompagner les professionnels de santé et les
employeurs dans leurs relations avec l’assurance maladie, les sensibiliser
aux nouveaux services et favoriser l’installation des nouvelles solutions
informatiques et leur utilisation quotidienne.
En 2019, l’assurance maladie comptait 521 CIS au total. Leur
répartition entre caisses locales n’est pas corrélée à la démographie des
professionnels de santé. Elle ne l’est pas non plus au taux de
dématérialisation des avis
d’arrêts de travail. La répartition, les missions et
les objectifs opérationnels fixés aux CIS paraissent appeler une révision.
La Cnam prévoit de mobiliser plus fortement les CIS pour la promotion
des services socles du numérique en santé (e-prescription, DMP et
messageries sécurisées) auprès des professionnels concernés.
Sécurité sociale 2021 – octobre 2021
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes- @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
320
__________
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS ____________
Après un retard important, de l’ordre de cinq à dix années par rapport
à la plupart de ses voisins européens, la France a engagé la mise en place
d’un
dispositif de prescription électronique de médicaments et de dispositifs
médicaux. Ce dispositif pourrait être ouvert début 2022. Il serait rapidement
complété par des services de e-
prescription des actes d’auxiliaires médicaux
et d’actes de biologie. Il viendra s’ajouter à deux dispositifs opérationnels
depuis plusieurs années
: les avis d’arrêts de travail depuis 2011 et les
transports de patients depuis 2017.
La loi du 24 juillet 2019 relative à l'organisation et à la
transformation du système de santé a
fixé à fin 2021 l’obligation de
dématérialisation des prescriptions d’arrêt de travail et d’ici fin 2024 celles
des autres prescriptions médicales (médicaments, dispositifs médicaux,
actes d’auxiliaires médicaux et de biologie, prescriptions d’un médecin
à un
autre dans le cadre du parcours de soins coordonné). Cependant, les
conventions ou règlements d’application ne sont pas intervenus à ce jour.
Un calendrier de mise en œuvre de la dématérialisation de chaque type de
prescription et des travaux techniques restant à mener serait utile pour
orienter et informer les différents acteurs sur les échéances à venir.
S’agissant des arrêts de travail, le respect de l’échéance de fin 2021
ne pourra que partiellement s’appuyer sur le taux de dématérialisation
spontané actuel, légèrement supérieur à 54 % pour les avis maladie et
maternité.
Pour les autres prescriptions, l’échéance de fin 2024 pourrait encore
être atteinte, mais sur un mode dégradé
: en laissant à l’écart certaines
prescriptions (les arrêts de travail prescrits en établissement de santé) ou
leur exécution (les transports par taxi conventionné et une partie des
dispositifs médicaux) et, potentiellement, l’enjeu majeur des prescriptions
d’origine hospitalière exécutées en ville
; en acceptant un large usage du
texte libre pour la prescription de la posologie et de la prise des
médicaments et la plupart des dispositifs médicaux ; en acceptant de
manière générale une faible interopérabil
ité des systèmes d’information.
Ce faisant, ce serait renoncer à une grande partie des apports
possibles de la dématérialisation des prescriptions : l’amélioration de la
qualité et de la sécurité des soins aux patients par la consultation de données
structurées du dossier médical partagé avant de nouvelles prescriptions ;
l’ef
fectivité de la prescription des médicaments en dénomination commune
internationale et une prescription plus étendue des médicaments
génériques ; une efficience renforcée des dépenses liées à la maîtrise des
Sécurité sociale 2021 – octobre 2021
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes- @Courdescomptes
LA DÉMATÉRIALISATION DES PRESCRIPTIONS MÉDICALES :
UN FACTEUR D’EFFICIE
NCE DU SYSTÈME DE SANTÉ,
DES CHANTIERS AMBITIEUX À FAIRE ABOUTIR
321
prescriptions hospitalières exécutées en ville ; la sécurisation de la chaîne
de prescription et de facturation des prestations de transport de patients.
Au-delà des solutions techniques en cours de mise en place, plusieurs
chantiers d’importance doivent donc être menés à leur terme ou engagés.
La Cour formule ainsi les recommandations suivantes :
33.
étendre
le
champ
de
l’obligation
de
dématérialisation
des
prescriptions, à tous les actes, biens et produits de santé prescrits et
effectués ou dispensés par l’ensemble des acteurs du système de santé
en ville
et à l’hôpital,
en remédiant à plusieurs omissions (arrêts de
travail prescrits en établissement de santé, transports effectués en taxi
conventionné et dispositifs médicaux commercialisés par des
prestataires de service) (ministère chargé de la sécurité sociale et de
la santé) ;
34.
adopter des références non commerciales pour la prescription
dématérialisée des médicaments et des dispositifs médicaux et définir
des modalités de codification des prescriptions dématérialisées
d
’actes
de
biologie,
d’auxiliaires
médicaux
et
d’autres
médecins (ministère chargé de la sécurité sociale et de la santé,
Agence du numérique de santé et Cnam) ;
35.
dans le cadre du programme qui succèdera à Hop’en en 2023,
garantir le raccordement des
systèmes d’information hospitalier
s aux
services de prescription dématérialisée mis en place par l’assurance
maladie
et
une
authentification
individuelle
effective
des
professionnels prescripteurs à l’hôpital (ministère chargé de la
sécurité sociale et de la santé, Cnam).
Sécurité sociale 2021 – octobre 2021
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes- @Courdescomptes