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DEUXIÈME CHAMBRE
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Quatrième section
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Arrêt n° S2021-1662
Audience publique du 8 juillet 2021
Prononcé du 17 septembre 2021
CHAMBRE DÉPARTEMENTALE
D’AGRICULTURE DU
TARN
Exercices 2018 et 2019
Rapport n° R 2021-0638
République Française,
Au nom du peuple français,
La Cour,
Vu le réquisitoire n° 2021-3 en date du 24 février 2021, par lequel la Procureure générale près
la Cour des comptes a saisi la juridiction de charges
soulevées à l’encontre
de M. X, agent
comptable de la c
hambre départementale d’agriculture du Tarn
, au titre des exercices 2018 et
2019, notifié le 26 février 2021 au comptable concerné ;
Vu les comptes rendus en qualité de comptable de la c
hambre départementale d’agriculture
du Tarn par M. X, du 1
er
janvier 2018 au 31 décembre 2019 ;
Vu les justifications produites au soutien des comptes en jugement ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu l’article
60 modifié de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;
Vu le code rural et de la pêche maritime, ainsi que les lois, décrets et règlements sur la
comptabilité des établissements publics nationaux à caractère administratif et les textes
spécifiques applicables aux chambres d'agriculture, notamment les instructions codificatrices
M92 du 22 mai 2003 et M91 du 21 décembre 2010 ;
Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable
publique ;
Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI
de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié dans sa rédaction issue de l’article 90 de
la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;
Vu l’arrêté
du ministre des finances et des comptes publics du 13 avril 2016 fixant la liste des
pièces justificatives des dépenses des organismes soumis au titre III du décret n° 2012-1246
du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;
Vu l’arrêté du ministre de l’action et des comptes publics du 31 janvier 2018 fixant la liste des
pièces justificatives des dépenses des organismes soumis au titre III du décret n° 2012-1246
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du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, a
brogeant l’arrêté
susvisé ;
Vu les réponses aux questions du rapporteur produites par M. X les 16, 19 et 27 avril 2021 ;
Vu le rapport n° R 2021-0638 à fins
d’arrêt de
M. François DÉMARET, conseiller référendaire,
magistra
t chargé de l’instruction
;
Vu les conclusions n° 366 de la Procureure générale du 2 juillet 2021 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Entendu lors de l’audience publique du
8 juillet 2021, M. François DÉMARET, conseiller
référendaire, en son rapport, M. Pierre VAN HERZELE, avocat général, en les conclusions du
ministère public,
les parties informées de l’audience n’étant ni présentes, ni représentées
;
Entendu en délibéré M. Philippe GEOFFROY, conseiller maître, réviseur, en ses
observations ;
Sur la charge unique
soulevée à l’encontre de
M. X au titre des exercices 2018 et 2019
1. Attendu que, par le réquisitoire susvisé, la Procureure générale a saisi la Cour des comptes
de la responsabilité encourue par M. X à raison de la prise en charge de deux mandats
d’admission en non
-valeur n° 2423 du 31 décembre 2018 et n° 2146 du 31 décembre 2019
sur le fondement de pièces justificatives insuffisantes
; qu’en effet, le comptable aurait procédé
à ces opérations alors q
u’il ne disposait pas d’une délibération
de la session les autorisant ;
2. Attendu que les paiements ainsi effectués sans vérifier si l'ensemble des pièces requises
avaient été fournies, ni si ces pièces étaient complètes, précises et cohérentes au regard de
la nature de la dépense telle qu'elle a été ordonnancée, seraient présomptifs d'irrégularités
susceptibles de fonder la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire du
comptable pour défaut de contrôle de la validité de la dette ;
Sur le droit applicable
3.
Attendu qu’aux termes du I de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, «
les
comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables du recouvrement
des recettes, du paiement des dépenses
» et «
des contrôles qu'ils sont tenus d'assurer en
matière de recettes, de dépenses et de patrimoine dans les conditions prévues par le
règlement général sur la comptabilité publique
» ; que leur responsabilité personnelle et
pécuniaire «
se trouve engagée dès lors
(…)
qu'une re
cette n'a pas été recouvrée, qu’une
dépense a été irrégulièrement payée
(…) »
;
4.
Attendu qu’aux termes de l’article 18 du décret du 7 novembre 2012 susvisé, «
le comptable
public est seul chargé
(…)
7° du paiement des dépenses
(…) » ; qu’aux termes de ses
articles
19 et 20, «
le comptable public est tenu d’exercer le contrôle
(…) 2°
s’agissant des ordres de
payer
(…) d)
de la validité de la dette
», qui porte notamment sur «
la production des pièces
justificatives
» ; qu’aux termes de
l’article 38 du mê
me décret, «
lorsqu’à l’occasion de
l’exercice des contrôles prévus au 2° de l’article 19 le comptable public a constaté des
irrégularités ou des inexactitudes dans les certifications de l’ordonnateur, il suspend le
paiement et en informe l’ordonnateur
» ;
5.
Attendu qu’aux termes de l’article 193 du même texte,
« Sur délibération de l'organe
délibérant prise après avis de l'agent comptable, les créances de l'organisme peuvent faire
l'objet :
(…)
3° D'une admission en non-valeur, lorsque la créance est irrécouvrable ;
(…)
Dans
la limite d'un seuil fixé par l'organe délibérant, celui-ci peut déléguer à l'ordonnateur son
pouvoir de décision »
;
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6.
Attendu que l’annexe de l’arrêté du
13 avril 2016 susvisé prévoit, au point 2.3
. « Admission
en non-valeur ou remise
gracieuse d’une créance détenue par l’organisme public
»
, la
production des pièces suivantes :
«
délibération de l’organe délibérant après avis de l’agent
comptable »
ou
«
décision de l’ordonnateur par délégation de l’organe délibérant dans la limite
d’un
seuil fixé par ce dernier »
;
que l’annexe de l’arrêté du 31 janvier 2018 susvisé
comporte
au même point des dispositions identiques ;
7.
Attendu qu’aux termes de l’article R. 511
-54-1 du code rural et de la pêche maritime, «
La
chambre d'agriculture, réunie en session, règle par ses délibérations les affaires de
l'établissement.
(…)
Dans les limites qu'elle détermine, la session peut déléguer au bureau les
attributions mentionnées aux 3°, 9°, 10°, 11°, 12°, 13°, 14° et 16°
(…)
» ;
Sur les faits
8. Attendu que le
mandat n° 2423 du 31 décembre 2018 était appuyé d’une délibération du
bureau du 21 décembre
2018 et d’une
« décision financière » du président de la chambre
d’agriculture du Tarn autorisant l’admission en non
-valeur de 60 créances pour un montant
total de 1
984,52 €
;
qu’à l’appui du
mandat n° 2146 du 31 décembre 2019 figurait une
délibération du bureau du 13 décembre 2019
autorisant l’
admission en non-valeur de
49
créances pour un montant total de 1 980,03 €
;
Sur les éléments apportés à décharge par le comptable
9. Attendu que le comptable
n’a pas produit de réponse au réquisitoire
; qu’à l’appui de
réponses aux questions du rapporteur, il lui a communiqué deux délibérations de la session,
en date des 12 mars 2018 et 17 juin 2019, donnant pouvoir au bureau pour modifier le budget
général pendant l’intervalle des sessions de la chambre d’agriculture
;
Sur l’existence d’un manquement
10. Attendu que dans ses conclusions
sur le rapport à fins d’arrêt
, la Procureure générale a
estimé que les délibérations du bureau des 21 décembre 2018 et 13 décembre 2019 pouvaient
être regardées comme des délibérations de l’organe délibérant au sens des dispositions
précitées de l’article
193 du décret du 7 novembre 2012 et de la rubrique 2.3 de la
nomenc
lature jointe à l’arrêté du 13 avril 2016
puis
à l’arrêté du 31 janvier 2018
; que le
représentant du ministère public a justifié cette conclusion
, d’une part,
par le constat que
l’article
D. 511-54-1 du code rural et de la pêche maritime ne mentionne pas expressément
les admissions en non-valeur dans la liste des opérations relevant de la compétence de la
chambre d’agriculture réunie en session
et, en conséquence, ne prévoit pas non plus la
possibilité que cette instance en délègue la décision au bureau et,
d’autre part,
par l’analyse
selon laquelle
, compte tenu de l’ampleur de ses attributions,
le bureau prévu par
l
’article
D. 511-63 du même code
constituerait l’émanation de la session
;
11. Attendu
qu’au soutien de ce dernier point, le parquet
a fait plus particulièrement valoir que
les dispositions de l’article
D. 511-76 du code rural et de la pêche maritime, aux termes
desquelles
«
la chambre d’agriculture peut, par délibération spéciale, donner pouvoir à son
bureau de se prononcer en ses lieu et place sur toute modification du budget général proposée
par le président, pendant l’intervalle des sessions
»
, permettraient de pallier le faible nombre
et la durée limitée des réunions annuelles de la session
; qu’en effet, l’existence d’un bureau
doté
de pouvoirs étendus serait d’autant plus nécessaire qu’aux termes de l’article
D. 511-54
du même code,
«
les chambres d’agriculture se réunissent, au moins deux fois l’an, en session
d’une durée maximale de deux semaines
»
;
12. Attendu que la Procureure générale a également soutenu que, dans ces conditions,
considérer que les délibérations du bureau seraient des pièces insuffisantes reviendrait à
reprocher au comptable de ne pas avoir relevé qu’elles émanaient d’une autorité
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incompétente, c’est
-à-dire de ne pas avoir procédé à un contrôle de leur légalité, ce qui lui est
interdit ;
13. Attendu que
l’admission d’une créance
en non-valeur, qui la fait sortir des comptes de
l’organisme public
concerné
et décharge ainsi le comptable, pour l’avenir, de son obligation
de réaliser les diligences nécessaires pour en assurer le
recouvrement, ne s’identifie pas à
une modification du budget de cet organisme
; qu’en conséquence les délibérations des
12 mars 2018 et 17 juin 2019, par lesquelles la
chambre d’agriculture
avait seulement donné
pouvoir au bureau d’adopter en ses lieu et place les modifications budgétaires proposées par
son président entre ses réunions, ne pouvaient en aucun cas
s’analyser comme des
délégations données par la session au bureau de la chambre
d’agriculture en matière
d’admission en non
-valeur ;
14. Attendu
qu’il résulte des dispositions précitées de l’article
R. 511-54-1 du code rural et de
la pêche maritime
que, dans une chambre d’agriculture, la session est la seule instance
compétente pour régl
er par ses délibérations les affaires de l’établissement
;
qu’en application
des dispositions précitées
de l’article
193 du décret du 7 novembre 2012, la session est
notamment compétente pour statuer sur l’admission en non
-valeur des créances
irrécouvrables ; que
la circonstance que l’article
D. 511-54-1
n’ait pas expressément prévu la
possibilité
qu’elle
délègue au bureau sa compétence dans ce domaine est indifférente à cet
égard ;
qu’au demeurant,
le silence sur ce
point de l’article D.
511-54-1 est cohérent avec le
fait que
l’article
193 du décret du 7 novembre 2012
n’offre à l’organe délibérant d’un
établissement public la possibilité de déléguer son pouvoir de décider les admissions en non-
valeur qu’au seul ordonnateur, dans la limite d’un seuil fixé pa
r ses soins ;
15. Attendu
qu’il se déduit de cet ensemble d’éléments qu’une délibération du bureau
prise en
l’absence de délégation de la session
ne saurait constituer la «
délibération de l’organe
délibérant »
dont la rubrique 2.3 de la liste des pièces justificatives des dépenses jointe à
l’arrêté du 13
avril 2016 susvisé prévoit la production à l’appui d’un mandat d’admission en
non-valeur ; que le constat
qu’une
telle pièce
n’est pas une délibération de la session
ne
procède pas d’un contrôle de
sa légalité qu
i, comme l’a souligné le représentant du ministère
public, ne relève pas de la compétence du comptable, mais seulement de sa matérialité,
auquel il lui appartient de procéder au titre du contrôle de la production des justifications ;
16. Attendu que, de la même façon, il est constant que la « décision financière » du président
jointe au mandat n° 2423 du 31 décembre 2018
n’a pas été prise sur délégation de la session
de la chambre d’agriculture
; qu’elle
ne pouvait donc pas non plus tenir lieu de
« décision de
l’ordonnateur par délégation de l’organe délibérant dans la limite d’un seuil fixé par ce
dernier »
au sens de la même rubrique ;
17.
Attendu qu’il résulte de ce qui précède que M.
X a manqué à son obligation de contrôle de
la validité de la dette, lequel comprend celui de la production des pièces justificatives
; qu’il y
a lieu d’engager de ce chef
sa responsabilité au titre des exercices 2018 et 2019 ;
Sur l’existence d’un
préjudice
18. Attendu
qu’il
ressort des pièces du dossier que les créances admises en non-valeur sur le
fondement des mandats visés dans le réquisitoire, dont les montants unitaires s’inscrivaient
dans une échelle de 14 à 150
€, ont fait l’objet de quatre niveaux de relance, allant dans la
plupart des cas jusqu’à une mise en demeure adressée au débiteur par lettre recommandée
avec demande d’accusé de réception
;
que compte tenu de la nature, de l’ancienneté et de
la
modicité des sommes en cause, les diligences ainsi réalisées paraissent suffisantes ;
qu’
il en
résulte que
l’admission en non
-valeur de ces créances était fondée et que le manquement du
comptable n'a donc pas causé de préjudice financier à la chambre départementale
d'agriculture du Tarn ;
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19. Attendu
qu’aux termes des dispositions du deuxième alinéa du VI de l’article 60
susvisé
de la loi du 23 février 1963, «
lorsque le manquement du comptable
(…)
n’a pas causé de
préjudice financier à l’organisme public
concerné, le juge des comptes peut l’obliger à
s’acquitter d’une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances
de l’espèce
» ; que le décret du 10 décembre 2012 susvisé fixe le montant maximal de cette
somme à un millième et demi du montant du cautionnement prévu pour le poste comptable,
soit en l’espèce
57
€ au titre des exercices 2018 et 2019
;
20. Attendu que, compte tenu des circonstances
de l’espèce, il y a lieu d’arrêter cette somme
à 40
pour chacun des exercices 2018 et 2019 ;
Par ces motifs,
DÉCIDE :
Au titre de l’exercice
2018
Article 1
er
.
M. X
devra s’acquitter d’une somme de
40
€, en application
du deuxième alinéa
du VI
de l’article 60 de la loi n°
63-156 du 23 février 1963
; cette somme ne peut faire l’objet
d’une remise gracieuse en vertu du IX
du même article.
Au titre de l’exercice
2019
Article 2.
M. X
devra s’acquitter d’une somme de 40 €, en application du deuxième alinéa du
VI de
l’article 60 de la loi n°
63-156 du 23 février 1963
; cette somme ne peut faire l’objet d’une
remise gracieuse en vertu du IX du même article.
Article 3.
La décharge de M. X
ne pourra être donnée qu’après apurement de
s sommes à
acquitter, fixées ci-dessus.
Présents : M. Louis VALLERNAUD, président de section, président de la formation,
MM. Philippe GEOFFROY, Gilles MILLER, Jacques BASSET et Paul de PUYLAROQUE,
conseillers maîtres.
En présence de Mme Stéphanie MARION, greffière de séance.
Stéphanie MARION
Louis VALLERNAUD
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur
ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la
République près les tribunaux judiciaires
d’y tenir la main, à tous comm
andants et officiers de
la force publique de prêter main-
forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
Conformément a
ux dispositions de l’article R.
142-20 du code des juridictions financières, les
arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation
présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’État dans le
délai de deux mois à compter de la notification de l’acte. La révision d’un arrêt peut être
demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce dans les conditions
prévues au I de l’article R.
142-19 du même code.