Chapitre V
La télésanté, des outils à mettre
au service de la coordination des soins
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_____________________ PRÉSENTATION_____________________
La télésanté désigne l’ensemble des actes médicaux et paramédicaux
réalisés à distance. Elle recouvre la télémédecine, définie par la loi en 2009,
réalisée par les professionnels médicaux
374
, ainsi que le télésoin, ou pratique
à distance des actes des auxiliaires médicaux et des pharmaciens, introduit
dans la législation en 2019.
D’abord mises en œuvre dans un cadre essentiellement expérimental,
les
consultations
à
distance
d’un
médecin
pa
r
un
patient
(les
téléconsultations), sont depuis septembre 2018 remboursées par l’assurance
maladie, de même que les sollicitations à distance d’un médecin expert par
un confrère pour avis sur le dossier d’un patient (les téléexpertises) depuis
février 2019.
Leurs usages sont néanmoins restés limités jusqu’à ce que la crise
sanitaire causée par l’épidémie de
covid 19 change largement la situation.
Les confinements ont en effet donné à la téléconsultation un rôle essentiel
dans la continuité des soins, av
ec un nombre d’actes passé de moins de
140 000 en 2019 à plus de 18
millions en 2020. La nécessité d’éviter une
saturation des services hospitaliers a également fait apparaître, pour les
patients atteints de la covid
19 et maintenus à domicile, l’utilité
de leur
surveillance à distance (la télésurveillance), qui n’est pour l’instant pas
encore inscrite au remboursement de droit commun.
Ces faits nouveaux ont amené la Cour, qui s’était déjà penchée en
2017 sur la télémédecine
375
, à constater le faible apport de la télésanté à
l’organisation des soins avant la crise sanitaire (I). Pendant cette dernière,
les besoins de continuité des soins et un assouplissement du cadre juridique
ont favorisé l’essor de certains actes de télésanté, ce qui n’est pas sans
certains risques (II). À la lumière de ces évolutions, de nombreux freins
restent à lever pour que la télésanté contribue davantage à l’efficience du
système de santé (III).
374
Les actes de télémédecine sont définis à l’article R.
6316-1 du code de la santé
publique.
375
Cour des comptes, « La télémédecine », in La sécurité sociale, rapport sur
l’application des lois de financ
ement de la sécurité sociale, octobre 2017, La
Documentation française, disponible sur www.ccomptes.fr.
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COUR DES COMPTES
208
I -
Des atouts potentiels considérables,
encore insuffisamment exploités
A -
Une contribution
attendue à l’efficience des soins
1 -
Des pratiques multiples
La télésanté met en relation des professionnels de santé entre eux ou
avec des patients, par l’intermédiaire d’outils numériques permettant des
échanges à distance. La téléconsultation peut être effectuée selon des
modalités différentes : téléconsultations simples, entre le patient seul et un
médecin, et téléconsultations accompagnées, le patient étant assisté d’un
auxiliaire médical
376
, par exemple un infirmier, pour prendre des mesures
transmises au
médecin à l’aide de dispositifs médicaux connectés comme
des stéthoscopes ou des otoscopes. Les outils de vidéotransmission sont
aussi mobilisés dans le cadre de la régulation médicale des services d’aide
médicale urgente (Samu), la réponse médicale apportée dans le cadre de la
régulation étant un acte de télémédecine. Équivalent de la téléconsultation
pour les auxiliaires médicaux et les pharmaciens, le télésoin a vu ses
premiers actes autorisés pendant la crise sanitaire
377
pour répondre à un
besoin de continuité des soins.
La téléexpertise
consiste dans la demande d’expertise d’un
professionnel de santé à un professionnel médical
378
, notamment si cette
expertise n’est pas disponible dans la zone géographique. Une plateforme
numérique ou une messagerie sécurisée de santé permettent le partage de
documents et le traçage de l’avis rendu par le médecin sollicité. La
téléexpertise facilite l’organisation du temps médical, en permettant une
réponse de l’expert requis à un moment postérieur à sa sollicitation.
376
Les psychologues peuvent également accompagner la téléconsultation ; les
recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS) prévoient aussi que le patient
peut être accompagné par un professionnel de santé ou par un proche.
377
Ces actes ont été, de façon transitoire et à des fins de continuité des soins, autorisés
et rendus pour la plupart éligibles au remboursemen
t par l’assurance maladie au cours
de la période d’urgence sanitaire du premier trimestre 2020,
avant que le décret n°2021-
707 du 3 juin 2021 relatif à la télésanté et l’arrêté du 3 juin 2021 définissant les activités
de télésoin précisent les activités
éligibles, leurs conditions de mise en œuvre et de prise
en charge.
378
Le décret précité du 3 juin 2021 ouvre le recours à la téléexpertise aux auxiliaires
médicaux et aux pharmaciens.
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LA TÉLÉSANTÉ, DES OUTILS À METTRE AU SERVICE
DE LA COORDINATION DES SOINS
209
La télésurveillance
permet l’interprétation à distance par un
professionnel médical de données de santé du patient, en vue de décisions
concernant sa prise en charge. Elle est aujourd’hui expérimentée,
notamment dans le cadre prévu
379
par la loi de financement de la sécurité
sociale (LFSS) pour 2014, au bénéfice des patients atteints de diabète,
d’insuffisance cardiaque, rénale ou respiratoire chronique ou porteurs de
prothèses cardiaques implantables. La télésurveillance nécessite une
organisation qui peut associer médecin traitant et spécialiste hospitalier,
ainsi que des infirmiers pour s’assurer en particulier des remontées de
données et filtrer les alertes transmises au médecin.
2 -
Des solutions pour améliorer la coordination des soins
Si les pouvoirs publics ont initialement assigné à la télésanté un rôle
d’amélioration de l’accès aux soins dans les zones à faible densité
médicale, cet objectif est progressivement passé au second plan. En effet,
pour que la prise en charge médicale soit de bonne qualité, les consultations
à distance doivent être alternées avec des consultations physiques. La
télésanté ne peut donc être à elle seule une solution à la faible densité
médicale de certaines zones géographiques. Le plan d’égal accès aux soins
de 2017 a prévu ainsi de recourir à la télémédecine dans les communes des
territoires sans déficit global d’offre médicale et mobilise plutôt les aides à
l’installation des médecins pour ceux qui souffrent d’un manque d’offre.
Mais l
’avenant 9 à la
convention médicale, conclu le 30 juillet 2021 à la
suite de la crise sanitaire, souligne à nouveau le rôle de la télésanté pour
favoriser l’
accès aux soins dans les zones peu dotées.
En ce qu’elle permet la communication des professionnels de santé
entre eux et avec les patients, à distance et éventuellement de façon décalée
dans le temps, la télésanté peut également améliorer l’organisation des
soins. Elle a ainsi vocation à contribuer à la coordination entre les médecins
traitants, les spécialistes et les auxiliaires médicaux autour du patient, au
maintien, à la prise en charge et à l’hospitalisation à domicile. Elle doit
concourir à la diminution de la durée des hospitalisations, en réalisant à
distance les actes préparatoires, comme la consultation pré-anesthésique,
et postérieurs à l’hospitalisation, comme la rééducation et le suivi post
-
opératoire. Elle peut donc contribuer à une prise en charge de meilleure
qualité.
379
Expérimentations de télémédecine pour l’amélioration des parcours de santé, dites
« Étapes ».
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210
La télésanté peut aussi favoriser le décloisonnement de l’offre de
soins, entre la
ville, l’hôpital et le secteur médico
-social, et ainsi être utile
à la prise en charge des malades chroniques, qui nécessitent un suivi au
long cours associant de nombreux professionnels. Elle peut éviter aux
patients des transports et des hospitalisations et améliorer la qualité de leur
suivi, par la télésurveillance ou par des téléconsultations intervenant entre
deux rendez-vous de contrôle. Compte tenu de la hausse de la prévalence
de ces maladies
380
, les enjeux sont significatifs. Le déploiement de la
tél
ésanté peut donc s’accompagner d’importants gains d’efficience, déjà
relevés par la Cour en 2017
381
, à condition qu’il aille de pair avec une
réorganisation des soins par le moyen d’un renforcement de la coordination
des professionnels de santé autour du patient.
3 -
Des dispositifs de télésanté nombreux et mal coordonnés
Les Agences régionales de santé (ARS)
382
ont développé des
plateformes régionales de santé numérique, qui comprennent notamment
des services de coordination des professionnels de santé, de partage de
documents ou d’agendas et de gestion des dossiers numériques des
patients. Ces plateformes peuvent inclure des outils de télémédecine.
L’ambition portée par ces investissements régionaux est notamment de
répondre au besoin d’interopérabilité des solutions techniques utilisées par
les divers professionnels, par exemple pour la téléexpertise ou la
téléconsultation accompagnée par un auxiliaire médical.
Cette offre de télémédecine régionale est cependant discutable à
plusieurs titres. En raison d’un manque de coordination entre régions, le
même éditeur peut facturer à différentes régions des coûts de
développement de services similaires
; à l’inverse, des choix d’éditeurs
différents par deux ARS limitrophes ne permettent pas d’usage entre
professionnels et patients situés de part et d’autre de la frontière régionale.
Par ailleurs, les systèmes de téléconsultation développés spécifiquement à
la demande des ARS ne sont pas nécessairement la solution la plus
efficiente, en particulier pour les téléconsultations simples, pour lesquelles
existe une offre abondante de produits standards sur le marché. Enfin, les
plateformes régionales, construites parfois depuis plusieurs années, ne
380
18 % des personnes affiliées au régime général étaient en affection de longue durée
(ALD) en 2019 contre environ 14 % en 2008.
381
Cour des comptes, « La télémédecine », Ibid.
382
Les ARS s’appuient sur leurs groupements régionaux d’appui à la e
-santé (Grades),
créés en 2018 pour renforcer les capacités régionales techniques en matière de santé
numérique.
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LA TÉLÉSANTÉ, DES OUTILS À METTRE AU SERVICE
DE LA COORDINATION DES SOINS
211
s’inscrivent pas toujours dans la stratégie nationale du numérique en santé,
réaffirmée en 2019, qui requiert l’interfaçage avec le dossier médical
partagé et les messageries sécurisées de santé.
B -
Une stratégie de développement lente,
dont les objectifs n’ont pas été atteints
1 -
Un échec quantitatif des expérimentations
La télémédecine a d’abord été déployée de façon expérimentale,
dans le cadre du dispositif « Étapes » créé par la LFSS 2014, qui visait à
préfigurer une organisation nationale de la télémédecine. Initialement
organisées dans neuf régions, les expérimentations de téléconsultation et
de téléexpertise ont d’abord ciblé des publics spécifiques
: patients
souffrant de plaies chro
niques ou complexes, d’une affection de longue
durée ou résidant dans des établissements médico-sociaux. En dépit de leur
élargissement aux établissements de santé et à l’ensemble des régions en
2017, moins de 1 000 actes de télémédecine ont été facturés à
l’
assurance
maladie jusqu’en novembre
2017, qui témoignent de l’échec quantitatif de
cette expérience.
Les expérimentations de télésurveillance n’ont commencé qu’en 2018
et ont été prolongées jusqu’à fin 2021 par la LFSS 2018. Leur mise en œuvre
a aussi connu des difficultés de déploiement. Si près de 100 000 patients en
avaient bénéficié à la date de décembre 2020, 80
% d’entre eux environ
étaient inscrits au titre d’une prothèse cardiaque implantable. Or, le suivi par
télésurveillance existait déjà avant ces expérimentations, qui ont apporté aux
médecins une rémunération pour un service qu’ils effectuaient jusqu’alors
gratuitement. Le nombre de patients inclus pour les autres pathologies
concernées est donc bien plus faible, de l’ordre de 20
000.
2 -
Une croissance modeste des actes remboursés avant la crise sanitaire
Le
manque
de
données
recueillies
dans
le
cadre
des
expérimentations n’a pas permis de réaliser l
es évaluations médico-
économiques prévues. Pour autant, la LFSS 2018 a décidé la généralisation
du remboursement des actes de téléconsultation et de téléexpertise, mettant
fin aux expérimentations et renvoyant à la négociation conventionnelle
entre l’
assurance maladie et les syndicats de médecins la fixation des tarifs
de remboursement et les
modalités de mise en œuvre de ces actes.
L’avenant n
o
6 à la convention médicale a ainsi prévu le remboursement
des téléconsultations à compter de septembre 2018 et des téléexpertises à
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212
compter de février 2019. Des avenants aux conventions des infirmiers et
des pharmaciens ont prévu le remboursement des actes d’accompagnement
du patient à la téléconsultation.
La prise en charge des téléconsultations a été conditionnée au respect
du parcours de soins coordonné
383
et à la connaissance préalable du patient
par le professionnel de santé. Cela conduit à soustraire au remboursement les
téléconsultations et les téléconseils dispensés par certaines plateformes
commerciales opérant sur tout le territoire.
L’offre com
merciale de télésanté
Des sociétés privées proposent aux patients et professionnels de
santé des plateformes de télésanté, notamment de téléconsultation
simple, selon deux modèles économiques : certaines plateformes sont de
simples outils de téléconsultation, acquis par le médecin pour réaliser
des téléconsultations avec ses patients
; d’autres emploient des médecins
et offrent aux patients des possibilités de téléconsultations sur demande
à tout moment. Des compagnies d’assurance et des mutuelles proposent
régulièrement ces dernières prestations à leurs adhérents, et parfois
disposent elles-mêmes de filiales portant les plateformes. Ces services, qui
se sont déployés assez largement
386
, proposent des téléconsultations avec
des médecins situés sur tout le
territoire. Elles ne s’inscrivent pas dans des
logiques d’organisation des soins territoriales.
L’inscription des téléconsultations et des téléexpertises au
remboursement de droit commun de l’assurance maladie a permis un
premier essor des actes effectués dans le cadre du parcours de soins, en
particulier des téléconsultations. En 2019, 153 609 téléconsultations et
2 790 téléexpertises ont ainsi été facturées, résultats toutefois très inférieurs
à l’objectif de 500
000 actes fixé par l’État à la Caisse nati
onale
d’assurance maladie (Cnam) pour 2019. La dynamique
387
observée fin
2019 laisse néanmoins penser que l’objectif fixé pour 2020 (700
000 actes)
aurait pu être atteint sans l’impulsion résultant de la crise sanitaire.
383
Dans une logique de qualité des prises en charge
et d’efficience, ce parco
urs consiste
à confier au médecin traitant la coordination des soins pour le suivi médical.
386
À
titre d’exemple, le groupe Axa déclare 20
000 téléconsultations réalisées sur sa
plateforme en 2018 et la société suédoise Livi en déclare plus de 20 000 entre septembre
2018 et août 2019.
387
Environ 22 000 et 30 000 téléconsultations respectivement en novembre et décembre
2019 puis 40 000 en janvier 2020.
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LA TÉLÉSANTÉ, DES OUTILS À METTRE AU SERVICE
DE LA COORDINATION DES SOINS
213
Graphique n° 11 :
évolution mensuelle des téléconsultations en 2019
Source : Cour des comptes,
d’après
données du SNDS
3 -
Des objectifs globalement non atteints
La télémédecine est restée jusqu’en 2019 une pratique très
minoritaire,
dépendant
encore
beaucoup
de
professionnels,
d’établissements ou de régions pilotes. Moins d’un médecin sur vingt avait
ainsi facturé des téléconsultations à l’assurance maladie en 2019 et les actes
étaient très concentrés dans certaines régions : 40 % des téléconsultations
remboursées entre 2017 et 2019 ont été réalisées en Île-de-France et 12 %
en Occitanie.
De plus, les objectifs de couverture prioritaire de certaines
catégories de patients n’ont pas été atteints. En particulier, les
téléconsultations et téléexpertises dispensées au profit des personnes
résidant en établissements pour personnes âgées dépendantes (Ehpad)
et
dans les établissements du secteur du handicap se sont très faiblement
développées. Plus de la moitié des Ehpad restaient ainsi en 2019 dépourvus
d’accès à la télémédecine. L’insuffisante couverture par les réseau
x
internet à haut débit explique en partie les difficultés rencontrées dans les
secteurs ruraux, mais le temps disponible des auxiliaires médicaux des
établissements médico-sociaux pour accompagner les téléconsultations a
également manqué.
Plus largement, entre 2017 et 2019, les patients de plus de 60 ans,
surreprésentés dans la répartition par âge des consultations médicales et
représentant 26
% de la population, n’ont bénéficié que de 19
% des
téléconsultations. Les principaux bénéficiaires de ces dernières étaient
0
10 000
20 000
30 000
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COUR DES COMPTES
214
plutôt de jeunes adultes. Avant la désignation d’un chef de projet
« télémédecine en milieu carcéral » au ministère de la justice en 2021, le
développement de la télémédecine au profit des personnes détenues a été
faible et très hétérogène selon les établissements pénitentiaires, alors que
la télésanté a un rôle important à jouer pour améliorer l’accès aux soins et
l’efficience de la prise en charge des personnes détenues
388
.
Si le faible nombre d’actes de télémédecine n’a pas pu modifier
sensiblem
ent l’accès aux soins dans les zones déficitaires en offre de soins,
on constate néanmoins que la télémédecine y a été, entre 2017 et 2019,
développée de façon préférentielle : la part des téléconsultations dans les
zones d’intervention prioritaire
389
a atteint 19 % des téléconsultations
remboursées, soit quatre points de plus que la part qu’y représentaient
l’ensemble des consultations.
Ainsi,
la
généralisation
du
remboursement
des
actes
de
téléconsultation et de téléexpertise a permis un démarrage de leur usage,
mais encore très limité à la veille de la crise sanitaire.
II -
Un essor de la télésanté à la faveur
de la crise sanitaire
Depuis le premier trimestre 2020, la crise sanitaire a profondément
modifié et développé les usages de la télésanté.
A -
Le développement rapide de certains actes
1 -
L’augmentation des téléconsultations et l’usage du télésoin
dans un objectif de continuité des soins
Le nombre de téléconsultations remboursées est passé de moins de
140 000 en 2019 à 18,4 million
s d’actes en 2020. Le résultat obtenu est
26
fois supérieur à l’objectif fixé à la Cnam pour 2020 de 700
000 actes de
télémédecine. L’objectif pour 2021 (1
million d’actes) a été dépassé dès
388
Selon le ministère de la justice, les extractions de détenus pour raison médicale
coûtent environ 50
M€ par an et une extraction de moins de vingt
-quatre heure 459
€
en moyenne.
389
Zones où le nombre de consultations accessibles par an par habitant est inférieur à
2,5 et qui sont éligibles aux aides de l’assurance maladie à l’installation et au maintien
des médecins.
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LA TÉLÉSANTÉ, DES OUTILS À METTRE AU SERVICE
DE LA COORDINATION DES SOINS
215
janvier 2021. Cette évolution a atténué la diminution du nombre de
l’ensemble des consultations médicales (présentielles et à distance) entre
janvier et avril 2020 (-29 %), alors que les consultations au cabinet ont
diminué de 43 % durant cette période. Il existe une forte corrélation entre
les périodes de confinement de 2020 et le nombre de téléconsultations. Le
recours aux téléconsultations était moindre lors du second confinement,
moins strict que le premier.
Graphique n° 12 :
évolution du nombre de téléconsultations, 2017 -
février 2021
Source
: Cour des comptes, d’après données du
SNDS
Cet essor a donné lieu à une modification du paysage des
téléconsultations, acte devenu familier à une large part de la population.
Les téléconsultations sont désormais mieux réparties sur l’ensemble du
territoire. Hormis une légère sous-représentation de la Normandie, de la
Bretagne et des Pays de la Loire, zones moins touchées par l’épidémie, la
part des téléconsultations par région est désormais presque proportionnelle
aux populations régionales. La répartition par âge des patients a aussi été
rééquilibrée en 2020, avec un tiers de patients de 60 ans ou plus. Alors que
les téléconsultations étaient plus fréquentes dans les zones à déficit d’offre
de soins, cette caractéristique a disparu avec la crise sanitaire : 13 % de
l’ensemble des téléconsultati
ons y ont été réalisées en 2020 contre 15 %
des consultations.
L’essor généralisé des téléconsultations sur l’ensemble du territoire
et pour toute la population traduit avant tout l’utilité de ces actes pour
assurer la continuité des soins en période de crise et éviter des
contaminations grâce à une diminution des déplacements et des rendez-
0
500 000
1 000 000
1 500 000
2 000 000
2 500 000
3 000 000
3 500 000
4 000 000
4 500 000
5 000 000
Premier
confinement
Second
confinement
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COUR DES COMPTES
216
vous en cabinet médical. Cette mobilisation des téléconsultations pour
assurer la continuité des prises en charge pendant la crise sanitaire a été un
phénomène généralisé en Europe.
L’usage des téléconsultations pendant la crise s
anitaire en Europe
Fin 2020, 42 % des Britanniques et 55 % des Espagnols avaient eu
recours à la télémédecine, soit une proportion nettement supérieure aux
Français (21 %) ou aux Belges (20 % en avril-mai 2020), alors que la situation
antérieure à la crise était comparable en France et en Espagne. En Pologne,
80 % des consultations se sont déroulées à distance pendant la première vague
de l’épidémie, soit un niveau cinq fois supérieur à la France. En revanche,
malgré son autorisation en Allemagne en 2015, l
a téléconsultation n’y avait
pas connu d’essor notable avant 2020. La crise sanitaire a permis un
développement modeste de son utilisation : fin 2020, seuls 10 % des
Allemands y avaient eu recours au moins une fois dans leur vie.
Ce contexte a permis aux patients et aux professionnels de santé de
s’accoutumer à la télésanté. L’absence de retour du nombre de
téléconsultations
au
niveau
d’avant
-crise
pendant
des
mois
de
déconfinement comme juin et juillet 2020 semble indiquer l’atteinte d’un
plancher dans l’u
sage des téléconsultations.
Pour assurer la continuité des soins et à compter du mois de mars
2020, des mesures réglementaires ont autorisé la réalisation à distance
d
’
actes
et d’activités
des pharmaciens et des auxiliaires médicaux. Ce fut
notamment le cas pour de nombreux
actes d’orthophonie
,
d’orthoptie,
de
masso-kinésithérapie, de psychomotricité
, à l’exclusion des bilans initiaux
et des renouvellements de bilans qui demeurent faits par ces professionnels
en présence du patient.
2 -
Un télésuivi et des plateformes de télésurveillance essentiels
pour la gestion de la crise
La télésurveillance a aussi été mobilisée pour assurer le suivi à
distance des patients atteints de la covid
19 ou susceptibles de l’être, dans
le but d’améliorer la qualité de leur prise
en charge médicale et de diminuer
la pression exercée sur les services hospitaliers. En mars 2020 a été créé
l’acte de télésuivi des patients atteints de la
covid 19 et maintenus à
domicile. Réalisé par des infirmiers, il peut être effectué par
vidéotransmission ou téléphone, y compris en l’absence de connaissance
préalable des patients. Il a représenté 75 000 actes remboursés entre mars
et septembre 2020, surtout dans des territoires denses et urbains.
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LA TÉLÉSANTÉ, DES OUTILS À METTRE AU SERVICE
DE LA COORDINATION DES SOINS
217
La télésurveillance médicale des patients atteints de la covid 19 a
aussi été déployée dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire. Plusieurs
hôpitaux ont ainsi mis en place un dispositif de suivi à distance des patients,
en particulier ceux sortant d’hospitalisation. En Île
-de-
France, l’As
sistance
publique-hôpitaux de Paris (AP-HP) a ainsi mis en place une plateforme
de télésurveillance appelée Covidom.
La plateforme de télésurveillance médicale Covidom
L’AP
-
HP et l’union régionale des professionnels de santé médecins
libéraux d’Île
-de-France ont mis sur pied en mars 2020 une plateforme de
télésurveillance de patients atteints de la covid 19 sans formes graves ou
ceux susceptibles de l’être. Cette solution, dénommée Covidom, a été
conçue pour désengorger les établissements de santé de façon sécurisée, en
suivant à domicile les patients grâce à un système de surveillance de l’état
de santé fondé sur des réponses à des questionnaires médicaux réguliers,
traitées par un algorithme pouvant générer le cas échéant des alertes,
transmises à un plateau de télésurveillance. Les opérateurs du plateau de
télésurveillance peuvent appeler le patient pour vérifier son état, le rassurer
ou déclencher une prise en charge médicale.
Le dispositif a suivi à distance jusqu’à 40
000 patients par jour lors
de la première phase épidémique. La plateforme a par la suite été utilisée
par l’ARS d’Île
-de-France, dans le contexte de la stratégie de
déconfinement, pour suivre l’isolement des malades et cas contacts détectés
dans le cadre de la politique de traçage des contacts, portant le nombre total
de patients suivis depuis son lancement à près d’1,2 million fin avril 2021.
Pour un groupe d’un peu plus de 6
000 patients suivis par Covidom
et interrogés dans un sondage réalisé en juin 2020 par l’AP
-HP, ce dispositif
a permis de réduire le recours aux urgences ou au Samu
390
.
3 -
D’autres modalités de la télémédecine insuffisamment
mises à contribution
L’essor de la télésanté à l’occasion de la crise sanitaire, loin d’être
général, est donc resté concentré sur des usages spécifiques : la
téléconsultation et le télésoin
à visée de continuité des soins d’une part et
390
Parmi les 6 187 patients ayant répondu, entre mars et juin 2020, 4 % se sont rendus aux
urgences sur recommandation de leur médecin et 5 % de leur propre initiative, 5 % ont
appelé le Samu sur recommandation médicale, et 8 % de leur propre initiative. À la question
de savoir ce qu’ils auraient fait en l’absence de suivi par Co
vidom, 14 % des patients ont
répondu qu’ils se seraient rendus aux urgences et 16
% qu’ils auraient appelé le Samu, soit
un taux de recours nettement plus élevé (étude n’ayant pas fait l’objet de publication).
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COUR DES COMPTES
218
la télésurveillance des patients atteints de la covid
19 d’autre part. Les
téléexpertises n’ont pas connu le même essor
: seulement 17 676 actes ont
été facturés en 2020.
Les téléconsultations accompagnées par des infirmiers ou des
pharmaciens d’officine ne se sont pas non plus développées pendant la crise,
bien qu’admises au remboursement en 2020. Les premiers n’ont réalisé que
54 469 actes en 2020
391
, soit 0,3 % des téléconsultations, dont seulement
8 000 actes pendant la première phase épidémique en mars-avril 2020 et les
seconds 11 337 actes de janvier à septembre 2020. Ces résultats modestes
s’expliquent notamment par la nécessité de mettre en place des arti
culations
et des agendas partagés entre médecins consultants et auxiliaires médicaux.
Les actes ont été concentrés dans une quinzaine de départements ruraux et à
faible densité médicale
392
, ce qui témoigne toutefois de leur intérêt pour des
publics nécessita
nt davantage d’accompagnement.
B -
Un relâchement des contraintes en partie efficace
mais porteur de risques
1 -
Des mesures facilitatrices
Certaines mesures réglementaires rapidement prises par les pouvoirs
publics pour faciliter le recours à la télésanté et les efforts de
communication
ont
également
contribué
au
développement
des
téléconsultations.
Alors que ces dernières doivent être réalisées par vidéotransmission
pour ouvrir droit au remboursement, un décret a autorisé en avril 2020 le
remboursement des téléconsultations par téléphone pour certains types de
patients n’ayant pas accès à une connexion internet à haut ou très haut
débit, ainsi que pour certains patients ne disposant pas d’un terminal
permettant une vidéotransmission
393
; ces dérogations ont été prolongées
jusqu’au 1
er
juin 2021 avec des conditions plus strictes. Jusqu’au
2 mars 2021, les professionnels de santé ont aussi pu recourir à des outils
numériques ne respectant pas la réglementation relative à l’hébergement
des données de santé pour la prise en charge des patients atteints de la
covid 19
ou susceptibles de l’être.
391
7 479 au domicile du patient, 36 726 dans un lieu dédié et 10
264 lors d’un soin.
392
En particulier, l’Yonne (14
% des actes), la Haute-Marne (12 %) et la Manche (9 %).
393
Patients présentant les symptômes de l’infection ou étant reconnus atteint de la
covid 19,
âgés de plus de 70 ans, reconnus
atteint d’une affection grave et patientes enceintes.
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LA TÉLÉSANTÉ, DES OUTILS À METTRE AU SERVICE
DE LA COORDINATION DES SOINS
219
La sécurité des systèmes d’information et la protection
des données personnelles de santé dans le cadre de la télésanté
Les activités de télémédecine impliquent le traitement et stockage de
données personnelles de santé (comptes rendus d’actes, ordonnances,
dossier du patient soumis au médecin sollicité dans une téléexpertise,
données de la télésurveillance).
Pour prévenir le risque de dispersion d
es données en raison d’une
sécurité insuffisante de certaines solutions numériques et de la multiplicité
des acteurs, le code de la santé publique fixe des règles de sécurité des
systèmes d’information et de protection des données personnelles pour la
télé
santé. Les outils numériques doivent permettre l’authentification et
l’identification des professionnels de santé, et respecter la réglementation
en matière d’hébergement des données de santé à caractère personnel.
Toutefois, la politique générale de sécur
ité des systèmes d’information de
santé élaborée par l’Agence du numérique en santé (ANS) n’est pas
opposable aux utilisateurs de systèmes d’information de santé ou du secteur
médico-social, bien que la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre
système de santé permette de rendre obligatoire par arrêté les référentiels
techniques de l’ANS.
Les échanges et stockages de données sont soumis au règlement
général sur la protection des données (RGPD), qui impose aux responsables
de traitement la réalisati
on d’une étude d’impact du traitement des données
sur la protection des données personnelles, ainsi que la tenue d’un registre
des traitements de données effectués. Néanmoins, dans des organisations de
télésanté
associant
plusieurs
acteurs
–
médecins,
professionnels
paramédicaux, fournisseurs de solution technique
–
l’identification du
responsable de traitement n’est pas aisée. Aujourd’hui,
les professionnels
de santé réalisant les actes sont considérés par la règlementation comme des
responsables de traitement. Le rôle des fournisseurs de solutions techniques
reste de ce point de vue à préciser. La définition et la publication d’un
e
doctrine de répartition des responsabilités entre les acteurs est aujourd’hui
nécessaire pour sécuriser les activités de télésanté.
Les mesures dérogatoires relatives aux outils numériques ont très
probablement
joué
un
rôle
décisif
pour
permettre
l’essor
des
téléconsultations. Un tiers des médecins ont utilisé leur téléphone
uniquement avec le son pour réaliser ces actes et, s’agissant des moyens de
vidéotransmission, environ un tiers ont eu recours à des solutions de
messagerie grand public non sécurisées
394
. En pratique, les solutions non
394
Étude de la société Odoxa pour l’ANS, janvier 2021.
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COUR DES COMPTES
220
ou partiellement sécurisées ont levé les obstacles découlant du manque de
maturité des solutions numériques et de préparation des acteurs.
À compter du 20 mars 2020, l’ensemble des actes de
téléconsultations ont, par ailleurs, été remboursés à 100
% par l’assurance
maladie, au lieu de 70 % selon les conditions de droit commun qui
s’appliquent notamment aux consultations physiques. Cette mesure,
prorogée jusqu’au 31
décembre
2020, puis jusqu’au 31
décembre 2021 par
la LFSS 2021, aurait incité les deux-tiers des médecins ne pratiquant pas la
télémédecine à recourir aux téléconsultations
395
. La plupart des actes de
télésoin ont également été pris en charge à 100 %
396
. Justifiée par le délai
nécessaire aux professionnels pour acquérir des solutions techniques
permettant le paiement à distance du ticket modérateur par le patient, cette
mesure ne doit pas perdurer, les actes de télémédecine n’ayant pas vocation
à être remboursés à un niveau supérieur à leurs équivalents réalisés au
cabinet des professionnels ou au domicile des patients.
2 -
Un assouplissement en cours
de l’organisation territoriale des
téléconsultations
Dès le 9 mars 2020, un décret a permis de déroger au respect du
parcours de soins coordonné et à la connaissance préalable du médecin
pour les patients présentant les symptômes de l’infection ou reconnus
atteints de la covid 1
9. Ces mesures ont été depuis lors reconduites jusqu’à
l’été 2021.
Depuis lors,
l’
avenant 9 à la convention médicale, conclu le 30
juillet 2021 entre
l’Assurance maladie
et les syndicats de médecins, prévoit
d’
assouplir de façon pérenne le cadre conventionnel des téléconsultations
et de soutenir leur essor au-delà de la crise sanitaire. Cet avenant prévoit
notamment d’atténuer le principe de territorialité du recours à la
téléconsultation dans certaines zones, caractérisées par une offre de soins
insuffisante ou par des difficultés dans l’accès aux soins
397
L’effet de ces assouplissements mériter
a
d’être
observé de manière
attentive dès les premiers mois de leur mise en œuvre
pour vérifier
qu’ils
servent effectivement
l’objectif recherché de facilit
ation de l
’accès aux
soins.
395
Étude de la société Odoxa pour l’ANS, janvier 2021.
396
À l’exception de ceux dispensés par les psychomotriciens, les diététiciens et les
ergothérapeutes.
397
Zones prévues par
l’article
L. 1434-4 du code de la santé publique, parfois qualifiées
de zones sous-denses en offre de soins, voire de « déserts médicaux ».
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LA TÉLÉSANTÉ, DES OUTILS À METTRE AU SERVICE
DE LA COORDINATION DES SOINS
221
Avenant n
o
9 à la convention médicale et téléconsultations
Sous réserve de quelques exceptions, l
’avenant n
o
6 a encadré strictement
le recours à la téléconsultation, selon deux principes : celui de respect du
parcours de soins et celui de connaissance préalable du patient par le médecin.
Les patients doivent ainsi être orientés par leur médecin traitant
s’il ne réalis
e pas
la téléconsultation. Le médecin téléconsultant doit avoir vu les patients en
cabinet dans les 12 mois précédents.
En l’absence de médecin traitant, la
téléconsultation doit être réalisée par une organisation territoriale dite
« coordonnée »
398
.
L’objectif poursuivi est
que les téléconsultations ne créent
pas un système de soins parallèle, détaché de tout parcours de soins ancré dans
un territoire.
Toutefois, le nouvel avenant 9 à la convention médicale assouplit le
principe de parcours de soins pour les patients des zones caractérisées par une
offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l’accès aux soins
:
-
pour les téléconsultations de médecine générale, en l’absen
ce
d’organisation territoriale coordonnée, les patients qui n’ont pas de médecin
traitant désigné pourraient recourir à des professionnels médicaux exerçant
hors du territoire du patient ;
-
pour les téléconsultations d’autres spécialités, les patients po
urraient
également recourir à des professionnels hors territoire
en l’absence
d’organisation territoriale coordonnée, qu’ils aient ou n
on un médecin traitant
désigné ;
-
en cas d’échec d’une prise de rendez
-vous sur le territoire, un patient
orienté par le
régulateur du service d’accès aux soins pourrait également
déroger au principe de territorialité des téléconsultations.
Parmi ses autres principales clauses, cet avenant prévoit aussi de
supprimer pour l’ensemble des patients le principe de connaissance
préalable
en levant l’obligation d’au moins une consultation présentielle avec le même
médecin dans les douze mois précédent une téléconsultation. Il fixe également
un seuil maximal d
’activité de télémédecine correspondant à 20 % de l’activité
du médecin.
398
Il peut s’agir des maisons de santé pluriprofessionnelles, de centres de santé,
d’équipes de soins primaires, de communautés professionnelles territoriales de santé
(CPTS), ou d’autres organisations de médecins validées par les instances paritaires
conventionnelles.
L’objectif
était que les patients soient orientés vers un médecin
susceptible de devenir leur médecin traitant et qu’ils puissent bénéficier de consultations
en cabinet médical.
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COUR DES COMPTES
222
3 -
Des effets d’aubaine non maîtrisés
L’essor des téléconsultations et les dérogations
adoptées pendant la
crise
ont créé des effets d’aubaine, le système d’information de la Cnam ne
permettant pas d’identifi
er automatiquement les patients atteints de la
covid 19
ou susceptibles de l’être, ni de s’assurer de l’éligibilité du patient
au recours dérogatoire au téléphone. Certains professionnels de santé ont
ainsi facturé des conseils médicaux. Selon un sondage commandé par
l’ANS
403
, la proportion de téléconsultations réalisées avec des patients âgés
« qui avaient une question »
est passé de 20 % en octobre 2019 à 34 % en
novembre 2020. Selon une autre étude, réalisée par la société Doctolib en
avril 2020, 57 % des professionnels utilisant sa solution numérique ont
indiqué qu’après l’épidémie, la téléconsultation leur permettrait d’être
rémunérés pour les informations et conseils donnés auparavant aux patients
par SMS, email ou t
éléphone, c’est
-à-dire sans honoraire ni remboursement
par l’assurance maladie.
Or, la facturation de ces actes est contraire aux dispositions du code
de la santé publique. Les professionnels de santé ne peuvent exiger le
paiement d’une prestation qui ne c
orrespond pas directement à une
prestation de soins
404
; le simple avis ou conseil dispensé à un patient par
téléphone ou par correspondance ne peut donner lieu à aucun honoraire
405
.
Les actions de contrôle de la Cnam doivent prendre en compte les
risques associés à la télésanté de non-respect des règles définies par le cadre
conventionnel d’autant que la prise en charge à 100
% des téléconsultations
et du télésoin facilite la facturation d’actes fictifs. Certains points, que le
système
d’information
de
la
Cna
m
ne
permet
de
contrôler
automatiquement, comme le téléconseil ou le respect du parcours de soins,
devraient faire l’objet d’une attention particulière.
La Cnam a indiqué
élaborer en 2021 un plan de contrôle en prévision des vérifications à inclure
dans le futur cadre conventionnel.
403
Études de la société Odoxa pour l’ANS.
404
Article L. 1111-3-4 du code de la santé publique
405
Article R. 4127-53 du code de la santé publique.
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LA TÉLÉSANTÉ, DES OUTILS À METTRE AU SERVICE
DE LA COORDINATION DES SOINS
223
III -
Mettre la télésanté au service d’un meilleur
fonctionnement du système de soins
La télésanté devrait être mise au service de la coordination des
professionnels de santé, pour contribuer à l’amélioration de l’organisation
du système de soins et au décloisonnement des secteurs hospitaliers, de
ville et médico-social. O
r, elle n’est définie aujourd’hui dans le code de la
santé publique que comme un ensemble d’actes. Son financement, fondé
sur la rémunération d’actes, reflète cette conception. Sa contribution à la
transformation du système de santé nécessite de nouvelles organisations
appelant des mécanismes de tarification adaptés.
A -
Lever les freins organisationnels
au déploiement de la télésanté
1 -
Un rôle insuffisant des acteurs territoriaux
La mise en œuvre de la télésanté nécessite des changements
organisationnels impor
tants, qui constituent aujourd’hui encore des freins
à son déploiement. De ce point de vue, les structures d’exercice
coordonné
406
, dans le cadre de leur projet de santé, ont vocation à utiliser
la télésanté. Or, ces organisations jouent un rôle limité : les CPTS sont
encore peu nombreuses
407
et ont développé peu de projets de télésanté.
Enfin, des organisations coordonnées territoriales doivent, selon la
convention médicale, organiser les téléconsultations des patients n’ayant
pas de médecin traitant, mais, en septembre 2020, seules 23 organisations
étaient référencées comme proposant des téléconsultations.
La télésanté doit aussi être prise en compte dans l’offre de soins
hospitalière, en particulier par les projets médicaux partagés des
groupements hospitaliers de territoire. Les hôpitaux de proximité se sont
ainsi vu attribuer par la stratégie Ma Santé 2022 un objectif de
développement de la télémédecine au moyen de coopérations avec les
professionnels libéraux et grâce à des équipements dédiés.
406
Les CPTS, équipes de soins, maisons de santé pluriprofessionnelles et centres de
santé.
407
Début 2021, alors que l’objectif fixé est la création de 1
000 CPTS en 2022, seuls
111 contrats ACI-CPTS étaient signés.
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COUR DES COMPTES
224
2 -
Un accompagnement et une formation à renforcer
Les ARS mobilisent le fonds d’intervention régional pour financer
des
projets
de
télésanté,
mais
ces
dépenses
sont
aujourd’hui
essentiellement consacrées à des aides à l’équipement des structures et à
l’acquisition d’outils numériques
: seuls 20 % des 28
M€
408
dépensés en
2017 et 11 % des 27
M€ dépensés en 2018 étaient dédiés à des prestations
accompagnement, qui semblent pourtant indispensables à l’amélioration de
la coordination des soins.
La politique d’accompagn
ement global du développement de la
télémédecine est encore au stade de la définition. Le ministère chargé de la
santé,
l’HAS
et l’École des hautes études en santé publique ont conçu un
programme de formation destiné aux équipes de soins primaires, appelé
« Pacte soins primaires », qui comporte un volet consacré à la télémédecine
en ville. L’objectif est d’aider les promoteurs d’un projet de télémédecine
dans une unité de soin à en déterminer l’opportunité, à organiser son
élaboration, sa mise en œuvre et son suivi, et à accompagner l’évolution
des pratiques. Son déploiement, débuté en septembre 2020, a été
interrompu par la seconde vague de la crise sanitaire. Des travaux sont en
cours
avec l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements
de santé et médico-sociaux pour étendre ce programme à ces derniers.
L’aboutissement de ces projets, leur déploiement effectif et, concernant les
établissements de santé, leur articulation avec les projets médicaux
partagés des GHT, apparaissent essentiels pour le développement des
activités de télésanté en ville et en établissements.
Cette politique d’accompagnement doit de plus être articulée avec
les aides à l’équipement des professionnels et des structures. Ces dernières,
octroyées par les ARS et par l’assu
rance maladie apparaissent
insuffisamment adaptées : les financements accordés par les ARS ne font
pas l’objet d’un suivi permettant de connaître leurs destinataires et les aides
des caisses primaires d’assurance maladie financent indifféremment
l’équipeme
nt des cabinets médicaux ou paramédicaux, quels que soient les
publics ou les zones concernés.
La formation des professionnels de santé à l’élaboration de projets
de télésanté doit également être renforcée, prioritairement dans une logique
interprofessionnelle, afin de favoriser le décloisonnement des pratiques.
Identifiée notamment par la HAS comme un prérequis au développement
408
Ce montant exclut les dépenses des ARS consacrées aux expérimentations
« Étapes », financées par une enveloppe spécifique du fonds d
’intervention régional.
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LA TÉLÉSANTÉ, DES OUTILS À METTRE AU SERVICE
DE LA COORDINATION DES SOINS
225
de la télésanté, la formation était quasi inexistante avant la crise sanitaire,
alors même qu’elle fait l’objet d’obligations spéc
ifiques
409
. Cette carence
concerne principalement le développement professionnel continu des
professionnels de santé : si la télémédecine en est depuis 2019 une
orientation prioritaire, moins de 1 % des médecins et 0,1 % des auxiliaires
de santé ont été form
és à la télésanté de 2017 à 2020, faute d’une
priorisation suffisante des actions financées par l’Agence nationale du
développement professionnel continu, déjà relevée par la Cour
410
.
Parallèlement, le Fonds d’assurance formation de la profession
médicale a financé en 2019 des formations dans le domaine de la
télémédecine mais celles-ci sont limitées aux questions informatiques et
d’organisation personnelle des médecins
; en 2020, il n’a financé aucune
action spécifique dans le domaine de la télésanté. Enfin, la télésanté ne
constitue ni une action de formation nationale, ni un axe prioritaire de
formation des orientations prioritaires annuelles pour le développement des
compétences des personnels des établissements relevant de la fonction
publique hospitalièr
e, même si elle en est l’une des orientations depuis 2018.
3 -
Une nécessaire amélioration des outils numériques de télésanté
La télésanté rencontre aujourd’hui des obstacles d’ordre technique,
liés aux difficultés d’interopérabilité des outils numériques util
isés, freins
puissants à la coordination des acteurs du soin. Ces difficultés concernent
la réalisation des actes de télésanté eux-mêmes, lorsque le logiciel de
traitement des données issues des appareils de mesure connectés utilisés
par les infirmiers pou
r une téléconsultation assistée n’est pas interopérable
avec le logiciel de téléconsultation utilisé par le médecin, ou encore lorsque
les professionnels de santé impliqués dans une téléexpertise utilisent deux
outils différents non interopérables. Ces obstacles concernent aussi la
connexion entre les outils de télésanté et les logiciels utilisés par les
professionnels et établissements, dossiers numériques des patients,
logiciels de gestion de cabinet ou encore dossier médical partagé.
Face à cet enjeu, l’ANS a élaboré un cadre d’interopérabilité des
systèmes d’information de santé, qui regroupe un ensemble de normes à
respecter par les différents outils numériques. Ce cadre comporte deux
volets relatifs à la télésanté, concernant la mise en forme des comptes
409
L’article R.
6316-9 du code de la santé publique prévoit que les professionnels de
santé disposent de la formation et des compétences techniques requises pour
l’utilisation des dispositifs de télémédecine.
410
Cour des comptes
, L’Ag
ence nationale du développement professionnel continu,
2019, pp. 75-79, La Documentation française.
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226
rendus d’actes et la sollicitation d’une téléconsultation accompagnée ou
d’une téléexpertise. Il gagnerait à couvrir aussi la connexion entre les
dispositifs médicaux connectés et les outils de téléconsultation ou de
télésurveillance. Pas plus que la politique générale de sécurité des systèmes
d’information en santé, ce cadre d’interopérabilité n’a encore été rendu
contraignant. L’opposabilité de ces référentiels techniques est pourtant un
préalable à la mise à disposition des outils de télésanté dans l’
espace
numérique de santé et le bouquet de services aux professionnels, qui
fourniront les services de santé numérique respectivement aux patients et
aux professionnels de santé.
B -
Adapter le cadre financier
pour servir l’objectif
de coordination des soins
Afin de contribuer à la mise en place des organisations de
coordination des soins nécessaires, de nouveaux modes de financement
doivent compléter l’actuel système de financement des actes.
1 -
Des dépenses appelées à augmenter
Jusqu’en 2019, les dépenses publi
ques de télésanté étaient faibles et
essentiellement engagées par les ARS sur les crédits du fonds
d’intervention régional
: 29
M€ en 2017, 35
M€ en 2018 et 33
M€ en 2019,
dont respectivement 1
M€, 7
M€ et 6
M€ au titre des expérimentations
« Étapes ». À c
es montants s’ajoutent les remboursements d’actes de
téléconsultation et de téléexpertise par l’assurance maladie
411
, négligeables
en 2017, de 0,1
M€ en 2018 et de 3
M€ en 2019
412
, et les dépenses d’aide
à l’équipement des cabinets médicaux et centres de santé
413
pour 6
M€
versés en 2020 au titre de 2019.
411
Ces remboursements concernent les actes de téléconsultation et de téléexpertise à
compter de la signature de l’avenant n°6 à la convention médicale, mais
aussi,
auparavant, les actes de téléconsultation pour les patients entrant en Ehpad et de
téléexpertise pour les résidents en Ehpad, introduits par l’avenant n
o
2 à cette même
convention, signé en 2017.
412
De façon plus spécifique, les actes de dépistage de la rétinopathie diabétique par les
ophtalmologues et les orthoptistes, consistant en un examen à distance par
l’ophtalmologue de la rétinographie réalisée par l’orthoptiste, et le forfait de dialyse
péritonéale à domicile ont donné lieu respectivement à 1
M€ entre 2017 et 2019 et
24
M€ de dépenses entre 2017 et 2020.
413
À partir de 2019, le forfait structure des cabinets de médecins libéraux et des centres
de santé inclut des indicateurs pour les outils de vidéotransmission et les outils connectés.
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LA TÉLÉSANTÉ, DES OUTILS À METTRE AU SERVICE
DE LA COORDINATION DES SOINS
227
Tableau n° 24 :
dépenses relatives aux actes de téléconsultation,
téléexpertise et télésurveillance de 2017 à 2020 (en milliers d’euros)
Téléconsultations
Téléexpertises
Expérimentations
Étapes de
télésurveillance
2017
27
5
1
2018
147
20
1 181
2019
2 968
46
7 616
2020
473 733
303
14 109
Total
476 875
374
22 908
Source : système national des données de santé (SNDS), calculs de la Cnam (années 2017 à 2019)
et de la Cour des comptes (année 2020), données en date de remboursement, France entière
Ces dépenses sont appelées à croître, du fait de la forte augmentation
des usages amorcée depuis le début de la crise sanitaire ainsi que des
perspectives d’inscription de nouveaux actes au remboursement par
l’assurance maladi
e. Ainsi, dès 2020, les dépenses de téléconsultations ont
connu une très forte augmentation, atteignant 474
M€. Les équipements de
télésanté acquis en 2020 par les cabinets médicaux, centres de santé,
pharmacies et cabinets infirmiers devraient donner lieu en 2021 à des
dépenses importantes
414
, dont le montant n’est pas encore connu.
Avec le développement des usages, les dépenses de remboursement
d’actes d’accompagnement à la téléconsultation pourraient également
augmenter
415
. La future inscription au remboursement des actes de télésoin
devrait aussi donner lieu à de nouvelles dépenses, dont les montants sont
aujourd’hui difficiles à anticiper
: si ces actes ont été pris en charge par
anticipation, à titre transitoire, pendant la crise sanitaire, les montants
remboursés ne sont pas connus, car, faute de lettre-clé spécifique, ils ne
peuvent être distingués des actes équivalents réalisés en présence conjointe
du professionnel et du patient. Seul le télésuivi infirmier des patients
atteints de la covid 19 a été tracé : il a donné lieu à 0,8
M€ de dépenses en
2020.
Enfin, l’inscription au remboursement de la télésurveillance est
prévue comme un objectif des conclusions du Ségur de la santé et représente
414
Au titre du forfait-structure des médecins libéraux et des centres de santé, de la
participation forfaitaire à l’équipement des pharmaciens prévue par l’avenant n
o
15 à la
convention des pharmaciens d’officine et du forfait d’aide à la modernisation et à
l’informatisation du cabinet professionnel des infirmiers, prévu par l’avenant n
o
6 à la
convention des infirmiers.
415
L’accompagnement par les infirmiers n’a représenté que 0,5
M€ en 2020.
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COUR DES COMPTES
228
un important facteur potentiel de hausse des dépenses à compter de 2022, à
l’issue des expérimentations «
Étapes » dont la fin est prévue pour fin 2021.
L’acceptation au remboursement de dispositifs médicaux connectés utilisés
pour la télésurveillance est une autre source potentielle de coût pour
l’assurance maladie
. Un premier dispositif de télésurveillance consistant en
un simple logiciel
416
, utilisé pour la télésurveillance des patients atteints du
cancer du poumon, a ainsi été inscrit au remboursement en 2020.
Si certaines de ces dépenses n’induisent pas de coût ne
t pour
l’assurance maladie, du fait d’effets de substitution
417
, des risques de
surcoût sont néanmoins possibles. Les coûts associés à la télésurveillance,
par exemple, sont aujourd’hui difficiles à prévoir car ils dépendront du
déploiement concret de cette
activité, alors que les gains d’efficience
associés
sont
incertains
car
conditionnés
à
des
changements
organisationnels. Ils doivent donc être favorisés par des modèles financiers
qui soutiennent de tels changements.
2 -
La nécessité d’un modèle de financement
complémentaire
au financement à l’acte
Le modèle de financement des téléconsultations et téléexpertises
adopté par l’avenant n
o
6 à la convention entre les médecins libéraux et
l’assurance maladie repose sur le remboursement des actes. Le tarif de la
téléconsultation est ainsi identique à celui de la consultation physique
quelle que soit la spécialité, avec une possibilité de dépassements
d’honoraires et une prise en charge par l’assurance maladie obligatoire de
70 % du tarif (hors période de crise).
L’avenant n
o
9 à la convention
médicale a simplifié les tarifs prévu pour les téléexpertises
par l’avenant 6
en retenant désormais des tarifs uniques
418
de 20
€ pour les médecins requis
et de 10
€ pour les requérants, assortis d’un plafond de quatre téléexpertises
par an et par patient.
En établissement de santé, les actes de télémédecine pour des
patients hospitalisés ne sont pas directement facturables
à l’assurance
maladie lorsque le financement du séjour hospitalier inclut les honoraires
416
Les patients remplissent des questionnaires sur leur état de santé, dont les réponses sont
traitées par un algorithme qui génère des alertes transmises aux professionnels de santé.
417
Les dépenses de téléconsultations de 2020 ne compensent pas la forte diminution
des dépenses de consultations induites par la crise sanitaire.
418
C
et avenant pérennise l’ouverture des téléexpertises à l’ensemble des patients qui
avait été décidée pendant la crise sanitaire.
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LA TÉLÉSANTÉ, DES OUTILS À METTRE AU SERVICE
DE LA COORDINATION DES SOINS
229
des médecins (tarifs de séjours, dotation annuelle de financement)
419
. Dans
les établissements médico-sociaux où les honoraires des médecins
généralistes et gériatres sont compris dans le financement, notamment les
Ehpad financés au tarif global de soins, les actes de télémédecine réalisés
par les médecins généralistes et gériatres, dont les honoraires sont compris
dans le tarif, ne sont pas facturés à l’assurance maladie
; les actes des
infirmières salariées des établissements, dont le financement est prévu dans
le forfait de soins, ne sont pas non plus facturables, alors même que
l’accompagnement à la téléconsultation peut être coûteux en temps. Ainsi,
alors que les usages en établissement sanitaire ou médico-social sont peu
développés, la logique actuelle de financement forfaitaire n’est pas
incitative au développement de la télésanté. C’est particulièrement le cas
de la télésurveillance : en diminuant les hospitalisations et en se substituant
aux séjours hospitaliers lors desquels sont traditionnellement réalisés les
suivis de patients, les actes de télésurveillance ont vocation à diminuer le
nombre de séjours ou de venues à l’hôpital.
Le développement de la télésanté dans les établissements devrait
donc être soutenu par son inclusion dans les modèles tarifaires. Plusieurs
pistes pourraient être suivies à cet effet. Les financements innovants à
l’épisode de soins pourraient être mobilisés pour inclure dans certains tarif
s
les complications et ré-hospitalisations
420
, de même que les consultations de
pré-
anesthésie. L’introduction de volets liés à la qualité et à la pertinence des
prises en charge dans les financements forfaitaires constituerait aussi une
voie de financement incitatif de la télésanté
421
. Une autre logique serait
d’intéresser les établissements aux économies réalisées grâce à la
télésanté
422
.
419
Les actes de télémédecine sont en revanche remboursables selon les mêmes règles
qu’en ville pour les patients non hospitalis
és, selon le régime des actes et consultations
externes.
420
Le rapport sur la réforme des modes de financement et de régulation, de la taskforce
« Réforme du financement du système de santé », publié en 2019, fait cette proposition.
Cf. le chapitre 4 du présent rapport « Soins de suite et de réadaptation, soins
psychiatriques, accueil des personnes âgées dépendantes et des personnes handicapées :
dix ans de réformes inabouties du financement des établissements et services
».
421
À titre d’exemple, la Cour rec
ommandait en 2019 de substituer aux tarifs en vigueur
pour la dialyse un tarif unique par patient dialysé, avec des majorations et minorations
selon l’état de ce dernier et les résultats des traitements, ce tarif devant intégrer les frais
de transports, d’
examens biologiques et de supplémentations nutritionnelles
.
422
S’inscrit dans cette logique, la proposition, portée par la Cnam dans son rapport
« Charges et produits
» pour 2020 de juillet 2019, de financer, dans le cadre d’une
expérimentation au titre du
dispositif de l’article 51 de la LFSS 201, des pôles
hospitaliers ambulatoires, intégrant notamment des prises en charge par télémédecine,
financés selon un modèle créant un intéressement financier des hôpitaux aux économies
réalisées par les hospitalisations évitées.
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230
Par ailleurs, le financement à l’acte de la télésanté n’incite pas non
plus à l’apparition d’organisations de coopération
entre professionnels de
santé ou entre secteurs des soins de ville, hospitaliers et médico-sociaux,
qui sont pourtant indispensables à des pratiques porteuses de gains de
qualité et d’efficience. Pour cela, des modèles de financements alternatifs
sont nécessaires. Certains sont actuellement expérimentés, qui se
substituent au paiement à l’acte
423
: le financement à l’épisode de soins,
partagé entre la ville et l’hôpital
; l’intéressement, fondé sur des indicateurs
de qualité et de dépenses, de regroupements de professionnels de santé
libéraux, en sus de leur rémunération conventionnelle individuelle ; ou
encore la rémunération d’une structure de soins de ville, comme une
maison de santé, pour une patientèle donnée, en fonction notamment de la
qualité de la prise en charge.
Pour que la télésanté se développe de façon plus efficiente, son
financement ne devrait donc pas relever exclusivement d’une tarification à
l’acte, mais être aussi fondé sur les modèles issus de
ces expérimentations.
423
Notamment dans le cadre du dispositif mis en place par l’article 51 de la LFSS 2018.
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LA TÉLÉSANTÉ, DES OUTILS À METTRE AU SERVICE
DE LA COORDINATION DES SOINS
231
__________ CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS __________
La crise sanitaire a donné lieu à un essor des téléconsultations et à
une prise de conscience du potentiel de la télésanté, notamment de la
télésurveillance. Alors que le changement culturel nécessaire au
déploiement de la télésanté a ainsi eu li
eu, les freins au déploiement d’une
télésanté qui contribue à l’amélioration du système de santé restent
présents. Les téléconsultations qui se sont multipliées pendant la crise
sanitaire sont essentiellement des actes de substitution aux consultations
réalisées habituellement en présentiel, non ciblés sur les publics ou les
zones pour lesquels l’accès aux soins doit être amélioré. Très utile durant
cette période exceptionnelle, il conviendra néanmoins, au terme de la crise
sanitaire, que ce type d’utilisat
ion des téléconsultations cesse de bénéficier
des conditions dérogatoires permises depuis le printemps 2020. Là où les
patients ont un accès satisfaisant au système de santé, les ressources
publiques n’ont en effet pas vocation à financer le développement
non
maîtrisé d’actes de télésanté, qui se surajoutent au mode de recours
traditionnel à la médecine de ville.
À l’inverse, il est nécessaire de redonner la priorité
:
-
premièrement, à une télésanté qui soutienne une coordination des
soins effective, à la fois par des financements adaptés à cet objectif,
en
particulier
pour
contribuer
au
développement
de
la
télésurveillance, par des dispositifs d’accompagnement à la mise en
œuvre de projets de télésanté et par une définition du rôle des
organisations locales
en matière de télésanté, qu’il s’agisse des
groupements hospitaliers de territoires, des hôpitaux de proximité
ou encore des structures d’exercice coordonné, comme les CPTS
;
-
deuxièmement, au déploiement de la télésanté ciblé sur les
populations et les zon
es pour lesquelles l’accès aux soins doit
encore être amélioré. Zones à faible densité médicale, patients
détenus, résidents en établissements médico-sociaux et patients
atteints de maladies chroniques, doivent ainsi être les principaux
bénéficiaires de la
télésanté. Les politiques publiques d’équipement
en outils de télésanté, que ce soit par le biais du FIR ou par les
forfaits structures des professionnels libéraux, doivent être ciblés
sur ces publics et zones.
Enfin, en soutien de ces deux objectifs et des usages souhaités, les
pouvoirs publics doivent faciliter l’accélération des travaux techniques
permettant la mise en relation des professionnels de santé entre eux et avec
leurs patients, et l’échange des données nécessaires aux soins dispensés à
ces derniers.
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232
La Cour formule ainsi les cinq recommandations suivantes :
19.
accompagner le développement de la télésanté dans une logique de
coordination des soins en mobilisant prioritairement les GHT, les
hôpitaux de proximité et les structures d’exercice
coordonné et en
prévoyant, dans les chantiers de réforme tarifaire, des modes de
financement autres que le paiement à l’acte
(ministère chargé de la
sécurité sociale et de la santé) ;
20.
cibler les politiques d’aide à l’équipement des ARS et de la Cnam sur
les zones et les publics prioritaires (ministère chargé de la sécurité
sociale et de la santé, Cnam) ;
21.
renforcer l’interopérabilité des systèmes d’information de télésanté en
rendant contraignant le respect des référentiels nationaux et en
incluant dans ces derniers l’interopérabilité avec les dispositifs
médicaux connectés (ministère chargé de la sécurité sociale et de la
santé) ;
22.
évaluer les effets des assouplissements apportés par l
’avenant 9 à la
convention médicale en matière de parcours de soins coordonné et de
connaissance préalable du médecin (ministère chargé de la sécurité
sociale et de la santé, Cnam) ;
23.
mettre fin à la prise en charge à 100 % (ministère chargé de la sécurité
sociale et de la santé, Cnam) et élaborer un plan de contrôle a
posteriori de la facturation de ces actes (Cnam).
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